Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant IX (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE IX
SIÈGE DU CAMP TROYEN - NISUS ET EURYALE
La geste de Turnus (2) (9, 672-818)
Imprudence troyenne : Pandare et Bitias (9, 672-755)
C'est alors que deux Troyens, les frères Pandare et Bitias, sciemment, laissent ouverte la porte dont ils ont la garde ; de l'entrée, ils massacrent ou mettent en fuite les assaillants qui tentent de pénétrer dans le camp ; de plus, les Troyens, se sentant pleins d'ardeur, se risquent au dehors. (9, 672-690)
Mais Turnus se rue à l'intérieur, et massacre quatre guerriers troyens, avant d'abattre sauvagement Bitias, l'un des deux frères. (9, 691-716)
Le dieu Mars insuffle aux Latins espoir et ardeur, et aux Troyens crainte et désir de fuir, mais tous sont prêts à se battre. Pandare, voyant le cadavre de son frère, referme la porte, coupant toute retraite à une partie des siens, et sans se rendre compte que Turnus est resté dans les murs. À son tour, Pandare sera abattu par Turnus, nouvel Achille, protégé par Junon. (9, 717-755)
Pandarus et Bitias, Idaeo Alcanore creti, quos Iouis eduxit luco siluestris Iaera abietibus iuuenes patriis et montibus aequos, |
Pandare et Bitias étaient nés d'Alcanor l'Idéen ; la nymphe Iéra les avait mis au monde dans le bois sacré de Jupiter, et ils avaient la stature des sapins et des monts de leur patrie. |
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portam, quae ducis imperio commissa, recludunt, freti animis, ultroque inuitant moenibus hostem. Ipsi intus dextra ac laeua pro turribus adstant, armati ferro et cristis capita alta corusci : quales aeriae liquentia flumina circum, |
Confiants en leur vaillance, ils ouvrent la porte dont leur chef leur avait confié la garde, et, d'initiative, invitent l'ennemi dans les murs. Eux, à l'intérieur, se dressent à droite et à gauche devant les tours, armés de fer, portant sur le haut de leur têtes une aigrette tremblante. Ainsi se dressent, dans les airs, près des rivières aux eaux claires, |
9, 675 |
siue Padi ripis Athesim seu propter amoenum, consurgunt geminae quercus intonsaque caelo attollunt capita et sublimi uertice nutant. Inrumpunt aditus Rutuli ut uidere patentis continuo Quercens et pulcher Aquiculus armis |
sur les rives du Pô ou le long du charmant Adige, deux chênes qui élèvent vers le ciel leurs têtes feuillues, et qui, tout en haut, balancent doucement.leur cime. Dès qu'ils voient le camp ouvert, les Rutules s'y précipitent sans attendre : Quercens, l'Aquicule, beau sous ses armes, |
9, 680 |
et praeceps animi Tmarus et Mauortius Haemon agminibus totis : at uersi terga dedere aut ipso portae posuere in limine uitam. Tum magis increscunt animis discordibus irae ; et iam collecti Troes glomerantur eodem |
Tmarus, toujours prompt à agir, le belliqueux Hémon, suivis de toutes leurs troupes ; mais ils sont repoussés et fuient, tournant le dos, ou perdent leur vie au seuil même de la porte. Alors dans les coeurs ennemis, les colères s'attisent de plus en plus ; et désormais regroupés, les Troyens se massent en un même lieu, |
9, 685 |
et conferre manum et procurrere longius audent.
Ductori Turno diuersa in parte furenti turbantique uiros perfertur nuntius, hostem feruere caede noua et portas praebere patentis. Deserit inceptum atque immani concitus ira |
et se risquent à engager la lutte, à se lancer plus avant face à l'ennemi.
Dans les rangs adverses, le chef Turnus, saisi de fureur guerrière, et semant le trouble parmi ses hommes reçoit le message : l'ennemi déchaîné se livre à un nouveau carnage, ses portes sont ouvertes. Turnus laisse ce qu'il avait commencé et, avec une rage sans borne, |
9, 690 |
Dardaniam ruit ad portam fratresque superbos. Et primum Antiphaten, is enim se primus agebat, Thebana de matre nothum Sarpedonis alti, coniecto sternit iaculo ; uolat Itala cornus aera per tenerum stomachoque infixa sub altum |
se rue vers la porte dardanienne, et les frères pleins de superbe. Et tout d'abord, d'un coup de javelot, il abat Antiphatès, qui se présente le premier, le fils bâtard du grand Sarpédon et d'une mère thébaine : le trait en cornouiller d'Italie vole dans l'air léger et va se ficher au fond de son ventre, |
9, 695 |
pectus abit : reddit specus atri uolneris undam spumantem, et fixo ferrum in pulmone tepescit. Tum Meropem atque Erymanta manu, tum sternit Aphidnum, tum Bitian ardentem oculis animisque frementem non iaculo, neque enim iaculo uitam ille dedisset, |
au bas de son torse ; du creux de la noire blessure coule un flot écumant, et le fer devient tiède dans le poumon transpercé. Après, de sa main il abat Mérops et Érymas, et puis Aphidnus, et ensuite Bitias, aux yeux brûlants et au coeur frémissant, non pas avec un javelot – un javelot n'eût pu lui faire rendre l'âme ! – |
9, 700 |
sed magnum stridens contorta phalarica uenit, fulminis acta modo, quam nec duo taurea terga nec duplici squama lorica fidelis et auro sustinuit : conlapsa ruunt immania membra. Dat tellus gemitum, et clipeum super intonat ingens. |
mais ce qui arrive est une phalarique, lancée avec un sifflement aigu, comme poussée par la foudre : les deux épaisseurs de cuir de taureau ne lui ont pas résisté, ni non plus la fidèle cuirasse à double maille d'or ; son corps de géant s'affaisse et s'écroule, la terre gémit, et son grand bouclier s'écrase sur lui avec un bruit de tonnerre. |
9, 705 |
Talis in Euboico Baiarum litore quondam saxea pila cadit, magnis quam molibus ante constructam ponto iaciunt ; sic illa ruinam prona trahit penitusque uadis inlisa recumbit : miscent se maria, et nigrae attolluntur harenae ; |
Ainsi parfois, au rivage euboïque de Baïes, s'affaisse une pile de pierres, faite de blocs énormes, qui gisent dans la mer ; ainsi la pile s'incline, puis s'écroule et tombe, enlisée au fond des bancs de sable ; les eaux de la mer se troublent et des sables noirs se soulèvent ; |
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tum sonitu Prochyta alta tremit durumque cubile Inarime Iouis imperiis imposta Typhoeo.
Hic Mars armipotens animum uiresque Latinis addidit et stimulos acris sub pectore uertit immisitque Fugam Teucris atrumque Timorem. |
ce fracas fait trembler la haute Prochyta ainsi qu'Inarimé, dure couche de rocs que Jupiter a voulu posé sur Typhée.
Alors Mars, le maître des combats, accroît l'ardeur et les forces des Latins et retourne dans leurs coeurs, ses durs aiguillons en envoyant aux Teucères la Fuite et la noire Crainte. |
9, 715 |
Vndique conueniunt, quoniam data copia pugnae bellatorque animo deus incidit. Pandarus ut fuso germanum corpore cernit et quo sit fortuna loco, qui casus agat res, portam ui magna conuerso cardine torquet, |
On accourt de partout, puisque s'offre la possibilité de combattre et puisque le dieu de la guerre est présent dans les coeurs. Pandare, dès qu'il aperçoit à terre le cadavre de son frère, dès qu'il voit où est la chance et quel cours prennent les choses, de toute sa force, il fait tourner la porte sur ses gonds, |
9, 720 |
obnixus latis umeris, multosque suorum moenibus exclusos duro in certamine linquit ; ast alios secum includit recipitque ruentis, demens, qui Rutulum in medio non agmine regem uiderit inrumpentem ultroque incluserit urbi, |
la poussant de ses larges épaules, et laisse un grand nombre des siens à l'extérieur des murs, au coeur de la dure mêlée ; mais d'autres s'engouffrent qu'il accueille et enferme avec lui ; il n'a pas vu, l'insensé qu'avait fait irruption au milieu du groupe le roi des Rutules que de son propre chef' il a introduit |
9, 725 |
immanem ueluti pecora inter inertia tigrim Continuo noua lux oculis effulsit, et arma horrendum sonuere ; tremunt in uertice cristae sanguineae, clipeoque micantia fulmina mittit : agnoscunt faciem inuisam atque immania membra |
dans la ville, tel un tigre énorme au milieu de paisibles brebis. Aussitôt un éclat nouveau brille dans les yeux de Turnus, et ses armes rendent un son effrayant ; en haut de son casque, s'agitent des aigrettes couleur de sang, et son bouclier lance des éclairs. Les Énéades bouleversés reconnaissent soudain son visage détesté |
9, 730 |
turbati subito Aeneadae. Tum Pandarus ingens emicat et mortis fraternae feruidus ira effatur : « Non haec dotalis regia Amatae, nec muris cohibet patriis media Ardea Turnum. Castra inimica uides ; nulla hinc exire potestas. » |
et son corps démesuré. Alors le géant Pandare s'élance et, bouillant de colère à cause de la mort de son frère, dit : « Ici, ce n'est pas le palais d'Amata qui est offert en dot, ce ne sont pas des murs ancestraux qui entourent Turnus au centre d' Ardée. Cest un camp ennemi ; nul moyen d'en sortir. » |
9, 735 |
Olli subridens sedato pectore Turnus : « Incipe, siqua animo uirtus, et consere dextram : hic etiam inuentum Priamo narrabis Achillem. » Dixerat. Ille rudem nodis et cortice crudo intorquet summis adnixus uiribus hastam : |
Turnus, le coeur serein, lui sourit en disant : « Allons, si tu as du coeur au ventre, engage le combat ; tu raconteras à Priam qu'ici aussi, tu as rencontré un Achille. » Il avait parlé. Pandare, de toutes ses forces, fait tournoyer une pique grossière, noueuse et encore munie de son écorce ; |
9, 740 |
excepere aurae uolnus ; Saturnia Iuno detorsit ueniens, portaeque infigitur hasta. « At non hoc telum, mea quod ui dextera uersat, effugies ; neque enim is teli nec uolneris auctor. » Sic ait et sublatum alte consurgit in ensem |
seuls les souffles de l'air la reçoivent ; Junon la Saturnienne survient, détourne le coup, et la pique se plante dans la porte. « Mais tu n'éviteras pas ce trait que ma droite lance avec force ; car celui qui porte cette arme et ce coup n'est pas de cette veine ! » Ainsi parla Turnus et il se dressa, brandissant bien haut son épée, |
9, 745 |
et mediam ferro gemina inter tempora frontem diuidit inpubesque immani uolnere malas. Fit sonus, ingenti concussa est pondere tellus : conlapsos artus atque arma cruenta cerebro sternit humi moriens, atque illi partibus aequis |
et de sa lame trancha entre les deux tempes le milieu du front , de Pandare, séparant ses joues imberbes par une large blessure. On entend un bruit ; la terre est ébranlée sous l'énorme poids du mourant qui couvre le sol de ses membres défaillants et de ses armes souillées de sa cervelle en sang ; |
9, 750 |
huc caput atque illuc umero ex utroque pependit. |
sa tête fendue par le milieu reste pendante sur ses deux épaules. |
9, 755 |
Sursaut troyen et retraite de Turnus (9, 756-818)
Turnus n'avait à ce moment qu'à introduire son armée en rouvrant les portes pour anéantir le camp mais, tout à sa folie meurtrière et secondé par Junon, il massacre encore une bonne dizaine de Troyens désemparés et en débandade. (9, 756-777)
Finalement, les chefs Troyens Séreste et Mnesthée réagissent ; un discours vigoureux de Mnesthée ranime les courages, et les Troyens tous ensemble acculent Turnus à se retirer. Il est vrai que sur l'ordre de Jupiter, Junon a cessé de seconder Turnus, son protégé, qui plonge tout armé dans le fleuve pour rejoindre son camp. (9, 778-818)
Diffugiunt uersi trepida formidine Troes : et si continuo uictorem ea cura subisset, rumpere claustra manu sociosque immittere portis, ultimus ille dies bello gentique fuisset ; |
Dos tournés, les Troyens, tremblants de peur, fuient en tous sens, et, si dans la foulée le vainqueur avait eu le souci de briser de sa main les barrières et d'introduire ses hommes à l'intérieur, ce jour eût été le dernier de la guerre et de la race troyenne. |
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sed furor ardentem caedisque insana cupido egit in aduersos. Principio Phalerim et succiso poplite Gygen excipit ; hinc raptas fugientibus ingerit hastas in tergum, Iuno uires animumque ministrat ; |
Mais la fureur et un désir insensé de carnage poussèrent l'ardent Turnus contre ses adversaires. D'abord, il saisit Phaleris et Gygès, leur tranche les jarrets ; puis il leur arrache leurs piques, qu'il lance sur le dos |
9, 760 |
addit Halym comitem et confixa Phegea parma, ignaros deinde in muris Martemque cientis Alcandrumque Haliumque Noemonaque Prytanimque. Lyncea tendentem contra sociosque uocantem uibranti gladio conixus ab aggere dexter |
Il envoie les rejoindre Halys et Phégée, dont il a percé le bouclier, ensuite c'est le tour des hommes qui inconscients se battaient debout sur les murs : Alcandre et Halius, et Noémon et Prytanis. Tandis que Lyncée s'avance contre lui, appelant ses amis, du rempart, à droite, Turnus, glaive brandi, le devance |
9, 765 |
occupat ; huic uno desectum comminus ictu cum galea longe iacuit caput. Inde ferarum uastatorem Amycum, quo non felicior alter ungere tela manu ferrumque armare ueneno, et Clytium Aeoliden et amicum Crethea Musis, |
et, de tout près, d'un seul coup, lui tranche la tête qui, toujours casquée, roule et gît à terre, loin de lui. Ensuite Amycus, le tueur de fauves – nul mieux que lui ne savait graisser ses traits et armer ses flèches de poison –, et Clytius l'Éolide, et Créthée, ami des Muses, |
9, 770 |
Crethea Musarum comitem, cui carmina semper et citharae cordi numerosque intendere neruis. Semper equos atque arma uirum pugnasque canebat.
Tandem ductores audita caede suorum conueniunt Teucri, Mnestheus acerque Serestus, |
Créthée, le compagnon des Muses, qui toujours aimait faire des vers rythmés sur les cordes de sa cithare, et toujours chantait chevaux et armes et combats de héros.
Finalement, une fois informés du massacre de leurs hommes, les chefs des Teucères, Mnesthée et l'ardent Séreste, se concertent ; |
9, 775 |
palantisque uident socios hostemque receptum. Et Mnestheus : «Quo deinde fugam, quo tenditis ?» inquit. « Quos alios muros, quae iam ultra moenia habetis ? Vnus homo et uestris, o ciues, undique saeptus aggeribus tantas strages inpune per urbem |
ils voient leurs compagnons dispersés et l'ennemi dans les murs. Mnesthée dit : « Où fuyez-vous donc, où voulez-vous aller ? Avez-vous plus loin d'autres murs, d'autres remparts ? Ô citoyens, un homme seul, enfermé de tous côtés dans vos murs, aura-t-il pu impunément perpétrer de tels massacres dans la ville ? |
9, 780 |
ediderit, iuuenum primos tot miserit Orco ? Non infelicis patriae ueterumque deorum et magni Aeneae, segnes, miseretque pudetque ? » Talibus accensi firmantur et agmine denso consistunt. Turnus paulatim excedere pugna |
et envoyer chez Orcus tant de nos plus insignes guerriers ? N'avez-vous ni pitié, ni honte, lâches que vous êtes, en songeant à votre malheureuse patrie, aux dieux ancestraux et au grand Énée ? » Enflammés par ces paroles, ils reprennent courage et résistent serrant les rangs. Turnus peu à peu s'éloigne du combat, |
9, 785 |
et fluuium petere ac partem, quae cingitur unda acrius hoc Teucri clamore incumbere magno et glomerare manum. Ceu saeuum turba leonem cum telis premit infensis, at territus ille, asper, acerba tuens, retro redit, et neque terga |
gagne le fleuve et l'endroit où le camp est entouré d'eau. À grands cris, avec une ardeur accrue, les Teucères le pressent et resserrent leur troupe. Ainsi une bande de chasseurs, face à un lion cruel, le serrent sous la menace des piques ; mais lui recule, effrayé, farouche, le regard cruel ; sa colère |
9,790 |
ira dare aut uirtus patitur, nec tendere contra ille quidem hoc cupiens potis est per tela uirosque : haud aliter retro dubius uestigia Turnus improperata refert, et mens exaestuat ira. Quin etiam bis tum medios inuaserat hostis, |
et sa valeur l'empêchent de tourner le dos et, malgré son désir, il ne peut ni faire face ni passer à travers hommes et épieux. C'est exactement ainsi que Turnus, hésitant, à pas lents, recule tandis que son esprit bouillonne de colère. Et même, à deux reprises, il a foncé au milieu des ennemis, |
9, 795 |
bis confusa fuga per muros agmina uertit ; sed manus e castris propere coit omnis in unum, nec contra uires audet Saturnia Iuno sufficere, aeriam caelo nam Iuppiter Irim demisit germanae haud mollia iussa ferentem, |
deux fois, le long des murs, il a mis en fuite les bataillons confus ; mais rapidement, de tout le camp, une troupe s'assemble contre lui seul, et la Saturnienne Junon n'ose plus lui fournir des forces suffisantes pour se défendre ; car, du ciel, Jupiter a dépêché à sa soeur l'aérienne Iris, chargée de lui porter des ordres formels, |
9, 800 |
ni Turnus cedat Teucrorum moenibus altis. Ergo nec clipeo iuuenis subsistere tantum dextra ualet : iniectis sic undique telis obruitur. Strepit adsiduo caua tempora circum tinnitu galea, et saxis solida aera fatiscunt, |
si Turnus ne se retirait pas des hauts remparts troyens. Dès lors, ni le bouclier du jeune héros, ni son bras, ne peuventt résister, tant les traits l'accablent de toutes parts. Son casque résonne d'un bruit continu au creux de ses tempes, le bronze massif se fend sous les coups de pierres, le panache |
9, 805 |
discussaeque iubae capiti, nec sufficit umbo ictibus : ingeminant hastis et Troes et ipse fulmineus Mnestheus. Tum toto corpore sudor liquitur et piceum, nec respirare potestas, flumen agit ; fessos quatit aeger anhelitus artus. |
est arraché de sa tête, et le bouclier ne peut plus parer les coups. Les Troyens et le fulgurant Mnesthée même redoublent leurs coups de piques. Alors, la sueur ruisselle sur tout son corps, et coule en ruisseaux poisseux ; il ne peut plus reprendre haleine, un halètement douloureux secoue ses membres épuisés. |
9, 810 |
Tum demum praeceps saltu sese omnibus armis in fluuium dedit : ille suo cum gurgite flauo accepit uenientem ac mollibus extulit undis et laetum sociis abluta caede remisit. |
Alors finalement, tête en avant, avec toutes ses armes, il saute et plonge dans le fleuve aux fauves tourbillons, qui l'accueille et le soulève sur ses ondes paisibles puis le rend aux siens, heureux et lavé de tout ce carnage. |
9, 815 |
Notes (9, 672-818)
Pandare et Bitias (9, 672). Pandare est, dans l'Iliade (2, 826-827), le nom d'un guerrier troyen, favori d'Apollon (cfr Énéide, 5, 495). Quant à Bitias, il est inconnu des poèmes homériques. Virgile a probablement inventé ce nom, qu'il a utilisé ici et en 1, 738, où Bitias est cité comme convive de Didon. Mais quoi qu'il en soit de ces données anthroponymiques, l'épisode comme tel est inspiré d'Homère. Dans l'Iliade (12, 127-194), Polypoetès et Léontée vont, eux aussi, par bravade, ouvrir aux ennemis troyens les portes de leur camp. Eux toutefois ne mourront pas.
Alcanor l'Idéen (9, 672). Alcanor est un personnage inventé par Virgile, qui lui donne le mont Ida comme lieu d'origine.
la nymphe Iéra (9, 673). Une nymphe du mont Ida, donc une nymphe des montagnes, une Oréade. On trouve chez Homère (Iliade, 18, 42) une Néréide du même nom.
Adige (9, 680). Une rivière du Nord de l'Italie, non loin du Pô, et qui se jette comme lui dans la mer Adriatique.
Quercens, etc... (9, 684). Nouvelle série de guerriers que Virgile semble avoir inventés. Le premier porte un nom qui évoque le chêne (quercus en latin) ; le second, Aquiculus, fait songer à la peuplade italique des Équicoles ; le troisième nom est celui d'une montage d'Épire, près de Dodone ; quant au dernier, Hémon, il rappelle le terme Hémus, qui désigne soit une montagne de Thrace, l'Hémus, soit un personnage mythologique du même nom, fils de Borée.
belliqueux (9, 685). En latin, Mavortius, qui veut dire soit « belliqueux » soit « fils de Mars ».
Antiphatès (9, 696). Nom d'un guerrier troyen chez Homère, Iliade, 12, 90.
Sarpédon (9, 697). Fils de Jupiter (d'où l'adjectif « grand »), Sarpédon, roi de Lycie, était venu aider Troie contre les Grecs ; il avait été tué par Patrocle (Homère, Iliade, 16, 480). Virgile en parle aussi en 1, 99-100.
thébaine (9, 697). De Thèbes en Mysie (Asie mineure).
cornouiller (9, 698). Le cornouiller (cornus), cultivé en Italie comme arbre fruitier, comportait deux espèces : le cornouiller mâle et le cornouiller femelle. Le bois du cornouiller (cornus en latin) mâle, très dur, servait à fabriquer javelots et lances. Cfr aussi 12, 267.
Mérops, etc... (9, 702). Trois autres noms empruntés au grec.
phalarique (9, 705). La phalarique (en latin phalarica ou falarica) était une sorte de lance très lourde et très puissante, utilisée à la guerre et à la chasse.
Baïes (9, 710). Située sur le litoral de la Campanie, près de Cumes, colonie eubéenne, Baïes était une luxueuse cité balnéaire fort appréciée des Romains. On y avait construit des digues qui empiétaient sur la mer et portaient terrasses et riches demeures. Les blocs de maçonnerie, jetés dans la mer, sont censés ébranler les îles du voisinage. Horace (Odes, 2, 18, 30) s'élève contre ces constructions.
Prochyta - Inarimé - Typhée (9, 715-716). Prochyta, aujourd'hui Procida, était une petite île rocheuse non loin de Baïes, en face du cap Misène. Inarimé, aujourd'hui Ischia, était la Pithécuses des Grecs. Virgile, dans ce passage, y voit le tombeau de Typhée. Sur ce personnage, cfr plus haut 8, 298.
Fuite et la Crainte noire (9, 719). Deux allégories présentes dans un passage d'Homère (Iliade, 4, 440), que Virgile réutilise ici.
Amata (9, 737). Amata est la femme du roi Latinus et la mère de Lavinia (cfr plus haut 7, 343 pour la première mention de ce nom).
Ardée (9, 738). Capitale des Rutules, Ardée était la patrie de Turnus.
raconteras à Priam (9, 742). Tu vas mourir de ma main, et dans l'au-delà tu rencontreras Priam, mort lui aussi, et tu pourras lui dire que tu as été tué par la main du nouvel Achille (cfr 6, 89 : « Un nouvel Achille est né pour le Latium »). Ce nouvel Achille est évidemment Turnus.
détourne le coup (9, 746). Chez Homère aussi, des dieux viennent détourner des armes de jet. C'est le cas d'Apollon protégeant Hector (Iliade, 8, 31), de Minerve protégeant Achille (Iliade, 20, 438).
Phaleris, etc... (9, 762). Sauf exception, nous ne commenterons pas cette nouvelle série de noms troyens tous empruntés au grec. Certains se rencontrent chez Homère (comme Alcandre, Iliade, 5, 678), d'autres, comme Lyncée, non. Phalaris et Phégée ont été présentés comme des serviteurs de Mnesthée dans le récit des régates du livre 5 (5, 263).
armer ses flèches de poison (9, 773). Ce n'était donc pas uniquement les chasseurs qui imprégnaient leurs flèches de poison. En tout cas, Virgile, en 10, 140 et en 12, 857, revient sur cette coutume.
Clytius l'Éolide (9, 774). Parmi les descendants d'Éole, l'Énéide mentionne Misène (6, 164), Ulysse (6, 529) et le Clytius cité ici. Le Troyen Clytius, pour en revenir à lui, n'est pas le seul guerrier de ce nom cité dans le poème. En 10, 325, par exemple, c'est celui d'un Rutule.
Créthée (9, 774). En 12, 538, Turnus tue un autre guerrier portant le même nom emprunté au grec. Ici, la victime est un chanteur et un poète.
Mnesthée (9, 779). C'est un guerrier troyen, souvent nommé dans l'Énéide. Dans ce chant, il a déjà été cité en 9, 171 et en 9, 306.
Séreste (9, 779). Lui aussi est un guerrier troyen, souvent cité dans l'Énéide. Cfr notamment plus haut en 9, 171.
citoyens (9, 784). Le terme pourrait comporter ici une nuance de mépris : « Vous n'êtes pas des guerriers, mais des citoyens, des civils ». Ainsi César, lorsqu'il voulait piquer ses soldats au vif, les traitait de « Quirites », qui a le même sens que « citoyens ».
Orcus (9, 785). Pour Orcus, cfr plus haut 9, 528. Cfr aussi 2, 398 ; 4, 243 ; 6, 273 ; 8, 296-299.
il saute et plonge dans le fleuve (9, 816). Comme l'avait fait Horatius Coclès dans l'annalistique romaine, lors de la guerre de Porsenna contre Rome. Cfr Tite-Live, 2, 10.
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