Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant IV (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE IV
LE ROMAN D'ÉNÉE ET DE DIDON
Passion irrésistible (4, 1-172)
Didon s'abandonne à la passion (4, 1-89)
Didon révèle à sa soeur Anne son amour pour Énée, tout en affirmant son désir de rester fidèle au souvenir de Sichée, son premier époux (4, 1-30).
Anne l'encourage à céder à cet amour pour un hôte envoyé par les dieux, et ce dans l'intérêt de Carthage et pour sa propre gloire ; elle finit par triompher des dernières réticences de Didon (4, 31-55).
Didon par des rites et des sacrifices cherche à rendre les dieux favorables à son projet, sans réussir à apaiser la passion douloureuse qui l'obsède secrètement. Négligeant toutes ses activités, elle cherche à convaincre Énée de s'installer définitivement à Carthage (4, 56-89).
At regina graui iamdudum saucia cura uolnus alit uenis, et caeco carpitur igni. Multa uiri uirtus animo, multusque recursat gentis honos : haerent infixi pectore uoltus |
Cependant la reine, depuis longtemps déjà blessée par un lourd souci, nourrit sa blessure en ses veines, se consume d'un feu secret. Sans cesse la valeur insigne du héros, l'immense prestige de sa race hantent son esprit : ses traits et ses paroles restent fixés en son coeur, |
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uerbaque, nec placidam membris dat cura quietem. Postera Phoebea lustrabat lampade terras, umentemque Aurora polo dimouerat umbram, cum sic unanimam adloquitur male sana sororem : « Anna soror, quae me suspensam insomnia terrent ! |
et ce tourment ne permet point à ses membres la douceur du repos. L'Aurore suivante, portant le flambeau de Phébus, balayait la terre ; à peine avait-elle chassé du ciel l'obscure humidité, que Didon, l'esprit égaré, s'adresse à sa soeur, son intime confidente : « Anne, ma soeur, des songes terrifiants me laissent perplexe ! |
4, 5 |
Quis nouus hic nostris successit sedibus hospes, quem sese ore ferens, quam forti pectore et armis ! Credo equidem, nec uana fides, genus esse deorum. Degeneres animos timor arguit : heu, quibus ille iactatus fatis ! Quae bella exhausta canebat ! |
Quel hôte vient d'entrer dans notre demeure ! Quelle noblesse il porte sur son visage, quel coeur vaillant et quels faits d'armes ! Il est de la race des dieux, je le crois vraiment, sans me tromper ! La crainte dévoile les âmes viles : lui, hélàs, par quels destins fut-il malmené ! Et quelles guerres épuisantes il chantait ! |
4, 10 |
Si mihi non animo fixum immotumque sederet, ne cui me uinclo uellem sociare iugali, postquam primus amor deceptam morte fefellit ; si non pertaesum thalami taedaeque fuisset, huic uni forsan potui succumbere culpae. |
Si mon coeur n'avait pris la décision ferme et irrévocable de ne m'unir à personne dans les liens du mariage, depuis que la mort m'a trahie, me privant de mon premier amour, si je n'avais pris en horreur la couche et les torches nuptiales, pour lui seul peut-être aurais-je pu succomber à cette faute. |
4, 15 |
Anna, fatebor enim, miseri post fata Sychaei coniugis et sparsos fraterna caede Penatis, solus hic inflexit sensus, animumque labantem impulit : adgnosco ueteris uestigia flammae. Sed mihi uel tellus optem prius ima dehiscat, |
Oui, Anne, je l'avoue, depuis la mort de mon pauvre époux, Sychée, depuis que le crime de mon frère a ensanglanté nos pénates, lui seul a ému mes sens et ranimé mon esprit hésitant : je reconnais les traces d'une flamme ancienne Mais que la terre m'engloutisse en ses profondeurs, |
4, 20 |
uel Pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras, pallentis umbras Erebi noctemque profundam, ante, Pudor, quam te uiolo, aut tua iura resoluo. Ille meos, primus qui me sibi iunxit, amores abstulit ; ille habeat secum seruetque sepulchro. »
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que Jupiter tout-puissant, de sa foudre, me conduise aux ombres pâles de l'Érèbe, et à la nuit profonde avant que, ô pudeur, je t'outrage ou déroge à tes droits. Celui qui le premier m'a unie à lui a emporté mon amour. Qu'il le détienne et le conserve avec lui dans son tombeau. » |
4, 25 |
Sic effata sinum lacrimis impleuit obortis. Anna refert : « O luce magis dilecta sorori, solane perpetua maerens carpere iuuenta, nec dulcis natos, Veneris nec praemia noris? Id cinerem aut Manis credis curare sepultos ? |
Ainsi dit-elle, inondant de larmes son corsage. Anne répond : « Ô toi, plus chère à ta soeur que la lumière, useras-tu ta jeunesse à te morfondre dans une éternelle solitude, ne connaîtras-tu pas la douceur d'une mère et les plaisirs de Vénus ? Crois-tu cela un souci pour les cendres ou les mânes des disparus ? |
4, 30 |
Esto : aegram nulli quondam flexere mariti, non Libyae, non ante Tyro ; despectus Iarbas ductoresque alii, quos Africa terra triumphis diues alit : placitone etiam pugnabis amori ? Nec uenit in mentem, quorum consederis aruis ? |
C'est vrai : jusqu'ici, nul époux n'a pu fléchir ta douleur, ni en Libye, ni auparavant à Tyr ; tu as dédaigné Iarbas et les autres chefs d'Afrique, terre riche en triomphes : résisteras-tu aussi à un amour qui t' a séduite ? N'as-tu pas songé aussi à qui sont les terres où tu t'es établie ? |
4, 35 |
Hinc Gaetulae urbes, genus insuperabile bello, et Numidae infreni cingunt et inhospita Syrtis ; hinc deserta siti regio, lateque furentes Barcaei. Quid bella Tyro surgentia dicam, germanique minas ? |
D'un côté, ce sont les villes des Gétules invincibles à la guerre, et les Numides sauvages qui t'entourent, et la Syrte inhospitalière ; d'un autre côté, le désert, privé d'eau, et ces forcenés de Barcé qui répandent au loin leur fureur. Et que dire des guerres qui se levent à Tyr et des menaces de notre frère ? |
4, 40 |
Dis equidem auspicibus reor et Iunone secunda hunc cursum Iliacas uento tenuisse carinas. Quam tu urbem, soror, hanc cernes, quae surgere regna coniugio tali ! Teucrum comitantibus armis Punica se quantis attollet gloria rebus ! |
Ce sont les auspices des dieux et la faveur de Junon, j'en suis sûre, qui ont dirigé la course des navires d'Ilion, poussés par le vent. Quelle ville, quel royaume surgiront d'une telle union ! Avec les armes troyennes pour alliées, tu verras, ma soeur, quels exploits grandioses rehausseront la gloire punique ! |
4, 45 |
Tu modo posce deos ueniam, sacrisque litatis indulge hospitio, causasque innecte morandi, dum pelago desaeuit hiems et aquosus Orion, quassataeque rates, dum non tractabile caelum. » His dictis incensum animum inflammauit amore, |
Toi, implore la faveur des dieux, et après des sacrifices qu'ils agréent, sois accueillante, énumère à tes hôtes les raisons de rester, puisque le mauvais temps et le pluvieux Orion sévissent sur la mer, puisque leurs bateaux sont détruits, et le ciel intraitable. » Ces paroles embrasèrent le coeur de Didon d'un amour débordant, |
4, 50 |
spemque dedit dubiae menti, soluitque pudorem.
Principio delubra adeunt, pacemque per aras exquirunt ; mactant lectas de more bidentis legiferae Cereri Phoeboque patrique Lyaeo, Iunoni ante omnis, cui uincla iugalia curae. |
donnèrent de l'espoir à son esprit indécis, et la libérèrent de sa réserve.
Elles rendent d'abord aux temples, cherchant la paix près des autels. Selon les rites, elles immolent des brebis de choix, âgées de deux ans, en l'honneur de Cérès législatrice, de Phébus et du vénérable Lyaeus, et surtout en l'honneur de Junon, qui veille aux liens du mariage. |
4, 55 |
Ipsa, tenens dextra pateram, pulcherrima Dido candentis uaccae media inter cornua fundit, aut ante ora deum pinguis spatiatur ad aras, instauratque diem donis, pecudumque reclusis pectoribus inhians spirantia consulit exta. |
Didon la toute belle, tenant en sa main une patère verse elle-même le vin entre les cornes d'une vache blanche ou, sous les regards des dieux, contourne l'autel poisseux de sang ; elle répète sans cesse les offrandes, et avidement elle consulte dans les poitrines béantes des victimes leurs entrailles palpitantes. |
4, 60 |
Heu uatum ignarae mentes ! quid uota furentem, quid delubra iuuant ? Est mollis flamma medullas interea, et tacitum uiuit sub pectore uolnus. Vritur infelix Dido, totaque uagatur urbe furens, qualis coniecta cerua sagitta, |
Hélas ! Esprits ignares des devins ! Pour cette femme égarée, à quoi bon les voeux, les sanctuaires ? Cependant, une flamme ronge ses tendres moelles, une blessure secrète est vivante dans son coeur. La malheureuse Didon se consume et comme folle erre dans la ville ; on dirait une biche imprudente, qu' un berger poursuivait, |
4, 65 |
quam procul incautam nemora inter Cresia fixit pastor agens telis, liquitque uolatile ferrum nescius ; illa fuga siluas saltusque peragrat Dictaeos ; haeret lateri letalis arundo. Nunc media Aenean secum per moenia ducit, |
dans les bois de Crète, et que, ayant lancé un trait, de loin l'a blessée, y laissant, sans s'en rendre compte, sa pointe rapide ; la biche s'enfuit et parcourt les forêts et les taillis de Dicté tandis que le trait mortel reste enfoncé dans son flanc. Tantôt elle emmène avec elle Énée sur les remparts, |
4, 70 |
Sidoniasque ostentat opes urbemque paratam ; incipit effari, mediaque in uoce resistit ; nunc eadem labente die conuiuia quaerit, Iliacosque iterum demens audire labores exposcit, pendetque iterum narrantis ab ore. |
et lui montre fièrement les richesses de Sidon et une ville toute prête ; elle commence à parler, s'interrompt au milieu d'une phrase ; tantôt, à la tombée du jour, elle veut refaire un même banquet et, dans son délire, veut encore entendre les épreuves d'Ilion, restant à nouveau suspendue aux lèvres du narrateur. |
4, 75 |
Post, ubi digressi, lumenque obscura uicissim luna premit suadentque cadentia sidera somnos, sola domo maeret uacua, stratisque relictis incubat, illum absens absentem auditque uidetque ; aut gremio Ascanium, genitoris imagine capta, |
Enfin, lorsque tous ont pris congé, lorsque à son tour la lune pâlit et perd de son éclat, quand les astres s'effacent, invitant au sommeil, seule dans son palais vide, triste, elle s'étend sur les lits désertés. Absente, elle l'entend et le voit, bien qu'absent, ou retient Ascagne sur ses genoux, séduite par la ressemblance, |
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detinet, infandum si fallere possit amorem. Non coeptae adsurgunt turres, non arma iuuentus exercet, portusue aut propugnacula bello tuta parant ; pendent opera interrupta, minaeque murorum ingentes aequataque machina caelo. |
comme si elle pouvait s'abuser sur un amour inavouable. Les tours commencées cessent de s'élever ; la jeunesse de s'exercer aux armes ; tant au port que sur les ouvrages de défense le calme règne ; les travaux sont interrompus et les murailles menaçantes et les machines dressées jusqu'au ciel sont à l'arrêt. |
4, 85 |
Les déesses s'en mêlent (4, 90-128)
Junon propose à Vénus d'unir Didon et Énée, dans l'intérêt des deux peuples (4, 90-104).
Sans être dupe de la ruse de Junon, dont le seul but est d'écarter les Troyens d'Italie, mais confiante dans les promesses de Jupiter, Vénus ne s'oppose donc pas au stratagème de Junon qui est de provoquer la rencontre des amants dans une grotte. (4, 105-128).
Quam simul ac tali persensit peste teneri cara Iouis coniunx, nec famam obstare furori, talibus adgreditur Venerem Saturnia dictis : « Egregiam uero laudem et spolia ampla refertis tuque puerque tuus, magnum et memorabile nomen, |
Dès qu'elle vit Didon en proie à une passion si funeste, sans que fasse obstacle à sa frénésie le souci de sa réputation, la chère épouse de Jupiter, la Saturnienne, aborda Vénus en ces termes :: « Quelle gloire insigne, quelles dépouilles vous remportez, toi et ton fils, quel titre immense, digne de mémoire |
4, 90 |
una dolo diuom si femina uicta duorum est ! Nec me adeo fallit ueritam te moenia nostra suspectas habuisse domos Karthaginis altae. Sed quis erit modus, aut quo nunc certamine tanto? Quin potius pacem aeternam pactosque hymenaeos |
qu'une femme seule soit vaincue par la ruse de deux divinités ! Non, je ne suis pas pas aveugle au point d'ignorer que nos remparts et les demeures de l'altière Carthage t'ont effrayée et inquiétée.. Mais quel sera le terme d'une telle rivalité, où mènera-t-elle ? Concluons plutôt une paix définitive et des noces officielles ! |
4, 95 |
exercemus ? Habes, tota quod mente petisti : ardet amans Dido, traxitque per ossa furorem. Communem hunc ergo populum paribusque regamus auspiciis ; liceat Phrygio seruire marito, dotalisque tuae Tyrios permittere dextrae. »
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Tu as ce que tu as souhaité de toute ton âme : Didon aime, se consume, et traîne un délire qui parcourt ses os. Dès lors, dirigeons ensemble ce peuple sous des auspices égaux ; que la reine puisse se mettre au service d' un mari phrygien, et, en guise de dot, qu'elle remette les Tyriens entre tes mains.» |
4, 100 |
Olli – sensit enim simulata mente locutam, quo regnum Italiae Libycas auerteret oras – sic contra est ingressa Venus : « Quis talia demens abnuat, aut tecum malit contendere bello, si modo, quod memoras, factum fortuna sequatur. |
Vénus – elle avait compris que les paroles de Junon dissimulaient son propos de détourner un royaume italien vers les rives libyennes –, lui rétorqua en ces termes : « Qui serait assez fou pour refuser pareille proposition ? Qui choisirait de se mesurer à toi ? Puisse seulement la Fortune favoriser cet acte que tu évoques ! |
4, 105 |
Sed fatis incerta feror, si Iuppiter unam esse uelit Tyriis urbem Troiaque profectis, misceriue probet populos, aut foedera iungi. Tu coniunx tibi fas animum temptare precando. Perge ; sequar. Tum sic excepit regia Iuno : |
Mais je me laisse mener par le destin, ne sachant pas si Jupiter veut pour les Tyriens et les exilés partis de Troie une ville unique ou s'il approuve le mélange de leurs peuples et leur union dans un pacte ! Toi, son épouse, tu peux tenter de l'infuencer par tes prières. Va de l'avant ; je suivrai ». Alors la reine Junon reprit ainsi : |
4, 110 |
« Mecum erit iste labor : nunc qua ratione, quod instat confieri possit, paucis, aduerte, docebo. Venatum Aeneas unaque miserrima Dido in nemus ire parant, ubi primos crastinus ortus extulerit Titan, radiisque retexerit orbem. |
« Cette affaire sera la mienne. Maintenant, ce qui est le plus urgent, je t'expliquerai en quelques mots comment réaliser cela, écoute : Énée et l'infortunée Didon envisagent de sortir ensemble en forêt pour chasser, demain, dès que Titan aura produit ses premières lueurs et éclairé toute la terre de ses rayons. |
4, 115 |
His ego nigrantem commixta grandine nimbum, dum trepidant alae, saltusque indagine cingunt, desuper infundam, et tonitru caelum omne ciebo. Diffugient comites et nocte tegentur opaca : speluncam Dido dux et Troianus eandem |
Moi, pendant que les cavaliers s'affaireront à tendre des filets d'en haut je ferai fondre sur eux un nuage noir mêlé de grêle, et j'ébranlerai l'ensemble ciel à coups de tonnerre. Leurs compagnons se disperseront, couverts d'une nuit opaque : Didon et le chef des Troyens se retrouveront dans la même grotte. |
4, 120 |
deuenient ; adero, et, tua si mihi certa uoluntas, conubio iungam stabili propriamque dicabo, hic hymenaeus erit. » Non aduersata petenti adnuit, atque dolis risit Cytherea repertis. |
Je serai présente et, si tu m'assures de ton consentement, je les unirai dans un mariage stable et ferai de Didon sa femme. Ce sera leur hyménée ». Sans s'opposer à cette demande, la Cythérée approuva, et sourit de la découverte de cette ruse. |
4, 125 |
Union des amants dans la grotte (4, 129-172)
Dès l'aube s'organise une chasse grandiose ; les plus nobles des Carthaginois escortent leur reine somptueusement parée, tandis que les Phrygiens et Iule accompagnent Énée, comparé à Apollon (4, 129-150).
Pendant le joyeux déroulement de la chasse, très excitante notamment pour le jeune Ascagne, un orage survient, qui force tous les participants à chercher refuge dans toutes les directions. Didon et Énée s'abritent dans la même grotte ; et en présence de Tellus, de Junon... s'accomplit un simulacre de mariage, auquel Didon adhère sans aucune réserve, inconsciente du malheur qui l'attend (4, 151-172).
Oceanum interea surgens Aurora reliquit. |
Cependant se lève l'Aurore qui a quitté l'Océan. |
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It portis iubare exorto delecta iuuentus ; retia rara, plagae, lato uenabula ferro, Massylique ruunt equites et odora canum uis. Reginam thalamo cunctantem ad limina primi Poenorum exspectant, ostroque insignis et auro |
Au lever de l'étoile du matin, une jeunesse choisie franchit les portes ; filets à grandes mailles, pièges, épieux à large fer, tout est là ; les cavaliers Massyles s'élancent, et les chiens au flair puissant. La reine s'attarde dans sa chambre, et à sa porte l'attendent les plus nobles des Puniques ; brillant sous l'or et la pourpre, |
4, 130 |
stat sonipes, ac frena ferox spumantia mandit. Tandem progreditur, magna stipante caterua, Sidoniam picto chlamydem circumdata limbo. Cui pharetra ex auro, crines nodantur in aurum, aurea purpuream subnectit fibula uestem. |
son coursier piaffe, mâchant rageusement son mors blanc d'écume. Enfin, elle s'avance, escortée d'une longue suite, vêtue d'une chlamyde de Sidon, à frange brodée ; elle porte un carquois d'or ; un noeud d'or retient ses cheveux, et d'or aussi est la fibule qui attache son vêtement de pourpre. |
4, 135 |
Nec non et Phrygii comites et laetus Iulus incedunt. Ipse ante alios pulcherrimus omnis infert se socium Aeneas atque agmina iungit. Qualis ubi hibernam Lyciam Xanthique fluenta deserit ac Delum maternam inuisit Apollo, |
Arrivent ensuite les Phrygiens de l'escorte et Iule, qui exulte. Énée lui, plus beau que tous les autres, s'avance pour le rejoindre, et leurs troupes se réunissent. Ainsi, lorsque Apollon déserte la froide Lycie |
4, 140 |
instauratque choros, mixtique altaria circum Cretesque Dryopesque fremunt pictique Agathyrsi ; ipse iugis Cynthi graditur, mollique fluentem fronde premit crinem fingens atque implicat auro ; tela sonant umeris : haud illo segnior ibat |
il organise des choeurs et, mêlant leurs danses autour des autels, Crétois et Dryopes s'agitent, et Agathyrses aux corps peints ; lui parcourt les crêtes du Cynthe ; une souple guirlande de feuillage retient ses cheveux flottants, entremêlés d'or ; ses traits sonnent sur ses épaules. Tout aussi vif marchait Énée, |
4, 145 |
Aeneas ; tantum egregio decus enitet ore.
Postquam altos uentum in montis atque inuia lustra, ecce ferae, saxi deiectae uertice, caprae decurrere iugis ; alia de parte patentis transmittunt cursu campos atque agmina cerui |
dont le noble visage resplendissait d'une beauté extraordinaire.
Lorsque ils arrivent en haut des monts, en des lieux jamais parcourus, ils aperçoivent des chèvres sauvages, délogées d'un rocher et dévalant le long des crêtes ; d'un autre côté, en courant des cerfs traversent les plaines découvertes, et dans leur fuite |
4, 150 |
puluerulenta fuga glomerant montisque relinquunt. At puer Ascanius mediis in uallibus acri gaudet equo, iamque hos cursu, iam praeterit illos, spumantemque dari pecora inter inertia uotis optat aprum, aut fuluum descendere monte leonem.
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soulevant la poussière ils reforment leurs rangs et quittent les montagnes. Le jeune Ascagne, lui, sur son ardent coursier, au milieu des vallons, se plaît à devancer à la course ou les chèvres ou les cerfs, mais son voeu est de rencontrer, parmi des animaux inoffensifs, un sanglier écumant ou un lion fauve qui dévalerait de la montagne.
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4, 155 |
Interea magno misceri murmure caelum incipit ; insequitur commixta grandine nimbus ; et Tyrii comites passim et Troiana iuuentus Dardaniusque nepos Veneris diuersa per agros tecta metu petiere ; ruunt de montibus amnes. |
Pendant ce temps, commence à retentir dans le ciel, un grondement intense, ensuite survient un nuage, mêlé de grêle. L'escorte des Tyriens, les jeunes Troyens et le petit-fils dardanien de Vénus, pris de peur, cherchent des abris un peu partout dans les champs ; des torrents dévalent des montagnes. |
4, 160 |
Speluncam Dido dux et Troianus eandem deueniunt : prima et Tellus et pronuba Iuno dant signum ; fulsere ignes et conscius aether conubiis, summoque ulularunt uertice nymphae. Ille dies primus leti primusque malorum |
Didon et le chef des Troyens se retrouvent dans la même grotte. Tellus la première, et Junon qui préside aux hymens donnent le signal ; les éclairs et l'éther complices ont brillé pour les noces et, en haut de la grotte, les Nymphes ont hurlé. Ce jour fut le premier à causer la mort de Didon et ses malheurs |
4, 165 |
causa fuit ; neque enim specie famaue mouetur, nec iam furtiuum Dido meditatur amorem : coniugium uocat ; hoc praetexit nomine culpam. |
car elle ne s'émeut ni des apparences ni de sa réputation, et n'envisage plus désormais des amours clandestines : elle appelle le mariage ; c'est sous ce nom qu'elle couvre sa faute. |
4, 170 |
Notes (4, 1-172)
blessée (4, 1-2). En 1, 712ss, Cupidon, sous les traits d'Ascagne et agissant selon les ordres de sa mère Vénus, avait installé la passion dans le coeur de Didon.
le flambeau de Phébus (4, 6). Le Soleil (cfr 3, 637).
sa soeur, son intime confidente (4, 8). La tradition primitive ne semble pas attribuer à Elissa / Didon une soeur confidente. Toutefois le thème de l'amoureuse qui se confie à un proche est ancien. Le personnage d'Anne pourrait être rapproché par certains aspects, notamment structuraux, de celui de Chalciopé, la soeur de Médée chez Apollonius de Rhodes (par exemple Argonautiques, 3, 669-739), mais les différences restent grandes, ne serait-ce que parce que Médée ne se confie pas vraiment à sa soeur. On ne peut cependant pas exclure que Virgile ait imaginé, sur le modèle d'Apollonius, le personnage d'une soeur de la reine qui aurait porté le nom d'Anna et qui en serait la confidente. Mais la question n'est pas simple, car Anna peut avoir fait partie de la légende d'Énée avant Virgile. En effet Varron faisait intervenir à Carthage, une Anna qui, amoureuse d'Énée, serait morte sur le bûcher. Nous devons l'information au commentaire de Servius : « Selon Varron, ce ne serait pas Didon, mais Anna, qui, poussée par son amour pour Énée, aurait trouvé la mort dans le bûcher » (Servius, 4, 682) et « Il faut savoir que, pour Varron, Énée avait été aimé par Anna » (Servius, 5, 4). Mais on ne connaît rien des rapports que Varron établissait entre cette Anna et Didon. Rien en tout cas ne dit que l'Anna de Varron était la soeur de Didon. Peut-être la version varronienne était-elle assez différente de celle de Virgile. Quoi qu'il en soit, l'histoire d'Anna ne se terminera pas avec Virgile. Ovide en imaginera la suite dans ses Fastes, 3, 545-655 : après la mort de Didon, Carthage est attaquée par Iarbas et Anna doit fuir. Après un long périple, la soeur de Didon rejoint le Latium et retrouve Énée, mais victime de la jalousie de Lavinia et craignant pour sa propre vie, elle se jette dans les eaux du Numicus et, sous le nom d'Anna Perenna, devient une nymphe du fleuve.
perplexe (4, 9). Ce vers évoque le problème de conscience qui partage Didon entre sa passion pour Énée et son voeu de fidélité à Sychée ; son dilemme sera clairement expliqué aux vers 4, 15-19.
Il est de la race des dieux (4, 12-14). Didon est fixée sur ce point depuis l'instant où Énée s'est présenté à elle (1, 615-618). Mais elle se complaît à évoquer la noblesse et la valeur d'Énée, telles qu'elles ressortent des récits des chants 2 et 3.
la mort, etc. (4, 17-23). Cfr 1, 340ss et les notes de commentaire. Sychée, l'époux tyrien de Didon, avait été tué parPygmalion, frère de Didon.
les torches nuptiales (4, 18). Comme les torches (en latin taedae) servaient régulièrement dans les noces à Rome, elles symbolisent souvent le mariage.
Érèbe (4, 26). L'Érèbe, synonyme du monde souterrain ou des Enfers (cfr 4, 510 ; 6, 247 ; 6, 404 ; 6, 671 ; 7, 140). Dans la mythologie grecque, l'Érèbe, fils du Chaos et de la Nuit, père du Jour, aurait été précipité par Zeus dans les Enfers, pour avoir aidé les Titans révoltés. Il aurait été transformé en fleuve.
pudeur (4, 27). Rome connaissait une divinité Pudeur (en latin Pudicitia) qui était vénérée par les matrones univirae, c'est-à-dire les femmes qui n'avaient eu qu'un seul mari. Cependant il ne s'agit pas nécessairement ici de la divinité (avec la majuscule), mais du sentiment de pudor (avec la minuscule) de Didon qui avait juré fidélité au souvenir de Sychée et qui s'estimerait deshonorée de ne pas respecter son serment. Cfr 4, 55 et 4, 321.
Crois-tu... (4, 34). Pour A. Bellessort, Virgile. Énéide, I, Paris, 1952, p. 100, n. 2, ce vers prête à Anna une opinion épicurienne : les morts n'ont plus aucune forme d'existence et ne peuvent donc plus se soucier des vivants.
Libye... Tyr (4, 36). La Libye où a abouti Didon après s'être sauvée de Tyr en Phénicie (cfr 1, 340ss et les notes).
Iarbas (4, 36). Iarbas, roi des Gétules (cfr 4, 40), que Virgile présentera plus loin (4, 196ss et 4, 326) comme le fils de Jupiter Hammon et d'une nymphe du pays des Garamantes. Toujours selon Virgile, il aurait, comme d'autres chefs africains, demandé Didon en mariage, mais celle-ci avait repoussé toutes les propositions. Dans la version prévirgilienne de la légende, rapportée notamment par Macrobe (Saturnales, 5, 17, 5-6), Iarbas aurait menacé Didon de lui faire la guerre, si elle refusait de l'épouser. Ayant horreur de cette nouvelle union, Didon aurait demandé un délai de trois mois, sous prétexte de calmer, par des sacrifices, l'ombre de son premier mari. À l'expiration de ce délai, elle serait montée sur le bûcher et se serait donné elle-même la mort. Dans ce récit ancien, Énée n'avait donc aucune responsabilité dans le suicide de Didon. Dans la suite à l'Énéide que constitue le récit d'Ovide (Fastes, 3, 545-655 ; cfr supra), Iarbas vient attaquer Carthage après la mort de Didon et s'empare de la ville.
Gétules (4, 40). Si rien ne permet de penser que Iarbas est un personnage historique, les Gétules furent dans l'histoire une peuplade nomade d'Afrique du Nord, installée au sud du pays des Numides (cfr aussi 5, 51). Ils aidèrent notamment les Romains dans leurs guerres contre Jugurtha et Juba II, deux rois numides. On les retrouve aussi, toujours comme auxiliaires, dans les troupes de Marius et de César.
Numides sauvages (4, 40). Autre population d'Afrique, également à l'ouest de Carthage, les Numides occupaient l'Algérie actuelle et furent à plusieurs reprises en guerre contre les Romains. Virgile les qualifie en latin de infreni, ce qui impliquerait, au sens propre, qu'ils ne se servaient pas de freins pour leurs montures (cfr Tite-Live, 21, 44, 1), mais l'adjectif peut avoir une valeur plus générale : « indomptables, sauvages ».
Syrte (4, 41). Cfr 1, 111 ; 5, 51 ; 6, 60 et 7, 302.
ces forcenés de Barcé (4, 42). Barcé, aujourd'hui Barca, est un port de Cyrénaïque, qui ne sera fondé qu'au 6ème siècle avant Jésus-Christ. Ce n'est vraisemblablement pas aux habitants de cette ville lointaine que Virgile songeait, mais plutôt à la famille carthaginoise des Barca, à laquelle appartenaient Hamilcar et Hannibal, qui firent tant souffrir les Romains.
les menaces de notre frère (4, 43-44). Le frère de Didon est Pygmalion. On verra leur histoire en 1, 340-367 (avec les notes). En 4, 325-326, Didon fera également allusion à des menaces de Iarbas et de Pygmalion.
la faveur de Junon (4, 45). Junon, présentée ici par Anna comme la principale déesse de Carthage. Cfr aussi 1, 15 et la note.
quels exploits grandioses (4, 49). Ce passage imaginant la gloire future de Carthage devait paraître particulièrement piquant aux lecteurs de Virgile.
le pluvieux Orion (4, 52). Sur la constellation d'Orion dont le coucher (en hiver) était marqué par des tempêtes, cfr notamment 1, 535 et 3, 517.
amour débordant (4, 54). Nous suivons (comme A. Bellessort et J. Perret) la lecture impenso... amore, plutôt que incensum animum. Servius connaissait déjà les deux textes.
âgées de deux ans (4, 57). Il est aussi question de brebis de deux ans (bidentes en latin) en 5, 96.
Cérès (4, 58). Cérès, la Déméter grecque, est la divinité de la terre cultivée, et essentiellement la déesse du blé. Elle est qualifiée de « législatrice » (en latin legifera), parce que la découverte du blé est associée aux débuts de la vie sédentaire. Ovide (Mét., 5, 343) dit d'elle qu'elle fut la première à donner des lois. D'après un vers de Calvus, un poète latin contemporain de Cicéron, Cérès aurait également institué le mariage.
Phébus (4, 58). Phébus-Apollon passait pour le dieu de la médecine, celui qui envoyait les maladies et les guérissait. L'amour serait-il considéré ici comme une maladie, dont il faut se guérir ?
Lyaeus (4, 58). Ce surnom du dieu du vin, Bacchus, en latin Liber, veut dire en grec « qui délivre des soucis » (cfr 1, 686). R.D. Williams, The Aeneid of Virgil, I, 1972, pense que les trois divinités ici invoquées le sont probablement à cause de leurs liens avec la fondation des cités. On pourrait aussi penser que leur point commun est le mariage, l'amour, et les soucis qu'ils entraînent.
Junon (4, 59). On a vu (cfr note 4, 45) que Junon était la grande divinité de Carthage. À Rome, elle passait pour la déesse du mariage, protégeant les unions légitimes (Iuno pronuba). Cfr aussi 1, 15 et la note.
verse le vin (4, 61). C'est la libation de vin faite sur la tête de l'animal qui va être immolé. Elle fait partie du rituel romain du sacrifice.
contourne (4, 62). Elle fait rituellement le tour de l'autel (ou des autels, si le pluriel du texte latin doit être pris au sens strict).
recommence sans cesse les offrandes (4, 63). Le sens précis de l'expression latine (instaurat diem donis) n'est pas très clair. L'usage à Rome était de recommencer (instaurare) une cérémonie religieuse qui avait été interrompue ou célébrée de manière irrégulière. De la même manière, lors de la prise des auspices, on pouvait considérer les réponses négatives comme nulles et recommencer l'opération jusqu'au moment où on recevait des auspices favorables. Que faisait exactement Didon ?
entrailles palpitantes (4, 64). Autre détail du rituel romain du sacrifice. Une fois l'animal tué, son corps est ouvert pour permettre au sacrifiant d'inspecter les organes internes (inspicere exta). Cet examen, conforme aux prescriptions de la liturgie romaine, ne vise qu'à vérifier le bon état de ces organes pour s'assurer de l'agrément des dieux (litatio). Il n'a rien à voir avec les procédures de divination qui relèvent de l'haruspicine étrusque. Dans la description virgilienne, Didon accomplit des gestes qui normalement appartiennent au prêtre ou à ses assistants.
on dirait une biche (4, 69-74). Cette comparaison, de type homérique, est particulièrement bien adaptée au cas de Didon.
les bois de Crète (4, 69). Les Crétois étaient réputés comme archers (cfr 5, 306).
Dicté (4, 73). Une montagne de Crète, cfr 3, 171.
les richesses de Sidon (4, 75). Sidon, colonie de Tyr, ville de Phénicie, que Didon avait dû quitter. Virgile utilise indifféremment Tyr ou Sidon pour désigner la patrie d'origine de Didon.
une villedéjà installée (4, 75). Carthage est déjà bien installée. Didon a donc terminé son installation, ce qu'Énée doit encore faire. S'il décidait de rester, il serait dispensé de commencer à zéro une ville nouvelle.
un même banquet (4, 74-79). Ces vers évoquent la situation décrite à la fin du chant 1, 695-756. C'est au cours de ce banquet qu'Énée avait fait le récit de la prise de Troie (chant 2) et des voyages en Méditerranée (chant 3).
les astres qui s'effacent (4, 81). La fin du vers est reprise de 2, 9.
les lits désertés (4, 81). Les lits du banquet, où Énée et elle avaient pris place.
la Saturnienne (4, 92). C'est Junon (cfr 1, 23).
toi et ton fils, etc. (4, 93-97). Les paroles de Junon semblent faire allusion au rôle joué par les deux divinités Vénus et Cupidon à la fin du chant 1, 657-722. Vénus redoutant l'inimitié des Carthaginois avait fait naître l'amour chez Didon afin de protéger Énée.
des noces officielles (4, 99). On l'a dit plus haut (4, 59), Junon était la déesse des mariages à Rome. Elle suggère ici à Vénus d'envisager l'union de Didon et d'Énée, ce qui entraînera la fusion de leurs peuples.
sous des auspices égaux (4, 102-104). C'est-à-dire avec une autorité égale (cfr 7, 256 n.). Les magistrats romains avaient le droit de prendre les auspices (ius auspiciorum), c'est-à-dire d'interroger les dieux. Mais la qualité et l'importance de ce droit étaient fonction de leur position dans la hiérarchie ; les consuls par exemple avaient des auspicia plus élevés que des préteurs. L'expression « sous des auspices égaux » signifie donc « avec des pouvoirs égaux ». En d'autres termes, Junon propose que les Tyriens de Didon et les Troyens d'Énée fusionnent sur un pied d'égalité. On retrouvera la même expression en 7, 256, lorsque Latinus offre à Énée de partager avec lui le pouvoir. Les deux chefs seront associés dans la royauté sur un pied d'égalité. Le rôle de soumission que Junon réserve ici à Didon doit éveiller les soupçons de Vénus (vers 105-6), qui n'ignore rien de la haine de Junon pour Énée et les Troyens.
se mettre au service d' un mari phrygien, etc. (4, 103-104). Junon veille à réserver le beau rôle à Énée et aux Troyens (Didon servira un mari phrygien ; les Tyriens seront donnés en dot à Vénus, considérée comme chef de famille). Mais ces précautions rhétoriques n'empêchent pas Vénus de rester sur ses gardes (4, 105-6).
son propos de détourner, etc. (4, 105-106). Cfr 1, 19.
Qui pourrait être assez fou, etc. (4, 107-114). Vénus, dissimulant elle aussi ses pensées, ne s'oppose pas ouvertement à Junon ; forte des promesses de Jupiter, elle sait que son protégé atteindra un jour l'Italie. Dans ces conditions, la perspective d'une idylle plus ou moins brève entre Énée et Didon pourrait ne pas déplaire à la déesse de l'amour. Par ailleurs, on peut voir dans les doutes de Vénus (vers 110ss) une allusion à la rivalité historique entre Rome et Carthage.
Titan (4, 119-120). Le Soleil est le fils du Titan Hypérion. Hypérion était un des rares Titans à ne pas s'être révolté contre Jupiter. Il est également le père de la Lune et de l'Aurore.
les cavaliers (4, 121). Le texte latin dit alae, c'est-à-dire au sens propre les ailes d'une armée, constituées par la cavalerie. Il s'agit donc d'une image empruntée à la vie militaire. À la chasse, les bêtes sauvages étaient attirées dans des zones fermées par des filets.
je les unirai, etc.. . (4, 126). Le vers est le même que 1, 73. Ici encore Junon se présente en déesse du mariage (cfr 4, 59 et 4, 99).
hyménée (4, 125-127). Hymen ou Hyménée, nom grec, désigne le dieu du mariage. Mais il s'emploie aussi comme synonyme de « mariage ».
Cythérée (4, 128). Épiclèse de Vénus, adorée à Cythère, une île au sud du Péloponnèse, où elle avait un temple magnifique (cfr 1, 257).
sourit (4, 128). Chez Homère, une des épithètes d'Aphrodite est philomeides, « qui aime les sourires ». Horace (Odes, 3, 27, 67) la présente souriant d'un malicieux plaisir lorsqu'elle trompe son monde.
cette ruse (4, 128). La ruse imaginée par Junon et sans doute aussi celle de Vénus, qui n'est pas dupe et est confiante dans les prédictions de Jupiter.
Aurore, etc. (4, 129-130). Déesse aux doigts couleur de rose (c'est ainsi qu'elle est souvent qualifiée chez Homère), Aurore (Éos en grec) est la fille du Titan Hypérion, et donc la soeur du Soleil/Hélios et de la Lune/Séléné. Chaque matin, « elle quittait la couche de son époux Tithon, montait sur son char et surgissait de l'Océan, précédant dans les airs le Soleil, tandis que devant elle volait l'Étoile du matin, Lucifer » (M. Rat). Il en a déjà été question en 3, 521 ; 3, 589 ; 4, 6 ; 4, 585.
Étoile du matin (4, 130). C'est Lucifer, Vénus.
Massyles (4, 132). Peuple africain, à l'ouest de Carthage (cfr 4, 483 et 6, 60).
elle s'avance (4, 136). Didon apparaît vêtue comme Diane (cfr 1, 498-502), de même qu'Énée sera comparé à Apollon (4, 143-149).
chlamyde de Sidon (4, 137). La chlamyde, comme vêtement, a été présentée en 3, 484. La référence à Sidon peut faire allusion à la patrie d'origine de Didon (1, 339ss) ; elle peut aussi évoquer une caractéristique du vêtement (par exemple l'utilisation de la pourpre, une spécialité phénicienne).
d'or (4, 138). Virgile affectionne l'or dans les descriptions de parures. Le terme est répété ici trois fois. Cfr aussi en 7, 278-279 pour les montures offertes par Latinus ; en 8, 659-661, pour les Gaulois représentés sur le bouclier d'Énée ; en 11, 774-776, pour la parure de Chlorée.
leurs troupes (4, 142). Les Carthaginois (Tyriens et Massyles) et les Troyens (Phrygiens).
Lycie (4, 143). Selon Servius, Apollon rendait des oracles durant l'hiver en Lycie, au sud de l'Asie mineure, dans la ville de Patara, où il avait un temple et un oracle célèbre. Cfr 4, 345.
Xanthe (4, 144). Fleuve qui coulait près de Patara, en Lycie. On ne le confondra pas avec le fleuve troyen du même nom.
Délos (4, 144). Durant l'été, Apollon résidait à Délos, où il était né. Cfr 3, 75-76.
Crétois... Dryopes... Agathyrses... (4, 146). Trois peuples aux origines fort diverses, qui participaient au culte d'Apollon. Les Dryopes venaient de Thessalie, et les Agathyrses, de Scythie, sur la rive gauche du Danube ; ces derniers avaient la réputation de se peindre le corps en bleu (Ammien Marcellin, 31, 2, 14).
Cynthe (4, 147). La montagne la plus élevée de Délos. Cfr 1, 498.
dardanien (4, 162). Ascagne est le petit-fils troyen de Vénus, par son père Énée.
Tellus... Junon (4, 166). Est évoquée d'abord Tellus ou la Terre-mère, la plus ancienne des divinités (cfr 7, 137), que les Latins confondaient avec Cérès-Déméter, laquelle, en tant que déesse de la fécondité, intervenait dans les noces : c'est par elle que naissaient « les beaux enfants et les fruits savoureux ». On trouve ensuite Junon dans ses attributions de déesse présidant aux mariages.
éclairs (4, 167). L'intervention des forces de la nature peut donner l'illusion de la cérémonie nuptiale, les éclairs dans le ciel remplaçent les torches nuptiales, et les hurlements des Nymphes, les chants de mariage. Ce semblant de mariage pouvait-il abuser Didon et lui faire prendre ses désirs pour la réalité ? Mais tout reste ambigu. Les signes peuvent être positifs ou négatifs.
sa faute (4, 172). Didon est-elle coupable aux yeux de Virgile (parce qu'elle veut détourner Énée de sa mission) ou à ses propres yeux (pour avoir trahi son serment envers Sychée) ?
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