Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre II (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante


OVIDE, FASTES II - FEVRIER


 

AUTOUR DES LUPERCALES (14 - 15 FÉVRIER) (2,243-474)

 


 

 

Constellations du Corbeau, de l'Hydre et de la Coupe (2,243-266)

 

Une anecdote explique l'apparition contiguë dans le ciel des constellations Corbeau, Hydre et Coupe, le 14 février, veille des Lupercales. Apollon-Phébus, désireux d'offrir un sacrifice à Jupiter, charge son oiseau, le corbeau, de lui apporter très vite de l'eau puisée à une source ; le corbeau rapporte une coupe d'eau, mais, tenté sur le chemin du retour par des figues encore vertes, il s'attarde attendant qu'elles mûrissent ; pour justifier son retard, il exhibe un serpent capturé, en prétendant que le gardien de la source lui avait fait des difficultés, sans toutefois duper le dieu-devin, qui interdit au corbeau de boire avant la maturité des figues. (2,243-266)
 

2, 240

Trois constellations se situent en enfilade, le Corbeau, le Serpent,

   et au centre, se cachant entre eux deux, la Coupe.

2, 245

Le jour des Ides, elles restent cachées, et se lèvent la nuit suivante.

   Mon poème te dira la cause qui lie ainsi ces trois signes.

Un jour, Phébus préparait une fête annuelle en l'honneur de Jupiter

   (notre anecdote ne nous retardera guère) :

"Va, oiseau cher à mon coeur", dit-il, "ne retardons pas les rites pieux,

2, 250

   et apporte-moi un peu d'eau provenant d'une source vive".

Le corbeau, de ses pattes crochues, saisit une coupe dorée

   et l'emporte, s'envolant bien haut pour traverser les airs.

Un figuier se dressait, tout chargé de fruits encore verts ;

   Le corbeau y porte son bec : ils n'étaient pas mûrs pour être cueillis.

2, 255

On raconte que, oublieux de l'ordre reçu, il s'installa sous l'arbre,

   attendant que les fruits aient tout le temps de mûrir.

Une fois repu, il saisit dans ses serres crochues un long serpent,

   rentre chez son maître et lui fait ce rapport mensonger :

"Voici la cause de mon retard, cet occupant des eaux vives,

2, 260

   qui gardait la source et m'entrava dans ma mission".

"Tu ajoutes un mensonge à ta faute", dit Phébus,

   "et tes paroles ont l'audace de vouloir tromper le dieu devin ?

Désormais, tant que la figue laiteuse restera attachée à son arbre,

   tu ne boiras pas, toi, l'eau fraîche d'aucune source".

2, 265

Il parla et, perpétuant ces souvenirs d'un fait ancien,

   le Serpent, l'Oiseau et la Coupe, liés entre eux, scintillent au firmament.


 

Les Lupercales du 15 février et leur origine arcadienne (2,267-302)

 

Le 15 février commence la cérémonie des Lupercales, en l'honneur du dieu Faunus, assimilé au dieu arcadien Pan. Sans négliger d'invoquer les Muses, Ovide insiste sur l'origine arcadienne de ce cérémonial très particulier (Luperques courant dénudés, présence du flamen Dialis), introduit sur le site de la future Rome par l'Arcadien Évandre, exilé de sa patrie. (2,267-282)

Il s'attache ensuite à expliquer que les Luperques courent nus, pour imiter le dieu Pan, agile par excellence, grâce à sa nudité ; c'est aussi en souvenir de la vie dans la primitive Arcadie, quand l'homme vivait à l'état sauvage, résistant aux intempéries sans aucun apport de la civilisation (construction, agriculture, vêtement). (2,283-302).

 

 

La troisième Aurore après les Ides, on voit les Luperques nus

   et les fêtes sacrées se dérouler en l'honneur de Faunus le cornu.

 Piérides, dites-moi l'origine de ces rites, d'où viennent-ils

2, 270

   et comment ont-ils atteint les demeures des Latins ?

On dit que Pan, dieu du troupeau, était vénéré chez les anciens Arcadiens ;

   il était partout présent sur les sommets d'Arcadie.

En témoigneront le mont Pholoé et les ondes du Stymphale,

   le Ladon qui en flots rapides court vers la mer,

2, 275

les hauteurs du bois de Nonacris, entourées de pinèdes,

   et la fière Tricrènè ainsi que les neiges de Parrhasie.

Là, Pan était le dieu du bétail, Pan était le dieu des cavales,

   il recevait une offrande pour assurer le salut des brebis.

 Évandre amena avec lui ces divinités sylvestres :

2, 280

   là où est la Ville actuelle, il n'y avait alors que son emplacement.

C'est pourquoi nous célébrons ce dieu et les rites amenés par les Pélasges :

   le flamen Dialis était présent à ce rituel, en vertu d'une loi antique.

 

Pourquoi donc, demandes-tu, courent-ils ainsi, posant leurs vêtements

    et se présentant tout nus ? Car c'est ainsi qu'on les voit d'habitude.

2, 285

Le dieu lui-même, véloce, aime courir sur les hauteurs,

   et c'est lui aussi qui provoque les fuites soudaines.

Le dieu, qui est nu, veut que ses servants soient nus ;

   et un vêtement serait bien incommode pour courir.

 Avant la naissance de Jupiter, les Arcadiens, dit-on,

2, 290

   possédaient la terre, et cette nation exista avant la Lune.

La vie, que nul usage n'avait troublée, ressemblait à celle des bêtes ;

   les gens étaient encore inexpérimentés en art et incultes.

Pour maisons, ils avaient les feuillages ; pour moissons, les herbes sauvages ;

   l'eau qu'ils puisaient de leurs deux mains était leur nectar.

2, 295

Nul taureau ne s'essoufflait à tirer le soc recourbé,

   nulle terre n'était assujettie à un laboureur.

À cette époque, on n'usait point du cheval ; on se portait soi-même.

   La brebis gardait la laine qui lui enveloppait le corps.

On vivait à la belle étoile, et chacun se déplaçait, le corps nu,

2, 300

   aguerri et supportant averses et vents pénibles.

Maintenant encore, les Luperques sans vêtements rappellent

   l'antique coutume et témoignent des ressources anciennes.

 


 

Faunus, Hercule et Omphale et la nudité des Luperques (2,303-358)

 

Mais l'explication essentielle de la nudité des Luperques met en rapport Faunus avec le couple Hercule-Omphale. Un jour, Faunus s'éprend de la belle Omphale, la maîtresse (aux deux sens du terme) d'Hercule. Les deux amants, retirés dans une caverne en vue d'y passer une nuit chaste (car ils se préparaient à offrir un sacrifice à Bacchus), s'étaient amusés à échanger leurs tenues, avant de s'endormir bien sagement côte à côte. (2,303-330).

Faunus, brûlant de désir, s'approche, à la faveur de la nuit, de la couche d'Omphale ; mais, abusé par la toison de lion qu'elle avait revêtue, il grimpe sur la couche d'Hercule ; en soulevant les tuniques délicates, il aperçoit les jambes poilues du dieu, qui le repousse et le fait tomber. Sa tentative, bientôt découverte, fait de Faunus l'objet de la risée générale. Cette histoire de vêtements trompeurs explique dès lors le dégoût de Faunus pour les vêtements et la nudité prescrite aux Luperques. (2,331-358)

 

 

Mais pourquoi principalement Faunus évite-t-il les vêtements ?

   Une anecdote ancienne, pleine de sel, nous l'explique.

2, 305

Un jour, le jeune Tirynthien accompagnait sa maîtresse ;

   Faunus, du haut d'un mont, les aperçut tous deux.

Il les vit, s'enflamma et dit : "Divinités de la montagne,

   plus rien ne me lie à vous : voici désormais l'objet de mon ardeur".

La Méonienne s'avançait, ses cheveux parfumés sur les épaules,

2, 310

   attirant les regards avec son vêtement tissé d'or.

Elle était cependant à l'abri des chauds rayons du soleil,

   grâce à Hercule, qui tenait dans sa main une ombrelle dorée.

Déjà elle rejoignait le bois de Bacchus et les vignes de Tmole,

   tandis qu'Hespérus, humide de rosée, s'avançait sur son cheval sombre.

2, 315

Omphale pénètre dans une caverne tapissée de tuf et de roche vive ;

   tout près de l'entrée coulait un ruisseau au doux gazouillis.

Tandis que ses serviteurs préparent repas, vins et boissons,

   elle revêt l'Alcide de ses propres atours.

Elle lui tend ses tuniques légères, teintes de pourpre de Gétulie,

2, 320

   elle lui passe la souple ceinture qui à l'instant lui serrait la taille.

La ceinture est trop courte ; Hercule donne du jeu aux attaches

   pour laisser le passage à ses grandes mains ;

il avait cassé les bracelets, qui n'étaient pas adaptés à ses bras

   et ses énormes pieds rompaient les fines lanières des sandales.

2, 325

De son côté, elle prend la lourde massue, la dépouille de lion

   et les plus petits des traits enfouis dans leur carquois.

Ainsi parés, ils prennent leur repas, puis livrent leurs corps au sommeil ;

   ils avaient posé les lits côte à côte et reposaient séparément :

la raison en était qu'ils préparaient en l'honneur de l'inventeur de la vigne

2, 330

   un sacrifice qu'ils accompliraient, au lever du jour, en état de pureté.

 

Il était près de minuit. À quelle audace renonce un amour sans retenue ?

   Dans l'obscurité, Faunus parvint à l'antre humide ;

voyant leurs compagnons abîmés dans le sommeil et le vin,

   il se met à espérer que les maîtres connaissent la même torpeur.

2, 335

L'amoureux entre et erre un peu au hasard ; prudemment

   il tend les mains en avant et progresse à tâtons.

Il était parvenu à la couchette convoitée du lit de repos,

   et, dès sa première tentative, était près d'atteindre son bonheur ;

touchant la toison du lion fauve hérissée de poils,

2, 340

   il prit peur et retint sa main ; épouvanté de frayeur,

il recula, comme souvent un voyageur retire son pied

   quand il se trouble à la vue d'un serpent.

Alors, il touche les étoffes délicates du lit voisin,

   et se laisse abuser par cet indice trompeur ;

2, 345

il monte et se couche sur le lit tout proche de lui ;

   son membre gonflé était plus dur qu'une corne.

Entre-temps il relève les tuniques à partir du bas :

   des jambes rugueuses apparaissent hérissées de poils.

Faunus tentant d'autres gestes, le héros de Tirynthe le repoussa brusquement,

2, 350

   et le fit tomber du haut du lit. Un bruit retentit ;

la Méonienne appelle ses suivants, demande de la lumière ;

   on apporte des torches ; les faits sont manifestes.

Faunus, projeté avec force du haut du lit, pousse un gémissement

   et a bien du mal à se relever de la terre dure.

2, 355

Alcide rit, de même rient ceux qui l'ont vu à terre,

   la jeune femme de Lydie se rit aussi de son amoureux.

Abusé par un vêtement, le dieu n'aime pas les vêtements trompeurs

   et invite des hommes nus à célébrer son culte.

 


 

Romulus et Rémus poursuivant les brigands et les Luperques (2,359-380)

 

Ensuite Ovide met les Lupercales en relation avec des fables proprement romaines. La course des Luperques nus et le sacrifice d'une chevrette à Faunus commémorent l'incident au cours duquel Romulus et Rémus, surpris par des brigands au milieu d'ébats sportifs, se mirent à la poursuite de leur bétail, sans prendre le temps de se rhabiller. Rémus ayant récupéré le butin s'arrogea en vainqueur l'exclusivité de la viande sacrificielle, droit qui se perpétue dans la confrérie des Luperci Fabii, au grand dépit de Romulus et des Luperci Quintilii. (2,359-380)
 

 

À ces causes étrangères, ô ma muse, ajoute des causes latines,

2, 360

   et fais courir notre coursier dans la poussière qui est la sienne.

C'est la coutume d'immoler une jeune chèvre à Faunus aux pieds cornus,

   et la foule arrive, invitée à un modeste repas.

Et tandis que, vers le milieu du jour, les prêtres préparent la fressure

   l'enfilant sur des piques de saule, Romulus, son frère

2, 365

et les jeunes bergers exposaient leurs corps nus

   dans la plaine ensoleillée.

Maniant cestes et javelots, lançant de lourdes pierres,

   ils s'amusaient à éprouver la force de leurs bras.

D'une hauteur, un berger dit : "Romulus, Rémus, là-bas, à l'écart,

2, 370

   dans la campagne, des brigands emmènent vos boeufs".

S'armer eût pris trop de temps : tous deux s'en vont en sens opposés

   et Rémus tombe sur le butin qu'il récupère.

Sitôt revenu, il retire des broches la fressure qui grésille et dit :

   "Assurément, personne, sinon le vainqueur, ne la mangera".

2, 375

Il fait ce qu'il a dit et les Fabii de même. Romulus, sans avoir rien pris,

   rentre et aperçoit les tables et les os tout pelés.

Il rit mais supporte mal la victoire des Fabii et de Rémus,

   tandis qu'échouaient ses compagnons, les Quintilii.

Le souvenir de cet incident subsiste : les Luperques courent sans vêtements,

2, 380

   et cet heureux événement se perpétue dans les mémoires.


 

 Romulus et Rémus et le Lupercal (2,381-422)

 

Ovide rappelle ensuite la légende de la naissance des jumeaux divins nés de Réa Silvia, de leur exposition par les bergers sur l'ordre d'Amulius dans une prairie inondée par le Tibre en crue près de la vallée du Grand Cirque, et du sauvetage miraculeux des enfants par une louve, en un endroit où subsistent des vestiges du figuier "Ruminal", ou figuier de Romulus ; en l'honneur de cette louve, l'endroit du miracle s'appelle "Lupercal", qui à son tour a donné son nom aux "Luperques". (2,381-422)
 

 

Peut-être voudrais-tu savoir pourquoi cet endroit s'appelle Lupercal,

   ou bien pour quelle raison ce jour est lié à un tel nom.

La Vestale Silvia avait mis au monde des rejetons divins,

   au temps où son oncle paternel occupait le trône royal.

2, 385

Celui-ci ordonne d'enlever les petits et de les noyer dans le fleuve.

   Que fais-tu ? L'un de ces deux enfants deviendra Romulus !

Les serviteurs accomplissent avec réticence ces ordres consternants,

   et tout en pleurant, ils emportent pourtant les jumeaux à l'endroit indiqué.

L'Albula, qui devint le Tibre le jour où Tibérinus se noya dans ses eaux,

2, 390

   était précisément tout gonflé par les eaux hivernales.

En cet endroit où maintenant se trouvent les Forums, là où s'étend ta vallée

   Grand Cirque, on aurait pu voir des barques errantes.

Une fois là, n'ayant pu s'approcher davantage,

   les serviteurs, tour à tour, disent : "Quelle ressemblance !

2, 395

Mais, comme ils sont beaux tous les deux !

   Cependant, des deux, celui-ci a plus de force.

Si la naissance se déduit du visage, si l'apparence n'est pas trompeuse,

   je présume qu'un dieu, je ne sais lequel, est en vous.

Pourtant si un dieu était responsable de votre naissance,

2, 400

   il vous porterait secours, en une circonstance si périlleuse ;

votre mère sûrement vous aiderait, si elle-même n'était démunie,

   elle qui, le même jour, devint mère et fut privée de ses enfants.

Nés ensemble, destinés à mourir ensemble, sombrez ensemble sous les flots !"

   Il se tut et écartant les enfants de sa poitrine, il les déposa.

2, 405

Tous deux vagissent en même temps : on eût dit qu'ils avaient compris.

   Les serviteurs rentrent chez eux, les joues humides de larmes.

L'auge creuse contenant les bébés exposés se maintient à la surface de l'onde ;

   hélas, quelle destinée ce modeste berceau a portée !

Poussée vers un bois épais, l'auge se pose dans la vase

2, 410

   tandis que progressivement le fleuve se retire.

Il y avait un arbre - des vestiges en subsistent - : et le figuier

   appelé aujourd'hui Ruminal était le figuier dit de Romulus.

Miracle ! Une louve féconde arriva près des jumeaux abandonnés.

   Qui croirait que cette bête sauvage ne malmena point les enfants ?

2, 415

Elle fut loin de leur nuire, et même elle les aida ;

   des proches avaient entrepris de perdre les nourrissons de la louve.

La bête s'arrête ; de la queue elle caresse les tendres nouveau-nés

   et effleure de la langue leurs deux petits corps. À l'évidence,

ils étaient nés de Mars : ils n'avaient pas peur. Trouvant les mamelles,

2, 420

   ils se nourrissent d'un lait qui ne leur avait pas été destiné. 

La louve donna son nom à cet endroit, qui donna le sien aux Luperques :

   la nourricière fut bien récompensée pour avoir donné son lait.


 

Lupercales et rite de fécondation (2,423-452)

 

Revenant au rapport établi entre Faunus et Pan, Ovide mentionne pour les Luperques une origine qui fait intervenir Pan Lycaeus. Il explique ensuite comme un rite de fécondation la flagellation subie par les femmes lors des Lupercales ; les Luperques les frappaient avec des lanières provenant de la peau d'un bouc offert en sacrifice, sur l'injonction de Junon Lucina, vénérée comme déesse favorable aux accouchements. (2,423-452)
 

 

Mais qui empêcherait les Luperques de tirer leur nom d'un mont d'Arcadie ?

   Faunus possède un temple en Arcadie, sous le vocable de Lycaeus.

2, 425

Jeune épousée, qu'attends-tu ? Ce ne sont pas des herbes efficaces,

   ni la prière ni une incantation magique qui te rendront mère ;

endure patiemment les coups d'une main qui te fécondera :

   bientôt ton beau-père portera le titre envié de grand-père.

Car il fut un temps où les femmes mariées, par un sort cruel,

2, 430

   mettaient au jour très peu de gages de tendresse nés de leurs entrailles.

"À quoi me sert-il d'avoir enlevé les Sabines ?",

    s'écriait Romulus, au temps où il détenait le sceptre,

"si mon acte injuste m'a valu la guerre, et non des renforts ?

   Mieux eût valu n'avoir pas de brus."

2, 435

Au pied du mont Esquilin, un bois sacré, qu'on n'avait pas taillé

   des années durant, était dédié à la grande Junon.

Un jour, des épouses et leurs maris arrivèrent à cet endroit

   et, ensemble, genoux fléchis, ils se prosternèrent en suppliants ;

alors, soudainement, les cimes des arbres se mirent à bouger et à trembler,

2, 440

   et la déesse énonça à travers les bois ces paroles étonnantes :

"Mères d'Italie, qu'un bouc sacré vous pénètre", dit-elle.

   La foule, effrayée, resta stupéfaite devant cette phrase ambiguë.

Un augure, dont le nom s'est perdu au fil des ans,

    était arrivé récemment, exilé de la terre d'Étrurie.

2, 445

Il sacrifie un bouc : sur son ordre, les jeunes filles offraient leurs dos

   pour qu'on les frappât à l'aide de la peau de bouc découpée en lanières.

La lune lors de son dixième tour reformait son croissant,

   et soudain, le mari devint père, et l'épouse, mère.

On rendit grâces à Lucina : c'est le bois sacré qui te valut ce nom,

2, 450

   ou est-ce parce que tu détiens, ô déesse, la source de la lumière.

Protège, je t'en prie, bienveillante Lucina, les filles enceintes,

   et de leur sein extrais en douceur leur fardeau parvenu à maturité.

 


 

Indications météorologiques et le signe des Poissons (2,453-474)

 

Le 15 février se caractérise par des vents forts, qui se manifestent durant plusieurs jours, et par le passage du Soleil du Signe du Verseau dans celui des Poissons. À cette occasion, Ovide raconte la légende des deux poissons qui sauvèrent Vénus et Cupidon en fuite du côté de l'Euphrate, méritant ainsi de devenir un des signes du zodiaque. (2,453-474)
 

 

Lorsque le jour se sera levé, cesse pour ta part de te fier aux vents.

   La brise de cette saison n'est pas digne de confiance.

2, 455

Les vents ne sont pas constants, et, sans verrou durant six jours,

   la porte de la prison d'Éole est large ouverte.

Déjà le Verseau, léger grâce à son urne inclinée, s'est couché.

   Poisson, qui es tout proche, accueille les chevaux de l'éther.

Selon la tradition, (car vos signes scintillent à l'unisson),

2, 460

   ton frère et toi avez soutenu deux dieux sur vos dos.

Jadis, Dioné, fuyant le terrible Typhon,

   en ce temps où Jupiter prit les armes pour défendre le ciel,

parvint à l'Euphrate avec son petit Cupidon

   et s'assit au bord du fleuve de la Palestine.

2, 465

Les peupliers et les joncs occupaient le haut des berges,

   et les saules leur laissaient l'espoir de trouver aussi un abri.

Pendant que Vénus se cache, le bruit du vent emplit le bois :

   pâle de frayeur, elle croit qu'une troupe d'ennemis s'approche.

Et serrant son enfant sur son coeur, elle dit aussitôt :

2, 470

   "Nymphes, accourez, et portez secours à deux divinités !"

Et, sans attendre, elle plongea. Deux Poissons jumeaux vinrent à son aide :

   c'est pourquoi maintenant, comme tu vois, des astres portent leur nom. 

Depuis lors, présenter du poisson au repas est sacrilège chez les Syriens,

   qui craignent de souiller leurs bouches avec ce genre de mets.

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NOTES (2,243-474)

 
Trois constellations (2,243-244). "Ovide a tiré des Catastérismes d'Ératosthène (IIIe siècle avant J.-C.) le récit qui associe Le Corbeau, la Coupe et le Serpent (l'Hydre). L'Hydre est une constellation très longue, qui est située au-dessous de la petite constellation du Corbeau en forme de losange et du groupe des étoiles constituant la Coupe." (H. Le Bonniec). En réalité, le lever de ces trois constellations n'est pas le même : l'Hydre par exemple, très allongé, met deux mois à se lever. Ovide a retenu arbitrairement une seule date, le 14 février, "qui correspondait à la période du lever vespéral de la Coupe" (R. Schilling), constellation qui se trouve entre les deux autres. Pour Le Corbeau, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle ; pour la Coupe, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle ; pour Hydra, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle ; pour Hydrus, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle.

cher à mon coeur (2,249). Chez les Grecs, le corbeau était cher à Apollon et considéré comme doté de dons prophétiques. Dans les Métamorphoses (2, 531-662), Ovide raconte longuement comment le corbeau a été puni par Apollon pour lui avoir révélé l'infidélité de Coronis que le dieu aimait.

source vive (2,250). Pour le culte, on avait besoin d'eau courante.

gardait la source (2, 260). Dans les Métamorphoses (3, 26-40), Ovide a également mis en scène un serpent gardien d'une source où les compagnons de Cadmos veulent puiser de l'eau vive pour une cérémonie religieuse.

tu ne boiras pas (2, 264). Selon Pline (Histoire naturelle, 10, 32), "les corbeaux se reproduisent avant le solstice ; ils souffrent 60 jours par an de la soif, en particulier avant la maturité des figues en automne". La fable a dû être construite sur cette croyance.

Luperques (2,267). Commence ici la présentation, fort longue, des Lupercales du 15 février, où officiait la confrérie des Luperques. Sous la République, cette fête, une des plus anciennes de la religion romaine, était tombée en désuétude ; toutefois, restaurée sous Auguste, sa popularité fut telle qu'elle fut célébrée jusqu'en 494 p.C.n., date à laquelle le pape Gélase Ier la supprima. Les modernes sont loin d'en avoir éclairci complètement les rites et surtout leur signification (s'agissait-il d'une fête de purification ? ou d'une de ces fêtes de fin d'année que connaissent beaucoup de cultures et au cours desquelles le monde repasse pour ainsi dire par l'état de désordre initial ? les données évoquant un rôle fécondateur joué par les Luperques sont-elles authentiques ?). On aura l'occasion au fil du commentaire d'évoquer quelques problèmes. La formation même du mot Luperque n'est pas absolument claire. On a longtemps cru y voir un composé de lupus ("loup") et de arcere ("écarter") : ces prêtres auraient eu pour mission d'écarter les loups, mais rien, dans le rituel, n'apparaît dirigé contre les loups. Leur nom pourtant semble bien contenir celui du loup.

Faunus le cornu (2,268). On a déjà parlé du dieu indigène Faunus (2, 193), divinité agreste, sauvage, qui était, entre autres choses, protecteur des troupeaux. Il n'est pas absolument sûr, contrairement à ce que croit Ovide, que les Lupercales aient été célébrées en son honneur. Peut-être a-t-il été associé à la fête à une date relativement récente. Quoi qu'il en soit, ce Faunus a été assimilé au Pan grec (cfr 2, 271), auquel il a emprunté ses deux cornes.

Piérides (2,269). Comme c'est souvent le cas pour introduire un développement important, Ovide invoque les Muses, appelées Piérides, parce qu'elles étaient les filles de Pierus (Métamorphoses, 5, 302) ou parce qu'elles seraient originaires de la Piérie, une région de Macédoine (Pline, Histoire naturelle, 4, 33).

Pan (2,271). Le dieu Pan, fils d'Hermès et d'une nymphe, était originaire d'Arcadie. Il présidait aux troupeaux et représentait la nature entière personnifiée. Portant des cornes et des pattes de chèvre, il effrayait les hommes par ses brusques apparitions (d'où l'expression "terreur panique"). Il passait pour l'inventeur de la flûte à sept tuyaux (la flûte de Pan). Il figurait volontiers dans le cortège de Dionysos (Cfr aussi 1, 397 ; 1, 412). À l'époque d'Ovide, le Faunus indigène était complètement assimilé à Pan, d'où la théorie présente ici (2, 271-282) d'une origine arcadienne des Lupercales. Il reviendra plus loin (2, 423-424) sur ce rapport avec l'Arcadie et le dieu Pan.

Pholoé... (2,273-276). Suit une énumération de termes géographiques évoquant des lieux d'Arcadie, région d'origine du dieu Pan. Il peut s'agir de montagnes (Pholoé, Nonacris, Tricrènè), de cours d'eau (Stymphale, Ladon) ou d'une région montagneuse (Parrhasie ; cfr 1, 618).

Évandre (2,279). Évandre (cfr 1, 471 ; 5, 91-102) est donc censé avoir introduit les Lupercales, lorsqu'il s'installa à Pallantée, sur le site de la future Rome.

Pélasges (2,281). Cette désignation poétique des Grecs s'applique ici aux Arcadiens d'Évandre.

flamen Dialis (2,282). Ovide est seul à signaler la participation du flamine de Jupiter aux Lupercales, ce qui fait difficulté au point de vue religieux. En effet, parmi beaucoup d'autres tabous, ce prêtre n'avait pas le droit de toucher, ni même de nommer les chèvres et les chiens (Plutarque, Questions romaines, 111 ; Aulu-Gelle, Nuits attiques, 10, 15, 22) ; or ces animaux étaient sacrifiés au cours de la fête. S'agit-il d'une erreur d'Ovide ? À moins que ce flamine n'ait été effectivement présent lors des Lupercales, à d'autres moments que ceux qui faisaient intervenir chèvres et chiens. Nous ne sommes pas informés de tous les détails du rituel, les anciens ne nous ayant livré que les éléments les plus étranges et les plus spectaculaires.

tout nus (2,284). En fait, les Luperques étaient simplement vêtus d'une peau de chèvre serrée autour de la taille : le terme latin nudi que nous traduisons habituellement par "nus" n'implique pas la nudité intégrale. Ovide va donc s'interroger sur la nudité des Luperques, en en proposant quatre étiologies, trois "étrangères" (2, 283-358) et une "latine" (2, 359-380). La première explication (2, 283-288) veut que les Luperques courent nus pour imiter la nudité de Pan.

provoque (2,286). C'est la "terreur panique" dont il a été question plus haut, dans la n. à 2, 271.

naissance de Jupiter (2,289). Début de la deuxième explication (2, 289-302), qui veut que les Luperques reproduiraient les moeurs primitives des anciens Arcadiens. Selon certaines traditions, Jupiter serait né en Arcadie (Callimaque, Hymnes, 1, 6-7) ; mais plus généralement, on le fait naître en Crète (Hésiode, Théogonie, 477).

Lune (2,290). Les Arcadiens, qui se prétendaient autochtones, passaient pour "prélunaires", une expression dont le sens n'était pas clair déjà dans l'Antiquité (cfr 1, 469). Dans les vers suivants, Ovide évoque brièvement la vie rude de cette population primitive : il a pu être influencé par le tableau de Lucrèce (5, 925ss).

pourquoi principalement (2, 303). Début de la troisième explication "étrangère" de la nudité des Luperques. Ovide semble la considérer comme la plus importante : "les Luperques courent nus parce que les vêtements ont joué un mauvais tour à Faunus-Pan" (H. Le Bonniec). L'histoire qui va suivre "est de la même veine que les mésaventures burlesques de Priape (1, 391-440 ; 6, 319-346) et de Mars (3, 675-696)". (H. Le Bonniec)

Tirynthien... (2,305). Sur cette dénomination d'Héraclès-Hercule, cfr 1, 547. Pour expier le meurtre d'Iphitos, tué par ruse, Héraklès fut condamné à servir trois ans comme esclave. Il fut acheté par Omphale, reine de Lydie en Asie Mineure, qui lui imposa un certain nombre de travaux, mais qui devint aussi amoureuse de lui. Omphale était donc la maîtresse d'Héraklès, dans les deux sens du terme.

Méonienne (2,309). Pour désigner Omphale, reine de Lydie, dont le nom ancien (chez Homère par exemple) était Méonie.

Tmole (2,313). Montagne (et rivière) de Lydie, célèbre pour ses vignobles et un culte à Dionysos-Bacchus.

Hespérus (2,314). Génie de l'étoile du soir. Cfr aussi 5, 419.

Alcide (2,318). Sur cette autre désignation d'Hercule, cfr 1, 575 ; 5, 387.

Gétulie (2,319). Contrée du nord-ouest de l'Afrique, au sud de la Numidie et de la Maurétanie, qui produisait de la pourpre, moins renommée pourtant que celle de Tyr (cfr 2, 107).

massue, la dépouille de lion (2,325). La massue et la peau de lion (en grec la leontè) sont deux des attributs habituels d'Héraklès-Hercule (cfr 1, 543 pour la massue). Lorsque le héros eut tué le lion de Némée, il l'écorcha et se revêtit de sa peau. La tête du lion lui servit de casque.

inventeur de la vigne (2, 329). Bacchus. Cfr aussi 3, 461ss.

en état de pureté (2,330). L'abstinence sexuelle est prescrite avant certaines cérémonies religieuses, le délai à respecter variant d'un cas à l'autre.

causes latines (2, 359-360). Délaissant la mythologie grecque et les étiologies "étrangères", Ovide va maintenant rattacher les Lupercales à des légendes latines. "Une anecdote des 'enfances' de Romulus et Rémus rend compte de la nudité des Luperques et aussi de l'existence de deux groupes d'officiants" (H. Le Bonniec). Les Lupercales seront considérées comme une fondation de Romulus et de Rémus, et non plus d'Évandre.

jeune chèvre à Faunus (2, 361). Comme la participation du flamine de Jupiter aux Lupercales (2, 282), le sacrifice d'une chevrette à Faunus pose quelque problème aux spécialistes modernes de la religion romaine ; cette dernière en effet connaît la règle d'une parité de sexe entre divinité et victime. S'agit-il d'une exception ? d'une erreur d'Ovide ? ou d'autre chose ? Peu importe pour nous.

fressure (2, 363). Sur le sens du mot exta et sur les organes qui constituaient la fressure, la part du dieu, cfr n. à 1, 51. "Les exta devaient être cuits rituellement soit dans une marmite, soit à la broche, selon la nature des animaux sacrifiés" (H. Le Bonniec, citant Varron, Langue latine, 5, 98). Ici il s'agit donc d'une brochette, et la broche sur laquelle ils sont enfilés est en bois, non en métal, marque d'archaïsme. Le reste de l'animal était consommé par les participants, et le repas est considéré par Ovide comme "modeste".

cestes (2, 367). C'est en quelque sorte la boxe de l'Antiquité, "sport noble" "qui figure, avec le lancement du javelot et la course, parmi les [jeux] organisés par Énée pour l'anniversaire de la mort de son père" (R. Schilling). Cfr Virgile, Énéide, 5, 368-484.

emmènent vos boeufs (2,370). "Les vols de bétail étaient fréquents dans cette civilisation pastorale" (H. Le Bonniec).

Fabii (2,375). Les Luperques formaient deux équipes, que la légende rattachait l'une à Rémus l'autre à Romulus et dont les noms - Luperci Fabiani ; Luperci Quinctiales ou Quinctilii - sont ceux de deux gentes (Fabii ; Quinctii). Ces deux groupes étaient associés dans les rites, qui consistaient notamment dans une course autour du Palatin. L'origine de cette bipartition du collège n'est pas claire.

Quintilii (2,378). Les Luperques formaient deux équipes, que la légende rattachait, l'une à Rémus, l'autre à Romulus et dont les noms - Luperci Fabiani ; Luperci Quinctiales ou Quinctilii - sont ceux de deux gentes (gens Fabia ; gens Quinctia [ou Quinctilia, parmi d'autres graphies encore]). Ces deux groupes étaient associés dans les rites, qui consistaient notamment dans une course autour du Palatin. L'origine de cette bipartition du collège n'est pas claire.

la mangera (2,374). Ce geste de Rémus a donné lieu à diverses interprétations. Pour R. Schilling, par exemple, en mangeant la fressure - la part des dieux dans le sacrifice romain -, Rémus aurait commis un geste sacrilège, devenant dès lors un "réprouvé". Mais H. Le Bonniec conteste cette exégèse. Il pense que ce récit, "plutôt jovial", a été modelé sur les caractéristiques du sacrifice grec, où la fressure est partagée entre les dieux et les hommes. En procédant de la sorte, Rémus n'aurait donc fait que léser son frère et le groupe de son frère, en les privant de leur part, non seulement de fressure d'ailleurs (exta), mais aussi des chairs (viscera) : lorsqu'ils reviennent, ils ne trouvent plus que des os. Cette histoire a souvent été mise en parallèle avec une anecdote qui concerne les deux familles chargées du culte privé d'Hercule à l'Ara Maxima (1, 581) et que raconte Tite-Live (1, 7, 12-13) : les Pinarii arrivés en retard furent exclus "de la participation aux chairs du sacrifice".

cet incident (2,379). Comme le récit tente d'expliquer la nudité des Luperques, l'incident en question ne concerne pas la participation de Rémus et de ses compagnons au banquet sacrificiel, mais la nudité des Romains partis, tels qu'ils étaient, à la poursuite des voleurs.

Lupercal (2, 381-382). Une grotte située au pied du Palatin, du côté du Tibre, et d'où partait la course des Luperques (Plutarque, Romulus, 21, 5). Selon Ovide (2, 411ss), c'est là que s'élevait le figuier Ruminal près duquel la louve (lupa en latin) aurait allaité les deux jumeaux, d'où son nom de Lupercal. Rappelons que la fête du 15 février s'appelait les Lupercales (Lupercalia en latin) et les prêtres Luperques (Luperci en latin).

Vestale Silvia (2, 383). Ovide va maintenant raconter l'histoire de Romulus et de Rémus sauvés des eaux. La légende, très célèbre, est racontée dans le détail par Tite-Live, 1, 3, 10 à 1, 4), et les allusions du récit d'Ovide étaient accessibles à tous les lecteurs ou auditeurs. Rappelons que le roi d'Albe Numitor avait été évincé par son frère Amulius, qui avait fait de sa nièce, Silvia (ou Rhéa Silvia) une vestale, la contraignant ainsi à la virginité. Devenue enceinte des oeuvres de Mars, la vestale mit au monde des jumeaux, qu'Amulius, son oncle paternel, chercha à faire noyer dans le Tibre.

Albula (2, 389). Le Tibre se serait précédemment appelé Albula (= "aux eaux blanchâtres" ?). Il aurait pris le nom de Tibre, après qu'un roi d'Albe, ancêtre de Numitor, et nommé Tibérinus, s'y fût noyé (cfr par exemple Tite-Live, 1, 3, 8).

Forums (2,391). Le Forum romain, le Forum Boarium (cfr 1, 582), le Forum Holitorium (cfr n. à 2, 56) constituaient, avant l'urbanisation, une zone de marécages.

Grand Cirque (2,392). Il en était de même de la Vallée Murcia, le site futur du Grand Cirque, entre le Palatin et l'Aventin.

Ruminal (2,412). Il y avait à Rome plusieurs arbres célèbres, liés à divers événements. Le figuier Ruminal, associé à la légende des jumeaux, est l'un de ceux-là. Sa localisation exacte (on en trouve un au Palatin et un autre au Comitium) et son histoire ne sont pas claires. Quoi qu'il en soit, ce figuier porte le nom de Rumina, déesse de l'allaitement des troupeaux. Il fut mis par la légende en rapport avec l'allaitement des jumeaux par la louve, et, pour marquer davantage encore ce lien, on lui donnait parfois le nom de ficus Romularis ("figuier Romulaire", c'est-à-dire "figuier de Romulus"). Cfr par exemple Tite-Live, 1, 4, 5.

donna son nom (2,421). Ce n'est évidemment pas le Lupercal qui donna son nom aux Luperques. Le nom de la grotte (Lupercal) et celui de la fête (Lupercalia) sont dérivés de lupercus, dont l'étymologie, on l'a dit (n. à 2, 267), n'est pas claire.

Arcadie (2,423). Après l'étymologie latine, Ovide propose d'expliquer par le grec le terme Lupercus. Il revient ainsi au rapport établi plus haut (2, 271) entre Faunus et Pan.

Lycaeus (2,424). Un des surnoms du Pan arcadien était Lycaeus (en grec Lukaios), c'est-à-dire "Pan du mont Lycée", nom d'une montagne d'Arcadie. Ce Pan (Lukaios) devient ici Faunus (Lycaeus), étant donné l'équivalence entre Faunus et Pan (2, 271). La correspondance va s'étendre : les Lupercales romaines vont être rapprochées des fêtes arcadiennes de Pan Lukaios, qui s'appelaient en grec les Lukaia. Le fait que "le loup" se disait en latin lupus et en grec lukos facilitait évidemment les choses. Dans ces conditions, on ne s'étonnera plus du développement de la théorie (historiquement fausse) d'une origine arcadienne des Lupercales. Rien d'étrange donc qu'on en ait attribué l'introduction à Évandre.

jeune épousée (2,425ss). Sans transition, Ovide va évoquer un curieux rite des Lupercales et tenter de l'expliquer. Voici la présentation que donne Plutarque (Romulus, 21, 7) de cette flagellation rituelle : (Les Luperques) "découpent les peaux des chèvres [sacrifiées] en lanières et courent à travers la ville, nus avec un simple pagne, et frappent avec ces lanières quiconque se trouve sur leur chemin. Les femmes en âge d'être mères n'évitent pas leurs coups, persuadées qu'ils contribuent à les rendre fécondes et à les faire accoucher heureusement". Apparemment donc, il s'agirait d'une sorte de "flagellation fécondante", dont Ovide va proposer une étiologie remontant au temps de Romulus, à une époque où, dit le poète, les femmes ne pouvaient pas avoir d'enfants.

En réalité la situation n'est peut-être pas aussi simple. Si l'on en croit en effet le même Plutarque, cette fois dans la Vie de César (61, 2), les femmes enceintes aussi s'offraient aux coups des Luperques : "Les femmes même les plus distinguées par leur naissance vont au-devant d'eux, et tendent la main à leurs coups, comme les enfants dans les écoles ; elles sont persuadées que c'est un moyen sûr pour les femmes grosses d'accoucher heureusement et, pour celles qui sont stériles, d'avoir des enfants." (trad. Ricard, 1862). Si l'on en croit ce dernier texte, la finalité ultime du rituel devait être plus purificatrice que fécondante.

pas taillé (2,435). Les Romains éprouvaient dans les bois le sentiment du divin ; certains d'entre eux portaient d'ailleurs le nom de lucus, qui se traduit par "bois sacré". On imagine que plus le bois était sauvage, plus ce sentiment était fort.

grande Junon (2,436). Ovide met ici en rapport les Lupercales et le culte de Junon Lucina sur le mont Esquilin. Il le fait plus que probablement pour les besoins du récit, cette divinité sous l'épithète de Lucina patronnant les accouchements. Cfr 2, 447. On se serait plutôt attendu à voir intervenir dans la description ovidienne des Lupercales Junon Februata (appelée aussi Februalis ou Februlis), une Junon "purificatrice" dont Paulus Festus fait état (p. 75-76 L) dans sa notice de présentation du mois de février. Il y est déclaré explicitement qu'on faisait des sacrifices à Junon en février et que les Lupercales étaient sa fête. Ovide ne dit rien de la Junon Februlis.

bouc sacré vous pénètre (2,441). Le verbe latin inire, traduit ici par "pénétrer", doit probablement être mis en rapport avec un dieu latin Inuus, censé féconder les troupeaux et perçu comme une incarnation de Faunus-Pan (cfr p. ex. Tite-Live, 1, 5, 2). Par l'intermédiaire des lanières provenant des chèvres sacrifiées et manipulées par les Luperques, le pouvoir fécondant de Faunus-Pan-Inuus est censé pénétrer les jeunes Romaines. Le terme "bouc" surprend, car dans la réalité c'était des chèvres qui étaient sacrifiées lors des Lupercales. En réalité, ce n'est pas le seul cas où Ovide manifeste une certaine indifférence à l'égard du sexe d'un animal, mais il faut dire aussi que l'interprétation fécondante que le poète donne au rituel faisait plus que suggérer le sexe masculin.

augure (2,443). On se serait attendu à ce qu'un interprète venu d'Étrurie soit un haruspice, prêtre étrusque, et non un augure, prêtre romain, mais Ovide utilise manifestement ici le mot "augure" au sens large de "devin". Autre impropriété de terme en matière religieuse.

dixième tour (2,447). Après 10 mois lunaires, c'est-à-dire le temps de la grossesse humaine pour les anciens. Cfr 1, 27-34, avec les notes.

Lucina (2,449). Junon Lucina patronnait les accouchements (cfr 2, 436) et avait un bois sacré (lucus en latin) sur l'Esquilin, où on lui éleva, en 375 a.C., un temple dont l'anniversaire était le 1 mars, jour des Matronalia (3, 245-248). Pour cette épithète de Junon, Ovide propose une étymologie basée sur lucus ("le bois sacré"). D'autres textes anciens mettent Lucina en rapport avec lux ("la lumière") : la déesse met les enfants au jour. Voir aussi 3, 255-257 et 6, 40.

Éole (2,456). Éole est le roi des vents, immortalisé par Virgile, Énéide, 1, 52ss.

Verseau (2, 457). Vers le 15 février, le soleil quitte le signe du Verseau (Aquarius en latin).  Il représente Ganymède (2, 145-146). Le porteur d'eau, qui a sa cruche sur l'épaule, s'incline au fur et à mesure que le niveau baisse dans la cruche.

Poisson (2,458). Le soleil entre alors dans la constellation des deux Poissons (Pisces en latin), l'un boréal, l'autre austral. Ovide va présenter ici leur catastérisme. Sur cette constellation, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle. Cfr aussi 3, 399-402.

chevaux de l'éther (2,458). Ce sont les chevaux qui tirent le char du Soleil.

Dioné (2,461). Dioné passe généralement pour la mère d'Aphrodite, mais il n'est pas rare que les poètes donnent ce nom à Aphrodite elle-même. En fait, dans l'épisode raconté ici, Dioné est l'Aphrodite syrienne, Atargatis-Astarté. Ovide nage dans le syncrétisme.

Typhon (2,461). Fils de Tartaros et Gaia, le monstre Typhon (ou Typhée ; cfr 1, 573 ; 4, 491), était monté à l'assaut du Ciel. Les dieux, terrorisés, s'enfuient, se réfugiant généralement en Égypte et prenant pour lui échapper des formes animales (cfr Ovide, Métamorphoses, 5, 321-331). Jupiter finira par vaincre Typhon, et par l'écraser sous l'Etna.

Euphrate (2,463). Dans cette forme de l'histoire, Aphrodite-Vénus et Cupidon sont donc venus se réfugier sur les bords de l'Euphrate, lequel formait la frontière de Syrie.

Palestine (2,464). Faire de l'Euphrate un fleuve de la Palestine "dénote de la part d'Ovide une généreuse exploitation de la liberté poétique" (Weissbach, cité par R. Schilling).

à son aide (2,471). Dans le récit parallèle des Métamorphoses (5, 321-331), Ovide, qui ne mentionne pas Cupidon, raconte que Vénus prit la forme d'un poisson.

Syriens (2,474). Cet interdit alimentaire, en vigueur en Syrie, est également raconté par Hygin (Fables, 197).


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