Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 5 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS
Flora : personnalité, légendes, domaine d'action (5,183-274)
Ovide demande à Flora des renseignements sur elle-même et sur les jeux célébrés en son honneur, fin avril et début mai. (5,183-192)
S'identifiant à Chloris, Flora se présente comme une nymphe de l'Ile des Bienheureux, dont la beauté séduisit Zéphyr ; celui-ci l'enleva, l'épousa et lui accorda la souveraineté sur les fleurs. Elle apparaît liée au printemps, à la beauté, à la vie, entourée des Heures et des Grâces. (5,193-222)
Après avoir mentionné la métamorphose en fleur de divers héros mythologiques (Hyacinthe, Narcisse, Crocus, Attis et Adonis), Flora entame un long récit d'où ressort son rôle dans la naissance du dieu Mars : Junon, dépitée de voir que Jupiter avait donné la vie à Minerve sans son concours à elle, voulut à son tour avoir un enfant sans père ; Flora secrètement l'aida en la touchant avec une fleur ; c'est ainsi que Junon fécondée parvint en Thrace où elle accoucha du dieu Mars. Celui-ci, en reconnaissance, accorda à Flora une place dans la ville de Romulus. (5,223-260)
Enfin, Flora rappelle son rôle dans la production des fruits de la terre, qui dépend de la floraison au printemps. (5,261-274)
|
"Mère des fleurs, viens, toi que doivent célébrer des jeux plaisants. Le mois précédent, j'avais différé de traiter de ta fête. |
5, 185 |
Elle commence en avril, et se prolonge en mai : Tu occupes deux mois, la fin de l'un, le début de l'autre. Puisque les confins de ces mois sont tiens et te reviennent, l'un autant que l'autre convient pour chanter tes louanges. C'est en mai que tombent les jeux du cirque et que la palme s'acclame au théâtre ; |
5, 190 |
puisse mon poème aussi aller de pair avec les spectacles du cirque. Apprends-moi qui tu es : l'avis des humains est trompeur ; tu seras le meilleur garant pour expliquer ton propre nom."
Telle fut ma demande ; voici la réponse de la déesse à mes requêtes (en parlant, sa bouche exhalait un frais parfum de roses) : |
5, 195 |
"J'étais
Chloris, moi qu'on appelle Flora ; une lettre grecque de mon nom a été altérée par la prononciation latine. J'étais Chloris, nymphe de ces champs heureux, où, dit-on, les Bienheureux vivaient jadis dans l'opulence. Décrire combien j'étais belle heurterait ma modestie ; |
5, 200 |
toutefois cette beauté valut à ma mère un gendre divin. C'était le printemps, j'errais : Zéphyr m'aperçut, je m'éloignai ; il me suivit, je m'enfuis : il fut le plus fort. D'ailleurs, ce rapt n'était-il pas entièrement justifié par son frère Borée, qui avait osé lui aussi enlever la fille d'Érechthée ? |
5, 205 |
Cependant Zéphyr, me donnant le titre d'épouse, a réparé son outrage et je n'émets aucune plainte à propos de mon mariage. Toujours le printemps me réjouit : toujours l'année est éclatante, toujours l'arbre est couvert de feuilles, la terre de verdure. Parmi les biens de ma dot, je possède un jardin fertile : |
5, 210 |
la brise le féconde, une source d'eau limpide l'arrose. Mon époux l'a abondamment empli de fleurs et a dit : 'À toi, Déesse, la souveraineté sur les fleurs'. Souvent j'ai voulu classer et compter leurs couleurs, sans pouvoir y parvenir : leur nombre était trop grand. |
5, 215 |
Dès que les feuilles ont secoué la rosée hivernale, dès que les rayons ont réchauffé les corolles multicolores, les Heures parées de leurs robes diaprées se rassemblent et cueillent mes présents dans leurs corbeilles légères. Aussitôt surviennent les Charites, qui tressent des couronnes |
5, 220 |
et des guirlandes pour en entrelacer les chevelures des divinités. La première, j'ai répandu de par le vaste monde des semences nouvelles : avant, la Terre n'avait qu'une seule couleur. Je fus la première à faire, du sang de l'enfant de Thérapné, une fleur dont la feuille porte encore la marque de sa plainte. |
5, 225 |
Toi aussi,
Narcisse, tu as ton nom dans les jardins bien cultivés, toi qui souffrais de n'être pas à la fois toi-même et ta propre image. Pourquoi rappeler Crocus, Attis et le fils de Cinyras ? de leurs blessures, j'ai fait jaillir de la beauté. Mars aussi, si tu l'ignores, fut mis au monde grâce à mon savoir-faire : |
5, 230 |
je t'en prie, que Jupiter continue, comme maintenant, à n'en rien savoir. Lorsque Minerve vint au monde sans mère, la vénérable Junon souffrit de ce que Jupiter n'ait pas eu besoin de son intervention. Elle alla se plaindre à Océan de la conduite de son mari ; épuisée par cet effort, elle s'arrêta près de ma porte. |
5, 235 |
Dès que je l'aperçus, je lui dis : "Fille de Saturne, quel vent t'amène ?". Elle m'explique où elle veut aller et pourquoi. Je cherchais à l'apaiser en lui parlant avec amitié. 'Ce ne sont pas des paroles qui peuvent soulager ma peine', dit-elle ; 'si Jupiter est devenu père, en négligeant de recourir à son épouse, |
5, 240 |
et possède à lui seul les noms de père et de mère, pourquoi moi devrais-je désespérer de devenir mère sans mari, et d'enfanter sans toucher un homme, en restant chaste ? J'essaierai toutes les drogues existant dans le vaste monde et je remuerai les mers et les gouffres du Tartare.' |
5, 245 |
Tandis qu'elle parlait, je montrais un visage dubitatif. 'Nymphe, il me semble que tu peux faire quelque chose', dit-elle. Trois fois je voulus promettre mon aide, trois fois je retins ma langue : la cause de ma crainte était la colère du grand Jupiter. 'Je t'en prie, accorde-moi ton aide', dit-elle, ton rôle restera caché, |
5, 250 |
et je le jurerai par la puissance divine de l'eau du
Styx.' Ce que tu demandes, dis-je, une fleur qui me vient des champs d'Olène te le donnera : elle est unique dans mes jardins. Celui qui me l'a donnée a dit : 'Avec elle, touche une génisse même stérile, elle sera mère ; je le fis, et instantanément, elle devint mère'. |
5, 255 |
Aussitôt, du pouce je cueillis la fleur qui résistait. J'en effleurai Junon, qui, le sein touché, devint féconde. Enceinte désormais, elle gagne la Thrace et la rive gauche de la Propontide ; son voeu s'était réalisé et Mars était né. Lui, qui s'est souvenu de me devoir sa naissance, a dit : |
5, 260 |
'Toi aussi,
tu auras ta place dans la ville de Romulus.'
Peut-être penses-tu que mon règne se borne aux tendres couronnes ? Ma puissance divine s'étend aussi aux champs. Si les champs ensemencés fleurissent bien, la moisson sera riche ; si la vigne fleurit bien, il y aura du vin ; |
5, 265 |
si les oliviers fleurissent bien, l'année sera très brillante, et la croissance des fruits dépend du temps de la floraison. Une fois que les fleurs sont abîmées, meurent les vesces et les fèves ; meurent aussi tes lentilles, ô Nil lointain. Les vins soigneusement abrités dans de grands celliers fleurissent aussi, |
5, 270 |
avec un nuage d'écume couvrant le haut des tonneaux. Le miel est mon présent : c'est moi qui convoque sur la violette, le cytise et le thym argenté les insectes qui donneront le miel. C'est aussi mon oeuvre lorsque, dans les années de jeunesse, les âmes sont pleines de fougue et les corps pleins de vigueur.)" |
Institution des jeux de Flora (5,275-330)
Interrogée sur l'origine des jeux de Flore (ludi Florales), la déesse explique que ces jeux populaires furent organisés avec une partie des amendes prélevées par les Publicii (des édiles de la plèbe) sur les particuliers qui exploitaient abusivement le bien public. (5,275-294)
Pour expliquer comment les jeux devinrent annuels, Flora fait un long détour sur le besoin d'hommages qu'éprouvent les dieux, illustrant son propos d'exemples tirés de la mythologie grecque (Méléagre, Agamemnon, Hippolyte) ; puis elle se souvient d'avoir elle-même cessé de jouer son rôle bienfaisant dans la nature, suite à la négligence des Sénateurs romains, qui décrétèrent finalement des jeux annuels en son honneur, s'ils obtenaient une abondante floraison. (5,295-330)
5, 275 |
Tandis qu'elle parlait, je l'admirais en silence ; alors elle dit : "Tu as le droit d'apprendre ce que tu désires savoir". "Déesse", répondis-je, "dis-moi l'origine des jeux." J'avais à peine posé ma question qu'elle me répondit : "Les autres instruments du luxe n'étant pas encore en vigueur, |
5, 280 |
était riche l'homme qui possédait du bétail ou de vastes terres (d'où les termes latins locuples et pecunia ; mais déjà chacun cherchait à s'enrichir illégalement. L'habitude s'était répandue de faire paître sur le domaine public ; ce fut longtemps toléré, sans entraîner aucune sanction. |
5, 285 |
Le peuple n'avait personne pour défendre ses droits sur le bien public ; et bientôt faire paître sur ses propres terres passa pour peu avisé. On porta les délits de ce genre devant les édiles de la plèbe, les Publicii ; avant cela, les gens avaient manqué de courage pour se défendre. Le peuple recouvra son bien, les coupables encoururent une amende. |
5, 290 |
Leur souci du bien public valut des éloges à ses défenseurs. On m'attribua une partie de l'amende, et avec l'approbation générale, les vainqueurs du procès instituèrent de nouveaux jeux. Une autre partie servit à aménager une pente sur un rocher escarpé ; c'est maintenant un passage pratique, le Clivus Publicius." |
J'avais cru que les spectacles avaient lieu chaque année ; elle me détrompa et compléta ainsi ce qu'elle avait dit : "Nous aussi les honneurs nous touchent ; nous aimons les fêtes et les autels ; nous, les habitants du ciel, nous formons un groupe fort exigeant. Souvent quelque faute a rendu les dieux hostiles, |
|
5, 300 |
et le coupable, pour expier son délit, a dû immoler une victime. Souvent j'ai vu Jupiter, prêt déjà à lancer sa foudre, retenir son geste suite à une offrande d'encens. Mais si on nous néglige, l'injure se paie par un lourd châtiment, et notre colère est sans juste mesure. |
5, 305 |
Vois le
descendant de Thestius : il périt consumé en l'absence de flammes, parce que l'autel de Phébé était resté dépourvu de feu. Vois le descendant de Tantale : ses voiles furent retenues par cette même déesse ; c'est une vierge, et pourtant par deux fois, elle se vengea pour le mépris de ses foyers. Malheureux Hippolyte, tu aurais voulu avoir honoré Dioné, |
5, 310 |
lorsque tu fus écartelé par tes chevaux égarés. La liste serait longue des châtiments infligés aux oublis faits aux dieux. Moi aussi, les Sénateurs romains m'ont négligée. Que faire ? Par quel moyen manifester ma douleur ? Quelle peine exiger pour compenser l'insulte subie ? |
5, 315 |
De tristesse, je négligeai mon rôle ; je cessai de veiller sur les campagnes et la fertilité des jardins n'avait plus d'intérêt pour moi ; les lis étaient tombés, on pouvait voir les violettes se flétrir et s'étioler les tiges du safran pourpré. |
5, 320 |
par ta propre faute' ; mais peu m'importait ma dot. Les oliviers étaient-ils en fleurs : des vents méchants les abîmaient ; les champs ensemencés fleurissaient-ils : la grêle saccageait la récolte ; la vigne donnait-elle des espoirs : les Austers assombrissaient le ciel et une averse subite la dépouillait de ses feuilles. |
5, 325 |
Je ne voulais pas ces calamités, et dans ma colère, je n'étais pas cruelle, mais je ne prenais pas la peine de les repousser. Les Sénateurs se réunissent et promettent, au cas où la floraison de l'année serait bonne, des jeux annuels à ma divinité. Je consentis à ce voeu : le consul Laenas et le consul Postumius |
5, 330 |
s'en acquittèrent, en organisant des jeux en mon honneur. |
Étiologie de certains rites liés aux Floralia (5,331-378)
Les Floralia sont des fêtes à caractère libertin, car la déesse Flora est liée aux plaisirs, comme en témoignent les couronnes de fleurs et les guirlandes qui agrémentent les fêtes, sans oublier le vin, qui en est un élément obligé. La fête est célébrée par les courtisanes, qui évoquent la jeunesse et les joies de la vie. Pour Ovide, Flora est une déesse qui invite à jouir de la vie et de la jeunesse. (5,331-354)
Flora explique encore quelques particularités de ses fêtes : les vêtements bigarrés rappellent les multiples coloris des fleurs ; la présence de flambeaux s'explique, entre autres, par le caractère plutôt licencieux des fêtes, qui s'accommodent bien de la nuit ; de même des chasses à des bêtes inoffensives sont mieux adaptées aux Floralia. (5,354-374)
Flora disparue, Ovide fait le voeu de voir fleurir son poème pour l'éternité. (5,375-378)
|
J'étais prêt à demander pourquoi, au cours de ces jeux, le libertinage était plus grand et les plaisanteries plus débridées ; mais il me vint à l'esprit que Flora n'est pas une divinité sévère et que les présents qu'elle offre sont liés aux plaisirs. |
5, 335 |
Tous les fronts sont ceints de couronnes tressées et une table somptueuse disparaît sous un tapis de roses. Ivre, un convive, les cheveux dans un bandeau en écorce de tilleul, danse sans retenue, puisant son inspiration dans le vin. Ivre, il chante devant le seuil cruel de sa belle amie ; |
5, 340 |
ses cheveux parfumés sont entrelacés de souples guirlandes. On ne fait rien de sérieux avec une couronne sur la tête, et les gens parés de guirlandes de fleurs ne boivent pas d'eau pure. Achélous, au temps où ton eau ne se mêlait pas au jus des grappes, on ne trouvait nul plaisir à cueillir des roses. |
5, 345 |
Bacchus aime les fleurs ; sa constellation nous apprend que Bacchus a aimé la couronne d'Ariane. Des scènes légères conviennent à Flora ; non, croyez-moi, elle n'est pas à ranger parmi les déesses en cothurne. Pourquoi est-ce la foule des courtisanes qui célèbrent ces jeux ? |
5, 350 |
La raison n'est pas bien difficile à fournir. Flora n'est pas de ces sombres déesses, aux discours grandiloquents, elle veut que sa fête soit accessible à des choeurs populaires et nous dit de jouir de la beauté de l'âge, quand il est en sa fleur, et de ne pas nous soucier des épines une fois les roses flétries. |
5, 355 |
Mais, alors qu'aux fêtes de Cérès, on revêt des
vêtements blancs, pourquoi Flora doit-elle être parée de toutes les couleurs ? Est-ce parce que la moisson blanchit quand les épis sont mûrs, tandis que les fleurs ne sont que couleur et éclat ? Elle approuva, et secouant sa chevelure, laissa tomber des fleurs |
5, 360 |
sur les tables, telles les roses que la coutume y répand. Il restait les flambeaux, dont je ne connaissais pas l'explication, mais la déesse m'arracha à mon ignorance en disant : "Les lumières ont paru convenir aux jours qui me sont consacrés : c'est que les champs sont illuminés de fleurs pourprées, |
5, 365 |
ou que la fleur et la flamme n'ont pas des couleurs passées mais un éclat qui attirent sur elles les regards, ou que nos plaisirs s'accommodent bien de la licence de la nuit : c'est la troisième explication qui est la vraie." "Il est encore un détail dont il me resterait à m'enquérir, |
5, 370 |
si c'était permis", dis-je ; elle dit à son tour : "C'est permis". "Pourquoi lors de tes jeux, enferme-t-on dans des filets non des lionnes de Libye, mais des chèvres inoffensives et des lièvres inquiets ? Elle répondit qu'elle régnait, non sur les forêts mais sur les jardins et sur les champs inaccessibles à des bêtes agressives." |
5, 375 |
Elle avait tout à fait fini et s'éloigna dans l'air léger, son parfum subsista : on put savoir ainsi qu'une déesse était passée. Pour que le poème de Naso fleurisse pour l'éternité, répands, je t'en prie, tes dons dans notre coeur ! |
Mère des fleurs... jeux (5,183-190). Flora (c'est, avec une autre déclinaison, le nom latin de la fleur flos) est une des nombreuses divinités romaines qui patronnent la production agricole. Le Calendrier épigraphique de Préneste la définit comme la déesse "qui préside à la floraison générale". Son rôle essentiel était en effet de protéger au moment de la floraison, moins les plantes d'agrément que les céréales et les autres plantes utiles, y compris les arbres. Elle bénéficiait des services d'un Flamine, le Flamen Floralis, mais sa fête au 28 avril (date anniversaire de son temple près du Grand Cirque) n'était pas intégrée dans le vieux calendrier liturgique romain. On organisait en son honneur des jeux, les ludi Florales, institués en 238 a.C., après consultation des Livres Sibyllins, "pour obtenir une heureuse issue de toute la floraison" (Pline, Histoire naturelle, 18, 286). Si leur durée a varié au cours de l'histoire, à l'époque d'Ovide, ils duraient du 28 avril au 3 mai ; ils consistaient en des jeux scéniques (les cinq premiers jours) et des jeux du cirque.
Le mois précédent (5,184). Cfr 4, 943-948.
au théâtre (5,189). Les jeux scéniques se déroulent en effet au théâtre. On en reparlera.
Chloris (5,195). La mythologie grecque connaît une Chloris, fille de Niobé et d'Amphion le Thébain. L'identification Chloris-Flora et le rapprochement phonétique des deux noms (le Ch initial transformé en un F) sont peut-être des inventions d'Ovide, tout comme la légende que le poète lui prête (une nymphe, épouse de Zéphyr).
Bienheureux (5,198). Allusion aux Îles Fortunées ou des Bienheureux, où vivaient sans soucis, dans une sorte d'âge d'or, des héros et des humains distingués par leur vertu (cfr par ex., Hésiode, Travaux et Jours, 170-173).
Zéphyr (5,201). C'est le Favonius des Latins, un vent d'ouest qui souffle au printemps (Horace, Odes, 1, 4, 1). Selon Hésiode (Théogonie, 378-380), Zéphyr est, comme les autres vents, né de l'union d'Astrée et Aurore.
Borée... fille d'Érecthée (5,203-204). Frère de Zéphyr, Borée personnifie le vent du nord. Il avait ravi Orithye, fille du roi d'Athènes Érecthée, alors qu'elle jouait sur les bords de l'Ilissos ; la jeune fille avait été emmenée en Thrace (par exemple Métamorphoses, 6, 675-701). C'est probablement sur le modèle de ce rapt, bien attesté dans la littérature, qu'Ovide a imaginé celui de Chloris-Flora. On songe aussi au rapt de Corè-Perséphone par Pluton-Hadès (voir 4, 417ss).
Heures (5,217). En 1, 125, les Heures étaient présentées comme gardiennes des portes de l'Olympe, une fonction finalement accessoire. Le tableau donné ici par Ovide correspond davantage, en partie au moins, à leur signalement habituel. En effet les Heures, au nombre de trois, filles de Zeus et de Thémis, sont des divinités de la nature, qui président au cycle de la végétation (on les trouve aussi comme divinités de l'ordre, assurant la maintien de la société). Elles cueillent des fleurs, les disposent en guirlandes (Hésiode, Travaux et Jours, 74-75), autour des cheveux de Pandore. À l'origine liées surtout au printemps, elles se diversifieront pour incarner les différentes saisons de l'année.
Charites (5,219). Associées souvent aux Heures, au nombre de trois comme elles, nées comme elles aussi de Zeus, les Charites, appelées les Grâces chez les Romains, personnifient la grâce et la beauté. "Ce sont elles qui répandent la joie dans la Nature et dans le coeur des hommes, et même dans celui des dieux" (P. Grimal, Dictionnaire, s.v. Charites). Chez Hésiode Travaux et Jours, 73-74, les Charites interviennent aux côté des Heures pour parer Pandore.
l'enfant de Thérapné... (5,223-224). Thérapné étant une cité voisine de Sparte, l'expression désigne Hyacinthe, le beau jeune homme dont s'éprit Apollon et qu'il tua involontairement, au lancement du disque. Ovide raconte longuement l'histoire dans ses Métamorphoses (10, 163-219). En voici un passage : "Tandis que le dieu [Apollon] parle encore, le sang qui rougit l'herbe n'est plus du sang. C'est une fleur plus brillante que la pourpre de Tyr ; elle offre du lis et la forme et l'éclat. Mais le lis est argenté, et l'hyacinthe en diffère par la couleur. Apollon (car il fut l'auteur de cette métamorphose) trace lui-même sur l'hyacinthe le cri de ses regrets, et ces lettres Aï, Aï, sont gravées sur cette fleur." (Métamorphoses, 10, 209-216). Dans ce passage des Fastes, Ovide laisse entendre que la métamorphose est due à l'intervention de Flora.
Narcisse (5,225-226). Fils du dieu du fleuve Céphise et d'une nymphe, le beau Narcisse, indifférent à l'amour qu'il inspirait à de nombreuses nymphes et notamment à Écho, s'éprit un jour de sa propre image reflétée dans l'eau d'une source, et se contempla lui-même au point de dépérir sur place ; en cet endroit poussa une fleur, qui porta son nom. Voir Métamorphoses, 3, 339-355.
Crocus (5,227). Des amours malheureuses entre Crocus et la nymphe Smilax aboutirent à la métamorphose en fleurs des amants (allusion en Métamorphoses, 4, 283-284 ; Pline, Histoiire naturelle, 16, 154). Selon une variante, vraisemblablement inspirée de la légende d'Hyacinthe, Crocus mourut, blessé par son compagnon Hermès, au cours d'un jeu de lancement du disque. De son sang serait né le crocus.
Attis (5,227). C'est le parèdre de Cybèle (voir son histoire en 4, 223-244). Ovide évoque ici la transformation d'Attis en fleur, sans préciser qu'il s'agit de la violette (Arnobe, Contre les Nations, 5,7) et sans se préoccuper de la variante signalant la transformation d'Attis en pin qu'il adopte dans Métamorphoses, 10, 104.
fils de Cinyras (5,227). Il s'agit d'Adonis, fils incestueux de Cinyras et de sa fille Myrrha (ou Smyrna). Myrrha, enceinte et poursuivie par son père furieux d'avoir été abusé, avait été transformée en arbre (arbre à myrrhe). Dix mois plus tard, l'écorce de l'arbre se souleva et naquit Adonis, un enfant très beau, dont s'éprit Aphrodite. Perséphone aussi s'éprit de lui, d'où survint un différend entre les déesses. Zeus le trancha en décidant qu'Adonis vivrait partiellement dans le royaume de Perséphone, et partiellement sur terre, en compagnie d'Aphrodite, un mythe lié à l'évidence au cycle de la végétation. Certaines légendes lient des fleurs au sang d'Adonis : devenu l'amant d'Aphrodite, Adonis fut tué au cours d'une chasse par un sanglier envoyé par Arès jaloux ; Aphrodite versa des larmes qui se mêlèrent au sang d'Adonis, et d'où jaillirent des roses et des anémones. Entre autres références, voir Métamorphoses, 10, 298-518, pour les amours Myrrha - Cyniras et la naissance d'Adonis ; ibidem, 10, 519-559, pour Vénus et Adonis ; ibidem, 10, 708-739, pour la mort d'Adonis, et la métamorphose en roses et anémones de son sang et des larmes de Vénus.
Mars (5,229-260). Le récit qui va suivre ne se rencontre que dans ce passage. Il attribue à Junon seule, aidée par Flora, la naissance du dieu Mars, dont la tradition mythologique fait un fils de Zeus et d'Héra. Ovide s'est peut-être inspiré du récit d'Hésiode, Théogonie, 927-929, selon qui Héra enfanta Héphaïstos sans le concours d'un époux. De toute façon, "le folklore connaît de nombreux exemples de conception par l'action de fleurs ou de fruits" (H. Le Bonniec, d'après M. Eliade).
Minerve (5,231). Selon la version la plus ancienne (Hésiode, Théogonie, 886-890 ; 924-925 ; mais aussi Homère, Iliade, 5, 880 et Hymne homérique à Athéna, 1, 7), Athéna jaillit de la tête de Zeus qui avait avalé son épouse enceinte Métis. Dans la suite de la tradition, la naissance sera "facilitée", si l'on peut dire, par des interventions extérieures. Pindare (Olympiques, 7, 35) raconte ainsi que : "grâce à l'art d'Héphaïstos, d'un coup frappé par la hache de bronze, Athéna jaillit du front de son père en poussant un cri formidable" (trad. A. Puech).
Océan (5,233). Sur Océan, voir 5, 21 et 5, 81. Un passage des Métamorphoses (2, 510) le montre entouré du respect des autres dieux. Peut-être Héra va-t-elle le trouver parce que c'était un vieux sage. De toute manière, Océan, frère aîné de Cronos (Hésiode, Théogonie, 133), était l'oncle d'Héra-Junon.
Styx (5,250). Voir 2, 536, et surtout, pour le serment par le Styx, 3, 322.
Olène (5,251). Il s'agit peut-être d'une ville d'Achaïe, où, selon Strabon (8, 386) se trouvait un temple renommé d'Esculape. Pour une autre ville du même nom, mais en Étolie, cfr la note à 5, 113.
Thrace... Propontide (5,257). La Thrace passe pour la terre natale d'Arès ; elle borde la côte de la Propontide (actuellement mer de Marmara).
Tu auras ta place (5,260). Ovide semble donc expliquer la place prise par Flora dans la religion romaine par le rôle qu'elle a joué dans la conception de Mars, père du fondateur de Rome.
Peut-être penses-tu (5,261). Comme il a été dit plus haut (note à 5, 183), le rôle essentiel de Flora était en effet de protéger, au moment de la floraison, moins les fleurs que les céréales et les autres plantes utiles, y compris les arbres.
Nil lointain (5,268). L'Égypte, désignée ici par le Nil, était connue pour ses cultures de lentilles, qu'elle exportait vers Rome (Virgile, Géorgiques, 1, 228).
fleurissent aussi (5,269). "Aujourd'hui aussi on appelle 'fleurs de vin' les mycodermes qui sont les agents de la fermentation du vin" (R. Schilling). Avec cet exemple, Ovide étend le champ d'action de Flora.
années de jeunesse (5,273). Nous avons conservé en français l'expression "être à la fleur de la jeunesse", qui est une reprise moderne d'une image ancienne (R. Schilling, citant Virgile, Énéide, 7, 162). Ici encore, extension du champ d'action de Flora.
d'où les termes latins… (5,281). Le mot locuples (= "riche") signifie étymologiquement "riche en terres" et le mot pecunia (= "l'argent, la richesse") est formé sur pecus, qui veut dire "le bétail". On peut donc en conclure qu'à l'origine, la richesse consistait en biens fonciers et en bétail.
sur le domaine public (5,283). L'ager publicus (= "le domaine public"), ce sont les terres appartenant à l'État. Pour faire paître leurs troupeaux sur ces terres, les propriétaires "auraient dû acquitter un droit au trésor public ; ils s'en dispensaient volontiers" (H. Le Bonniec).
Publicii (5,288). Il s'agit de deux frères, Manlius Publicius Malleolus et Lucius Publicius Malleolus, qui furent ensemble édiles de la plèbe, probablement en 241 a.C. et qui firent poursuivre les contrevenants. (Voir Betty Rose Nagle, Ovid's Fasti, p. 205, n. 10). Le peuple retrouva alors la jouissance de l'ager publicus.
nouveaux jeux (5,292). La création des ludi Florales ou Floralia eut lieu en 238 a.C. (Pline, N.H., 18, 286), mais à cette époque les jeux n'étaient pas encore annuels (cfr la suite, 5, 295-330). En 238 a.C. également, les deux édiles Manlius et Lucius Publicius élevèrent un sanctuaire à Flora près du Grand Cirque (Tacite, Annales, 2, 49).
Clivus Publicius (5,294). Les mêmes édiles firent aménager aux frais de l'état, à la même époque en 238 a.C. un passage portant leur nom qui conduisait du Forum Boarium à l'Aventin. (Varron, L.L., 5, 158 ; Festus, p. 276 L.).
descendant de Thestius (5,305). Il s'agit de Méléagre, petit-fils de Thestius par sa mère Althée. "À sa naissance, les Parques prédirent à celle-ci que son fils vivrait aussi longtemps que durerait un tison dans le foyer. La mère retira aussitôt le tison du feu pour le préserver. Quand Méléagre fut grand, il participa à la chasse du sanglier sur les terres de Calydon ; cette bête monstrueuse avait été suscitée par Artémis (Phébé), laquelle voulait punir Oenée, le père du héros, qui s'était rendu coupable de négligence envers la déesse. Au cours de cette chasse, Méléagre se prit de querelle avec ses oncles maternels qu'il tua ; sous l'empire de la douleur, Althée rejeta le tison au feu ; aussitôt, bien qu'éloigné des flammes, le héros succomba à un feu intérieur. Cette histoire qui a sa source chez Homère (Iliade, 9, 527-528) a été reprise longuement avec des modifications par Ovide (Métamorphoses, 8, 260-546)." (R. Schilling).
descendant de Tantale (5,307-308). Il s'agit d'Agamemnon, fils d'Atrée, petit-fils de Pélops et arrière-petit-fils de Tantale. Au moment de l'expédition des Grecs contre Troie, la flotte dirigée par Agamemnon fut retenue à Aulis, par Artémis qui se vengeait ainsi d'Agamemnon ; celui-ci s'étant vanté d'avoir tué une biche ou un cerf dans un bois consacré à la déesse, elle ne se laissa fléchir que par le sacrifice d'Iphigénie.
Hippolyte... Dioné (5,309-310). Le fils de Thésée, Hippolyte, s'était voué à la chasteté, préférant se consacrer à Artémis (Diane) plutôt qu'à Aphrodite (appelée ici Dioné). Cette dernière, pour se venger, avait inspiré à Phèdre, la belle-mère d'Hippolyte,une passion que le héros refusa de partager. Phèdre l'accusa injustement auprès de son époux Thésée, qui maudit son fils, provoquant ainsi la mort d'Hippolyte sur le rivage de Trézène. Voir 6, 737ss. ainsi que la tragédie d'Euripide, Hippolyte, et Ovide, Métamorphoses, 15, 479-530.
Moi aussi (5,312). Le Calendrier épigraphique de Préneste, à la date du 28 avril, explique qu'on éleva le sanctuaire à Flora propter sterilitatem frugum " parce que les récoltes étaient frappées de stérilité". Dans les vers qui suivent, Ovide va broder sur ce thème.
Austers (5,323). Vents du sud, pouvant être porteurs de pluies et destructeurs.
Laenas et Postumius (5,329). Les deux consuls de 173 a.C., qui, selon Ovide (le seul à fournir cette information) rendirent annuels les jeux des Floralia.
libertinage (5,332). Une grande liberté régnait aux Floralia ; des courtisanes notamment intervenaient activement dans les jeux (cfr 5, 349), dont le caractère dissolu suscita l'opposition farouche des Pères de l'Église (Arnobe, Contre les Nations, 7, 33 ; Lactance, Institutions divines, 1, 20, 10 ; Augustin, Cité de Dieu, 2, 27). Cette liberté, voire cette licence "atteste à Rome les liens naturels de la fécondité et du plaisir, de la floraison de la nature et de la volupté des hommes, provinces que d'autres sociétés indo-européennes réunissent aussi au sein de la troisième fonction" (G. Dumézil, Religion romaine archaïque, 1974, p. 281).
seuil cruel (5,339). C'est le thème du paraklausithuron dont il a déjà été question en 4, 109-110.
Achélous (5,343-344). Un fleuve de Grèce, dont le nom sert parfois par métonymie à désigner l'eau. À Rome, dans les banquets, on ne buvait pas de vin sans le couper d'eau, et les convives se couronnaient de fleurs (Horace, Odes, 2, 11, 14-15 et 19-20).
couronne d'Ariane (5,346). Voir 3, 459 et note ; 3, 513-516 et note. Ici, la Couronne d'Ariane est faite de fleurs et non de pierres précieuses, transformées en étoiles.
déesses en cothurne (5,348). Flora n'est pas une déesse intervenant dans le théâtre tragique, symbolisé ici par le cothurne, chaussure spécifique de l'acteur tragique.
courtisanes (5,349). Cfr 5, 332 et la note, où il a été question de la licence qui régnait aux Floralia. Les actrices étaient des courtisanes qui se dénudaient à la demande de l'assistance. Une anecdote rapportée par Valère-Maxime (2, 10, 8) est célèbre : "lors de la célébration des Floralia […] en 55 avant J.-C., le peuple n'osant pas demander, en présence de Caton d'Utique, aux actrices du mime de se dénuder, celui-ci sortit du théâtre pour ne pas contrarier par sa présence le déroulement traditionnel du spectacle" (R. Schilling).
vêtements blancs (5,355). Voir 4, 619 et note. Le vêtement blanc, "symbole de pureté rituelle et d'allégresse" (H. Le Bonniec), est en général une tenue de fête, mais la blancheur rituelle est particulièrement de mise pour les fêtes de Cérès.
flambeaux (5,361). Les festivités se déroulaient ou se prolongeaient de nuit, à la lumière des torches. Comme l'écrit Ovide (5, 367), "nos plaisirs s'accommodent bien de la licence de la nuit".
filets (5,371). Martial (8, 67, 4) mentionne lui aussi les "bêtes que l'on chasse aux Floralia". Il s'agissait non pas de bêtes féroces (comme les lionnes de Libye), mais de chèvres ou de lièvres. "La venatio de ces animaux prolifiques était peut-être un rite destiné à promouvoir la fertilité du sol" (H. Le Bonniec).
son parfum (5,376). "Telle Vénus, laissant une odeur d'ambroisie après son apparition à Énée (Virgile, Énéide, 1, 403), Flora disparaît en répandant un parfum de fleurs" (R. Schilling).
Naso (5,377). C'est le surnom d'Ovide : Publius Ovidius Naso.
Traductions françaises - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 5 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante