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OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE XIV
[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2009]
Énée au Latium (14, 440-621)
La guerre en Italie – Diomède refuse d'aider Énée : métamorphose de ses compagnons (14, 441-511)
Après avoir honoré d'un tombeau les cendres de sa nourrice à Gaète, Énée reprend la mer et est accueilli par le roi Latinus, qui lui transmet son trône et lui donne sa fille en mariage. Cependant, une guerre s'engage entre les Latins unis aux Troyens autour d'Énée, et les Rutules de Turnus, alliés des Tyrrhéniens. À la recherche d'alliances, Énée se rallie l'étrusque Évandre, tandis que Vénulus, envoyé de Turnus, échoue à convaincre le grec Diomède, installé désormais en Italie du sud, de prendre à nouveau les armes contre des Troyens. (14, (14, 441-464)
Diomède raconte à l'envoyé de Turnus les malheurs qu'il a subis lors de son retour de Troie et avant son arrivée en Apulie, où il est accueilli par Daunus le Iapyge, devenu son beau-père : il décrit la tempête et le naufrage, puis l'exil loin de son pays, à cause de la rancune de Vénus. Tous les compagnons de Diomède sont fatigués après tant d'épreuves. Pour vaincre leur découragement, l'un d'eux, Acmon, les pousse à braver Vénus, laquelle redouble de colère suite à cette provocation, et métamorphose en oiseaux (ressemblants à des cygnes) Acmon et beaucoup de ses compagnons, ce qui explique le manque d'hommes à la disposition de Diomède, par ailleurs entièrement dépendant de son beau-père. (14, 14, 465-511).
14, 441 |
Finierat
Macareus ; urnaque Aeneia nutrix condita marmoreo tumulo breue carmen habebat : « Hic me Caietam notae pietatis alumnus ereptam Argolico, quo debuit, igne cremauit. » |
Macarée en avait terminé ; l'urne avec les
cendres de la nourrice d'Énée fut mise dans un tombeau de marbre portant une brève inscription : « Ici, l'enfant que moi, Caïète, ai nourri, le héros à la piété insigne, qui m'arracha au feu des Argiens, m'a livrée au feu qu'il me devait. » |
14, 445 |
Soluitur
herboso religatus ab aggere funis et procul insidias infamataeque relinquunt tecta deae lucosque petunt, ubi nubilus umbra in mare cum flaua prorumpit Thybris harena ; Faunigenaeque domo potitur nataque Latini, |
On
détache du talus herbeux le câble qui
amarrait le navire au rivage, et les Troyens quittent la déesse de sinistre renom, ses pièges et ses demeures. Ils gagnent les bois où, sous les ombrages, le Tibre assombri jette dans la mer ses rouleaux de sable jaune. Énée fait partie de la maison de Latinus, fils de Faunus, et épouse sa fille, |
14, 450 |
non sine
Marte tamen. Bellum cum gente feroci suscipitur, pactaque furit pro coniuge Turnus. Concurrit Latio Tyrrhenia tota, diuque ardua sollicitis uictoria quaeritur armis. Auget uterque suas externo robore uires |
non sans
combat toutefois. Une guerre contre un peuple
farouche s'engage, et Turnus se bat avec fureur pour l'épouse promise. Toute la Tyrrhénie est en lutte avec le Latium, et longtemps on cherche, dans le recours aux armes, une âpre victoire. Les deux camps accroissent leurs forces de secours extérieurs. |
14, 455 |
et multi
Rutulos, multi Troiana tuentur castra ; neque Aeneas Euandri ad limina frustra, at Venulus frustra profugi Diomedis ad urbem uenerat ; ille quidem sub Iapyge maxima Dauno moenia condiderat dotaliaque arua tenebat ; |
Beaucoup défendent les Rutules, beaucoup aussi
le camp troyen. Énée n'était pas allé sans succès jusqu'au seuil d'Évandre tandis que Vénulus avait gagné en vain la ville de Diomède, l'exilé. Avec l'appui de Daunus le Iapyge, ce dernier avait élevé de hauts murs et occupait les terres qui provenaient de la dot de son épouse. |
14, 460 |
sed
Venulus Turni postquam mandata peregit, auxilium petiit, uires Aetolius heros excusat ; nec se aut soceri committere pugnae uelle sui populos, aut quos e gente suorum armet, habere ullos : « Neue haec commenta putetis, |
Mais
lorsque Vénulus, s'acquittant des ordres de
Turnus, demanda des renforts, le héros d'Étolie allégua l'état de ses forces : il ne voulait pas pousser à la guerre les hommes de son beau-père, et dans son propre peuple personne n'était apte à être armé. « Et pour que vous n'imaginiez pas que je vous mens, |
14, 465 |
admonitu
quamquam luctus renouentur amari, perpetiar memorare tamen. Postquam alta cremata est Ilion et Danaas pauerunt Pergama flammas, Naryciusque heros, a uirgine uirgine rapta, quam meruit poenam solus, digessit in omnes, |
même si ces amers souvenirs doivent raviver ma douleur,
je ferai l'effort pourtant de les rappeler. Après l'incendie de l'altière Ilion et l'épouvante que causèrent à Pergame les flammes des Danaens, le héros de Naryx, qui avait arraché une vierge à la déesse vierge, fit supporter par tous le châtiment qu'il était seul à avoir mérité. |
14, 470 |
spargimur
et uentis inimica per aequora rapti fulmina, noctem, imbres, iram caelique marisque perpetimur Danai cumulumque Capherea cladis. Neue morer referens tristes ex ordine casus, Graecia tum potuit Priamo quoque flenda uideri. |
Nous
sommes dispersés, emportés par les vents sur
des flots hostiles, et nous, Danaens, nous subissons la foudre, la nuit, les orages, la colère du ciel et de la mer ainsi que (le comble !), le cap Caphérée. Sans vouloir m'attarder à rapporter en détail ces tristes événements, Priam alors aurait pu trouver que la Grèce aussi méritait d'être plainte. |
14, 475 |
Me tamen
armiferae seruatum cura Mineruae fluctibus eripuit ; patriis sed rursus ab agris pellor et antiquo memores de uulnere poenas exigit alma Venus ; tantosque per alta labores aequora sustinui, tantos terrestribus armis, |
Moi
pourtant, j'eus la vie sauve, grâce à Minerve,
la déesse armée, qui m'arracha aux flots. Mais je suis à nouveau chassé de ma patrie : c'est le châtiment que, en souvenir de son ancienne blessure, la généreuse Vénus exigea. J'ai enduré en haute mer des épreuves si grandes, et si grandes aussi dans des combats terrestres, |
14, 480 |
ut mihi
felices sint illi saepe uocati quos communis hiems inportunusque Caphereus mersit aquis uellemque horum pars una fuissem. Vltima iam passi comites belloque fretoque deficiunt finemque rogant erroris ; at Acmon |
que
souvent j'ai considéré comme heureuses toutes
les victimes englouties dans les flots par la tempête et l'intraitable Caphérée : ah ! que je souhaiterais avoir pu partager leur sort ! Ayant déjà subi les ultimes épreuves tant à la guerre qu'en mer, mes compagnons découragés demandent la fin de leur errance. |
14, 485 |
feruidus
ingenio, tum uero et cladibus asper : “ Quid superest, quod iam patientia uestra recuset ferre, uiri ? ” dixit “quid habet Cytherea, quod ultra, uelle puta, faciat ? Nam dum peiora timentur, est locus in uoto ; sors autem ubi pessima rerum, |
Mais le
toujours ardent Acmon, surexcité aussi
par ce désastre : “ Qu'y-a-t-il que désormais votre patience refuse de supporter, mes amis ? ” dit-il , “ que peut faire de pire la déesse de Cythère, à supposer qu'elle le veuille ? Car quand on redoute le pire, on peut faire un voeu ; mais quand la situation est très mauvaise, |
14, 490 |
sub
pedibus timor est securaque summa malorum. Audiat ipsa licet, et, quod facit, oderit omnes sub Diomede uiros ; odium tamen illius omnes spernimus et magno stat magna potentia nobis. ” Talibus iratam Venerem Pleuronius Acmon |
on
piétine la crainte et on est à l'abri de
tous les maux. Vénus peut bien m'entendre et, ce qu'elle fait d'ailleurs, qu'elle haïsse tous les hommes de Diomède ; pourtant, tous, nous méprisons sa haine et notre pouvoir s'en trouve grandi. ” Par de tels propos, Acmon de Pleuron excite l'irritable Vénus |
14, 495 |
instimulat uerbis
stimulisque resuscitat iram. Dicta placent paucis ; numeri maioris amici Acmona conripimus ; cui respondere uolenti uox pariter uocisque uia est tenuata comaeque in plumas abeunt, plumis noua colla teguntur |
et par ces propos et ces attaques, il ravive la colère de la déesse. Peu de gens approuvent ces paroles ; plus nombreux sont nos amis qui avec moi le blâment. Mais tandis qu'il veut répondre, sa voix faiblit en même temps que s'étrangle le canal de sa voix, ses cheveux se font plumes, qui couvrent son nouveau cou, |
14, 500 |
pectoraque et tergum ; maiores bracchia pennas
accipiunt cubitusque leuis sinuatur in alas ; magna pedis digitos pars occupat oraque cornu indurata rigent finemque in acumine ponunt. Hunc Lycus, hunc Idas et cum Rhexenore Nycteus, |
son torse
et son dos. Les plumes que reçoivent ses bras sont plus grandes et ses coudes se courbent en ailes légères ; les doigts de ses pieds fusionnent presque entièrement ; sa bouche se durcit en une corne rigide et finit en pointe. Lycus et Idas ainsi que Nyctée et Rhexénor le regardent étonnés ; |
14, 505 |
hunc
miratur Abas ; et dum mirantur, eandem accipiunt faciem, numerusque ex agmine maior subuolat et remos plausis circumuolat alis ; si uolucrum quae sit dubiarum forma requiris, ut non cygnorum, sic albis proxima cygnis. |
et
pendant qu'ils s'étonnent, ils revêtent la même
apparence ; un nombre important de la troupe prend son envol et, battant des ailes, vole en cercle autour des rameurs. Si vous vous demandez quel aspect ont ces oiseaux curieux, il est très proche de celui des cygnes blancs, mais pas tout à fait. |
14, 510 |
Vix
equidem has sedes et Iapygis arida Dauni arua gener teneo minima cum parte meorum. » |
En
fait, avec un très petit
nombre des miens, j'occupe simplement
ce lieu et les champs arides du Iapyge Daunus, dont je suis le gendre. » |
Diverses métamorphoses : l'olivier sauvage – les vaisseaux d'Énée (14, 512-565)
Sur le chemin du retour après son échec auprès de Diomède, Vénulus, le messager de Turnus, passe près d'une grotte autrefois fréquentée par des Nymphes. Un berger Apulien, grossier et rustaud, s'était moqué d'elles, ce qui lui avait valu d'être métamorphosé en olivier sauvage. (14, 512-526)
L'absence de renforts de la part de Diomède n'empêche pas la guerre de faire rage dans le Latium. Turnus avait commencé à bouter le feu aux navires d'Énée, quand Cybèle, la Mère des dieux, vint en personne sauver les bateaux en les métamorphosant en nymphes marines, occupées dorénavant à jouer dans les flots et se bornant à aider les navires en difficulté, à la condition qu'ils ne soient pas achéens. (14, 527-565)
Hactenus
Oenides ; Venulus Calydonia regna Peucetiosque sinus Messapiaque arua relinquit. In quibus antra uidet, quae multa nubila silua |
Le
petit-fils d'Oinée s'en tint là. Vénulus quitta
le pays du Calydonien, laissant derrière lui la baie des Peucétiens et les terres de Messapie. Là, il aperçoit un antre, assombri par une épaisse forêt, |
|
14, 515 |
et
leuibus guttis manantia
semicaper Pan nunc tenet, at quodam tenuerunt tempore nymphae. Apulus has illa pastor regione fugatas terruit et primo subita formidine mouit ; mox, ubi mens rediit et contempsere sequentem, |
d'où
suintaient de fines gouttelettes.
Pan, homme à moitié bouc, y habite maintenant, mais jadis le lieu était occupé par des nymphes. Un berger d'Apulie les effraya et les fit s'enfuir de la région. Cette peur soudaine provoqua d'abord leur éloignement, mais bientôt, reprenant leurs esprits, elles méprisent leur poursuivant |
14, 520 |
ad
numerum motis pedibus duxere choreas. Improbat has pastor saltuque imitatus agresti addidit obscenis conuicia rustica dictis ; nec prius os tacuit, quam guttura condidit arbor ; arbor enim est, sucoque licet cognoscere mores ; |
et mènent des choeurs, en dansant d'un pas
cadencé. Le berger se moque d'elles, les imite par des bonds de rustaud, à quoi il ajoute des propos déplacés et de grossières injures. Sa bouche se ferma seulement quand un arbre cacha sa gorge. Cet arbre existe en effet, et on peut identifier ses traits à sa sève : |
14, 525 |
quippe
notam linguae bacis oleaster amaris |
il est devenu l'olivier sauvage, et
ses baies amères révèlent |
14, 530 |
parte
datur ; fert ecce auidas in pinea Turnus |
Voici
Turnus portant ses torches dévorantes sur
les coques de pins |
14, 535 |
cum,
memor has pinus Idaeo uertice caesas, |
quand, se
souvenant de ces pins abattus au sommet de
l'Ida, |
14, 540 |
Turne ! »
ait. « Eripiam, nec me patiente cremabit |
Turnus ! », dit-elle. « Je te les arracherai et
je ne tolérerai pas |
14, 545 |
Astraei turbant et
eunt in proelia fratres. |
et
gonflent la mer, et des frères en viennent à se
battre. |
14, 550 |
in
capitum facies
puppes mutantur aduncae, |
les
poupes recourbées prennent la forme de têtes
humaines ; |
14, 555 |
caerulus,
ut fuerat, color est ; quasque ante timebant, |
leur
teinte est bleu sombre, leur couleur d'avant. Et dans les flots |
14, 560 |
pertulerint pelago, iactatis saepe carinis |
sur la mer cruelle, et souvent,
quand la tempête malmenait des bateaux, elles les ont soutenus de leurs mains, sauf s'ils transportaient des Achéens. Se rappelant toujours la défaite phrygienne, elles haïssent les Pélasges : la vue des débris du bateau du roi de Nérite leur a fait plaisir, et c'est d'un oeil tout aussi joyeux qu'elles ont vu se pétrifier |
14, 565 |
uultibus
Alcinoi saxumque increscere ligno. |
le
bateau d'Alcinoüs, dont le bois se transforma en rocher. |
Mort de Turnus d'Ardée – Énée Indigète – Dynastie albaine (14, 566-621)
La guerre entre les deux camps se termine enfin par la victoire d'Énée et la mort de Turnus dont la capitale, Ardée, est transformée en un immense brasier, d'où s'envole un héron ou ardea. (14, 566-580)
Les dieux, ayant constaté la valeur d'Énée, se réconcilièrent et consentirent à lui accorder, au moment de sa mort, une place en leur sein, faveur obtenue de Jupiter par Vénus. La déesse, avec l'aide du fleuve Numicius, fait en sorte de le faire disparaître après l'avoir débarrassé de ses éléments mortels. Énée sera désormais un dieu vénéré par les Romains sous le titre de « Énée Indigète ». (14, 581-608)
Suit l'énumération de onze rois d'Albe, depuis Ascagne jusqu'à Aventinus. (14, 609-621)
14, 566 |
Spes
erat, in nymphas animata classe marinas, |
La métamorphose des navires en
nymphes marines avait créé l'espoir |
nec
sceptrum soceri, nec te, Lauinia uirgo, |
ni le sceptre d'un beau-père, ni
toi, jeune Lavinia, qu'ils réclament : |
|
14, 575 |
abstulit
et tepida latuerunt tecta fauilla, |
quand ses toits
eurent disparu sous la cendre tiède, |
14, 580 |
urbis et
ipsa suis deplangitur Ardea pennis. |
Ardea, qui
déplore ses malheurs en battant des ailes. |
14, 585 |
Ambieratque Venus superos colloque parentis |
Vénus avait fait
des démarches auprès des dieux et avait dit, |
14, 590 |
dummodo
des aliquod ; satis est inamabile regnum |
si petit soit-il, pourvu que tu lui
donnes quelque chose. Il suffit qu'il ait vu |
14, 595 |
quaeque
petis pro quoque petis ; cape nata quod optas. » |
toi qui
la demandes, et lui pour qui tu la demandes ;
reçois, ma fille, |
14, 600 |
Hunc
iubet Aeneae quaecumque obnoxia morti |
Elle lui ordonne de
laver Énée de tous ses éléments soumis à la
mort |
14, 605 |
Lustratum
genetrix diuino corpus odore |
Sa mère enduit son
corps purifié d'un parfum divin, |
14, 610 |
resque
Latina fuit. Succedit Siluius illi, |
et au Latium. Silvius lui
succéda, et né de Silvius, Latinus reçut de lui, avec un nom repris au passé, le sceptre ancestral. L'illustre Alba suivit Latinus ; Épytus naquit de lui ; après, vinrent Capétus et Capys, mais Capys en premier lieu. Tibérinus reçut leur trône |
14, 615 |
cepit et
in Tusci demersus fluminis undis |
en héritage, et
s'étant noyé dans les eaux du fleuve toscan, |
14, 620 |
tradit
Auentino, qui, quo regnarat, eodem |
au valeureux
Aventinus, qui git là-même où il avait
régné, |
NOTES
Macarée en avait terminé... (14, 441ss). Avec la fin des récits de Macarée, commencés au vers 223, Ovide transporte Énée dans le Latium, et s'inspire du livre 7 de l'Énéide. Chez Virgile, l'intervention de Neptune évite à Énée de faire halte chez Circé (Én., 7, 21-24).
nourrice d'Énée (14, 441-444). Virgile signale qu'Énée, en route vers le Latium après sa visite aux enfers, fit halte à Gaète, où il rendit les derniers devoirs à sa nourrice, Caiète, qui donna son nom à l'endroit (Én., 6, 900-901 ; 7, 1-7, avec n. à 7, 1).
On détache... Latinus... (14, 445-450). En six vers, Ovide résume plusieurs passages de l'Énéide : 7, 25-35 (débarquement dans l'estuaire du Tibre), et 7, 148-285 (accords conclus entre Latinus et Énée). Le roi des Laurentes ou des Latins, Latinus, fils de Faunus, accueille Énée, s'entend avec lui, et lui offre sa fille Lavinia en mariage.
Turnus (14, 451). Roi des Rutules, dont la capitale est Ardée. Fiancé à Lavinia, il n'a pas supporté d'être évincé au profit d'Énée. Avec l'aide de la mère de Lavinia, il prend la tête d'une rebellion contre Latinus. Les rapports de force vont s'établir dans toute l'Italie selon la suite de l'Énéide. On pourra voir par exemple le « Catalogue des Italiens » qui se sont coalisés contre les Troyens (Én., 7, 647-782).
Tyrrhénie (14, 452). L'Étrurie, avec Mézence et Lausus (Én., 7, 647-654), s'étaient alliés à Turnus contre Énée.
Évandre (14, 456). Roi de Pallantée, sur le site de la future Rome, Évandre promet son aide à Énée et lui suggère de solliciter l'aide des Étrusques ennemis de Mézence (Én., 8, 102-174 et 8, 454-519).
Vénulus (14, 457-8). Personnage probablement inventé par Virgile, Vénulus (cfr Én., 8, 9 avec d'autres liens) est envoyé par le Rutule Turnus auprès de Diomède pour lui demander de l'aide. Il reviendra bredouille.
Diomède (14, 457-8). Fils de Tydée, originaire d'Étolie et devenu roi d'Argos, Diomède est un héros grec venu à Troie où il joue un rôle important dans la guerre (cfr n. à Én., 8, 9-17). À son retour à Argos, il se trouva déshonoré par la conduite de sa femme et, pour échapper à la honte, dut s'exiler et se réfugier en Apulie, où il fut accueilli par Daunus, qui lui accorda des terres et la main de sa fille. Il aurait fondé en Grande-Grèce plusieurs villes, dont Bénévent, Brindes et Vénafre.
Daunus le Iapyge (14, 457-8). Daunus et ses frères, à la tête d'une armée d'Illyriens, occupèrent l'Italie du sud (Apulie), en chassèrent les Ausones et y fondèrent trois royaumes (Dauniens, Messapiens, Peucétiens) constituant le pays des Iapyges. Daunus passe pour être le père de Turnus.
héros de Naryx (14, 468). Ajax, provenant de Naryx (une ville de Locride sur le Golfe d'Eubée), avait, lors du sac de Troie, arraché la prophétesse Cassandre, fille de Priam, à l'autel de Pallas/Minerve, la déesse vierge où elle s'était réfugiée. La déesse se vengea en faisant subir aux Grecs un naufrage lors de leur retour. Sur Cassandre, voir Én., 2, 246-247 (avec d'autres liens).
cap Capharée (14, 472). Cap situé à l'extrême sud-est de l'île d'Eubée, où se brisa la flotte grecque rentrant de Troie, et où périt Ajax (Én., 11, 258-260).
Vénus (14, 478). Diomède, sauvé du naufrage par Pallas/Minerve, n'échappa pas à la vindicte d'une autre déesse, Aphrodite/Vénus, qui, à Troie, avait été blessée à la main par Diomède tandis qu'elle venait au secours de son fils Énée (Homère, Il., 5, 311-352). Vénus aurait puni Diomède par l'infidélité de son épouse à Argos (cfr supra n. à 14, 457-458).
Acmon (14, 484-5). Un des hommes de Diomède, inconnu par ailleurs. Selon 14, 494, il provient de Pleuron, une ville au sud de l'Étolie, la région dont Diomède est originaire.
un voeu (14, 489). La tradition manuscrite hésite à cet endroit : in uoto ou in uulnus (version de Lafaye). Nous avons suivi in uoto.
Lycus... Idas... Nyctée et Rhexénor... (14, 504-509). Ces noms, connus par ailleurs, semblent être attribués par Ovide un peu au hasard à des compagnons de Diomède. Leur métamorphose en oiseaux (qui pourraient être des mouettes) est également racontée par Antoninus Liberalis, 37, mais avec certaines différences.
petit-fils d'Oinée... Calydonien (14, 512-3). Diomède avait pour grand-père Oinée, roi de Calydon, en Étolie, et pour père Tydée, devenu roi d'Argos.
Peucétiens... Messapie (14, 512-3). Pour les Peucétiens et la Messapie, désignant l'Apulie (extrême sud-est de la botte italienne), cfr n. à 14, 457-458.
Pan (14, 515). Le dieu Pan, fils d'Hermès et d'une nymphe, était originaire d'Arcadie. Il présidait aux troupeaux et représentait la nature entière personnifiée. Portant des cornes et des pattes de chèvre, il effrayait les hommes par ses brusques apparitions (d'où l'expression « terreur panique »). Il passait (1, 685-712) pour l'inventeur de la flûte à sept tuyaux (la flûte de Pan), et figurait volontiers dans le cortège de Dionysos. Cfr Mét., 11, 147.
olivier sauvage (14, 525). La métamorphose d'un berger en olivier sauvage, racontée en 14, 517-526, correspond à Antoninus Liberalis, 31, où des Nymphes, offensées par des paysans Messapiens, les punirent en les transformant en arbres émettant des gémissements.
Voici Turnus... (14, 530-565). L'épisode de l'incendie des vaisseaux d'Énée (navires faits en pins du mont Ida) par Turnus et de leur métamorphose en nymphes marines correspond à Virgile, Én., 9, 12-127.
Mulciber (14, 532-3). Littéralement « qui assouplit les métaux » est un des noms de Vulcain, le dieu-forgeron. (cfr Mét., 2, 5 ; 9, 263 et 9, 423). Il désigne ici simplement le feu.
sainte mère des dieux... (14, 535-538). Cfr la note à Mét., 10, 687. Il s'agit de Cybèle, la « Grande Mère » ou la « Mère des Dieux », originaire de Phrygie. Elle personnifie la puissance naturelle de la végétation. Son culte s'est répandu dans le monde méditerranéen, et en Grèce elle fut rapidement assimilée à Rhéa, épouse de Cronos et mère de Zeus. Pour une présentation générale, voir Fastes, 4, 179-372, et particulièrement la n. au vers 4, 181. Voir aussi Virg., Én., 9, 80-83n. et aussi 3, 5-6, où on voit Énée se construire une flotte avec des pins de l'Ida, consacrés à Cybèle. Pour le cortège de Cybèle, voir Mét., 10, 696.
fils d'Astrée (14, 544-5). Selon Hésiode, Théogonie, 378ss, les vents Zéphyr, Borée et Notos sont les fils d'Astrée. Chez Homère, le père des vents est Éole.
Pélasges (14, 562). Les Grecs, ennemis des Troyens. Cfr Mét., 7, 49 et 7, 133.
roi de Nérite (14, 563). Ulysse, roi d'Ithaque et d'îles voisines, dont Nérite (cfr Mét., 14, 159). En quittant l'île du Soleil, Ulysse, dont l'équipage avait dérobé les boeufs du Soleil, avait fait naufrage, puis avait été recueilli par Calypso (Od., 12, 399-450).
bateau d'Alcinoüs (14, 565). Alcinoüs, roi des Phéaciens, avait chargé ses hommes de reconduire Ulysse à Ithaque. Mission accomplie, les Phéaciens déposèrent Ulysse et de somptueux présents sur le rivage d'Ithaque, puis reprirent la mer. Mais Poseidon, dont la rancoeur contre Ulysse était tenace, transforma le bateau en rocher (Od., 13, 125-164).
Ardée... (14, 573-580). Ville du Latium, non loin de la côte Tyrrhénienne, dont la légende faisait la capitale du Rutule Turnus. Le rapport entre le nom de la ville et celui du héros (ardea) semble fantaisiste.
terme à de vieilles colères (14, 581-582). On se rappelle que l'Énéide de Virgile commence avec la colère de Junon, très hostile à la naissance d'une nouvelle Troie en Italie et cause de toutes les épreuves endurées par Énée (Iunonis ob iram : Én., 1, 4) et se termine avec la réconciliation générale des dieux (Én., 12, 791-842).
Iule (14, 583). Le fils d'Énée, Ascagne, prénommé aussi Iule. Quittant Lavinium, fondation d'Énée, Ascagne-Iule avait fondé Albe-la-Longue, dont la puissance était solidement établie (cfr Tite-Live, I, 3). Énée peut maintenant mourir.
monter au ciel (14, 584). D'après la légende, Énée aurait disparu lors d'une bataille livrée sur les bords du fleuve Numicus (cfr infra, v. 599). Pour Denys d'Halicarnasse (I, 64, 4), « les uns conclurent qu'il avait été élevé au rang des dieux, les autres qu'il avait péri noyé dans le Numicus voisin ». Les partisans de l'apothéose croyaient qu'il était identifié à Jupiter Indigète (cfr infra, v. 608). Plusieurs textes évoquent cette histoire, comme par exemple Caton (Origines, I, 10 Chassignet, avec une liste détaillée de références), Tite-Live (I, 2, 6), Denys d'Halicarnasse (I, 64, 4-5).
les eaux du Styx (14, 590-1). Allusion à la visite d'Énée aux enfers (Mét., 14, 101-121, ainsi que Énéide, 6).
Laurentes (14, 598). Voir n. à Mét., 14, 336.
Numicius (14, 599). Le fleuve du Latium près duquel Énée aurait disparu. Il en a été question ailleurs (cfr n. à Mét., 14, 328-330, et Virg., Én., 7, 148-151 avec n. à 7, 242 et 7, 797).
le dieu cornu (14, 602). Les fleuves étaient souvent représentés avec des cornes (cfr par ex. Acheloüs, Mét., 9, 97).
Quirinus (14, 607). Divinité romaine à laquelle fut identifié Romulus une fois monté au ciel (cfr Mét., 14, 828). L'expression « le peuple de Quirinus » désigne simplement les Romains, peuple de Romulus.
Indigète (14, 608). Cfr Tite-Live, I, 2, 6 : « De quelque façon que la loi et la religion veuillent qu'on le nomme, Énée repose au bord du fleuve Numicus et est appelé Jupiter Indigète » (J. Heurgon et G. Baillet). L'étymologie et la signification de cette épithète Indiges sont très obscures, et il ne semble pas qu'il y ait jamais eu à Rome un véritable culte rendu à Énée sous l'appellation de Jupiter Indiges. Mais le fait est qu'on a cru à Rome qu'Énée, comme Romulus (cfr Mét., 14, 806-828), étaient montés au ciel.
ensuite (14, 609-622). Ovide donne ensuite une liste des rois légendaires, censés avoir régné sur Albe depuis Ascagne-Iule, fils d'Énée, jusqu'à Proca, le père de Numitor et d'Amulius. Ils ont été imaginés à date relativement récente, et leur liste varie d'un auteur à l'autre. Nous ne commenterons pas chacun des noms. Voici à titre d'exemple la version de Tite-Live (I, 3, 6-10) :
« Ensuite régna le fils d'Ascagne, Siluius, qui justement avait vu le jour dans une forêt. Lui-même engendra Énée Siluius et celui-ci, plus tard, Latinus Siluius. Ce dernier fit partir plusieurs groupes de colons qu'on appelle les Anciens Latins. Le surnom de Siluius fut maintenu pour tous ceux qui régnèrent à Albe. De Latinus naquit Alba, d'Alba Atys, d'Atys Capys, de Capys Capétus, de Capétus Tibérinus, qui se noya en traversant l'Albula et donna à ce fleuve son nom que l'avenir rendrait célèbre. Plus tard vint Agrippa, fils de Tibérinus ; après Agrippa, régna Romulus Siluius, qui reçut de son père le pouvoir. Lui-même fut foudroyé et le pouvoir royal échut directement à Aventinus. Celui-ci a donné son nom à la colline où il fut enterré et qui fait partie maintenant de Rome. Proca régna ensuite. Il engendra Numitor et Amulius. » (trad. D. De Clercq, BCS)
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