Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre I (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
Dédicace du temple de la Concorde et indications astronomiques (1,637-656)
La commémoration de la dédicace du Temple de la Concorde (16 janvier) est l'occasion d'allusions à l'origine et à l'histoire de ce temple construit par Camille et qui rappelle la concorde retrouvée entre plèbe et patriciat ; c'est surtout un hommage appuyé à Tibère, qui venait de restaurer ce temple. (1,637-650)
Coucher de la Lyre (17 janvier) et du Lion (23 janvier). (1,651-656)
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Brillante déesse, l'aube suivante t'a placée dans un temple blanc comme neige, là où Moneta bien haut porte au ciel ses escaliers. Maintenant, Concorde, tu regarderas avec bonté la foule latine ; |
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maintenant des mains consacrées t'ont rétablie. Furius, vainqueur du peuple étrusque, en avait fait voeu, et s'était acquitté de son ancienne promesse. La plèbe en effet avait pris les armes et s'était séparée des patriciens, |
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Une raison récente est préférable : sous tes auspices, vénérable chef, la Germanie déploie pour toi ses cheveux. Aussi as-tu consacré les présents de la nation dont tu as triomphé, et élevé le temple de la déesse que tu honores personnellement. Ta mère l'a établi, pourvu d'ornements et d'un autel, |
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elle qui, seule, fut jugée digne de la couche du grand Jupiter.
Une fois passées ces célébrations, Phébus, tu quitteras le Capricorne, et tu parcourras la constellation du jeune porteur d'eau (Verseau). Lorsque sept fois le Soleil levant aura plongé dans les ondes, la Lyre ne flamboiera plus nulle part dans le ciel. |
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À la suite de cet astre, à la nuit tombante, aura disparu le feu scintillant au centre de la constellation du Lion. |
Les Sementiuae (1,657-696)
Fête mobile, les Sementiuae sont fixées à une date précisée par les pontifes, après les semailles. Durant une période où le travail agricole est en veilleuse, on célèbre dans les villages une fête purificatoire et des sacrifices en l'honneur des déesses Cérès et Tellus, à qui on fait offrande d'épeautre et des entrailles d'une truie pleine, pour qu'elles accordent des récoltes prospères. (1,657-674)
Ovide s'adresse directement aux deux déesses, mettant l'accent sur leur rôle civilisateur par le biais l'agriculture ; il les implore pour obtenir des conditions favorables aux récoltes. (1,675-696)
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Trois et quatre fois, j'ai déroulé les Fastes signalant les jours de fête, sans y avoir trouvé un seul jour consacré aux Semailles ; soudain, la Muse, me comprenant, me dit : "Ce jour est annoncé (oralement) ; |
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pourquoi chercher dans les Fastes des fêtes qui ne sont pas fixes ?" Si le jour de la célébration varie, la période où elle se déroule est précise, c'est lorsque les champs ont été fécondés, après les semailles. Taureaux, tenez-vous avec vos couronnes près de vos mangeoires pleines : avec la tiédeur du printemps reviendra pour vous le labeur. |
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Que le paysan suspende à un pieu sa charrue qui a bien travaillé : par temps froid, la terre craint toutes les blessures. Intendant, les semailles terminées, laisse la terre au repos ; laisse se reposer les hommes qui ont cultivé la terre. Que le village fasse la fête : purifiez le village, paysans, |
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et offrez aux foyers des villages les gâteaux annuels. Que l'on se concilie les mères des cultures, Tellus et Cérès, en leur offrant leur épeautre et les entrailles d'une truie pleine. Cérès et la Terre se dévouent à un service commun : l'une fournit aux fruits leur principe, l'autre l'endroit où ils poussent. |
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Participant à une oeuvre commune, vous avez amélioré les usages anciens, et par vous le gland du chêne a cédé le pas à une nourriture plus utile ; Comblez les paysans avides d'immenses récoltes, pour qu'ils recueillent des récompenses dignes de leurs efforts. Accordez aux tendres semences de croître sans cesse, |
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et faites que la neige et le gel ne brûlent pas la pousse nouvelle. Lorsque nous semons, dégagez le ciel par des vents légers ; lorsque la semence est enfouie, aspergez-la de l'eau de l'éther. Et veillez à ce que les oiseaux, nuisibles aux cultures, n'abattent pas leur colonne dévastatrice sur les champs de Cérès. |
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Vous aussi, fourmis, épargnez les graines enfouies dans le sol : après la moisson, l'abondance de votre butin sera plus grande. Que pendant ce temps les plantes croissent à l'abri de la rouille malsaine, sans connaître le manque d'éclat maladif dû aux intempéries, sans s'étioler de sécheresse et de même, parce que trop développées, |
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sans dépérir sous le poids de leur richesse surabondante. Puissent les champs être épargnés par l'ivraie qui trouble la vue, et la folle avoine ne pas pousser dans un champ cultivé. Les grains de blé, et l'épeautre destinée à passer deux fois au feu, et les orges, puisse le champ les rendre au centuple. |
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C'est ce que je demande pour vous ; vous aussi, paysans, faites ce voeu ; puissent les deux déesses approuver et exaucer ces prières. |
Hommage à la Paix et à la famille impériale - Temple à Castor et Pollux - Ara Pacis (1,697-722)
Enfin, en une transition habile, Ovide montre que la paix a repris ses droits sur la guerre, grâce à Cérès et à la famille d'Auguste. (1,697-704)
Le 27 janvier est l'anniversaire de la dédicace par Tibère du temple à Castor et Pollux, sur le Forum. (1,705-708)
Le 30 janvier est marqué par la dédicace de l'Ara Pacis et fournit à Ovide l'occasion d'invoquer la Paix, et de chanter le rôle pacificateur d'Auguste et la toute puissance romaine. (1,709-722)
Conclusion. (1,723-724)
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Les guerres ont longtemps retenu les hommes : l'épée était à l'honneur plus que le soc ; le boeuf de labour cédait devant le cheval. Les sarcloirs restaient immobiles, les houes étaient devenues javelots, |
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et un casque naissait de la masse d'un râteau. Grâces soient rendues aux dieux et à ta maison : depuis longtemps entravées par vos chaînes, les guerres gisent à vos pieds. Que le boeuf passe sous le joug, la semence sous les terres labourées. La Paix nourrit Cérès, Cérès est l'enfant de la Paix. |
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Mais le sixième jour qui précède les Calendes suivantes, fut dédié le temple aux dieux nés de Léda. Des frères nés d'une race de dieux construisirent ce temple en l'honneur de ces frères divins, près de la fontaine de Juturne.
Voilà que notre chant nous a conduits à l'Autel de la Paix : |
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ce sera le deuxième jour avant la fin du mois. Avec les lauriers d'Actium ceignant ta belle chevelure, viens, ô Paix, et fais régner ta douceur à travers le monde entier ! Pourvu que manquent les ennemis, et aussi les raisons de triompher : toi, pour nos maîtres, tu seras plus grande source de gloire que la guerre. |
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Que le soldat porte seulement les armes nécessaires à repousser des armes, et que la cruelle trompette sonne uniquement dans les parades ! Que tout le monde, proche ou lointain, redoute les Énéades, et si une nation craint peu Rome, qu'elle se mette à l'aimer ! Prêtres, jetez encore de l'encens sur le feu de la Paix, |
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et qu'on immole une blanche victime, le front aspergé de vin. Et pour que la maison qui nous offre la paix se perpétue à tout jamais avec elle, invoquez les dieux favorables aux voeux pieux ! Mais déjà prend fin la première partie de mon travail et mon petit traité atteint son terme avec ce mois qui lui était consacré. |
Brillante déesse... (1,637-640). Ovide s'adresse à Concordia, "la Concorde", une des nombreuses abstractions personnifiées que connaît la religion romaine. Son temple (de marbre, cfr "blanc comme neige" du vers suivant) se dressait au nord-ouest du Forum, sur un haut soubassement qui dominait la place. On la retrouvera en 2, 631s. et en 6, 91.Moneta (1,638). Du pied du temple de la Concorde partait la route (Scalae Gemoniae, puis Gradus Monetae) qui menait au sanctuaire de Junon Moneta (cfr 6, 183), construit sur le Capitole, à l'endroit de l'actuelle église de l'Aracoeli.
Furius (1,641). Furius Camillus, vainqueur des Étrusques à Véies (en 396 a.C.), aurait promis un temple à la Concorde, promesse qui aurait été exécutée bien plus tard (en 367 a.C.), suite aux lois Liciniennes scellant l'accord entre patriciens et plébéiens.
vénérable chef (1,646). Après son triomphe sur les Germains (censés porter ici des cheveux longs) qui eut lieu le 1 janvier de l'an 7 a.C., Tibère - c'est lui, le "vénérable chef" - entreprit, avec le butin de la guerre, de reconstruire somptueusement le temple de la Concorde, qui fut dédié le 16 janvier de l'an 10 [ou 12] p.C.
ta mère... (1,649-650). Il s'agit de Livie, l'épouse d'Auguste, lequel est assimilé ici à Jupiter (cfr 1, 608). Pareille flatterie n'est pas inhabituelle chez Ovide (cfr Tristes, 2, 161ss ; Pontiques, 2, 8, 29 ; 3, 1, 117s).
quitteras le Capricorne (1,651). Le 17 janvier, le Soleil quitte le Capricorne pour entrer dans la constellation du Verseau (Aquarius en latin). Pour Ovide, le "jeune porteur d'eau" (le Verseau) est Ganymède (cfr aussi 2, 145 ; 2, 457), l'échanson de Zeus chargé donc de mélanger l'eau et le vin. Pour le Verseau, cfr Chevaliers du Zodiaque ou Observational Astronomy.
la Lyre (1,654). Cfr 1, 316.
le feu scintillant (1,656). Une étoile de la constellation du Lion, que Pline (Histoire naturelle, 18, 235) appelle "l'étoile royale". C'est l'étoile alpha de la constellation, située au niveau du flanc du félin bondissant, que les modernes appellent Régulus (Cfr Observational Astronomy).
Semailles (1,658). Les Sementiuae étaient une des "fêtes mobiles" du calendrier romain, dont la date était fixée par les pontifes. Si l'on en croit Lydus (De mensibus, 3, 9), elles étaient célébrées deux fois à sept jours d'intervalle. Quoi qu'il en soit, les semailles étaient terminées ; les grains étaient dans la terre, et ils devaient germer. Pendant les jours de fêtes, les animaux et les hommes se reposaient.
Tellus et Cérès (1,671). L'association étroite des deux divinités semble normale. Tellus est la déesse Terre, et Cérès est la divinité de la croissance. C'est là son sens premier ; ce n'est que plus tard, sous l'influence de la mythologie grecque et de Déméter, que Cérès deviendra la déesse qui fit connaître aux hommes le blé. Il est abondamment question de Cérès en 4, 373-620, à propos des Cerealia.
leur épeautre (1,672). Pour l'épeautre (far en latin) et pour les gâteaux (liba en latin), cfr 1, 128 ; 1, 276 ; 1, 338 ; 1, 693.
entrailles d'une truie pleine (1,672). La truie est l'animal offert régulièrement à Cérès. Le symbolisme du sacrifice est très parlant : "à la Terre fécondée par les semences convient une victime en gestation" (R. Schilling). La même conception préside au sacrifice de vaches pleines lors des Fordicidia du 15 avril (cfr Fastes, 4, 629-672).
principe (1,674). Le texte latin dit causa, "leur cause" : Cérès fait croître ce qui est en terre.
gland (1,676). Avant que Cérès-Déméter n'ait apporté le blé aux hommes, ceux-ci se nourrissaient de glands (cfr Virgile, Géorgiques, 1, 8 ; Tibulle, 2, 1, 38). Tellus n'est pas ici directement impliquée, mais le texte ne distingue pas le rôle de chacune des déesses : elles sont étroitement liées dans la prière comme dans la fête.
rouille (1,687). La rouille (robigo en latin) est une maladie du blé. Pour lutter contre elle, les Romains célébraient le 25 avril la fête des Robigalia (4, 905-942).
l'ivraie qui trouble la vue (1,691). On possède plusieurs témoignages antiques attestant cette curieuse croyance (notamment une plaisanterie de Plaute, Miles gloriosus, 321-322).
passer deux fois au feu (1,693). "L'épeautre était d'abord soumis à la torréfaction pour faciliter la séparation du grain de la balle [très adhérente] ; réduit en farine et transformé en pâte, il subissait une deuxième épreuve du feu pour la cuisson des galettes ou du pain" (R. Schilling). Dans ce vers et dans le vers suivant, on rencontre trois des céréales connues des Romains: blé, épeautre et orge, la plus ancienne est l'épeautre (far en latin), dont il est très souvent question dans les Fastes, et qui fut le seul blé connu du peuple romain pendant trois cents ans (Pline, Histoire Naturelle, 18, 83 et 62). On trouvera plus de détail sur la torréfaction du far ("épeautre"), lorsqu'Ovide présentera en 2, 513-532 la "Fête des Sots" et les Fornacalia.
guerres (1,697). Les guerres, et notamment les guerres civiles auxquelles Auguste a mis fin.
ta maison (1,701). Toute la maison impériale, non seulement Auguste, mais aussi Tibère, Drusus, Germanicus.
dieux nés de Léda... (1,706). Les Dioscures, Castor et Pollux, fils de Léda, à qui un temple avait été dédié un 27 janvier. La tradition rapporte (par exemple Tite-Live, 2, 20, 12 ; Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, 6, 13) qu'ils seraient intervenus en faveur des Romains lors de la bataille du lac Régille livrée contre les Latins (499 ou 496 a.C., selon les sources). Certaines versions racontent aussi qu'ils auraient abreuvé leurs chevaux à la source de Juturne au forum (cfr 1, 463), lorsqu'ils étaient venus annoncer la victoire des Romains. Quoi qu'il en soit, au début du Ve siècle, on construisit en leur honneur, en cet endroit, un temple qui fut plusieurs fois rebâti et dont la dénomination officielle, sous la République, était aedes Castoris ("temple de Castor"). Au début de l'Empire, Tibère le reconstruisit complètement et le dédia le 27 janvier de l'an 6 a.C. en son nom et en celui de son frère Drusus ("frères nés d'une race de dieux" de 1, 707). Les ruines particulièrement imposantes, encore visibles aujourd'hui dans cette zone du Forum, datent d'une restauration postérieure à Tibère.
Autel de la Paix (1,709). Célèbre autel de marbre dont la construction fut décrétée par le Sénat en 13 a.C. pour célébrer la pacification par Auguste de l'Espagne et de la Gaule, et qui fut érigé en 9 a.C. au Champ de Mars. Des fragments importants de cet autel ont été rassemblés et sont exposés actuellement à Rome en un monument près du Mausolée d'Auguste.
lauriers d'Actium (1,710). Allusion à la victoire navale d'Octave sur Antoine et Cléopâtre à Actium, en 31 a.C., bataille considérée comme ayant mis fin à une longue période de guerres civiles. La couronne de laurier est un symbole de victoire. "C'est aussi la plante d'Apollon, qui avait assuré le succès d'Octave" (H. Le Bonniec).
Énéades (1,717). C'est-à-dire les Romains, descendants d'Énée ; ou mieux peut-être, la famille d'Auguste qui, par Jules César, prétendait descendre de Iule, le fils d'Énée, lui même descendant de Vénus.
blanche (1,720). Comme Jupiter (cfr 1, 56), la Paix reçoit une victime blanche. Plusieurs détails du sacrifice animal ont été abordés au cours de ce chant : l'encens, l'immolation, l'aspersion de vin (cfr 1, 335-456).
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