Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant VI (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE VI
LA DESCENTE AUX ENFERS
Victimes de mort prématurée (6, 426-547)
Premiers groupes - Rencontre avec Didon (6, 426-476)
Énée et la Sibylle parviennent en un lieu où se tiennent différents groupes de victimes de mort prématurée : les nouveau-nés, les condamnés à mort injustement, les suicidés ; et dans les Champs des Pleurs, ils rencontrent diverses héroïnes, victimes d'amours malheureuses (6, 426-449).
Parmi elles, Énée est très ému en reconnaissant Didon, devant qui il tente de justifier son départ de Carthage, mais elle s'enfuit pleine d'animosité et sans même lui jeter un regard (6, 450-476).
Continuo auditae uoces, uagitus et ingens, infantumque animae flentes in limine primo, quos dulcis uitae exsortes et ab ubere raptos abstulit atra dies et funere mersit acerbo ; |
Aussitôt on entend des voix et un immense vagissement : les âmes de nouveau-nés en pleurs au seuil même de l'existence, exclus de la douce vie, ravis au sein maternel, qu'un jour sombre |
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hos iuxta falso damnati crimine mortis. Nec uero hae sine sorte datae, sine iudice, sedes : quaesitor Minos urnam mouet ; ille silentum conciliumque uocat uitasque et crimina discit. Proxuma deinde tenent maesti loca, qui sibi letum |
Tout près d'eux, les condamnés à mort après une fausse accusation. Ces places, en vérité, ont été attribuées par un juge désigné par le sort, c'est Minos l'enquêteur qui agite l'urne ; il convoque l'assemblée des silencieux et enquête sur les comportements et les griefs. |
6, 430 |
insontes peperere manu, lucemque perosi proiecere animas. Quam uellent aethere in alto nunc et pauperiem et duros perferre labores ! Fas obstat, tristisque palus inamabilis undae alligat, et nouiens Styx interfusa coercet. |
innocents, ils se sont donné la mort et ont rejeté la vie par haine de la lumière. Comme ils voudraient maintenant subir dans le monde d'en haut pauvreté et dures épreuves ! La loi divine s'y oppose, et l'onde détestable du triste marais les enchaîne et les retient prisonniers dans les neuf replis du Styx. |
6, 435 |
Nec procul hinc partem fusi monstrantur in omnem lugentes campi : sic illos nomine dicunt. Hic, quos durus amor crudeli tabe peredit, secreti celant calles et myrtea circum silua tegit ; curae non ipsa in morte relinquunt. |
Non loin de là, apparaissent, s'étendant partout, les Champs des Pleurs : c'est ainsi qu'on les appelle. Voici ceux qu'un dur amour a rongés de son venin cruel ; des chemins secrets les cachent et tout autour une forêt de myrtes les couvre d'ombre ; même dans la mort, leurs soucis ne les quittent pas. |
6, 440 |
His Phaedram Procrimque locis, maestamque Eriphylen crudelis nati monstrantem uolnera, cernit, Euadnenque et Pasiphaen ; his Laodamia it comes, et iuuenis quondam, nunc femina, Caeneus, rursus et in ueterem fato reuoluta figuram.
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En ces lieux, Énée distingue Phèdre et Procris, et Ériphyle, montrant avec tristesse les blessures que lui fit un fils cruel, Évadné et Pasiphaé. Laodamie les accompagne |
6, 445 |
Inter quas Phoenissa recens a uolnere Dido errabat silua in magna ; quam Troius heros ut primum iuxta stetit adgnouitque per umbras obscuram, qualem primo qui surgere mense aut uidet, aut uidisse putat per nubila lunam, |
Parmi elles, la Phénicienne Didon, avec sa blessure encore vive, errait dans la grande forêt. Dès qu'il se trouva près d'elle, le héros troyen reconnut parmi les ombres sa sombre silhouette, tel quelqu'un qui voit ou pense avoir vu la lune au début du mois émergeant entre les nuages. |
6, 450 |
demisit lacrimas, dulcique adfatus amore est : « Infelix Dido, uerus mihi nuntius ergo uenerat exstinctam, ferroque extrema secutam ? Funeris heu tibi causa fui ? Per sidera iuro, per superos, et si qua fides tellure sub ima est, |
Il fondit en larmes, et lui parla doucement et amoureusement : « Infortunée Didon, le message qui m'est venu était donc vrai : tu t'es éteinte et tu as mis fin à tes jours par l'épée ! Hélas, ai-je été la cause de ta mort ? Je le jure par les astres, les dieux et la bonne foi, si elle existe dans les profondeurs de la terre, |
6, 455 |
inuitus, regina, tuo de litore cessi. Sed me iussa deum, quae nunc has ire per umbras, per loca senta situ cogunt noctemque profundam, imperiis egere suis ; nec credere quiui hunc tantum tibi me discessu ferre dolorem. |
c'est contre mon gré, ô reine, que je me suis éloigné de ton rivage. Mais les ordres des dieux m'obligent maintenant à traverser ces lieux de désolation, parmi les ombres et la nuit profonde, et leurs directives ont guidé mes pas ; et je n'ai pu croire que par mon départ je te causerais une si grande douleur. |
6, 460 |
Siste gradum, teque aspectu ne subtrahe nostro. Quem fugis ? Extremum fato, quod te adloquor, hoc est. » Talibus Aeneas ardentem et torua tuentem lenibat dictis animum, lacrimasque ciebat. Illa solo fixos oculos auersa tenebat, |
Arrête-toi et ne te soustrais pas à mon regard. Qui fuis-tu ? C'est l'ultime fois que le sort me laisse te parler ». Par ces paroles, Énée tentait d'apaiser cette âme ardente au regard menaçant, et cherchait à lui tirer des larmes. Mais elle se détourna, gardant les yeux fixés au sol, |
6, 465 |
nec magis incepto uoltum sermone mouetur, quam si dura silex aut stet Marpesia cautes. Tandem corripuit sese, atque inimica refugit in nemus umbriferum, coniunx ubi pristinus illi respondet curis aequatque Sychaeus amorem. |
sans que son visage, dès le début de la conversation, trahisse plus d'émotion qu'un dur silex ou un marbre de Marpessos. Finalement Didon se ressaisit et, hostile, alla se réfugier dans le bois ombragé où son premier époux, Sychée, partage ses peines et lui rend son amour. |
6, 470 |
Nec minus Aeneas, casu concussus iniquo, prosequitur lacrimis longe, et miseratur euntem. |
Néanmoins Énée, très frappé par l'iniquité du sort, de loin la regarde s'éloigner, pleurant et plein de compassion. |
6, 475 |
Les guerriers - Rencontre avec Déiphobe (6, 477-547)
Poursuivant sa route, Énée aboutit dans la zone où séjournent les guerriers, Grecs et Troyens confondus. Les Troyens cependant s'empressent auprès d'Énée, tandis que les Grecs qui ont vécu la guerre de Troie prennent peur à sa vue (6, 477-493).
Parmi les guerriers, Énée reconnaît Déiphobe affreusement mutilé ; en l'assurant de lui avoir élevé un cénotaphe sans avoir pu l'inhumer, il l'interroge sur les circonstances de sa mort. Déiphobe lui raconte la trahison, lors de la dernière nuit de Troie, de son épouse Hélène, qui introduisit dans sa chambre ses deux bourreaux, Ménélas et Ulysse (6, 494-530).
Déiphobe à son tour interroge Énée, mais la Sibylle les interrompt et presse Énée de continuer sa route. Déiphobe alors se retire, résigné, en faisant des voeux pour l'avenir d'Énée (6, 531-547).
Inde datum molitur iter. Iamque arua tenebant ultima, quae bello clari secreta frequentant. Hic illi occurrit Tydeus, hic inclutus armis |
Après quoi, Énée reprend le parcours imposé. Déjà ils atteignaient les champs extrêmes, coins retirés hantés par les guerriers illustres. Voici Tydée qui surgit devant lui ; et aussi, Parthénopée, |
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Parthenopaeus et Adrasti pallentis imago ; hic multum fleti ad superos belloque caduci Dardanidae, quos ille omnes longo ordine cernens ingemuit, Glaucumque Medontaque Thersilochumque, tris Antenoridas, Cererique sacrum Polyphoeten, |
illustré par ses faits d'armes, et le fantôme du pâle Adraste. Et voici les guerriers tant pleurés sur terre et tombés au combat, les Dardanides ; les voyant tous en une longue file, Énée gémit : Glaucus et Médon et Thersiloque, et les trois fils d'Anténor, et Polybétès, consacré à Cérès, |
6, 480 |
Idaeumque, etiam currus, etiam arma tenentem. Circumstant animae dextra laeuaque frequentes ; nec uidisse semel satis est ; iuuat usque morari, et conferre gradum, et ueniendi discere causas. At Danaum proceres Agamemnoniaeque phalanges |
et Idée, qui tenait encore son char et encore ses armes. Les âmes, innombrables, à droite et à gauche, entourent Énée ; non contentes pas de l'avoir simplement vu, elles aiment s'attarder, marcher sur ses pas, et apprendre le pourquoi de sa venue. |
6, 485 |
ut uidere uirum fulgentiaque arma per umbras, ingenti trepidare metu ; pars uertere terga, ceu quondam petiere rates ; pars tollere uocem exiguam, inceptus clamor frustratur hiantes.
Atque hic Priamiden laniatum corpore toto |
dès qu'ils virent le héros dont les armes brillaient parmi les ombres, trembaient, agités par une crainte terrible. Les uns tournaient le dos, comme autrefois quand ils regagnaient leurs navires ; d'autres parlaient d'une voix ténue : le cri ébauché s'étranglait dans les bouches béantes.
C'est alors qu'Énée aperçoit Déiphobe le Priamide, |
6, 490 |
Deiphobum uidet et lacerum crudeliter ora, ora manusque ambas, populataque tempora raptis auribus, et truncas inhonesto uolnere nares. Vix adeo adgnouit pauitantem et dira tegentem supplicia, et notis compellat uocibus ultro : |
au corps tout déchiré, au visage cruellement lacéré ; il a la face, les deux mains, les tempes dévastées, les oreilles arrachées, et le nez tranché, abominable mutilation. Il eut du mal à reconnaître l'homme apeuré, qui cachait les marques de ses affreux supplices, et l'interpella en termes familiers : |
6, 495 |
« Deiphobe armipotens, genus alto a sanguine Teucri quis tam crudeles optauit sumere poenas ? Cui tantum de te licuit ? Mihi fama suprema nocte tulit fessum uasta te caede Pelasgum procubuisse super confusae stragis aceruum. |
« Déiphobe, puissant guerrier, descendant de l'illustre sang de Teucer, quel homme assez cruel a souhaité t'infliger un tel châtiment ? Qui a pu permettre pour toi pareil sort ? On m'a rapporté que lors de notre ultime nuit, après le massacre d'une foule de Pélasges, tu t'es affalé épuisé sur un monceau confus de cadavres. |
6, 500 |
Tunc egomet tumulum Rhoeteo litore inanem constitui, et magna Manes ter uoce uocaui. Nomen et arma locum seruant ; te, amice, nequiui conspicere, et patria decedens ponere terra. » Ad quae Priamides : « Nihil O tibi amice relictum ; |
Alors, pour ma part, j'ai élevé un cénotaphe sur le rivage de Rhétée, et par trois fois, à haute voix, j'ai invoqué les Mânes. Ton nom et tes armes veillent sur ce lieu ; ton corps je n'ai pu, mon ami, ni le retrouver ni l'inhumer dans la terre ancestrale quand je l'ai quittée ». À cela le Priamide répondit : « Mon ami, tu n'as rien négligé, |
6, 505 |
omnia Deiphobo soluisti et funeris umbris. Sed me fata mea et scelus exitiale Lacaenae his mersere malis ; illa haec monumenta reliquit. Namque ut supremam falsa inter gaudia noctem egerimus, nosti ; et nimium meminisse necesse est. |
tu t'es acquitté de tout pour Déiphobe et l'ombre de son cadavre. Ma destinée et le crime funeste de la Lacanienne m'ont plongé dans ces malheurs ; voilà les souvenirs qu'elle m'a laissés. Tu as appris en effet dans quelles joies trompeuses nous avons passé cette ultime nuit ; on ne peut que trop s'en souvenir. |
6, 510 |
Cum fatalis equus saltu super ardua uenit Pergama, et armatum peditem grauis attulit aluo, illa, chorum simulans, euantes orgia circum ducebat Phrygias ; flammam media ipsa tenebat ingentem, et summa Danaos ex arce uocabat. |
Lorsque le cheval fatal a été hissé en haut de la citadelle de Pergame et y a introduit les soldats en armes qui alourdissaient son ventre, elle, feignant de conduire un choeur, a mené des cortèges de Phrygiennes célébrant des rites bachiques ; elle se tenait au milieu, brandissant une grande torche et du sommet de la citadelle elle appelait les Danaens. |
6, 515 |
Tum me, confectum curis somnoque grauatum, infelix habuit thalamus, pressitque iacentem dulcis et alta quies placidaeque simillima morti Egregia interea coniunx arma omnia tectis amouet, et fidum capiti subduxerat ensem ; |
Moi, épuisé d'inquiétude et engourdi de sommeil, je suis resté étendu sur ma maudite couche et, un sommeil doux et profond s'est abattu sur moi, telle une mort paisible. Pendant ce temps, ma remarquable épouse retire de mon chevet , ma fidèle épée, puis elle vide elle-même la maison de ses armes ; |
6, 520 |
intra tecta uocat Menelaum, et limina pandit, scilicet id magnum sperans fore munus amanti, et famam exstingui ueterum sic posse malorum. Quid moror ? Inrumpunt thalamo ; comes additur una hortator scelerum Aeolides. Di, talia Grais |
elle invite Ménélas à l'intérieur de la demeure, lui ouvre la porte, espérant à l'évidence faire un précieux cadeau à un homme épris, et réussir ainsi à étouffer le scandale de ses anciens méfaits. Pourquoi en dire plus ? Ils envahissent la chambre, accompagnés de l'Éolide, leur conseiller en forfaits. Dieux, réservez aussi aux Grecs |
6, 525 |
instaurate, pio si poenas ore reposco ! Sed te qui uiuum casus, age, fare uicissim, attulerint. Pelagine uenis erroribus actus, an monitu diuom ? An quae te Fortuna fatigat, ut tristes sine sole domos, loca turbida, adires ? »
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de tels supplices, si la bouche qui réclame vengeance est pieuse ! Mais allons, à ton tour de raconter les événements qui t'ont amené ici, vivant ? Viens-tu, au hasard d'errances sur la mer, ou sur l'ordre des dieux ? Quelle fortune t'accable, pour t'amener en ces lieux troubles, en ces lugubres demeures sans soleil ? »
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6, 530 |
Hac uice sermonum roseis Aurora quadrigis iam medium aetherio cursu traiecerat axem ; et fors omne datum traherent per talia tempus ; sed comes admonuit, breuiterque adfata Sibylla est : « Nox ruit, Aenea ; nos flendo ducimus horas. |
À ce point de leurs échanges, l'Aurore, sur son quadrige de roses, avait déjà parcouru dans les airs la moitié de sa course et eux auraient pu prolonger ainsi tout le temps alloué ; mais la Sibylle, guide d'Énée, le rappela à l'ordre et dit brièvement : « La nuit tombe, Énée ; et nous passons des heures à pleurer. |
6, 535 |
Hic locus est, partes ubi se uia findit in ambas : dextera quae Ditis magni sub moenia tendit, hac iter Elysium nobis ; at laeua malorum exercet poenas, et ad impia Tartara mittit. » Deiphobus contra : « Ne saeui, magna sacerdos ; |
C'est ici l'endroit où la route se sépare en deux voies : la droite mène jusqu'au pied des murailles du grand Dis, par où nous irons vers l'Élysée ; mais la gauche exécute les punitions des méchants, et mène à l'impie Tartare ». Déiphobe rétorque : « Ne t'emporte pas, grande prêtresse, |
6, 540 |
discedam, explebo numerum, reddarque tenebris. I decus, i, nostrum ; melioribus utere fatis ! » Tantum effatus, et in uerbo uestigia torsit. |
je m'en vais ; rendu aux ténèbres, je vais reprendre ma place. Va de l'avant, va, toi, notre fierté ; puisses-tu connaître meilleur destin ». Sur ces simples mots, il s'interrompit et retourna sur ses pas. |
6, 545 |
Notes (6, 426-547)
désigné par le sort (6, 431). À Rome, les juges étaient tirés au sort parmi une liste de sénateurs et de chevaliers. Le jury était présidé par un quaesitor, le terme que Virgile utilise pour désigner Minos.
Minos (6, 432). Cfr 6, 14. On trouve Minos comme juge des Enfers chez Homère, Odyssée, 11, 568-571 ; Platon, Gorgias, 524a ; Horace, Odes, 4, 7, 21-22. Virgile fait de Minos une sorte de magistrat judiciaire romain, qui tire au sort le juge, et convoque les conseillers, silencieux en séance publique, mais donnant leur avis en tête à tête au juge (P. Veyne, Énéide, p. 193, n. 2)
se sont donné la mort (6, 435). Le suicide était condamné par les Pythagoriciens et les Platoniciens, mais non par les Stoïciens.
Comme ils voudraient maintenant (6, 436-437). À rapprocher d'Homère, Odyssée, 11, 488-491, où Achille affirme qu'il préférerait être un pauvre vacher sur terre plutôt que roi chez les morts.
Champs des Pleurs (6, 441). Nous ne connaissons pas l'origine de cette expression où les champs sont personnifiés (en latin lugentes campi) ; c'est peut-être une invention de Virgile.
myrtes (6, 444). Cette plante était consacrée à Vénus, déesse de l'amour (cfr 5, 72).
Phèdre (6, 445). Fille de Minos et de Pasiphaé, soeur d'Ariane et d'Androgée. Épouse de Thésée, elle se suicida parce que Hippolyte, son beau-fils, avait dédaigné son amour. Elle provoqua elle-même la mort de ce dernier. Le sujet avait été traité dans l'antiquité par Sophocle (tragédie perdue), par Euripide (Hippolyte), par Sénèque (Hippolyte). Racine l'a également repris (Phèdre).
Procris (6, 445). Fille du roi Érechthée, et épouse de Céphale, roi de Phocide. Son histoire est racontée notamment dans Ovide, Mét., 7, 661-865). « Éos/ l'Aurore tomba amoureuse de Céphale, provoquant une querelle entre le mari et sa femme Procris. Artémis (ou Minos) offrit à Procris un chien de chasse qui attrapait toujours sa proie et une lance qui ne manquait jamais son but ; Procris les offrit à Céphale et ils se réconcilièrent. Mais Éos rendit Procris jalouse parce que Céphale passait tout son temps à la chasse. Procris se cacha dans un buisson pour l'épier, et Céphale, croyant avoir entendu un animal, la tua d'un coup de lance » (M.C. Howatson, Dictionnaire de l'antiquité, 1993, p. 194).
Ériphyle (6, 445-446). Femme du devin Amphiaraüs, éprise de Polynice qui l'avait séduite en lui offrant un collier d'or, Ériphyle révéla la cachette où se dissimulait son mari pour ne pas aller au siège de Thèbes où il savait devoir trouver la mort. Elle fut ainsi la cause de la mort de son époux Amphiaraüs ; son fils Alcméon la tua pour venger son père. À l'époque alexandrine, on attribua la trahison d'Ériphyle à l'amour que lui aurait inspiré Polynice.
Évadné (6, 447). Femme de Capanée, un des « Sept chefs contre Thèbes », qu'elle adorait ; elle ne lui survécut pas lorsqu'il fut foudroyé par Jupiter qu'il avait bravé ; elle se précipita sur son bûcher.
Pasiphaé (6, 447). Voir 6, 24-26. Après sa passion pour le taureau, Pasiphaé aurait été jetée par Minos en prison, où elle mourut.
Laodamie (6, 447). Femme de Protésilas, le premier Grec à descendre sur le rivage de Troie, et qui fut tué par Hector. Elle obtint de Jupiter que son mari, qu'elle adorait, revint pour trois heures à la vie, mais au bout de ces trois heures, ne put se résigner à le perdre, et se tua pour le suivre aux Enfers.
Cénée (6, 448). Un des Lapithes (6, 601 ; 7, 304) ; de naissance, il était une jeune fille, Cénis, qui plut à Neptune, se donna à lui et obtint d'être changée en un jeune homme invulnérable, Cénée. Dans le combat entre Centaures et Lapithes, Cénée, que les Centaures ne pouvaient arriver à tuer, fut enseveli par eux sous une masse de troncs d'arbres, puis changé en oiseau. Il reprit aux Enfers son sexe primitif. Sur son histoire, cfr Ovide, Mét., 12, 189-209 et 459-535.
Didon (6, 450). Voir notamment 1, 299 et 1, 335-370, et surtout l'ensemble du chant 4. Désespérée par le départ d'Énée, elle était montée sur le bûcher et s'y était suicidée avec l'épée que lui avait offerte son amant (4, 630-705). Énée, qui à ce moment-là ne connaissait pas encore sa mort, avait toutefois aperçu du large des flammes qui l'avaient inquiété (5, 1-7).
tel quelqu'un... (6, 453-454). Comparaison inspirée de Apollonius de Rhodes, Argonautiques, 4, 1479-1480. Le premier croissant de la lune est peu perceptible, dans un ciel nuageux.
contre mon gré (6, 460). Idée analogue en 4, 361 : « Ce n'est pas de plein gré que je rejoins l'Italie ».
Qui fuis-tu ? (6, 465). Rappel ironique de 4, 314 : « Est-ce moi que tu fuis ? », lorsque c'était Didon qui suppliait Énée.
Marpessos (6, 471). Mont de l'île de Paros (une île des Cyclades), renommée pour ses carrières de marbre blanc.
hostile (6, 472). Didon préfigure aussi l'irréductible hostilité entre Carthage et Rome.
Sychée (6, 474). L'époux tyrien de Didon, qui fut assassiné par Pygmalion, son beau-frère. Voir 1, 340-369. La fidélité de Didon à Sychée est signalée à diverses reprises (cfr 4, 457s. ; 4, 552 ; 4, 656).
Tydée ... Parthénopée... Adraste (6, 479-480). Trois héros grecs, qui firent partie des « Sept Chefs contre Thèbes ». Tydée, père de Diomède, mourut au cours du siège de cette ville. Parthénopée, roi d'Arcadie, mourut également devant Thèbes. Quant à Adraste, roi d'Argos, il échappa à la mort en fuyant. C'est pourquoi il serait qualifié de pâle par Virgile, la pâleur accompagnant la fuite selon Servius. On pourrait aussi imaginer qu'il serait encore tout pâle du désastre subi. Il recommencera une nouvelle guerre contre Thèbes dix ans plus tard. Il ne mourut toutefois pas au combat.
Dardanides... (6, 481-485). Annonce une longue liste des Troyens, qui périrent à la guerre. Elle est reprise à Homère, Iliade, 17, 216-218 (et 11, 59-60 pour les fils d'Anténor, cités nommément chez Homère).
Glaucus (6, 483). Glaucus, célèbre pour son ingéniosité et sa bravoure, commandait avec son cousin Sarpédon le contingent lycien qui combattait aux côtés des Troyens. Au cours des combats, opposé au Grec Diomède, il constata que leurs familles respectives étaient liées par des liens d'hospitalité. Après avoir échangé leurs armes, ils reprirent chacun leur place dans la mêlée. Un Glaucus meurt sur le champ de bataille en 12, 343. En fait, la mythologie connaît plusieurs personnages de ce nom ; c'est également celui d'une divinité marine (cfr 5, 823), père de la Sibylle Déiphobé (6, 36).
Médon (6, 483). Nommé par Homère (Iliade, 17, 216), ce guerrier n'apparaît qu'ici dans l'Énéide.
Thersiloque (6, 483). Homère (Iliade, 21, 209) raconte qu'il fut tué par Achille. Un guerrier troyen du même nom tombera sous les coups de Turnus en 12, 363.
Anténor (6, 484). Anténor était un vieillard troyen, compagnon de Priam (cfr 1, 242). Ses trois fils s'appelaient Polybe, Agénor et Acamas (Homère, Iliade, 11, 59-60).
Polybétès (6, 484). Inconnu par ailleurs, ce Troyen est peut-être une invention de Virgile qui fait de lui un prêtre de Cérès (la Déméter grecque, divinité de la terre cultivée et en particulier du blé.)
Idée (6, 485). C'est le cocher de Priam (par exemple Iliade, 24, 325). En 9, 501, un Troyen du même nom entoure la mère d'Euryale.
Danaens (6, 489). C'est, comme on le sait depuis 1, 30, un des multiples noms par lesquels Virgile désigne les Grecs. Ils le doivent à Danaos (le père des Danaïdes) qui, ayant dû fuir l'Égypte, vint se réfugier en Grèce, où il fonda Argos.
Agamemnon (6, 489). Un des Atrides, commandant en chef des troupes grecques à Troie, frère de Ménélas. Cfr 3, 54 ; 4, 471 ; 7, 723.
crainte terrible (6, 491). Les Grecs sont terrifiés à la vue d'Énée, comme les esprits des morts sont terrifiés par Hercule, en Odyssée, 11, 601-606.
comme autrefois (6, 492). Le passage fait allusion à l'épisode de la guerre de Troie qui voit les Grecs fuir devant Hector (Iliade, 15, 312-327).
Déiphobe (6, 494-495). Fils de Priam et d'Hécube (cfr 2, 310), Déiphobe épousa Hélène après la mort de Pâris, tué par Philoctète, lors de la dernière année de la guerre. Son histoire est racontée dans la suite (6, 511-530). La rencontre d'Énée et de Déiphobe s'inspire, avec les modifications habituelles chez Virgile, de la rencontre d'Ulysse et d'Agamemnon (Homère, Odyssée, 11, 387ss).
Pélasges (6, 503). C'est-à-dire les Grecs. Cfr par exemple 1, 624 ; 8, 600 ; 9, 155.
Rhétée (6, 505). Le Cap Rhétée est un promontoire de Troade. Cfr 3, 108.
cénotaphe (6, 505). C'est-à-dire un tombeau élevé à la mémoire d'un mort et qui ne contient pas son corps. Cfr en 3, 300ss, la scène où Andromaque, devant le tombeau vide d'Hector, invoquait les mânes de son époux.
Lacanienne (6, 511). La Lacanienne ou Laconienne ou Lacédémonienne, c'est-à-dire Hélène, épouse du roi de Sparte Ménélas. Cfr par exemple 1, 650 ; 2, 601 ; 7, 364.
Phrygiennes (6, 518). Virgile utilise régulièrement « Phrygien » dans le sens de « Troyen » (première mention en 1, 182). Le rôle actif prêté ici à Hélène lors de l'ultime nuit semble peu compatible avec la description d'Hélène apeurée qu'on trouve en 2, 567-587. Peut-être au chant 2, Énée est-il victime d'une hallucination ; peut-être aussi faut-il y voir l'indice d'un recours à des sources différentes et expliquer la chose par l'inachèvement de l'oeuvre (R.D. Williams, p. 492).
Ménélas (6, 525). Frère d'Agamemnon et premier époux d'Hélène.
Éolide (6, 529). Ce descendant d'Éole est ici Ulysse. Une légende racontait en effet qu'avant d'épouser Laërte, Anticlée s'était donnée à Sisyphe, fils d'Éole, dont elle avait eu Ulysse. Ulysse était réputé maître en fourberie.
Aurore (6, 535). « La traversée du milieu du ciel semble évoquer l'heure de midi, et la mention de l'Aurore surprend. [...] L'importance attribuée ici à l'Aurore provient peut-être de ce que ce sont ses apparitions qui encadrent la durée du voyage infernal : d'une aurore à l'aurore suivante » (J. Perret, Virgile. Énéide, II, 1982, p. 152). « Les Enfers ne voient pas le soleil terrestre » (A.-M. Guillemin, Virgile. Énéide. Livre VI, 1947, p. 81).
le temps alloué (6, 537). Le temps alloué à Énée par les destins, apparemment une journée.
Dis (6, 541). Pluton / Hadès, le roi des Enfers.
Élysée... Tartare (6, 542-643). L'Élysée (cfr 5, 735) est le séjour des Bienheureux et le Tartare, la partie la plus profonde des Enfers, est le séjour des grands coupables, comme le montrera la suite du chant.
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Bibliotheca Classica Selecta - UCL (FIAL)