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Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre I (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante


OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE I

[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2005]

 

Légende d'Io - Entrée en scène de Phaéton (vers 568-779)

 

 

Io métamorphosée en génisse (1, 568-624)

L'évocation de la vallée de Tempé, où réside le dieu fleuve Pénée, père de Daphné, introduit la métamorphose suivante, celle d'Io, fille du fleuve Inachus qui, comme Pénée, pleure sa fille disparue. (1, 568-587)

Jupiter aperçoit Io, décide de la posséder malgré elle, l'empêche de fuir en couvrant la terre de ténèbres, et lui ravit son honneur. Junon soupçonnant que cette obscurité soudaine couvre une infidélité de son mari, descend sur terre, mais Jupiter, pour soustraire Io à la fureur de son épouse, la transforme en une génisse d'une beauté éclatante. Junon, jalouse et méfiante, obtient que la génisse lui soit offerte en cadeau et décide de la confier à la garde d'Argus. (1, 588-624)

1, 568

Est nemus Haemoniae, praerupta quod undique claudit

silua : uocant Tempe ; per quae Peneos ab imo
 

Il est en Hémonie, une zone que ferme de tous côtés

une forêt pentue : la vallée de
Tempé, traversée par le Pénée,
 
1, 570 effusus Pindo spumosis uoluitur undis

deiectuque graui tenues agitantia fumos

nubila conducit summisque adspergine siluis

inpluit et sonitu plus quam uicina fatigat :

haec domus, haec sedes, haec sunt penetralia magni
 
surgi des pieds du Pinde et y roulant ses eaux écumeuses ;

une forte chute produit des nuages de vapeurs légères,

qui s'agitent, retombent en pluie, arrosant les cimes des forêts ;

elle étourdit de son vacarme bien plus que les alentours.

C'est là que se trouvaient la demeure, le séjour, la sainte retraite
 
1, 575 amnis, in his residens facto de cautibus antro,

undis iura dabat nymphisque colentibus undas.

Conueniunt illuc popularia flumina primum,

nescia, gratentur consolenturne parentem,

populifer Sperchios et inrequietus Enipeus
 
du grand fleuve ; installé là, dans une grotte faite de rochers

il imposait des lois aux eaux et aux nymphes leurs hôtesses.

Là se réunissent d'abord  les fleuves de la région, se demandant

s'ils doivent féliciter le père de Daphné ou le consoler :

le
Sperchios bordé de peupliers, l'Énipée, jamais en repos,
 
1, 580 Eridanusque senex lenisque Amphrysos et Aeas,

moxque amnes alii, qui, qua tulit inpetus illos,

in mare deducunt fessas erroribus undas.

Inachus unus abest imoque reconditus antro

fletibus auget aquas natamque miserrimus Io
 
le vieil Éridan, le paisible Amphrysos et l'Éas.

Bientôt arrivent d'autres fleuves qui, par là où les porte leur élan,

entraînent vers la mer des eaux lasses de leurs errances.

Seul l'
Inachus est absent ; caché au fond d'une grotte,

il grossit de ses larmes le volume de ses eaux et, désespéré,
 
1, 585

luget ut amissam : nescit, uitane fruatur

an sit apud manes ; sed quam non inuenit usquam,

esse putat nusquam atque animo peiora ueretur.


Viderat a patrio redeuntem Iuppiter illam

flumine et « o uirgo Ioue digna tuoque beatum
 

pleure sa fille Io, comme disparue ; est-elle en vie ?

Est-elle chez les Mânes ? Il ne le sait, mais ne la trouve nulle part,

et pensant qu'elle n'est nulle part, il craint le pire en son coeur.


Jupiter l'avait vue revenant de chez son père le fleuve et lui avait dit :

« Ô vierge digne de Jupiter, toi qui bientôt combleras je ne sais qui
 
1, 590 nescio quem factura toro, pete » dixerat « umbras

altorum nemorum » (et nemorum monstrauerat umbras)

« dum calet, et medio sol est altissimus orbe !

Quodsi sola times latebras intrare ferarum,

praeside tuta deo nemorum secreta subibis,
 
en l'accueillant dans ton lit, dirige tes pas vers ces hautes futaies

pleines d'ombres », - et il lui avait montré les bois pleins d'ombres -,

« pendant que le soleil est brûlant, très haut, au milieu de sa course.

N'aie pas peur d'entrer seule dans les repaires des bêtes sauvages,

tu t'avanceras au fond des bois, sous la sûre direction d'un dieu ;
 
1, 595 nec de plebe deo, sed qui caelestia magna

sceptra manu teneo, sed qui uaga fulmina mitto.

Ne fuge me » fugiebat enim. Iam pascua Lernae

consitaque arboribus Lyrcea reliquerat arua,

cum deus inducta latas caligine terras
 
car je ne suis pas un dieu ordinaire : en ma main puissante

je tiens le sceptre céleste, c'est moi qui lance la foudre sinueuse ;

ne me fuis pas. » Car elle fuyait. Déjà elle avait laissé derrière elle

les pâtures de
Lerne et les champs plantés d'arbres du Lyrcée,

lorsque le dieu cacha les terres en les recouvrant d'obscurité ;
 
1, 600 occuluit tenuitque fugam rapuitque pudorem.


Interea medios Iuno despexit in agros

et noctis faciem nebulas fecisse uolucres

sub nitido mirata die, non fluminis illas

esse, nec umenti sensit tellure remitti ;
 
il arrêta ainsi Io dans sa fuite et lui ravit son honneur.


Cependant Junon, abaissant ses regards sur la terre,

s'étonna de voir, au cours d'un jour lumineux, se lever

des nuages rapides qui firent apparaître la face de la nuit ;

comprenant que ces nuages ne venaient ni du fleuve ni du sol humide,
 
1, 605 atque suus coniunx ubi sit circumspicit, ut quae

deprensi totiens iam nosset furta mariti.

Quem postquam caelo non repperit, « aut ego fallor

aut ego laedor » ait delapsaque ab aethere summo

constitit in terris nebulasque recedere iussit.
 
elle se mit à chercher autour d'elle où se trouvait son époux,

dont elle connaissait les
infidélités, pour l'avoir surpris tant de fois.

Ne le trouvant pas dans le ciel, elle dit : « Ou je me trompe,

ou je suis trompée ». Se laissant glisser du sommet de l'éther,

elle prit pied sur terre et ordonna aux nuages de se retirer.
 
1, 610 Coniugis aduentum praesenserat inque nitentem

Inachidos uultus mutauerat ille iuuencam ;

bos quoque formosa est. speciem Saturnia uaccae,

quamquam inuita, probat nec non, et cuius et unde

quoue sit armento, ueri quasi nescia quaerit.
 
Jupiter, qui avait prévu l'arrivée de son épouse,

avait fait de la fille d'Inachos une génisse éclatante.

Même génisse, elle est belle ; la
Saturnienne, malgré elle,

admire la beauté de la vache et, feignant d'ignorer la vérité,

demande à qui elle appartient, d'où et de quel troupeau elle vient.
 
1, 615 Iuppiter e terra genitam mentitur, ut auctor

desinat inquiri : petit hanc Saturnia munus.

Quid faciat ? Crudele suos addicere amores,

non dare suspectum est : Pudor est, qui suadeat illinc,

hinc dissuadet Amor. Victus Pudor esset Amore,
 
Jupiter, la disant née de la terre, ment pour faire cesser l'enquête

sur son maître. La Saturnienne l'exige comme présent.

Que faire ? Lui céder l'objet de ses amours serait cruel,

ne pas le lui offrir serait suspect. Sa honte le pousse à céder

et son amour l'en dissuade. L'amour pourrait triompher de la honte,
 
1, 620 sed leue si munus sociae generisque torique

uacca negaretur, poterat non uacca uideri !

Paelice donata non protinus exuit omnem

diua metum timuitque Iouem et fuit anxia furti,

donec Arestoridae seruandam tradidit Argo.
 
mais s'il refusait ce modeste présent à celle qui partage sa couche,

à
sa soeur, la vache pouvait ne pas passer pour une simple vache.

Dès qu'elle eut reçu sa rivale en cadeau, la déesse ne se départit pas

aussitôt de sa crainte ; anxieuse, elle redouta un rapt par Jupiter,

jusqu'au jour où elle confia la garde d'Io à
Argus, fils d'Arestor.
 

 

Argus, tué par Mercure grâce au récit de la métamorphose de Syrinx (1, 625-724)

Réduite à courir les pâturages et à ne plus émettre que des mugissements, la génisse Io, impitoyablement surveillée par Argus aux cent yeux, arrive au bord de l'Inachus et parvient, en traçant des signes sur le sol à l'aide de son sabot, à se faire reconnaître. Argus revient arracher Io à son père consterné, et l'emmène en un lieu où il pourra mieux la surveiller. (1, 625-667)

Jupiter apitoyé par le sort de Io dépêche Mercure sur terre, avec mission de supprimer Argus. Se faisant passer pour un berger jouant sur une flûte de roseaux, Mercure s'approche d'Argus qui, séduit par ses récits et ses chants, cherche à résister à la torpeur qui le gagne en lui demandant l'origine de ce nouvel instrument. (1, 668-688)

Mercure raconte à Argus l'histoire de Syrinx, naïade adepte de Diane et vouée à la virginité. Pour échapper aux poursuites de Pan, elle obtint d'être métamorphosée par les eaux du Ladon qui lui barrait la route, si bien que Pan ne put saisir que des roseaux. En découvrant que, lorsqu'il soupirait, l'air traversant les roseaux produisait une mélodie agréable, Pan songea à assembler des roseaux avec de la cire pour en faire la flûte de Pan, à qui il donna le nom de syrinx. (1, 689-712)

Mercure, dont les récits avaient triomphé de la vigilance d'Argus, endormit complètement le monstre à l'aide de sa baguette magique, puis le décapita d'un coup d'épée. Junon recueillit alors les yeux éteints d'Argus, pour en parer la queue du paon, son oiseau sacré. (1, 713-724)

1, 625

Centum luminibus cinctum caput Argus habebat

inde suis uicibus capiebant bina quietem,

cetera seruabant atque in statione manebant.

Constiterat quocumque modo, spectabat ad Io,

ante oculos Io, quamuis auersus, habebat.
 

Argus avait la tête entourée de cent yeux,

qui, par deux, à tour de rôle, se reposaient ;

les autres veillaient et restaient en faction.

Quelle que soit sa position, il regardait vers Io.

Même le dos tourné, il avait Io sous les yeux.
 
1, 630 Luce sinit pasci ; cum sol tellure sub alta est,

claudit et indigno circumdat uincula collo.

Frondibus arboreis et amara pascitur herba.

Proque toro terrae non semper gramen habenti

incubat infelix limosaque flumina potat.
 
Le jour, il la laisse paître ; quand le soleil s'enfonce sous terre,

il l'enferme et lui entoure le cou de liens bien indignes d'elle.

Elle se nourrit de feuilles d'arbres et d'herbe amère ;

le lit de la malheureuse c'est la terre,  pas toujours couverte

de gazon, et son breuvage est l'eau vaseuse des cours d'eau.
 
1, 635 Illa etiam supplex Argo cum bracchia uellet

tendere, non habuit, quae bracchia tenderet Argo,

conatoque queri mugitus edidit ore

pertimuitque sonos propriaque exterrita uoce est.


Venit et ad ripas, ubi ludere saepe solebat,
 
Même quand elle voulait, en suppliante, tendre les bras

vers Argus, elle n'avait pas de bras à tendre à Argus ;

si elle essayait de se plaindre, sa bouche mugissait,

et ces sons la terrifiaient ; sa propre voix l'effrayait.


Un jour elle parvint aux rives où souvent elle jouait,
 

1, 640 Inachidas : rictus nouaque ut conspexit in unda

cornua, pertimuit seque exsternata refugit.

Naides ignorant, ignorat et Inachus ipse,

quae sit ; at illa patrem sequitur sequiturque sorores

et patitur tangi seque admirantibus offert.
 
près de l'Inachus ; dès qu'elle vit dans l'eau ses cornes nouvelles,

elle prit peur et recula, consternée devant son image.

Les Naïades l'ignorent, et Inachus lui-même ignore qui elle est ;

mais elle, elle suit son père, elle suit ses soeurs,

elle se laisse toucher et s'offre à ceux qui l'admirent.
 
1, 645

Decerptas senior porrexerat Inachus herbas :

illa manus lambit patriisque dat oscula palmis

nec retinet lacrimas et, si modo uerba sequantur,

oret opem nomenque suum casusque loquatur ;

littera pro uerbis, quam pes in puluere duxit,
 

Le vieil Inachus lui tend des herbes qu'il a cueillies ;

elle lui lèche les mains, couvre de baisers les paumes paternelles,

sans pouvoir retenir ses larmes ; si seulement elle pouvait parler,

elle le prierait de l'aider, lui dirait son nom et ses malheurs.

En guise de mots, le message que trace son sabot
 
1, 650 corporis indicium mutati triste peregit.

«Me miserum !, exclamat pater Inachus inque gementis

cornibus et niuea pendens ceruice iuuencae

«Me miserum !, ingeminat ; tune es quaesita per omnes

nata mihi terras ? Tu non inuenta reperta
 
dans la poussière constitua la triste preuve de sa métamorphose.

« Malheureux que je suis ! », s'exclame son père Inachus,

suspendu aux cornes et au cou de la blanche génisse, qui gémit.

« Malheureux que je suis ! », répète-t-il ; « Est-ce bien toi, ma fille,

que j'ai cherchée partout ? Quand je te cherchais sans te trouver,
 
1, 655 luctus eras leuior ! Retices nec mutua nostris

dicta refers, alto tantum suspiria ducis

pectore, quodque unum potes, ad mea uerba remugis !

At tibi ego ignarus thalamos taedasque parabam,

spesque fuit generi mihi prima, secunda nepotum.
 
tu m'étais un chagrin moins lourd ! Tu te tais, tu ne réponds pas

à mes paroles ; ton coeur se borne à de profonds soupirs,

et la seule chose que tu puisses faire, c'est mugir quand je te parle.

Mais, dans mon ignorance, je préparais une chambre et des torches nuptiales ;

mon premier espoir était d'avoir un gendre, le second, des petits-enfants.
 
1, 660 De grege nunc tibi uir, nunc de grege natus habendus.

Nec finire licet tantos mihi morte dolores ;

sed nocet esse deum, praeclusaque ianua leti

aeternum nostros luctus extendit in aeuum ».

Talia maerenti stellatus submouet Argus
 
Maintenant, ton époux, ton enfant devront venir d'un troupeau.

En outre, la mort ne peut mettre un terme à de si grandes douleurs :

mon malheur est d'être un dieu ; la porte de la mort est close

pour moi et mon deuil doit se prolonger pour l'éternité ».

Tandis qu'il se lamente ainsi, Argus aux cent yeux l'écarte,
 
1, 665 ereptamque patri diuersa in pascua natam

abstrahit. Ipse procul montis sublime cacumen

occupat, unde sedens partes speculatur in omnes.


Nec superum rector mala tanta Phoronidos ultra

ferre potest natumque uocat, quem lucida partu
 
arrache la fille à son père, et l'entraîne vers d'autres pâturages.

Il s'éloigne et va occuper le sommet d'une haute montagne

où il trône, scrutant de là haut dans toutes les directions.


Le maître des dieux ne supporte pas de voir la fille de
Phoronée

souffrir plus longtemps de si grands maux ; il convoque le fils

 
1, 670

Pleias enixa est letoque det imperat Argum.

Parua mora est alas pedibus uirgamque potenti

somniferam sumpsisse manu tegumenque capillis.

Haec ubi disposuit, patria Ioue natus ab arce

desilit in terras ; illic tegumenque remouit
 

que lui donna une lumineuse Pléiade, et lui ordonne de tuer Argus.

Sans tarder le dieu fixe des ailes à ses pieds,

saisit dans sa main puissante la
baguette qui endort

et pose sur ses cheveux son couvre-chef. Aussitôt, ainsi équipé,

le fils de Jupiter quitte la citadelle céleste et descend sur terre.
 
1, 675 et posuit pennas, tantummodo uirga retenta est :

hac agit, ut pastor, per deuia rura capellas

dum uenit abductas, et structis cantat auenis.

Voce noua captus custos Iunonius : « At tu,

quisquis es, hoc poteras mecum considere saxo »,
 
Là, il ôte son chapeau, dépose ses ailes,  ne gardant que sa baguette.

Avec celle-ci,
tel un berger, il arrive poussant des chèvres

à travers champs et assemble des roseaux sur lesquels il joue un air.

Cette musique et cet art inconnus charment le gardien de Junon :

« Qui que tu sois, tu pourrais t'asseoir avec moi sur ce rocher », dit Argus,
 
1, 680 Argus ait ; « neque enim pecori fecundior ullo

herba loco est, aptamque uides pastoribus umbram. »

Sedit Atlantiades et euntem multa loquendo

detinuit sermone diem iunctisque canendo

uincere harundinibus seruantia lumina temptat.
 
« car nulle part un troupeau ne trouve une herbe plus riche,

et tu vois que l'ombre y est propice aux bergers. »

Le
rejeton d'Atlas s'assied et, à force de paroles, occupe

le jour qui passe, et, tirant des airs de roseaux assemblés,

il essaie de triompher des yeux toujours en éveil.
 
1, 685 Ille tamen pugnat molles euincere somnos

et, quamuis sopor est oculorum parte receptus,

parte tamen uigilat. Quaerit quoque (namque reperta

fistula nuper erat), qua sit ratione reperta.


Tum deus : « Arcadiae gelidis sub montibus » inquit
 
Argus cependant lutte pour vaincre une douce torpeur,

et si le sommeil occupe déjà certains de ses yeux,

les autres restent vigilants. Il demande même de quelle façon

avait été inventée la
flûte, qui venait d'être découverte.


Alors le dieu dit : « Au pied des montagnes glacées d'Arcadie,
 
1, 690 « inter hamadryadas celeberrima Nonacrinas

naias una fuit : nymphae Syringa uocabant.

Non semel et satyros eluserat illa sequentes

et quoscumque deos umbrosaque silua feraxque

rus habet. Ortygiam studiis ipsaque colebat
 
parmi les Hamadryades de Nonacris, la plus célèbre

était une Naïade que les nymphes appelaient Syrinx.

Plus d'une fois, elle avait échappé aux satyres qui la poursuivaient

et aux dieux qui hantent les forêts ombreuses et les grasses campagnes.

Elle honorait par ses activités la
déesse d'Ortygie, et même
 
1, 695 uirginitate deam ; ritu quoque cincta Dianae

falleret et posset credi Latonia, si non

corneus huic arcus, si non foret aureus illi ;

sic quoque fallebat. Redeuntem colle Lycaeo

Pan uidet hanc pinuque caput praecinctus acuta
 
lui avait voué sa virginité ; ceinte elle aussi à la manière de Diane,

elle aurait pu faire illusion et passer pour la fille de Latone,

si elle n'avait eu un arc de corne, au lieu de l'arc d'or de la déesse.

Même ainsi, on les confondait. Un jour qu'elle revenait du mont
Lycée,

Pan la voit et, portant sur la tête une couronne d'aiguilles de pin,
 
1, 700 talia uerba refert...  » Restabat uerba referre

et precibus spretis fugisse per auia nympham,

donec harenosi placidum Ladonis ad amnem

uenerit ; hic illam cursum inpedientibus undis

ut se mutarent liquidas orasse sorores ;
 
il lui adresse ces paroles... » Il restait au dieu à relater le discours de Pan,

et le dédain de la nymphe pour ses prières et sa fuite à travers champs,

jusqu'à son arrivée au bord sablonneux du paisible
Ladon ;

là, les eaux arrêtant sa course, elle avait prié

ses soeurs liquides de la métamorphoser.
 
1, 705 Panaque cum prensam sibi iam Syringa putaret,

corpore pro nymphae calamos tenuisse palustres,

dumque ibi suspirat, motos in harundine uentos

effecisse sonum tenuem similemque querenti.

Arte noua uocisque deum dulcedine captum :
 
Pan croyait déjà Syrinx à sa merci, mais dans ses mains

il saisit des roseaux du marais et non le corps de la nymphe.

Et tandis qu'il pousse des soupirs, l'air qu'il a déplacé

à travers les roseaux produit un son léger, une sorte de plainte.

Séduit par cette nouveauté et la douceur de cette mélodie,
 
1, 710 « Hoc mihi colloquium tecum » dixisse « manebit »,

atque ita disparibus calamis conpagine cerae

inter se iunctis nomen tenuisse puellae.


Talia dicturus uidit Cyllenius omnes

subcubuisse oculos adopertaque lumina somno ;
 
Pan dit : « Pour moi, cela restera un moyen de converser avec toi ».

Et ainsi grâce à des roseaux inégaux reliés entre eux

par un joint de cire, il perpétua le nom de la jeune fille.


Sur le point de raconter cela, le dieu du Cyllène voit

tous les yeux d'Argus relâchés et ses regards voilés de sommeil.
 
1, 715 supprimit extemplo uocem firmatque soporem

languida permulcens medicata lumina uirga.

Nec mora, falcato nutantem uulnerat ense,

qua collo est confine caput, saxoque cruentum

deicit et maculat praeruptam sanguine rupem.
 
Il cesse aussitôt de parler et, effleurant de sa baguette magique

les yeux languissants du monstre, il en accentue la torpeur.

Puis brusquement, tandis qu'Argus incline la tête, il le frappe

à la jointure du cou avec son épée
munie d'un croc, et du rocher,

il,précipite la tête sanglante, qui souille de son sang la paroi abrupte.
 

1, 720 Arge, iaces, quodque in tot lumina lumen habebas,

exstinctum est, centumque oculos nox occupat una.

Excipit hos uolucrisque suae Saturnia pennis

collocat et gemmis caudam stellantibus inplet.
 
Argus, te voilà gisant ; la lumière de tes regards si nombreux

s'est éteinte, et sur tes cent yeux règne une nuit sans fin.

La Saturnienne les recueille et les place sur le
plumage de l'oiseau

qui est sien, lui couvrant la queue d'étincelantes pierres précieuses.
 

 

Io-Isis, Épaphus et Phaéton (1, 724-779)

Habitée par l'Érinye suscitée par Junon, Io fuit à travers le monde et, découragée, échoue en Égypte, d'où elle implore Jupiter de mettre fin à ses malheurs. Jupiter ayant juré solennellement à Junon qu'elle n'aurait plus rien à craindre de sa rivale Io, il rend à celle-ci sa forme primitive. Io devient en Égypte la très honorée déesse Isis, tandis que leur fils, connu sous le nom d'Épaphus, est honoré avec sa mère dans des temples. (1, 724-749)

Cet Épaphus un jour met en doute l'affirmation de son compagnon de jeux, Phaéton, qui se prétend fils du Soleil (Apollon). Clymène, la mère de Phaéton, rassure sur sa filiation son fils ulcéré en prenant à témoin le Soleil lui-même. Désirant une preuve certaine de son origine, Phaéton, sur le conseil de sa mère, part s'informer personnellement au pays où se lève le Soleil. (1, 750-779)

Protinus exarsit nec tempora distulit irae
 

Dans la foulée Junon s'enflamma et, cherchant une prompte vengeance,
 
1, 725 horriferamque oculis animoque obiecit Erinyn

paelicis Argolicae stimulosque in pectore caecos

condidit et profugam per totum exercuit orbem.

Vltimus inmenso restabas, Nile, labori ;

quem simulac tetigit, positisque in margine ripae
 
fit paraître l'horrible Érinye devant les yeux et dans le coeur

de sa
rivale Argienne, enfouissant en son sein des aiguillons secrets,

qui tourmentent la fugitive dans l'univers entier.

Tu étais, ô
Nil, l'ultime étape de ses épreuves infinies.

Dès qu'elle eut atteint ce fleuve, Io s'agenouilla sur sa rive
 
1, 730 procubuit genibus resupinoque ardua collo,

quos potuit solos, tollens ad sidera uultus

et gemitu et lacrimis et luctisono mugitu

cum Ioue uisa queri finemque orare malorum.

Coniugis ille suae conplexus colla lacertis,
 
et se coucha, le cou en arrière, levant vers les astres

sa face, la seule chose qu'elle put lever ; on la vit,

en pleurs, gémissant et mugissant lugubrement,

se plaindre à Jupiter et implorer la fin de ses malheurs.

Lui, étreignant dans ses bras le cou de son épouse,
 
1, 735 finiat ut poenas tandem, rogat « in » que « futurum

pone metus » inquit : « Numquam tibi causa doloris

haec erit, » et Stygias iubet hoc audire paludes.

Vt lenita dea est, uultus capit illa priores

fitque, quod ante fuit : fugiunt e corpore saetae,
 
lui demande de mettre un terme au châtiment d'Io, en disant :

« Cesse de craindre désormais. Jamais plus Io ne sera pour toi

une cause de souffrance » ; et il force les marais du
Styx à l'entendre.

Dès que la déesse se trouve apaisée, Io reprend sa forme ancienne

et redevient ce qu'elle a été ; les poils disparaissent de son corps,
 
1, 740 cornua decrescunt, fit luminis artior orbis,

contrahitur rictus, redeunt umerique manusque,

ungulaque in quinos dilapsa absumitur ungues :

de boue nil superest formae nisi candor in illa.

Officioque pedum nymphe contenta duorum
 
ses cornes décroissent, le globe de ses yeux se rétrécit,

son museau se contracte, ses épaules et ses mains reparaissent,

ses sabots fondent et se transforment chacun en cinq ongles.

De la vache, elle ne garde que la blancheur éclatante de sa beauté.

Contente d'user de ses deux pieds, la nymphe se redresse,
 
1, 745 erigitur metuitque loqui, ne more iuuencae

mugiat, et timide uerba intermissa retemptat.

Nunc dea linigera colitur celeberrima turba.

Nunc Epaphus magni genitus de semine tandem

creditur esse Iouis perque urbes iuncta parenti

 

mais se garde de parler, de peur de mugir comme une génisse.

Puis timidement elle réessaie les mots qu'elle avait cessé de prononcer.

À présent, une foule habillée de lin rend de grands honneurs à la déesse.

À présent,
Épaphus est enfin reconnu pour être né du grand Jupiter,

et occupe, dans les cités, des temples associés à ceux de sa mère.

 

1, 750 templa tenet. Fuit huic animis aequalis et annis

Sole satus Phaethon, quem quondam magna loquentem

nec sibi cedentem Phoeboque parente superbum

non tulit Inachides : « Matri » que ait « omnia demens

credis et es tumidus genitoris imagine falsi. »
 
Le fils d'Io avait un compagnon de son âge et de son tempérament,

Phaéton, fils du Soleil ; un jour, Phaéton parlait abondamment

et avec superbe de son père Apollon et refusait de s'effacer devant lui ;

le descendant d'Inachus ne le supporta pas et dit : « Insensé, tu crois

tout ce que dit ta mère et tu es plein de l'image d'un père imaginaire. »
 
1, 755 Erubuit Phaethon iramque pudore repressit

et tulit ad Clymenen Epaphi conuicia matrem :

« Quoque magis doleas, genetrix » ait, « ille ego liber,

ille ferox tacui ! Pudet haec opprobria nobis

et dici potuisse et non potuisse refelli.
 
Phaéton rougit ; de honte il étouffa sa colère, mais il rapporta

à sa mère
Clymène les insultes d'Épaphus, en disant :

« Mère, au risque d'ajouter encore à ta douleur, je me suis tu,

moi, un garçon si libre, si intrépide ; j'ai honte qu'il ait pu tenir

contre nous ces propos outrageants, sans me laisser les contester.
 
1, 760 At tu, si modo sum caelesti stirpe creatus,

ede notam tanti generis meque adsere caelo ! »

Dixit et inplicuit materno bracchia collo

perque suum Meropisque caput taedasque sororum

traderet orauit ueri sibi signa parentis.
 
Mais pour ta part, si du moins je suis issu d'une race céleste,

donne-moi une preuve de cette origine, et pour moi revendique le ciel ».

Sur ces paroles, il entoura de ses bras le cou de sa mère ;

par sa tête et celle de
Mérops, par les torches nuptiales de ses soeurs,

il la supplia de lui fournir des signes attestant de son vrai père.
 
1, 765 Ambiguum Clymene precibus Phaethontis an ira

mota magis dicti sibi criminis utraque caelo

bracchia porrexit spectansque ad lumina solis :

« Per iubar hoc » inquit « radiis insigne coruscis,

nate, tibi iuro, quod nos auditque uidetque,
 

On ne sait si Clymène fut plus ébranlée par les prières de Phaéton

que par la colère d'être victime d'une pareille insulte, mais, tendant les bras

vers le ciel et les yeux fixés vers la lumière du soleil, elle dit :

« Par cet astre remarquable aux rayons étincelants,

je te le jure, mon fils, - il nous entend et il nous voit -,
 

1, 770 hoc te, quem spectas, hoc te, qui temperat orbem,

Sole satum ; si ficta loquor, neget ipse uidendum

se mihi, sitque oculis lux ista nouissima nostris !

Nec longus labor est patrios tibi nosse penates.

Vnde oritur, domus est terrae contermina nostrae :
 
c'est de ce Soleil que tu contemples, de cet astre qui règle l'univers,

que tu es né. Si je mens, que lui-même refuse de me laisser

le voir, et que ce jour soit le dernier de ma vie.

Tu pourras sans longs efforts connaître les pénates paternels.

Le
palais d'où il prend son élan est proche de notre pays.
 

1, 775 si modo fert animus, gradere et scitabere ab ipso ! »

Emicat extemplo laetus post talia matris

dicta suae Phaethon et concipit aethera mente

Aethiopasque suos positosque sub ignibus Indos

sidereis transit patriosque adit inpiger ortus.
 
Si le coeur t'en dit, mets-toi en route et informe-toi auprès de lui ».

Aussitôt, tout heureux après ces paroles de sa mère,

Phaéton s'élance, et en pensée il imagine l'éther ; il traverse

son Éthiopie et le pays des Indiens placés sous les feux de l'astre,

puis il se hâte vers l'endroit où se lève son père.
 

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NOTES

Io (568-750). Les traditions sur Io diffèrent, comme c'est souvent le cas, mais en font généralement une princesse d'Argos, descendante ou fille d'Inachus. Ovide donne ici un récit assez détaillé de sa légende.

Hémonie (1, 568). Autre nom de la Thessalie.

Tempé... (1, 569-570). La vallée de Tempé, en Thessalie, où coule le Pénée, est considérée par les poètes anciens comme un endroit particulièrement beau et agréable (par ex. : Virg., Géorg., 2, 469 ; Horace, Odes, 3, 124 ; Ovide, Fastes, 4, 477). Le Pinde est une montagne de Thessalie consacrée à Apollon et aux muses. Pour le Pénée, voir le passage 1, 452-567 et la note.

Sperchios... (1, 579-580). Ovide énumère divers cours d'eau de Thessalie, qui se jettent dans la mer Égée, à l'exception de l'Éas, qui se jette dans l'Adriatique. L'Éridan, autre nom du Pô, est peut-être un homonyme, car on ne voit pas bien pourquoi Ovide aurait mis dans l'énumération présente un fleuve du Nord de l'Italie. (Nous adoptons ici le texte de L. Lafaye, dans la collection Budé, le texte de la Latin Library remplace Eridanus par Apidanus).

Inachus (1, 583). L'Inachus est le principal cours d'eau de l'Argolide. Fils d'Océan et de Téthys, le dieu-fleuve aurait, selon la légende, plusieurs enfants dont Io, de qui il va maintenant être question. On retrouvera son nom en 1, 640 et suivants. Sur cet Inachus, cfr Virgile, Én., 7, 287, 7, 372 et 7, 791-792.

un dieu ordinaire (1, 595). Le texte latin dit « un dieu issu de la plèbe ». Ovide actualise son récit mythologique avec des références à des réalités romaines. On a observé plus haut un souci du même ordre dans la présentation du Palatin céleste et du conseil de Jupiter (1, 167-181).

Lerne... Lyrcée (1, 597-598). Lerne est un marais au sud d'Argos, célèbre par l'hydre que terrassa Hercule ; le mot Lyrcée désigne une montagne et une ville d'Argolide.

infidélités (1, 605). Les infidélités de Zeus-Jupiter sont proverbiales depuis Homère (par exemple, Iliade, 14, 315-328). La jalousie d'Héra-Junon l'est tout autant.

Saturnienne (1, 612). Junon-Héra, fille de Saturne.

sa soeur (1, 620). Junon était à la fois la soeur et l'épouse de Jupiter. Voir par exemple Homère, Iliade, 16, 432; Virgile, Én., 1, 47.

Argus, fils d'Arestor (1, 624). Argus, surnommé Panoptès (« Celui qui voit tout »), est un géant doté d'une force peu commune, héros purificateur de monstres et veilleur infatigable. Il avait selon les variantes, un seul oeil, ou quatre yeux, deux devant et deux derrière, ou bien encore une infinité d'yeux répartis sur tout le corps. Ovide lui attribue ici cent yeux. Le rôle d'Argus comme gardien préposé à Io est évoqué par Virgile décrivant le bouclier de Turnus (Én., 7, 789-792). Arestor est, parmi d'autres, un père proposé pour Argus.

Inachus (1, 640). Voir 1, 583.

Phoronée (1, 668). D'après Hygin (Fab., 143), Phoronée serait un fils d'Inachus et donc un frère d'Io. Ovide semble le considérer ici comme un ancêtre d'Io.

le fils... (1, 669-670). Il s'agit de Mercure, fils de Jupiter et de Maia. Hermès-Mercure est le dieu messager, représenté avec des talonnières en forme d'ailes. La légende lui attribue généralement l'invention de la première lyre et parfois celle de la flûte (la syrinx ou flûte de Pan. Cfr 1, 689-712). Il est censé protéger les commerçants, les voyageurs et les voleurs ; il joue aussi le rôle de « psychopompe », littéralement « conducteur des âmes », qu'il conduit dans les enfers ou qu'il ramène sur terre. Voir Ovide, Fastes, 5, 87 et 5, 103-104 ; Virgile, Én., 4, 239-244.

lumineuse Pléiade (1, 670). Maia, fille d'Atlas et de Pleionè, mère de Mercure, faisait partie, avec ses soeurs, de la constellation des Pléiades, d'où l'adjectif « lumineuse ». Cfr Fastes, 4, 174 et 5, 85.

baguette qui endort (1, 672). Homère (Iliade, XXIX, 343-344), évoquant le caducée d'Hermès, parle de « la baguette au moyen de laquelle il charme à son gré les yeux des mortels ou réveille ceux qui dorment ». Mais la fonction principale du bâton d'Hermès n'était évidemment pas d'endormir les gens éveillés et de réveiller les dormeurs. Cfr aussi 1, 715, et 2, 735.

tel un berger (1, 674). Rappel érudit. Le caducée d'Hermès, qui symbolise le rôle de héraut divin propre au dieu, provient de la transformation de la houlette d'or dont Apollon se servait pour garder les troupeaux d'Admète et dont il aurait fait cadeau à Hermès en échange de la syrinx.

rejeton d'Atlas (1, 682). Périphrase désignant Mercure, petit-fils d'Atlas par sa mère Maia.

flûte (688). Instrument à vent, connu sous le nom de « flûte de Pan » et associé dès Homère aux bergers (Iliade, 18, 525-526). C'est la syrinx des Grecs. Son invention est généralement attribuée à Pan (par exemple Virgile, Bucoliques, 2, 32-33) ; mais d'autres textes en créditent Hermès (par exemple Hymne Homérique à Hermès 1, 511-512).

Alors le dieu dit... (1, 689-712). Ici se situe un récit dans le récit, procédé très utilisé dans les Métamorphoses. L'histoire de la nymphe Syrinx est très « bucolique ».

Hamadryades de Nonacris (1, 690). Les Hamadryades étaient des nymphes des forêts ; Nonacris est une ville du nord de l'Arcadie, patrie du dieu Pan et des bergers.

déesse d'Ortygie (1, 694-697). Ortygie est un autre nom pour Délos, l'île où Apollon et Diane (Artémis) naquirent de Latone (Léto). Des vocables différents sont donc utilisés pour désigner Diane, déesse de la chasse, vouée à la virginité. Souvent dans la littérature, Diane a servi de modèle pour l'évocation de figures féminines vraies ou déguisées. Voir par exemple : Virgile, Én., 1, 498-502 (pour Didon) et 1, 314-329 (pour Vénus).

Lycée (1, 698). Une montagne du sud de l'Arcadie, consacrée au dieu Pan. Cfr 1, 217.

Ladon (1, 702). Fleuve d'Arcadie, consacré à Apollon.

Cyllène (1, 713). Montagne d'Arcadie (cfr 1, 217), où naquit Mercure (Hermès). Le récit concernant Syrinx terminé, Ovide revient donc à Argus et, partant, à Io.

baguette magique (1, 715). Cfr 1, 672 et 2, 735.

munie d'un croc (1, 717). C'est la harpè, une arme très bien décrite dans le Dictionnaire des antiquités de A. Rich (Paris, 3e éd., 1883, p. 312) : « Espèce particulière d'épée ou de poignard avec un crochet pareil à une épine (hamus) en saillie sur la lame à une certaine distance au-dessous de la pointe (mucro). Selon la fable, ceux qui se servirent de cette arme furent Jupiter, Hercule, et plus particulièrement Mercure et Persée ; elle est attribuée plus universellement à ce dernier, comme une arme caractéristique, par les artistes anciens, dans leurs sculptures, peintures et pierres gravées ».

En guise d'illustration, on trouvera ci-contre le détail d'une peinture pompéienne, où le crochet de la harpè est très clairement visible. La peinture représentait Persée, vainqueur de Méduse. Cfr aussi 4, 667 ; 4, 720 ; 4, 727, et 5, 176. Un autre détail de cette même peinture, à savoir les talonnières (sandales ailées) du héros, figure dans la.note à 4, 665-667.

plumage de l'oiseau (1, 722). Le paon est traditionnellement l'oiseau sacré de Junon (Héra), fille de Saturne. Il est représenté avec la déesse sur le monnayage de Samos, de Cos et d'Halicarnasse. Ici Héra est censée disposer les yeux d'Argus sur la queue du paon ; dans d'autres récits (Scholie à Aristophane, Les Oiseaux, 102), c'est Héra qui aurait transformé Argus en paon.

horrible Érinye (1, 725). Les Érinyes, ou Euménides ; à savoir Allecto, Mégère et Tisiphone, sont les divinités du remords, préposées au châtiment des coupables dans l'au-delà et en cette vie (elles rendent démentes leurs victimes). Appelées d'abord Érinyes, elles reçurent le nom d'Euménides par antiphrase (après l'intervention d'Athéna en faveur d'Oreste, lors du meurtre de Clytemnestre). Les Dirae (ou Furies) sont leur équivalent latin. Virgile, qui les identifie parfois aux Bacchantes (cfr 4, 469), les fait intervenir souvent dans l'Én. (cfr par exemple 4, 610 ; 6, 250 ; 6, 280 ; 6, 374 ; 8, 701 ; 12, 845 ; 12, 869). Le mot étant ici au singulier, on songe à la Tisiphone de l'Én. (6, 280 ; 6, 555 ; 6, 570 ; 10, 761).

rivale argienne (1, 726). Io.

Nil (1, 728). Ovide transporte le récit en Égypte, le lieu où Io est censée avoir retrouvé sa forme humaine, avant d'être assimilée à la déesse égyptienne Isis, ce qu'Ovide ne signale qu'indirectement. Un lien entre Io et Isis figure déjà chez Hérodote (2, 41) : « La statue d'Isis, qui est celle d'une femme, porte des cornes de vache, ainsi que chez les Grecs des images d'Io » (Trad. Ph.-E. Legrand).

Styx (1, 737). Sur le serment par le Styx qui engageait irrévocablement les dieux, cfr supra, 1, 189. Les dieux qui juraient par le Styx risquaient de perdre leurs pouvoirs en cas de parjure. Voir notamment, Fastes, 2, 536 et surtout 3, 322.

habillée de lin (1, 747). Il s'agit des prêtres égyptiens. Cfr Hérodote, II, 37 : « Ils portent des vêtements de lin, toujours lavés de frais, chose à laquelle ils veillent avec le plus grand soin. » (trad. Ph.-E. Legrand).

Épaphus (1, 748). C'est le nom du fils d'Io et de Jupiter ; né au bord du Nil, il sera d'abord poursuivi par la hargne d'Héra, puis sauvé par Jupiter et recueilli par sa mère Io. Lorsque Io sera confondue avec Isis, son fils sera identifié à Apis (Hérodote, 2, 153 ; 3, 27 : « Les boeufs sont considérés comme la propriété du dieu Épaphus ou Apis ». Ovide ne fait qu'effleurer cette question : la fin de l'histoire d'Io ne l'intéresse apparemment que pour introduire - un peu artificiellement - son nouveau sujet, la légende de Phaéton, qui occupe une bonne partie du livre 2 des Métamorphoses.

Phaéton (1, 751). La version la plus connue de la légende de Phaéton fait de lui un fils du Soleil et de Clymène, l'Océanide, laquelle l'éleva dans l'ignorance de qui était son père. Ovide consacre de nombreux vers au personnage (1, 750-779 et 2, 1-400).

Clymène... Mérops... ses soeurs (1, 756 et 763). Clymène, fille d'Océan et de Téthys, est la mère de Phaéton dans les versions conservées du mythe. Épouse de Mérops (1, 763), roi d'Éthiopie, elle l'aurait trompé avec Hélios (le Soleil = Apollon), et aurait mis au monde Phaéton. Les soeurs de Phaéton sont les Héliades, dont il sera question plus loin (2, 333-366).

le palais... (1, 774ss). Le Soleil se levant à l'est, son palais - qui sera décrit en 2, 1-18 - était situé en Orient ; il ne faut pas essayer de comprendre selon quelle géographie l'Éthiopie (« notre pays », cfr aussi 1, 777) était proche de ce palais en question, « du côté des Indiens » (1, 778).


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