Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant XII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante
ÉNÉIDE, LIVRE XII
LE DÉNOUEMENT
Dénouement proche (12, 554-696)
Assaut de la ville de Latinus (12, 554-592)
Énée, sur l'inspiration de Vénus, se prépare à assaillir la ville de Latinus. Il prend position sur une hauteur et précise ses exigences devant ses troupes. Se considérant vainqueur puisque persuadé de la dérobade de Turnus, il revendique la soumission totale des Latins, sous peine de détruire la ville. (12, 554-573)
L'assaut est donné, et tandis qu'Énée proteste de son bon droit devant Latinus, les citoyens, dans la ville épouvantée, tels des abeilles dont on enfume la retraite, sont partagés entre le parti de négocier ou celui de se défendre. (12, 574-592)
Hic mentem Aeneae genetrix pulcherrima misit, |
Alors la mère d'Énée, la toute belle, lui inspira l'idée | |
iret ut ad muros urbique aduerteret agmen ocius et subita turbaret clade Latinos. Ille ut uestigans diuersa per agmina Turnum huc atque huc acies circumtulit, aspicit urbem immunem tanti belli atque impune quietam. |
de s'approcher des murs, d'orienter au plus tôt ses troupes vers la ville, pour troubler les Latins par une attaque soudaine. Lui, tout en cherchant Turnus à travers les divers bataillons, porte partout ses regards et remarque que la ville était sortie de la terrible guerre, indemme et impunément tranquille. |
12, 555 |
Continuo pugnae accendit maioris imago : Mnesthea Sergestumque uocat fortemque Serestum ductores tumulumque capit, quo cetera Teucrum concurrit legio nec scuta aut spicula densi deponunt. Celso medius stans aggere fatur : |
Aussitôt l'idée d'un combat plus important lui brûle l'esprit : il convoque les chefs, Mnesthée et Sergeste et le vaillant Séreste, et occupe une hauteur, où accourt le reste de la légion troyenne ; tous, sans déposer boucliers et javelots, se pressent en rangs serrés. Debout en haut du talus au milieu de ses hommes, Énée dit : |
12, 560 |
« Nequa meis esto dictis mora ; Iuppiter hac stat, neu quis ob inceptum subitum mihi segnior ito. Vrbem hodie, causam belli, regna ipsa Latini, ni frenum accipere et uicti parere fatentur, eruam et aequa solo fumantia culmina ponam. |
« Que mes ordres ne souffrent aucun retard, Jupiter est avec nous ; que personne, malgré ma décision soudaine, n'hésite à me suivre. Aujourd'hui, s'ils refusent notre joug et, vaincus, ne veulent pas nous obéir, je détruirai la ville, cause de la guerre et royaume de Latinus, j'en raserai complètement les constructions fumantes. |
12, 565 |
Scilicet exspectem, libeat dum proelia Turno nostra pati rursusque uelit concurrere uictus ? Hoc caput, O ciues, haec belli summa nefandi : ferte faces propere foedusque reposcite flammis. »
Dixerat, atque animis pariter certantibus omnes |
Vais-je donc attendre que Turnus décide de se battre avec moi et de reprendre à nouveau les armes, alors qu'il est déjà vaincu ? C'est là le début, citoyens, c'est là le noeud de cette maudite guerre. En hâte, apportez des torches et, flamme au poing, exigez le respect du traité. »
Il avait parlé et tous, le coeur animé d'une même ardeur, |
12, 570 |
dant cuneum densaque ad muros mole feruntur. Scalae improuiso subitusque apparuit ignis. Discurrunt alii ad portas primosque trucidant, ferrum alii torquent et obumbrant aethera telis. Ipse inter primos dextram sub moenia tendit |
se forment en triangle et, masse compacte, se portent vers les murs. Des échelles apparaissent soudainement, puis un feu soudain. Les uns courent vers les portes et tuent les premiers qu'ils rencontrent, d'autres brandissent leur arme et assombrissent l'éther de leurs traits. Énée lui-même, au premier rang, au pied des remparts, |
12, 575 |
Aeneas magnaque incusat uoce Latinum testaturque deos, iterum se ad proelia cogi, bis iam Italos hostis, haec altera foedera rumpi. Exoritur trepidos inter discordia ciuis : urbem alii reserare iubent et pandere portas |
tend la main droite et, d'une voix forte, interpelle Latinus, prétend devant les dieux qu'il est à nouveau contraint à la guerre, que pour la seconde fois les Italiens sont ses ennemis et qu'un traité est rompu. Parmi les citoyens épouvantés s'élève la discorde : les uns veulent laisser l'accès à la ville et ouvrir les portes |
12, 580 |
Dardanidis ipsumque trahunt in moenia regem, arma ferunt alii et pergunt defendere muros. Inclusas ut cum latebroso in pumice pastor uestigauit apes fumoque impleuit amaro : illae intus trepidae rerum per cerea castra |
aux Dardanides entraînant même le roi sur les remparts ; d'autres apportent des armes et persistent à défendre les murs. C'est comme lorsqu'un berger a découvert un essaim d'abeilles au creux d'un rocher qu'il emplit d'une fumée piquante ; à l'intérieur, les abeilles affolées volent en tous sens à travers leur camp de cire, |
12, 585 |
discurrunt magnisque acuunt stridoribus iras ; uoluitur ater odor tectis, tum murmure caeco intus saxa sonant, uacuas it fumus ad auras. |
et attisent leurs colères en émettant des bourdonnements aigus ; une odeur sombre se répand dans leurs demeures, puis, à l'intérieur, les pierres craquent sourdement, et la fumée s'échappe à l'air libre. |
12, 590 |
Suicide d'Amata et revirement de Turnus (12, 593-649)
La reine Amata, croyant Turnus mort, se suicide de désespoir, se disant responsable du désastre. Les manifestations de deuil de Lavinia et des femmes latines contribuent à répandre la nouvelle dans la ville, tandis que Latinus est désespéré. (12, 593-613)
Turnus, toujours emporté sur son char, et alerté par le tumulte venant de la ville, arrête les chevaux. Juturne, qui a pris les traits du cocher Métiscus, persiste à vouloir écarter son frère du combat, tout en ménageant sa fierté. Turnus n'est plus dupe de l'artifice de sa soeur ; impressionné par la mort de deux de ses proches, il se sait perdu et accepte l'idée de mourir, mais non celle de passer pour un lâche. (12, 614-649)
Accidit haec fessis etiam fortuna Latinis, quae totam luctu concussit funditus urbem. |
Les Latins, épuisés déjà, sont frappés par un nouveau coup du destin, qui secoua de fond en comble la ville plongée dans le deuil. |
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Regina ut tectis uenientem prospicit hostem, incessi muros, ignis ad tecta uolare, nusquam acies contra Rutulas, nulla agmina Turni : infelix pugnae iuuenem in certamine credit exstinctum et, subito mentem turbata dolore, |
Dès que la reine du haut de sa demeure voit l'ennemi s'approcher, les murs assaillis, les incendies s'élever jusqu'aux toits, sans nulle résistance de la part des Rutules, sans troupe de Turnus, la malheureuse croit le jeune homme mort au combat et soudain, l'esprit bouleversé par cette douleur, se met à crier, |
12, 595 |
se causam clamat crimenque caputque malorum, multaque per maestum demens effata furorem purpureos moritura manu discindit amictus et nodum informis leti trabe nectit ab alta. Quam cladem miserae postquam accepere Latinae, |
se clamant la cause et la responsable et la source de ces malheurs ; après avoir parlé longuement, l'esprit égaré, en proie à une tristesse délirante, sur le point de mourir, elle déchire de ses mains son châle de pourpre, tresse et suspend à une haute poutre le noeud pour un horrible trépas. |
12, 600 |
filia prima manu flauos Lauinia crinis et roseas laniata genas, tum cetera circum turba furit : resonant late plangoribus aedes. Hinc totam infelix uolgatur fama per urbem. Demittunt mentes ; it scissa ueste Latinus, |
sa fille Lavinia fut la première à arracher ses blonds cheveux, à lacérer ses joues rosées ; alors un délire furieux gagne les femmes massées autour d'elle, et les plaintes retentissent bien loin de la demeure. Dès lors, la triste nouvelle se répand dans toute la ville : les esprits se découragent ; vêtements déchirés, Latinus s'en va, |
12, 605 |
coniugis attonitus fatis urbisque ruina, canitiem immundo perfusam puluere turpans. [Multaque se incusat, qui non acceperit ante Dardanium Aenean generumque adsciuerit ultro. ]
Interea extremo bellator in aequore Turnus |
hébété par le destin de son épouse et la ruine de sa ville, couvrant et souillant ses cheveux blancs d'une poussière immonde. [Il se reproche vivement de n'avoir pas accueilli le Dardanien Énée, et de ne l'avoir pas d'emblée traité comme son gendre.]
Pendant ce temps, à l'extrémité de la plaine, Turnus bataille, |
12, 610 |
palantis sequitur paucos iam segnior atque iam minus atque minus successu laetus equorum attulit hunc illi caecis terroribus aura commixtum clamorem adrectasque impulit aures confusae sonus urbis et inlaetabile murmur. |
poursuivant quelques combattants égarés ; moins fougueux déjà, il est de moins en moins content de l'allure de ses chevaux. Le vent lui a apporté cette clameur mêlée de craintes aveugles et un bruit a frappé et fait se dresser ses oreilles, le bruit et le sinistre grondement montant de la ville en plein désarroi. |
12, 615 |
« Ei mihi ! Quid tanto turbantur moenia luctu ? Quisue ruit tantus diuersa clamor ab urbe ? » Sic ait adductisque amens subsistit habenis. Atque huic, in faciem soror ut conuersa Metisci aurigae currumque et equos et lora regebat, |
« Malheur à moi ! Pourquoi un si grand trouble endeuille-t-il nos murs ? Quel est ce cri puissant qui monte de divers points de la ville ? » Cela dit, il a repris les rènes et s'est arrêté, comme égaré. Alors sa soeur qui, sous les traits du cocher Métiscus, conduisait le char et les chevaux tout en tenant les rênes, |
12, 620 |
talibus occurrit dictis : « Hac, Turne, sequamur Troiugenas, qua prima uiam uictoria pandit ; sunt alii, qui tecta manu defendere possint. Ingruit Aeneas Italis et proelia miscet : et nos saeua manu mittamus funera Teucris. |
s'empresse de lui dire : « Par ici, Turnus, poursuivons les Troyens, sur cette voie que nos premières victoires nous ouvrent ; il y a là d'autres bras, capables de défendre les maisons. Énée s'abat sur les Italiens et se mêle aux combats. Que nos bras cruels répandent aussi la mort parmi les Troyens ! |
12, 625 |
Nec numero inferior pugnae nec honore recedes. » Turnus ad haec : « O soror, et dudum adgnoui, cum prima per artem foedera turbasti teque haec in bella dedisti, et nunc nequiquam fallis dea. Sed quis Olympo |
Et tu en sortiras aussi grand par le nombre et la gloire des combats. » À cela Turnus répond : « Ô ma soeur, tantôt déjà je t'ai reconnue, quand par cet artifice tu as perturbé les accords et t'es livrée à cette guerre ; c'est en vain que maintenant tu caches ta divinité. Mais qui dans l'Olympe |
12, 630 |
demissam tantos uoluit te ferre labores ? An fratris miseri letum ut crudele uideres ? Nam quid ago ? Aut quae iam spondet Fortuna salutem ? Vidi oculos ante ipse meos me uoce uocantem Murranum, quo non superat mihi carior alter, |
a voulu t'envoyer ici-bas, pour t'imposer de telles épreuves ? Était-ce pour que tu voies le cruel trépas de ton malheureux frère ? Car, que fais-je donc ? De quelle Fortune désormais espérer le salut ? Sous mes propres yeux, je l'ai vu, qui m'appelait à grands cris, Murranus, plus cher que nul autre à mon coeur, |
12, 635 |
oppetere ingentem atque ingenti uolnere uictum. Occidit infelix nostrum ne dedecus Vfens adspiceret ; Teucri potiuntur corpore et armis. Exscindine domos id rebus defuit unum perpetiar, dextra nec Drancis dicta refellam ? |
je l'ai vu mourir, si grand et victime d'une profonde blessure. Ufens, le malheureux, est tombé, pour ne pas voir notre déshonneur ; les Teucères ont saisi son cadavre et ses armes.Vais-je supporter la destruction de nos maisons, seul malheur non encore advenu !, et mon bras ne démentira-t-il pas les paroles de Drancès ? |
12, 640 |
Terga dabo et Turnum fugientem haec terra uidebit ? Vsque adeone mori miserum est ? Vos O mihi Manes este boni, quoniam superis auersa uoluntas ! Sancta ad uos anima atque istius nescia culpae descendam, magnorum haud umquam indignus auorum. » |
Vais-je tourner le dos et laisser notre terre voir la fuite de Turnus ? Est-ce donc un si grand malheur de mourir ? Ô vous, Mânes, soyez bons pour moi, puisque les dieux ont changé leur volonté ! Âme sainte et innocente de cette faute, je descendrai chez vous, sans jamais avoir été indigne de mes grands ancêtres ». |
12, 645 |
Turnus veut sauver son honneur (12, 650-696)
Sacès vient avertir Turnus de l'assaut troyen, des hésitations de Latinus, du suicide d'Amata ; il lui reproche son inefficacité et l'appelle au secours. Cet appel réveille en Turnus une série de sentiments qui le stimulent à agir. (12, 650-668)
Turnus, reprenant ses esprits et voyant flamber dans la ville une tour de défense, sait que l'heure de son destin a sonné et que, pour sauver son honneur, il doit accepter le duel avec Énée. Sans attendre, il se rue vers la ville et fait connaître sa décision aux Latins et aux Rutules. (12, 669-696)
Vix ea fatus erat : medios uolat ecce per hostis uectus equo spumante Saces, aduersa sagitta saucius ora, ruitque implorans nomine Turnum : « Turne, in te suprema salus : miserere tuorum. Fulminat Aeneas armis summasque minatur |
Turnus avait à peine fini de parler ; voici que, fendant les rangs ennemis, Sacès arrive sur un cheval écumant ; blessé au visage par une flèche, il se précipite, implorant Turnus par son nom : « Turnus, tu es notre ultime salut ; aie pitié des tiens. Énée nous foudroie de ses armes ; il menace d'abattre |
12, 650 |
deiecturum arces Italum exscidioque daturum ; iamque faces ad tecta uolant. In te ora Latini, in te oculos referunt ; mussat rex ipse Latinus, quos generos uocet aut quae sese ad foedera flectat. Praeterea regina, tui fidissima, dextra |
et de livrer à la ruine la haute forteresse des Italiens ; déjà les torches volent sur nos toits. Vers toi les Latins tournent leurs visages et leurs regards ; le roi Latinus même, à mots couverts, se demande à quel gendre faire appel, quels accords ont ses faveurs. En outre la reine, ton soutien le plus fidèle, de sa propre main, |
12, 655 |
occidit ipsa sua lucemque exterrita fugit. Soli pro portis Messapus et acer Atinas sustentant aciem. Circum hos utrimque phalanges stant densae, strictisque seges mucronibus horret ferrea : tu currum deserto in gramine uersas. » |
s'est donné la mort et dans l'épouvante elle a fui la lumière. Seuls devant les portes, Messapus et le farouche Atinas soutiennent le choc ennemi. Autour d'eux, de chaque côté, se dressent des phalanges serrées, hérissées d'épées brandies, vraie moisson de fer ; et toi, sur ton char, tu tournes sans fin sur une prairie désertée. » |
12, 660 |
Obstipuit uaria confusus imagine rerum Turnus et obtutu tacito stetit. Aestuat ingens uno in corde pudor mixtoque insania luctu et furiis agitatus amor et conscia uirtus. Vt primum discussae umbrae et lux reddita menti, |
Confondu par les divers points de ce récit, Turnus reste stupéfait, figé dans une contemplation muette ; en son coeur bouillonnent à la fois une immense honte, la déraison mêlée à la douleur, son amour agité par les Furies, et la conscience de sa valeur. Aussitôt ces ombres dissipées et la clarté revenue en son esprit, |
12, 665 |
ardentis oculorum orbes ad moenia torsit turbidus eque rotis magnam respexit ad urbem. Ecce autem flammis inter tabulata uolutus ad caelum undabat uortex turrimque tenebat, turrim, compactis trabibus quam eduxerat ipse |
il tourne vers les murailles ses yeux enflammés et, plein de fureur, du haut de son char dirige ses regards vers la grande cité. Voilà donc qu'un tourbillon de flammes s'élevait vers le ciel enroulé à travers les étages et embrasait la tour, une tour qu'il avait faite lui-même de poutres épaisses, |
12, 670 |
subdideratque rotas pontisque instrauerat altos. « Iam iam fata, soror, superant ; absiste morari ; quo deus et quo dura uocat Fortuna, sequamur. Stat conferre manum Aeneae, stat quidquid acerbi est morte pati ; neque me indecorem, germana, uidebis |
et avait équipée de roues et de hautes passerelles. « Déjà, ma soeur, les destins triomphent ; cesse d'y faire obstacle ; suivons la voie où nous appellent le dieu et l'impitoyable Fortune. Il est établi que je combattrai Énée, que je supporterai la mort si cruelle soit-elle et, ma soeur, tu ne me verras pas plus longtemps |
12, 675 |
amplius. Hunc, oro, sine me furere ante furorem. » Dixit et e curru saltum dedit ocius aruis perque hostis, per tela ruit maestamque sororem deserit ac rapido cursu media agmina rumpit. Ac ueluti montis saxum de uertice praeceps |
vivre sans honneur. Avant, je t'en prie, laisse un enragé se livrer à la rage ». Il dit et aussitôt de son char d'un bond il saute dans la plaine ; il se rue parmi les ennemis, au milieu des traits, quitte sa soeur affligée, et dans sa course rapide s'enfonce au milieu des troupes rangées. Il est comme un roc qui dévale du sommet d'une montagne |
12, 680 |
cum ruit auulsum uento, seu turbidus imber proluit aut annis soluit sublapsa uetustas ; fertur in abruptum magno mons improbus actu exsultatque solo, siluas armenta uirosque inuoluens secum : disiecta per agmina Turnus |
et se précipite, arraché par le vent, soit qu'un torrent l'ait emporté soit qu'au fil des ans, le temps l'ait peu à peu disloqué : le rocher irrésistiblement est emporté dans le vide en un grand élan et rebondit sur le sol, entraînant avec lui arbres, animaux et humains : ainsi Turnus traverse les bataillons qu'il a dispersés et fonce |
12, 685 |
sic urbis ruit ad muros, ubi plurima fuso sanguine terra madet striduntque hastilibus aurae, significatque manu et magno simul incipit ore : « Parcite iam, Rutuli, et uos tela inhibete, Latini ; quaecumque est Fortuna, mea est : me uerius unum |
vers les murs de la cité, à l'endroit où le sol est le plus imbibé de sang répandu et l'air empli du sifflement des traits ; il fait un signe de la main, tout en se mettant à parler d'une voix forte : « Désormais, Rutules, ménagez-vous ; et vous, Latins, retenez vos traits. Quel qu'il soit, c'est mon destin ; il est plus juste que moi seul, |
12, 690 |
pro uobis foedus luere et decernere ferro. » Discessere omnes medii spatiumque dedere. |
en votre nom, j'acquitte le pacte et que j'en décide par le fer. » Tous se sont éloignés du centre et lui ont laissé le champ libre. |
12, 695 |
Notes (12, 554-696)
la mère d'Énée (12, 554). Vénus.
Mnesthée... Sergeste... Séreste (12, 561). Ce sont les fidèles compagnons d'Énée, souvent cités. Pour Mnesthée, voir par exemple 12, 127 et 12, 549 ; pour Sergeste, voir 1, 510 ; 4, 288 et 5, 121 ; pour Séreste, voir par exemple 10, 541 et 12, 549.
Jupiter est avec nous (12, 565). Cette finale de vers est reprise aux Annales d'Ennius.
ma décision soudaine (12, 566). Il n'avait pas auparavant l'intention d'attaquer la ville ; il a donc changé d'avis.
déjà vaincu (12, 572). Énée ignore donc le stratagème de Juturne (12, 466ss) et croit que Turnus a fui.
C'est ici le début (12, 572). Énée a à l'esprit la ville des Latins.
interpelle Latinus (12, 580). En fait, Latinus n'est pour rien dans la reprise de la guerre, mais pour Énée, il reste le chef des ennemis.
pour la seconde fois (12, 582). La première fois, lorsque fut rompu, suites aux manoeuvres de Junon et d'Allecto (livre 7), l'accord conclu entre Latinus et Ilionée, porte-parole d'Énée (7, 249-285) ; la seconde fois, lorsque le geste de Tolumnius (12, 258-268), téléguidé par Junon et par Juturne, rendit caduc le pacte conclu devant les autels par Latinus et Énée.
La discorde (12, 583). La ville est divisée, comme au livre 11, 213-444, après la défaite des Latins et à l'occasion du conseil de guerre chez Latinus.
entraînant le roi (12, 585). Pour qu'il parle à Énée et reprenne les négociations.
c'est comme lorsqu'un berger (12, 587-592). Cette comparaison avec des abeilles enfumées se trouve déjà dans Apollonius de Rhodes, qui l'applique aux Bébryces mis en déroute par les Argonautes (Argonautiques, 2, 130ss.).
fumée piquante (12, 588). On enfumait les abeilles pour recueillir le miel (cfr Géorgiques, 4, 230).
une odeur sombre (12, 591). C'est-à-dire l'odeur de la sombre fumée.
horrible trépas (12, 603). La littérature antique connaît plusieurs femmes mourant de cette manière, ainsi Jocaste, mère et épouse d'Oedipe (Sophocle, dipe Roi, 1260) ; Anticlée, mère d'Ulysse (Odyssée, 14, 359) ; Phèdre, épouse de Thésée (Euripide, Hippolyte, 798ss). Il semble que, dans la tradition prévirgilienne (chez Fabius Pictor, si l'on en croit Servius), Amata se serait laissé mourir de faim : au douzième et dernier livre de son Énéide, Virgile avait besoin d'une fin plus rapide. Rappelons que Didon, elle, s'était suicidée par l'épée (Énéide, 4, 663-665).
arracher ses blonds cheveux (12, 605). Ce détail, ainsi que tous ceux qui suivent (déchirer ses vêtements par exemple), correspondent aux manifestations extérieures de deuil, courantes dans l'antiquité.
poussière immonde (12, 609-611). On se couvrait aussi la tête de poussière (cfr le geste de Mézence, en apprenant la mort de son fils Lausus, en 10, 844). Ainsi font, dans Homère, Achille, quand il apprend la mort de Patrocle ; Laërte, quand il croit Ulysse mort (Iliade, 18, 23, et Odyssée, 24, 317). En ce qui concerne les cheveux, l'usage d'ailleurs variait ; tantôt, on se couvrait la chevelure de poussière ou de cendre ; tantôt, on la coupait, en partie ou en totalité, pour la déposer sur le bûcher funéraire ; tantôt, au contraire, on la laissait croître sans la soigner.
se reproche (12, 612-613). Ces deux vers sont repris de 11, 471-472.
content de l'allure de ses chevaux (12, 616). Pour Servius, l'ardeur de Turnus faiblit en voyant que ses chevaux se fatiguent.
sous les traits du cocher Métiscus (12, 623). Voir ci-dessus 12, 468-472.
que nos premières victoires nous ouvrent (12, 626). Turnus a semé la mort dans la plaine (12, 500-553). Juturne veut qu'il y reste et ne regagne pas la ville assiégée pour la défendre. D'autres, dit-elle, pourront s'en charger.
Mais qui dans l'Olympe (12, 634). Le lecteur sait que c'est Junon (12, 134-160).
Murranus (12, 638-640). Cet ami de Turnus a été cité en 12, 529. Une partie du vers 640 est reprise de 10, 842, où il s'applique à Lausus.
Ufens (12, 641-642). Guerrier latin, allié de Turnus, cité en 12, 460, où il intervient dans la mêlée ; on le rencontre encore en 7, 745 ; 8, 6 ; 10, 518.
les paroles de Drancès (12, 644). Le latin Drancès qui lui reprochait de fuir le danger et le mettait au défi de se mesurer à Énée (11, 368-375).
Mânes (12, 646-647). Turnus, se sentant perdu, invoque les divinités infernales, les Mânes, puisque les dieux du ciel sont contre lui.
innocente de cette faute (12, 648-649). Il accepte la mort, mais pas le déshonneur. La faute, c'est-à-dire la fuite orchestrée à son insu par Juturne.
Sacès (12, 651). Ce Rutule, nommé seulement ici, ne vient pas presser Turnus d'accepter le combat singulier qui délivrerait les Latins des dangers de la guerre ; il vient lui demander de revenir dans la ville pour la défendre. Mais Turnus prendra, seul, une autre décision, celle de rencontrer Énée en combat singulier.
quel gendre (12, 658). Virgile identifie les guerriers et leur chef, d'où ce pluriel (les gendres), qu'on a également rencontré en 7, 98. On sait que depuis l'oracle de Faunus (7, 96-101), Latinus est favorable à Énée.
Messapus (12, 661). Rien que dans le livre 12, Messapus est cité aux vers 128, 289, 294, 488, 550.
Atinas (12, 661). Atinas est un chef rutule, signalé en 11, 869 et qualifié aussi de farouche (acer).
une prairie désertée (12, 664). Loin du théâtre des opérations.
en son coeur bouillonnent... (12, 666-669). Vers répétés de 10, 870-872, où ils s'appliquent à Mézence. Là, l'amour agité par les Furies est l'amour paternel ; ici, il s'agit de l'amour de Turnus pour Lavinia.
Aussitôt les ombres dissipées (12, 669). Comme l'écrit J. Perret (Virgile. Énéide, III, 180, p. 252), « Turnus émerge ici de son trouble intérieur, juge de la situation en homme de guerre, assume toutes les responsabilités dont il peut se charger. Cette fois, tout est clair; [...] les Latins [...] ont perdu la guerre. La seule chance reste maintenant la possibilité de tuer Énée dans un duel et c'est pourquoi Turnus s'y porte avec toute sa résolution [...] ».
embrasait la tour (12, 673). Ce qui est incendié ici, c'est une tour mobile et non une des tours qui fortifiaient l'enceinte de la ville des Latins (7, 160 ; 11, 466 ; 12, 132). Cette tour mobile était une création de Turnus qui apparaît donc comme une sorte d ingénieur militaire, mais l'incendie de cette machine qui était son uvre personnelle prend également ici la sombre valeur d'un présage. Virgile avait décrit plus haut (9, 530-534) une de ces tours mobiles incendiée elle aussi.
hautes passerelles (12, 675). Les pontes sont peut-être les paliers (les étages) de la tour, ou des ponts-levis destinés à établir une communication entre la tour mobile et les ouvrages fixes (cfr 9, 530).
Il est comme un roc... (12, 684-688). La comparaison est inspirée d'Homère (Iliade, 13, 137-142) : « On dirait une pierre ronde, qu'un fleuve gonflé par l'orage a jetée à bas du rocher qu'elle couronnait. Grossi d'une pluie de déluge, il a brisé l'obstacle du roc indocile ; il saute par-dessus et s'envole, tandis que la forêt bruit sur son passage. La pierre, sans broncher, suit sa course inflexible, jusqu'à ce qu'elle arrive au niveau de la plaine : quel que soit son élan, elle cesse alors de rouler » (trad. P. Mazon). Elle a été reproduite, après Virgile, par Stace (Thébaïde, 7, 744-749) et par Valérius Flaccus (6, 631ss).
j'acquitte le pacte (12, 695). Turnus décide d'honorer le pacte conclu, c'est-à-dire de combattre son adversaire, seul en duel.
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