Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant VIII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE VIII
LA ROME FUTURE : PALLANTÉE - BOUCLIER D'ÉNÉE
Scènes de l'histoire romaine avant Auguste (8, 626-670)
Le bouclier est décoré sur ses contours de scènes évoquant l'histoire légendaire de Rome dès avant sa fondation et sous les rois (8, 626-645).Les scènes suivantes évoquent l'instauration de la République, des héros, des personnages, des événements, des institutions de la période républicaine (8, 646-670).
Illic res Italas Romanorumque triumphos haud uatum ignarus uenturique inscius aeui fecerat ignipotens, illic genus omne futurae stirpis ab Ascanio. pugnataque in ordine bella. |
Sur ce bouclier le maître du feu, n'ignorant pas les prophéties et informé de l'avenir, y avait représenté l'histoire de l'Italie et les triomphes des Romains ; y figurait aussi toute la race des futurs descendants d'Ascagne et la suite de leurs guerres et combats. |
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Fecerat et uiridi fetam Mauortis in antro procubuisse lupam, geminos huic ubera circum ludere pendentis pueros et lambere matrem impauidos, illam tereti ceruice reflexa mulcere alternos et corpora fingere lingua. |
Il avait représenté, couchée dans l'antre verdoyant de Mars, une louve qui venait d'avoir des petits ; deux enfants, des jumeaux, jouaient pendus à ses mamelles, tétant leur mère, sans nulle crainte ; elle, tournant vers l'arrière sa souple encolure, les caressait l'un après l'autre, et à coups de langue modelait leurs corps.. |
8, 630 |
Nec procul hinc Romam et raptas sine more Sabinas consessu caueae magnis circensibus actis addiderat subitoque nouum consurgere bellum Romulidis Tatioque seni Curibusque seueris. Post idem inter se posito certamine reges |
Non loin de là, il avait figuré Rome et le rapt insolite des Sabines, enlevées sur les gradins du cirque, lors de grands jeux ; et il avait ajouté une nouvelle guerre surgie soudainement entre les Romulides et le vieux Tatius, suivi des austères habitants de Cures. Ensuite, ces mêmes rois, une fois leur rivalité apaisée, |
8, 635 |
armati Iouis ante aram paterasque tenentes stabant et caesa iungebant foedera porca. Haud procul inde citae Mettum in diuersa quadrigae distulerant, at tu dictis, Albane, maneres, raptabatque uiri mendacis uiscera Tullus |
se dressaient en armes devant l'autel de Jupiter ; tenant des patères, ils scellaient leur alliance après avoir immolé une truie, . Un peu plus loin, des quadriges lancés en sens opposés avaient écartelé Mettius – ah, Albain, si tu avais pu tenir ta parole – ! et Tullus emportait les entrailles du traître dans la forêt, |
8, 640 |
per siluam, et sparsi rorabant sanguine uepres.
Nec non Tarquinium eiectum Porsenna iubebat accipere ingentique urbem obsidione premebat :
Aeneadae
in ferrum pro libertate ruebant.
Illum indignanti similem
similemque minanti |
et le sang du corps dispersé humectait les buissons.
Porsenna exigeait le rappel de Tarquin qui avait été expulsé, et avec des forces importantes faisait le siège de la ville accablée. Pour leur liberté, les Énéades se ruaient sur des armes. On pouvait voir Coclès, tel un homme indigné et menaçant, |
8, 645 |
aspiceres, pontem auderet
quia uellere Cocles et fluuium uinclis innaret Cloelia
ruptis.
In summo custos Tarpeiae
Manlius arcis stabat pro templo et Capitolia celsa tenebat, Romuleoque recens horrebat regia culmo. |
lui qui avait eu l'audace de couper le pont, et Clélie qui avait brisé ses chaînes et traversait le fleuve à la nage. En haut du bouclier, Manlius, gardien de la citadelle tarpéienne, se dressait devant le temple, occupant le sommet du Capitole, et la nouvelle maison royale se couvrait du chaume de Romulus. |
8, 650 |
Atque hic auratis uolitans argenteus anser porticibus Gallos in limine adesse canebat. Galli per dumos aderant arcemque tenebant, defensi tenebris et dono noctis opacae : aurea caesaries ollis atque aurea uestis, |
Ici, volant de tous côtés parmi les portiques dorés, une oie d'argent annonçait la présence des Gaulois aux portes ; les Gaulois étaient là, dans les broussailles et, à la faveur des ténèbres, protégés par une nuit profonde, ils étaient maîtres de la citadelle. Leurs cheveux ont la couleur de l'or et aussi leurs vêtements ; |
8, 655 |
uirgatis lucent sagulis, tum lactea colla auro innectuntur, duo quisque Alpina coruscant gaesa manu, scutis protecti corpora longis.
Hic exsultantis Salios nudosque Lupercos lanigerosque apices et lapsa ancilia caelo |
dans leurs sayons rayés, ils resplendissent, avec leurs nuques blanches comme lait entourées d'un cercle d'or ; tous brandissent deux javelots alpins, et se protègent derrière de longs boucliers.
Voici, représentés en relief les Saliens bondissants et les Luperques nus, avec leurs bonnets de laine et leurs anciles, tombés du ciel ; |
8, 660 |
extuderat, castae ducebant
sacra per urbem
pilentis matres in
mollibus. Hinc procul addit
Tartareas etiam sedes, alta
ostia Ditis, et scelerum poenas et te, Catilina, minaci pendentem scopulo Furiarumque ora trementem, |
de chastes matrones, dans leurs souples chars suspendus, circulaient dans la ville pour accomplir les cérémonies. Plus loin encore, Vulcain avait représenté aussi les demeures du Tartare, les hautes portes de Dis, les châtiments réservés aux crimes, et toi, Catilina, suspendu à un rocher menaçant, tremblant devant les Furies, |
8, 665 |
secretosque pios, his dantem iura Catonem. |
et enfin à l'écart, les hommes justes et Caton qui leur donnait des lois. |
8, 670 |
Octave-Auguste - Conclusion (8, 671-732)
Au centre du bouclier est figurée la bataille d'Actium, où Octave triompha d'Antoine et de Cléopâtre, et où l'occident triompha de l'orient (8, 671-713)
Enfin, la description se termine par la scène du triomphe d'Auguste, évoquant ses conquêtes et son oeuvre de restaurateur de la religion (8, 714-728)
Quelques vers de conclusion montrent Énée admirant le bouclier et assumant le destin de sa descendance (8, 729-732)
Haec inter tumidi late maris ibat imago aurea, sed fluctu spumabant caerula cano ; et circum argento clari delphines in orbem aequora uerrebant caudis aestumque secabant. |
Et parmi ces sujets se profilait largement l'image toute d'or d'une mer gonflée aux flots sombres éclairés d'une écume blanche, et tout autour, dessinant un cercle, de clairs dauphins d'argent balayaient de leur queue la surface de l'eau et fendaient les flots houleux. |
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cernere erat, totumque
instructo Marte uideres feruere Leucaten auroque effulgere fluctus.
Hinc Augustus agens Italos
in proelia Caesar
cum patribus populoque,
penatibus et magnis dis, |
Au centre, on pouvait voir des flottes aux étraves d'airain, les combats d'Actium, et avec le déploiement des forces de Mars, le promontoire de Leucate en effervescence et les reflets d'or sur les flots.
De ce côté, César Auguste, menant les Italiens au combat, entouré des Pères et du peuple, des Pénates et des Grands Dieux, |
8, 675 |
stans celsa in puppi ; geminas cui tempora flammas laeta uomunt patriumque aperitur uertice sidus. Parte alia uentis et dis Agrippa secundis arduus agmen agens ; cui, belli insigne superbum, tempora nauali fulgent rostrata corona. |
se dresse en haut de la poupe ; de ses tempes bénies jaillissent deux flammes, et l'étoile paternelle apparaît sur sa tête. Ailleurs, bénéficiant de la faveur des vents et des dieux, la tête haute, Agrippa mène une armée ; sur son front resplendit la couronne navale, ornée d'éperons, superbe insigne de guerre,. |
8, 680 |
Hinc ope barbarica uariisque Antonius armis, uictor ab Aurorae populis et litore rubro, Aegyptum uiresque Orientis et ultima secum Bactra uehit, sequiturque nefas Aegyptia coniunx.
Vna omnes ruere, ac totum spumare reductis |
De l'autre côté, avec ses renforts barbares et ses armes de toute origine, Antoine, vainqueur des peuples de l'Aurore et de la mer Rouge, entraîne l'Égypte et les forces de l'Orient, et la lointaine Bactriane avec lui, et ô sacrilège !, son épouse égyptienne qui le suit.
Tous les combattants se ruent enensemble, et la mer entière se couvre d'écume, |
8, 685 |
conuolsum remis rostrisque tridentibus aequor. Alta petunt : pelago credas
innare reuolsas Cycladas aut montis concurrere montibus altos, tanta mole uiri turritis puppibus instant. Stuppea flamma manu telisque uolatile ferrum |
battue par les rames en mouvement et les triples pointes des rostres. Ils gagnent le large ; on croirait les Cyclades arrachées de leur base et flottant sur la mer, ou de hautes montagnes heurtant des montagnes, tant est grande la charge des guerriers pressant les bateaux garnis de tours. Les mains et les armes lancent de l'étoupe enflammée, des traits qui volent ; |
8, 690 |
spargitur, arua noua Neptunia caede rubescunt.
Regina in mediis patrio
uocat agmina sistro necdum etiam geminos a tergo respicit anguis. omnigenumque deum monstra et latrator Anubis contra Neptunum et Venerem contraque Mineruam |
les champs de Neptune rougissent pendant ce massacre d'un genre nouveau. Au milieu du combat, au son du sistre ancestral, la reine appelle ses armées ; elle n'aperçoit pas encore derrière elle les deux serpents. Des monstres divins de tout genre, ainsi qu'Anubis l'aboyeur, dirigent leurs traits contre Neptune et Vénus et contre Minerve. |
8, 695 |
tela tenent. Saeuit medio in certamine Mauors caelatus ferro tristesque ex aethere Dirae, et scissa gaudens uadit Discordia palla, quam cum sanguineo sequitur Bellona flagello.
Actius haec cernens arcum
tendebat Apollo |
En plein combat, Mavors, fait de fer ciselé, se déchaîne, ainsi que les tristes Furies descendues de l'éther et la Discorde qui s'avance, réjouie de sa robe déchirée, et suivie de Bellone, armée avec son fouet ensanglanté.
L'Apollon d'Actium, voyant d'en haut ces événements, |
8, 700 |
desuper : omnis eo terrore Aegyptus et Indi, omnis Arabs, omnes uertebant terga Sabaei. Ipsa uidebatur uentis regina uocatis uela dare et laxos iam iamque inmittere funis. Illam inter caedes pallentem morte futura |
tendait son arc ; épouvantés, tous tournaient le dos, tous, les Égyptiens et les Indiens, l'Arabie entière et les Sabéens. La reine elle-même, qui avait invoqué les vents, semblait mettre à la voile et à l'instant même détachait et lâchait les cordages. Le Maître du feu l'avait représentée au milieu des massacres, |
8, 705 |
fecerat Ignipotens undis et Iapyge ferri,
contra autem magno
maerentem corpore Nilum pandentemque sinus et tota ueste uocantem caeruleum in gremium latebrosaque flumina uictos.
At Caesar, triplici
inuectus Romana triumpho |
pâlissant devant sa mort future, emportée par les flots et le Iapyx, et en face, plongé dans l'affliction, le Nil à l'énorme corps, ouvrant largement sa robe et son sein, invitait les vaincus en son giron céruléen, au plus profond de ses flots.
Par ailleurs, César, porté en un triple triomphe au centre de Rome, |
8, 710 |
moenia, dis Italis uotum inmortale sacrabat, maxuma tercentum totam delubra per urbem. Laetitia ludisque uiae plausuque fremebant ; omnibus in templis matrum chorus, omnibus arae ; ante aras terram caesi strauere iuuenci. |
faisait aux dieux de l'Italie le voeu d'une offrande impérissable : trois cents temples immenses, répartis à travers toute la ville. Les rues résonnaient de liesse, de jeux, d'applaudissements ; dans tous les temples, un choeur de matrones ; partout, des autels ; au pied de ceux-ci, le sol est recouvert de taureaux immolés. |
8, 715 |
Ipse, sedens niueo candentis limine Phoebi, dona recognoscit populorum aptatque superbis postibus ; incedunt uictae longo ordine gentes, quam uariae linguis, habitu tam uestis et armis. Hic Nomadum genus et discinctos Mulciber Afros, |
Auguste en personne, siégeant sur le seuil de neige du brillant Phébus, reconnaît les dons de ses peuples et les fixe aux superbes chambranles ; les nations vaincues marchenten une longue procession, aussi diverses par leurs vêtements et leurs armes que par leur langue et leurs manières. Ici, Mulciber avait représenté le peuple des Nomades africains |
8, 720 |
hic Lelegas Carasque sagittiferosque Gelonos finxerat ; Euphrates ibat iam mollior undis, extremique hominum Morini, Rhenusque bicornis, indomitique Dahae, et pontem indignatus Araxes.
Talia per clipeum Volcani, dona parentis, |
aux robes sans ceinture ; ici, les Lélèges et les Cariens, et les Gélons porteurs de flèches ; l'Euphrate s'avançait, les flots plus apaisés désormais ; les Morins, hommes des confins de la terre, et le Rhin à la double corne, les Dahes insoumis et l'Araxe indigné du pont jeté sur lui.
Énée admire ces scènes sur le bouclier de Vulcain, don de sa mère |
8, 725 |
miratur rerumque ignarus imagine gaudet, attollens umero famamque et fata nepotum. |
et, sans connaître ces faits, il est heureux de voir leur image, et charge sur son épaule les destins glorieux de ses descendants. |
8, 730 |
Notes (8, 626-731)
antre verdoyant de Mars (8, 630). Il s'agit de la grotte du Lupercal, (cfr 8, 343). Comme le Lupercal n'est pas consacré à Mars, la mention de Mars ne s'explique que par la paternité du dieu sur les jumeaux Romulus et Rémus.
rapt insolite des Sabines (8, 635-636). C'est l'épisode célèbre de l'enlèvement de jeunes filles par Romulus et ses hommes, qui avaient besoin de femmes pour perpétuer leur ville. Comme les voisins leur refusaient leurs filles, Romulus avait invité les peuples des environs à des jeux (les Consualia, qui n'étaient pas de véritables jeux de cirque) et, en pleine cérémonie, ses hommes avaient enlevé les jeunes filles qui accompagnaient leurs parents. Il y avait parmi les victimes des Céniniennes, des Crustuminiennes et des Antemnates, mais comme les Sabines étaient les plus nombreuses, l'événement est généralement connu sous le nom d'enlèvement des Sabines. Cet incident provoquera une série de guerres entre Rome et ses voisins. La guerre contre les Sabins sera la dernière et de loin la plus dangereuse pour Rome. Sur l'enlèvement des femmes et les guerres qui l'ont suivi, on pourra voir Tite-Live, 1, 9-13. L'adjectif français « insolite » rend le latin sine more, c'est-à-dire sans respect pour la coutume, le mariage par rapt étant étranger au système romain.
austères habitants de Cures (8, 638). Cures était la capitale des Sabins ; leur roi Titus Tatius viendra à la tête de ses hommes affronter les Romains de Romulus. Les vieux Sabins étaient réputés pour l'austérité et la sévérité de leurs moeurs. On reparlera de Cures en 10, 345.
une fois leur rivalité apaisée (8, 639). La tradition raconte que la guerre ne prit fin que grâce à l'intervention des femmes enlevées qui s'interposèrent entre leurs pères et leurs maris, amenant les belligérants à mettre fin aux combats et à conclure entre eux un traité d'union. Il fut décidé, entre autres choses, que Romulus et Titus Tatius régneraient sur Rome en commun, entamant une période de royauté double qui n'allait pas durer longtemps.
devant l'autel (8, 640). Virgile donne ici quelques précisions sur le cérémonial romain de la conclusion d'un traité. Le garant était Jupiter et, lors du sacrifice qui scellait l'accord, on sacrifiait au dieu un porcin. Virgile parle d'une truie, d'autres textes d'un jeune porc. La conclusion d'un traité était un rite d'une assez grande technicité, sur laquelle Tite-Live (1, 24) donne beaucoup de précisions, à propos d'un traité conclu entre Rome et Albe.
patères (8, 640). Les patères ressemblaient à de petites soucoupes de forme circulaire et peu profondes, qui servaient à contenir des liquides. On les utilisait pour boire ou – comme ici – pour faire des libations. On versait en effet le contenu de la patère soit sur la tête de la victime, soit sur l'autel.
écartelé Mettius (8, 643). Allusion à un autre épisode de l'histoire des rois, sous Tullus Hostilius cette fois. Au mépris des accords conclus entre Rome et Albe, le dictateur d'Albe, Mettus ou Mettius Fufétius, n'avait pas correctement secondé Tullus Hostilius dans une opération militaire contre les Véiens et les Fidénates : il n'avait pas engagé immédiatement les troupes albaines, laissant le roi de Rome se débrouiller seul et nourrissant le projet de rallier le vainqueur. Tullus Hostilius n'avait pas apprécié cette duplicité. Il avait fait attacher le traître à deux quadriges (= chars tirés par quatre chevaux) et l'avait fait écarteler. On trouvera plus de détails sur l'ensemble de l'histoire chez Tite-Live (1, 27-28).
Porsenna (8, 646). Nous sommes cette fois à la fin de la royauté romaine. La légende raconte qu'à la suite d'une incartade sexuelle d'un de ses fils (le viol de Lucrèce), Tarquin le Superbe avait été chassé par une révolution conduite par Brutus, ce qui avait abouti à l'instauration de la République. À la tête d'une puissante armée, l'Étrusque Porsenna, roi de Chiusi, serait venu exiger que les Romains rendent son trône à Tarquin. Toujours selon la légende, Porsenna aurait dû renoncer à son projet et se retirer, devant la force et le courage de Rome, en particulier d'un groupe de héros au nombre desquels figuraient Horatius Coclès et Clélie (cfr les vers suivants). Pour l'historien moderne, tout porte à croire que Porsenna s'est réellement emparé de Rome, non pour y rétablir les Tarquins sur le trône mais pour son propre compte.
Énéades (8, 648). Les Énéades, c'est-à-dire les descendants d'Énée, sont les Romains.
Coclès (8, 650). Installé sur la rive droite du Tibre, du côté de l'Étrurie donc, Horatius Coclès se serait opposé à toute l'armée de Porsenna, bloquant pratiquement à lui seul le passage sur le pont Sublicius qui permettait de traverser le fleuve. Il aurait ainsi retenu les ennemis sur la rive droite pendant que les Romains étaient occupés à couper le pont. Une fois cette mesure prise, Coclès se serait jeté dans le Tibre et aurait regagné la rive romaine à la nage, sain et sauf. Pour plus de détails, on verra Tite-Live, 2, 10.
Clélie (8, 651). C'est une autre gloire romaine de la guerre contre Porsenna. Le roi étrusque avait finalement accepté de se retirer mais avait exigé des otages. Une jeune fille de bonne famille, Clélie, en faisait partie. De sa propre initiative, elle s'échappa du camp de Porsenna, qui était de l'autre côté du Tibre et, entraînant avec elle d'autres jeunes filles, regagna Rome à la nage. Mais le consul romain, par respect pour les engagements qu'il avait pris, la renvoya au roi étrusque. Lequel, impressionné par le courage de Clélie et par la correction des Romains, la libéra définitivement, lui permettant même d'emmener avec elle les otages qu'elle voudrait. Pour plus de détails, on verra Tite-Live, 2, 13.
Manlius (8, 652). On est maintenant en pleine époque républicaine. La scène évoque quelques détails d'un épisode célèbre, celui de l'invasion gauloise du début du IVe siècle (vers 390 av. J.-C.) et de la tentative des Gaulois de s'emparer de la citadelle du Capitole. Marcus Manlius Capitolinus passe, dans la tradition, pour le commandant de la citadelle du Capitole, appelée par Virgile la citadelle tarpéienne (cfr aussi 8, 347).
maison royale... de Romulus (8, 654). Les Romains de l'époque historique conservaient sur le Capitole une très ancienne habitation (la casa Romuli) qu'ils présentaient comme la « maison de Romulus » et qui était soigneusement entretenue (Denys d'Halicarnasse, I, 79 ; Sénèque, Controverses, 9, etc.). On remplaçait régulièrement le chaume qui la recouvrait. Virgile a donc placé sur le bouclier cette « maison de Romulus », en imaginant qu'elle venait d'être remise à neuf.
oie d'argent (8, 656). Évocation de l'épisode central. Toujours selon la tradition romaine, les Gaulois s'étaient emparés de toute la ville de Rome, sauf de la citadelle du Capitole, où les défenseurs romains s'étaient retranchés sous la conduite de Manlius. Par une nuit sans lune, les Gaulois avaient tenté l'escalade de la forteresse. Ils auraient réussi si les oies du temple de Junon ne les avaient entendus et si leurs cris perçants n'avaient réveillé les Romains. Ce sont donc les oies qui ont sauvé la citadelle. Le commentateur Servius signale qu'une oie d'argent consacrait au Capitole le souvenir de cet événement, mais rien ne vient recouper cette information, que Servius peut avoir simplement inférée du texte de Virgile. En réalité, certains historiens modernes n'acceptent pas cette tradition des oies du Capitole et pensent que les Gaulois s'étaient rendus maîtres de toute la ville, Capitole compris.
sayons (8, 660). Le « sayon » (ou « saie ») était une pièce d'étoffe grossière qui servait de manteau aux soldats gaulois et que les Romains adoptèrent.
blanches comme lait (8, 661). Les Gaulois avaient une peau plus blanche que celle des Romains. Ils étaient représentés avec des colliers au cou.
javelots alpins (8, 662). Armes d'origine gauloise, les gaesa étaient des javelots très résistants et très pesants ; chaque guerrier en portait deux. Cette arme fut plus tard adoptée par les Romains.
Saliens bondissants (8, 663). Pour les Saliens et leurs danses guerrières, cfr 8, 285 et la note.
Luperques nus (8, 663). Pour les Luperques « nus », c'est-à-dire vêtus tout simplement d'une peau de bête, cfr 8, 282n. Parmi les cérémonies qui marquaient les Lupercales du 15 février, il y avait une course de Luperques « nus », faisant en courant le tour du Palatin et frappant avec les lanières des chèvres sacrifiées les assistants qui se pressaient sur leur passage, et tout particulièrement les femmes. Ce geste rituel était censé assurer la fécondité.
bonnets de laine (8, 664). Le terme latin qui désigne ces bonnets très spéciaux est apex, pluriel apices. Il s'agit d'une coiffure très particulière, réservée aux Flamines, c'est-à-dire un groupe de quinze prêtres consacrés chacun à une divinité particulière. Il y avait trois Flamines majeurs (pour Jupiter, Mars et Quirinus) et douze Flamines mineurs, pour des divinités moins importantes (par exemple Carmenta, cfr 8, 336 ; Flora ; Pomona, etc.). Ce bonnet se présentait comme une sorte de calotte qui épousait étroitement la forme de la tête et se prolongeait au sommet de celle-ci par un morceau de bois d'olivier, aiguisé par le bout et fixé au bonnet par une touffe de laine. On possède plusieurs représentations iconographiques de ce couvre-chef très caractéristique.
anciles, tombés du ciel (8, 664). On a parlé en 8, 285n des anciles, qui étaient les boucliers sacrés des Saliens. L'un d'entre eux était tombé du ciel à l'époque du roi Numa, lequel en avait fait reproduire onze exemplaires à l'identique.
souples chars suspendus (8, 665). Après la mention des Luperques, des Saliens et des Flamines, Virgile évoque un autre détail en rapport lui aussi avec le culte romain. Lors de certaines cérémonies, les dames romaines avaient le droit d'utiliser, pour se déplacer, des voitures plus souples, appelées pilenta, au lieu des charrettes, appelées carpenta.
plus loin encore (8, 666). Il s'agit d'une autre section du bouclier, voisine de la précédente et consacrée plus particulièrement à la religion romaine.
Tartare, et les hautes portes de Dis (8, 667). Du Tartare, de Dis (c'est-à-dire Pluton, le dieu des Enfers), des Furies et des châtiments infernaux, il a été abondamment question dans le livre 6.
Catilina (8, 668). Catilina avait tenté en 63 a.C.n. de s'emparer du pouvoir à Rome mais avait échoué devant la ferme opposition de Cicéron, le consul du moment. Il dut quitter précipitamment Rome pour rejoindre l'armée qu'il avait levée contre la République; il mourut sur le champ de bataille, à Pistoïe en Étrurie. Virgile l'imagine aux Enfers parmi les grands criminels, attaché, semble-t-il, à un rocher et torturé par les Furies, un peu comme Prométhée.
Caton (8, 670). En opposition à ce criminel d'État qu'est Catilina, voici un juste, à savoir Caton d'Utique, un autre contemporain de Virgile, et défenseur farouche de la légalité républicaine. En 46 av. J.-C., après la bataille de Thapsus (en Afrique du Nord) où Jules César remporta une victoire décisive sur les troupes de Pompée, autre représentant de la légalité sénatoriale, Caton se suicida, selon ses propres termes, « pour ne pas survivre à la République ».
combats d'Actium (8, 675). La partie centrale du bouclier, qui comporte plusieurs sections, est consacrée à la représentation de la victoire d'Octave à Actium en 31 av. J.-C. et de ses conséquences immédiates. Au cours de cette bataille navale, conduite au large de l'Acarnanie, Octave vainquit son rival Antoine ainsi que Cléopâtre, reine d'Égypte. Cette victoire, dont Octave, devenu Auguste, s'est toujours montré fier, marque la fin des guerres civiles, qui avaient déchiré pendant plus d'un siècle la République romaine. Elle signale aussi, dans un sens, le début de l'Empire.
forces de Mars (8, 676). Les flottes qui vont s'affronter.
promontoire de Leucate (8, 677). Un promontoire dans l'île de Leucade, près de la côte nord de l'Acarnanie, non loin de celui d'Actium, à l'entrée du golfe d'Ambracie. « Le promontoire d'Actium domine un golfe très profond (le golfe d'Ambracie [...]) ; la flotte d'Antoine s'y réfugia ; celle d'Octave l'encerclait du côté du large » (A. Flobert). Sur cette île et Actium, cfr 3, 274-289.
César Auguste (8, 678). Octave prit le surnom d'Auguste quelques années après la victoire d'Actium, très exactement le 16 janvier 27 av. J.-C.
Pères (8, 679). Autre nom des sénateurs. Le sénat et le peuple formaient le pouvoir politique de Rome. Qu'on songe à la formule célèbre : Senatus Populusque Romanus.
Grands Dieux (8, 679). Il n'est pas facile de savoir quels dieux précis Virgile a ici en tête. Peut-être songeait-il à cette liste de grandes divinités romaines que le poète Ennius avait rassemblées dans deux vers de ses Annales (1, 60-61 Warmington) : « Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane, Vénus, Mars, Mercure, Jupiter, Neptune, Vulcain, Apollon ». En tout cas, avec les Pénates et les « Grands ieux », c'est toute la puissance religieuse de Rome qui est ici évoquée, immédiatement après le pouvoir politique.
deux flammes (8, 681). Ce prodige consistant en deux flammes de feu sortant de sa tête, est un signe évident de la bienveillance divine. Octave-Auguste est vraiment « l'élu » des dieux. Utilisation possible par Virgile d'un motif plus ancien, qui est celui de la couronne de feu entourant la tête de Servius Tullius, encore enfant, et qui le désigna comme le favori des dieux promis à une très haute destinée (cfr par exemple le récit de Tite-Live, 1, 39). Dans l'Énéide, Virgile utilise ailleurs encore ce type de prodige, par exemple autour de la tête d'Iule en 2, 682, et autour de celle d'Énée en 10, 270. Une autre allusion se trouve peut-être en 6, 779-80.
étoile paternelle (8, 681). Il s'agit de l'étoile de César, le père adoptif d'Octave-Auguste (sidus Iulium). Le jour de juillet 44 av.J.-C. où Octave célébra les jeux funèbres en l'honneur de César qui venait de mourir, une comète était apparue dans le ciel de Rome. La propagande s'était emparée de ce phénomène astronomique, qu'elle fit passer comme un signe de la montée au ciel de l'âme de César. Elle fut reprise dans l'iconographie : on frappa par exemple des monnaies portant cette étoile. Sur l'apothéose de Jules César, voir aussi Ovide, Mét., 15, 745-842.
Agrippa (8, 683). M. Vipsanius Agrippa, ami et collaborateur d'Auguste, était son lieutenant à Actium. C'est lui aussi qui, quelques années auparavant (en 36 av.J.-C.), pour le compte d'Octave, avait battu à Nauloque (en Sicile) Sextus Pompée, le plus jeune fils de Pompée le Grand qui continuait à lutter pour les valeurs républicaines.
couronne navale (8, 684). La couronne navale était, chez les Romains, une prestigieuse décoration militaire. Sa décoration imitait des éperons de navires. Elle fut décernée pour la première fois à Agrippa après sa victoire de Nauloque. Dans la suite, elle se démocratisa et récompensa le soldat qui, dans une bataille navale, sautait le premier à bord d'un navire ennemi.
Antoine (8, 686). C'est Marc Antoine, l'ancien collègue d'Octave au triumvirat, son compagnon aussi dans la lutte contre les assassins de César, et également son beau-frère, Antoine ayant épousé Octavie, la soeur d'Octave. À une certaine époque, les deux hommes s'étaient même partagé le monde romain, l'Orient revenant à Antoine et l'Occident à Octave. Mais l'entente ne dura pas, et de violentes rivalités séparèrent les deux chefs. Actium marqua l'affrontement suprême entre eux. La propagande présente ici Octave comme le symbole de l'Occident, de l'Italie, de l'ordre romain et des dieux de Rome, tandis que son adversaire, Antoine, incarne l'Orient, son immensité, sa barbarie, ses dieux monstrueux et son luxe démesuré.
vainqueur des peuples de l'Aurore et de la mer Rouge (8, 686). Chargé de la partie orientale du monde romain, Antoine avait combattu les Parthes à plusieurs reprises (notamment en 41 av. J.-C.) et avec des succès divers ; il avait aussi soumis l'Arménie (en 36 av. J.-C.). Les Parthes et les Arméniens étaient des « peuples de l'Aurore », c'est-à-dire de l'est.
lointaine Bactriane (8, 687). La Bactriane (dans l'actuel Turkestan) s'étendait à l'est des Parthes. Antoine aurait renoncé en 36 av. J.-C. à pousser son avantage dans cette région qui, vue de Rome, devait apparaître comme l'extrémité du monde.
son épouse égyptienne (8, 688). Cléopâtre, reine d'Égypte, avec laquelle Antoine avait une liaison et qui lui avait donné trois fils. Antoine vivait avec elle en monarque oriental. Tant Virgile qu'Horace et Properce évitent de prononcer son nom, la désignant toujours par une périphrase.
Cyclades (8, 691). Un groupe d'îles de la mer Égée, qui s'étendaient en cercle (d'où leur nom) autour de Délos. Les vaisseaux sont comparés à des îles et à des montagnes se déplaçant sur la mer. Magnification épique évidemment, mais les récits de la bataille insistent sur le caractère massif des navires d'Antoine, ce qui gêna d'ailleurs beaucoup les manoeuvres : des « redoutes », des « villes », écrit par exemple Florus, et Plutarque (Antoine, 67) note que les soldats d'Antoine lançaient des traits avec des catapultes du haut de tours de bois.
champs de Neptune (8, 695). C'est la mer.
sistre ancestral (8, 696). Le sistre était une sorte de crécelle, formée d'un certain nombre de tiges métalliques, passées dans un châssis ovale ; un manche court y était adapté, au moyen duquel on tenait l'appareil. En le secouant, les tiges métalliques produisaient des sons aigus et retentissants. Le sistre était utilisé dans les cérémonies du culte d'Isis, dont il était en quelque sorte devenu l'emblème. Cléopâtre semble l'utiliser ici, un peu comme une trompette, pour rassembler son armée. Était-ce vraiment comme cela qu'on agissait dans l'armée égyptienne ? Ce n'est pas sûr. Peut-être le sistre n'a-t-il ici, sous la plume de Virgile, qu'une valeur de symbole, un détail renvoyant au monde égyptien.
deux serpents (8, 697). Serpents symboliques annonçant la mort de Cléopâtre. On raconte en effet qu'elle s'est fait piquer par un aspic pour ne pas tomber vivante aux mains d'Octave. Les serpents sont au nombre de deux, comme les aigrettes sur la tête d'Octave (8, 681).
monstres divins de tout genre (8, 698). On sait que les dieux égyptiens étaient souvent représentés avec des têtes d'animaux. Anubis en particulier, un des dieux de la mort, avait une tête de chien, d'où la mention de ses aboiements. Le bouclier présente un combat entre les divinités égyptiennes, des monstres, et les grands dieux de Rome, Neptune, Vénus, Minerve, Mars et Apollon.
Mavors (8, 700). Une graphie archaïque pour désigner Mars.
Discorde (8, 702). Virgile l'a placée dans le vestibule des Enfers, au livre 6, 280 : « la Discorde insensée, avec sa chevelure vipérine entrelacée de bandelettes sanglantes ».
Bellone (8, 703). Bellone était à Rome la déesse de la guerre, fille, femme ou soeur de Mars (cfr 7, 319).
Apollon d'Actium (8, 704). Auguste a fait d'Apollon une de ses divinités dynastiques de prédilection. Apollon devient son patron et son protecteur personnel. C'est pour une bonne part à son intervention qu'Auguste attribua sa victoire à Actium ; il en fit le dieu unificateur du monde romain, multipliant envers lui les actes de reconnaissance : il lui éleva notamment un temple magnifique sur le Palatin, voué en 36 av. J.-C., achevé en 28 av. J.-C. (cfr 8, 720). En remerciement, Auguste fit également agrandir le temple que le dieu avait déjà à Actium (cfr 3, 286ss).
Sabéens (8, 706). Accumulation, dans ce vers, de toute une série de peuples orientaux, censés accompagner Antoine et combattre Rome. Les Sabéens étaient une tribu de l'Arabie.
Iapyx (8, 710). Un vent du nord-ouest, qui soufflait de l'Iapygie, un autre nom pour l'Apulie. Horace (Odes, 1, 3, 4) l'invoque lors du départ pour la Grèce de son ami Virgile.
Nil, à l'énorme corps (8, 711). Représentation anthropomorphique du fleuve Nil. Cfr ce qui s'était passé pour le Tibre en 8, 77n.
triple triomphe (8, 714). Octave a triomphé à Rome trois fois, en août 29 av. J.-C. Comme l'écrit Suétone, Auguste, 22 : « Il célébra trois triomphes curules (= le véritable triomphe), celui de Dalmatie, celui d'Actium et celui d'Alexandrie. Chacun d'eux dura trois jours de suite ».
trois cents temples (8, 716). Exagération, avec utilisation du chiffre 300. Le fait est que le rôle d'Auguste en tant que restaurateur de temples fut important. Dès 28 av. J.-C., le Sénat lui avait confié la mission de relever les temples en ruines, qui étaient nombreux. Et dans son testament politique que constituent les Res gestae (20, 4), l'empereur se glorifie d'en avoir restauré 82 (abandonnés, ruinés ou incendiés). Cette tâche fait partie de ses activités générales de restauration de l'antique religion romaine (sacerdoces, cérémonies, sanctuaires). D'autres auteurs en parlent, comme Suétone, Auguste, 29, ou Horace, Odes, 3, 6, 1-4, et Tite-Live appelle Auguste conditor aut restitutor omnium templorum.
choeur de matrones (8, 718). Dans les cérémonies qui s'appelaient techniquement des « supplications d'actions de grâces » (en latin gratulationes), des groupes de matrones se rendaient en procession dans les temples pour y remercier les dieux.
Phébus (8, 720). On a déjà parlé (8, 704n) du rôle de divinité dynastique dont Auguste a investi Apollon (Phébus), ainsi que du temple que l'empereur lui fit élever sur le Palatin. Le sanctuaire, qui se dressait à l'endroit où la maison d'Auguste avait été frappée par la foudre, avait été construit en marbre blanc de Luna (Étrurie), et ses portes étaient en ivoire (cfr l'expression virgilienne de « seuil couleur de neige »), ce qui convenait bien à l'éclat d'Apollon / Phébus, identifié au Soleil (Hélios). Au fronton du temple d'ailleurs trônait un quadrige d'airain représentant le char de Phébus (Phoibos en grec veut dire « brillant, éclatant »). Virgile a donc imaginé l'empereur installé sur les marches du temple d'Apollon pour recevoir les hommages de son peuple et du monde ; peu importe pour le poète si, en 29 av. J.-C., au moment du triomphe, le temple n'était pas encore achevé : la puissance de l'évocation l'emporte sur la stricte réalité historique.
superbes chambranles (8, 721). On fixe les cadeaux, ou certains d'entre eux, sur les chambranles des portes. On se souviendra, dans la description du palais de Latinus, des trophées de guerre suspendus aux portes ou aux colonnes (7, 183-186).
Mulciber (8, 724). C'est un des surnoms de Vulcain, ainsi nommé parce ce que en tant que forgeron, il « assouplit » (mulcet) le métal.
Nomades africains (8, 724). Les tribus nomades de l'Afrique que Virgile décrit plus longuement aussi en Géorgiques, 3, 339-345 (« Te décrirai-je dans mes vers les pâtres de la Libye [etc.] »).
robes sans ceinture (8, 725). Une caractéristique qui était pour les Romains un signe de mollesse.
Lélèges et Cariens (8, 725). Deux peuples d'Asie mineure sur la côte de l'Ionie.
Gélons (8, 725). Un peuple scythe occupant les rives occidentales du Borysthène, aujourd'hui le Dnieper. Il est également cité dans les Géorgiques, 2, 115, avec l'épithète « peints » (pictos). On les situe dans l'Ukraine actuelle.
Euphrate (8, 726). C'est-à-dire les peuples qui habitaient les rives de ce fleuve et qui, maintenant qu'ils sont soumis à Rome, sont radoucis, apaisés. Ils ont perdu quelque chose de leur sauvagerie primitive.
Morins (8, 727). Des extrémités orientales de l'Empire, on passe maintenant aux extrémités occidentales. Les Morins formaient une cité de la Gaule Belgique, face à la Bretagne. Vaincus par Labiénus, ils se soumirent à César (Guerre des Gaules, 4, 22).
Rhin à la double corne (8, 727). Parce que le Rhin, comme beaucoup de fleuves, était représenté dans l'iconographie avec deux cornes sur la tête (cfr 8, 77n). Certains commentateurs ont pensé que l'expression pouvait également avoir une valeur géographique, et que Virgile visait deux bras du Rhin (le Rhin proprement dit et le Waal).
Dahes insoumis (8, 728). Virgile revient à l'Asie. Les Dahes étaient une tribu scythe de nomades des bords orientaux de la mer Caspienne.
Araxe indigné (8, 728). L'Araxe (actuellement Aras, Ras ou Yerash) était un fleuve d'Arménie. Il est encore aujourd'hui rapide et turbulent. Dans l'antiquité, il marquait une route commerciale qui allait de la Caspienne à l'Asie mineure. Les peuples qui habitaient ses rives devaient être très difficiles à soumettre, si l'on en croit l'image du fleuve qui supportait difficilement le pont jeté sur lui. M. Rat (Virgile, 1965, p. 383, n. 2382) signale que ses eaux débordées emportèrent le pont qu'Alexandre y avait construit, mais il faudrait retrouver la source de cette précision.
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