Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 4 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
Avril, consacré à Vénus par son descendant Romulus (4,1-60)
Le poète s'adresse à Vénus, la déesse de l'amour, qui patronne le mois d'avril. Il proteste de son attachement à la déesse, tout en rappelant l'objectif des Fastes, c'est-à-dire la description des fêtes et du calendrier, sans qu'il renie toutefois ses oeuvres amoureuses antérieures. (4,1-18).
Faisant allusion aux liens qui rattachent Auguste à Vénus, Ovide évoque le rôle de Romulus dans l'organisation du premier calendrier. Le fils d'Ilia attribua le patronage du premier mois de l'année à son père Mars, et celui du second à Vénus. C'est que Romulus, explorant les généalogies troyennes, avait découvert qu'il remontait, par Dardanus à Jupiter, et par Énée et Anchise, à Vénus. (4,19-38)
Entre Romulus et Énée prend place la série des rois albains, issus de son fils Iule (Ascagne), et se terminant avec Numitor. C'est par Iule que Auguste et la famille Iulia peuvent prétendre se rattacher à Vénus. (4,39-60)
|
"Sois-moi favorable, bienveillante mère des deux Amours !", dis-je ; La déesse porta ses regards vers le poète et dit : "Qu'as-tu à faire avec moi ? Tu chantais en effet un sujet plus prestigieux. Gardes-tu peut-être en ton coeur sensible une vieille blessure ?" |
|
"Tu connais ma blessure, ô déesse", répondis-je. Elle sourit, et tout de suite la partie du ciel qu'elle occupait devint sereine. "Blessé ou en bonne santé, ai-je jamais vraiment délaissé tes enseignes ? C'est toi mon but, toi, le sujet constant de mon oeuvre. En mes jeunes années, j'ai badiné comme il convenait, en toute innocence ; |
|
maintenant nos chevaux foulent une aire plus vaste. Je chante les fêtes avec leurs causes, exhumées des annales anciennes, et les constellations qui apparaissent et disparaissent sous la terre. Nous en sommes au quatrième mois, où tu es le plus célébrée : le poète autant que le mois sont tiens, Vénus, tu le sais." |
|
Émue, elle effleura mes tempes d'un brin de myrte de Cythère et dit : "Achève l'oeuvre commencée." Je reçus son message et soudain se dévoilèrent les origines des jours de fête. Tant que je le puis et que soufflent les brises, que vogue ma barque.
Si pourtant une partie du calendrier doit te toucher, |
|
César, c'est avril que tu dois prendre en considération. Ce mois est descendu vers toi, vu la majesté des images de tes ancêtres, il est devenu tien, grâce à ta noblesse adoptive. C'est ce que vit le vénérable fils d'Ilia, décrivant le cours de la grande année, et c'est lui qui y inséra les noms des auteurs de tes jours ; |
|
de même qu'il mit à la première place le féroce Mars, la cause majeure de sa propre naissance, ainsi voulut-il que Vénus, intégrée dans sa généalogie par de multiples générations, patronne le second mois ; il rechercha le principe de sa lignée, en remontant les siècles, |
|
et il parvint jusqu'à ses parents divins. Pouvait-il ignorer que Dardanus était né d'Électre l'Atlantide, d'Électre qui avait couché avec Jupiter ? Le fils de Dardanus fut Érichtonius, qui engendra Tros ; celui-ci conçut Assaracus, et Assaracus conçut Capys. |
|
Le suivant fut Anchise, avec qui Vénus ne dédaigna pas de partager le titre commun de parent. Énée, leur fils, fit montre de piété, emportant à travers les flammes les objets sacrés, et sur ses épaules, son père, autre dépôt sacré. Nous en arrivons au nom de Iule, prédestiné au succès, |
|
par qui la famille Iulia touche à ses aïeux troyens. Ensuite Postumus qui, parce qu'il était né dans les bois profonds, avait été appelé Silvius dans la nation latine. Et c'est lui ton père, Latinus ; Alba succède à Latinus ; le suivant à porter tes titres, Alba, est Épytus. |
|
Celui-ci donna à (son fils) Capys un nom remontant à Troie, et ce même personnage, Calpétus, fut ton aïeul. Tandis que, après lui, Tibérinus occupait le trône paternel il se noya, dit-on, dans un tourbillon du fleuve étrusque. Il avait cependant connu son fils Agrippa et Rémulus, son petit-fils ; |
|
Rémulus, selon la tradition, fut foudroyé. Après ceux-ci, naquit Aventinus, d'où l'endroit tient son nom, ainsi que la colline ; après lui, la couronne fut transmise à Procas, dont le successeur fut Numitor, le frère du brutal Amulius. Ilia ainsi que Lausus sont nés de Numitor : |
|
Lausus tombe sous la lame de son oncle ; Ilia séduit Mars et te met au monde, Quirinus, en même temps que ton jumeau Rémus. Lui a toujours dit que ses parents étaient Vénus et Mars, et sa parole mérite que l'on y ajoute foi : et pour éviter que les générations futures l'ignorent, |
|
il attribua à ses parents divins des mois contigus. |
Les titres de Vénus au patronage d'avril (4,61-132)
À la recherche de l'explication du patronage de Vénus sur le mois d'avril, Ovide mentionne d'abord l'étymologie du mot aprilis par le grec aphros (= "écume"), évoquant ainsi Aphrodite, née de l'écume de la mer. Il justifie les liens de l'Italie, jadis appelée Grande-Grèce, avec la Grèce en énumérant les nombreux héros grecs (Évandre, Hercule, Ulysse, Diomède, etc...) qui passèrent par l'Italie ou s'y établirent. L'énumération se termine sur une note nostalgique par Solymus, fondateur de Sulmone, la ville natale d'Ovide. (4,61-84)
Par ailleurs, la mise en rapport étymologique possible de aprilis avec aperire (= "ouvrir") suggère à Ovide un vibrant éloge de Vénus, dont le mois "ouvre" le printemps, et qui impose ses lois à tout l'univers : c'est elle qui a créé les dieux ; maîtresse de la vie et de l'amour, elle a en outre introduit chez les humains le raffinement, l'éloquence et les arts. (4,85-116)
Enfin sont soulignés les liens privilégiés de Rome avec la déesse. Vénus, à qui leTroyen Pâris avait décerné le prix de beauté, a été blessée lorsqu'elle combattait les Grecs aux côtés des Troyens ; de plus, son union avec le Troyen Anchise fournit à la famille Iulia un fondement à ses prétentions troyennes et divines. (4,117-124)
En résumé, Vénus cadre bien avec le printemps, directement liée à Mars, à l'époque de la reprise de la navigation sur la mer d'où elle est née. (4,125-132)
Mais je proclame que le mois de Vénus doit son nom au grec : on dit que la déesse est née de l'écume de la mer. Et ne t'étonne pas de cette dénomination grecque, puisque la terre italienne était alors la Grande-Grèce. |
|
|
Évandre, avec l'abondante flotte de ses gens, y était venu, de même qu'Alcide, tous deux de race grecque ; (en hôte, le porteur de massue fit paître son troupeau sur l'Aventin ; oui, un dieu si majestueux a bu l'eau de l'Albula) ; le maître du Nérite y vint aussi, comme l'attestent les Lestrygons |
|
et le rivage qui maintenant encore porte le nom de Circé ; Et déjà les remparts de Télégone, déjà les murs de l'humide Tibur se dressaient, posés par des mains argiennes. Y était venu aussi, poussé par le sort de l'Atride, Halésus dont la terre falisque prétend tenir son nom. |
|
Ajoute à la liste Anténor, qui conseilla la paix à Troie, et, ô Daunus d'Apulie, ton gendre, le descendant d'Oenée. Bien tard, et après Anténor, échappé aux flammes d'Ilion, Énée apporta ses dieux dans notre patrie. Il avait pour compagnon Solymus, originaire de l'Ida de Phrygie, |
|
qui valut son nom à la place forte de Sulmone : de la fraîche Sulmone, ma patrie, ô Germanicus. Malheur à moi ! Qu'elle est loin du pays des Scythes ! Donc moi, si loin... Mais, Muse, étouffe mes plaintes : Tu ne dois pas chanter les fêtes sacrées sur une lyre plaintive. |
|
Où l'envie ne mène-t-elle pas ? Il est des gens qui par envie, Vénus, voudraient te voir retiré le patronage de ce mois. Car puisque alors le printemps ouvre toutes choses, chasse l'âpreté du froid glacial et ouvre la terre féconde, ils rappellent qu'avril tire son nom de l'ouverture de la saison, |
|
alors que la généreuse Vénus, y portant la main, le revendique. Elle est assurément la plus digne de régenter l'univers entier ; elle détient un royaume, et nul dieu n'en possède de plus grand ; elle impose ses lois au ciel, à la terre, aux eaux dont elle est née, et, par ses impulsions, maintient chaque race en vie. |
|
Elle a créé tous les dieux (ce serait trop long de les énumérer), elle a donné vie aux plantes et aux arbres, elle a rapproché et réuni des hommes rudes, et a appris à chacun à s'unir avec sa compagne. Qui crée toute la gent ailée, sinon la douce volupté ? |
|
Et les troupeaux ne se rencontreraient pas, sans le doux amour. Le farouche bélier se bat à coups de corne avec un autre mâle, mais évite de blesser le front de la brebis qu'il chérit. Le taureau renonce à sa sauvagerie pour suivre une génisse, lui qui fait trembler tous les pâturages, tous les bois. |
|
La même force sauvegarde tout ce qui vit sous l'immensité marine, et peuple les eaux d'une multitude de poissons. La première, Vénus arracha à l'homme ses allures sauvages : d'elle naquirent la parure et le souci de la propreté personnelle. Parce que la nuit lui était refusée, un amant, dit-on, se mit à chanter |
|
le poème qu'il avait composé en veillant devant une porte close. L'éloquence consista à supplier une fille impitoyable, et chacun devenait habile parleur en défendant sa cause. Grâce à elle, dit-on, mille arts virent le jour, et le désir de plaire suscita mille découvertes qui jadis restaient cachées. |
|
Quelqu'un oserait-il spolier cette déesse de l'honneur de patronner le second mois ? Loin de nous cette folie.
Cette déesse, partout dotée de puissance, aux temples très fréquentés, jouit pourtant dans notre cité de droits plus grands encore. Pourquoi ? Pour Troie, Romain, ta chère Vénus portait les armes, |
|
lorsqu'une pointe blessa sa main délicate et lui arracha un gémissement ; un juge troyen la fit triompher de deux déesses (Ah ! Puissent les déesses évincées ne pas s'en souvenir !) ; Elle porta le titre de bru d'Assaracus, pour que, bien sûr, le grand César ait un jour comme aïeux des Iulii. |
|
En outre, à Vénus, nulle saison ne convenait mieux que le printemps : au printemps, les terres sont éclatantes, au printemps le champ est paisible ; c'est alors que les jeunes pousses font craquer la terre et soulèvent leur tête, c'est alors que les bourgeons poussent sur l'écorce gonflée de la branche ; Vénus la belle est bien digne de la belle saison, |
|
et, selon la coutume, elle suit directement son Mars aimé. Au printemps, elle engage les nefs creuses à voguer sur les mers d'où elle est née, sans plus redouter les menaces de l'hiver. |
Page suivante
bienveillante mère des deux Amours (4,1). Le poète, en lui attribuant le qualificatif alma, sadresse à Vénus "nourricière", "donneuse de vie" (cfr Lucrèce, 1, 2). Les "deux Amours" (le texte latin parle "d'amours jumeaux") pourraient être ici Erôs (= l'Amour) et Anterôs (= l'Amour partagé).sujet plus prestigieux (4,3). Cfr le début du chant 2, 3-16, et notamment les derniers vers du passage : "César, je m'attache du moins à décrire tes titres, avec toute mon ardeur, et je m'avance parmi les inscriptions qui t'honorent".
en toute innocence (4,9). Ovide exilé tient à insister sur le caractère innocent de ses oeuvres antérieures, plus légères, comme Les Amours ou Lart daimer. Cfr aussi 1, 484. Peut-être est-ce une trace du remaniement des Fastes par le poète exilé.
les fêtes avec leurs causes... (4,11-12). Cfr 1, 1-2 et 7.
les constellations (4,12). Cfr 2, 7-8.
quatrième mois (4,13). Cfr 1, 39-40 : "Le premier mois [de l'année romuléenne, c'est-à-dire le mois de mars] appartenait à Mars, le second à Vénus : celle-ci était la première de sa lignée et l'autre était son propre père."
myrte de Cythère (4,15). Le myrte est une plante consacrée à Vénus, et dont il sera encore question en 4, 139 ; 4, 143, et 4, 869. Cythère est une petite île au sud du Péloponnèse, célèbre pour son culte à Aphrodite (cfr 4, 286), d'où le surnom de Cythérée donné à la déesse. En 3, 611, l'adjectif latin Cythereius qualifiait Énée, fils de Vénus, et en 4, 195, le même adjectif se rapportera au mois d'avril.
que vogue ma barque (4,18). Métaphore courante de l'oeuvre poétique. Cfr 2, 863-864 : "Nous sommes arrivés au port, et ce livre s'achève comme le mois ; que d'ici ma barque désormais vogue sur d'autres eaux", et aussi 4, 730 : "Ma barque quitte le port ; de bons vents déjà gonflent mes voiles".
César... noblesse adoptive (4,20-22). Il sagit ici dOctave-Auguste, petit-neveu et fils adoptif de Jules César ; introduit ainsi dans la famille Iulia, il pouvait dès lors prétendre descendre de Iule et dÉnée, et donc de Vénus (cfr 4, 40, et 4, 123-124). Les images évoquent la coutume des nobles Romains dexposer dans leur atrium les bustes de leurs ancêtres.
fils dIlia (4,23). Romulus. Il a déjà été question en 1, 27-41, de l'organisation "romuléenne" du calendrier, et notamment de la place accordée à Mars (cfr aussi 3, 75) et à Vénus.
le principe de sa lignée... (4,29ss). Enumération des ancêtres troyens, qui permettent aux Iulii de se doter d'une généalogie divine : Jupiter d'un côté (via Dardanus, fils de lAtlantide Électre et de Jupiter ; via aussi Érichtonios, Tros, Assaracus, Capys, Anchise), Vénus de l'autre (via Énée, né des amours dAnchise et de Vénus). La généalogie des ancêtres troyens est très proche de celle présente chez Homère (Iliade, 20, 215-241). L'Énéide de Virgile également fait une large place à certains de ces ancêtres troyens, de Dardanus (par exemple Énéide, 7, 205-211 ; 8, 134-136 et 3, 167-168) à Anchise, en passant par Assaracus (Énéide, 6, 650 ; 6, 778 ; 9, 259 ; 9, 643).
Dardanus (4,31). Pour Virgile (Énéide, 8, 134-135), Dardanus, "le premier père de la ville d'Ilion [...] est né d'Électre, la fille d'Atlas, comme l'attestent les Grecs". Le passage virgilien ne pas fait référence explicite à Zeus, mais la paternité du dieu était une chose reçue pour les mythographes. Par ailleurs, on sait que Virgile a modifié en profondeur la légende de Dardanus, en lui attribuant une origine italique (cfr la note à Énéide, 7, 205-209). Il n'est pas question de cette variante dans le texte d'Ovide.
Capys (4,34). Dans ce passage, Capys est présenté comme un roi de Troie, fils d'Assaracus et père d'Anchise. Un peu plus loin, en 4, 45, un personnage du même nom intervient comme roi d'Albe-la-Longue. Virgile présente un Capys comme un illustre guerrier troyen, fondateur de Capoue (par ex. Énéide, 10, 145).
parent (4,36). Anchise et Vénus sont les parents d'Énée.
Iule (4,39). Ovide se contente d'évoquer ici Iule-Ascagne, fils d'Énée et donc petit-fils de Vénus, sans se préoccuper de savoir si cet enfant était le fils de Créüse, l'épouse troyenne d'Énée, ou de Lavinia, son épouse italique. Tite-Live pour sa part pose nettement la question en 1, 3, 2-3, tout en refusant de trancher. Pour Ovide, l'essentiel est de souligner que Iule est l'ancêtre de la prestigieuse gens Iulia, à laquelle appartiennent Jules César, Auguste et leurs descendants. Il le place aussi à l'origine de la dynastie des rois albains. C'est en effet Ascagne-Iule qui succédera à Énée sur le trône d'Albe.
Postumus... (4,41ss). Évocation rapide de la dynastie des rois albains, créée artificiellement (peut-être déjà au IIe siècle a.C.n., certainement au début du Ier siècle) lorsque les recherches chronologiques des érudits aboutirent à dater du XIIe siècle la destruction de Troie et du VIIIe la fondation de Rome. Anciennement les fondateurs de Rome étaient présentés comme des descendants très proches d'Énée. Pour Névius et Ennius encore, Romulus était le petit-fils d'Énée. Pour combler le hiatus chronologique qui venait de se creuser, on inventa de toutes pièces une dynastie albaine, dont la liste varie d'un auteur ou d'une oeuvre à l'autre. Cfr par exemple Tite-Live, 1, 3, 6-9 ; Denys d'Halicarnasse, 1, 70-71 ; Virgile, Énéide, 6, 763-770 (un échantillon seulement) ; Ovide, Métamorphoses, 14, 609-622 et 772-774 (liste un peu différente de celle qu'on trouve ici dans les Fastes).
Silvius (4,42). Pour Tite-Live, c'est le fils d'Ascagne, qui était précisément né dans la forêt (silva en latin), un détail censé expliquer le nom dynastique des rois albains, les Silvii. Ovide également le présente ici comme un fils d'Ascagne. Mais des variantes existent. Ainsi pour Virgile (Énéide, 6, 760-766), qui met fortement le personnage en évidence, ce Silvius serait le fils (posthume ?) d'Énée et de Lavinia. Mais ces exemples sont loin d'épuiser le sujet.
Latinus (4,43). Un Latinus qu'on ne confondra pas avec le Latinus, roi des Latins à l'arrivée d'Énée et père de Lavinia.
Capys (4,45). Cfr 4, 34.
Tiberinus (4,47). Le fleuve 'étrusque', primitivement Albula, sappela Tibre à la suite de cet accident. Cfr 1, 233-234 ; 2, 389.
Aventinus (4,51-52). Ce roi albain aurait donné son nom à la colline et à "la zone correspondant à la XVIIIe région de la répartition augustéenne" (R. Schilling).
Numitor (4,53). Avec Numitor et son frère Amulius, l'usurpateur, on arrive aux derniers représentants de la dynastie albaine des Silvii. Ilia, fille de Numitor, sera la mère des jumeaux fondateurs de Rome.
Lausus (4,54). C'est le frère d'Ilia que Tite-Live (1, 3, 11) ne nomme pas et que Denys d'Halicarnasse (1, 76, 3) appelle Aigestos.
Quirinus (4,56). C'est le nom de Romulus divinisé. Cfr 1, 37 ; 1, 69 ; 1, 199 et surtout 2, 475-512 et les notes.
mois contigus (4,60). Cfr 1, 39-40 et 4, 23-28.
écume de la mer (4,61-62). On connaît la légende célèbre qui faisait naître Aphrodite-Vénus de l'écume de la mer (aphros en grec). "Lorsque Cronos mutile son père avec une faucille, les bourses d'Ouranos tombent dans les flots qui s'en trouvent fécondés" (J.-Cl. Belfiore). Hésiode (Théogonie, 187-198) raconte :
"Quant aux bourses, à peine les eut-il tranchées avec l'acier et jetées de la terre dans la mer au flux sans repos, qu'elles furent emportées au large, longtemps ; et, tout autour, une blanche écume (aphros) sortait du membre divin. De cette écume une fille se forma, qui toucha d'abord à Cythère la divine, d'où elle fut ensuite à Chypre qu'entourent les flots ; et c'est là que prit terre la belle et vénérée déesse qui faisait autour d'elle, sous ses pieds légers, croître le gazon et que les dieux aussi bien que les hommes appellent Aphrodite, pour s'être formée d'une écume, ou encore Cythérée, pour avoir abordé à Cythère."En réalité, cette étymologie par le grec aphros ("écume") est erronée, tout comme est erronée celle qu'Ovide évoque plus loin (4, 87-90) et qui rapproche le mot aprilis ("avril") du verbe latin aperire ("ouvrir"). D'après certains linguistes modernes, aprilis pourrait remonter à l'étrusque apru, emprunté lui-même au grec Aphrô, qui est un diminutif affectueux de Aphroditês. Le mois d'avril serait donc bien en rapport avec Aphrodite.
Grande-Grèce (4,64). C'était le nom donné dans l'antiquité à la partie méridionale de l'Italie, Sicile comprise, où les colonies grecques étaient nombreuses. Ovide va énumérer une série de héros grecs responsables de ces fondations grecques en Italie.
Évandre (4,65). Sur Évandre, on verra le récit d'Ovide (1, 471-542) à l'occasion des Carmentalia du 11 janvier.
Alcide (4,66). Sur Hercule, le porteur de massue, désigné de la sorte parce que son grand-père était Alcée, cfr 1, 543 et 1, 575.
Albula (4,68). Un ancien nom du Tibre (cfr la note à 4, 47). Allusion à l'épisode des boeufs de Géryon, à la halte d'Hercule sur le site de la future Rome et au meurtre de Cacus, dont on trouvera un récit plus détaillé en 1, 543-584.
maître du Nérite (4,69). Il sagit dUlysse, le Nérite étant une montagne dIthaque (Homère, Odyssée, 9, 22ss). Virgile (Énéide, 3, 271) en fait une petite île proche d'Ithaque. La suite (Lestrygons ; Circé) fait allusion à deux épisodes des voyages d'Ulysse.
Lestrygons (4,69). Les Lestrygons (Odyssée, 10, 80-132) étaient des géants anthropophages auxquels Ulysse réussit à échapper, non sans avoir perdu plusieurs de ses hommes. Les anciens les localisaient en différents endroits, notamment dans la région de Formies (au sud du Latium). Le récit d'Ovide, dans ses Métamorphoses (14, 233-245), est plus détaillé.
Circé (4,70). Allusion à l'épisode très célèbre de la magicienne Circé (Odyssée, 10, 135-571, dont Ulysse également triompha. Dans les Métamorphoses (14, 245-319), Ovide fournit également un récit plus détaillé, qui fait d'ailleurs suite à celui des Lestrygons. Il est aussi question de Circé chez Virgile (Énéide, 7, 10-20 surtout ; mais aussi 3, 386 ; 7, 191, 7, 282). La magicienne est censée avoir donné son nom au promontoire de Circei (aujourd'hui le Monte Circeo).
Télégone (4,71). Télégone est le fondateur légendaire de Tusculum. Cfr 3, 92 et note.
Tibur... (4,71-72). Tibur, lactuelle Tivoli (célèbre par ses cascades), aurait été fondée par les trois petits-fils de Amphiaraos, célèbre devin dArgos (Virgile, Énéide, 7, 670-672 et les notes).
Halésus... (4,73-74). Ami ou fils de l'Atride Agamemnon, il se serait établi, après le meurtre de celui-ci, en Italie et y aurait fondé Faléries (actuelle Cività Castellana, non loin de Rome). Cfr Virgile, Énéide, 7, 723, avec la note.
Anténor (4,75). Héros troyen, qui passe notamment pour le fondateur de Padoue. Cfr Virgile, Énéide, 1, 241-249. Lors de la Guerre de Troie, il était partisan de la paix et conseilla aux Troyens de rendre Hélène. Pour plus d'informations sur ce personnage et en particulier sur sa fortune médiévale (on en fera au Moyen Âge le fondateur de Venise), voir les articles qui lui sont consacrés dans les Folia Electronica Classica.
ô Daunus dApulie, ton gendre, le descendant dOenée (4,76). Il s'agit de Diomède, petit-fils dOenée roi de Calydon en Étolie. Contraint de sexiler après son retour de Troie, il fut accueilli en Apulie, dans le sud de lItalie, par le roi Daunus, dont il épousa la fille. Il passe pour avoir fondé plusieurs villes dans cette région. Il en est question à plusieurs reprises dans l'Énéide (surtout 8, 9, avec la note ; cfr aussi 11, 226 ; 11, 243).
Bien tard (4,77). Selon Virgile (Énéide, 5, 626), Énée serait parvenu en Italie sept ans après la chute de Troie.
Solymus... Sulmone (4,79-80). Le personnage de Solymus, provenant de lIda en Phrygie, pourrait bien avoir été imaginé par Ovide désireux de doter Sulmone, sa ville natale, d'un fondateur mythique. On remarquera qu'il en fait un compagnon d'Énée, et non un Grec.
Germanicus (4,81). Le dédicataire des Fastes. Cfr 1, 3 et note.
Scythes (4,82). Ovide désigne ainsi Tomes, à lembouchure du Danube, l'endroit où il fut exilé, et où il mourut (aujourd'hui Constantza, en Roumanie). Ce passage indique à l'évidence un remaniement de l'oeuvre après le départ en exil.
Le printemps ouvre... (4,87- 89). Après létymologie (4, 61-62) expliquant aprilis par aphros ("écume" en grec), Ovide propose celle qui fait appel au verbe latin aperire ("ouvrir"). Varron (De la langue latine, 6, 33) avait déjà abordé cette question, déclarant explicitement qu'à l'explication par Aphrodite, il préférait celle par aperire.
Elle est assurément la plus digne... (4,91-132). Il est intéressant de rapprocher léloge de Vénus fait par Ovide du célèbre passage qui ouvre le De Rerum Natura de Lucrèce (1, 1-40).
eaux dont elle est née (4,93). La naissance de Vénus a déjà été abordée en détail dans la note à 4, 62, sur base de la version d'Hésiode. Une autre généalogie, moins crue, faisait de la déesse la fille de Zeus et de Dioné (Homère, Iliade, 5, 131 ; 5, 312 ; 5, 370-371). Virgile présente les deux versions dans son Énéide : la version hésiodique, édulcorée, en 5, 800-801, et l'autre en 1, 256, où Jupiter appelle Vénus "ma fille".
Elle a créé toutes les divinités (4,95). En ce sens que l'Amour qu'elle inspire, est, si l'on en croit Hésiode (Théogonie, 121-122), "le plus beau parmi les dieux immortels, celui [...] qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir" (trad. P. Mazon). Vénus est donc indirectement à l'origine de toutes les divinités et de tous les hommes.
devant une porte close (4,109-110). Les imprécations des amoureux contre la porte fermée de leur amie étaient un des thèmes courants de la poésie galante (c'est le motif du paraklausithuron). Ovide ici généralise : la poésie serait selon lui née de la réaction dun amant mal accueilli par sa dulcinée. Cfr aussi le long récit des Métamorphoses, 14, 698-761, qui met en scène les amours d'Iphis, l'amoureux malheureux d'Anaxarète. On retrouve aussi le motif en 5, 339-340.
le second mois (4,115-116). Avril venait en second lieu quand lannée commençait en mars. Cfr 1, 39 ; 3, 75 ; 4, 13.
lorsqu'une pointe blessa... (4,119-120). Allusion à un épisode d'Homère, Iliade, 5, 330-431, lorsque Diomède blessa Aphrodite qui sétait portée au secours dÉnée lors de la guerre de Troie. La déesse s'était fait consoler par sa mère Dioné. Dans les Amores (1, 7, 31-32), Ovide écrira : "le fils de Tydée a laissé un terrible souvenir de ses forfaits. Il a été le premier à frapper une déesse".
juge troyen (4,121-122). Allusion au jugement de Pâris, qui donna le prix de beauté à Aphrodite-Vénus, au détriment de Héra-Junon et de Pallas Athéna-Minerve. Ce sera une des raisons de l'hostilité de Junon à l'égard des Troyens (cfr Virgile, Énéide, 1, 26-27).
bru d'Assaracus (4,123). Petite inattention d'Ovide, qui, dans la succession des rois troyens en 4, 33-40, avait fait d'Aphrodite la bru de Capys, père d'Anchise et fils d'Assaracus. Ovide ici semble oublier Capys. La série Assaracus - Capys - Anchise est déjà chez Homère (Iliade, 20, 239-240).
grand César (4,124). Nouvelle insistance sur la filiation troyenne de la gens Iulia. Cfr 4, 40.
le printemps (4,125). Cette saison, associée à Vénus, fait penser à Ovide (Fastes, 1, 151-160), à Lucrèce, 1, 1-40 et aussi aux peintures de Botticelli au Musée des Offices à Florence, "Le Printemps" et "La naissance de Vénus".
son Mars (4,130). Allusion plaisante à la succession des mois de mars et davril dans le calendrier, mais aussi aux amours de Arès-Mars et Aphrodite-Vénus, célèbres dans la mythologie grecque (Hésiode, Théogonie, 930-940 ; Homère, Odyssée, 8, 266-343 ; Lucrèce, 1, 32-40). Cfr aussi aussi la peinture "Vénus et Mars" de Botticelli, conservée à la National Gallery à Londres.
Autres traductions françaises dans la BCS
Fastes d'Ovide: Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 4 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante