Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre III (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
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Les Liberalia (17 mars) (3,711-790)
Après le lever du Scorpion, le 16 mars, on célèbre, le 17, les Liberalia en l'honneur de Liber, assimilé au Bacchus des Grecs. Quelques points de la légende grecque de Bacchus sont évoqués sans plus, comme n'ayant pas leur place dans les Fastes. (3,711-724)
Suit l'explication assez détaillée des rites romains marquant les Liberalia : l'offrande de galettes (liba), parce que Liber fut le premier à offrir des prémices (libamina). Diverses légendes expliquent les détails de ce rituel, à savoir l'offrande à Liber d'une galette chaude, enduite de miel et pétrie par une vieille femme couronnée de lierre. Ovide s'intéresse d'abord à l'étiologie du miel. Bacchus, et son escorte de satyres, revenant de Thrace vers la Macédoine, attirèrent des insectes inconnus au son de leurs cymbales ; le dieu les recueillit, les abrita au creux d'un arbre, découvrant ainsi le miel. Ovide saisit l'occasion pour raconter la mésaventure de Silène, victime de l'essaim qu'il avait dérangé. Quant à la vieille femme pétrissant la galette, elle est censée rappeler les Bacchantes, la suite féminine de Bacchus ; son grand âge est celui qui apprécie le plus le vin, et le lierre évoque le feuillage qui servit aux nymphes à protéger Bacchus enfant contre la vengance de sa marâtre Junon. (3,725-770)
La prise de la toge virile par les adolescents le jour des Liberalia s'explique par des étiologies diverses (rapport établi entre les enfants [liberi] et Liber, l'éternel enfant ; entre Liber Pater et les pères lui confiant leurs enfants ; entre Liber et la toge virile (celle de l'homme libre), mais aussi parce que aux temps de la vie simple d'antan, quand les gens des campagnes affluaient en ville pour célébrer les jeux en l'honneur de Liber et de Cérès, ce jour aurait été choisi aussi pour que beaucoup de personnes puissent entourer les nouveaux porteurs de la toge virile. (3,771-790)
Lorsque l'aurore suivante aura fait revivre les herbes tendres, on pourra observer la première partie du Scorpion. Le troisième jour après les Ides, une foule nombreuse célèbre Bacchus. |
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Je ne parlerai pas de Sémélé, de qui s'étaient approché Jupiter et sa foudre, ce qui provoqua sur place ta naissance, qui eut lieu deux fois ; je ne dirai pas comment, pour te permettre, enfant, de naître à terme, l'oeuvre maternelle s'acheva dans le corps de ton père. Ce serait trop long de narrer tes triomphes sur les Sithoniens et les Scythes, |
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et de rappeler tes peuples domptés, ô Indus, producteur d'encens. Toi aussi, tu seras omis, victime malheureuse de ta mère thébaine, de même que toi, Lycurgue, poussé par la folie à sévir contre ta famille. Cela me plairait de dire le prodige des marins tyrrhéniens qui furent subitement métamorphosés en poissons ; mais ce n'est pas l'objet de ce poème. |
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Son objet est d'expliquer pourquoi une pauvre vieille femme invite les gens à s'intéresser à ses galettes. Avant ta naissance, Liber, les autels restaient dépourvus d'honneurs, et des herbes poussaient sur leurs foyers glacés. La tradition retient que tu réservas des prémices au grand Jupiter, |
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lorsque tu eus soumis le Gange et tout l'Orient : toi le premier, tu lui offris de la cannelle et de l'encens pris à l'ennemi, ainsi que les chairs rôties du boeuf de ton triomphe. Les libations (libamina) tirent leur nom de leur inventeur (Liber), et aussi les galettes (liba), offertes en partie depuis lors sur les foyers sacrés. |
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Les galettes sont faites pour le dieu, car il aime les sucs doux et, selon la tradition, le miel est une invention de Bacchus. Escorté de satyres, il revenait de l'Hèbre aux rives sableuses, (notre récit comporte des anecdotes bien plaisantes), et déjà il était arrivé près du Rhodope et du Pangée en fleurs : |
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les mains de ses compagnons firent retentir leurs cymbales. Voici que s'assemblent, guidés par ces tintements, des insectes inconnus, ce sont des abeilles qui suivent les sons des cymbales. Liber les recueille dans leur vol et les enferme au creux d'un arbre, et pour récompense, il découvre le miel. |
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Dès que les satyres et Silène, le vieillard chauve, eurent goûté cette saveur, ils cherchèrent à travers tout le bois les blonds rayons de miel. Le vieillard entend, au creux d'un orme, le bourdonnement de l'essaim ; il aperçoit les alvéoles de cire, mais il en dissimule la présence. Paresseusement assis sur un âne à l'échine courbée, |
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il colle sa monture contre l'écorce creuse de l'orme. Il se hisse dessus, prenant appui sur une branche et cherche avidement le miel caché dans le tronc. Des frelons par milliers arrivent et enfoncent leur dard sur son crâne dénudé, marquant de piqûres sa face grimaçante. |
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Il tombe, tête en avant, et reçoit un coup de sabot du petit âne ; il pousse un cri et appelle ses compagnons à l'aide. Les satyres accourent et se moquent du visage tuméfié du vieux bonhomme ; lui boitille, avec son genou blessé. Le dieu rit, lui aussi, et montre comment faire un cataplasme de boue ; |
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le vieux suit ces conseils et s'enduit la face de boue. Le miel est apprécié du Père Liber, et c'est à juste titre que nous offrons à son inventeur des coulées de miel éclatant sur un gâteau chaud. Pourquoi des galettes pétries par une femme ? La raison en est claire : Ce sont des choeurs de femmes que Liber excite avec son thyrse. |
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Tu veux savoir pourquoi c'est une vieille ? Elle est à un âge plutôt porté sur le vin, appréciant les dons de la vigne féconde. Pourquoi est-elle couronnée de lierre ? Le lierre plaît beaucoup à Bacchus. Vous ne tarderez pas non plus à apprendre pourquoi il en est ainsi : Les nymphes de Nysa, dit-on, avaient tendu devant le berceau de l'enfant |
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un rideau de ce feuillage, tandis que sa marâtre le recherchait.
Il me reste à trouver pourquoi on remet la toge virile aux enfants, le jour de ta fête, radieux Bacchus. Est-ce parce que tu sembles toujours un enfant et un adolescent, et que ton âge est intermédiaire entre les deux ? |
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Ou bien, puisque tu es un père toi-même, les pères confient-ils à tes soins et à ta puissance les trésors que sont leurs enfants ? Ou, parce que tu es Liber, prend-on aussi en ton nom la toge de l'homme libre et la voie vers une vie plus libre ; ou bien, au temps où les anciens avaient plus d'ardeur pour les cultures, |
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où un sénateur travaillait sur la terre de ses pères, où un consul quittait sa charrue recourbée pour prendre les faisceaux, quand des mains calleuses n'étaient pas jugées infamantes, le peuple des campagnes venait dans la Ville pour assister aux jeux (mais c'était pour honorer les dieux, et non pour le plaisir ; |
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l'inventeur de la vigne avait, à son jour, les jeux que maintenant il partage en commun avec la déesse porteuse de torche) ; dès lors, n'est-ce pas pour pouvoir fêter en foule le jeune débutant qu'on a jugé ce jour tout à fait propre à la remise de la toge virile ? Dieu vénéré, tourne vers nous avec douceur et sérénité ton front cornu, |
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et souffle avec faveur dans les voiles de mon esprit ! |
Procession des Argées et Constellation du Milan (16-17 mars)(3,791-808)
Les 16 et 17 mars a lieu la procession des Argées, dont Ovide promet de reparler. À cette date apparaît dans le ciel la constellation du Milan, dont le poète raconte le catastérisme. Suite à la destitution de Saturne par Jupiter, le milan fut élevé au rang des astres pour avoir enlevé pour le compte de Jupiter les exta du taureau monstrueux que venait de tuer Briarée, et dont le sacrifice devait garantir la souveraineté au responsable de cette offrande. (3,791-808).
Ce jour-là, si j'ai bonne mémoire, et aussi la veille, on se rend aux Argées - on dira en son lieu de quoi il s'agit -. La constellation du Milan s'incline vers l'Ourse, la fille de Lycaon : cette nuit-là, elle devient visible. |
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Voici, si tu veux le savoir, ce qui valut le ciel à cet oiseau : Saturne avait été chassé de son royaume par Jupiter ; plein de colère, il pousse les puissants Titans à prendre les armes et tente d'obtenir l'aide que lui devaient les destins. Il existait un taureau, né de la Terre Mère, monstre singulier, |
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dont la partie postérieure était un serpent. Sur le conseil des trois Parques, l'implacable Styx l'avait enfermé dans un sombre bois, derrière une triple muraille. D'après un oracle, celui qui aurait livré aux flammes du sacrifice les chairs de ce taureau pourrait vaincre les dieux éternels. |
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Briarée l'immole à l'aide d'une hache d'acier, et déjà il était prêt à livrer aux flammes les viscères du monstre : Jupiter ordonne à des oiseaux de l'enlever ; c'est le milan qui le lui apporta et qui pour ses mérites parvint au rang des astres. |
Quinquatrus en l'honneur de Minerve (19-23 mars) (3,809-848)
Cinq jours groupés, commençant le 19 mars et appelés le Quinquatrus, sont consacrés à Minerve, déesse guerrière mais aussi protectrice des arts et des techniques. Minerve est présentée comme la déesse des écoliers et des artisans ; c'est elle aussi que doivent invoquer et honorer les tisseuses et les fileuses, les foulons et les teinturiers, les cordonniers, les charpentiers, les médecins, les maîtres d'école, les ciseleurs, les peintres, les sculpteurs, et les poètes. Ovide termine son énumération en invoquant la protection de la déesse sur son entreprise poétique. (3,809-834)Enfin, pour rendre compte de l'appellation "Minerve captive", Ovide propose plusieurs étiologies, plus ou moins fantaisistes, dont une seulement rencontre l'accord des modernes ; il termine en appelant la faveur de la déesse sur les princes de Rome. (3,835-848)
Après un intervalle d'un jour, on célèbre les fêtes de Minerve |
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qui tirent leur nom des cinq jours liés qui les constituent. Le premier, on s'abstient de verser le sang, et il est interdit de croiser le fer : la raison en est que ce jour est celui de la naissance de Minerve. Le lendemain et les trois jours suivants, des jeux occupent l'arène plane : la déesse guerrière aime les épées dégainées. |
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Maintenant invoquez Pallas, jeunes garçons et tendres fillettes ! Celui qui se sera concilié Pallas deviendra habile. Que les jeunes filles apprennent, grâce à sa bienveillance, à carder la laine et à dévider les quenouilles pleines. Elle enseigne aussi l'art de faire courir la navette sur le métier dressé |
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et c'est elle qui resserre avec le peigne la trame légère. Honore-la, toi qui enlèves les taches des vêtements abîmés. Honorez-la, vous qui préparez les bassins de bronze pour teindre les laines. Et, si Pallas n'y consent, personne, fût-il plus expert que Tychius, ne pourra bien adapter des lanières à un pied. |
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Et celui qui, comparé au vieil Épéus, le devancerait en habileté, sera comme un manchot, si Pallas est en colère. Vous aussi, qui chassez les maladies grâce à l'art de Phébus, rapportez à la déesse une petite part de vos gains. Et vous, foule des maîtres d'école, souvent frustrés de salaire, |
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ne la dédaignez pas (elle attire de nouveaux élèves), ni toi qui manies le ciseau, ni toi qui peins à l'encaustique, ni toi qui de tes mains habiles assouplis la pierre. Elle est la déesse de mille travaux ; et certainement la déesse de la poésie. Si je le mérite, puisse-t-elle aimablement m'assister dans mes efforts ! |
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À l'endroit où le mont Célius descend en pente vers la plaine, là où la route n'est pas tout à fait plane, mais presque, on peut voir le petit temple élevé à Minerve Captive, temple dont la déesse a pris possession le jour de son anniversaire. On hésite sur la raison de cette appellation. Nous qualifions de capital |
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un esprit ingénieux : la déesse a un esprit de ce type. Ou est-ce parce que, selon la tradition, sans mère, elle a bondi du sommet de la tête (caput) de son père, avec son bouclier ? Ou est-ce parce que, après la soumission des Falisques, elle arriva chez nous en captive ? C'est ce que dit une antique inscription sur la statue. |
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Ou est-ce parce qu'il existe une loi exigeant la peine capitale pour les vols commis dans ce sanctuaire ? Quelle que soit la raison dont tu tires ton nom, Pallas, que toujours ton égide protège nos princes ! |
Tubilustrium et lever du Bélier (22 et 23 mars) (3, 849-876)
Le 23 mars, dernier jour du Quinquatrus, on procède à la purification des trompettes (Tubilustrium) et on sacrifice à une mystérieuse fortis dea. La veille s'était levée la constellation du Bélier, ce qui permet à Ovide d'introduire la légende de Phrixos. (3,849-876)
Le dernier de ces cinq jours recommande de purifier les trompettes sonores |
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et de sacrifier à la vaillante déesse. Maintenant on peut lever le visage et dire au soleil : "Hier, il a pressé la toison du bélier de Phrixos". La perfidie d'une belle-mère scélérate avait grillé les semences et les jeunes pousses n'avaient porté aucun des épis attendus. |
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On envoie un messager s'enquérir au trépied de la Pythie du remède sûr qu'un oracle du dieu de Delphes prescrivait contre la stérilité de la terre. Ce messager, tout aussi corrompu que les semences, annonce que le destin exige la mort de Hellé et du jeune Phrixos. Longtemps le roi refusa, mais ses sujets, et les circonstances, et Ino, |
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le contraignirent à accepter ces ordres abominables. Phrixos et sa soeur, les tempes voilées de bandelettes, ensemble se dressent devant les autels, déplorant leur commune destinée. Leur mère, justement penchée du haut de l'éther, les aperçoit, et, effrayée, frappe de ses mains sa poitrine nue. |
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Elle saute dans le vide sur la ville née d'un dragon avec son escorte de nuées, et en arrache ses deux enfants. Pour assurer leur fuite, un bélier, tout resplendissant d'or, leur est envoyé, qui les emporte tous deux à travers le long détroit. Selon la légende, la jeune femme qui se tenait trop faiblement |
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à la corne gauche, tomba, donnant son nom à cette étendue d'eau. Son frère fut près de périr en même temps, en voulant la secourir, lui tendant désespérément les mains pendant qu'elle glissait. Il pleurait, croyant avoir perdu celle qui avait partagé deux fois ses périls ; il ignorait qu'elle s'était unie au dieu des eaux azurées. |
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Le rivage atteint, le Bélier devint une constellation ; mais sa toison d'or parvint au pays de Colchide. |
Équinoxe et hommages divers (3,877-884)
26 mars : équinoxe de printemps ;
30 mars : hommage rendu à Janus, à la Concorde, au Salut de Rome et à l'Autel de la Paix ;
31 mars: anniversaire de la dédicace du temple de la Lune.
Quand l'aurore surviendra, précédée trois fois par l'Étoile du matin, la durée de tes jours égalera celle de tes nuits. Quand quatre fois le berger aura enfermé ses chevreaux repus |
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et que quatre fois, l'herbe aura blanchi sous la fraîcheur de la rosée, alors il faudra adorer Janus, et avec lui, la douce Concorde, et le Salut de Rome et l'autel de la Paix. La Lune règne sur les mois : la durée de ce mois aussi prend fin avec le culte rendu à la Lune, au sommet de l'Aventin. |
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Notes (3,711-884) Scorpion (3,712). Sur la constellation du Scorpion, on verra Astronomie virtuelle ou Observational Astronomy ou Chevaliers du Zodiaque. Au 16 mars, il s'agit du lever vespéral du Scorpion. De cette constellation, il sera encore question en 4, 164, et en 5, 417.Bacchus (3,713). Le 17 mars, les Romains célébraient les Liberalia, en l'honneur de Liber, vieille divinité latine assimilée au dieu grec Dionysos-Bacchus et dont il a déjà été question plus haut à plusieurs reprises (1, 403 ; 3, 414 ; 3, 465 ; 3, 479 ; 3, 508-9 ; 3, 512).
Sémélè... (3,715-718). Jupiter, pour complaire à Sémèlè, se montra à elle dans toute sa puissance ; mais elle fut foudroyée par les éclairs qui entouraient son amant. Pour sauver le foetus qu'elle portait, le dieu l'arracha du sein de Sémélè et le cousit dans sa propre cuisse, où il demeura jusqu'à sa naissance. Voir 3, 503-504, où Ovide évoque la naissance extraordinaire du dieu, "né deux fois". Il sera aussi question de Sémélè en 6, 485-486, à propos des Matralia du 11 juin.
Sithoniens et Scythes... Indus (3,719-720). Peuples de Thrace et de la région du nord de la mer Noire, par où la légende fait passer Bacchus lors de son expédition mi-guerrière, mi-divine en vue de conquérir l'Inde (cfr 3, 465).
victime malheureuse de ta mère thébaine (3,721). Il s'agit de Penthée, roi de Thèbes, qui fut mis en pièces par sa mère Agavé et par les Bacchantes parce qu'il avait interdit le culte de Dionysos. (Cfr la tragédie d'Euripide, Les Bacchantes ; et Ovide, Métamorphoses, 3, 511ss).
Lycurgue (3,722). Roi des Édoniens (nord-est de la Macédoine), frappé de folie au point de tuer son épouse et son fils, parce qu'il avait mal accueilli Dionysos enfant dans son pays.
le prodige des marins tyrrhéniens (3,723-724). Allusion à un autre exploit de Dionysos qui, capturé en mer Égée par des pirates tyrrhéniens, avait transformé ses ravisseurs en dauphins. Cfr Ovide, Métamorphoses, 3, 597-707.
galettes (3,726). Le mot latin libum (liba au pluriel) désigne une sorte de gâteau, généralement offert en sacrifice (cfr 1, 670 ; 2, 644, etc.).
Avant ta naissance, Liber... (3,727-732). Cette attribution à Dionysos "des prémices, galettes, libations et sacrifices sanglants n'est pas compatible avec les données de la tradition romaine" (R. Schilling).
foyers glacés (3,728). "On ne brûlait pas d'offrande sur les foyers sacrificiels" (H. Le Bonniec).
cannelle et de l'encens (3,731). "L'encens ne semble pas intervenir aux origines dans le rituel romain [...]. En revanche, il est mentionné régulièrement en même temps que le vin dans les cérémonies" de rite grec (R. Schilling). L'offrande de vin par contre semble très ancienne à Rome.
chairs rôties du boeuf (3,732). En 1, 362-380, Ovide a expliqué autrement le sacrifice du boeuf.
libations (3,733). Nouvelles considérations étymologiques, un peu complexes. Le verbe latin libare signifie "faire une libation, offrir une libation" et, par extension, "prendre une part de quelque chose (solide ou liquide) pour l'offrir aux dieux" (A. Ernout, A. Meillet). Il est apparenté au grec leibô "je verse goutte à goutte ; je fais une libation". Le latin libamen (pluriel libamina), qui signifie "offrande aux dieux, libation, prémices", est un dérivé du verbe libare. Le mot libum ("gâteau de sacrifice offert aux dieux", puis, dans la langue commune, "gâteau en général"), qui apparaît régulièrement dans les Fastes, est bien rattaché à libare par les anciens (par Ovide ici, et par Varron, De la langue latine, 5, 106), mais son étymologie n'est pas claire aux yeux des modernes. Quant à Liber, son nom n'a rien de commun avec libare et libum, mais reste compliqué à expliquer. D'après M. Benveniste, il serait formé sur une racine indo-européenne *leudh-.
miel invention de Bacchus (3,735). C'est l'anecdote étiologique qu'Ovide va développer dans les vers suivants.
satyres (3,737). Compagnons de Bacchus, qui avaient des pieds, des oreilles et une queue de chèvre. Cfr 1, 397 ; 3, 409.
Hèbre (3,737). Le plus grand des fleuves de Thrace (aujourd'hui Maritza).
Rhodope (3,739). Massif montagneux du sud-ouest de la Thrace.
Pangée (3,739). Massif montagneux du sud-est de la Macédoine, réputé pour ses roses (Pline, Histoire naturelle, 21, 17). Le Pangée, le Rhodope et l'Hèbre sont cités ensemble chez Virgile, Géorgiques, 4, 461-463.
guidés par ces tintements (3,741). Si l'on en croit Pline (Histoire naturelle, 11, 68), les abeilles "aiment le bruit des battements de mains, le tintement du bronze et se rassemblent à ce signal" (Trad. A. Ernout). Cfr Virgile, Géorgiques, 4, 64, où, pour attirer les abeilles, il est conseillé "de faire retentir l'airain et d'agiter les cymbales de la Grande Mère".
découvre le miel (3,744). Le miel a joué dans l'alimentation des anciens un rôle comparable à celui du sucre dans la nôtre, d'où la grande importance de l'apiculture dans le monde gréco-romain. À l'âge d'or, il suintait des feuilles des chênes (par exemple Virgile, Bucoliques, 4, 30). Après l'âge d'or, les abeilles ont pris le relais. Ovide semble bien le seul à attribuer à Liber-Bacchus la découverte du miel.
Silène (3,745). Les silènes sont des satyres devenus vieux. Silène (nom propre) passe pour un vieillard ayant élevé Dionysos. Il est souvent représenté sur un âne. Pour d'autres mésaventures où intervient indirectement Silène, voir 1, 399-440 et 6, 324 et 340.
père Liber (3,761). Le mot latin Pater (Père) est un terme de respect du fidèle pour son dieu. Il n'implique pas la notion de paternité. Cfr 3, 775.
choeurs de femmes (3,764). Les Bacchantes qui accompagnaient Bacchus lors de processions. Cfr 3, 721 ; 4, 458 ; 6, 507.
thyrse (3,764). Le thyrse, un bâton couronné de feuilles de lierre ou de vigne, était un des attributs de Bacchus.
nymphes de Nysa... marâtre (3,769-770). La marâtre est Junon-Héra, qui recherchait pour le faire périr, le petit Dionysos, que Zeus-Jupiter avait eu de Sémélè (note à 3, 503 ; 6, 485-488). Après la naissance de l'enfant, Ino, soeur de Sémélè, le recueillit et le confia aux Nymphes de Nysa, nom mythique dont la localisation est incertaine.
toge virile (3,771). Toge de laine blanche du citoyen, par opposition à la toge prétexte, bordée d'une bande de pourpre, portée par les enfants, jusqu'à l'âge de 14-16 ans. Cette prise de toge se faisait généralement aux Liberalia, d'où la question que pose Ovide. Suivront plusieurs explications, dans lesquelles le lecteur pourra faire son choix.
sembles toujours un enfant (3,773). "Le dieu est en effet généralement représenté sous les traits d'un adolescent" (H. Le Bonniec). Cfr Ovide, Mét., 4, 17-18 : "ô Liber, ta jeunesse est indestructible, toi éternel enfant, toi qui es regardé comme le plus beau dans les hauteurs célestes".
un père toi-même (3, 775). On attribuait parfois au dieu le titre de Liber Pater (cfr 3, 761).
tu es Liber... (3,777-778). Jeu sur l'identité entre le nom du dieu (Liber) et l'adjectif latin liber, qui veut dire "libre".
au temps où les anciens... (3,779-780). Pour une autre évocation de la simplicité de la vie antique, cfr 1, 197-208.
un consul quittait sa charrue (3,781). Allusion à Cincinnatus, qui labourait son champ quand on vint le chercher pour être dictateur (Tite-Live, 3, 26, 8ss). Les faisceaux, portés par les licteurs qui accompagnaient les magistrats supérieurs, étaient le signe extérieur de leur pouvoir.
c'était pour honorer les dieux (3,784). Les jeux, à l'origine, avaient un caractère religieux. Ovide en est conscient ; il est conscient aussi du fait qu'à son époque, on allait assister aux jeux pour se distraire.
l'inventeur de la vigne (3,785). C'est bien sûr Liber, identifié à Bacchus-Dionysos. À l'origine toutefois, c'est-à-dire avant son "interprétation grecque", Liber était une divinité italique qui formait couple avec Libera. D'après les données en notre possession, Liber et Libera avaient "une juridiction assez générale sur la fécondité" (G. Dumézil) agraire, mais aussi humaine. En ce qui concerne Liber, il semblerait bien qu'une des raisons de son identification à Dionysos ait été le fait qu'il patronnait, entre autres, la croissance du raisin.
la déesse porteuse de torche (3,786). Liber et Libera formaient une triade avec Cérès, une autre divinité italique de la croissance, identifiée elle avec la Démèter grecque. Elle est dite ici "porteuse de torche", parce que la torche est un de ses attributs, et sa présence dans la liturgie (cfr 4, 493-494) "rappelle l'utilisation des torches pendant les mystères nocturnes d'Éleusis" (R. Schilling). La triade Cérès, Liber et Libera disposait d'un temple, voué en 496 a.C. et situé près du Grand Cirque. Les Liberalia du 17 mars, pour en revenir à eux, n'étaient pas consacrés à la triade, mais à Liber et Libera. Ils ne comportaient pas de jeux. Les jeux évoqués ici par Ovide sont ceux qui se déroulent du 12 au 19 avril à l'occasion des Cerealia (19 avril) où était à l'honneur la triade Cérès-Liber-Libera.
Argées (3,793). Les 16 et 17 mars avait lieu une procession aux 27 chapelles où reposaient les Argées ou mannequins d'osier. Il en sera plus longuement question lorsque Ovide décrira la cérémonie du 14 mai (5, 621-662).
constellation du Milan (3,793). La constellation du Milan, dont le lever est signalé ici, n'est pas identifiée. Quant au catastérisme de cet oiseau, Ovide est le seul auteur ancien à le raconter.
Ourse, fille de Lycaon (3,793). Sur la constellation de l'Ourse, cfr notamment 3, 107-108 et la note. Sur Callisto (l'Ourse), fille de Lycaon, cfr note à 2, 156, et 2, 173. Voir aussi sur le Bouvier ou Arctophylax : 3, 405 ; 5, 733 ; 6, 235-6.
Saturne (3,796). Cronos-Saturne, le plus jeune des fils d'Ouranos (le Ciel) et de Gaia (la Terre) ; sur son éviction de l'Olympe par Zeus-Jupiter, voir 1, 235-238.
Titans (3,797). Fils d'Ouranos et de Gaia et donc frères de Saturne, les Titans lui devaient leur aide.
Parques (3,801). Divinités romaines, assimilées aux Moires grecques, incarnant le Destin.
Styx (3,801). Le fleuve des Enfers, cfr 3, 322.
Briarée (3,805). Monstre à cent mains (= Hécatonchires), partisan de Zeus dans sa lutte contre les Titans chez Homère et Hésiode. Mais, dans d'autres versions (dont Virgile, Énéide, 10, 565 et Ovide ici), il est plutôt présenté comme un ennemi de Zeus. La même transformation s'est faite pour Gygès (appelé aussi Gyès ou Gyas), un autre des Hécatonchires (cfr 4, 593).
fêtes de Minerve (3,809-814). Le 19 mars, c'est le début du Quinquatrus, un groupe de cinq jours où Minerve est à l'honneur. Le premier jour, on ne peut verser le sang, mais les 4 suivants ont lieu des combats de gladiateurs. Une fois de plus Ovide souligne les liens entre Mars et Minerve (cfr 3, 5-8 ; 3, 176 ; 3, 681-685). Voir aussi 6, 649 ss.
naissance de Minerve (3,812). Pallas-Athéna, interprétation grecque de Minerve, était sortie tout armée du crâne de Jupiter. L'anniversaire évoqué ici à la date du 19 mars n'est évidemment pas celui de la naissance de la déesse, mais celui de la dédicace du temple qu'elle possédait sur l'Aventin et qui devint en 207 a.C. le local de la corporation des scribes et des comédiens. En 6, 728, à la date du 19 juin, Ovide semble évoquer un culte à Pallas sur l'Aventin. S'agirait-il d'une duplication de l'anniversaire du temple? La chose n'est pas claire. Quoi qu'il en soit, un autre temple, à Minerva Capta celui-là, se dressait au pied de la colline du Célius (3, 835-844).
l'arène plane (3, 813). Pendant les quatre derniers jours, on donnait des combats de gladiateurs.
Pallas (3,815ss). Minerve, étant la patronne des écoliers et des artisans, un certain nombre de métiers sont évoqués dans les vers suivants : fileuses, tisseuses, foulons, teinturiers, cordonniers, charpentiers, médecins, maîtres d'école, ciseleurs, peintres, sculpteurs...
Tychius (3,824). Sellier et cordonnier, Tychius, de Hylè en Béotie, avait fabriqué le bouclier d'Ajax, couvert de sept peaux de boeuf (Homère, Iliade, 7, 219-221).
Épéus (3,825). Fils de Panopée, Épéus (Epeios, Epeius) fut celui, qui avec l'aide d'Athéna, construisit le cheval de Troie (Homère, Odyssée, 8, 493 ; Iliade, 23, 665). Il passe pour le plus habile des charpentiers.
chassez les maladies (3,827-828). Les médecins honoraient Minerva Medica, qui avait un temple sur l'Esquilin. Apollon (= Phébus) transmit à son fils Asclépios-Esculape le pouvoir de guérir les maladies.
maîtres d'école (3,829). "Aux Quinquatries, les écoliers bénéficiaient de quelques jours de congé et les maîtres d'école recevaient une gratification spéciale, le Minerval" (R. Schilling).
à l'encaustique (3,831). C'est-à-dire "avec des couleurs mélangées à de la cire et appliquées à chaud" (H. Le Bonniec).
dans mes efforts (3,834). "Les poètes faisaient partie des scribae qui se réunissaient au temple de Minerve sur l'Aventin" (R. Schilling). Cfr n. à 3, 812. En fait, elle protégeait tous ceux qui faisaient profession d'écrire.
Minerve Captive... Falisques (3,842-847). Parmi les explications plutôt fantaisistes signalées ici, une seule est valable : Minerva Capta, dotée d'un sanctuaire sur le mont Célius, doit son nom au fait qu'elle était arrivée à Rome en prisonnière (capta), lorsque les Romains en 241 a.C. eurent conquis Faléries (actuelle Civita Castellana), la cité des Falisques où Minerve jouissait d'un culte important.
antique inscription... (3,844-846). Nous n'avons aucune information sur cette "antique inscription", pas plus d'ailleurs que sur la "loi du sanctuaire" punissant les voleurs de la peine capitale.
purifier les trompettes (3,849). Le 23 mars avait lieu le Tubilustrium, c'est-à-dire une cérémonie de purification des trompettes militaires, sur les détails de laquelle nous ne sommes pas bien renseignés. Une autre cérémonie de purification des trompettes (Tubilustria) était célébrée deux mois plus tard, le 23 mai, et liée à Vulcain (cfr 5, 725-726).
vaillante déesse (3,850). On ne sait pas avec certitude ce qui se cache derrière cette expression de fortis dea. On pense qu'il pourrait s'agir de Nerio, une vieille divinité italique, qui à l'origine personnifiait l'énergie de Mars et dont la figure au fil des temps était devenue si pâle qu'elle aurait pu se confondre avec Minerve. Ici Ovide préfère apparemment recourir à une périphrase pour la désigner.
dire au soleil (3,851). Le 22 mars, le soleil est censé sortir du signe des Poissons, pour entrer dans celui du Bélier. Sur cette constellation, cfr Chevaliers du Zodiaque ou Astronomie virtuelle ou Observational Astronomy. Ovide explique le catastérisme de cette constellation, en évoquant la légende de Phrixos.
bélier de Phrixos (3,852). Athamas, le roi de Thèbes, et Néphélé avaient deux enfants, Phrixos et Hellé. Épouse en secondes noces d'Athamas, Ino, par hostilité à l'égard de ses beaux-enfants, provoqua une famine ; un messager, corrompu par Ino, consulta l'oracle de Delphes et prétendit que seule la mort de Phrixos et Hellé apaiserait le dieu. Les jeunes gens, prêts à être immolés, sont sauvés miraculeusement in extremis par leur mère, et emportés dans les airs à travers le détroit par un bélier à la toison d'or. Au cours du voyage, Hellé se noya, donnant son nom à l'Hellespont, et devenant une épouse du dieu Poseidon (Neptune). Enfin, Phrixos arriva en Colchide, et le bélier, dont la célèbre toison fut offerte au roi de Colchide, fut métamorphosé en constellation. Hellé est également citée en 4, 715 et en 4, 903. Athamas et Ino sont pour leur part évoqués en 6, 485-490 et (pour l'épisode des semences grillées) en 6, 551-558.
trépied de la Pythie (3,855). La prophétesse d'Apollon à Delphes rendait ses oracles, assise sur un trépied.
tempes voilées (3,861). Comme les animaux qui sont conduits à l'autel pour être sacrifiés.
leur mère (3,863). En grec, Néphélè, nom de leur mère, signifie "Nuée".
frappe de ses mains (3,864). Manifestation rituelle de la douleur. Cfr 4, 453.
ville née d'un dragon (3,865). Il s'agit de Thèbes, dont Athamas est le roi. Les premiers habitants de la ville seraient nés des dents d'un dragon tué par Cadmos et semées en terre (cfr Ovide, Métamorphoses, 3, 1-130, principalement 95-110).
donnant son nom (3,870). Hellé donna son nom à l'Hellespont, qui signifie en grec "la mer d'Hellè" (actuellement les Dardanelles), entre la mer Égée et la Propontide (mer de Marmara).
dieu des eaux azurées (3,874). Poseidon (= Neptune) qui fit d'Hellé une de ses épouses.
Colchide (3,876). Région d'Asie mineure, sur la rive orientale du Pont Euxin (mer Noire). Ovide ne fait qu'une simple allusion à la suite de l'histoire, par ailleurs fort connue : le roi de Colchide, Aeétès, accueillit Phrixos, à qui il donna une de ses filles en mariage. Phrixos sacrifia à Zeus le Bélier, qui devint une constellation, mais il offrit sa toison d'or au roi, qui la cloua à un chêne dans un bois consacré à Arès (Mars), où viendront la chercher Jason et les Argonautes.
Quand l'aurore... (3,877-878). Ovide situe l'équinoxe de printemps le 26 mars. D'autres auteurs anciens (Columelle et Pline) la datent du 25 mars. Elle est fixée aujourd'hui au 21 mars.
Quand quatre fois... (3,879). C'est-à-dire 4 jours après l'équinoxe, donc le 30 mars.
Janus, Concorde, Salut de Rome, Paix (3,881-882). Chaque année, le 30 mars, un culte était rendu à ces divinités. Selon Dion Cassius (54, 35, 2), Auguste avait fait ériger en 10 a.C. des statues en l'honneur de Concordia, de Salus et de Pax ; la liste d'Ovide comporte en plus Janus.
culte rendu à la Lune (3,883-884). Le 31 mars, anniversaire de la dédicace d'un temple à Luna, sur l'Aventin, temple qui remonterait à Servius Tullius (Tacite, Annales, 15, 41).
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