Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Chant II (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


OVIDE, FASTES II - FEVRIER

 


 

INTRODUCTION - DU 1 AU 13 FEVRIER (2,1-242)

 


Introduction et généralités sur février, mois des purifications (2,1-54)

 

En guise d'introduction au deuxième mois, Ovide, de façon un peu inattendue, annonce son intention de traiter en distiques élégiaques un sujet plus ample que ses poésies amoureuses : les fêtes religieuses du calendrier et la grandeur d'Auguste, dont il implore la bienveillance. (2,1-18)

Ovide relève diverses applications du terme Februa ou "instruments de purification" : laine, épeautre et sel, rameau d'olivier ou de pin. D'où le nom de Februarius attribué au mois qui voit la purification de la ville par les Luperques et la célébration des Feralia. (2,19-34)

Ces rites purificatoires proviennent de Grèce, comme l'attestent les légendes de Pélée, Égée, et Alcméon, légendes qui toutefois ne paraissent pas acceptables au poète. (2,35-46)

En ce qui concerne l'ordre de succession des mois,  le mois de Janus occupa de tout temps la première place, et le mois des Terminalia (fin février), qui avant l'intervention des décemvirs occupait le dernier rang, devint le second mois. (2,47-54)

 

2, 1

Janvier prend fin : que l'année progresse à l'allure de mon chant.

   Puisque voici un second mois, qu'un second livre commence.

 

Élégies, c'est la première fois que vous voguez avec de si grandes voiles ;

   je me souviens que naguère, vous étiez une simple oeuvrette.

2, 5

Certes, dans mes amours, vous m'avez rendu des services appréciés,

   lorsque ma prime jeunesse s'amusait aux rythmes qui lui convenaient.

Je chante de même les rituels sacrés et les fêtes signalées dans les Fastes.

   Qui eût cru qu'au départ de l'élégie une voie menait vers ce sujet sacré ?

C'est ma manière de servir : je prends des armes à ma portée,

2, 10

   et ma main droite ne se sent pas dispensée de toute charge.

Si mon bras ne brandit pas avec vigueur des javelots,

   si je ne pèse point sur la croupe d'un cheval de guerre,

si je ne m'abrite pas sous un casque, ni ne ceins une épée acérée

   (le premier venu est capable de porter de telles armes),

2, 15

 César, je m'attache du moins à décrire tes titres, avec toute mon ardeur,

   et je m'avance parmi les inscriptions qui t'honorent.

Dès lors, aide-moi et tourne vers mon oeuvre un regard bienveillant,

   si la pacification de l'ennemi te laisse quelque répit.

 

Nos ancêtres romains ont appelé februa les instruments de purification.

2, 20

   De nos jours encore, quantité d'indices accréditent le sens de ce terme.

Les pontifes demandent au roi des sacrifices et au flamine des laines,

   ce qui dans la langue des anciens portait le nom de februa.

Et c'est le nom donné aussi à l'épeautre torréfié et aux grains de sel,

   matières purificatrices que prend le licteur dans des maisons précises.

2, 25

Le rameau, coupé sur un arbre pur et dont le feuillage recouvre

   les tempes sacrées des prêtres, porte aussi ce nom.

J'ai vu de mes yeux l'épouse d'un flamine demandant des februa,

   et à sa demande, on lui donna une branche de pin.

Bref, tout ce qui sert à la purification de nos corps

2, 30

   portait ce nom chez nos aïeux barbus.

Le mois fut appelé Februarius parce que les Luperques, munis de lanières de cuir,

   tournent tout autour du territoire, dans l'intention de le purifier ;

ou parce que les temps sont purifiés, quand les tombeaux ont été apaisés,

   après la célébration des Feralia ou jours de deuil.

2, 35

Les rites purificatoires, selon ce que croyaient nos ancêtres,

   pouvaient supprimer toute impiété et toute cause de mal.

Cette coutume vient de Grèce, où l'on pense que les coupables,

   s'ils sont rituellement purifiés, sont débarrassés de leurs actes impies.

Pélée purifia le petit-fils d'Actor ; Pélée lui aussi fut lavé

2, 40

   par Acaste du meurtre de Phocus dans les eaux d'Hémonie.

Égée trop crédule accorda une aide qu'elle ne méritait pas

   à la Phasidienne transportée dans les airs par un attelage de dragons.

Le fils d'Amphiaraüs dit à l'Acheloüs, fleuve de Naupacte :

   "Délivre-moi de mon crime", et le fleuve le purifia de son crime.

2, 45

Ah ! Vous êtes trop indulgents, vous qui pensez

   que l'eau d'un fleuve peut effacer de funestes crimes de sang !

 

Toutefois, pour t'éviter une erreur en ignorant l'ordre ancien des mois,

   sache que jadis, comme aujourd'hui, le premier mois fut celui de Janus.

Celui qui suit Janus a été le dernier de la vieille année ;

2, 50

   et toi aussi, Terminus, tu marquais la fin des rites sacrés.

En effet, le mois de Janus est le premier, la porte occupant la première place ;

   le mois consacré aux Mânes d'en bas était placé au plus bas de la série.

On pense que plus tard ces mois séparés d'abord par un long intervalle

   se sont succédé sans interruption, par décision des décemvirs.

 


 

 

Faits marquant le 1er et le 2 février (2,57-78)

 

Le 1er février, date de la dédicace du Temple de Junon Sospita, fournit au poète l'occasion de louer Auguste, bâtisseur et restaurateur de temples, et de faire des voeux pour lui. (2,57-66)

Il mentionne aussi divers rites et sacrifices : près du bois d'Helernus, dans le Penetrale Numae (Atrium de Vesta), et dans deux temples de Jupiter sur le Capitole, par un temps souvent pluvieux ou neigeux. (2,67-72)

Le 2 février sont mentionnées la disparition de la constellation de la Lyre et l'apparition de celle du Lion. (2,73-78)

 

2, 55

Au commencement du mois, la voisine de la mère de Phrygie,

   Junon Sospita, est réputée avoir reçu un nouveau sanctuaire.

Où se trouve actuellement ce temple consacré à la déesse

   lors de ces Calendes ? La suite infinie des jours l'a fait s'écrouler.

 Notre chef sacré a veillé avec un soin attentif

2, 60

   à éviter aux autres temples une semblable ruine.

Sous son règne, point de décrépitude pour les sanctuaires ;

  non content de s'attacher les hommes, il s'attache aussi les dieux.

Bâtisseur de temples, auguste restaurateur de temples,

   puisses-tu recevoir des dieux la même sollicitude.

2, 65

Puissent les dieux du ciel t'accorder autant d'années que tu leur en assures

   et puissent-ils monter la garde devant ta demeure.

 

Ce jour voit aussi une célébration au bois voisin d'Helernus,

   là où le Thybris venu de l'étranger cherche à gagner la mer.

Au sanctuaire de Numa, au dieu Tonnant du Capitole,

2, 70

   et en haut de la citadelle de Jupiter, on sacrifie un mouton de deux ans.

Souvent l'éther voilé de nuages provoque de fortes pluies

   ou bien la terre disparaît sous la neige qui la recouvre.

 

Le lendemain, lorsque Titan, prêt à gagner les eaux d'Hespérie,

   délivrera ses chevaux de pourpre de leurs jougs précieux,

2, 75

quelqu'un, durant la nuit, dira en levant son visage vers le ciel :

   "Où se trouve aujourd'hui la Lyre qui brillait hier ?"

Et, cherchant la Lyre, il remarquera que la croupe du Lion aussi

   s'est soudain enfoncée à moitié dans les eaux limpides.


 

 

Disparition de la constellation du Dauphin le 3 février et légende d'Arion (2,79-118)

 

Pour expliquer l'origine de la disparition à cette date de la constellation du Dauphin, Ovide fait d'abord une allusion assez peu explicite au rôle joué par un dauphin dans l'union de Poseidon et Amphitrite, avant d'introduire la légende d'Arion. Chantre de Lesbos, autre Orphée par la beauté et la puissance de son chant, Arion, après un séjour en Sicile et en Grande-Grèce où il avait connu grand succès, s'embarqua pour rentrer en Grèce. (2,79-96)

Sur la route du retour, il se fit agresser par l'équipage du navire qui le transportait ; cependant, il obtint de ses bourreaux la faveur de chanter une dernière fois, et pendant qu'il chantait, il sauta soudainement dans les flots, et fut aussitôt secouru par un dauphin, que le chant d'Arion avait charmé. C'est ainsi qu'il fut accueilli par Jupiter parmi les astres et constitua une constellation de neuf étoiles. (2,97-118)

 

 

Le Dauphin, que tu voyais naguère tout serti d'étoiles,

2, 80

  fuira tes regards au cours de la nuit suivante :

soit qu'il ait été le messager efficace d'amours secrètes,

   ou qu'il ait transporté la lyre de Lesbos et son maître.

Quelle mer ne connaît pas Arion, quelle terre l'ignore ?

   Par son chant il retenait le cours des eaux.

2, 85

Souvent sa voix a retenu le loup à la poursuite d'une agnelle ;

   souvent l'agnelle, qui fuyait le loup avide, s'est arrêtée ;

souvent chiens et lièvres se sont couchés à l'ombre du même arbre

   et la biche s'est dressée sur un rocher, tout près de la lionne ;

sans se quereller, la corneille jacasseuse et la chouette de Pallas

2, 90

   se sont posées côte à côte, et la colombe a rejoint l'épervier.

On dit que souvent, ô harmonieux Arion, tes mélodies ont stupéfié

   la déesse du Cynthe tout autant que les chants de son frère.

Le nom d'Arion avait empli toutes les ondes de Sicile,

   et les sons de sa lyre avaient séduit les rivages d'Ausonie.

2, 95

Alors, voulant rejoindre son pays, Arion s'embarqua sur un navire,

   emportant les richesses que lui avait acquises son art.

 

Peut-être, malheureux, redoutais-tu les vents et les flots :

   mais la mer était pour toi un refuge plus sûr que ton bateau.

C'est que, en effet, le pilote dégaina son épée et se dressa,

2, 100

   armes à la main, avec les autres matelots, ses complices.

À quoi te sert ce glaive ? Nautonier, mène ta barque qui dérive :

   tes doigts ne sont pas faits pour tenir des armes de cette sorte !

Arion, blanc de peur, dit : "Je ne vous implore pas de m'éviter la mort,

   mais, permettez-moi de prendre ma lyre et de jouer quelques notes".

2, 105

On lui fait cette faveur, tout en riant du délai qu'on lui accorde ;

   il se ceint d'une couronne qui siérait à ta chevelure, ô Phébus.

Il s'était vêtu d'une robe deux fois teinte de pourpre de Tyr ;

   son pouce frappa les cordes qui rendirent leurs sons

comme le cygne qui chante sa mélodie plaintive

2, 110

   lorsqu'une flèche cruelle a traversé sa tête blanche.

Ainsi paré, Arion saute aussitôt au milieu des flots ;

   l'eau qu'il remue éclabousse la poupe sombre.

Alors - chose incroyable - un dauphin, raconte-t-on,

   offrit le creux de son dos pour soutenir ce fardeau insolite.

2, 115

Lui, assis et tenant sa cithare, paie son passage en chantant,

   et son chant apaise les flots de la mer.

Les dieux voient les actes pieux : Jupiter accueillit le dauphin

   parmi les astres et ordonna de lui accorder neuf étoiles.


 

Du 5 février au 9 février : Auguste, père de la patrie - Le Verseau et Ganymède - Début du printemps (2,119-152)

 

La commémoration du titre de "père de la patrie" décerné à Auguste aux Nones de février, suggère à Ovide un parallèle entre Romulus et Auguste, d'où ressort l'absolue supériorité d'Auguste. (2,119-144)

Le 5 février, date de l'apparition du Verseau, fournit l'occasion d'évoquer la légende de Ganymède et de mentionner un radoucissement du temps, annonciateur du printemps, le 9 février. (2,145-152)

 

 

Que je souhaiterais maintenant, ô poète de Méonie,

2, 120

   avoir comme toi mille voix et le coeur qui te fit célébrer Achille,

au moment de chanter les saintes Nones en vers élégiaques :

   voici un immense honneur qui vient s'ajouter aux Fastes.

L'esprit me manque et le sujet m'écrase, outrepassant mes forces :

   il me faut chanter ce jour d'une voix toute spéciale.

2, 125

Pourquoi ai-je voulu, pauvre fou, imposer à des élégies

   des faits d'un tel poids ? Ce sujet méritait un mètre héroïque.

 Père sacré de la patrie, c'est le nom que t'attribuèrent le peuple et la curie ;

   nous aussi, les chevaliers, te l'avons donné.

Mais l'histoire avait pris les devants : tes vrais titres, tu les as portés tard,

2, 130

    toi qui depuis longtemps déjà étais le père de l'univers.

Toi, tu détiens sur terre ce nom que Jupiter possède en haut du ciel :

   toi, tu es le père des hommes ; lui, le père des dieux.

Romulus, admets cette évidence : Auguste, en défendant tes remparts,

   les rend majestueux ; toi, tu avais laissé Rémus les franchir.

2, 135

Ta domination, seuls Tatius et la modeste Cures et Cénina l'ont ressentie ;

   lui dirige sous bannière romaine les deux versants que visite le soleil.

Toi, tu régnais sur je ne sais quel coin de terre conquise ;

   César possède tout le territoire qui s'étend sous le ciel de Jupiter.

Toi, tu enlèves des femmes ; lui veut sous son règne des épouses chastes.

2, 140

   Toi tu as fait d'un bois sacré un asile pour le crime ; lui a banni le crime.

Toi, tu as prisé la violence ; sous César, les lois sont florissantes.

   Toi, on t'appelle maître ; lui porte le nom de prince.

Toi, Rémus t'incrimine ; lui a accordé son pardon à ses ennemis.

   C'est ton père qui t'a fait dieu ; lui a fait de son père un dieu.

2, 145

Déjà l'enfant de l'Ida émerge jusqu'à mi-corps

   et déverse ses eaux limpides mêlées de nectar.

Et maintenant, qu'il se réjouisse celui qui d'habitude

   redoutait Borée : les zéphyrs envoient un air plus doux.

Pour la cinquième fois, Lucifer aura fait surgir des ondes marines

2, 150

   son étoile éclatante, et ce sera le début du printemps.

Ne t'y trompe pas pourtant, des frimas persistants t'attendent,

   et tout en s'éloignant, l'hiver a laissé bien des marques.

 


 

Callisto, l'Ourse et le Bouvier  le 11 février (2,153-192)

 

L'apparition du Bouvier (Arctophylax) est pour Ovide l'occasion de raconter la légende de la métamorphose de la nymphe Callisto en Ourse. Liée à Artémis-Diane (ou Phébé) et vouée à la virginité, Callisto devint malgré elle enceinte des oeuvres de Jupiter ; n'ayant pu cacher sa grossesse, elle fut chassée de la troupe de la déesse ; devenue mère, elle fut changée en Ourse par la jalouse Héra-Junon et condamnée à errer. Un jour, mise en présence de son fils chasseur qui menaçait de la tuer, elle put échapper à la mort, car elle et son fils furent transformés en constellations, devenant respectivement Arctos et Arctophylax. (2,153-192)

 

  Que passent encore trois nuits ; et aussitôt tu apercevras

   que le Gardien de l'Ourse a dévoilé ses deux pieds.

2, 155 Parmi les Hamadryades, dans la compagnie de Diane chasseresse,

   Callisto faisait partie de son choeur sacré.

Touchant l'arc de la déesse, elle dit :

   "Arc que nous touchons, sois témoin de ma virginité".

La déesse du Cynthe la félicita et dit : "Tiens ta promesse et ton engagement,

2, 160     ainsi tu seras la première de mes suivantes".

Et elle aurait respecté son engagement, si elle n'avait été belle.

   Elle se garda des hommes ; sa faute lui vint de Jupiter.

Après avoir chassé mille bêtes sauvages dans les bois, Phébé rentrait,

   à l'heure où soleil avait parcouru la moitié de la journée ou plus encore ;

2, 165 lorsqu'elle parvint au bois sacré (un bois sombre, planté d'yeuses,

   avec en son milieu une profonde fontaine d'eau fraîche),

elle dit : "Baignons-nous ici, dans le bois, vierge de Tégée !"

   Au mot 'vierge', qui sonnait faux, Callisto rougit.

Phébé s'était aussi adressée aux Nymphes, qui déposent leurs voiles ;

2, 170    Callisto honteuse traînaille et laisse voir son malaise.

Elle avait enlevé sa tunique, et avec son ventre manifestement rebondi

   elle se trahit elle-même en révélant sa grossesse.

La déesse lui dit : "Fille parjure de Lycaon,

   quitte notre troupe de vierges, et ne souille pas ces eaux chastes !"

2, 175 La lune de ses cornes avait empli pour la dixième fois un nouveau cercle :

   celle que l'on avait crue vierge était devenue mère.

Blessée, Junon est furieuse et métamorphose la jeune fille.

   Que fais-tu ? C'est d'un coeur réticent qu'elle a subi Jupiter !

Et dès qu'elle vit sa rivale avilie sous les traits d'une bête,

2, 180    Héra dit : "Jupiter, va donc étreindre cette créature !"

Dans les montagnes sauvages errait une ourse répugnante,

   que naguère avait aimée le grand Jupiter.

L'enfant conçu par ruse vivait déjà son troisième lustre

   quand la mère fut mise en présence de son fils.

2, 185 Comme si elle le reconnaissait, elle resta interdite, hors d'elle, et gémit :

   ses gémissements traduisaient des paroles de mère.

L'enfant ignorant l'aurait transpercée d'un trait acéré,

   si tous deux n'avaient été enlevés vers les demeures célestes.

Voisines, ces constellations brillent. Nous appelons la première Arctos,

2, 190    Arctophylax a l'aspect de quelqu'un qui suit, derrière son dos.

La Saturnienne est toujours en colère et demande à la blanche Téthys

   de ne pas laisser l'Ourse du Ménale toucher ses eaux ni s'y baigner.

 


13 février : Exploits des Fabii (2,193-242)

 

Après la mention d'un sacrifice à Faunus, sur l'île du Tibre, Ovide évoque longuement le massacre des 306 membres de la gens Fabia, qui voulurent à eux seuls défendre Rome contre les Véiens, exploit dont la porte Carmentale perpétue le triste souvenir. (2,193-204).

Près du Crémère, les Fabii se battent vaillamment et avec succès contre les ennemis, mais finissent par tomber dans une embuscade, où ils périssent jusqu'au dernier. (2,205-236)

Heureusement, par la volonté des dieux, un enfant de la gens n'avait pas l'âge de participer à l'expédition, ce qui assura la perpétuation de la famille, donnant notamment à Rome le fameux Fabius Maximus Cunctator. (2,237-242)

 

 

Le jour des Ides les autels de l'agreste Faunus fument,

   là où une île brise et sépare les eaux du Tibre.

2, 195

C'est ce jour-là que, sous les coups des Véiens,

   sont tombés les trois cent six Fabii.

Une seule maison s'était chargée de la défense de la Ville :

   ces mains d'une même famille prennent les armes, comme promis.

Une troupe généreuse sort d'un même camp ;

2, 200

   de ces hommes, chacun eût pu être le chef.

Il existe une voie très proche de l'arcade droite de la porte Carmentale ;

   qui que tu sois, n'y passe pas : l'endroit porte malheur.

La tradition rapporte que les trois cents Fabii sont sortis par là.

   La porte n'est pas fautive ; elle est pourtant de mauvais présage.

2, 205

Dès qu'ils eurent d'un pas rapide atteint le torrentueux Crémère

   (qui, suite aux pluies d'hiver, roulait des flots tumultueux),

ils y établissent leur camp. Brandissant leurs épées, ils traversent

   les rangs tyrrhéniens, en livrant un combat acharné ;

on aurait dit des lions de Libye fonçant sur des troupeaux

2, 210

   dispersés dans l'immensité des campagnes.

Les ennemis fuient en tous sens et reçoivent dans le dos des blessures

   qui les déshonorent : la terre est rouge de sang étrusque.

À nouveau ils tombent, et ainsi à maintes reprises ; comme ils n'arrivent pas

   à vaincre ouvertement, ils préparent une embuscade, cachant des armes.

2, 215

Il y avait une plaine, fermée à ses extrémités par des collines boisées,

   où pouvaient se cacher les bêtes vivant sur ces hauteurs.

Au centre, ils laissent quelques hommes et quelques bêtes,

   le reste de la troupe attend cachée derrière des broussailles.

Voici que, tel un torrent grossi par des eaux de pluie

2, 220

   ou de la neige fondante s'écoulant à la tiédeur du zéphyr,

tel un torrent emporté à travers champs et routes

   et ne contenant plus ses eaux dans les limites normales de ses rives,

les Fabii gagnent toute la vallée, se déploient largement de tous côtés,

   et abattent tout ce qu'ils voient, sans autrement éprouver de crainte.

2, 225

Où courez-vous, nobles gens ? Vous avez tort de vous fier à l'ennemi.

   Noblesse trop confiante, garde-toi des traits perfides !

La vaillance est vaincue par la ruse : les ennemis se ruent

   dans la plaine ouverte de tous côtés et en occupent tout le tour.

Que pourraient faire quelques braves contre des milliers d'hommes ?

2, 230

   Ou quelle aide attendre en un moment si désespéré ?

Tel un sanglier que traquent au fond des bois les aboiements

   des chiens rapides et qui, de son boutoir foudroyant, les fait fuir

mais bientôt périt, ainsi les Fabii meurent tout en se vengeant,

   et tour à tour on assène et on subit des coups.

2, 235

En un seul jour, tous les Fabii étaient partis à la guerre,

   un seul jour vit périr ces hommes partis à la guerre.

 

Mais on peut croire que les dieux eux-mêmes ont voulu que subsiste

   la descendance de cette famille née d'Hercule.

En effet, un enfant impubère et trop jeune encore pour porter les armes,

2, 240

   fut le seul de la famille Fabia à rester vivant ;

sans doute pour te permettre de naître un jour, Maximus,

   toi qui, en temporisant, devais rétablir notre situation.

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Notes (2,1-242) 

 

Élégies (2,3). Ovide s'adresse à son oeuvre. Dans la littérature latine, on appelle "élégie" une poésie utilisant le distique élégiaque, c'est-à-dire une forme métrique particulière, à savoir un couple de deux vers composé d'un hexamètre (6 pieds) et d'un pentamètre (5 pieds). C'est le mètre qu'Ovide utilise ici, comme dans d'autres oeuvres (par exemple, L'Art d'aimer, Les Amours, les Héroïdes). Ses Métamorphoses par contre sont écrites en hexamètres, un vers censé convenir à la "grande poésie", développant des sujets plus nobles, comme des épopées guerrières (cfr 2, 126).

première fois (2,3). Formule quelque peu étonnante, au début du livre deux. En fait, on considère généralement que les vers 3-18 faisaient initialement partie de l'introduction à l'ensemble du recueil, dédié à Auguste. Lors du remaniement des Fastes, il aurait cédé la place à l'actuel prologue de janvier (1, 1-26), adressé, lui, à Germanicus ; le prologue initial aurait été utilisé pour introduire le deuxième chant.

César (2,15). L'empereur Auguste, à qui les Fastes furent d'abord dédiés, avant de l'être à Germanicus (cfr 1, 3 et les notes). C'est le même Auguste qui sera visé plus loin (2, 138 ; 2, 141 ; 2, 637).

februa (2,19). Le terme februa (peut-être d'origine sabine, si l'on en croit Varron, Langue Latine, 6, 13) désigne des instruments de purification. Dans les vers qui suivent, Ovide va en passer une série en revue : laine, épeautre et sel, rameau d'olivier ou de pin. Le nom du mois de février viendrait de februa : c'est le mois des purifications.

pontifes (2,21). Membres du collège pontifical (16 sous César), qui avaient la haute main sur la religion romaine traditionnelle : ils étaient chargés de surveiller l'ensemble du culte privé et public. À leur tête se trouvait le "Grand Pontife".

roi des sacrifices (2,21). Le prêtre ayant repris les fonctions religieuses qui étaient celles du roi, à la période royale. Cfr 1, 333.

flamine (2,21). Les flamines étaient les prêtres qui servaient une divinité particulière. Il y avait trois flamines majeurs (flamine de Jupiter, flamine de Mars et flamine de Quirinus) et douze flamines mineurs (par exemple celui de Carmenta ; cfr n. à 1, 463).

laines (2,21-22). On sait que la laine jouait un rôle dans la religion et la magie. Mais on ignore à quel rituel précis Ovide fait ici allusion. On songe toutefois à un détail de la cérémonie des Lupercales (2, 267-474) que Plutarque (Romulus, 21, 6) est seul à rapporter : "Les Luperques égorgent des chèvres, puis on leur amène deux jeunes gens de famille noble : les uns leur touchent le front avec un couteau ensanglanté, et d'autres le leur essuient aussitôt en le frottant avec de la laine imbibée de lait." Mais on peut penser aussi, d'une manière plus générale, "qu'une fois par an, en février, mois des purifications, les pontifes se faisaient remettre la quantité de laine consacrée (on n'ose dire 'bénite'), nécessaire aux besoins du culte pendant la prochaine année (qui commençait en mars)." (H. Le Bonniec).

épeautre... (2,23). On a déjà rencontré plus haut cette liaison entre l'épeautre et le sel, deux ingrédients entrant dans la composition de la mola salsa (cfr notamment 1, 338). Sur la torréfaction de l'épeautre, cfr 1, 693.

licteur (2,24). Les pontifes avaient à leur service du personnel subalterne, des appariteurs appelés licteurs, comme ceux qui entouraient les magistrats supérieurs.

maisons précises (2,23-24). La maison du roi des sacrifices et celle du flamine de Jupiter. Mais la tradition manuscrite de ce vers n'étant pas sûre, son interprétation reste délicate.

arbre pur (2,25). Un arbre qui peut servir à purifier (dont on faisait des couronnes par exemple, comme c'était le cas pour le laurier, l'olivier, le myrte). Peut-être le pin dont il est question en 2,28, était-il lui aussi inclus dans le groupe des "arbres purs" ? Les Romains en tout cas connaissaient aussi la catégorie des arbores felices, les "arbres de bon augure", et certains commentateurs modernes de ce vers voient dans "arbre pur" un synonyme de "arbre de bon augure".

épouse d'un flamine (2,27). Il s'agit de l'épouse du flamine de Jupiter (la flaminica Dialis), qui était, comme son mari (cfr 1, 587), soumise à un grand nombre d'obligations religieuses. Peut-être demandait-elle les februa au roi des sacrifices et à son mari, comme le faisaient les pontifes (2, 21). L'interprétation de ces vers aussi n'est pas facile. Il sera également question de cette flamina en 3, 397 ; 6, 226.

aïeux barbus (2,30). Jusqu'en 300 a.C., les barbiers n'avaient pas été introduits à Rome. Ils provenaient de la Sicile (Varron, Économie rurale, 2, 11, 10). En 6, 264, Numa est présenté comme portant la barbe.

Luperques (2,31-32). Il sera longuement question dans la suite du chant (2, 267-474) des Luperques et des Lupercales. Ovide interprète cette fête du 15 février comme un cérémonial de purification.

Feralia (2,34). Il sera longuement question en 2, 533-638 de ces Feralia du 21 février, qui clôturent la neuvaine des morts (dies parentales, ou Parentalia), s'ouvrant le 13 février.

Pélée... (2,39-40). Allusions concises (et un peu confuses) à des légendes grecques complexes, qui font intervenir la notion de purification. Pélée est surtout connu comme époux de Thétis et père d'Achille, et comme roi de Phthie. Le petit-fils d'Actor est Patrocle. Ce dernier, ayant involontairement tué le fils d'Amphidamas, vint se réfugier à Phthie auprès de Pélée, qui le purifia de son crime. Patrocle devint alors l'ami d'Achille. Mais Pélée lui aussi dut être purifié. Fils d'Éaque, ayant tué par jalousie son demi-frère Phocus, il fut chassé d'Égine par son père, et se réfugia à Phthie, où il fut accueilli par Eurytion, qui le purifia de son crime, et lui donna en mariage sa fille Antigonè. Au cours d'une partie de chasse, Pélée tua accidentellement Eurytion, ce qui le contraignit à un nouvel exil, à Iolcos, en Thessalie (= Hémonie), où le roi Acaste le purifia de ce second meurtre. Ovide mélange quelque peu les détails de l'histoire de Pélée : "il omet l'épisode d'Eurytion et confond les deux purifications" (H. Le Bonniec).

Égée... (2,41-42). Égée, roi d'Athènes, avait épousé la magicienne Médée (appelée ici Phasidienne, parce qu'elle était originaire de Phocide, où coule le Phase). Ovide fait allusion à un seul épisode de la vie de Médée, l'amante de Jason, qui après avoir tué par dépit amoureux leurs propres enfants, s'enfuit sur un char tiré par des dragons à Athènes, où elle se fit épouser par Égée, en promettant de lui donner un fils. Plus tard, l'ingrate tenta, sans y réussir, d'empoisonner Thésée, le fils qu'Égée avait d'un pemier lit et qui rentrait d'une longue absence. Ovide ne donne ici aucun détail sur une éventuelle purification.

Le fils d'Amphiaraüs... (2,43-44). Le devin Amphiaraüs avait pour fils Alcméon, qui tua sa mère Ériphyle, parce qu'elle avait contraint Amphiaraüs à participer à l'expédtion des Sept contre Thèbes, où il trouva la mort. Poursuivi par les Érinyes, Alcméon apprit par un oracle qu'il devait se faire purifier par le dieu-fleuve Acheloüs, un fleuve d'Étolie, région dont Naupacte est une ville importante.

le fleuve le purifia (2,44). "L'eau courante était un des moyens de purification les plus répandus, aussi bien dans le culte grec que dans le culte romain." (H. Le Bonniec)

ordre ancien des mois... (2,47-50). Ovide a déjà abordé ce sujet au premier chant, mais ce qu'on lit ici contredit la version de 1, 44, où Numa est censé avoir ajouté janvier et février aux dix mois de l'année romuléenne. Ici, janvier est dit avoir toujours été le premier mois, dans l'année ancienne comme dans l'année nouvelle. C'est assez difficile à expliquer (cfr aussi n. à 2, 54).

Terminus (2,50). Dans la religion romaine, Terminus est le dieu qui préside aux bornes, aux limites. Sa fête, les Terminalia du 23 février, était la dernière de l'année. Il en sera question plus loin, en 2, 639-684.

porte (2,51). Jeu de mot sur ianua (= la porte) et Janus. Cfr p. ex. n. à 1, 99.

Mânes d'en bas (2,52). Allusion aux fêtes des morts (Parentalia, Feralia) du mois de février (2, 533-570).

décemvirs (2,54). On appelle décemvirs les membres d'une commission de dix membres. Il existe plusieurs types de décemvirs. Ovide fait ici allusion à ceux qui, au milieu du Ve siècle a.C., élaborèrent la loi des XII Tables. Plusieurs textes les créditent effectivement d'une intervention sur le calendrier romain, mais l'explication présentée ici par Ovide n'est confirmée par aucune autre source.

mère de Phrygie (2,55). Cybèle, "la Grande Mère des Dieux", originaire de Phrygie, avait son temple sur le Palatin. Il sera abondamment question de Cybèle, en 4, 179-372.

Junon Sospita (2,56). Cette Junon "Tutélaire" (c'est le sens du latin Sospita), était la divinité poliade (= protectrice de la ville) de Lavinium. Introduite à Rome, elle y possédait un temple qui fut dédié le 1er février 194 a.C., mais il se dressait au Forum Holitorium ("Marché aux légumes"), à une assez grande distance donc du Palatin. Ovide s'est-il trompé en imaginant sur le Palatin un sanctuaire à Junon Sospita ? Certains modernes le croient ; d'autres sont enclins à penser que la divinité aurait eu sur le Palatin aussi un ancien temple, ruiné ou presque oublié (cfr 2, 58).

lors de ces Calendes (2,58). Les Calendes étant consacrées à Junon (cfr 1, 55), il était normal que la date anniversaire de son sanctuaire tombe le 1er jour d'un mois. C'était en tout cas ainsi pour son temple du Forum Holitorium.

notre chef sacré (2,59-60). Auguste, qui dans son testament politique (Res Gestae, 20, 4), signale avoir reconstruit ou restauré 82 temples à Rome. Cfr aussi Suétone, Auguste, 30.

Helernus (2,67). Il est aussi question de ce bois en 6, 105-106 ("Près du Tibre s'étend le bois antique d'Helernus. Les Pontifes y célèbrent encore aujourd'hui des sacrifices"). Cette divinité reste mystérieuse.

Thybris (2,68). Le Tibre souvent désigné ainsi, notamment chez Virgile. Le fleuve est qualifié d'étranger, parce que il vient d'Étrurie. Le bois en question devait se trouver à un coude du Tibre.

sanctuaire de Numa (2,69). Le temple de Vesta sur le Forum romain, rattaché à Numa en raison des liens étroits que le second roi entretenait avec Vesta et les vestales (cfr p. ex. Tite-Live, 1, 20, 3).

dieu Tonnant du Capitole (2,69). Jupiter Tonnant avait sur le Capitole un temple que lui avait voué Auguste en 26 a.C. en témoignage de gratitude pour avoir échappé à la foudre. Le sanctuaire avait été dédié le 1 septembre 22 (Res Gestae, 19, 2 ; Suétone, Auguste, 29, 5).

citadelle de Jupiter (2,70). La citadelle de Jupiter est le Capitole, où se trouvait le temple de Jupiter Optimus Maximus. On raconte qu'Auguste "avait institué ce sacrifice à Jupiter Capitolin pour que celui-ci ne prît pas ombrage de la préférence accordée à Jupiter Tonnant" (H. Le Bonniec), une hypothèse qu'un texte de Suétone (Auguste, 91, 2) pourrait accréditer. Il y avait donc au 1er février trois sacrifices d'un mouton de deux ans.

Titan (2,73). Le Soleil (cfr notamment 1, 385 ; 1, 617), qui va se coucher à l'ouest (= Hespérie). Le Soleil est censé se déplacer sur un char tiré par des chevaux richement parés.

Lyre... Lion (2,76-77). Indications astronomiques d'Ovide, ici encore peu correctes, mais c'est l'habitude du poète, et on n'y attachera pas beaucoup d'importance. Il a déjà été question de la Lyre en 1, 316 et en 1, 654 ; du Lion en 1, 655.

Dauphin (2,79). Ici encore la date (3 février) du coucher de la constellation du Dauphin (cfr aussi 1, 457) n'est pas correcte, mais, pour Ovide, l'essentiel du récit porte manifestement sur les raisons de la transformation du dauphin en constellation. La constellation sera également citée en 6, 471 et en 6, 720.

amours secrètes (2,81). Selon une légende, le Dauphin aurait été métamorphosé en constellation, parce qu'il avait servi d'intermédiaire entre la Néréide Amphitrite et le dieu de la mer Poséidon. La Néréide, se refusant au dieu, s'était cachée dans l'Océan ; elle fut retrouvée par le dauphin qui la persuada d'épouser le dieu (Hygin, Astronomica, 2, 17).

lyre de Lesbos et son maître (2,82). Il s'agit d'Arion, chantre mythique originaire de Lesbos, qui avait obtenu du tyran de Corinthe, Périandre, la faveur de parcourir la Grande-Grèce et la Sicile, en chantant. Après s'être enrichi grâce à son art, il voulut rentrer en Grèce, mais connut au retour la mésaventure contée dans la suite de ce texte (2, 100-118). Par certains traits, Arion rappelle la figure d'Orphée. Sur cet épisode, cfr par exemple Hérodote, 1, 23-24 ; Hygin, Fables, 194 ; Aulu-Gelle, Nuits attiques, 16, 19.

déesse du Cynthe (2,91-92). Artémis-Diane, soeur de Phébus-Apollon, le dieu de la poésie et du chant. Comme son frère, Artémis était née sur le mont du Cynthe à Délos.

Ausonie (2,94). L'Italie, du nom d'Auson, le fils d'Ulysse et de Circé (ou de Calypso), qui aurait donné son nom aux premiers habitants de Campanie.

pourpre de Tyr (2,107). La pourpre de Tyr était particulièrement appréciée, et le traitement 'double-bain' était le signe de la pourpre de luxe. Arion revêt la tenue solennelle du citharède (robe de pourpre et couronne de laurier).

cygne... (2, 109-110). Depuis Platon (Phédon, 85a), le cygne est réputé chanter le plus harmonieusement au moment où il va mourir.

Jupiter (2,117). D'autres sources antiques attribuent la métamorphose à Apollon.

poète de Méonie (2,119). Homère, considéré comme originaire de Méonie, ancien nom de la Lydie. Comme on le sait, l'Iliade est centrée sur la figure d'Achille.

mètre héroïque (2,126). Ovide annonce qu'il va aborder un sujet grandiose ou épique, qui requerrait l'hexamètre dactylique, comme dans les épopées, plutôt que le distique élégiaque. Cfr n. à 2, 3.

Père sacré de la patrie (2,127). Les Res gestae (35, 1) attestent qu'aux Nones (5 février) de l'an 2 a.C., Auguste reçut le titre de "Père de la Patrie", octroyé par le sénat (dont la curie était le lieu de réunion), l'ordre équestre (les chevaliers) et le peuple romain tout entier. C'est un titre prestigieux, que reçurent, avant Auguste, des gens comme Cicéron et César. "Le pater patriae peut prétendre rallier autour de lui l'ensemble des citoyens désormais théoriquement astreints aux obligations mêmes qui les soumettent à l'autorité du pater familias" (W. Seston).

les chevaliers (2,128). Dans la société romaine, l'ordre équestre, c'est-à-dire les chevaliers, constituait le second ordre en importance, après l'ordre sénatorial, c'est-à-dire les sénateurs. Ovide a ici l'occasion de rappeler qu'il appartenait à l'ordre équestre.

Jupiter (2,131). Ovide établit ici un parallèle entre Jupiter et l'empereur, comme dans les Métamorphoses, 15, 858-860. Un peu plus haut dans les Fastes (1, 650), Ovide avait identifié Auguste à Jupiter ; il fera la même chose dans les Tristes, 1, 5, 78.

Romulus (2,133). Le parallèle entre Auguste et Romulus, tout à l'avantage du premier, est dicté à Ovide par le fait qu'en 27 a.C., des sénateurs avaient voulu donner à Octave le surnom (cognomen) de Romulus (cfr p. ex. Suétone, Auguste, 7, 4). L'empereur renoncera à ce surnom, et finalement c'est celui d'Augustus qu'il recevra (cfr 1, 587-614). Pour les besoins de la comparaison, Ovide trace de Romulus un portrait peu bienveillant, mais dans le reste des Fastes, le poète prendra souvent la défense du premier roi (par exemple 4, 845-854 ; 5, 471-472, à propos de la mort de Rémus).

remparts (2,133-134). L'oeuvre de conquête et de pacification d'Auguste est opposée à l'épisode conflit entre Romulus et Rémus à propos de la construction des premiers remparts de Rome. Voir par exemple Tite-Live, 1, 7, 2.

Tatius... (2,135). Tatius, roi de Cures, en Sabine (qualifiée ici de modeste cité), fut l'ennemi de Romulus, avant de corégner avec lui après la fusion de leurs deux peuples (voir 1, 260-272 ; 6, 49 , et pour cet épisode sabin, Tite-Live, 1, 9-13).

Cénina (2,135). Petite cité latine qui combattit les Romains après le rapt des Sabines, et qui fut vaincue par Romulus. C'est toutefois sa victoire sur le roi de Cénina, Acron, qui permit à Romulus de consacrer les premières dépouilles opimes (Tite-Live, 1, 10, 4-7). Les victoires de Romulus sont ici systématiquement dévalorisées.

enlèves des femmes (2,139). Allusion à l'enlèvement des Sabines par Romulus. Cfr Tite-Live, 1, 9.

épouses chastes (2,139). Les lois d'Auguste pour favoriser les mariages et pour réprimer l'adultère sont opposées au rapt des femmes, pratiqué par Romulus.

asile (2,140). Parallèle entre l'asile, où Romulus accueillit, pour agrandir sa population, des brigands et hors-la-loi (cfr Tite-Live, 1, 8, 4-6), et la politique de répression des crimes et du brigandage pratiquée par Auguste (Suétone, Auguste, 32, 3).

prince (2,142). Le latin oppose les termes dominus ("maître"), terme convenant à un tyran et celui de princeps ("prince" ou "premier des citoyens"). C'est effectivement le terme princeps qui fut donné à tous les empereurs, à partir d'Auguste, lequel refusa toujours le titre de dominus.

Rémus (2,143). Le sort malheureux de Rémus fait ressortir la culpabilité et la violence de Romulus, ce qui contraste avec la clémence d'Auguste, une des vertus fondamentales qu'on reconnaissait à Auguste (Res Gestae, 34).

ton père... (2,144). C'est le dieu Mars qui a provoqué l'apothéose de Romulus (cfr 2, 481-488). Les Triumvirs, dont faisait partie Octave, divinisèrent officiellement Jules en 42 a.C. et vouèrent un temple au Divin Jules sur le Forum, qui fut dédié par Auguste en 29 a.C., après la victoire d'Actium.

L'enfant de l'Ida (2,145). Le Verseau (Aquarius), censé se lever le 5 février (ce qui est incorrect), est identifié avec Ganymède (Il en est aussi question en 1, 652, 2, 457 et 6, 43). Ce jeune berger troyen, éveilla par sa beauté la passion de Zeus, qui prit l'apparence d'un aigle et l'enleva sur les pentes du mont Ida, en Troade, pour le transporter dans l'Olympe où il servait d'échanson aux dieux et versait le nectar dans la coupe de Zeus.

Borée (2,147). Le vent froid du nord. Le lever du Verseau est censé marquer un radoucissement du temps, annonciateur du printemps. Le Zéphyr, frère de Borée, est un vent doux.

Lucifer (2,149). L'apparition de la planète de Vénus, l'étoile du matin ou Lucifer, marque le début du jour (cfr 1, 46 ; 5, 548 ; 6, 474). Le 9 février (5 jours après les Nones) est considéré par Ovide comme le début du printemps. Pline pour sa part (Histoire naturelle, 2, 122) parle du 8 février.

Gardien de l'Ourse (2,154). Le Gardien de l'Ourse, appelé aussi Arctophylax (2, 190) ou le Bouvier (Bootes ; cfr 3, 405, et aussi 5, 733), est censé se lever ici le 11 février (indication inexacte). "Il est situé dans le prolongement de la queue de la Grande Ourse" (R. Schilling), d'où cette expression de "Gardien de l'Ourse". On lui donne aujourd'hui le nom de Bouvier. Cfr Observational Astronony ou Astronomie virtuelle. Cette date est pour Ovide l'occasion de raconter la métamorphose de la nymphe Callisto en Ourse.

Hamadryades (2,155). On donnait le nom d'Hamadryades à une catégorie de nymphes des arbres, qu'elles protégeaient.

Callisto (2,156). Fille de Lycaon, roi du pays qui sera appelé plus tard Arcadie, elle s'était vouée à la virginité et passait sa vie dans les bois, dans la troupe de la vierge Artémis. Zeus, épris de sa beauté, s'unit à elle. Devenue mère, Callisto fut métamorphosée en Ourse par Héra jalouse. Dans ses Métamorphoses (2, 401-530), Ovide a donné de son histoire un récit beaucoup plus détaillé que celui des Fastes. La légende de Callisto comporte beaucoup de variantes, dans le détail desquels il n'est pas question d'entrer ici.

déesse du Cynthe (2,159). Artémis ou Phébé (Diane en latin) est la soeur d'Apollon. Cfr n. à 2, 91-92. C'est une déesse chasseresse et vierge.

vierge de Tégée (2,167). Tégée est une ville d'Arcadie ; l'expression désigne ici Callisto.

fille parjure de Lycaon (2,173). Callisto, on vient de le dire (n. à 2, 156), est la fille de Lycaon.

pour la dixième fois (2,175). Pour cette durée de la grossesse, cfr n. à 1, 34.

mère (2,176). Cet enfant est Arcas, l'ancêtre des Arcadiens (cfr 1, 470).

métamorphose la jeune fille (2,177). Junon, jalouse, transforme la jeune fille en ourse.

son troisième lustre (2,183). Il avait donc quinze ans.

Arctos... Arctophylax (2,189-190). C'est-à-dire l'Ourse (Arctos) et le Bouvier (Arctophylas est un mot grec qui veut dire "gardien de l'Ourse"). Cfr n. à 2, 154. Pour la constellation de l'Ourse, cfr Astronomie virtuelle ou Observational Astronomy.

La Saturnienne (2,191). Junon, fille de Saturne, est furieuse de voir que sa rivale a été transformée en constellation. Elle se plaint auprès de Téthys, la nymphe épouse de l'Océan, laquelle Téthys est qualifiée de blanche, à cause de l'écume de la mer.

Ménale (2,192). Le Ménale est un mont d'Arcadie, d'où provenait Callisto. L'Ourse du Ménale désigne donc Callisto. Les vers 191-192 sont une manière recherchée d'expliquer que la Grande Ourse reste visible toute l'année, tout au moins dans l'hémisphère Nord.

Faunus (2,193-194). Divinité agreste, dont on reparlera à propos des Lupercales (p. ex. 2, 268), et qui était, entre autres choses, protecteur des troupeaux. Le 13 février, on lui offrait un sacrifice dans son temple de l'Île Tibérine, dédié au début du IIe siècle a.C. Ovide ne s'attarde pas sur cet anniversaire, pour s'étendre longuement sur ce qui suit.

Véiens (2,195). Véies était la ville étrusque la plus méridionale, à quelques kilomètres au nord de Rome ; elle fut dans les premiers siècles une menace perpétuelle pour Rome, dont l'annalistique a conservé le souvenir. Elle fut définitivement vaincue par le dictateur Camille (1, 641) en 396 a.C.

trois cent six Fabii (2,196). Le conflit séculaire entre Rome et Véies fut marqué par certains épisodes célèbres, dont celui de la geste des Fabii, une puissante famille romaine (cfr 1, 605-606), qui voulut se charger à elle seule de la défense Rome et dont les membres trouvèrent finalement la mort devant Véies en 477 a.C. L'histoire est racontée par Tite-Live, 2, 48-50, qui constitue une des sources du poète : on s'y reportera pour avoir plus de détails. Si Ovide développe ainsi le récit du massacre des 306 membres de la gens Fabia, c'est probablement pour honorer son ami et protecteur Paullus Fabius Maximus. La date du 13 février qu'il retient diffère de celle donnée dans d'autres sources (18 février 477).

porte Carmentale (2,201). Située entre le pied du Capitole et le Tibre, cette porte dans l'enceinte servienne devait son nom au voisinage du temple de Carmenta (cfr n. à 1, 535 ; n. à 1, 629). "Il est possible qu'un mauvais sort ait été attaché à la Porte antérieurement à l'expédition des Fabii et que le désastre du Crémère ait servi à expliquer cette antique superstitition" (F. Bömer), sur laquelle nous ne sommes pas spécialement bien informés.

trois cents Fabii (2,203). Le nombre est réduit ici de 6 unités. Par ailleurs, il est clair que les Fabii n'étaient pas seuls. Les autres sources signalent qu'ils étaient accompagnés de plusieurs milliers d'hommes (4.000 ; 5.000) qui constituaient leur clientèle. Ces autres sources font également état de l'intervention d'autres forces, comme les légions romaines. Ovide donne ici l'impression que la famille des Fabii, la gens Fabia, est seule à assumer tout le poids de la guerre.

Crémère (2,205). Cette petite rivière étrusque, qui se jette dans le Tibre, à 8 kilomètres au nord de Rome, doit sa célébrité à la défaite des Fabii. Cet épisode porte aussi le nom de "bataille du Crémère".

tyrrhéniens (2,208). Les Véiens étaient des Étrusques.

lions de Libye (2,209). "Les lions de Libye passaient pour particulièrement féroces (cfr 5, 178 ; 5, 371)" (H. Le Bonniec).

dans le dos (2, 211). Il était honteux pour un guerrier de recevoir des blessures dans le dos. Pline (Histoire naturelle, 7, 101) évoque un Romain du Ve siècle a.C. célèbre "pour ses quarante-cinq blessures, toutes visibles de face, sans une seule dans le dos".

née d'Hercule (2,238). Selon certaines versions antiques, la gens Fabia était censée tirer son nom de la fève (faba en latin) ; selon d'autres, Hercule aurait été à l'origine de la famille. Ainsi Plutarque (Fabius Maximus, 1, 2) raconte : "On dit qu'une nymphe, ou, selon d'autres, une femme du pays, ayant eu commerce avec Hercule au bord du Tibre, mit au monde Fabius, qui fut la souche d'une famille importante et renommé chez les Romains". C'est cette généalogie valorisante pour les Fabii qu'Ovide adopte ici.

un enfant impubère (2,239). C'est évidemment difficile à croire, et certains auteurs anciens (comme Denys d'Halicarnasse, 9, 22) ont souligné l'invraisemblance de la tradition : 306 hommes adultes n'auraient qu'un seul enfant !

Maximus (2,241-242). C'est l'illustre Fabius Maximus Cunctator (= "le Temporisateur"), vainqueur d'Hannibal, dont il a été question en 1, 605 avec la note.

 


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