Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Chant II (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
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Les Terminalia (2,639-684)
Le 23 février est célébrée une fête très ancienne en l'honneur du dieu Terminus, selon un rituel minutieusement décrit par Ovide. Des propriétaires ruraux et des assistants d'âge divers offrent à une borne représentant le dieu Terminus des libations, des parfums et des offrandes végétales et même animales. C'est une fête joyeuse en l'honneur de ce dieu garant de paix et de concorde entre les voisins. (2,639-666)C'est l'occasion de rappeler un épisode lié à la construction du temple de Jupiter Capitolin : le dieu Terminus n'a pas voulu changer de place ; il est le gage de la stabilité de Rome. (2,667-678).
Enfin Ovide évoque une offrande à Terminus en rapport avec l'empire universel de Rome. (2,679-684)
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Lorsqu'une nuit aura passé, que l'on rende les honneurs habituels |
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au dieu qui par sa marque délimite les champs. Terminus, que tu sois une pierre ou une souche enfoncée dans le sol, toi aussi, tu détiens ton pouvoir divin depuis les temps anciens. Deux propriétaires, venant de directions opposées, te couronnent, |
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On dresse un autel : la paysanne, au creux d'un petit tesson, apporte du feu recueilli dans les cendres tièdes de son foyer. Un vieillard coupe du bois qu'il entasse avec habileté, et se donne du mal pour ficher des branches dans le sol ferme ; alors, à l'aide d'une écorce sèche, il suscite les premières flammes ; |
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un enfant debout tient dans ses mains une large corbeille. Ensuite, lorsqu'il a jeté par trois fois des grains dans le feu, une petite fille tend des tranches de gâteaux de miel. D'autres apportent du vin : chacun en répand une libation sur les flammes. La foule vêtue de blanc regarde et reste silencieuse. |
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La borne commune est aspergée du sang d'un agneau immolé, et Terminus ne se plaint pas lorsqu'on lui offre une truie encore à la mamelle. Les voisins se réunissent, célèbrent simplement un repas, et ils chantent tes louanges, vénérable dieu Terminus : "Oui, tu délimites peuples et villes et immenses royaumes ; |
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sans toi, tous les champs seraient objet de litige. Tu ne connais pas l'intrigue ; l'or ne te corrompt jamais, tu protèges avec une fidélité légale les campagnes qui te sont confiées. Si jadis tu avais marqué de ton signe la terre de Thyrée, trois cents hommes n'auraient pas été envoyés à la mort, |
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et on n'aurait pas lu le nom d'Othryadès sur les armes amoncelées. Oh ! Que de sang cet homme n'a-t-il pas donné à sa patrie !
Que se passa-t-il lorsque surgit le nouveau Capitole ? Assurément, la foule des dieux céda devant Jupiter et lui abandonna le lieu ; selon les dires des anciens, Terminus, découvert dans le sanctuaire, résista |
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et occupa le temple avec le grand Jupiter. De nos jours encore, pour qu'il ne voie au-dessus de lui rien que les astres, le toit du temple comporte une petite ouverture. Terminus, depuis lors, tu n'es pas libre de te mouvoir : tu dois rester à l'endroit où tu as été placé. |
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De même, ne cède rien si un voisin te sollicite, pour ne pas paraître avoir préféré un humain à Jupiter. Et lorsque te heurteront des socs ou des hoyaux, crie : 'Ce champ-ci est à toi ; celui-là est le tien !' "
Il est une route qui mène les gens aux champs des Laurentes, |
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le royaume recherché autrefois par le chef Dardanien. Là, la sixième borne à compter de la Ville voit s'accomplir un rituel où, Terminus, on te sacrifie le foie d'un agneau laineux. Les autres nations ont un territoire aux frontières bien définies ; la Ville de Rome et l'univers ont la même étendue. |
Regifugium I : Prise de Gabies - Brutus et l'oracle (2,685-720)
Le 24 février, jour du Regifugium, fournit à Ovide l'occasion de raconter la fin de la royauté à Rome et la chute des Tarquins. Tout a commencé à Gabies : le fils de Tarquin le Superbe, le jeune Sextus Tarquin, gagne la confiance des habitants de Gabies, ennemis des Romains, en feignant d'avoir été maltraité par son père. Le fourbe leur laisse croire qu'il les dirigera dans une guerre contre Rome, mais il reste secrètement en rapport avec son père qui lui fait habilement comprendre qu'il doit massacrer les notables de Gabies et s'emparer ainsi de la ville. Ce qu'il fait aussitôt. (2,685-710)Ensuite, l'apparition d'un serpent lors d'un sacrifice pousse deux autres fils de Tarquin et leur cousin Brutus à consulter l'oracle d'Apollon-Phébus. Le dieu ayant fait répondre que le pouvoir suprême appartiendrait à celui qui baiserait le premier sa mère, Brutus, moins simple d'esprit qu'il ne le laissait paraître, baisa aussitôt sa mère, la Terre, devançant ainsi ses cousins moins perspicaces. (2,711-720)
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Maintenant, je dois parler de la fuite du roi. C'est de cela que tire son nom le sixième jour avant la fin du mois. Tarquin était le dernier détenteur du royaume de la nation romaine ; homme injuste, il était pourtant un guerrier courageux. Il avait conquis des villes, en avait détruit d'autres |
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et s'était approprié Gabies par un artifice honteux. En effet, le plus jeune de ses trois fils, vrai rejeton du Superbe, s'avança, durant le silence de la nuit, parmi les ennemis. Ceux-ci avaient dégainé leurs glaives : "Tuez un homme désarmé", dit-il ; ce serait bien ce que souhaitent mes frères et Tarquin, mon père, |
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qui m'a cruellement déchiré le dos à coups de fouet". Pour pouvoir dire cela, il s'était laissé fouetter. La lune était claire : les Gabiens voient le jeune homme, rengainent leurs épées et aperçoivent son dos meurtri de coups, sous le vêtement ôté. En pleurant, ils l'engagent à se défendre avec eux dans une guerre. |
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Lui, le rusé, donne son accord à ces hommes inconscients. Et bientôt maître de la situation, il envoie un ami à son père pour demander qu'il lui indique le moyen de perdre Gabies. Il y avait à leurs pieds un jardin magnifique, aux plantes odorantes, coupé par un ruisseau qui murmurait doucement. |
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C'est là que Tarquin reçoit l'appel secret de son fils ; à l'aide d'une baguette, il fauche le sommet des lis. Dès que le messager revient et lui parle des lis décapités, le fils dit : "Je comprends les ordres de mon père." Alors, sans attendre, on massacre les notables de la ville de Gabies |
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et les remparts, privés de leurs chefs, sont livrés.
Voici que, vision sacrilège, du milieu des autels surgit un serpent qui dérobe du foyer éteint la fressure sacrificielle. On consulte Phébus. L'oracle dit ainsi : "Celui qui, le premier, aura donné un baiser à sa mère sera le vainqueur". |
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Chacun s'empressa d'aller embrasser sa mère ; la foule est crédule, qui n'a pas compris le dieu. Brutus, sagement, contrefaisait l'idiot, pour se protéger de tes pièges, cruel Superbe. Étendu sur le sol, il baisa sa mère la Terre, |
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passant pour avoir trébuché et être tombé. |
Regifugium II : Un pari risqué (2,721-760)
Durant l'interminable siège d'Ardée, Sextus Tarquin et ses compagnons trompent leur ennui en vantant leurs femmes respectives et en pariant sur leur vertu. Un peu émêchés, ils décident d'enfourcher leurs montures pour aller contrôler sur place laquelle de leurs épouses méritait la palme. (2,721-736)Au palais royal, ils trouvent les brus du roi en pleine orgie, tandis qu'ensuite, à Collatie, ils découvrent la sage Lucrèce, épouse de Tarquin Collatin, un cousin des princes royaux, veillant tard dans la nuit, encourageant ses servantes à s'activer sur leur travail et exprimant son impatience à voir revenir son héroïque époux. Incontestablement, Lucrèce l'emporte. (2,737-760)
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Entre-temps, les enseignes romaines encerclent Ardée et l'on endure les longues attentes d'un siège. Pendant ces moments creux, l'ennemi craignant d'engager le combat, on joue dans le camp ; la troupe occupe ses loisirs. |
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Le jeune Tarquin au cours d'un repas arrosé de vin reçoit ses amis ; le fils du roi, au milieu d'eux, prend la parole : "Ardée nous occupe et nous retient dans cette guerre sans fin, sans qu'il nous soit possible de reporter nos armes aux dieux de nos pères ; pendant ce temps, notre couche conjugale reste-t-elle dans le devoir ? |
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Et nos épouses ont-elles aussi souci de nous ?" Et chacun de vanter sa femme : avec la passion, la rivalité grandit, les vins coulent à flots, échauffant les coeurs et les langues. Celui qui tenait son nom illustre de Collatie se lève : "Foin de paroles, mais des faits !", dit-il. |
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"La nuit n'est pas finie : prenons nos chevaux et gagnons la ville !" Ces paroles sont bienvenues, on harnache les chevaux.
Bientôt les maîtres arrivent à destination. Immédiatement, ils gagnent le palais royal : les portes n'en étaient pas gardées. Ils trouvent les brus du roi, tard éveillées devant des coupes de vin, |
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tandis que leurs couronnes de fleurs tombaient de leurs cous. Puis, aussitôt, ils se rendent chez Lucrèce. Devant son lit, des corbeilles de laine moelleuse ; à la faible lueur d'une lampe, les servantes filaient leur part imposée, et Lucrèce, parmi elles, parlait ainsi, de sa voix douce : |
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"Allons, mes filles, allons, pressons ! Maintenant, nous devons envoyer au plus tôt au maître ce manteau fait de notre main. Mais avez-vous appris quelque nouvelle ? Vous pouvez savoir mille choses : combien de temps dit-on que durera la guerre ? Un jour tu tomberas, tu seras vaincue : tu résistes à plus fort que toi, |
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impudente Ardée, qui obliges nos époux à rester loin de nous ! Ah ! Puissent-ils être de retour ! Mais c'est qu'il est téméraire, mon mari, et il fonce n'importe où, brandissant l'épée. Mon esprit défaille et je meurs, chaque fois que surgit en moi son image de combattant, et un froid glacial gagne mon coeur". |
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Elle termina en pleurant et laissa les fils qu'elle avait tendus et tint son visage incliné sur sa poitrine. Cette pose même l'avantageait : les larmes rehaussaient sa pudeur, ses traits étaient dignes et reflétaient son âme. "Oublie ta peur, viens !", dit son époux. Elle se remit à vivre |
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et se suspendit, délicieux fardeau, au cou du héros. |
Regifugium III : Passion de Sextus et viol de Lucrèce (2,761-812)
La vision de cette femme si vertueuse éveille en Sextus Tarquin une passion irrépressible. Résolu à arriver à ses fins, il se présente un soir à Collatie, où Lucrèce l'accueille en toute confiance. (2,761-790)Dans le calme de la nuit, il gagne la chambre de Lucrèce, la supplie, la menace et finalement vient à bout de sa résistance en menaçant de la faire accuser d'adultère avec un esclave. (2,791-812)
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Pendant ce temps, le jeune fils du roi ressent une folle passion ; il est comme fou, en proie à un désir aveugle. Il s'éprend de la beauté de Lucrèce, de son teint de neige, de ses blonds cheveux, et de son élégance sans artifice ; |
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il aime ses paroles et sa voix, et sa fermeté inébranlable ; et moins grand est son espoir, plus grand est son désir. Déjà le coq, premier messager de la lumière, avait chanté quand les jeunes gens rentrent au camp. L'image de l'absente hante les sens du prince. |
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Pensant à elle, il la trouve de plus en plus aimable : 'c'est ainsi qu'elle était assise et vêtue ; elle filait ainsi sa quenouille, ses cheveux rejetés reposaient ainsi sur sa nuque ; c'était sa physionomie ; voilà ce qu'elle a dit ; quel teint ! quelle allure ! quel visage magnifique ! |
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D'habitude les flots retombent après une forte tempête, mais les eaux restent gonflées sous l'effet du vent apaisé ; ainsi, même si la beauté aimée était absente, l'amour né de cette présence perdurait. Il brûle, agité par les aiguillons d'une passion illicite. |
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"L'issue est incertaine : tentons le tout pour le tout", dit-il. Il est prêt à violenter et à intimider une épouse qui ne méritait pas ce sort. "On verra ! La chance et les dieux favorisent les audacieux. C'est l'audace aussi qui nous a fait prendre Gabies". Cela dit, il ceignit son épée et sauta sur son cheval. |
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Le jeune homme arrive à la porte de bronze de Collatie, à l'heure où le soleil déjà se préparait à se voiler la face. Pris pour un hôte, l'ennemi pénètre dans la demeure de Collatin ; on l'accueille amicalement : il leur était lié par le sang. Que d'erreurs font les esprits humains ! Inconsciente de la situation, |
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la malheureuse Lucrèce fait préparer un repas pour son ennemi.
Le repas était terminé, l'heure invitait au sommeil, il faisait nuit et dans toute la maison il n'y avait aucune lumière. Sextus se lève, tire son épée de son fourreau doré et se dirige vers ta chambre, épouse pleine de pudeur. |
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Dès qu'il atteignit le lit, le fils du roi dit : "Lucrèce, c'est moi, Tarquin, je suis armé". Elle reste sans réaction ; en effet, elle n'a plus ni voix ni force pour parler, ni pensée aucune en sa tête ; mais elle tremble, comme une agnelle qu'un loup cruel |
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a surprise et terrassée hors de la bergerie. Que faire ? Combattre ? Une femme qui se bat est vaincue d'avance. Crier ? Mais en main il avait une épée qui l'empêcherait de crier. S'échapper ? Des mains posées sur sa poitrine la pressent, sa poitrine, que touchait alors pour la première fois une main étrangère. |
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L'amant ennemi l'accable de prières, de promesses, de menaces. Ni ses prières, ni ses promesses ni ses menaces ne l'ébranlent. "Tu ne peux rien faire", dit-il, "je t'enlèverai la vie, en t'incriminant ; adultère, je me dirai le faux témoin d'un adultère : je tuerai un serviteur avec qui on dira que tu as été surprise". |
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La jeune femme succomba, vaincue par la crainte du déshonneur. Vainqueur, pourquoi te réjouis-tu ? Cette victoire te perdra. Hélas quel prix une seule nuit a coûté à ton trône ! |
Regifugium IV : Suicide de Lucrèce et fin de la Royauté (2, 813-852)
Lucrèce désemparée convoque aussitôt son père et son mari pour leur raconter ce qui s'est passé. Malgré l'indulgente compréhension de ses proches, elle refuse de survivre à son déshonneur et se donne la mort sous leurs yeux. (2,813-836)Stimulés par Brutus, les proches de Lucrèce jurent sur son cadavre de la venger et provoquent la fuite de Tarquin et de ses fils, mettant ainsi fin à la Royauté. (2,837-852)
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Déjà le jour s'était levé : Lucrèce est assise, cheveux défaits, telle une mère qui se prépare à rejoindre le bûcher de son enfant. |
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Elle fait revenir du camp son vieux père et son fidèle époux : tous deux arrivent, toute affaire cessante. Dès qu'ils voient sa tenue, ils s'enquièrent : pourquoi ce deuil, pour qui prépare-t-on des funérailles, et quel malheur a frappé ? Longtemps silencieuse, elle cache pudiquement son visage dans son vêtement : |
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ses larmes coulent intarissables, comme jaillissant d'une source. D'un côté, son père, de l'autre, son mari la consolent et sèchent ses larmes ; en pleurs, en proie à une crainte imprécise, ils la pressent de parler. Trois fois elle tenta d'ouvrir la bouche, trois fois elle renonça, puis une quatrième fois osa se lancer, mais sans lever les yeux. |
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"Devrai-je aussi à Tarquin cette humiliation ? Vais-je parler ?", dit-elle, vais-je parler moi-même de mon déshonneur, malheureuse que je suis ?" Elle raconte ce qu'elle peut ; restaient les moments ultimes ; la jeune matrone fondit en larmes et ses joues s'empourprèrent. Le père et le mari pardonnent le fait, accompli sous la contrainte. |
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"Ce pardon que vous m'accordez, moi je le refuse", dit-elle. Et aussitôt elle se planta dans le coeur une arme qu'elle cachait, et tomba, couverte de sang, aux pieds de son père. Alors, même mourante, elle veilla à tomber avec décence : elle avait encore ce souci en tombant. |
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Alors son époux et son père s'affalèrent sur son cadavre, déplorant leur commun malheur, oubliant toute dignité.
Brutus se présente, et fait enfin mentir son nom en montrant son esprit ; il enlève le trait enfoncé dans le corps à demi-mort, et brandissant le poignard d'où tombaient des gouttes d'un noble sang, |
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il énonça d'une voix menaçante ces paroles intrépides : "Par ce sang courageux et pur, et par tes Mânes qui pour moi incarneront la volonté divine, moi, je te jure que Tarquin avec sa descendance sera puni par l'exil. Depuis assez longtemps déjà, la valeur est restée cachée". |
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À ces paroles, Lucrèce, gisante, ouvrit ses yeux éteints et sembla approuver en agitant sa chevelure. Cette matrone à l'âme virile est emportée en cortège funèbre, et entraîne derrière elle larmes et rancoeur. |
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les Quirites et leur fait part de la conduite abominable du roi. Tarquin fuit avec sa famille : le consul prend le pouvoir pour un an. Ce jour-là fut le dernier de la monarchie. |
Equirria et annonce du printemps (2,853-864)
Tandis que l'apparition de l'hirondelle à la fin de février semble annoncer prématurément le retour du printemps, la date du 27 février est consacrée aux Equirria, fête au cours de laquelle des courses de chevaux se déroulent au Champ de Mars, annonçant aussi le mois suivant tout proche, consacré à Mars. (2,853-864)
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Me trompé-je ? Ou l'hirondelle, première messagère du printemps, est-elle arrivée, tout en redoutant quelque retour de l'hiver ? |
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Souvent pourtant, Procné, tu déploreras de t'être trop hâtée et Térée ton époux se réjouira de te voir souffrir du froid. Restent encore deux nuits dans le second mois, tandis que Mars presse ses rapides coursiers, attelés aux chars : le nom Equirria donné à ces courses à partir des faits subsiste encore, |
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le dieu lui-même les regarde dans le Champ qui porte son nom. Tu arrives à juste titre, Gradivus : tes fêtes exigent leur place, voici que se présente le mois marqué par ton nom. Nous sommes arrivés au port, et ce livre s'achève comme le mois ; que d'ici ma barque désormais vogue sur d'autres eaux. |
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Terminus (2,641). Terminus (qui veut aussi dire en latin "la borne, la limite") est une ancienne divinité romaine, qui patronne les bornes. Il était fêté aux Terminalia du 23 février, qui marquaient en fait la fin de l'année romaine ancienne, les jours qui suivaient ayant un statut particulier dont Ovide ne parle pas. En 2, 50, Ovide avait fait allusion à cette valeur temporelle du dieu. Dans les vers qui suivent, il s'attache essentiellement à sa valeur spatiale : le dieu veille sur les limites des propriétés, et il reçoit un culte privé et public. On conçoit que le dieu des bornes ait eu "une importance essentielle dans une civilisation agricole de petits propriétaires" (R. Schilling), comme l'étaient les Romains primitifs. Cela pouvait aller très loin. Ainsi "une loi de Numa vouait à la consécration aux dieux infernaux la personne et le cheptel de quiconque avait déterré une borne" (R. Schilling, citant Festus, p. 505 L), honorée sur le plan privé par les propriétaires ruraux, selon un rituel détaillé que nous décrit Ovide.Deux propriétaires (2,643). "En sacrifiant ensemble à Terminus, les propriétaires reconnaissent le caractère immuable et sacro-saint de la Limite qui sépare leurs domaines" (H. Le Bonniec). Il est difficile de dire si ce type de cérémonie était ou non largement répandu. On imaginera facilement qu'Ovide à la fois idéalise et généralise.
un autel (2,645). C'est un autel très rustique, dressé avec des moyens de fortune. Dans ce culte privé, ce sont les propriétaires qui officient, en présence des autres membres de la famille et des voisins.
vêtue de blanc (2,654). C'est un jour de fête (cfr 1,79s).
sang (2,655). Certains textes anciens signalent qu'à l'origine on n'aurait offert à Terminus que des sacrifices non sanglants. Ainsi par exemple Plutarque (Numa, 16) dans la biographie qu'il consacre à Numa, fondateur traditionnel des Terminalia: "Le dieu Terme, ou dieu des bornes, était honoré par des sacrifices publics et privés qu'on faisait auprès des limites des champs. On y offre aujourd'hui des victimes vivantes ; autrefois, ces sacrifices se faisaient sans effusion de sang ; Numa, dans sa sagesse, avait compris que le dieu des bornes, veillant sur la paix et témoignant pour la justice, devait être pur de tout meurtre" (cfr aussi Plutarque, Questions romaines, 15). Ces informations ne correspondent pas nécessairement à la réalité historique. En tout cas, Ovide a mentionné les offrandes non sanglantes avant les sacrifices d'animaux.
truie encore à la mamelle (2,656). D'ordinaire, le sexe de l'animal sacrifié est conforme au sexe de la divinité honorée. Terminus aurait donc attendu un cochon de lait, mais il "ne se plaint pas", dit Ovide.
tes louanges (2,658). Le groupe de paysans est maintenant censé entonner un hymne à la gloire de Terminus, hymne dont le caractère rhétorique et savant contraste avec la simplicité qui dominait jusqu'alors dans la description de la cérémonie.
Thyrée... Othryadès (2,663-665). Allusion à un épisode de l'histoire grecque. Sparte et Argos se disputaient la suprématie sur la ville de Thyrée. Selon Hérodote (1, 82), un combat acharné opposa 300 Spartiates et 300 Argiens, dont ne survécurent que le Spartiate Othryadès et deux Argiens. Tandis que les Argiens couraient à Argos annoncer leur victoire, Othryadès érigea un trophée avec les armes qu'il avait enlevées aux Argiens morts et se donna la mort. On racontera plus tard qu'il avait écrit son nom avec son propre sang sur le trophée des armes ennemies, attribuant ainsi la victore à Sparte.
le nouveau Capitole... (2,667-674). Allusion à un épisode qui, dans la Rome des Tarquins, marqua la construction du temple de la triade capitoline de Jupiter, Junon et Minerve. Lorsqu'il fallut délimiter et libérer religieusement un emplacement pour le nouveau temple, les auspices autorisèrent la désaffection de toutes les chapelles de la zone, sauf celle du dieu Terminus. Ce refus fut considéré comme un présage : on y vit un gage éminent de stabilité pour Rome. L'histoire est racontée par Tite-Live, 1, 55, qui ne dit toutefois pas que l'autel de Terminus "fut incorporé dans le vestibule de la cella réservée à Minerve (Denys d'Halicarnasse, 3, 69, 5) et qu'une ouverture fut pratiquée dans le toit du temple car 'on ne pouvait sacrifier à Terminus qu'à l'air libre'" (R. Schilling).
chef Dardanien (2,680). Énée, lorsqu'il arriva au Latium, dans le territoire des Laurentes, dont le roi était Latinus.
la sixième borne (2,682). Ovide envisage ici le sacrifice public à Terminus, qui avait lieu à la sixième borne milliaire (quelque 9 km) sur la via Laurentina. C'était vraisemblablement une des limites du territoire romain ancien.
fuite du roi (2,685). Le 24 février, jour du Regifugium, est une fête que les auteurs anciens ont généralement interprétée historiquement, en y voyant la commémoration de la fuite du roi Tarquin le Superbe, c'est-à-dire la fin de la Royauté à Rome, le mot latin Regifugium signifie littéralement "la fuite du roi". C'est l'occasion pour Ovide de raconter la chute de la royauté et l'exil de Tarquin le Superbe, suite au viol de Lucrèce. En fait, cette interprétation historique du Regifugium, généralisée chez les auteurs anciens, n'est certainement pas la bonne. Cette fête reste en grande partie énigmatique ; nous n'en connaissons qu'un rite caractéristique qui lui a donné son nom ; c'est la fuite rituelle du rex sacrorum qui se déroule à cette date après un sacrifice qu'il accomplit au Forum romain, devant le Comitium. Cfr 5, 727-728.
Tarquin... (2,687ss). Ici commence, avec Tarquin le Superbe, la célèbre histoire des derniers moments de la Royauté romaine. Dans ses grandes lignes, le récit d'Ovide se rapproche de celui de Tite-Live (1, 53-60), qu'on peut consulter pour mieux comprendre certains passages parfois trop concis du poète.
Gabies (2,690). Ville du Latium, à quelque 15 km à l'est de Rome, sur la via Praenestina, à mi-route entre Rome et Préneste. "Au temps d'Ovide, ce n'était plus qu'une bourgade sans importance, mais elle avait compté parmi les principales cités du Latium primitif" (H. Le Bonniec). Longtemps assiégée en vain par les Romains, elle ne fut conquise que par la ruse. Il faut lire Tite-Live pour avoir une idée plus précise des événements qu'Ovide résume très fort, ses lecteurs connaissant évidemment très bien l'histoire.
lis décapités (2,707). Chez Tite-Live (1, 54, 6), ce sont des pavots, mais le symbolisme reste évident.
Voici que... (2,711ss). Nouveau fait qu'Ovide introduit brusquement dans son récit. C'est le début de l'histoire de l'ambassade romaine à Delphes. Chez Tite-Live aussi (1, 56, 4), tout commence par un prodige effrayant : "Tarquin s'activait à tout cela, quand il assista à un prodige terrifiant : au palais, un serpent sortit d'une colonne en bois, ce qui sema la terreur et fit fuir tout le monde. Cette vision frappa le coeur du roi lui-même d'une peur soudaine, mais surtout l'emplit de tourments angoissants." (trad. D. Declercq). Chez Ovide, le prodige est plus sinistre encore : le serpent sort d'un autel ; en outre, les feux s'éteignent et le serpent vole la fressure du sacrifice (les exta). Denys d'Halicarnasse (4, 69, 2), lui, parle d'une épidémie touchant femmes et enfants. On voit que chaque auteur adapte à sa manière le motif du prodige inquiétant. Quoi qu'il en soit, le roi décide d'envoyer consulter l'oracle de Phébus-Apollon à Delphes. Ici encore, Tite-Live (1, 56, 5-13) est moins concis : Tarquin le Superbe envoie en ambassade deux de ses trois fils, Titus et Arruns, accompagnés de leur cousin Brutus, qui passe pour un simplet. En fait, "il contrefaisait l'idiot pour se protéger des pièges du Superbe". Il sera le seul à comprendre le sens profond de l'oracle qui visait la Terre, Mère de tous les hommes.
fressure (2,712). Cfr n. à 1, 51.
Ardée (2,721). Autre ville du Latium, à une trentaine de kilomètres au sud-est de Rome. Présentée comme très riche, elle était dans la tradition l'ancienne capitale des Rutules, mais à l'époque impériale, elle n'était plus qu'une petite bourgade. Tarquin avait voulu la prendre de force, sans toutefois y réussir. Il en faisait le siège, mais comme les choses traînaient en longueur, les soldats et les officiers s'ennuyaient. Ici encore on aura intérêt à lire le récit de Tite-Live (1, 57).
le jeune Tarquin (2,725). Il s'agit de Sextus, celui des fils de Tarquin le Superbe qui s'était déjà distingué à Gabies. Si l'on en croit la version de Tite-Live, les deux autres princes royaux, Arruns et Titus, ceux qui avaient participé à l'ambassade à Delphes, étaient également présents, mais c'est Sextus qui tient la vedette dans l'histoire.
reporter nos armes (2,728). Expression recherchée pour dire "rentrer chez nous".
Collatie (2,733). Ville du Latium, à quelque 15 kilomètres à l'est de Rome. La tradition raconte qu'elle avait été conquise sur les Sabins par Tarquin l'Ancien, lequel y avait installé son neveu comme gouverneur. Doté du surnom de Collatin, tiré du nom de la ville qu'il dirigeait, ce gouverneur avait un fils, qui portait le nom de Tarquin Collatin. Ce Tarquin Collatin avait épousé Lucrèce, fille de Lucretius Tricipitinus.
le palais royal (2,738). À Rome donc, où les "brus royales offrent un spectacle doublement scandaleux : non seulement elles ne montrent aucun goût 'pour les vertus domestiques', mais elles s'adonnent au vin. Or, à haute époque, le vin était rigoureusement interdit aux femmes" (R. Schilling). En fait, les femmes étrusques jouissaient d'un beaucoup plus grande liberté que les femmes romaines.
chez Lucrèce (2,741). À Collatie donc, où, en un tableau intimiste, Lucrèce est dépeinte comme le modèle idéal de la Romaine antique, que l'on célébrait en disant : "elle a gardé la maison et filé la laine".
Pendant ce temps (2,761). Début du récit du viol de Lucrèce qui aura pour Rome des conséquences politiques importantes. Ici encore on lira Tite-Live (1, 58-59).
Gabies (2,783). L'épisode de Gabies est évoqué plus haut (2,687-710).
tomber avec décence (2, 833-834). "Ovide a déjà prêté ce souci de 'tomber avec décence' à Polyxène, la fille du roi Priam, qui fut sacrifiée sur la tombe d'Achille (Métamorphoses, 13, 479). Son modèle littéraire a été Euripide (Hécube, 568-569). C'était également la grande préoccupation de Jules César au moment de son assassinat, selon le témoignage de Suétone (Divus Iulius, 82, 2)" (R. Schilling).
mentir son nom (2,837). On a dit plus haut (note à 2, 711) que Brutus contrefaisait l'idiot, alors qu'il ne l'était absolument pas. Il dément son nom, en ce sens que Brutus veut dire en latin "lourd d'esprit, stupide".
le dernier de la monarchie (2,852). Une comparaison précise (qu'on ne peut faire ici) entre les récits d'Ovide et de Tite-Live montrerait la prédilection d'Ovide pour les histoires d'amour pathétiques, au détriment des faits politiques comme l'instauration de la République.
Procné... Térée (2,855-856). Cfr note à 2, 629.
Equirria (2,859). Appelés aussi Ecurria, les Equirria sont des courses de chevaux censées avoir été instituées par Romulus et qui se déroulaient au Champ de Mars, deux fois par an, le 27 février (ici) et le 14 mars (3, 517-522). "La fête de mars paraît être essentielle", et les Equirria du 27 février "constitueraient en quelque sorte un 'galop d'essai'" (R. Schilling).
Gradivus (2,861). Gradivus est une épithète cultuelle de Mars. Il en sera encore question en 3, 169 ; en 3, 677, et en 5, 556.
barque (2,864). Métaphore courante pour l'oeuvre poétique. Cfr le début du chant 4 (18) : "Tant que je le puis et que soufflent les brises, que vogue ma barque."
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