Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 6 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
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Premières précisions sur Vesta et son culte (6,249-304)
Abordant les Vestalia, Ovide invoque la déesse Vesta, qui sans se laisser apercevoir, lui permet de connaître diverses informations relatives à sa personnalité et à son culte. (6,249-256)En premier lieu, le poète fait remonter à Numa la construction du temple de Vesta. Après avoir évoqué la simplicité de la première construction, il explique pourquoi de tout temps ce temple a eu une forme ronde : Vesta est assimilable à la Terre, qui contient en elle un feu perpétuel, est ronde et occupe le centre de l'univers, comme en témoigne une uvre d'art de Syracuse. (6,257-282)
Nous apprenons ensuite que les prêtresses de Vesta sont des vierges, pour la raison que Vesta elle-même, à la différence de ses soeurs Junon et Cérès, est toujours restée vierge, immatérielle comme la flamme, et se plaisant naturellement avec des vierges. (6,283-294)
Viennent ensuite d'autres détails concernant la déesse et son culte : l'absence d'effigie de la déesse et la présence du feu perpétuel à l'intérieur du temple rond ; diverses explications sont proposées, basées sur des étymologies rapprochant Vesta de la terre et du feu. (6,295-304)
Vesta, accorde-moi ta faveur : j'ouvre maintenant ma bouche prête à te servir, |
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s'il m'est permis de venir assister à ton culte. J'étais absorbé par ma prière : je sentis une puissance céleste et la terre riante resplendit dans une lumière pourpre. Certes, ô déesse, je ne t'ai pas vue -- laissons de côté les fictions des poètes -- ; d'ailleurs, un homme n'aurait pas pu te voir ; |
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mais mes ignorances, les erreurs qui me tourmentaient, me furent révélées, sans que quelqu'un ne les expliquât.
On dit que Rome avait célébré quarante fois les Parilia, lorsque fut accueillie dans son temple la déesse gardienne du feu : ce fut l'oeuvre du roi pacifique, l'esprit le plus respectueux de la divinité |
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qu'eût jamais porté la terre sabine. Le toit de bronze que tu vois de nos jours, tu l'aurais vu alors couvert de paille, et ses parois étaient faites de souple osier tressé. L'espace étroit où se dresse actuellement l'Atrium de Vesta était à l'époque le grand palais de Numa le barbu. |
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Mais, dit-on, la forme actuelle du temple est restée celle d'autrefois, et on peut la justifier. C'est que Vesta est comme la terre : toutes deux ont en elles un feu perpétuel, terre et foyer indiquent eux-mêmes leur propre assise. La terre ressemble à une balle, elle ne repose sur aucun appui ; |
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sa masse si lourde est suspendue dans l'air qui la soutient : c'est son mouvement de rotation lui-même qui maintient le globe en équilibre ; il n'y a pas d'angle qui pourrait presser sur ses parties. Et comme elle est située au centre des choses sans toucher ni plus ni moins aucun côté, |
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si elle n'était pas ronde, elle serait plus proche d'une partie que d'une autre, et ne constituerait pas la masse centrale du monde. À Syracuse, des artisans ont représenté une sphère suspendue dans un espace clos, modèle réduit de l'immense univers : la terre y figure à égale distance du sommet et de la base, |
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ce que rend possible sa forme ronde. L'aspect du temple est semblable ; aucun angle n'en ressort, et sa coupole le défend contre les averses de pluie.
Tu demandes pourquoi les prêtresses de la déesse sont des vierges ? J'en découvrirai aussi les vraies raisons. |
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On raconte que Junon et Cérès sont nées d'Ops, et de la semence de Saturne ; Vesta naquit la troisième. Les deux premières se marièrent, et toutes deux, dit-on, devinrent mères ; des trois, une seule résista, ne supportant pas d'avoir un époux. Faut-il s'étonner si une vierge, heureuse d'avoir des vierges pour prêtresses, |
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ne laisse que des mains chastes s'occuper de son culte ? Quant à toi, comprends bien que Vesta n'est autre qu'une flamme vive, et qu'on ne voit aucun corps naître de la flamme. Dès lors, il est normal que celle qui n'émet et ne reçoit aucune semence soit vierge et aime avoir des vierges pour compagnes. |
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Longtemps j'ai stupidement pensé qu'il existait des statues de Vesta, mais j'ai vite appris que sous cet édifice rond, il n'y en avait aucune. L'intérieur du temple recèle un feu qui jamais ne s'éteint : ni Vesta ni le feu ne sont représentés en effigie. La terre se soutient par sa propre force, Vesta également ; |
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c'est de ce fait qu'elle tire son nom. En grec l'explication du nom peut être la même. Focus (le foyer) tire son nom des flammes et du fait qu'il chauffe (fouet) tout. Ajoutons qu'autrefois le foyer se trouvait à l'entrée de la maison ; c'est de là aussi, à mon avis, que vient le nom vestibule. D'où quand nous prions, nous invoquons d'abord Vesta qui occupe l'entrée. |
Vesta, maîtresse des foyers, liée à la fête des ânes et des meuniers (6,305-394)
Certains rituels en l'honneur de Vesta, "maîtresse des foyers", se déroulent autour du foyer : on lui offre des mets sur une patelle. C'est aussi la fête des boulangers, des meuniers et des ânes : on pare ceux-ci de colliers de pains et de couronnes ; on couvre les meules de guirlandes de fleurs. (6,305-318)L'allusion à une fête des ânes est le prétexte d'une anecdote légère, montrant Priape trahi par un âne qui se mit à braire au moment où il cherchait à abuser de Vesta endormie. C'est en reconnaissance pour ce geste salvateur de l'âne que lors des Vestalia on pare ces animaux et on laisse les meuniers se reposer. (6,319-348)
Enfin, pour rattacher à Vesta le culte de Jupiter Pistor, Ovide imagine une assemblée des dieux, où Mars attire l'attention sur la situation critique des Romains assiégés sur le Capitole par les Gaulois. Jupiter, acquis à la cause romaine, va suggérer une ruse aux Romains. Bien qu'accablés par la famine, ils doivent, avec le concours de Vesta, faire croire, en jetant du pain sur les assaillants, qu'ils ont des vivres en surabondance. Les Gaulois désespèrent alors de réduire la place par la famine. Une fois l'ennemi parti, les Romains élèvent un autel à Jupiter Pistor. (6,349-394)
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Autrefois c'était la coutume de s'asseoir devant le foyer sur de longs bancs, et l'on croyait que les dieux étaient présents à table. Maintenant encore, lorsque on célèbre le culte de l'antique Vacuna, on se tient debout ou assis devant le foyer de Vacuna. Quelque chose de l'ancien rituel est parvenu jusqu'à nos jours : |
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on présente sur une patelle pure les aliments offerts à Vesta. Voici le pain suspendu au cou des ânons couronnés et les guirlandes de fleurs recouvrant les meules rugueuses. Autrefois, dans les fours, les paysans ne faisaient que torréfier l'épeautre (du reste, la déesse Fornax a ses propres cérémonies) ; |
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on préparait le pain en le déposant sous la cendre du foyer même, après avoir étendu sur le sol chauffé une couche de tessons de tuiles. Voilà pourquoi le boulanger vénère le foyer, et la maîtresse des foyers et l'ânesse qui fait tourner les meules de pierre-ponce.
Vais-je omettre ou raconter, rubicond Priape, l'aventure |
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qui te déshonore ? C'est une historiette bien plaisante. Cybèle au front ceint d'une couronne crénelée invite pour célébrer sa fête les dieux éternels ; elle invite aussi les satyres et les nymphes, divinités rustiques : Silène est présent, bien que personne ne l'ait convié. |
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Il n'est pas permis de raconter le banquet des dieux, et ce serait trop long. La nuit, abondamment arrosée de vin pur, se passa à veiller. Certains errent à l'aventure dans les vallées sombres de l' Ida, d'autres s'étendent et reposent leurs membres dans l'herbe tendre, ceux-ci jouent, d'autres sont endormis, certains s'accrochent par les bras |
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et d'un pied alerte frappent trois fois le sol verdoyant. Vesta s'est couchée, goûtant en toute sécurité un repos paisible, sans façons, la tête posée sur un coussin de gazon. Mais le rougeaud gardien des jardins cherche à saisir nymphes et déesses ; il va et vient, traînant ses pas errants. |
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Il aperçoit aussi Vesta : a-t-il pensé qu'elle était une nymphe, ou savait-il qu'elle était Vesta ? Lui personnellement nie l'avoir su. Habité par un espoir inavouable, il tente de s'approcher furtivement et, le coeur battant, il s'avance sur la pointe des pieds. Le vieux Silène avait justement laissé l'âne qui l'avait transporté |
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au bord d'un ruisseau au doux murmure. Le dieu de lHellespont allait commencer à agir quand soudain l'âne se mit à braire intempestivement. Terrifiée par ces cris rauques, la déesse se lève d'un bond ; toute une foule accourt ; lui échappe aux mains qui le menacent. |
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La ville de Lampsaque a coutume d'immoler l'âne à Priape : "La fressure de l'âne dénonciateur, que nous t'offrons, convient aux flammes". Mais toi, Vesta, te souvenant de son rôle, tu le pares de colliers de pain, le travail s'arrête, les meules restent vides et se taisent.
Sur la citadelle du dieu Tonnant, s'élève l'autel de Jupiter Pistor, |
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dont le nom est plus fameux que la valeur ; je vais en dire la signification. Les Gaulois farouches pressaient et encerclaient le Capitole : un siège de longue durée déjà avait causé une famine. Jupiter convoqua les dieux célestes près du trône royal, et dit à Mars : "Commence !". Celui-ci répond aussitôt : |
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"Sans doute le déroulement de nos malheurs reste-t-il ignoré, et mon âme affligée se doit d'emprunter une voix plaintive ! Mais si tu exiges un bref rapport sur les malheurs qui nous déshonorent, Rome gît, abattue par un ennemi venu des Alpes. Est-ce cette cité à qui l'empire du monde avait été promis, |
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Ô Jupiter ? Ne devais-tu pas l'imposer à l'univers entier ? Tout récemment, Rome a brisé ses voisins et les armées étrusques ; l'espoir était en marche : maintenant, elle est chassée de chez elle. Dans des atriums ornés de bronze, nous avons vu succomber, drapés de leurs toges brodées, des vieillards jadis honorés du triomphe. |
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Nous avons vu transférer en lieu sûr les gages de Vesta de Troie. Sans doute, les gens croient-ils qu'il existe des dieux ! Mais s'ils regardaient la citadelle que vous occupez, où tant de vos maisons sont menacées par les assaillants, ils sauraient qu'il n'est point de recours à attendre des dieux |
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et que l'encens offert dans la main tendue est chose perdue. Ah ! Puisse un lieu se prêter au combat ! Ils prendraient les armes, et, s'ils ne peuvent l'emporter, ils tomberaient ! Maintenant, dépourvus de vivres, redoutant le sort des lâches, prisonniers sur leur colline, ils sont pressés par une troupe barbare." |
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Alors Vénus et Quirinus, magnifique avec son sceptre et sa trabée, ainsi que Vesta, parlèrent abondamment en faveur de leur cher Latium. Jupiter répondit : "Ces remparts nous préoccupent tous, la Gaule sera vaincue et rendra des comptes. Toi, Vesta, veille simplement à faire croire que les vivres manquants |
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sont surabondants, et ne quitte pas ta demeure. Que l'on écrase avec la meule creuse tous les grains de Cérès et que le feu du foyer durcisse la pâte que la main a travaillée. " Il avait donné ses ordres et la vierge saturnienne suivit les ordres de son frère Jupiter ; c'était le milieu de la nuit. |
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Déjà les chefs fatigués étaient endormis. Jupiter les interpelle et de sa bouche sacrée leur apprend ses volontés : "Levez-vous et du haut de la citadelle, jetez au milieu des ennemis le bien que vous souhaiteriez le moins leur envoyer !" Sortis du sommeil, intrigués par cette énigme nouvelle, ils se demandent |
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ce qu'ils ne voudraient pas livrer, tout en étant contraints de le faire. Alors ils pensèrent que c'était le blé : ils jettent les dons de Cérès, qui, en tombant, résonnent sur les casques et les longs boucliers. L'espoir de pouvoir vaincre par la faim meurt : une fois l'ennemi repoussé, les Romains élèvent un autel tout blanc à Jupiter Pistor. |
Autres coutumes, croyances ou événements liés à Vesta (6,395-468)
Un jour, lors des fêtes de Vesta, Ovide qui s'étonne de voir une matrone revenir pieds nus du temple de la déesse, apprend de la bouche d'une vieille femme que cette coutume rappelle l'époque où on pouvait difficilement circuler en chaussures dans la zone des Forums, qui n'avait pas encore été asséchée. (6,395-416)Ovide traite ensuite d'un aspect (apparemment plus connu) du culte de Vesta et qui concerne le Palladium dont l'histoire remonte à la fondation de Troie. Sorte de gage de souveraineté, cette statue miraculeuse de Pallas-Minerve resta à Troie jusqu'au jour où la déesse, écoeurée par le jugement de Pâris, se laissa enlever et emporter à Rome, où elle fut confiée à la garde de Vesta. Sauvée par l'intervention du grand pontife L. Cécilius Métellus lors d'un incendie du temple de Vesta, elle brille maintenant pour le bonheur de Rome, sous le règne de César-Auguste, sous la sauvegarde des Vestales, respectueuses de leur voeu de chasteté et fidèles à Vesta (=Tellus). (6,417-460)
Enfin, la date du 9 juin est aussi l'occasion de commémorer deux événements contrastés, le succès de Brutus sur les Gallaeci en Espagne et la défaite de Crassus sur l'Euphrate, désastre heureusement réparé par Auguste. (6,461-468)
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Je revenais un jour des fêtes de Vesta par l'endroit où la Rue Neuve relie aujourd'hui le Forum romain. Je vis descendre une matrone, pieds nus : étonné, je restai silencieux, et m'arrêtai. Une vieille du voisinage le remarque et, secouant la tête, |
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me dit, d'une voix tremblante, de m'asseoir : "L'endroit occupé maintenant par les Forums n'était qu'un humide marécage, l'eau des crues du fleuve remplissait la dépression du sol. Le fameux Lacus Curtius, qui supporte un autel bien au sec, est maintenant de la terre ferme ; autrefois, c'était un lac. |
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Là où les deux Vélabres voient passer les processions vers le Cirque, il n'y avait rien sauf des saules et des joncs creux : souvent un fêtard, rentrant des faubourgs à travers ces marais, chantait et lançait aux mariniers des paroles d'homme ivre. Le dieu (Vertumnus) ne portait pas encore le nom correspondant |
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à ses formes changeantes, nom qui lui vient d'avoir détourné le fleuve (auerso amne). C'était aussi un bois touffu, plein de joncs et de roseaux, un marais inaccessible pour des pieds chaussés. Les mares ont disparu et les rives du fleuve retiennent les eaux ; maintenant la terre est asséchée, mais la coutume cependant subsiste." |
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Elle m'avait fourni l'explication. "Porte-toi bien, vieille femme !", dis-je, "que tout le temps qui te reste à vivre te soit doux !".
Ce qui reste à dire, je l'ai appris il y a longtemps, durant mon enfance, ce n'est cependant pas une raison pour moi de le taire. Ilus le Dardanide venait de faire de nouvelles murailles |
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(le riche Ilus disposait alors des ressources de l'Asie). On croit qu'une statue de Minerve armée, descendue du ciel, était tombée sur les hauteurs de la ville d'Ilion. J'eus à coeur de voir : j'ai vu et le temple et son site ; c'est ce qui reste là-bas, la statue de Pallas est à Rome. |
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On consulte Sminthée, qui, dans l'obscurité d'un bois opaque, émet d'une bouche qui ne ment pas les paroles que voici : "Sauvez la déesse venue de l'éther, et vous sauverez la cité : elle transportera avec elle le siège de la souveraineté ". Elle est conservée par Ilus, qui la tient enfermée en haut de la citadelle ; |
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ensuite, le soin en revient à son héritier Laomédon. Sous Priam, la surveillance fut moindre : ainsi le voulait la déesse, après le jugement où elle perdit le concours de beauté. C'est soit le gendre d'Adraste, soit Ulysse expert en larcins, soit le pieux Énée, qui, selon la tradition, ont enlevé la statue. |
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Si l'auteur du rapt n'est pas certain, la statue elle est romaine : Vesta la protège, elle qui voit tout grâce à son feu perpétuel. Hélas, quelle ne fut pas la crainte des sénateurs, lors de l'incendie du temple de Vesta qui fut presque ensevelie sous son propre toit ! Les feux sacrés étaient la proie de feux criminels, |
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flamme profane et flamme sainte se mêlaient. Les prêtresses, cheveux épars, pleuraient, épouvantées : la crainte même leur avait enlevé leurs forces. Métellus se lance au milieu d'elles et d'une voix forte crie : "Faites quelque chose ! Cela ne sert à rien de pleurer. |
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Prenez avec vos mains de vierges les gages du destin : c'est avec vos mains, et non avec un voeu qu'il faut les enlever. Malheur à moi ! Vous hésitez ?", dit-il. Il les voyait hésitantes, effrayées, et prosternées, le genou en terre. Il puise de l'eau et levant les mains, dit : "Pardonnez-moi, objets sacrés : |
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homme, je vais pénétrer dans un lieu interdit à un homme. Si c'est un crime, que le châtiment de la faute rejaillisse sur moi ; puisse Rome être délivrée au prix de ma vie ! Sur ces mots, il s'élança : la déesse approuva le geste qui l'enleva, et grâce à l'intervention de son pontife, elle fut sauve. |
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Aujourd'hui, flammes sacrées, vous brillez heureusement, sous César ; maintenant, un feu vit et vivra dans le foyer d'Ilion ; et nulle prêtresse ne sera accusée d'avoir profané ses bandelettes sous ce règne, et nulle ne sera enterrée vive ; ainsi périt celle qui manque à la chasteté : on l'ensevelit |
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dans ce qu'elle a profané : Tellus et Vesta sont la même divinité.
À cette même date, Brutus vainqueur de l'ennemi callaïque mérita son surnom et teignit de sang la terre d'Espagne. Bien sûr parfois la tristesse se mêle aux événements joyeux et empêche le peuple de participer de tout coeur aux jours de fête : |
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Crassus, près de l'Euphrate, perdit ses aigles, son fils et ses hommes, et lui-même fut le dernier à être livré à la mort. 'Parthe, pourquoi exultes-tu ?', dit la déesse. 'Tu rendras les enseignes, et un vengeur se lèvera qui rachètera la mort de Crassus'. |
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Vesta (6,249). À Vesta et à ses fêtes, Ovide consacre le plus long développement du chant VI. Il commence par invoquer la déesse, comme il le fit par exemple pour Janus (1, 95-100), Vénus (4, 2-7), Palès (4, 723-725), Flora (5, 193-194), Junon (6, 14-20) ; mais contrairement à ces divinités, Vesta ne lui apparaît pas directement, tout en le renseignant mystérieusement. Très vieille divinité italique, Vesta, qui porte le nom officiel de Vesta publica populi Romani, est à Rome la déesse du feu, non pas du feu destructeur, mais du feu "bienveillant", celui qui brûle "sur les autels et les foyers". Il avait une grande valeur symbolique, Rome voyant en lui le gage de sa puissance. D'une manière générale, Vesta intervenait dans tous les sacrifices. Elle était fêtée le 9 juin (Vestalia). Du 7 au 15 juin, le sanctuaire de Vesta était accessible aux femmes exclusivement, qui, pieds nus, pouvaient y pénétrer. Le dernier jour, le temple était balayé rituellement, et la fin de l'opération est consignée dans le calendrier par les lettres Q.St.F.D. = Quando Stercus Delatum Fas ("Une fois les immondices enlevées, le jour est faste" ; cfr 6, 713-714).- Ses prêtresses étaient les Vestales, qui devaient exercer leur sacerdoce pendant trente ans (dix de formation, dix de fonction, dix d'enseignement) et respecter une chasteté absolue pendant toute la durée de leur service (6, 283). Les six Vestales en activité assuraient l'entretien du feu "éternel", la surveillance des objets sacrés entreposés dans le sanctuaire (comme le Palladium) ainsi que la garde de certains "ingrédients sacrés" comme la mola salsa dont la fabrication leur incombait. Elles étaient placées sous la dépendance directe du Grand Pontife qui jouait vis-à-vis d'elles le rôle du pater familias. Elles habitaient près du temple rond de Vesta dans une maison qu'on appelait l'Atrium Vestae (6, 263), c'est-à-dire "la Maison de Vesta". D'autres caractéristiques portant sur la divinité, ses prêtresses et son culte seront données au fil du texte.Terre (6,252). La déesse n'est pas visible aux regards d'Ovide (cfr 6, 253-254), mais "sa présence se manifeste par une illumination qui s'exerce sur le monde extérieur" (R. Schilling). En évoquant ce phénomène, Ovide suggère un lien entre Vesta et Tellus (Terra), qui sera explicité en 6, 267-276.
révélées (6,256). Révélation intérieure, due à l'intervention invisible de la déesse.
Parilia (6,257). Fêtes du 21 avril, en l'honneur de Palès, dont il est longuement question en 4, 721-805. Elles marquent la date anniversaire de la fondation de Rome et voient intervenir les Vestales (4, 731-746). Ovide veut donc dire que Rome existait depuis 40 ans lorsque "Vesta fut accueillie dans son temps".
roi pacifique... (6,259-260). Il s'agit de Numa (3, 151-154), le second roi de Rome, venu de la Sabine et considéré par la tradition comme le responsable de nombreuses institutions religieuses. La tradition (Tite-Live ; Denys d'Halicarnasse) lui attribue généralement la fondation du sanctuaire romain de Vesta et la création des Vestales, qui, toujours pour la tradition, existaient déjà à Albe, avant même que ne naisse Rome. En fait, c'était une très ancienne divinité italique ; et lorsque Ovide fait de Vesta une divinité "troyenne" (1, 528 ; 6, 227), cela ne correspond à aucune réalité historique mais à une "logique" légendaire.
de nos jours (6,261). La comparaison entre la simplicité primitive et la vie contemporaine est assez systématique dans la littérature augustéenne. En l'occurrence, on songera à la forme ronde de certaines huttes cabanes primitives.
Atrium de Vesta (6,263). C'était la maison des Vestales (leur "couvent"), à côté du sanctuaire rond et non loin de l'édifice appelé Regia (le mot latin pour "palais du roi"), qui, après la royauté, était devenu la résidence officielle (les "bureaux") du collège des pontifes.
le barbu (6,264). Les barbiers n'arrivèrent pas à Rome avant 300 a.C. (voir 2, 30).
forme actuelle (6,265). Le sanctuaire de Vesta au Forum romain était un édifice rond, ce qui contrastait avec la forme habituelle des temples romains qui sont quadrangulaires. Dans la ligne de Verrius Flaccus (Festus, p. 320 L), Ovide va essayer de la justifier en proposant une équivalence entre Vesta et la terre, qui relève de "la spéculation théologico-philosophique des Grecs" (H. Le Bonniec) et qui n'est pas facile à suivre. À certains endroits même, le texte est incertain et des éditeurs ont été jusqu'à suspecter l'authenticité de plusieurs vers. Nous n'entrerons pas dans ces questions délicates.
leur propre assise (6,268). Texte incertain et sens peu clair. Selon R. Schilling, qui cite J.B. Pighi, "l'assise de la terre est la terre elle-même, et l'assise de Vesta est le sanctuaire même de Vesta".
sphère (6,277-280). Lors de la conquête de Syracuse en 212 a.C., M. Claudius Marcellus découvrit le fameux planétarium d'Archimède qu'il plaça dans le temple de Virtus, à Rome près de la Porte Capène, ne conservant pour lui qu'une représentation en miniature, également d'Archimède (Cicéron, De republica, 1, 21).
prêtresses... vierges (6,283). Les Vestales, on l'a déjà dit, devaient respecter une chasteté absolue pendant toute la durée de leur service. Un "inceste" de leur part était considéré comme un prodige très grave : le complice était exécuté par les verges ; quant à la coupable, elle était ensevelie vivante avec une lampe et un peu de nourriture dans un caveau que l'on creusait hors du pomerium, au campus Sceleratus: on l'éliminait ainsi de ce monde sans porter la main sur sa personne sacrée (cfr Plutarque, Numa, 10, 9-13). Ovide va tenter d'expliquer les raisons de cette virginité.
Junon, Cérès... Ops... Saturne... (6,285-286). Ovide suit la généalogie d'Hésiode, Théogonie, 453-454 : "Rhéia (= Ops) subit la loi de Cronos (= Saturne), et lui donna de glorieux enfants, Hestia (= Vesta), Déméter (= Cérès), Héra (= Junon)..." On remarquera toutefois que l'ordre d'Ovide n'est pas celui d'Hésiode. Cfr aussi 6, 29 avec la note.
Longtemps (6,295). En 3, 45, Ovide évoquait la statue de Vesta se voilant les yeux pour ne pas voir Rhéa Silvia devenir mère. Le fait est que cette déesse, qui remonte aux origines mêmes de la cité, a longtemps échappé à l'anthropomorphisme. Il se peut toutefois qu'au Ier siècle a.C. une statue de Vesta ait été placée dans le vestibule de son temple, mais "à l'intérieur, seule une flamme symbolisait la déesse, conformément à l'aniconisme des origines [ ]. En tout état de cause, il existait une statue [ ] de Vesta dans le palais d'Auguste après le transfert du culte de la déesse dans la nouvelle demeure du Grand Pontide impérial : cfr 4, 949" (R. Schilling).
jamais ne s'éteint (6,297). Vesta constitue, "pour ainsi dire, le foyer de la cité" (quasi focum urbis, dira Cicéron, Les lois, II, 29). Elle est le "feu éternel", qui ne peut pas s'éteindre, n'est renouvelé qu'une fois l'an, au 1er mars, c'est-à-dire au début de l'année ancienne (Fastes, 3, 143-144). Une Vestale qui, par négligence, laissait s'éteindre le feu, était fouettée par le grand pontife. Le feu devait alors être rallumé selon un rite précis.
terre se soutient (6,299-300). Cfr plus haut 6, 269-271.
Vesta également (6,299-300). L'étymologie ici proposée (ui stando = "se tenir, se soutenir par sa propre force") est fantaisiste.
En grec (6,300). Le grec Hestia pourrait être rapproché du verbe grec histêmi, qui a le même sens que le latin stare. Mais ces questions étymologiques ne sont pas faciles à résoudre.
focus (6,301). Autres étymologies. Si le rapprochement de focus (foyer) et fouere (réchauffer) est acceptable, celui avec flamma (flamme) ne l'est pas.
vestibule (6,303). Autre étymologie fantaisiste, dont Ovide n'est pas nécessairement l'inventeur. En tout cas, si le mot "vestibule" (vestibulum en latin) n'a pas d'étymologie claire, Vesta n'a absolument rien à y voir.
nous invoquons d'abord Vesta (6,304). On ne prendra pas l'information au pied de la lettre. Elle pourrait s'expliquer par le lien étymologique fictif établi par l'érudition grammaticale entre les mots Vesta et vestibulum. Peut-être est également intervenue une formule proverbiale grecque, où "commencer par Hestia (l'équivalent grec de Vesta)" voulait dire "commencer par le commencement". L'usage romain était exactement l'inverse : dans les prières par exemple, Vesta venait à la fin.
la coutume de s'asseoir (6,305). Dans les temps anciens, on s'asseyait à table pour manger. Cfr Virgile, Énéide, 7, 176, avec le commentaire de Servius : "nos ancêtres mangeaient assis". Plus tard, les Romains mangeront couchés sur les lits de table.
Vacuna (6,307-308). Très vieille divinité d'origine sabine, semble-t-il, dont le signalement, déjà peu clair pour les anciens, ne l'est pas davantage pour les modernes. On ne sait pas pourquoi Ovide la fait ici intervenir. Aurait-elle quelque chose à voir avec Vesta? Ou n'est-elle là que comme un exemple d'une très ancienne divinité?
l'ancien rituel (6,309). Ovide l'a dit en 6, 306 : les dieux étaient censés participer au repas avec les hommes.
patelle pure (6,310). La patelle était une petite coupe, un petit bol, où étaient placés les aliments solides offerts aux dieux. Les offrandes liquides (vin, lait, etc.) étaient placés dans des patères.
Voici le pain (6,311). Ovide va maintenant passer à un autre développement. C'est qu'à la fête de Vesta "maîtresse des foyers" (6, 317) étaient associés ceux qui travaillaient à la fabrication du pain, produit dans chaque maison avant que n'apparaissent les premiers boulangers (pistores en latin), vers 274 a.C. d'après Pline, Histoire Naturelle, 18, 107. Il n'est donc pas surprenant que soient à la fête ce jour-là les boulangers, les meuniers et les ânes qui faisaient tourner les meules. En fait, le pain a lui-même remplacé "le plus ancien mets, puls, la purée de farine" (Varron, De la langue latine, 5, 105).
l'épeautre (6,313). Il a été question de cette céréale primitive à de nombreuses reprises (par ex. 1, 338 ; 1, 672 ; 2, 519 ; 3, 284 ; 4, 409-410). Sur sa torréfaction, les Fornacalia et la déesse Fornax, cfr 2, 519-532.
maîtresse des foyers (6,317). Il s'agit bien sûr de Vesta !
Priape (6,319). Le fait que les ânes soient à la fête (6, 311 ; 6, 347-348) amène Ovide à songer, "par une sorte d'association d'idées antithétiques, à l'âne sacrifié à Priape, un moyen pour lui d'insérer, sous couleur d'étiologie, une histoire grivoise (6, 319-346), qui fait pendant à l'épisode parallèle de 1, 391-440" (R. Schilling), où c'est la nymphe Lotis et non Vesta, qui est poursuivie par Priape. Manifestement Ovide prêtait assez librement des aventures à divers héros de la mythologie, suivant sa fantaisie ou les besoins de sa démonstration !
Cybèle... (6,321). Sur Cybèle, voir 4, 179-372 et les notes. Pour la couronne crénelée, voir en particulier 4, 219.
Silène (6,324). Sur Silène à la fête de Bacchus, voir l'épisode de 1, 391-440 ; sur Silène et le miel, voir 3, 745-760.
Ida (6,327). Il s'agit ici de l'Ida de Phrygie (4, 182) et non de la montagne de Crète (4, 207).
dieu de l'Hellespont (6,341). Priape était censé provenir de Lampsaque (6,345), sur l'Hellespont.
Lampsaque (6,345). La ville de l'Hellespont (6, 341) d'où était censé provenir Priape. On l'honorait en lui sacrifiant un âne (voir 1, 399-440).
fressure (6,346). Ce sont les exta (coeur, foie, poumons, vésicule biliaire, bref les organes réputés siège de la vie) dont il a souvent été question dans les Fastes (par ex. 1, 51 ; 2, 373 ; 2, 712 ; 4, 638). Il faut savoir en effet que le rituel romain du sacrifice distingue les exta, ou "fressure", des uiscera, ou "chairs" (au sens technique du terme, ce qui se trouve entre la peau et les os). Les exta ainsi que le sang forment la part consacrée, réservée aux dieux ; l'officiant et les assistants ont droit à la consommation des chairs ; c'est la part profane. La fressure était normalement cuite dans une marmite rituelle.
colliers de pain (6,347). Cfr 6, 311-312, pour la décoration des ânes et des meules.
la citadelle du dieu Tonnant (6,349). C'est le Capitole, souvent appelé Arx Tonantis, depuis la construction du temple de Jupiter Tonnant, voué par Auguste en 26 a.C. et consacré par lui en 21 a.C. Sur Jupiter Tonnant, cfr aussi 2, 69 ; 6, 33.
autel de Jupiter Pistor (6,349-350). Jusqu'au vers 394, le récit va concerner l'érection d'un autel à Jupiter Pistor, c'est-à-dire le "Broyeur" (au sens propre le meunier, mais aussi par extension le boulanger, le pâtissier). Cet autel devait s'élever sur le Capitole, mais nous n'avons pas d'autres renseignements sur lui. Il ne devait pas être très grand ni très luxueux (cfr 6, 350), mais son histoire en tout cas va fournir à Ovide le prétexte d'un long récit étiologique.
Gaulois (6,351). Le siège du Capitole par les Gaulois en 390 a.C. est un épisode célèbre de l'histoire romaine. Les ennemis étaient maîtres de toute la ville, sauf de la citadelle. Cfr l'évocation de Manlius Capitolinus, en 6, 185-188. Une bonne partie du livre V de Tite-Live (5, 39-49) est consacrée à l'affaire gauloise.
Mars (6,354). Mars est donc invité par Jupiter à exposer devant l'assemblée des dieux la situation critique de ses descendants, les Romains. L'assemblée des dieux est un topos depuis Homère.
l'empire du monde (6,359-360). Ce passage fait écho à Virgile, Énéide, 1, 278-279, où Jupiter avait promis aux Romains "un empire sans fin".
Tout récemment (6,361). Peu avant l'invasion gauloise, (en 396 av. J.-C.), les Romains avaient défait les Falisques et les Capénates et s'étaient emparés de la cité étrusque de Véies (voir Tite-Live, 5, 19). Leurs opérations militaires dans leur voisinage proche étaient donc en bonne voie.
ornés de bronze (6,363). Les statues des ancêtres prestigieux ornaient l'atrium des maisons.
des vieillards (6,364). Pour cet épisode célèbre relatant la détermination des vieillards à se laisser massacrer, dans leurs demeures, revêtus de leurs insignes honorifiques, voir Tite-Live, 5, 39-41.
gages de la Vesta troyenne (6,365). Devant la menace gauloise, les Vestales avaient mis en lieu sûr (notamment à Caeré, actuelle Cerveteri) un certain nombre d'objets sacrés qui se trouvaient confiés à leur garde dans le temple de la déesse. Ovide les désigne par le terme latin de pignora, qui peut se traduire par "gages de souveraineté, talismans d'empire" : la survie de Rome était en quelque sorte liée à leur conservation. (Sur cet épisode, on verra par exemple Tite-Live, 5, 40, 8-9 et Valère-Maxime, 1, 1, 10). Dans la pensée d'Ovide en tout cas, ces pignora de Vesta devaient être les Pénates, amenés de Troie par Énée (Virgile, Énéide, 2, 293-295) et le Palladium, dont il traitera plus longuement en 6, 421. Vesta est qualifiée ici encore de "troyenne" (voir 6, 228).
Vénus (6,375). Vénus, en tant que mère des Romains, via Énée, fait immédiatement écho au voeu de Mars, le père des Romains, via Romulus.
Quirinus (6,375). Quirinus n'est autre que Romulus divinisé (voir 2, 499-509), présenté ici revêtu de la trabée (voir 1, 37).
Vesta (6,376-379). On peut s'interroger sur la raison de ce lien particulier affirmé entre Vesta et le Latium. Selon R. Schilling, "Vesta est habilitée à prendre la parole après les trois divinités précédentes, aussi bien comme nourricière d'une population menacée de famine que comme associée au 'parrainage' de la fondation de Rome (cfr 4, 828)" (R. Schilling).
Cérès (6,381). La déesse, dont il a été abondamment question à propos des Cerealia (4, 373-620). Parfois, notamment ici, le terme Cérès est synonyme de blé, comme Bacchus désigne métaphoriquement le vin.
vierge saturnienne (6,383). Il s'agit de Vesta, fille de Saturne, et dès lors soeur de Jupiter (voir 6, 286).
l'ennemi repoussé (6,393). En fait, les Gaulois, eux aussi atteints par la famine, acceptèrent de se retirer moyennant une rançon (Tite-Live, 5, 48).
Rue Neuve (6,396). C'est une des plus anciennes rues de Rome, qui s'étendait parallèlement à la Via Sacra (la Voie Sacrée), plus ancienne encore que la Rue Neuve.
pieds nus (6,397). "Cette prescription qu'Ovide est seul à transmettre fait partie de toutes celles qui incombaient aux femmes pendant les dies religiosi qui entourent les Vestalia ('Pendant trois jours, les femmes n'avaient le droit ni de se tailler les cheveux ni de se couper les ongles': Lydus, Sur les mois, 4, 89). Elles seules, comme la matrone rencontrée par Ovide, pouvaient pénétrer dans l'aedes Vestae durant ce temps (Festus, p. 296 L). Ajoutons qu'être pieds nus était une tenue commode pour le nettoyage du sanctuaire, au dernier jour, 15 juin (Fastes, 6, 713)" (R. Schilling).
les forums (6,401). Le Forum Romanum, le Forum Boarium (marché aux boeufs) et le Forum Holitorium (marché aux légumes). Avant que n'aient été entrepris de grands travaux d'assainissement à la période étrusque, cette zone assez basse était régulièrement inondée et marécageuse.
Lacus Curtius (6,403). On désigne sous ce nom une petite zone du Forum romain (quelque 10 m sur 9) qui, à l'époque d'Ovide, était isolée par une balustrade mais dallée comme le reste de la place. Encore aujourd'hui, elle porte la trace en son milieu d'un puits ou d'un grand autel rond. Il s'agissait en réalité à l'origine d'une dépression où se réunissaient les eaux des collines voisines avant de gagner le Tibre. C'était donc en principe l'endroit le plus difficile à assécher de tout le Forum et c'en fut aussi vraisemblablement aussi le dernier marécage. D'où le nom de Lacus ("lac") qu'il a continué à porter bien longtemps après avoir été asséché et dallé. Quant au nom de Curtius, la tradition a tenté de l'expliquer de différentes manières. Varron (De la langue latine, 5, 148-150) les passe en revue ; on lira chez Tite-Live (1, 12, 8-10, et 13, 5) l'étiologie qui fait de Curtius un combattant sabin venu venger l'enlèvement des Sabines aux origines de Rome.
les deux Vélabres (6,405). Le Vélabre était un quartier de Rome, entre le Capitole et le Palatin, marécageux lui aussi à l'origine et également asséché lors de la construction des égouts à la fin de la période royale. On distinguait parfois le "petit" et le "grand" Vélabre, d'où la formule d'Ovide. On verra le passage où Properce (4, 9, 4-6) raconte l'arrivée d'Hercule à Rome, avec son troupeau : "Il arrêta ses boeufs fatigués, fatigué lui-même, aux Vélabres : le fleuve y formait marais et de la ville on y venait par eau, sur des barques à voiles" (trad. D. Paganelli).
vers le Cirque (6,405). Les jeux du cirque étaient introduits par une procession de chars sacrés qui traversait la ville et passait notamment par le Vélabre.
Vertumnus (6,409-410). Vertumnus (orthographié parfois Vortumnus) est un dieu que les Romains considéraient d'origine étrusque, mais qui pourrait en réalité être latin. Lié au verbe vertere (= "tourner, changer"), il patronnerait "la transformation, la puissance de mutation cyclique qui fait les saisons" (G. Dumézil, La Religion romaine archaïque, 1974, p. 345). Une légende raconte (Ovide, Métamorphoses, 14, 609-697) que pour séduire la nymphe Pomone, il se serait métamorphosé successivement en laboureur, moissonneur, vigneron ; finalement il se serait uni à elle sous la forme d'un jeune homme dans la fleur de sa beauté. Bref un dieu présidant aux changements (de saisons à l'origine, plus largement de formes). Quoi qu'il en soit, il semble mis en rapport ici avec les changements de cours du Tibre, qui permirent plus tard d'éviter les inondations. Une statue du dieu se trouvait au Vicus Tuscus, dans les environs du Vélabre. Une élégie entière de Properce (4, 2) lui est consacrée : il est vraisemblable qu'Ovide s'en inspire ici. On aura noté que le poète ne nomme pas le dieu : il le désigne par une étymologie (ab auerso amne) et par l'évocation de ses métamorphoses.
la coutume (6,414). La coutume de marcher pieds nus, dont il a été question au départ, en 6, 397. L'étiologie d'Ovide renvoie donc à l'état ancien des lieux, marécageux ou régulièrement inondés.
Ilus le Dardanide (6,419). Ilus, arrière petit-fils de Dardanus, passe pour le fondateur de Ilion ou Troie.Voir le détail de la lignée troyenne chez Homère, Iliade, 20, 215-240. Dans les Fastes, 4, 31-40, il est également question de cette ligne, mais Ilus n'y figure pas. La légende raconte qu'il s'était rendu en Phrygie pour participer à des jeux organisés par le roi du pays. Vainqueur, il avait reçu le premier prix (50 jeunes garçons et 50 jeunes filles), ce à quoi le roi, suivant le conseil d'un oracle, ajouta une vache, en "déclarant qu'Ilos devra fonder une ville là où l'animal se couchera. Ilos suit donc la vache. Quand elle arrive sur la colline appelée 'mont de Phrygie', elle s'étend par terre. Ilos bâtit une cité en cet endroit, qu'il appelle Ilion. [ ] Puis il prie Zeus de lui envoyer un signe. Le jour suivant, Ilus vit, devant sa baraque, le Palladion tombé du ciel" (J.-Cl. Belfiore, DMGR, 2003, p. 345).
statue de Minerve armée (6,421). Il s'agit du Palladium, statue de Pallas Athéna (= Minerve à Rome), sorte de talisman qui garantissait la souveraineté à l'endroit où elle serait conservée. L'histoire de ce Palladium est très compliquée. La statue fut conservée pieusement dans les murs de Troie et on en produisit des copies. Lors du siège de la ville, le Palladium (l'original ou sa copie) fut dérobé par des Grecs (généralement Ulysse et Diomède, ou Ulysse seul). La statue about à Rome. Une version, transmise par Cassius Hémina, chez Solin, 2, 14, rapporte que Diomède l'aurait restituée à Énée (dont le nom sera cité en 6, 434, dans une autre perspective). Quoi qu'il en soit, le Palladium était conservé à Rome dans le temple de Vesta, sous la garde des Vestales. C'était pour Rome un des "talismans d'empire" (pignora imperii).
j'ai vu (6,423). Il faut donc comprendre qu'Ovide a visité Troie.
Sminthée (6,425). Surnom donné à Apollon, le dieu devin, qui aurait débarrassé la ville de Sminthe en Troade d'une invasion de rats.
Laomédon (6,430). Fils et successeur d'Ilus, et père de Priam (Homère, Iliade, 20, 236-237).
jugement (6,432). Pallas-Minerve, vexée de n'avoir pas été choisie par Pâris (6, 44), voulait punir Troie.
gendre d'Adraste (6,433). Diomède, gendre du roi d'Argos Adraste. Voir Virgile, Énéide, 2, 164 et 8, 9-17.
pieux Énée (6,434). Virgile ne dit rien du rôle d'Énée en la matière. Denys d'Halicarnasse par contre (2, 66, 5) rapporte que le héros aurait emporté de Troie en Italie le Palladion véritable, dont les Grecs n'auraient volé qu'une copie.
incendie (6,437-438). En 241 a.C., un incendie dévasta le temple de Vesta.
Metellus (6,443). L. Caecilius Metellus, le Grand Pontife de l'époque, se jeta au milieu des flammes et sauva les "objets sacrés", dont le Palladium, gardés dans la partie la plus secrète du sanctuaire, qui, si l'on en croit ce passage d'Ovide (6, 450-451), était interdite au Grand Pontife lui-même. Certaines versions racontent qu'il fut pour cela frappé de cécité, mais cela pourrait être une légende. Ovide, en tout cas, ne fait pas mention d'une quelconque punition, bien au contraire (6, 453).
le foyer d'Ilion (6,456). Nouvelle affirmation du caractère troyen de Vesta.
profané ses bandelettes (6,457-458). Allusion à l'inceste des Vestales et à la punition des coupables, enterrées vives (cfr note à 6, 283). Des événements de ce genre sont impossibles sous le règne d'Auguste.
la même divinité (6,640). Cfr 6, 267.
Brutus (6,461). Le 9 juin est aussi la date anniversaire de la victoire remportée par le proconsul Iunius Brutus sur les Gallaeci (Callaci) du nord-est de l'Espagne, vers 133 a.C.
Crassus... (6,465).L'histoire est évoquée en 5, 579-588 et expliquée dans les notes. Le vengeur de 6, 468 est évidemment Auguste.
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