Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 3 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


OVIDE, FASTES III - MARS


DU 1 AU 14 MARS (3,393-522)


Interdits et prescrits rituels - Précisions astronomiques (3,393-428)

 

Durant les premiers jours de mars (c'est-à-dire pendant les sorties des Saliens avec les anciles), les mariages sont déconseillés et la Flaminica Dialis ne peut se peigner. (3,393-398)

La nuit du 3 mars, une des constellations des Poissons (Notius ou Boréas?) disparaît, et le 5 mars, c'est le tour du Bouvier. Par contre apparaît Vindemitor (constellation du Vendangeur), dont l'origine s'explique par la légende d'Ampélos et de Bacchus. (3,399-414)

La date du 6 mars, où l'on honore Vesta, rappelle aussi l'accession d'Auguste au grand-pontificat. C'est l'occasion d'invoquer les dieux en faveur d'Auguste, dont les liens avec Vesta et les Troyens sont affirmés avec insistance. (3,415-428)

 

Jeune fille, si tu veux convoler, si pressés que vous soyez tous deux,

   diffère ton projet ; de petits délais comportent de grands avantages.

3, 395

Les armes suscitent les combats ; les combats éloignent les maris ;

   une fois les armes remisées, les présages seront meilleurs. Ces jours-là aussi,

ceinte de son voile, l'épouse du flamen Dialis coiffé de son bonnet pointu,

   doit porter ses cheveux sans y passer le peigne.

 

Dès que la troisième nuit du mois aura allumé ses feux,

3, 400

   l'un des poissons jumeaux se sera caché.

Ils sont deux, en effet : l'un est plus proche des vents du sud,

   l'autre des Aquilons ; tous deux tiennent leur nom d'un vent.

 Lorsque l'épouse de Tithon aux joues safranées répandra sa rosée,

   ramenant le temps de la cinquième aurore,

3, 405

le Gardien de l'Ourse ou, si tu veux, ce paresseux Bouvier,

   sera englouti et disparaîtra à ta vue.

Mais le Vendangeur n'échappera pas à tes regards ;

   une courte digression démontre l'origine de cet astre.

 Ampelos aux longs cheveux naquit d'un satyre et d'une nymphe ;

3, 410

   on dit que Bacchus l'aima sur les sommets de l'Ismarus.

L'enfant lui offrit la vigne qui pendait au feuillage d'un ormeau,

   et qui maintenant tient son nom de lui.

En cueillant sur une branche des raisins colorés, il fut distrait et tomba :

   Liber emporta parmi les astres l'ami qu'il avait perdu.

3, 415

Lorsque pour la sixième fois Phébus quitte l'Océan pour gravir

   l'Olympe escarpé et conquérir l'éther avec ses chevaux ailés,

qui que tu sois, présente-toi et, dans son sanctuaire, honore la chaste Vesta,

   rends-lui hommage et dépose de l'encens sur les foyers d'Ilion.

Aux nombreux titres que ce César a préféré devoir à son mérite,

3, 420

   s'est ajoutée la dignité du pontificat.

La puissance éternelle de César préside aux feux éternels :

   se trouvent ainsi réunis les gages de notre souveraineté.

Dieux de l'antique Troie, butin très digne d'Énée, leur porteur,

   que son fardeau protégea contre ses ennemis,

3, 425

un descendant d'Énée sert les divinités de sa parenté :

   protège, ô Vesta, cette tête qui est de ton sang.

Flammes attisées par la main sacrée de César, vous êtes bien vivantes ;

   je prie pour que, flammes et maître, vous viviez sans vous éteindre.


 

Temple de Véiovis - Lever de Pégase le 7 mars (3,429-458)

 

La date du 7 mars marque le jour anniversaire de la dédicace d'un temple de Véiovis, à l'emplacement de l'asile institué par Romulus. C'est l'occasion de noter le caractère très modeste du berceau de Rome. En effet Véiovis ne serait autre que Jupiter enfant, comme l'attestent les traits juvéniles de sa statue, qui le représente sans sa foudre, ainsi que la chèvre qui le nourrit, et des considérations philologiques basées sur le sens du préfixe -ue-. (3,429-448)

Le 7 mars est aussi la date du lever de la constellation de Pégase, le cheval ailé né du cou de la Gorgone tranché par Persée. (3,449-458)

 

Une seule note concerne les Nones de mars : ce jour-là vit, pense-t-on,

3, 430

   la consécration d'un temple de Véiovis entre les deux bois sacrés.

Dès qu'il eut entouré le bois d'un haut mur de pierre, Romulus dit :

   "Qui que tu sois, réfugie-toi ici ; tu seras en lieu sûr".

Quel accroissement a connu le peuple Romain, depuis son humble origine !

   Combien peu enviable apparaissait ce peuple aux temps anciens !

3, 435

De peur que ton ignorance ne se heurte à ce nom inattendu,

   apprends qui est ce dieu, ou pourquoi on l'appelle ainsi.

C'est Jupiter jeune homme : regarde son visage juvénile ;

   ensuite, regarde sa main : elle ne tient pas de foudre.

Ce n'est qu'après l'audacieuse tentative des Géants contre le ciel

3, 440

   que Jupiter prit la foudre : au commencement, il était sans armes ;

Les feux nouveaux de sa foudre embrasèrent l'Ossa et le Pélion,

   plus élevé que l'Ossa, et l'Olympe fut fixé sur un sol ferme.

Près du dieu se dresse aussi une chèvre : on dit que les nymphes crétoises

   ont nourri cette chèvre, qui donna son lait à Jupiter enfant.

3, 445

Maintenant, venons-en au nom : les paysans nomment

   uegrandia les blés mal venus, et uesca, les blés restés petits ;

si telle est la valeur de ce préfixe, pourquoi ne supposerais-je pas

   que le temple de Veiouis est le temple de Jupiter enfant ?

 

Désormais, dès que les astres nuanceront le bleu sombre du ciel,

3, 450

   lève les yeux : tu verras le col du cheval né de la Gorgone.

On croit qu'il a surgi du cou tranché de Méduse gravide,

   bondissant, la crinière tout ensanglantée.

Il glissait sous les étoiles, par dessus les nuages ;

   pour lui le ciel était le sol, et ses ailes des pieds.

3, 455

Et déjà sa bouche rebelle avait accepté le mors, nouveau pour lui,

   lorsque son sabot léger fit jaillir une source en Aonie.

Maintenant il jouit du ciel que jadis il cherchait à atteindre

    au galop de ses ailes, et il brille et scintille de ses quinze étoiles.

 


Lever de la Couronne (8 mars) - Légende d'Ariane devenue Libera (3,459-516)

 

Le 8 mars, l'apparition de la constellation de la Couronne introduit la légende d'Ariane. Abandonnée par Thésée, qu'elle avait pourtant aidé à sortir du labyrinthe grâce à son célèbre fil, Ariane avait vite été consolée par Bacchus-Liber et estimait n'avoir pas perdu au change. (3,459-464)

Bacchus à son tour délaissa la malheureuse, lui préférant une princesse indienne capturée lors de son expédition en Inde, ce qui poussa Ariane à se plaindre amèrement d'un sort immérité, reprochant à Bacchus une infidélité plus criminelle encore que celle de Thésée, l'invitant à revenir vers elle et lui rappelant sa promesse de l'emmener au ciel. (3,465-506)

Ce dernier entend ses plaintes et s'empresse de la consoler, faisant d'elle la déesse Libera ; Vénus avait offert à Ariane la couronne de neuf pierres précieuses forgée pour elle par Vulcain, et qui devint, suite à une métamorphose, la constellation de la Couronne. (3,507-516)

 

Bientôt, à la nuit tombante, tu verras la Couronne de la fille de Gnosse :

3, 460

   elle devint déesse grâce au crime de Thésée.

 Déjà Ariane, qui avait donné à un ingrat le fil qui devait le guider,

    se trouvait bien d'avoir remplacé par Bacchus un époux parjure.

Heureuse du tour pris par son union, elle se dit : "Pauvre sotte,

   pourquoi pleurais-tu? Sa perfidie m'a bien servie".

3, 465

Cependant Liber, vainqueur des Indiens aux cheveux nattés,

   revenait chargé de richesses du monde de l'Orient.

 Parmi de jeunes captives remarquables de beauté,

   une fille de roi ne paraissait que trop charmante à Bacchus.

Son épouse aimante pleurait et, errant, les cheveux défaits,

3, 470

   le long du rivage sinueux, elle prononça ces paroles :

"Ô flots, entendez mes plaintes, semblables aux précédentes !

   Ô sable du rivage, reçois à nouveau mes larmes !

Je disais, je m'en souviens :'Parjure et perfide Thésée !'

   Il s'en est allé, mais Bacchus est aussi criminel que lui.

3, 475

Maintenant je crie : 'Que jamais une femme ne croie un homme' ;

   ma situation se répète, sous un autre nom.

Ah ! Pourquoi mon premier destin ne s'est-il pas accompli !

   Aujourd'hui, je n'existerais plus !

Liber, pourquoi m'as-tu sauvée mourante sur une plage déserte ?

3, 480

   J'ai pu, une fois, guérir de ma douleur.

Inconstant Bacchus, plus léger que les feuilles ceignant tes tempes,

   Bacchus que je n'ai connu que pour verser des larmes,

tu as osé, en amenant sous mes yeux une maîtresse,

   plonger dans les tourments notre union si harmonieuse ?

3, 485

Hélas ! Où est la foi engagée ? Où sont tes serments répétés ?

   Malheureuse ! que de fois vais-je prononcer ces paroles ?

Tu incriminais Thésée et le traitais toi-même d'imposteur :

   ton jugement rend ta faute plus vile encore.

Que personne ne le sache, que la douleur me consume en secret !

3, 490

   Qu'on ne juge pas que j'ai mérité tant de trahisons !

Je voudrais surtout que cela reste ignoré de Thésée,

   qu'il n'ait pas la joie de te voir complice de sa faute.

Sans doute as-tu préféré un teint éclatant à la basanée que je suis :

   c'est ce teint de là-bas que je souhaite à mes ennemies !

3, 495

Mais qu'importe ? Ce défaut même la rend plus gracieuse à tes yeux.

   Que fais-tu ? Cette femme te salit quand tu l'embrasses.

Bacchus, montre-toi fidèle, et, dans tes amours, ne préfère aucune femme

   à ton épouse. J'ai toujours eu pour habitude d'aimer mon mari.

Ma mère se laissa séduire par les cornes d'un beau taureau ;

3, 500

   et moi, par les tiennes ; mais mon amour était louable, le sien infamant.

Il ne faut pas que mon amour me nuise ; toi non plus, Bacchus,

   tu n'as pas eu à souffrir de m'avoir avoué ta flamme.

D'ailleurs ce n'est pas étonnant que ton amour me brûle :

   on te dit né dans le feu, et arraché des flammes par la main de ton père.

3, 505

C'est bien à moi que souvent tu as promis le ciel.

   Hélas pour moi, au lieu du ciel, quels présents puis-je emporter !"

 

Elle avait parlé ; depuis un moment Liber entendait ses plaintes,

   car, se trouvant justement derrière elle, il l'avait suivie.

Aussitôt il la serre dans ses bras, sèche ses larmes par des baisers.

3, 510

   Et il dit : "Gagnons ensemble les sommets du ciel !

Toi, compagne de ma couche, tu recevras un nom lié au mien :

   Car après ta métamorphose, tu porteras le nom de Libera.

Et avec toi nous perpétuerons le souvenir de la couronne

   que Vulcain offrit à Vénus, qui à son tour te la donna".

3, 515

Il fait ce qu'il dit et les neuf pierreries sont changées en feux.

   Maintenant cette Couronne d'or scintille parmi ses neuf étoiles.


 

Les Equirria du 14 mars (3,517-522)

 

Le 14 mars on célèbre la deuxième édition de courses de chevaux au Champ de Mars, ou, en cas d'inondation, sur le Célius. (3,517-522)

 

Lorsque le dieu qui entraîne sur son axe rapide le jour pourpré

   aura par six fois soulevé et immergé son disque,

tu assisteras aux seconds Equirria, sur le gazon du Champ de Mars,

3, 520

   dont les flots du Tibre sinueux viennent frapper le flanc.

Cependant, si par hasard une crue du fleuve occupe l'endroit,

   les chevaux seront accueillis sur le Célius qui se couvrira de poussière.

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Notes (3,393-522) 

 
diffère ton projet (3,393-394). Les jours où les Saliens promenaient les anciles étaient réputés de mauvais augure (religiosi). Il était interdit d'entreprendre des affaires, et notamment de célébrer des mariages.

ceinte de son voile (3,397). Festus, p. 79 L, explique que la flaminica, c'est-à-dire l'épouse du flamine de Jupiter (2, 27 ; 6, 226), devait porter continuellement un voile couleur de feu (flammeum).

son bonnet pointu (3,397). Le flamine portait un bonnet rituel, qui était fait de la peau d'un animal sacrifié et qui se prolongeait par un petit bâton d'olivier fixé par un fil de laine (apex).

sans y passer le peigne (3,398). Comme son mari, la flaminica était "liée" par toute une série d'obligations rituelles. Décrivant, en 6, 229-231, à la date du 15 juin, l'évacuation des immondices du sanctuaire de Vesta, Ovide nous apprendra que ce jour-là la flaminica ne pouvait ni se peigner ni se couper les ongles ni avoir des rapports sexuels avec son mari.

poissons jumeaux (3,399-402). Ovide a déjà présenté en 2, 458-474 les deux constellations des Poissons (Pisces). L'un des Poissons se nommait Notius (d'après Notus, le vent du sud), et l'autre Boreus (d'après Boreas, le vent du nord).

épouse de Tithon (3,403). L'Aurore. Cfr 1, 461 et note.

Bouvier (3, 405-406). Le 5 mars est pour Ovide la date du coucher du Bouvier, appelé aussi Arctophylax, c'est-à-dire le Gardien de l'Ourse, dont il a été question en 2, 154 et 2, 190. "Cette constellation peut être considérée comme le Gardien de la Grande Ourse, si l'on veut y voir un animal, comme comme son Conducteur, si on en fait un Chariot." (H. Le Bonniec). Le Bouvier est dit paresseux, parce qu'il met beaucoup de temps à se coucher. En fait cette date du 5 mars est erronée, comme beaucoup des annotations astronomiques d'Ovide.

Vendangeur (3,407). Vindemitor (en français "Le Vendangeur") est une étoile de magnitude 3 appartenant à la constellation de la Vierge et que les astronomes appellent aujourd'hui Vindemiatrix, "la Vendangeuse" (sur la Vierge, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle ou Chevaliers du Zodiaque). "Elle doit ce nom au fait que son lever héliaque était censé avoir lieu au début des vendanges" (R. Schilling). Ovide va brièvement présenter son catastérisme.

Ampelos... (3,409-410). Ampelos est un mot grec signifiant "vigne, plant de vigne". La légende en a fait un jeune homme aimé de Dionysios-Bacchus-Liber, qui le transforma en constellation. Elle est essentiellement connue par ce passage d'Ovide et par un plus long récit de Nonnos de Panopolis (Ve siècle p.C.) dans ses Dionysiaques, 10, 175ss.

Ismarus (3,410). Montagne de Thrace, séjour de Bacchus, et réputée pour ses vins.

pour la sixième fois (3,415). Le 6 mars est la date anniversaire de la désignation d'Auguste comme Grand Pontife, en 12 a.C. Ce titre faisait de lui le supérieur hiérarchique des Vestales et, dans un certain sens, le "prêtre de Vesta" (c'est en tout cas ainsi que Ovide, en 5, 573, présente Jules César, Grand Pontife, que Vesta qualifie de "mon prêtre" en 3, 699). Auguste avait une vénération particulière pour Vesta, et, une fois désigné Grand Pontife, il lui consacra, étroitement lié à son palais sur le Palatin, un sanctuaire (avec statue et autel) dont le jour anniversaire était le 28 avril (4, 949-954).

dans son sanctuaire (3,417-418). C'est du sanctuaire du Palatin, et non du temple rond du Forum, qu'il semble être ici question. En effet le temple de Vesta sur le Forum n'était pas ouvert le 6 mars, et son accès d'ailleurs était très strictement réglementé.

foyers d'Ilion (3,417-418). Vesta est considérée ici (cfr aussi Virgile, Énéide, 2, 296-297) comme une déesse "troyenne". En 1, 528 par contre, elle est présentée comme une divinité d'Italie accueillant les Pénates de Troie, ce qui est plus conforme aux réalités religieuses.

feux éternels (3,421). Le feu sacré de Vesta sur lequel veillaient les Vestales et qui ne pouvait jamais s'éteindre, sinon au début d'une année nouvelle, lorsqu'on l'éteignait et on le rallumait rituellement (3, 143-144). C'est dans ce sens qui'il était "éternel". Quant à "l'éternité" d'Auguste (appelé ici César), c'est une allusion à "la divinisation virtuelle" (R. Schilling) de l'empereur. Dans la partie occidentale de l'Empire, et surtout à Rome, Auguste avait toujours refusé de son vivant les honneurs divins ; son apothéose officielle n'aura lieu qu'après sa mort, mais on rendait déjà un culte à son Génie, aux côtés des Lares, dans les différents carrefours de la ville (cfr n. à 2, 616 ; et 5, 145).

gages de notre souveraineté... (3,422-426). Dans ce contexte, l'expression désigne métaphoriquement l'empereur et Vesta, dans le temple rond de laquelle sont conservés (entre autres choses) le Palladium et les Pénates, venus de Troie avec Énée. Les Pénates du temple de Vesta sont présentés comme "les dieux de l'antique Troie" qu'Énée a transportés avec lui dans ses voyages et qui l'ont protégé. Rappelons que l'ancile envoyé par Jupiter constituait, techniquement cette fois (et avec le Palladium), un des sept gages de la souveraineté romaine (cfr 3, 346 et 3, 354, avec les notes), mais ce n'est pas des anciles, conservés dans la Regia, qu'il est question ici.

cette tête qui est de ton sang (3,426). C'est-à-dire qui est, comme toi, Vesta, d'origine troyenne. En effet Auguste était le fils adoptif de Jules César, dont la gens prétendait se rattacher au fils d'Énée, Ascagne-Iule.

temple de Véiovis (3,430). Le 7 mars commémorait la dédicace en 192 a.C. d'un temple à Véiovis, situé entre les deux sommets du Capitole (inter duos lucos = "entre les deux bois sacrés"), à l'endroit où l'on situait le légendaire asile ouvert par Romulus (cfr 2, 140 ; Tite-Live, 1, 8, 5). Véiovis avait également à Rome un autre temple sur l'île Tibérine, dont l'anniversaire tombait le 1er janvier et qu'Ovide a mentionné très rapidement en 1, 293. De cette divinité, connue aussi sous le nom de Védiovis, Ovide fait ici un "Jupiter jeune", qui n'a pas encore la foudre, son arme favorite.

Ossa... Pélion... Olympe... (3,441). Montagnes de Thessalie, que les Géants révoltés avaient entassées pour tenter d'escalader le ciel (1, 307-308).

chèvre (3,443). La chèvre est l'animal sacrificiel de Véiovis, d'où sa présence aux côtés du dieu. La suite évoque la légende selon laquelle Jupiter enfant aurait été nourri en Crète par Amalthée, dont on faisait tantôt une chèvre, tantôt une naïade. Cfr 5, 115-127.

venons-en au nom (3,445). Ovide construit son raisonnement sur l'idée que l'élément initial ue- a le sens de "petit", ce qui ne correspond pas exactement à la position des modernes, pour qui le préfixe ue- présent dans certains mots latins a une valeur privative ou péjorative. Le hasard a voulu qu'Ovide ait interprété correctement uegrandia qui signifie effectivement male grandia ("qui n'a pas sa grandeur normale"). L'autre exemple par contre (uesca) n'est pas construit sur le préfixe ue-. Quant à Veiouis-Vediouis, il ne serait pas exclu qu'il soit composé de ue- et de dius, non pas avec avec le sens de "petit Jupiter", mais avec celui de "qui est privé de lumière", d'où "dieu du monde souterrain". Mais soyons prudents, car le signalement précis de cette divinité reste énigmatique.

le col du cheval né de la Gorgone... (3,450-458). La constellation Pégase se lèverait d'après Ovide le 7 mars, ce qui une fois de plus ne semble pas correct. Sur cette constellation, cfr Les Chevaliers du Zodiaque et Astronomie virtuelle. Selon la légende, le cheval Pégase serait né du cou de la Gorgone Méduse décapitée par Persée. Cheval ailé, Pégase aurait alors pris son vol pour gagner le ciel (par exemple Hésiode, Théogonie, 284-286), où il se mit au service de Jupiter.

jaillir une source en Aonie (3,456). Avant d'être finalement transformé en constellation par Jupiter, Pégase avait fait surgir, d'un coup de sabot, la source Hippocrène (cfr 5, 7), au flanc de l'Hélicon, en Béotie, appelée aussi Aonie, du nom de son roi éponyme Aon, fils de Poséidon (cfr 1, 490).

Couronne de la fille de Gnosse (3,459). La fille de Gnosse est Ariane, fille de Minos, roi de Crète, dont un palais se trouvait à Cnosse ou Gnossos. La constellation de la Couronne, qui d'après Ovide se lève le 8 mars, lui fournit l'occasion d'évoquer divers épisodes de la légende d'Ariane, abandonnée une première fois par Thésée, et une seconde fois par Bacchus, avant d'être emmenée au ciel. Sur cette constellation, cfr Observational Astronomy ou Astronomie virtuelle. Dans Mét., 8, 181-182, Ovide place la Couronne entre la Constellation de l'Engonasin (un mot grec qu'Ovide traduit par « l'Homme agenouillé » et qu'on identifie parfois à Hercule), et celle de l'Ophiouchos (autre mot grec qui signifie « le serpentaire, l'homme qui tient un serpent »).

Thésée... Bacchus... (3,460-461). L'histoire de Thésée est bien connue. Fils d'Égée, roi d'Athènes, il avait réussi à libérer Athènes du tribut humain que sa cité devait à la Crète de Minos, en allant tuer le Minotaure enfermé dans le labyrinthe construit par Dédale pour le roi Minos. Il ne réussit à sortir du labyrinthe que grâce au fil que lui avait donné Ariane, la fille du Roi. Il avait emmené la jeune fille avec lui, mais pour l'abandonner dans l'île de Naxos, où Dionysos-Bacchus la découvrit, s'en éprit et la consola. Dans la suite du passage, Ovide va raconter l'histoire de Liber (nom latin pour Bacchus ou Dionysos) avec une certaine fantaisie.

vainqueur des Indiens (3,465). Dionysos est censé avoir gagné l'Inde, un pays qu'il aurait soumis par la force de ses armes ainsi que par ses enchantements et sa puissance mystique (cfr 3, 719-720). Cette notice s'est ajoutée à la légende de Bacchus à l'époque hellénistique, sur le modèle de l'expédition d'Alexandre. L'histoire de Bacchus et d'Ariane inspira de nombreux peintres et compositeurs modernes. Un seul exemple : le tableau célèbre du Titien (1522-1523) représentant la rencontre de Bacchus et d'Ariane, à la National Gallery de Londres (Dans le coin supérieur gauche du tableau, on aperçoit la constellation de la Couronne).

semblables aux précédentes (3,470). Les plaintes d'Ariane contre la trahison de Bacchus lui sont inspirées par les invectives d'Ariane contre le traître Thésée chez Catulle, 64, 132ss. Ovide les réécrit à sa manière.

Que jamais une femme ne croie (3,475). Catulle (64, 143-144) avait écrit : "Qu'aucune femme n'ajoute foi aux serments d'un homme ; qu'aucune n'espère entendre de la bouche d'un homme des propos sincères".

la basanée (3,493). Ariane, qui vraisemblablement, selon les canons de beauté de l'époque (Hésiode, Théogonie, 947), devait avoir le teint clair, traduit son amertume par l'ironie.

ma mère (3,499). Pasiphaé, femme de Minos, qui s'éprit d'un taureau, dont elle conçut le Minotaure.

les tiennes (3,500). Bacchus est qualifié parfois de bicorniger (= à deux cornes) (Ovide, Héroides, 13, 33). Allusion à un détail de la légende de Dionysos, qui avait été transformé par Hermès en chevreau, pour le soustraire à la vindicte de Héra. Cfr aussi Mét., 4, 19.

né dans le feu (3,503-504). Allusion à la naissance de Bacchus. Jupiter, pour complaire à Sémèlè, se montra à elle dans toute sa puissance ; mais elle fut foudroyée par les éclairs qui entouraient son amant. Pour sauver le foetus qu'elle portait, le dieu l'arracha du sein de Sémélè et le cousit dans sa propre cuisse, où il demeura jusqu'à sa naissance. Cfr 3, 715-716 ; 6, 485-488.

Libera (3,512). L'histoire d'Ariane et Bacchus connaît ici un "happy end", puisqu'ils deviennent les divinités latines Liber et Libera. En cet endroit aussi, Ovide fait preuve d'inventivité. En réalité, Liber et Libera étaient d'anciennes divinités italiques. Liber fut assez tôt identifié à Bacchus-Dionysos ; Libera pour sa part fut souvent assimilée à Perséphone. Son identification à Ariane est tardive. Cfr aussi la présentation des Liberalia en 3, 713-790, avec les notes, notamment la n. à 3, 785 et la n. à 3, 786.

la Couronne (3,513-515). La constellation de la Couronne (cfr n. à 3, 459) trouve son étiologie dans un diadème d'or, orné de pierres, que Héphaïstos-Vulcain aurait fabriqué pour Aphrodite-Vénus et que Ariane aurait reçu dans des circonstances variables selon les versions. Ainsi, d'après le présent passage, Vénus l'aurait offert en cadeau à Ariane lors de son mariage (On en trouvera une illustration chez Tintoret dans son Ariane, Bacchus et Venus au Palais des Doges à Venise (1576) : Vénus couronne Ariane). Ailleurs (Héroïdes, 6, 115), Ovide songerait à un cadeau offert par Bacchus pour plaire à Ariane.

seconds Equirria (3,519). Course de chevaux organisée au Champ de Mars, le 14 mars, et dont une première représentation avait lieu le 27 février (2, 859 et note).


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