Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant VI (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE VI
LA DESCENTE AUX ENFERS
Arrivée dans le monde souterrain (6, 264-425)
Invocation - Vestibule lugubre (6, 264-294)
Le poète demande aux dieux des Enfers la permission de raconter ce voyage souterrain ; puis, Énée et la Sibylle s'avancent seuls dans l'obscurité (6, 264-272).
À l'entrée, ils aperçoivent, dans une atmosphère inquiétante, des personnifications évoquant les durs aspects de la condition humaine ; puis au centre d'une cour, ils voient l'arbre des Songes mensongers et divers monstres de la mythologie, ombres inconsistantes, qu'Énée chercherait à combattre si la Sibylle ne l'en dissuadait (6, 273-294).
Di, quibus imperium est animarum, umbraeque silentes, |
Dieux, souverains des âmes, Ombres silencieuses, | |
et Chaos, et Phlegethon, loca nocte tacentia late, sit mihi fas audita loqui ; sit numine uestro pandere res alta terra et caligine mersas ! Ibant obscuri sola sub nocte per umbram, perque domos Ditis uacuas et inania regna : |
Chaos et
Phlégéthon, lieux muets étendus dans la nuit, puissé-je dire ce que j'ai entendu, révéler, avec votre accord, les secrets enfouis dans les sombres profondeurs de la terre. Ils allaient, ombres obscures dans la solitude de la nuit, à travers les demeures vides de Dis et son royaume inconsistant : |
6, 265 |
quale per incertam lunam sub luce maligna est iter in siluis, ubi caelum condidit umbra Iuppiter, et rebus nox abstulit atra colorem.
Vestibulum ante ipsum, primisque in faucibus Orci Luctus et ultrices posuere cubilia Curae ; |
ainsi va-t-on dans les bois, à la lueur ingrate d'une lune incertaine, quand Jupiter dans l'ombre a enfoui les cieux dans l'ombre, et quand la nuit noire a enlevé aux choses leur couleur.
Devant le vestibule même, tout à l'entrée d'Orcus, les Pleurs et les Soucis vengeurs ont posé leurs demeures ; |
6, 270 |
pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus, et Metus, et malesuada Fames, ac turpis Egestas, terribiles uisu formae : Letumque, Labosque ; tum consanguineus Leti Sopor, et mala mentis Gaudia, mortiferumque aduerso in limine Bellum, |
les pâles Maladies et la triste Vieillesse y habitent,
la Crainte, et la Faim, mauvaise conseillère, et la honteuse Indigence, figures effrayantes à voir, et le Trépas et la Peine ; puis la Torpeur, soeur du Trépas, et les Joies malsaines de l'esprit, ainsi que, sur le seuil en face, la Guerre porteuse de mort, |
6, 275 |
ferreique Eumenidum thalami, et Discordia demens, uipereum crinem uittis innexa cruentis. In medio ramos annosaque brachia pandit ulmus opaca, ingens, quam sedem Somnia uolgo uana tenere ferunt, foliisque sub omnibus haerent. |
et les chambres bardées de fer des
Euménides, et la Discorde insensée, avec sa chevelure vipérine entrelacée de bandelettes ensanglantées. Au centre d'une cour, étendant ses rameaux et ses bras chargés d'ans, se dresse un orme touffu, immense : selon la légende, les Songes vains y ont leur siège et restent collés sous chacune des feuilles. |
6, 280 |
Multaque praeterea uariarum monstra ferarum : Centauri in foribus stabulant, Scyllaeque biformes, et centumgeminus Briareus, ac belua Lernae horrendum stridens, flammisque armata Chimaera, Gorgones Harpyiaeque et forma tricorporis umbrae. |
En outre apparaissent
aussi une foule variée de bêtes monstrueuses : Centaures ayant leur étable à l'entrée, Scylla à double forme, et Briarée aux cent bras et la bête de Lerne, à l'horrible sifflement, et Chimère tout armée de flammes, Gorgones et Harpyes, et la forme d'une ombre à trois corps. |
6, 285 |
Corripit hic subita trepidus formidine ferrum Aeneas, strictamque aciem uenientibus offert, et, ni docta comes tenues sine corpore uitas admoneat uolitare caua sub imagine formae, inruat, et frustra ferro diuerberet umbras. |
Ici, tout
tremblant d'une crainte soudaine, Énée saisit son épée, la dégaine et la pointe vers ceux qui arrivent et, si sa docte compagne ne l'avertissait que ce ne sont là que vies ténues voltigeant sans corps sous l'image d'une forme vide, il se ruerait et de son arme pourfendrait vainement les ombres. |
6, 290 |
Au bord de l'Achéron - Palinure (6, 295-383)
Régnant sur les fleuves des Enfers, le passeur Charon choisit parmi la foule pressée ceux qu'il admettra dans sa barque, écartant les autres de la rive (6, 295-316).
La prêtresse explique à Énée intrigué que les « refoulés » sont les morts restés sans sépulture, condamnés à errer pendant cent années avant d'être admis à la traversée. Énée, ému par un sort si injuste, distingue alors, dans la foule, d'anciens compagnons disparus en mer, et notamment son pilote Palinure (6, 317-339).
Après avoir raconté à Énée les circonstances de sa mort, due à la tempête et à l'hostilité des habitants du rivage d'Italie, Palinure supplie qu'on l'inhume, ou du moins qu'on l'admette avec Énée dans l'autre monde, même sans avoir reçu de sépulture. La prêtresse rejette cette requête impossible et console le malheureux en lui apprenant que le « cap Palinure » servira à honorer sa mémoire (6, 340-383).
Hinc uia, Tartarei quae fert Acherontis ad undas. Turbidus hic caeno uastaque uoragine gurges aestuat, atque omnem Cocyto eructat harenam. Portitor has horrendus aquas et flumina seruat terribili squalore Charon, cui plurima mento |
De
là part la voie qui mène aux ondes de l'Achéron du
Tartare. Ici un gouffre aux eaux fangeuses, agité de vastes remous bouillonne et crache tout son sable dans le Cocyte. Un portier effrayant surveille ces eaux et ces fleuves, c'est Charon à la saleté repoussante : son menton est couvert |
6, 295 |
canities inculta iacet ; stant lumina flamma, sordidus ex umeris nodo dependet amictus. Ipse ratem conto subigit, uelisque ministrat, et ferruginea subuectat corpora cymba, iam senior, sed cruda deo uiridisque senectus. |
de poils blancs et hirsutes,
ses yeux fixes sont pleins de flammes ; un manteau sordide, retenu par un noeud, pend sur ses épaules. À l'aide d'une perche, il pousse son radeau, manoeuvre les voiles, et dans sa barque couleur de rouille il transporte les corps défunts ; assez vieux déjà, mais de la vieillesse vive et verte d'un dieu. |
6, 300 |
Huc omnis turba ad ripas effusa ruebat, matres atque uiri, defunctaque corpora uita magnanimum heroum, pueri innuptaeque puellae, impositique rogis iuuenes ante ora parentum : quam multa in siluis autumni frigore primo |
À cet endroit, se pressait toute
une foule dispersée
près des rives : des mères et des époux, et les corps sans vie de héros magnanimes, des enfants et de jeunes fillettes, des jeunes gens exposés sur un bûcher sous les yeux de leurs parents ; innombrables comme les feuilles qui, dans les forêts, glissent et tombent au premier froid de l'automne, |
6, 305 |
lapsa cadunt folia, aut ad terram gurgite ab alto quam multae glomerantur aues, ubi frigidus annus trans pontum fugat, et terris immittit apricis. Stabant orantes primi transmittere cursum, tendebantque manus ripae ulterioris amore. |
ou comme les myriades d'oiseaux qui, venus du large
vers la terre, se rassemblent, dès que la froide saison les fait fuir au-delà de la mer et les envoie vers des terres de soleil. Ils restaient debout, suppliant de pouvoir traverser les premiers, et tendaient les mains, dans leur désir de l'autre rive. |
6, 310 |
Nauita sed tristis nunc hos nunc accipit illos, ast alios longe submotos arcet harena.
Aeneas, miratus enim motusque tumultu, « Dic » ait « O uirgo, quid uolt concursus ad amnem ? Quidue petunt animae, uel quo discrimine ripas |
Mais l'impitoyable
Nocher accepte tantôt ceux-ci,
tantôt ceux-là, refoulant les autres loin à l'écart du rivage.
Énée, étonné et ému par ce tumulte, dit : « Dis-moi, vierge, que signifie ce rassemblement près du fleuve ? Que veulent ces âmes ? selon quel critère certaines quittent la rive |
6, 315 |
hae linquunt, illae remis uada liuida uerrunt ? » Olli sic breuiter fata est longaeua sacerdos : « Anchisa generate, deum certissima proles, Cocyti stagna alta uides Stygiamque paludem, di cuius iurare timent et fallere numen. |
tandis que les
autres balaient de leurs rames les eaux livides ? » La prêtresse chargée d'ans lui répondit brièvement ceci : « Fils d'Anchise, descendant reconnu des dieux, tu vois les eaux profondes du Cocyte et le marais du Styx par la puissance duquel les dieux redoutent de jurer et de se parjurer. |
6, 320 |
Haec omnis, quam cernis, inops inhumataque turba est ; portitor ille Charon ; hi, quos uehit unda, sepulti. Nec ripas datur horrendas et rauca fluenta transportare prius quam sedibus ossa quierunt. Centum errant annos uolitantque haec litora circum ; |
Tous ceux-ci que tu vois, c'est la foule misérable des
morts sans sépulture ; ce portier est Charon ; la rivière transporte ceux qui ont été inhumés. Et ils ne peuvent traverser ces rives effrayantes et ces flots grondants avant que leurs ossements n'aient trouvé le repos dans une tombe. Les âmes errent pendant cent années, voletant autour de ces bords ; |
6, 325 |
tum demum admissi stagna exoptata reuisunt. » Constitit Anchisa satus et uestigia pressit, multa putans, sortemque animo miseratus iniquam. Cernit ibi maestos et mortis honore carentes Leucaspim et Lyciae ductorem classis Oronten, |
et enfin,
elles sont alors admises à revoir les marais tant désirés ». Le fils d'Anchise s'arrête, suspend ses pas, l'esprit assailli par mille pensées et le coeur apitoyé par ce sort injuste. |
6, 330 |
quos, simul ab Troia uentosa per aequora uectos, obruit Auster, aqua inuoluens nauemque uirosque.
Ecce gubernator sese Palinurus agebat, qui Libyco nuper cursu, dum sidera seruat, exciderat puppi mediis effusus in undis. |
partis de Troie avec lui sur une mer houleuse
et engloutis par l'Auster, qui enveloppa dans l'onde navire et équipage.
Et voici que s'avançait Palinure, le pilote, qui récemment, lors de la traversée libyenne, tandis qu'il observait les étoiles, était tombé de sa poupe, disparu au milieu des flots. |
6, 335 |
Hunc ubi uix multa maestum cognouit in umbra, sic prior adloquitur : « Quis te, Palinure, deorum eripuit nobis, medioque sub aequore mersit ? Dic age. Namque mihi, fallax haud ante repertus, hoc uno responso animum delusit Apollo, |
À peine eut-il
reconnu dans l'ombre épaisse son compagnon affligé, qu'Énée se mit à lui parler ainsi : « Lequel des dieux, Palinure, t'a arraché à nous et t'a précipité au milieu des flots ? Allons, dis-moi. C'est la seule fois en effet, qu'Apollon, qui jamais auparavant ne m'a trompé, ni abusé par sa réponse : |
6, 340 |
qui fore te ponto incolumem, finesque canebat uenturum Ausonios. En haec promissa fides est ? » Ille autem : « Neque te Phoebi cortina fefellit, dux Anchisiade, nec me deus aequore mersit. Namque gubernaclum multa ui forte reuolsum, |
il avait prophétisé que
par la mer tu parviendrais sain et sauf aux terres d'Ausonie. Est-ce là la fidélité qu'il a promise ? » Palinure rétorque : « L'oracle de Phébus ne t'a pas trompé, seigneur, fils d'Anchise, et aucun dieu ne m'a noyé dans la mer. En effet le gouvernail, dont j'avais la garde et que je tenais |
6, 345 |
cui datus haerebam custos cursusque regebam, praecipitans traxi mecum. Maria aspera iuro non ullum pro me tantum cepisse timorem, quam tua ne, spoliata armis, excussa magistro, deficeret tantis nauis surgentibus undis. |
pour diriger la
course, s'est par hasard retourné avec une force inouïe ; en tombant tête en avant, je l'ai entraîné avec moi. Par les mers cruelles, je le jure : jamais je n'ai craint autant pour moi que pour ton navire qui, dépouillé de ses agrès, sans son pilote tombé à l'eau, risquait de sombrer sous les assauts de vagues si puissantes. |
6, 350 |
Tris Notus hibernas immensa per aequora noctes uexit me uiolentus aqua ; uix lumine quarto prospexi Italiam summa sublimis ab unda. Paulatim adnabam terrae ; iam tuta tenebam, ni gens crudelis madida cum ueste grauatum |
Pendant trois nuits
orageuses, le violent
Notus m'a emporté à travers l'immensité des mers ; c'est le quatrième jour seulement que du sommet d'une vague, j'ai aperçu l'Italie. Je nageais petit à petit vers la terre ; désormais j'étais sauvé, si des gens cruels, armés, s'imaginant sottement tenir une proie, |
6, 355 |
prensantemque uncis manibus capita aspera montis ferro inuasisset, praedamque ignara putasset. Nunc me fluctus habet, uersantque in litore uenti. Quod te per caeli iucundum lumen et auras, per genitorem oro, per spes surgentis Iuli, |
ne m'avaient
assailli alourdi que j'étais dans mes habits trempés cherchant à saisir de mes mains en grappin les aspérités de la falaise. Maintenant, je suis le jouet des flots, et les vents me font rouler sur le rivage. Par la douce lumière du ciel et des brises, par ton père, par l'espoir que fait naître le jeune Iule, je t'en supplie, |
6, 360 |
eripe me his, inuicte, malis : aut tu mihi terram inice, namque potes, portusque require Velinos ; aut tu, si qua uia est, si quam tibi diua creatrix ostendit – neque enim, credo, sine numine diuom flumina tanta paras Stygiamque innare paludem – |
héros invincible,
arrache-moi à ces souffrances : soit, car tu le peux,
va jeter sur moi un peu de terre et cherche le port de Vélia ; soit, s'il existe un moyen que t'indique la déesse ta mère, – car je ne crois pas que tu entreprennes de sillonner sans l'accord des dieux ces grands fleuves et le marais du Styx – , |
6, 365 |
da dextram misero, et tecum me tolle per undas, sedibus ut saltem placidis in morte quiescam. » Talia fatus erat, coepit cum talia uates : « Vnde haec, o Palinure, tibi tam dira cupido ? Tu Stygias inhumatus aquas amnemque seuerum |
tends la main à un malheureux et emporte-moi avec toi sur les ondes, pour que, au moins dans la mort, je repose en un lieu paisible ». Tel avait été son discours, quand la prêtresse se mit à dire : « D'où te vient, ô Palinure, un si redoutable désir ? Toi, resté sans sépulture, tu veux voir les eaux du Styx et le fleuve sévère |
6, 370 |
Eumenidum aspicies, ripamue iniussus adibis ? Desine fata deum flecti sperare precando. Sed cape dicta memor, duri solatia casus. Nam tua finitimi, longe lateque per urbes prodigiis acti caelestibus, ossa piabunt, |
des Euménides, tu
veux, sans y être autorisé, en approcher la rive ? Renonce à l'espoir de fléchir les décrets divins par des prières, mais écoute et retiens mes paroles, consolation dans ton dur malheur. En effet, des prodiges célestes au long et au large dans les cités pousseront les peuples des alentours à honorer tes ossements, |
6, 375 |
et statuent tumulum, et tumulo sollemnia mittent, aeternumque locus Palinuri nomen habebit. » His dictis curae emotae, pulsusque parumper corde dolor tristi : gaudet cognomine terrae. |
à dresser un tombeau et à rendre à ce tombeau un culte solennel, et cet endroit portera éternellement le nom de Palinure ». Ces paroles pour un moment dissipent ses soucis et chassent la douleur de son coeur affligé ; le nom de cette terre le réjouit. |
6, 380 |
Passage du Styx : Charon et Cerbère (6, 384-425)
Avant qu'ils ne parviennent au Styx, Charon, fort de son expérience antérieure avec Hercule, Thésée et Pirithoüs, refuse de laisser passer des vivants (6, 384-397).
La Sibylle rassure Charon sur les intentions d'Énée ; en voyant le rameau d'or, le passeur se calme et, plein de prévenance, leur fait traverser le Styx. La prêtresse endort alors Cerbère et les voyageurs franchissent ainsi le dernier obstacle à leur entrée au pays des morts (6, 398-425).
Ergo iter inceptum peragunt fluuioque propinquant. |
Dès lors, poursuivant sur la voie engagée, ils s'approchent du fleuve. | |
Nauita quos iam inde ut Stygia prospexit ab unda per tacitum nemus ire pedemque aduertere ripae, sic prior adgreditur dictis, atque increpat ultro : « Quisquis es, armatus qui nostra ad flumina tendis, fare age, quid uenias, iam istinc, et comprime gressum. |
Dès que le
nocher, depuis les flots du Styx, les
voit de loin
traverser le bois silencieux et diriger leurs pas vers la rive, le premier il les interpelle et d'emblée les accable d'invectives : « Qui que tu sois, homme armé qui te diriges vers notre fleuve, allons, de là où tu es, dis-moi pourquoi tu viens, sans faire un pas. |
6, 385 |
Vmbrarum hic locus est, somni noctisque soporae ; corpora uiua nefas Stygia uectare carina. Nec uero Alciden me sum laetatus euntem accepisse lacu, nec Thesea Pirithoumque, dis quamquam geniti atque inuicti uiribus essent. |
Ici, c'est le royaume des ombres, du sommeil et de la nuit qui endort : il est interdit de transporter dans la barque stygienne des corps vivants. Et du reste, je n'ai pas eu à me réjouir, d'avoir accueilli à leur arrivée ici sur le marais l'Alcide, et Thésée et Pirithoüs, bien qu'ils fussent nés de dieux et dotés de forces invincibles. |
6, 390 |
Tartareum ille manu custodem in uincla petiuit, ipsius a solio regis, traxitque trementem ; hi dominam Ditis thalamo deducere adorti. »
Quae contra breuiter fata est Amphrysia uates : « Nullae hic insidiae tales ; absiste moueri ; |
Le premier
de sa main a enchaîné le
gardien du Tartare, arraché au trône même du roi et l'a traîné tout tremblant derrière lui ; les autres ont tenté d'enlever notre souveraine à la couche de Dis. »
À cela, la prophétesse du dieu de l'Amphrysos répondit brièvement : « Il n'y a ici aucune traîtrise de ce genre ; cesse de t'inquiéter ; |
6, 395 |
nec uim tela ferunt ; licet ingens ianitor antro aeternum latrans exsanguis terreat umbras, casta licet patrui seruet Proserpina limen. Troius Aeneas, pietate insignis et armis, ad genitorem imas Erebi descendit ad umbras. |
et nos traits n'apportent pas de violence ;
que le
gigantesque geôlier aboyant sans fin dans son antre terrorise à son gré les ombres exsangues, que la chaste Proserpine surveille librement le seuil de son oncle paternel. Le Troyen Énée, illustre pour sa piété et ses faits d'armes, descend auprès de son père, chez les ombres profondes de l'Érèbe. |
6, 400 |
Si te nulla mouet tantae pietatis imago, at ramum hunc » – aperit ramum, qui ueste latebat –- « adgnoscas ». Tumida ex ira tum corda residunt. Nec plura his. Ille admirans uenerabile donum fatalis uirgae, longo post tempore uisum, |
Si le spectacle d'une si grande piété ne
t'émeut en aucune façon, reconnais du moins ce rameau ». Et elle découvre le rameau caché sous son vêtement. Alors le coeur de Charon gonflé de colère s'apaise. Elle ne dit rien de plus. Lui, admirant le présent vénérable, la baguette miraculeuse qu'il revoit après si longtemps, |
6, 405 |
caeruleam aduertit puppim, ripaeque propinquat. Inde alias animas, quae per iuga longa sedebant, deturbat, laxatque foros ; simul accipit alueo ingentem Aenean. Gemuit sub pondere cymba sutilis, et multam accepit rimosa paludem. |
tourne sa barque sombre et s'approche de la rive. Ensuite, les autres âmes, assises sur les longs bancs, il les déloge et vide le pont, tandis qu'il accueille dans sa coque le grand Énée. Sous le poids, la barque toute rapiécée gémit et par ses fissures prend en abondance l'eau du marais. |
6, 410 |
Tandem trans fluuium incolumis uatemque uirumque informi limo glaucaque exponit in ulua. Cerberus haec ingens latratu regna trifauci personat, aduerso recubans immanis in antro. Cui uates, horrere uidens iam colla colubris, |
Finalement il
traverse le fleuve et dépose la prophétesse et le héros sains et saufs, dans une fange informe, parmi les algues glauques. L'énorme Cerbère aboyant de ses trois gueules, monstre couché dans son antre, fait résonner au loin ce royaume. La prêtresse, voyant ses cous se hérisser déjà de couleuvres, |
6, 415 |
melle soporatam et medicatis frugibus offam obicit. Ille fame rabida tria guttura pandens corripit obiectam, atque immania terga resoluit fusus humi, totoque ingens extenditur antro. Occupat Aeneas aditum custode sepulto, |
lui jette une
boulette soporifique de miel et de graines traitées. Lui, enragé par la faim, ouvre largement ses trois gueules, saisit ce qu'on lui a jeté et relâche son immense échine, s'étend sur le sol et couvre de tout son long l'antre tout entier. Le gardien étant endormi, Énée en hâte franchit l'entrée, |
6, 420 |
euaditque celer ripam inremeabilis undae. | et s'éloigne rapidement de la rive du fleuve sans retour. | 6, 425 |
Notes (6, 264-425)
Dieux... (6, 264-267). Comme les autres invocations aux dieux, le présent appel marque une étape décisive dans le récit. Le poète toutefois ne s'adresse pas ici aux Muses (cfr la Muse en 1, 8 ; Erato en 7, 37 ; les Muses en 7, 641), mais aux divinités mystérieuses du monde souterrain.
Chaos (6, 265). Père de l'Érèbe, placé à l'origine du monde et représentant l'état primitif de l'univers ; comme tous les éléments existaient, mais dans un état de totale indifférenciation, Chaos devint une divinité infernale confondue avec les Enfers. Le mot désigne aussi l'espace immense, vide, servant de domaine aux Enfers. Pour Hésiode, c'est le plus ancien des dieux. Cfr aussi 4, 511.
Phlégéthon (6, 265). Appelé aussi Pyriphlégéthon ou « feu brûlant » chez Homère (Odyssée, 10, 513), ce fleuve entoure le Tartare et se jette dans l'Achéron. Cfr aussi 6, 551.
Dis (6, 269). Pluton (Hadès), le roi des Enfers. Cfr 6, 127.
Orcus (6, 273). Divinité infernale chez les anciens Romains. Par extension : les Enfers. Souvent aussi synonyme de Pluton. Cfr 2, 398 ; 4, 242 ; 4, 699 ; 8, 296 ; 9, 527 ; 9, 785.
Les Pleurs... (6, 274-281). Ces vers évoquent une série de personnifications classiques (cfr Hésiode, Théogonie, 211 ss. ; Lucrèce, 3, 59 ss. ; Cicéron, De la Nature des dieux, 3, 44). Parmi ces auteurs, Virgile est toutefois le seul à les placer à l'entrée des Enfers, mais la tradition est plus ancienne. On sait en effet par le Pseudo-Démosthène (Contre Aristogiton, 1, 786) que les peintres de son temps y peignaient les Malédictions, les Calomnies, l'Envie, les Dissensions, les Discordes.
Euménides (6, 280). Les Euménides, ou Érinyes, à savoir Allecto, Mégère et Tisiphone, sont les divinités du remords, préposées au châtiment des coupables en cette vie et dans l'au-delà. Appelées d'abord Érinyes, elles reçurent le nom d'Euménides par antiphrase (après l'intervention d'Athéna en faveur d'Oreste, lors du meurtre de Clytemnestre). Les Dirae (ou Furies) sont leur équivalent latin. Virgile les identifie parfois aux Bacchantes (cfr 4, 469). Elles interviennent souvent dans l'Énéide, cfr par exemple 4, 610 ; 6, 250 ; 6, 374 ; 8, 701 ; 12, 845 ; 12, 869.
les Songes vains (6, 283). Ou les Songes menteurs, trompeurs. S'agit-il ici des songes de la porte d'ivoire (6, 896), qui attendent pour assister et fourvoyer les humains endormis dans le monde d'en haut, selon un thème folklorique ancien (R.D. Williams, p. 476-466) ? « La légende de l'Arbre des songes et d'autres légendes de ce passage ne nous sont pas connues ailleurs » (A.-M. Guillemin, Virgile. Énéide. Livre VI, 1947, p. 63).
Centaures (6, 286). Monstres fabuleux, nés d'Ixion et de Néphélè (la Nuée). Ils ont le torse, les bras et la figure d'un homme, le reste du corps d'un cheval ; ils sont célèbres pour leur combat contre les Lapithes. Cfr 6, 601 ; 7, 304-305 ; 7, 674 ; 8, 293-294.
Scylla (6, 286). Rocher du détroit de Messine, voisin de Charybe et très dangereux pour les navigateurs (cfr 3, 420-432). La légende conte que Scylla était une nymphe sicilienne, aimée de Glaucus et métamorphosée par la jalousie de Circé. À partir d'un certain moment, comme pour les Tritons (5, 824), la mythologie en imagina plusieurs. C'est le cas ici.
Briarée (6, 287). Un des Hécatonchires, à savoir des monstres engendrés par Ouranos et par Gaia, et qui possédaient chacun cinquante têtes et cent bras. Pour Homère et Hésiode, Briarée participe avec Zeus à la lutte des dieux Olympiens contre les Titans. Pour Virgile (en 10, 565, sous le nom de Égéon) et Callimaque, c'est un ennemi des dieux, qui a été foudroyé et enseveli sous l'Etna.
la bête de Lerne (6, 287). Lerne est une ville du Péloponnèse, près d'Argos, célèbre par le marais dans lequel Héraclès tua l'Hydre (cfr aussi 6, 803 et 8, 300), un serpent monstrueux à plusieurs têtes (de 5 à 100 selon les auteurs ; le plus souvent 9) qui repoussaient à mesure qu'on les coupait. Hercule les trancha, et son aide, Iolaüs, les cautérisa, les empêchant ainsi de repousser (cfr 7, 658ss à propos d'Aventinus). La tête centrale, la seule immortelle, fut enfouie sous un pesant rocher près de Lerne. Ce fut le deuxième des travaux d'Héraclès. On dit encore qu'il trempa ses flèches dans le sang de l'hydre, et qu'elles en demeurèrent empoisonnées.
Chimère (6, 288). Monstre fabuleux de Lycie, né de Typhon et d'Échidna. Elle avait, selon Homère, une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent. Elle vomissait des flammes. Elle fut tuée par Bellérophon, monté sur le cheval Pégase. Elle ornait le casque de Turnus (7, 786), et peut-être aussi celui d'Énée (8, 620). C'était le nom que portait le navire de Gyas, dans les régates du livre 5 (5, 118).
Gorgones (6, 289). Ce monstre a déjà été présenté en 2, 616. Il y avait trois Gorgones, dont Méduse était la plus terrible. Des serpents s'enroulaient autour de sa tête, ses dents étaient longues comme des défenses de sanglier, ses traits convulsés et tordus ; ses yeux pétrifiaient ceux qui la regardaient. Persée parvint à la tuer en lui tranchant la tête pendant son sommeil. Plus tard, il fit don de cette tête à Athéna, qui la porta sur son égide, c'est-à-dire son bouclier. Cfr aussi 7, 341 ; 8, 354n ; 8, 435n.
Harpyes (6, 289). Il a déjà été longuement question des Harpyes au chant 3 (entre autres en 3, 212), où Virgile leur attribue un certain pouvoir prophétique (cfr la Harpye Céléno). « On les représente comme des femmes pourvues d'ailes ou comme des oiseaux à tête féminine. Elles ont des serres aiguës. » (P. Grimal, Dictionnaire, 1969, p. 175).
ombre à trois corps (6, 289). Il s'agit de Géryon (7, 662 ; 8, 202), un géant à trois têtes ou à trois corps, qui régnait du coté de Vesper, c'est-à-dire dans l'île d'Érythie, identifiée par Hérodote avec le promontoire de Gadès (Cadix). Géryon gardait de grands troupeaux de boeufs, avec le géant Eurythion et le chien Orthros, frère de Cerbère. Sur l'ordre d'Eurysthée, Héraclès vint à Érythie ravir ses bœufs à Géryon. Il se heurta d'abord au chien, qu'il tua, puis au berger, qui eut le même sort. Géryon lui-même vint alors au secours de ses serviteurs, et dut combattre Héraclès. Il fut vaincu et tué. Héraclès ramena les bœufs, par étape, jusqu'en Grèce, passant par le site de Rome où il rencontra Évandre.
Achéron (6, 295). Cfr 5, 99 ; 6, 107.
Tartare (6, 295). Cfr notamment 6, 135.
Cocyte (6, 297). Cfr notamment 6, 132.
Charon (6, 299-304). C'est le passeur des Enfers. Ignoré d'Homère et d'Hésiode, il est cité dès le 6e siècle, et Aristophane ainsi que Lucien y font allusion. Il est dépeint comme un vieillard chenu, repoussant, avec un nez crochu, une bouche énorme, des oreilles pointues. Il dirige à travers le Styx la barque où ne peuvent prendre place que ceux qui lui ont versé une obole pour prix du passage. L'art romain le fait moins hideux que l'art grec, et le représente comme un vieillard morose. Chez les Étrusques, Charun est un bourreau infernal subalterne, ayant un nez en bec d'aigle, des ongles crochus, et étant armé d'un maillet. Il accompagne Mars sur les champs de bataille où il assomme et tue. La peinture que Virgile trace de lui-même et de son comportement est originale.
une foule... (6, 305-308). Suit une énumération émouvante, reprise des Géorgiques, 4, 475-477.
comme... (6, 308-312). Comparaison très célèbre, inspirée de Homère, Iliade, 3, 2-5 ; 6, 146-149 ; cfr aussi Apollonius de Rhodes, 4, 216s. Elle est reprise de Géorgiques, 4, 473.
chargée d'ans (6, 321). D'après Ovide, Mét., 14, 135ss, Apollon avait accordé à la Sibylle de vivre autant d'années que le nombre des grains de sable que pouvait contenir sa main.
Styx (6, 323). Sur le Styx et le serment par le Styx, cfr 6, 134.
morts sans sépulture (6, 325). Croyance généralisée dans le monde gréco-romain que l'absence de sépulture était un obstacle au repos des morts. Cfr par exemple Homère, Iliade, 23, 70-74 ; Odyssée, 11, 71-72 ; Horace, Odes, I, 28, 23-25 (quelques poignées de sable sur un corps suffisaient).
cent années (6, 329). Durée maximale d'une vie humaine ? On ignore d'où Virgile a tiré cette idée.
Leucaspis (6, 334). Leucaspis est un Troyen, compagnon d'Énée, inconnu par ailleurs.
Oronte (6, 334). Oronte, allié des Troyens, venu de Lycie, une province d'Asie mineure dont la ville de Patara possédait un temple et un oracle d'Apollon. Sa mort, ainsi que celle de son équipage lycien, a été signalée en 1, 113.
Auster (6, 336). L'Auster, appelé aussi le Notus, est un vent du sud, fréquemment cité par Virgile.
Palinure (6, 337-339). Timonier du vaisseau d'Énée, qui joue un rôle au chant 3 (3, 202 ; 3, 513 ; 3, 562) et surtout au chant 5, tout particulièrement dans l'épisode final (5, 827-871). Lorsque la flotte quitta la Sicile pour gagner l'Italie, Vénus, inquiète, avait obtenu de Neptune l'assurance d'une course paisible, en échange d'une vie humaine. Ce fut celle de Palinure, que le dieu Sommeil endormit à son gouvernail et qui tomba à la mer. Le malheureux donna son nom au cap Palinure, qui s'appelle plus habituellement aujourd'hui la Punta della Spartivanto. Non loin de là on montre une ruine assez vague, appelée « Tombeau de Palinure ». Le personnage virgilien a probablement été inspiré par l'histoire d'Elpénor, chez Homère (Odyssée, 11, 51-79), mais le poète augustéen a profondément transformé le récit homérique. Comme le note A.-M. Guillemin, Virgile. Énéide. Livre VI, 1947, p. 67, « plusieurs thèmes poétiques s'y entrecroisent : (1) celui du naufragé massacré par les habitants de la côte ; un fléau punit ces habitants qui, sur le conseil d'un oracle, rendent à leur victime, pour l'apaiser, des honneurs exceptionnels ; (2) celui du mort resté sans sépulture qui revient supplier les vivants de lui en donner une, comme dans l'Ode 1, 28 d'Horace ; (3) celui de l'explication du nom donné à un accident géographique. »
traversée libyenne (6, 338). Rappelons (cfr déjà 1, 22) que le terme Libye n'a pas dans l'antiquité sa valeur géographique actuelle. Par Libye, les Grecs désignaient ce que nous appelons l'Afrique et donc la région de Carthage. C'est au cours de la traversée de Carthage vers la Sicile et l'Italie que l'accident de Palinure s'était produit ; l'arrêt en Sicile, au retour de Carthage, n'est donc pas pris en compte.
Ausonie (6, 346). Rappelons (cfr déjà 3, 171) qu'Ausonie désigne en poésie l'Italie tout entière.
Notus (6, 355). Appelé aussi Auster (6, 336), c'est un vent du sud.
jeune Iule (6, 364). Iule ou Ascagne, le fils d'Énée (première mention en 1, 267-268). Au départ de Troie, décrit dans le chant 2 (2, 680ss), c'était un enfant encore petit. On se figure mal l'âge que lui donnait Virgile, mais dans l'Énéide, il est encore relativement jeune, car il ne participe pratiquement pas aux combats (à l'exception de l'épisode de Remulus Numanus en 9, 621-637). En tout cas, c'est lui qui succéda à Énée et fonda la ville d'Albe-la-Longue, trente ans après la fondation de Lavinium par Énée lui-même.
Vélia (6, 366). Vélia ou Élée, ville de la Grande-Grèce, située entre Paestum et Posidonia (aujourd'hui Castellamare della Brucca), très proche du promontoire de Palinure, où Énée devrait retrouver le cadavre du pilote. Vélia ne fut fondée qu'au 6e siècle par des Phocéens. Nouvelle anticipation de Virgile.
la déesse ta mère (6, 367). Vénus.
les peuples des alentours... (6, 378-380). D'après Servius, le peuple de Lucanie, victime d'un fléau, avait, sur la foi d'un oracle, « apaisé l'esprit de Palinure en lui consacrant un tumulus et un tombeau ».
le nom de Palinure (6, 381). Explication étiologique, à rapprocher de celle du cap Misène (en 6, 234-235).
pour un moment (6, 382). Traduction possible de parumpe, que J. Perret traduit par « bien vite ».
nocher (6, 385). Il s'agit de Charon (cfr 6, 299-304).
je n'ai pas eu à me réjouir (6, 392). Selon Servius, Charon fut enchaîné pendant un an pour avoir enfreint cette règle.
Alcide (6, 393). Surnom d'Hercule, fils supposé d'Amphitryon, mais en fait fils de Jupiter (cfr 6, 123).
Thésée (6, 393). Cfr 6, 122 ; 6, 618). Il était supposé fils d'Égée, mais il était en fait le fils de Poseidon.
Pirithoüs (6, 393). Fils de Jupiter, et roi des Lapithes. Avec Thésée, il chercha à enlever Proserpine, et fut comme lui enchaîné à un rocher (cfr 6, 122 et 6, 601).
gardien du Tartare (6, 395-396). Il s'agit de Cerbère (cfr 6, 417), « l'un de ces monstres qui gardaient l'empire des morts et en interdisaient l'entrée aux vivants, mais surtout, il empêchait d'en sortir. L'image la plus courante que l'on en donnait était la suivante : trois têtes de chien, une queue formée par un serpent et, sur le dos, se dressaient une multitude de têtes de serpents. [...] L'un des travaux imposés par Eurysthée à Héraclès fut de l'envoyer aux Enfers chercher Cerbère, pour le ramener sur la terre. [...] Hadès lui donna la permission d'emmener Cerbère sur la terre à la condition qu'il parvienne à le maîtriser sans se servir de ses armes. Héraclès lutta contre lui par la seule force de ses bras, il l'étouffa à moitié et il en eut raison. Puis il l'emmena à Eurysthée, qui eut grand'peur, et lui ordonna de le ramener d'où il venait. » (P. Grimal, Dictionnaire, 1969, p. 86). Homère ne cite pas son nom, mais parle d'un chien des enfers (Iliade, 8, 366-369 et Odyssée, 11, 623-624). Hésiode (Théogonie, 311) lui attribue 50 têtes. Avec ce détail du chien allant se réfugier sous le trône du roi, Virgile fait du « chien de l'Hadès » un Cerbère de comédie. Le poète lui rendra un peu de sa majesté plus loin (6, 417ss).
notre souveraine (6, 397). Proserpine, l'épouse de Pluton (Dis/Hadès) (cfr 6, 142).
Amphrysos (6, 398). L'Amphrysos est une petite rivière de Thessalie, sur les bords de laquelle Apollon fut condamné à faire paître les troupeaux d'Admète, le roi de Thessalie. Le sens ici est tout simplement la « prophétesse d'Apollon ».
gigantesque geôlier (6, 417). Il s'agit de Cerbère (6, 395-396).
son oncle paternel (6, 402). Proserpine (= Perséphone-Corè) est à la fois l'épouse et la nièce de Pluton. Cfr 6, 142.
Érèbe (6, 404). Les Enfers (cfr 6, 247).
après si longtemps (6, 409). Allusion peu claire. Nous ne savons pas dans quelle circonstance Charon avait vu le rameau d'or pour la dernière fois. Héraclès et Thésée ne le lui avaient certainement pas présenté. Peut-être Orphée l'avait-il lorsqu'il est descendu chercher Eurydice...
sous le poids... (6, 413-414). Manifestement, la barque, qui ne semble d'ailleurs pas en excellent état, n'était pas conçue pour des vivants.
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