Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre III (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


OVIDE, FASTES III - MARS


INTRODUCTION : GENERALITES (3,1-166)

 

 Mars, protecteur du mois et père du fondateur de Rome (3,1-70)

 

Ovide invoque Mars et lui suggère d'imiter Pallas (= Minerve) en oubliant parfois l'art de la guerre, sa spécialité. (3,1-8)

Il rappelle ensuite le rôle de Mars dans la légende de la fondation de Rome : la rencontre de Mars et de Silvia et le songe prémonitoire qui avertit la vestale de la naissance des jumeaux menacés de mort par Amulius et sauvés par une louve et un pivert, oiseau de Mars. (3,9-40)

Des allusions très concises à la légende archi-connue de la fondation de Rome (naissance, exposition et sauvetage, enfance et jeunesse pastorale des jumeaux, meurtre d'Amulius, fondation de Rome et mort de Rémus) ne détournent pas complètement Ovide de son objectif premier : la description du calendrier et des fêtes, en mentionnant par exemple le pivert, oiseau de Mars ou les Larentalia, célébrées en décembre. (3,41-70)

 
 3, 1

Mars guerrier, pose un instant ton bouclier et ta lance,

   seconde-moi, et libère de ton casque tes brillants cheveux.

Peut-être demandes-tu ce qui lie Mars à un poète :

   c'est que le mois qu'il chante tient son nom de toi.

3, 5

Tu connais bien les guerres féroces mises en oeuvre par Minerve :

   en est-elle pour autant moins libre pour s'adonner aux arts libéraux ?

À l'exemple de Pallas, prends le temps de poser ton trait :

   même désarmé, tu trouveras des champs où t'activer.

 

Tu étais désarmé aussi lorsque, séduit par la prêtresse romaine,

3, 10

   tu donnas ainsi à notre ville ta noble semence.

La vestale Silvia (pourquoi en effet ne pas partir de là ?)

   était allée, un matin, chercher de l'eau pour laver les vases sacrés.

Un sentier en pente douce l'avait amenée à la rive escarpée :

   elle posa à terre l'urne d'argile qu'elle portait sur la tête ;

3, 15

fatiguée, elle s'assit par terre, offrant au souffle des brises

   son sein découvert, et recoiffa ses cheveux désordonnés.

Assise à l'ombre des roseaux, elle s'assoupit,

   bercée par les chants des oiseaux et le léger murmure de l'eau.

Un doux sommeil furtivement glisse sur ses yeux vaincus

3, 20

   et de dessous son menton, sa main mollement retombe.

Mars la voit ; sitôt vue, il la désire ; sitôt désirée, il la prend,

   et son pouvoir divin lui permet de dissimuler sa ruse.

Le sommeil quitte Silvia, qui reste étendue, gravide ; c'est sûr,

   dans ses entrailles vit déjà le fondateur de la ville de Rome.

3, 25

Alanguie elle se relève, ignorant le pourquoi de sa langueur,

   et, appuyée contre un arbre, elle formule ces paroles :

"Puisse la vision de mon sommeil m'être utile et propice :

   cette vision n'était-elle pas plus claire qu'un songe ?

Je me tenais près des feux d'Ilion quand, glissant de mes cheveux,

3, 30

   ma bandelette de laine tomba devant le foyer sacré.

D'elle, en même temps, deux palmiers surgissent,

   admirable prodige : l'un des deux était plus grand,

ses lourdes branches couvraient tout l'univers,

   et le sommet de sa cime atteignait les étoiles.

3, 35

Voici mon oncle paternel, qui dirige contre eux son fer :

    à ce souvenir, je suis atterrée et mon coeur s'agite de frayeur.

Un pivert, oiseau de Mars, et une louve se battent pour défendre

   les deux palmiers, qui leur durent le salut".

 Ilia avait parlé, et de ses forces peu assurées souleva l'urne pesante

3, 40

   qu'elle avait emplie tout en racontant son rêve.

 

Entre-temps, Rémus grandissait, Quirinus grandissait,

   et le ventre d'Ilia se gonflait du poids céleste.

Avant que l'année disparaisse, sa révolution accomplie,

   le dieu de la lumière n'avait plus que deux signes à parcourir.

3, 45

Silvia devint mère ; on raconte que la statue de Vesta

   posa sur ses yeux ses mains virginales.

L'autel de la déesse trembla, quand la prêtresse accoucha,

   et la flamme terrifiée se glissa sous les cendres.

À cette nouvelle, Amulius, qui méprisait la justice,

3, 50

   (en effet, il occupait le trône qu'il avait ravi à son frère),

fit noyer les jumeaux dans le fleuve, crime que l'onde refusa :

   les enfants sont déposés à terre, en un endroit sec.

Qui ignore que les enfants exposés furent nourris au lait de bête sauvage

   et qu'un pivert souvent leur apporta de quoi manger ?

3, 55

Non, Larentia, nourrice d'une si grande lignée, je ne tairai pas ton nom,

   ni non plus l'assistance que vous avez prodiguée, pauvre Faustulus :

Honneur vous sera rendu, lorsque je dirai les Larentalia :

   elles ont lieu en décembre, mois apprécié des Génies.

La progéniture de Mars avait grandi durant dix-huit ans,

3, 60

   et une jeune barbe déjà s'ajoutait à leur blonde chevelure :

À tous les laboureurs et aux maîtres des troupeaux,

   les frères nés d'Ilia rendaient la justice qu'on leur réclamait.

Souvent ils rentraient au logis heureux d'avoir mis à mal des voleurs,

   et ramenaient dans leurs pâtures les bêtes qu'on leur avait dérobées.

3, 65

Leur naissance connue, découvrir l'identité de leur père accrut leur vaillance,

    et voir leur renom limité à quelques cabanes leur fit honte ;

alors, Amulius tombe, transpercé par l'épée de Romulus,

   l'aïeul chargé d'ans voit son trône lui revenir ;

on fonde des remparts, peu élevés sans doute,

3, 70

   Rémus pourtant n'eut pas à se louer de les avoir franchis.


 Place du mois de Mars dans les calendriers à Rome et en Italie (3,71-98)

 

Pour honorer son père, Romulus décide que le mois de Mars sera à Rome le premier mois de l'année. (3,71-78)

À l'instar de nombreux peuples ayant chacun leur divinité de prédilection, les ancêtres des Romains honoraient particulièrement Mars, le dieu des armes. (3,79-86)

Divers peuples italiques avaient aussi dans leurs calendriers respectifs un mois consacré à Mars, situé différemment dans la série des mois. À Rome, Romulus attribua le premier rang à Mars. (3,87-98)

 

Ce qui naguère servait seulement de bois et de refuges aux troupeaux

   était désormais une cité, quand le fondateur de la Ville éternelle dit :

"Maître des armées, du sang de qui on me croit issu,

   (et je donnerai des preuves de ce fait, pour l'accréditer),

3, 75

nous décidons que l'année romaine part de toi :

   le premier mois portera le nom de mon père".

Sa parole ratifiée, il donne au mois le nom de son père :

   cette marque de piété, dit-on, fut agréable au dieu.

 

Et pourtant nos ancêtres déjà vénéraient Mars plus que tout autre dieu :

3, 80

   la foule belliqueuse suivait en cela son ardeur naturelle.

Les Cécropides honorent Pallas et la Crète de Minos, Diane,

   la terre d'Hypsipyle rend un culte à Vulcain,

Sparte et Mycènes, ville des fils de Pélops, vénèrent Junon,

   et la région du Ménale, Faunus à la tête couronnée de pins.

3, 85

Le Latium devait vénérer Mars, puisqu'il préside aux armes :

   armes qui assuraient richesse et gloire à ce peuple farouche.

 

Et si tu en as le temps, examine les calendriers étrangers :

   là aussi tu trouveras un mois dénommé Mars.

C'est le troisième pour les Albains, le cinquième pour les Falisques,

3, 90

   le sixième pour ta population, terre des Herniques ;

le calendrier des Albains est adopté par les habitants d'Aricie,

   et par ceux de la cité aux remparts qu'éleva la main de Télégone ;

c'est le cinquième mois chez les Laurentes, le dixième

   chez les âpres Équicoles, le quatrième chez les habitants de Cures ;

3, 95

et toi aussi, soldat péligne, tu t'accordes avec tes ancêtres sabins ;

   chez l'un et l'autre de ces peuples, le dieu occupe le quatrième rang.

Romulus, pour l'emporter sur eux, du moins par le classement,

   attribua le premier rang à l'auteur de sa lignée.

 


 

 L'année de Romulus et le chiffre dix (3,99-134)

 

Chez les anciens Romains, l'année de Romulus ne comptait que dix mois. En effet, ignorants des arts de la Grèce, les Romains attachaient plus d'importance à l'art de la guerre qu'à l'étude des astres. (3,99-120)

Le chiffre dix, dont l'importance peut s'expliquer de plusieurs façons, inspire aussi à Romulus le classement par dix des sénateurs, des divers corps de la légion et des membres des tribus. De même, le deuil mené par une épouse était de dix mois ou une année. (3,121-134)

 

En outre, les anciens n'avaient pas autant de Calendes que nous :

3, 100

   leur année était plus courte de deux mois.

La Grèce n'avait pas encore transmis à ses vainqueurs

   les arts des vaincus, ce peuple éloquent mais peu courageux.

L'art pour les Romains, c'était d'être habile au combat ;

   savoir lancer des javelots conférait l'éloquence.

3, 105

Quel homme, à l'époque, avait remarqué l'existence des Hyades

   ou des Pléiades, filles d'Atlas, ou des deux pôles sous la voûte céleste ?

Qui connaissait les deux Ourses : Cynosaure, repère pour les Sidoniens,

   et Hélicè servant de guide aux carènes de Grèce ?

Qui savait que Phébus parcourt en une longue année les signes

3, 110

   que les chevaux de sa soeur traversent en un seul mois ?

Les astres couraient librement, au long de l'année, sans être observés ;

   mais cependant on s'accordait à dire qu'ils étaient des dieux.

Les gens d'alors ne détenaient pas la clé des signes glissant dans le ciel,

   mais pour eux c'était un crime de perdre ses enseignes.

3, 115

Ces enseignes étaient faites de foin, mais on accordait au foin

   tout le respect que tu vois attribué aujourd'hui à tes aigles.

Une longue perche portait ces bottes (maniplos) pendues à son sommet ;

   de là, le nom de maniplaris donné au soldat.

Donc ces esprits, ignorants et encore privés de l'art du calcul,

3, 120

   connurent des lustres plus courts de dix mois.

 

Une fois accompli le dixième cycle de la lune, l'année était finie.

   Ce chiffre était fort en honneur à cette époque ;

est-ce à cause de notre habitude de compter sur dix doigts,

   ou parce que la femme s'accouche au dixième mois,

3, 125

ou parce que la suite croissante des chiffres arrive à dix,

   avant de recommencer ensuite une nouvelle série.

De là le classement en groupes de dix des cent sénateurs,

   décidé par Romulus, qui institua aussi dix corps de hastati,

autant de corps de principes, et autant de pilani ;

3, 130

   et autant de cavaliers disposant régulièrement d'un cheval.

En outre, il attribua les mêmes divisions aux Titienses,

   de même qu'à ceux qu'on appelle Ramnes et Luceres.

Il maintint donc pour l'année ce chiffre très répandu ;

   c'est la durée pendant laquelle une épouse pleure son époux.

 


Évolution du calendrier romain (3,135-166)

 

Diverses coutumes (remplacement de plantes et de feuillages de laurier chez les Flamines et à la vieille Curie ; feu ranimé au temple de Vesta ; culte d'Anna Perenna ; entrée en charge des magistrats ; dénomination des mois à partir de Quintilis) attestent que mars fut autrefois le premier mois de l'année. (3,135-150)

Numa, inspiré par Pythagore ou par Égérie, ajouta deux mois à l'année de Romulus. (3,151-154)

Entre autres réalisations, Jules César, pressentant sa future apothéose, réforma le calendrier. (3,155-166)

 

3, 135

On ne doit pas douter qu'autrefois les Calendes de Mars

   furent les premières : tu peux te référer aux indices suivants.

Le laurier, resté dressé chez les Flamines toute l'année, est alors enlevé,

   et remplacé à la place d'honneur par un feuillage nouveau ;

on place alors devant le porche du roi l'arbre verdoyant de Phébus ;

3, 140

    le même acte se reproduit devant tes portes, vieille Curie.

Pour que Vesta aussi resplendisse, parée de feuillage nouveau,

   le laurier flétri, écarté du foyer iliaque, cède la place.

Ajoute qu'on allume, dit-on, dans le secret du temple

   un feu nouveau et que la flamme ravivée reprend force.

3, 145

Et une preuve importante à mes yeux que jadis l'année débutait en mars,

   c'est qu'on commença en ce mois à rendre un culte à Anna Perenna.

En mars aussi, nous dit-on, entraient en charge les anciens magistrats,

   jusqu'au temps de ta guerre, perfide Carthaginois.

Enfin, c'est à partir de mars que Quintilis était le cinquième mois,

3, 150

   et de mars partent ceux qui tirent leur nom du rang qu'ils occupent.

 

Amené à Rome depuis ses champs d'oliviers, Pompilius

   fut le premier à remarquer qu'il manquait deux mois ;

soit le sage de Samos, qui pense que nous pouvons renaître,

   l'en avait instruit, soit son Égérie l'en avait averti.

3, 155

Mais, le calendrier restait encore peu fixé, jusqu'au jour où

   César, parmi tous ses soucis, prit ce problème à coeur.

Ce dieu, fondateur d'une lignée si prestigieuse,

   ne considéra pas cette charge comme mineure ;

il voulut connaître avant le temps le ciel qui lui était promis,

3, 160

   et, devenu dieu, ne pas entrer en étranger dans une demeure inconnue.

C'est lui, rapporte-t-on, qui détermina avec des notations précises

   les délais mis par le soleil pour parcourir les signes du zodiaque ;

c'est lui qui ajouta à trois cent cinq jours dix fois six jours,

   plus le cinquième d'un jour entier.

3, 165

Telle est la mesure de l'année : il faut ajouter à chaque lustre

   un jour entier, constitué de ces parties de jour.

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NOTES (3,1-166)

 
Mars (3,1). Dieu de la guerre, identifié à l'Arès grec, lequel lui transmettra maints traits de sa légende. Il faisait partie de la vieille triade précapitoline, de Jupiter-Mars-Quirinus (cfr note à 2, 475). Les attributs du dieu de la guerre étaient très naturellement le bouclier, la lance et le casque.

Minerve (3,5). Minerve, compagne capitoline de Jupiter, est considérée à Rome comme "la déesse des métiers et de ceux qui les pratiquent" (G. Dumézil). Ovide en reparlera à l'occasion des Quinquatrus des 19 au 23 mars (3, 809-848) et du 12 juin (6, 651-710). Elle est souvent assimilée à la déesse grecque Pallas-Athéna (cfr 3, 7), à la fois déesse guerrière et protectrice des arts. On retrouvera le même type de développement Mars-Minerve en 3, 171-176.

prêtresse romaine (3,9). Ilia (2, 598 ; 3, 39) ou Silvia (2, 383 ; 3, 11) ou R(h)éa Silvia (Tite-Live, 1, 3, 11) est la fille de Numitor, devenue prêtresse de Vesta par la volonté de son oncle Amulius, usurpateur du trône d'Albe, qui voulait la priver de descendance, en la contraignant à la virginité. Mais, comme le narre la suite du récit, le dieu Mars en décida autrement. Cfr aussi 2, 383-422.

chercher de l'eau (3,12). Pour le service du culte, les Vestales avaient besoin d'eau courante qu'elles allaient chercher quotidiennement à une source dans le bois d'Égérie, près de la porte Capène. Plutarque (Numa, 13, 4) rapporte que Numa a dû "signifier aux vierges de Vesta que l'eau de la source qui arrosait [ce bois] était sainte, pour qu'elles vinssent y puiser chaque jour de quoi asperger et purifier leur temple" (trad. R. Flacelière). Pourrait-on conclure qu'Ovide plaçait dans le bois d'Égérie la rencontre amoureuse entre Mars et Ilia ?

vision de mon sommeil (3,27). C'est le thème célèbre du "Songe d'Ilia" qui remonte à Ennius dont la version nous a été conservée par Cicéron (De la divination, 1, 20, 40). Les récits des deux poètes sont très différents.

feux d'Ilion (3,29). Les Vestales étaient chargées de veiller sur le feu sacré de Vesta. Pour Virgile, Énéide, 2, 296-297, Énée est censé avoir ramené Vesta de Troie, c'est-à-dire d'Ilion. Dans le présent passage, Ovide semble suivre cette tradition, qui n'est évidemment pas défendable sur le plan historique. Vesta, tout comme les Pénates d'ailleurs, est une divinité italique, qui ne vient pas de Troie. En 3, 142 aussi, il sera question de cette prétendue origine troyenne de la Vesta romaine.

bandelette de laine (3,30). La vitta est une bandelette d'une forme particulière que portaient les Vestales, ainsi que certains prêtres. Elle était blanche, une couleur symbolisant la pureté. La chute de cette bandelette est un présage très clair.

deux palmiers (3,31). Ces deux palmiers qui surgissent de la bandelette tombée à terre symbolisent respectivement les deux jumeaux fondateurs de Rome. Romulus, destiné à régner et à devenir un dieu, est naturellement le plus grand.

oncle paternel (3,35). Amulius qui veut tuer les deux enfants.

pivert (3,37). Le pivert (picus en latin) et la louve sont des animaux consacrés à Mars. Dans les récits du sauvetage des enfants, la louve est souvent seule à intervenir ; mais certaines versions accordent également un rôle au pivert : ainsi Plutarque (Romulus, 4, 2) : "On raconte que les enfants [...] furent allaités par une louve et qu'un pivert venait l'aider à les nourrir et à les protéger. Ces animaux passent pour être consacrés à Mars." Picus est chez Virgile le père de Faunus (Énéide, 7, 48) et l'un des premiers rois du Latium (Énéide, 7, 171) : il avait été transformé en oiseau par Circé (Énéide, 7, 189-191).

Quirinus (3,41). C'est-à-dire Romulus, ultérieurement divinisé et assimilé à Quirinus (cfr 2,475 et la note).

le dieu de la lumière (3,44). Le soleil avait parcouru dix des douze signes du zodiaque, donc dix mois, la durée d'une gestation chez les humains (cfr 1, 34 ; 2, 447).

la statue de Vesta (3,45). En 6, 295-297, Ovide dira que Vesta n'avait pas de statue.

Larentia... Faustulus (3,55-56). Comme chez Tite-Live (1, 4, 6-7), le berger Faustulus et son épouse Acca Larentia ont recueilli et élevé les enfants exposés.

Larentalia (3,57). Fête célébrée le 23 décembre, et qui reste pour nous mystérieuse. On aurait souhaité lire la description promise ici par Ovide, mais nous restons sur notre faim, la deuxième partie des Fastes ne nous étant pas parvenue. Les Larentalia s'adressaient à une vieille divinité italique nommée Larenta ou Larunda, sur la tombe de laquelle, sur le Vélabre, on offrait ce jour-là un sacrifice. Le rapport entre cette fête et Larentia, même s'il est affirmé chez certains auteurs antiques (cfr Macrobe, Saturnales, 1, 10, 16 et 17), apparaît arbitraire ou très extérieur, la déesse Larenta semblant étrangère à Larentia. D'autre part, faire intervenir dans le dossier des Larentalia, tant les Lares (2, 615s) que Lara ou Lala (2, 599-600), complique les choses au lieu de les éclaircir.

mois apprécié des Génies (3,58). Allusion aux Saturnalia, célébrées le 17 décembre, où l'on faisait la fête : l'expression latine indulgere Genio (= "céder à son génie") signifiait "céder à ses penchants ; s'en donner à coeur joie". Il a déjà été question (2, 545) des Genii, qui chez les Romains étaient des sortes de "doubles divinisés" de chaque homme, symbolisant sa personnalité propre.

qu'on leur réclamait (3,62). Leurs compagnons les considéraient comme des chefs, et c'est vers eux qu'ils se tournaient spontanément pour demander leur intervention quand surgissait un problème.

voleurs (3,63). Comme on l'a déjà dit en 2, 369-370, "les vols de bétail étaient fréquents dans cette civilisation pastorale" (H. Le Bonniec).

aïeul (3,68). Numitor, replacé sur le trône d'Albe par ses petits-fils, après le meurtre d'Amulius. Cfr Tite-Live, 1, 5, 3 à 1, 6, 2.

des remparts... Rémus (3,69-70). Évocation rapide de la fondation de Rome et du meurtre de Rémus, puni pour avoir franchi le mur dressé par Romulus. Cfr Tite-Live, 1, 6, 3 à 1, 7, 3.

année romaine part de toi (3,75). Mars fut à l'origine le premier mois de l'année (cfr par exemple 1, 39).

nos ancêtres (3,79). Les Italiques, comparés à des peuples de Grèce évoqués aux vers 81-84. En ce qui concerne Rome, l'affirmation d'Ovide ne correspond pas aux réalités religieuses : le grand dieu des Romains est Jupiter.

Cécropides (3,81). Les Athéniens, adorateurs de Pallas-Athéna (note à 3, 5), que leur roi mythique Cécrops avait choisie comme déesse de prédilection, de préférence à Poséidon. Cfr aussi 4, 504 concernant l'emploi poétique du mot Cécropides pour désigner les Athéniens.

Crète de Minos (3,81). "Les Crétois vénéraient Artémis-Diane sous les noms de Dictynna et de Britomartis" (R. Schilling).

Hypsipyle (3,82). Reine de l'île de Lemnos, où Héphaïstos-Vulcain aurait été accueilli, après avoir été expulsé du ciel (cfr Homère, Iliade, 1, 590-594).

Junon (3,83). Si l'on en croit la déclaration de Héra chez Homère (Iliade, 4, 51), "Trois villes, à moi, me sont chères entre toutes, Argos et Sparte et la vaste Mycènes" (trad. P. Mazon). L'histoire d'Atrée et de Thyeste, les fils de Pélops, est en partie liée à Mycènes.

Ménale (3,84). Montagne d'Arcadie, une région dont on connaît les liens avec Pan-Faunus (2, 267-278 et les notes).

Albains (3,89). Les habitants d'Albe-la-Longue, ville légendaire fondée au pied des monts Albains par Ascagne, et passant pour la métropole de Rome.

Falisques (3,89). Les habitants de Falerii (aujourd'hui Civita Castellana). Cfr Virgile, Énéide, 7, 695.

Herniques (3,90). Territoire du Latium méridional. Les Herniques habitaient un pays de montagnes, un peu à l'est de Préneste. Cfr Virgile, Énéide, 7, 684.

Aricie (3,91). Au pied des monts Albains. La ville était célèbre pour son culte de Diane (cfr 3, 261-276).

Télégone (3,92). Fils d'Ulysse et de Circé, Télégone est considéré comme le fondateur de plusieurs cités, dont Tusculum, qui pourrait être visée ici par Ovide.

Laurentes (3,93). Les habitants de la région dont Latinus était roi au moment de l'arrivée d'Énée dans le Latium. C'est dans leur pays que le héros troyen fondera Lavinium. Cfr 2, 679.

Équicoles (3,94). Les Équicoles ou Èques, réputés pour leur sauvagerie, habitaient une région montagneuse au nord du Latium, en direction de la Sabine. Cfr Virgile, Énéide, 7, 747.

Cures (3,94). Capitale de la Sabine, d'où était originaire Titus Tatius (cfr 2, 135).

péligne (3,95). Les Pélignes étaient un peuple du Samnium, proche de l'Adriatique, à l'est du lac Fucin ; liés aux Sabins, ils étaient aussi le pays natal d'Ovide, né à Sulmo.

Hyades... Pléiades... (3,105-106). Deux groupes d'étoiles visibles dans la constellation du Taureau et considérées comme importantes pour les agriculteurs et les marins (cfr Virgile, Géorgiques, 1, 138). Elles étaient toutes filles d'Atlas, mais leurs mères étaient différentes : Aithra pour les Hyades ; Pléionè pour les Pléiades. Cfr la présentation qu'en donne "Le Cercle d'Astronomie de l'Université de Mons-Hainaut" sur son site Olympus Mons : "Selon la tradition, les Hyades pleurèrent tant la mort de leur frère Hyas, tué par une bête féroce, que Zeus, pour les consoler, les métamorphosa en étoiles. Toutefois, elles ne cessèrent pas pour autant de verser des larmes, d'où leur nom Hyades qui signifie "Pluvieuses" ; ainsi, leur apparition au lever ou au coucher du Soleil annonce la pluie. Zeus plaça également aux cieux les sept soeurs Pléiades (Maia, Électre, Taygète, Stéropé, Meropé, Alcyoné et Céléno) pour les soustraire au chasseur géant Orion qui les poursuivait sans relâche. Ce dernier, également transformé à sa mort en constellation, les poursuit d'ailleurs toujours dans le ciel puisque cette constellation se lève juste après le Taureau... Le nom "Pléiades" est un dérivé du mot grec signifiant naviguer ; cette dénomination s'explique par le fait que les Pléiades, disparaissant au printemps en mai, indiquent au navigateur la saison propice à la navigation, et leur réapparition au commencement de novembre signale le début du gros temps, dangereux pour les navires." Il est encore question des Hyades en 4, 678 et en 5, 163-166 ; en 4, 169-178, Ovide revient sur les Pléiades, donnant leurs noms et expliquant pourquoi six d'entre elles seulement sont visibles ; voir aussi 5, 83-84.

Ourses... (3,107-108). De ces deux constellations de l'Ourse, la Petite Ourse, appelée aussi Cynosure, était appréciée des marins phéniciens (= les Sidoniens), tandis que la Grande Ourse, Hélicè (cfr aussi 4, 580), était plutôt un repère astronomique pour les Grecs. L'intérêt de ces deux constellations pour les marins de l'hémisphère nord, c'est qu'elles étaient toujours visibles au-dessus de l'horizon. Sur la Grande Ourse, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle ; sur la Petite Ourse, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle. Plus haut (2, 154-156 et 2, 189-190), il a été question du "Gardien de l'Ourse", c'est-à-dire du Bouvier. Ovide évoquera encore l'Ourse en 3, 793.

Phébus... sa soeur (3,109-110). Le Soleil et la Lune. "La lune traverse en un mois les douze signes du zodiaque, mais le soleil y met un an entier" (H. Le Bonniec).

signes... enseignes (3,113-114). En latin le même mot (signa) signifie les constellations et les enseignes militaires, d'où ce rapprochement qui peut paraître bizarre.

foin (3,115). Le développement qui suit s'explique par le fait que le même mot (manipulus, maniplus) désigne en latin aussi bien une gerbe, une botte (d'herbes, de fleurs, de foin) que l'enseigne d'un groupe de soldats, un étendard, le sens fondamental de ce mot manip(u)lus étant "ce qu'on peut tenir en main" (une poignée de n'importe quoi en quelque sorte). Sur ce point de départ, certains érudits antiques ont imaginé qu'à l'origine, une botte de foin sur une perche servait d'enseigne militaire. Cfr par exemple Plutarque, Romulus, 8, 7, racontant l'attaque menée par Romulus contre Amulius qui tenait Rémus prisonnier : "Romulus amenait de son côté un grand corps de troupes divisé en compagnies de cent hommes, dont chacune était conduite par un capitaine qui tenait en l'air au haut d'une pique une brassée d'herbes et de brindilles. Les Latins appellent ces enseignes manipules" (trad. R. Flacelière). On ne croira évidemment pas que l'armée romaine ancienne a connu des enseignes qui se présentaient réellement sous cette forme. En tout cas, cela fournit au poète l'occasion d'un rapprochement plaisant avec les étendards de son époque.

tes aigles (3,116). Ovide s'adresse à Auguste. "L'aigle d'argent fut adopté comme enseigne de la légion à partir de Marius" (R. Schilling). Les enseignes militaires, comme aujourd'hui les drapeaux des régiments, étaient entourés de beaucoup de respect.

donné au soldat (3,118). L'enseigne d'une compagnie s'appelant un manip(u)lus, le même mot fut utilisé pour désigner la compagnie elle-même, et le soldat qui en faisait partie reçut le nom de manip(u)laris. On retrouvera ces manipules aux vers 3, 128-129.

lustres plus courts (3,120). Les années ne comptant que dix mois, un lustre, qui durait cinq années, était ainsi écourté de 5 fois 2 mois.

dixième mois (3,124). Il en a déjà été question à plusieurs reprises, la première fois en 1, 33-34.

cent sénateurs (3,127). Les récits légendaires imaginent sous Romulus un sénat de cent membres (par exemple Tite-Live, 1, 8, 7) divisés en dix décuries de dix sénateurs chacune (Tite-Live, 1, 17, 5, pour l'organisation de l'interrègne).

qui institua aussi (3,128). Toutes ces précisions données sur la composition du sénat et de l'armée sous Romulus relèvent de la légende, même si certains modernes sont encore aujourd'hui tentés d'y voir des informations historiquement valables. L'organisation militaire à laquelle Ovide fait allusion dans les vers suivants est en fait celle de la légion républicaine. L'infanterie lourde d'une légion (3000 hommes) était formée de trente manipules dont les effectifs étaient à chaque fois répartis sur trois rangs de profondeur, en première ligne les hastati, puis les principes, puis les triarii. Ovide évoquera aussi la cavalerie légionnaire, mais sans s'intéresser directement à l'infanterie légère de la légion, les vélites (1200 hommes), ni non plus aux autres contingents annexes, comme les forces d'artillerie et de génie, l'infanterie alliée, les troupes auxiliaires, etc. L'organisation d'une légion était complexe.

hastati (3,128). Ce sont les plus jeunes (1200 hommes). Leur nom semble indiquer qu'à l'origine ils pourraient avoir été armés d'une lance (hasta en latin). En tout cas, à l'époque historique, ils portaient casque, bouclier rond et javelot.

principes (3,129). Ce sont les hommes d'âge mûr (également au nombre de 1200). Ainsi appelés, parce qu'ils occupaient à l'origine la première ligne. Ils étaient armés comme les hastati, sauf qu'ils portaient un bouclier long au lieu d'un bouclier rond.

pilani (3,129). Ce sont les plus âgés (600 hommes), appelés tantôt triarii (= "ceux du troisième rang"), tantôt pilani (= armés du pilum, c'est-à-dire d'un javelot). En fait, ils portaient une lance.

cavaliers (3,130). La cavalerie légionnaire était formée de 10 escadrons (turmae) de 30 hommes chacun, soit 300 cavaliers.

Titienses... (3,131-132). Autre donnée purement légendaire. Certains auteurs anciens ont imaginé que Romulus avait divisé le peuple romain en trois tribus (celle des Titienses, celle des Ramnes et celle des Luceres), chacune d'elle comptant dix curies. Cette question est trop complexe pour être abordée ici.

une épouse pleure son époux (3,134). Dix mois représentent la durée du deuil. Cfr 1, 35.

Le laurier... (3,137-140). Consacré à Apollon (3, 139), le laurier est perçu comme un arbre aux vertus purificatrices et apotropaïques. Macrobe (Saturnales, 1, 12, 6) rapporte aussi qu'au premier mars, on remplaçait par des lauriers frais les lauriers anciens devant la Regia, les curies et les maisons des flamines. Il s'inspire probablement de ce passage d'Ovide. On ne sait pas très bien si les lauriers en question ici se présentaient sous la forme de branches ou d'arbustes.

flamines (3,137). Vraisemblablement les trois Flamines majeurs, ceux de Jupiter, de Mars et de Quirinus.

porche du roi (3,139). Si l'on en croit Macrobe, il s'agirait de la Regia, donc de la résidence officielle du Grand Pontife au Forum romain.

vieille Curie (3,140). Ovide fait probablement allusion ici à ce que d'autres textes appellent les Curiae Veteres "Les Vieilles Curies", c'est-à-dire un local cultuel commun aux trente curies qui s'élevait à l'angle nord-est du Palatin.

foyer iliaque (3,141). L'autel de Vesta recevait donc lui aussi des branches fraîches de laurier. De cette prétendue origine iliaque (= troyenne), il a été question en 3, 29.

feu nouveau (3,144). Le feu "perpétuel" au foyer de la déesse, rituellement éteint, était rallumé selon un procédé archaïque : on frottait l'un contre l'autre deux morceaux de bois provenant d'un arbre considéré comme "de bon augure" (felix arbor).

Anna Perenna (3,146). Déesse que son nom désigne comme "la personnification de l'année qui s'écoule" (H. Le Bonniec) et dont la fête du 15 mars sera très longuement décrite par Ovide en 3, 523-696.

entraient en charge (3,147). Selon R. Schilling, la date d'entrée en charge des magistrats a beaucoup varié, mais quelques dates sont connues. Ainsi, au IVe siècle a.C., c'était le premier mars ; de 222 à 153 a.C., c'était le 15 mars. À partir de 153 a.C., elle fut fixée au premier janvier.

perfide Carthaginois (3,148). La troisième guerre punique éclata en 149 a.C.

Quintilis (3,149). Le 5ème mois de l'année à compter de mars changea son nom de Quintilis en celui de Iulius, en l'honneur de Jules César. Cfr note à 2, 144.

Pompilius (3,151). Numa Pompilius, successeur de Romulus et donc second roi de Rome, était originaire de la Sabine, un pays riche en oliviers. Il a déjà été question en 1, 43-44 de la réforme du calendrier, dont la tradition le crédite : il aurait ajouté janvier et février aux dix mois de l'année romuléenne. Roi pacifique, Numa avait établi les institutions religieuses de Rome avec les conseils de la nymphe Égérie qu'il rencontrait en secret au cours d'entretiens nocturnes (Tite-Live, 1, 19, 5).

sage de Samos (3,153). Numa passait pour un sage, instruit par Pythagore, le philosophe de Samos, qui croyait à la métempsychose. Mais dès l'antiquité déjà, on considérait comme historiquement absurde (Cicéron, République, 2, 28-29) de faire de Numa un disciple de Pythagore.

Égérie (3,154). Égérie est une nymphe, qu'on rencontre tant à Rome qu'à Aricie comme patronne d'une source. La tradition en a fait la conseillère, voire l'épouse ou l'amante, du roi Numa. Cfr par exemple Tite-Live, 1, 19, 4-5 : "Numa jugea que le moyen le plus efficace pour agir sur la masse inexpérimentée et inculte de ce temps-là était de lui inculquer avant tout la crainte des dieux. Comprenant qu'il ne pouvait se mettre au niveau de ses sujets sans recourir à un artifice relevant du merveilleux, Numa leur fit croire qu'il avait en pleine nuit des entretiens avec la déesse Égérie : 'C'est sur son conseil à elle, leur disait-il, que j'institue des célébrations que les dieux apprécient tout particulièrement et que je prépose au culte de chaque dieu ses propres prêtres'." (trad. D. De Clercq) Égérie avait un bois sacré (lucus) à Rome, près de la porte Capène (cfr note à 3, 12). Il en sera encore question en 3, 261, et en 3, 275-276.

César (3,156-166). En 46 a.C., avec l'aide de l'astronome alexandrin Sosigène, César réforma en profondeur le calendrier, auquel il donna la structure qui est encore la sienne aujourd'hui, à quelques détails près. Désormais, il ne sera plus question d'insérer tous les deux ans un mois intercalaire ; l'année comptera 365 jours répartis sur 12 mois (de même longueur qu'aujourd'hui) ; le quart de jour manquant annuellement sera capitalisé et ajouté tous les quatre ans au mois de février sous la forme d'un jour (années bissextiles).

devenu dieu (3,160). César sera divinisé un peu après sa mort. Cfr note à 2, 144.

le cinquième d'un jour (3,164). Erreur d'Ovide, qu'on tente d'expliquer par l'expression officielle qui désignait l'année bissextile, à savoir quinto quoque anno, littéralement "chaque cinquième année", ce qui veut dire "tous les quatre ans". L'erreur se prolonge au vers suivant (3, 165) dans l'emploi du mot lustre (lustrum), qui signifie au sens strict 5 ans.


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