Bibliotheca Classica Selecta - Fastes d'Ovide (Introduction) - Livre 4 (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


OVIDE, FASTES IV - AVRIL


Autour des Parilia - 21 avril (4,721-862)


 

Les Parilia (4,721-805)

 

Le 21 avril est consacré aux Parilia, et Ovide invoque la déesse Palès, avant de commencer à traiter de cette fête pastorale, qu'il semble connaître de première main, pour s'être souvent soumis à ses rites purificatoires. (4,721-730)

Les participants doivent se procurer auprès des Vestales les éléments qui leur permettront de se purifier, et les bergers, par divers rites purificatoires et des offrandes de millet et de lait, doivent purifier les brebis et les bergeries. (4,731-746)

Vient ensuite le texte d'une longue prière que le berger doit adresser à Palès, pour obtenir ses faveurs, c'est-à-dire sa protection, son pardon pour des fautes éventuelles, la prospérité, etc..., avant d'accomplir encore plusieurs rites très précis, dont le plus caractéristique est le saut par dessus des tas de paille enflammée. (4,747-782)

Vient ensuite un exposé, fort complexe et très artificiel, sur l'origine de la fête. Selon son habitude, Ovide, perplexe, propose une série d'étiologies : elles proviennent de la science,de la philosophie, des coutumes ancestrales, de la mythologie, des croyances et des légendes. (4,783-805)

 

La Nuit s'en est allée et l'Aurore se lève : je dois traiter des Parilia ;

   et on ne me sollicite pas en vain, si Palès la bienveillante m'aide.

Bienveillante Palès, sois propice au chantre de ta fête pastorale,

   puisque mon devoir est de célébrer tes faits et gestes.

4, 725

Certes, j'ai souvent apporté moi-même, à pleines mains,

   la cendre de veau et les tiges de fèves, offrandes purificatoires passées au feu.

Certes, j'ai sauté trois fois par-dessus des rangs de flammes alignés,

   et une branche de laurier mouillé m'a aspergé de gouttes d'eau.

La déesse, touchée, se montre favorable à ma tâche.

4, 730

   Ma barque quitte le port ; de bons vents déjà gonflent mes voiles.

 

Peuple, va quérir à l'autel de la Vierge une préparation purificatoire.

   Vesta te la donnera ; grâce à ce présent de Vesta, tu seras pur.

Il sera constitué de sang de cheval, de cendre de veau,

   et d'un troisième élément, de la paille creuse d'une fève dure.

4, 735

Berger, purifie tes brebis repues, lorsque tombe le crépuscule.

   Avant, tu auras aspergé et balayé la terre à l'aide d'une branche,

décoré la bergerie en y fixant des rameaux feuillus,

   et orné les portes de longues guirlandes.

Que de sombres fumées de soufre pur s'élèvent,

4, 740

   et que la brebis, sous l'effet du soufre fumant, se mette à bêler.

Brûle des branches d'olivier mâle, une torche de pin et des herbes sabines,

   et que le laurier léché par la flamme crépite au centre du foyer.

Apporte ensuite une corbeille de millet et des gâteaux de millet.

   La déesse des campagnes apprécie tout spécialement cet aliment.

4, 745

Ajoute un vase de lait et les mets qu'elle aime ; une fois les parts découpées,

   invoque, avec une offrande de lait tiède, Palès, l'hôtesse des forêts.

 

Dis-lui : "Veille sur le troupeau, et aussi sur les bergers ;

   repousse le malheur et fais-le fuir loin de mes étables.

Si j'ai fait paître dans un lieu saint, si je me suis assis sous un arbre sacré,

4, 750

   si une brebis inconsciemment a brouté sur les tombeaux,

si j'ai pénétré dans un bois interdit et si mes regards ont fait fuir

   les nymphes et le dieu à demi bouc,

si ma faucille a dépouillé le bois sacré d'une de ses branches,

   pour offrir une corbeille de feuillage à une brebis malade,

4, 755

accorde ton pardon à ma faute. Ne me reproche pas d'avoir,

   pendant une forte grêle, abrité mon troupeau dans un sanctuaire rustique.

Ne me tiens pas rigueur d'avoir troublé les eaux des étangs :

   ô Nymphes, pardonnez à la bête dont le sabot a souillé vos eaux.

Toi, déesse, rends-nous propices les sources et les divinités des fontaines,

4, 760

   apaise les dieux disséminés à travers tout le bois sacré.

Évite-nous d'apercevoir les Dryades et Diane à son bain, et Faunus,

   quand, au milieu du jour, il se repose dans les champs.

Repousse au loin les maladies ; donne aux hommes de la vigueur,

   ainsi qu'aux troupeaux et à la foule des chiens, gardiens prévoyants.

4, 765

Que les moutons que je ramène ne soient pas moins nombreux que le matin,

   et puissé-je ne pas rapporter en gémissant des toisons arrachées au loup.

Que l'inique famine reste à l'écart ; qu'affluent herbes et feuillage,

   et eaux, où nous pourrons nous baigner, nous désaltérer.

Que je presse des mamelles pleines, que le fromage rapporte du profit,

4, 770

   que le petit-lait s'égoutte à travers l'osier lâchement tressé ;

que le bélier se montre ardent et que sa compagne fécondée mette bas,

   et que les agneaux soient nombreux dans mon étable ;

qu'ils produisent une laine qui jamais ne blessera les jeunes filles,

   une laine souple et faite pour les mains les plus délicates.

4, 775

Puissent mes prières se réaliser et, chaque année, nous ferons

   de grands gâteaux en l'honneur de Palès, la reine des bergers."

C'est par ces mots qu'il faut amadouer la déesse : tourne-toi vers le Levant,

   prononce-les trois fois, puis lave-toi les mains dans l'eau vive.

Alors tu pourras préparer, en guise de cratère, une écuelle

4, 780

   et boire du lait de neige et du vin pourpre.

Ensuite, d'un pied leste, avec ardeur,

   franchis des tas enflammés de paille crépitante.

 

La coutume a été décrite ; il me reste à en dire l'origine.

   La foule de ses causes me laisse perplexe et entrave mon entreprise.

4, 785

Le feu dévorant purifie tout et la fusion des métaux en expulse les défauts :

   est-ce pour cela qu'on purifie avec lui les brebis et leur berger ?

Ou est-ce parce que eau et feu, éléments premiers de toutes choses,

   opposés entre eux, sont des divinités ennemies,

que nos pères les ont réunis, pensant approprié

4, 790

   de traiter un corps par le feu et par une aspersion d'eau ?

Sont-ils si importants parce qu'en eux réside la cause de la vie,

   parce qu'ils sont interdits à l'exilé, parce qu'on les présente à la jeune épouse ?

J'ai peine à le croire, mais certains pensent que cette coutume

   rappelle Phaéton et les eaux diluviennes de Deucalion.

4, 795

D'autres racontent aussi qu'une étincelle jaillit soudainement

   quand des bergers frappaient des pierres l'une contre l'autre ;

la première s'éteignit sans doute ; des fétus de paille recueillirent la seconde :

   est-ce la raison des flammes des Parilia ?

Ou est-ce plutôt la piété d'Énée qui fit naître cette coutume,

4, 800

   Énée vaincu qui trouva sans dommage son chemin à travers le feu ?

Mais voici une explication plus vraisemblable : lors de la fondation de Rome,

   on ordonna de transférer les Lares sous un autre toit.

Les paysans, quittant leur demeure rustique pour une maison,

   boutèrent le feu à leur cabane vouée à disparaître,

4, 805

et avec leurs troupeaux sautèrent à travers les flammes.

 


Anniversaire de la fondation de Rome (4,806-862)

 

Le 21 avril, on commémore aussi la fondation de Rome, ce qui amène Ovide à faire des allusions assez concises à divers éléments bien connus de la légende : la décision des deux frères après le meurtre d'Amulius, et le rôle des oiseaux dans la désignation de Romulus comme seul chef ; le tracé rituel de la future enceinte fixé le jour des Parilia ; la prière de Romulus et les présages encourageants de Jupiter concernant la future puissance de Rome sur le monde. (4,806-834)

On commence à élever le mur ; puis c'est le meurtre de Rémus par Céler, qui avait été chargé par Romulus d'empêcher quiconque de le franchir. Romulus domine d'abord son chagrin, maudit les ennemis de Rome, puis laisse éclater sa douleur lors des funérailles de son frère. (4,835-855)

En guise de conclusion, Ovide s'extasie sur la toute puissance de Rome et surtout sur la gloire des Césars, qu'il souhaite infinie. (4,856-862)

 

   Cela se passe encore aujourd'hui à ton anniversaire, ô Rome.

C'est l'occasion d'une transition pour le poète : voici venue

   la naissance de la Ville ; aide-moi, grand Quirinus, à chanter tes exploits !

Déjà le frère de Numitor avait expié son châtiment

4, 810

   et toute la bande des bergers était soumise aux deux jumeaux.

Tous deux décident de rassembler les paysans et d'établir une muraille ;

   on hésite sur lequel des deux installera les murs.

"Il n'est pas nécessaire de nous disputer", dit Romulus.

   "Nous avons grande confiance dans les oiseaux ; consultons-les."

4, 815

L'idée est retenue : l'un se rend sur les rochers boisés du Palatin,

   l'autre gagne au matin le sommet de l'Aventin.

Rémus aperçoit six oiseaux, et son frère deux fois six, en file ;

   un accord est trouvé, et Romulus a pouvoir de fonder la Ville.

On choisit le jour adéquat où la charrue marquera les remparts :

4, 820

   les fêtes de Palès approchaient ; on commence le travail ce jour-là.

On creuse une fosse jusqu'au roc ; au fond,

   on y jette des fruits et de la terre provenant des alentours.

Une fois la fosse comblée, elle est surmontée d'un autel,

   et on allume le feu sur le foyer nouveau.

4, 825

Ensuite, pressant le manche de sa charrue, Romulus trace un sillon pour les murs.

   Une vache blanche et un boeuf à la robe de neige tiraient l'attelage.

Le roi prononça cette phrase : "Maintenant que je fonde cette ville, ô Jupiter,

   et toi, Mars mon père, et toi auguste Vesta, soyez-moi propices.

Et vous, dieux qu'il est pieux d'invoquer, tournez-vous vers moi !

4, 830

   Puisse mon oeuvre surgir sous vos auspices !

Que cette terre souveraine connaisse durée et puissance

   et que son empire voit le jour se lever et se coucher."

Il priait, et par un grondement de tonnerre sur sa gauche

   Jupiter envoya un présage, et lança des éclairs sur la gauche du ciel.

4, 835

Heureux de cet augure, les citoyens jettent les fondations

   et, en peu de temps, un nouveau mur s'élève.

Céler fait avancer le travail ; Romulus lui-même l'avait convoqué

  et lui avait dit : "Celer, veille à deux choses :

que nul ne franchisse les murs et la tranchée creusée par la charrue ;

4, 840

   et si quelqu'un ose le faire, mets-le à mort."

Ignorant cet ordre, Rémus commença à regarder avec mépris

   ces humbles murs et dit : "C'est avec çà que le peuple sera à l'abri ?"

Et aussitôt, il sauta par-dessus : d'un coup de pelle Céler répond à cette audace.

   Rémus, dégoulinant de sang s'abat sur la terre dure.

4, 845

Aussitôt informé de l'événement, le roi ravale ses larmes qui jaillissent

   et garde sa blessure enfermée dans son coeur.

Il ne veut pas pleurer en public et, faisant preuve d'un courage exemplaire,

   il dit : "Qu'ainsi soit traité l'ennemi qui franchira mes murs".

Il accorde toutefois des funérailles et sans plus pouvoir retenir ses larmes,

4, 850

   il laisse paraître au grand jour la piété fraternelle qu'il avait dissimulée.

Une fois le brancard posé, il donna à la dépouille un ultime baiser

   et dit : "Mon frère, qui me fus enlevé contre mon gré, adieu !".

Puis il parfuma son cadavre qu'on allait brûler. L'imitèrent

   Faustulus et Acca, abîmée dans la tristesse et cheveux dénoués.

4, 855

Alors ceux qui n'étaient pas encore les Quirites pleurèrent le jeune homme.

   Enfin, on bouta la flamme ultime au bûcher baigné de larmes.

 

Une ville naît - qui aurait pu alors faire croire cela à quelqu'un ? -,

   qui un jour imposera son pied victorieux à l'univers.

Puisses-tu gouverner toutes choses, toujours soumise au grand César.

4, 860

   Aie souvent même de nombreux maîtres portant ce nom.

Et quand, élevée bien haut, tu te dresseras sur le monde dompté,

   que, chaque fois, rien n'atteigne la hauteur de tes épaules !

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Notes (4,721-862)

 
Parilia (4,721). Les Parilia (le mot provient par dissimilation de Palilia) est une fête célébrée le 21 avril en l’honneur de Palès, déesse des bergers, protectrice des troupeaux. En réalité, certaines données font penser qu'il y avait deux Palès, l'une protégeant le petit bétail, l'autre le gros bétail.

moi-même (4,725). On a l'impression qu'Ovide rapporte des expériences vécues : après s’être soumis à des rites de purification précis qu'il va détailler, il estime avoir acquis la faveur de Palès et pouvoir chanter sa fête.

offrandes purificatoires (4,726). Il s'agit d'abord de la cendre des embryons de veaux, arrachés du ventre de leurs mères lors des Fordicidia et brûlés par la plus âgée des Vestales (4, 640). Cette cendre avait alors été mises en réserve pour être utilisée le 21 avril. L'interprétation des tiges de fèves vidées de leurs fruits et brûlées -- donnée répétée au vers 734 ("la paille creuse d'une fève dure") -- n'est pas évidente (cfr un essai d'explication chez G. Dumézil, Religion romaine archaïque, Paris, 1974, p. 388). Quoi qu'il en soit, dans l'optique d'Ovide, on est en présence de deux instruments de purification qui sont passés par le feu (februa tosta en latin).

flammes (4,727-728). "Le triple saut par-dessus les feux et l'aspersion avec l'eau lustrale répandue avec une branche de laurier relèvent de la même finalité purificatoire (le laurier lui-même est employé dans les purifications : Pline, Histoire naturelle, 15, 138)" (R. Schilling). Cfr 4, 782.

Ma barque (4,730). Métaphore courante pour le travail du poète. Cfr 2, 863-864 ; 4, 18.

Peuple (4,731). À cette adresse répondra celle au berger du vers 734. Apparemment la nécessité de se purifier selon la procédure détaillée dans les vers 731-733 concernerait tous ceux qui participent à la fête. On a l'impression (4, 731) qu'elle vise plutôt les gens de la ville. De leur côté, aux Parilia, les bergers ont des obligations rituelles différentes qui seront plus longuement décrites dans la suite (à partir de 4, 735).

autel de la Vierge (4,731). Expression un peu recherchée pour dire "chez les Vestales". Ce sont elles qui distribuent les instruments de purification, les februa tosta (vers 726). Deux d'entre eux qui ont servi à purifier le poète avaient été cités en 725-726. Vient s’y ajouter un troisième, du sang de cheval.

sang de cheval (4,733). Ce troisième élément purificatoire n’avait pas encore été mentionné plus haut. Les modernes l'ont mis souvent en rapport avec le sacrifice spécifique de l'Equus october qui avait lieu le 15 octobre, mais c'est très loin d'être sûr. Il pourrait parfaitement s'agir du sang d'un cheval immolé pour la circonstance.

Berger (4,735). Ovide passe maintenant à la description de la fête campagnarde.

brebis... (4,735-738). "C'est maintenant au tour des brebis d'être purifiées" (R. Schilling). Mais auparavant le paysan aura nettoyé et décoré la bergerie. Encore que "cette verdure n'était peut-être pas uniquement décorative et qu'on lui attribuait un pouvoir magique de régénération" (H. Le Bonniec).

fumées de soufre (4,740). "L'usage de soufre en fumigation à des fins purificatoires dans les cérémonies religieuses est attesté par Pline (Histoire naturelle, 35, 177)" (R. Schilling).

Brûle (4,741-742). On brûle plusieurs sortes de bois et d'herbes, toujours en guise de purification. Il a été question des "herbes sabines" en 1, 343 : on les faisait brûler sur les autels aux époques anciennes, avant que ne soient introduits les parfums d'orient, comme l'encens et le nard. Dans Les Trachiniennes (1195-1196) de Sophocle, l'olivier et le pin ont également un rôle à jouer dans le bûcher d'Héraclès. Quant au laurier, il apparaît aussi en 3, 137, et en 4, 728.

millet (4,743). "Le millet est une céréale précieuse aux origines : il est à même de fournir une nourriture pour les hommes (Pline, Histoire naturelle, 18, 100), une excellente litière pour les animaux (Pline, Histoire naturelle, 18, 239), un médicament (Pline, Histoire naturelle, 22, 130). S'il n'est pas signalé ailleurs comme mets spécifique de Palès, il est la première céréale que Caton recommande de planter (De l'agriculture, 132, 2)" (R. Schilling).

lait (4,745). Dans la conception que les Romains se faisaient du développement de leur religion, l'offrande de lait précédait celle du vin ; les sacrifices sanglants ne venaient que par la suite. Par ailleurs, le lait convient très bien à une divinité qui protège les troupeaux.

mets qu'elle aime (4,745). Le poète ne les détaille pas. Il utilise le terme technique de daps, qui désigne un repas offert aux dieux en sacrifice, et qui peut comporter toute une série de choses.

parts découpées (4,745). Apparemment, comme c'est le cas dans les sacrifices sanglants, les assistants se partagent ce qui n'est pas la part de la divinité.

l'hôtesse des forêts (4,746). "Les troupeaux paissaient souvent dans des pâturages boisés" (H. Le Bonniec).

Dis-lui (4,747). La prière qui suit n'a pas de caractère liturgique : c'est une création du poète.

Si j'ai... (4,749-759). Ovide énumère toute une série de "fautes religieuses" que le berger peut avoir commises, parfois même sans s'en rendre compte. Nous ne les commenterons pas en détail. Le berger en demande pardon à Palès et aux autres êtres divins offensés.

sur les tombeaux (4,750). Les tombeaux étaient des lieux inviolables.

dieu à demi bouc (4,752).C’est Faunus, qualifié en 2, 268 de "cornu" et en 2, 361, de "aux pieds cornus". Il sera nommé en 4, 761. Cfr aussi 4, 650 (entre autres mentions).

Dryades... (4,761). Certaines rencontres étaient dangereuses. Les Dryades sont les nymphes des arbres. En ce qui concerne Diane, on connaît bien l'histoire d'Actéon changé en cerf et déchiré par ses chiens, parce qu’il avait surpris la déesse au bain (cfr Ovide, Métamorphoses, 3, 138-252). En ce qui concerne Faunus-Pan, le chevrier de l'Idylle 1 de Théocrite (Thyrsis, 15-18) précise qu'il lui est interdit de jouer de la syrinx "à l'heure méridienne", parce qu'il a peur de réveiller Pan qui se repose.

Levant (4,777). On se tourne vers l'est, avant de prononcer une prière (cfr Virgile, Énéide, 8, 68).

trois fois (4,778). Le texte n'est pas sûr. La tradition manuscrite hésite entre "trois fois" et "quatre fois", mais une quadruple répétition apparaît curieuse dans un rite religieux.

cratère (4,779). Le cratère est un vase de grandes dimensions dans lequel les anciens mélangeaient le vin et l'eau. En effet, ils ne buvaient pas leur vin pur. Ici c'est dans une écuelle qu'aura lieu le mélange de lait et de vin, une boisson spécifique, connue par ailleurs (Paulus-Festus, p. 33, 4) et dont le nom technique est burranica potio.

franchis (4,782). En 4, 727, Ovide avait sauté trois fois par-dessus les rangées de flammes. Pour la valeur de ce rite,on se reportera à la note du passage. "Cette purification par le feu est le rite le plus caractéristique des Parilia ; cfr 4, 786 et 4, 805" (H. Le Bonniec).

eau et feu... (4,787-788). L'eau et le feu, quoique opposés entre eux (cfr Métamorphoses, 1, 432), sont des éléments constitutifs des choses. Le passage semble inspiré par Lucrèce (5, 380-415), qui retrace le grand combat entre le feu et l'eau, avec d'ailleurs une allusion à Phaéton.

interdits à l'exilé (4,792). La formule rituelle pour exiler quelqu'un était de "lui interdire l’eau et le fer".

jeune épouse (4,792). Dans le rituel du mariage, on présentait l’eau et le feu à l'épouse quand elle entrait dans sa nouvelle demeure. Plutarque fait de cette coutume la première de ses Questions romaines : "Pour quelle raison les Romains ordonnent-ils à la mariée de toucher le feu et l'eau ?" Il répondra à cette question comme le fait ici Ovide, c'est-à-dire en alignant une série d'explications.

Phaéton... Deucalion (4,794). Phaéton, le fils d’Hélios, avait voulu conduire le char du Soleil, mais il s'était imprudemment trop rapproché de la terre, qui s’embrasa. Finalement Jupiter foudroya Phaéton, qui tomba dans l’Éridan (Pô), où le pleurent ses soeurs les Héliades, métamorphosées en peupliers. Cfr Ovide, Métamorphoses, 2, 1-366 ; Hygin 152. Deucalion et sa femme Pyrrha sont les deux seuls rescapés du déluge provoqué par Zeus qui voulait renouveler le genre humain. Cfr Ovide, Métamorphoses, 1, 253-415 ; Hygin 152 et 153). Ovide dit ne pas trop croire à ces explications mythologiques.

étincelle (4,795). Sur cette technique, cfr Virgile, Géorgiques, 1, 135 ("faire jaillir des veines du caillou le feu qu'elles recèlent") et Énéide, 1, 174-176 ("Achate a fait jaillir d'un silex une étincelle, a mis le feu à des feuilles, l'a alimenté de bois sec, et aussitôt la flamme a jailli dans le foyer"). On songera aussi au procédé qui servait à rallumer, au début de chaque année, le feu de Vesta, après son extinction rituelle : on frottait l'un contre l'autre deux morceaux de bois provenant d'un arbre considéré comme "de bon augure" (cfr note à Fastes, 3, 144).

Énée (4,799-800). Énée est parvenu - miraculeusement - à sortir indemne de l’incendie de Troie (Énéide, 2, 632-633 : "sous la conduite d'un dieu je me dégage de l'incendie et des ennemis").

Lares (4,802). Les dieux protecteurs de la maison.

anniversaire (4,806). La date des Parilia (21 avril) est celle de la fondation de Rome, mais aucun témoignage ancien ne nous apprend pourquoi et par qui cette date a été choisie. Quoi qu'il en soit, cette correspondance conduit Ovide à faire allusion à plusieurs éléments bien connus de la légende de fondation. L'utilisateur se référera notamment à Tite-Live, 1, 6, 3 à 1, 7, 3, encore qu'Ovide ne se conforme pas intégralement à la version livienne.

Quirinus (4,808). C'est Romulus divinisé. Cfr 2, 475 et la note.

frère de Numitor (4,809). Amulius. Cfr 3, 35 ; 3, 49-67 ; 4, 53 (entre autres mentions).

les oiseaux... (4,814-818). Présentation rapide de ce qu'on appelle dans la tradition des origines de Rome "l'auspication primordiale", c'est-à-dire la prise des auspices afin de déterminer qui des deux frères serait le fondateur de la ville. Selon la version la plus commune, que suit Ovide (ici, et en 5, 151-152), Romulus s'installe sur le Palatin et Rémus sur l'Aventin. Rémus aperçoit d'abord six oiseaux (des vautours, précisent Tite-Live et Plutarque), mais un peu plus tard un nombre double se présentera à Romulus.

un accord (4,819). Ovide adopte une version passablement édulcorée des événements. Chez Tite-Live (1, 7, 1-2), une violente bagarre éclate entre les partisans de Rémus qui se fondaient sur la priorité de la manifestation des oiseaux pour réclamer la royauté et ceux de Romulus qui se basaient sur leur nombre. Cette bagarre aboutira à la mort de Rémus. D'après Plutarque (Romulus, 9, 5), Romulus aurait même essayé de tromper son frère, en anticipant l'apparition des douze oiseaux.

creuse une fosse (4,821-824). Une "fosse de fondation" est également évoquée par Plutarque (Romulus, 11, 2), dans les termes suivants : lorsque Romulus entreprit la fondation de la ville, écrit-il, "une fosse (bothros) fut creusée dans les environs de l'actuel Comitium, en forme de cercle, et l'on y déposa les prémices de tout ce que la coutume retient comme de bon augure et de tout ce qui est nécessaire de par sa nature même. Pour terminer, on jeta sur cela une poignée de la terre que chacun avait amenée de son pays d'origine, et l'on mélangea le tout. On appelle cette fosse (ton bothron) du nom même qu'on donne au ciel : mundus. Et de là, tout comme du centre d'un cercle on trace une circonférence, ils déterminèrent le tracé de la ville. " (traduction personnelle). Les perspectives de Plutarque semblent toutefois un peu différentes. Alors que la tradition place généralement la fondation de Rome sur le Palatin, Plutarque parle du Comitium. Par ailleurs, l'auteur grec donne à cette "fosse de fondation" le nom de mundus, un terme qui caractérise à Rome, non loin du Comitium précisément, un puits qu'on n'ouvrait que trois jours par an (mundus patet), qui n'avait rien à voir avec la fondation de la Ville et qui était censé communiquer avec le monde souterrain. Plutarque aurait-il confondu ? Ou y aurait-il deux sortes de mundus à Rome ? On ne le sait pas. Quoi qu'il en soit, le problème de la "fosse de fondation", celui du mundus, et celui de la Roma Quadrata (qui y est mêlé et dont il n'est pas question ici chez Ovide) sont extrêmement complexes, et les modernes sont loin d'avoir dégagé une solution claire et acceptable par tous les chercheurs.

Ensuite... (4,825-826). Les deux vers qui suivent correspondent davantage à la tradition et constituent un résumé de ce qu'on trouve ailleurs. Voici par exemple ce que rapporte Varron (De la langue latine, 5, 143) : "Dans le Latium, bien des fondateurs de cité suivaient le rite étrusque : autrement dit, avec un attelage de bovins, un taureau et une vache, celle-ci sur la ligne intérieure, ils traçaient à la charrue un sillon d'enceinte (la religion leur enjoignait de le faire un jour d'auspices favorables) afin de se fortifier par fossé et muraille. Le trou d'où ils avaient enlevé la terre, ils l'appelaient fossa (fossé), et la terre rejetée à l'intérieur, ils l'appelaient murus (muraille) [etc.]" (trad. J. Collart). Plutarque (Romulus, 11, 4) précisera : "c'est cette ligne [tracée par la charrue] qui marque le contour des murailles [...] Là où on veut intercaler une porte, on retire le soc, on soulève la charrue et on laisse un intervalle" (trad. R. Flacelière).

mon père (4,828). Il a été dit à plusieurs reprises déjà que Mars était le père de Romulus (cfr par ex. 2, 419).

sa gauche (4,833). Le côté favorable dans l'optique romaine. Cfr 4, 664.

Céler (4,837). Ce personnage de Céler joue dans le récit le rôle du bouc émissaire. Une partie de la tradition accusait en fait Romulus d'avoir tué son frère Rémus. Cfr par exemple Tite-Live, 1, 7, 2 : "Selon une tradition plus répandue, Rémus, pour se moquer de son frère, aurait franchi d'un saut les murailles nouvelles, et Romulus, irrité, l'aurait tué en ajoutant cette apostrophe : 'Qu'ainsi périsse à l'avenir quiconque franchira mes murailles'". C'est apparemment la version la plus ancienne. Assez vite, les Romains tentèrent de corriger cette image peu flatteuse de leur fondateur. Ils imaginèrent que Rémus aurait été tué, anonymement en quelque sorte, dans la bagarre qui avait éclaté entre les partisans des deux frères. Ils imaginèrent aussi de transférer la responsabilité directe du meurtre sur une tierce personne : ce fut Céler. Dans la version proposée ici par Ovide, Romulus n'est pas directement responsable ; la mort de son frère lui cause même un profond chagrin. Ovide prépare en quelque sorte le récit qu'il donnera plus loin (5, 469-475) de l'apparition de Rémus, lequel viendra justifier formellement Romulus : "mon frère n'a pas voulu cela ; son affection était égale à la mienne" (5, 471).

Faustulus... Acca (4,854). Le berger et son épouse qui élevèrent Romulus et Rémus. Cfr 3, 55-56.

Quirites (4,855). Quirites est le nom sous lequel on désignait les citoyens romains. Cfr 2, 479 ; 2, 505 ; 2, 849 ; 3, 277 ; 3, 349. Ovide précise qu'à ce moment de l'histoire, les Romains ne sont pas encore devenus les Quirites. C'est là une allusion à la tradition d'après laquelle les Romains se seraient appelés ainsi seulement après la fusion romano-sabine (par exemple Tite-Live, 1, 13, 5). Les anciens mettaient en effet le mot Quirites en rapport avec le nom de la ville sabine de Cures (cfr 2, 480).


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