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OVIDE, Métamorphoses, Livre XV
[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2009]
Quelques légendes du Latium et d'Étrurie (15, 479-621)
Égérie et Hippolyte/Virbius : leurs métamorphoses (479-551)
Après sa formation « pythagoricenne » à Crotone, Numa devint roi des Latins belliqueux qu'il transforma en une nation religieuse et pacifique. Lorsqu'il meurt, pleuré de tous, son épouse Égérie se retire à Aricie, où elle entrave par ses plaintes le déroulement du culte de Diane. Mais elle est inconsolable, malgré les efforts de ses compagnes nymphes, et surtout du fils de Thésée, qui tente de la ramener à plus de mesure en lui proposant le récit de ses propres malheurs. (15, 479-496)
Hippolyte raconte à Égérie comment sa belle-mère, Phèdre, dépitée de voir ses avances repoussées, l'accuse auprès de Thésée d'avoir voulu abuser d'elle. Injustement condamné par Thésée, Hippolyte s'exile, mais en route vers Trézène, ses chevaux, affolés par un taureau prodigieux surgi soudainement de la mer, le précipitent sur un rocher, et le traînent sur le rivage où il meurt, dans des souffrances abominables. Ressuscité par Apollon, il est protégé par Diane/Cynthie/Artémis, la déesse qu'il a toujours vénérée. Celle-ci le métamorphose, vieillissant ses traits, changeant son nom en Virbius, et déplaçant en Italie son lieu de séjour. (15, 497-546)
Le récit d'Hippolyte/Virbius ne consola pas Égérie. Diane, apitoyée, la métamorphosa en une source intarissable. (15, 547-551)
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Talibus
atque aliis instructo pectore dictis |
L'esprit
instruit par ces enseignements et d'autres
encore, |
in
patriam remeasse ferunt ultroque petitum |
Numa,
dit-on, rentré dans sa patrie, avait accepté |
|
15, 485 |
Qui
postquam senior regnumque aeuumque peregit, |
Lorsque,
vieillard parvenu au terme de son règne et sa
vie, |
15, 490 |
impedit.
A quotiens nymphae nemorisque lacusque, |
Ah ! Que
de fois les nymphes du bois et du lac lui déconseillèrent-elles |
15, 495 |
mitius
ista feres ; utinamque exempla dolentem |
supporteras alors plus facilement ; je voudrais
que d'autres exemples que le mien puissent consoler ta peine ! Mais mon cas peut t'aider. Je pense que tes oreilles ont entendu parler d'un certain Hippolyte, que la crédulité de son père et la fourberie de sa belle-mère scélérate ont conduit à la mort ; tu t'étonneras, et j'aurai du mal à le prouver, |
sed tamen
ille ego sum. Me Pasiphaeia quondam |
mais cet
homme c'est moi. Un jour, la fille de
Pasiphaé prétendit |
|
15, 505 |
hostilique caput prece detestatur euntis. |
et, au
moment où je m'en allais, me maudit, m'accablant
de sa haine. |
15, 510 |
et dare
mugitus summoque cacumine findi. |
qui se
mit à gronder et à se fendre depuis son sommet. |
15, 515 |
exiliis
contenta suis, cum colla feroces |
je
restais l'esprit serein, lorsque mes fougueux coursiers tournent leur encolure vers la mer : leurs oreilles se dressent, leurs poils se hérissent, la crainte du monstre les trouble, et ils précipitent le char sur des rochers escarpés. Je lutte en vain pour maîtriser de la main les freins couverts de blanche écume |
15, 520 |
et retro
lentas tendo resupinus habenas. |
et,
penché en arrière, je tire vers moi
en les tendant les rênes souples. |
15, 525 |
uiscera
uiua trahi, neruos in stipe teneri, |
alors on
pouvait voir mes chairs traînées vivantes à terre, |
15, 530 |
Num potes
aut audes cladi componere nostrae, |
Peux-tu
vraiment, oses-tu comparer ton malheur au
mien, |
15, 535 |
atque ope Paeonia,
Dite indignante, recepi, |
et à
l'aide de Péon, je l'ai retrouvée, à la
grande fureur de Dis. |
15, 540 |
ora mihi
Cretenque diu dubitauit habendam |
Longtemps elle hésita à m'attribuer comme
séjour la Crète |
15, 545 |
Hoc nemus
inde colo de disque minoribus unus |
Depuis
lors, j'habite dans ce bois, je suis un des
dieux mineurs, je vis caché, sous la protection de la maîtresse à qui suis attaché. » Pourtant les malheurs d'autrui ne peuvent soulager les pleurs d'Égérie qui, couchée au pied d'une montagne, ne cesse de fondre en larmes. Sa piété douloureuse |
15, 550 |
mota
soror Phoebi gelidum de corpore fontem fecit et aeternas artus tenuauit in undas. |
finit par émouvoir
la soeur de Phébus, qui fit de son corps une fontaine fraîche, et de ses membres des ondes éternelles. |
Trois autres métamorphoses : Tagès – La javeline de Romulus – Cipus (15, 552-621)
D'autres prodiges étonnants se produisirent, comme l'apparition, sous les yeux d'un laboureur tyrrhénien, de Tagès, un homme qui provenait de la métamorphose d'une motte de terre et qui enseigna aux Étrusques l'art de prédire l'avenir, comme aussi la métamorphose en un arbre vivant, de la javeline de Romulus plantée sur le sol du Palatin. (15, 552-564)
Cipus était un homme de guerre, qui constata un jour qu'il portait des cornes de cerf sur la tête. Au retour d'une bataille victorieuse, il voulut connaître le sens de ce prodige. Ayant appris par un haruspice que ces cornes le désignaient comme roi des Latins, et étant invité à entrer dans la ville pour y être sacré roi, il refusa catégoriquement ce destin. (15, 565-589)
Après avoir dissimulé ses cornes sous une couronne de laurier, il déclara au peuple et au sénat qu'il fallait exiler ou tuer un homme au front armé de cornes qui risque de devenir roi à Rome. Puis il exhiba ses cornes. Le peuple lui laissa sa couronne et se résolut à l'exiler, tout en lui octroyant comme récompense un terrain à l'extérieur des murs de la ville. (15, 590-621)
Et
nymphas tetigit noua res, et Amazone natus |
Cette
forme nouvelle stupéfia les nymphes et le
fils de l'Amazone, tout autant que fut frappé de stupeur le laboureur Tyrrhénien, quand il vit au milieu de ses champs une motte, signe du destin : |
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15, 555 |
sponte
sua primum nulloque agitante moueri, |
elle se mit
à bouger spontanément sans que personne ne
l'agite, |
15, 560 |
Vtue
Palatinis haerentem collibus olim |
Romulus ne fut pas moins étonné lorsque il
vit tout à coup |
15, 565 |
aut sua
fluminea cum uidit Cipus in unda |
Cipus
aussi s'étonna quand il vit ses
cornes dans
l'eau du fleuve, |
ad
caelumque oculos et eodem bracchia tollens : |
il
s'arrêta, et levant vers le ciel les yeux et les
bras, il dit : |
|
15, 575 |
uinaque
dat pateris mactatarumque bidentum, |
il offre
du vin sur des patères et consulte les
entrailles palpitantes |
15, 580 |
a pecudis
fibris ad Cipi cornua lumen : |
des lobes de l'animal vers les cornes de Cipus,
il dit : « Salut, ô roi ! C'est bien à toi, Cipus, à toi et à tes cornes qu'obéiront ce pays et les citadelles du Latium. Seulement toi, sans retard, hâte-toi de franchir ces portes larges ouvertes. Telle est la volonté des destins ; car, reçu dans la ville, |
15, 585 |
rex eris
et sceptro tutus potiere perenni. » Rettulit ille pedem toruamque a moenibus urbis auertens faciem : « Procul , a ! procul omnia » dixit « talia di pellant ; multoque ego iustius aeuum exul agam, quam me uideant Capitolia regem. » |
tu seras
roi et sans crainte tu garderas à jamais ton
sceptre. » |
15, 590 |
Dixit et
extemplo populumque grauemque senatum |
Il dit et
convoque aussitôt le peuple et les graves
sénateurs, |
15, 595 |
rex erit.
Is qui sit, signo, non nomine dicam ; cornua fronte gerit ; quem uobis indicat augur, si Romam intrarit, famularia iura daturum. Ille quidem potuit portas irrumpere apertas ; sed nos obstitimus, quamuis coniunctior illo, |
sera roi. Je vous dirai qui il est, par un
signe, non par son nom : |
15, 600 |
nemo mihi
est. Vos urbe uirum prohibete, Quirites, |
que
moi-même. Vous, Quirites, écartez cet homme de
la cité, |
15, 605 |
aequorei
faciunt, siquis procul audiat illos, |
qu'on entend dans le
lointain, ainsi se fait entendre le peuple. |
15, 610 |
et,
dempta capiti, populo prohibente, corona |
Contre
la volonté du peuple, il enleva la couronne de
sa tête, et montra ses tempes, où apparaissaient les deux cornes Tous baissèrent les yeux, poussèrent des gémissements et ne regardèrent qu'à contre-coeur (qui l'eût cru ?) cette tête illustrée par ses mérites. Ils ne supportèrent pas plus longtemps |
15, 615 |
ulterius
passi, festam inposuere coronam. |
de voir
cette tête privée d'honneur, et ils lui remirent
sa couronne de fête. |
15, 620 |
cornuaque
aeratis miram referentia formam |
Ils
font aussi sculpter des cornes rappelant cette
figure étonnante, |
NOTES
Numa... (15, 480). Ovide revient à Numa (voir ci-dessus, vers 15, 1-7), successeur de Romulus, réputé roi pacifique et religieux. Sans s'attarder, le poète mentionne son arrivée sur le trône de Rome, son union avec une nymphe, son rôle politique et religieux et sa mort. Deux sujets par contre vont retenir Ovide dans la suite (15, 487-551) : d'une part Égérie, la nymphe épouse de Numa, qui après la mort de son mari trouve refuge à Aricie ; d'autre part, à Aricie toujours, Virbius, qui n'était autre qu'Hippolyte, fils de Thésée.
époux d'une nymphe (15, 482). La nymphe en question était Égérie. Le rationaliste qu'est Tite-Live (1, 19, 5) rapporte que le roi feignait d'avoir des entrevues nocturnes avec cette divinité et que cette dernière lui servait de conseillère en matière religieuse : « C'était sur ses conseils, disait-il, qu'il instituait les cérémonies les plus agréables aux dieux, et qu'il établissait des prêtres spéciaux pour chaque divinité » (trad. G. Baillet). Mais certains auteurs, comme ici Ovide, font d'Égérie l'épouse du roi.
Camènes (15, 482). Les Camènes sont des divinités des fontaines et des sources, qui furent assimilées aux Muses grecques en raison de leur rôle d'inspiratrices et de prophétesses. À Rome, elles avaient « leur sanctuaire dans un bois sacré non loin de la Porte Capène (un peu au Sud du Caelius), à l'endroit où se trouvait également une chapelle d'Égérie » (P. Grimal), qui était l'une de ces Camènes et qui était aussi honorée dans les bois d'Aricie, près du lac de Némi, dont on va reparler dans un instant. – On a présenté plus haut (Mét., 14, 433-434) une autre Camène, Canens, la nymphe épouse de Picus. Parmi les Camènes célèbres, on comptait aussi Carmenta ou Carmentis, dont il a été longuement question dans les Fastes (1, 461-542, et 1, 617-636) à propos des Carmentalia, et qui « passait dans l'affabulation mythique pour la mère de l'Arcadien Évandre (Virg., Én., 8, 335-336) » (R. Schilling, Ovide. Les Fastes, Tome I, p. 108, n. 116).
Aricie (15, 488). Localité du Latium (aujourd'hui Ariccia), à 25 km au sud-est de Rome, au pied des monts Albains, où se trouvait un bois sacré autour d'un lac, le lac de Némi, avec un sanctuaire célèbre consacré à Diane (« la Diane d'Aricie »). La nymphe Égérie y avait également un culte, peut-être plus ancien que celui qu'on lui rendait à Rome. Le récit d'Ovide imagine qu'à la mort de son époux Numa, la nymphe était allée cacher sa douleur à Aricie, perturbant par ses plaintes et ses gémissements le culte de Diane.
Diane d'Oreste (15, 489). Les questions liées à ces cultes d'Aricie (Diane, Égérie, Virbius) ont été abordées, avec assez bien de détails, dans Ovide, Fast., 3, 261-284 (avec les notes) ; Fast., 6, 737-756 (avec les notes), ainsi que dans Virg., Én., 7, 761-782 (et les notes). On en reprendra ici l'essentiel.
Les données essentielles de la légende d'Hippolyte sont bien connues. Fils de Thésée, adorateur d'Artémis, la déesse vierge, il repoussa avec horreur les avances de Phèdre, sa belle-mère, qui était la fille de Pasiphaé (vers 500). Phèdre l'accusa alors d'avoir voulu attenter à son honneur, et Thésée, crédule, souleva contre lui le courroux de Neptune. Un monstre marin épouvanta les chevaux du char du jeune homme, qui périt sur les rochers de la côte. En apprenant sa mort, Phèdre se pendit. Tel est le récit de base, qui présente toutefois une suite comportant un volet italique, qu'on trouve notamment dans les Fastes et les Métamorphoses (références ci-dessus). Hippolyte aurait été ressuscité par Esculape et transporté à Aricie par Artémis, où il aurait vécu sous le nom de Virbius. Quoi qu'il en soit, il est sûr que dans le bois sacré d'Aricie, près du lac de Némi, on vénérait non seulement Diane, mais aussi une nymphe nommée Égérie, ainsi qu'une divinité masculine, une sorte de génie indigène, nommé Virbius, dont la nature précise n'est pas claire. Dans le récit d'Ovide, son nom n'apparaîtra qu'au vers 545. Tous ces cultes latins, à l'origine, n'avaient strictement rien à voir avec l'histoire d'Hippolyte et de Phèdre. Ces développements italiques, totalement artificiels, sont le résultat de constructions savantes. Il est fort possible que l'introduction d'Hippolyte dans le culte de Diane d'Aricie soit due à un détail du rituel, qui interdisait l'accès des chevaux dans le bois sacré (Ovid., Fast., 3, 266). La nature même de ce Virbius d'ailleurs est énigmatique, et il n'est pas sans intérêt de relever que si Virbius est, pour Ovide, le nom que se donne Hippolyte, il est, pour Virgile (7, 761), le fils d'Hippolyte et d'Aricie.D'après Serv., Aen., 2, 116 ; 6, 136; et Val. Flacc., 2, 303ff, ce serait Oreste qui aurait amené en Italie, à Aricie, une statue d'Artémis, qu'il aurait dérobée dans le sanctuaire de la divinité en Tauride (ancien nom de la Crimée). Mais selon les traditions grecques, cette idole « se trouvait, pour les Athéniens, dans le temple d'Artémis, à Halai (Attique), pour les Spartiates, dans celui d'Artémis Orthia, à Sparte » (J. Chamonard). Autant dire que chaque sanctuaire important d'Artémis revendiquait la possession de la statue.
héros, fils de Thésée (15, 492). Il s'agit d'Hippolyte (cité au vers 497), fils de Thésée et d'une amazone, dont la légende vient d'être rappelée dans la note précédente. C'est lui qui propose à Égérie le récit de ses propres malheurs (15, 493-546) pour ramener la nymphe à plus de mesure. Ce sera en vain.
Trézène... Pitthée (15, 506). Trézène est une ville d'Argolide, où régna Pitthée, un fils de Pélops et d'Hippodamie. C'était le grand-père de Thésée, dont il assura l'éducation, ainsi d'ailleurs que celle d'Hippolyte. Voir Mét., 6, 418. Sur les rapports entre Pitthée et Thésée et Hippolyte, voir les notes à Mét., 7, 402 à 404, qui traitent respectivement d'Égée et de Thésée.
compagnons (15, 514). Il s'agit des chevaux d'Hippolyte. Le lien qu'il entretient avec eux semble souligné par cette désignation inattendue.
nymphe (15, 531). C'est Égérie, qu'Hippolyte cherche à consoler par son discours des vers 493-546.
Phlégéthon (15, 532). Un des fleuves des Enfers. Voir notamment Virg., Én., 6, 265 et 6, 551.
fils d'Apollon (15, 533). Esculape/Aesclepios, fils d'Apollon et Coronis (pour la naissance, voir Mét., 2, 542-544 avec notes, et 2, 600-630). Sauvé par Apollon du sein de sa mère mourante, Esculape avait été confié par son père au Centaure Chiron, qui lui enseigna l'art de la médecine. Voir aussi Én., 7, 761-782, et Fastes, 6, 735-736.
Péon (15, 535). Médecin des dieux et des héros, chez Homère (Il., 5, 401 et 899), il fut souvent comme ici identifié à Apollon, dieu guérisseur, qui se voit responsable avec Esculape de la réssurection de Hippolyte.
Dis (15, 535). Dieu romain des enfers, assimilé à Hadès/Pluton. Voir Mét., 4, 438, avec des liens vers d'autres textes.
Cynthie (15, 537). La déesse honorée sur le mont Cynthe à Délos, c'est-à-dire Artémis/Diane, soeur d'Apollon/Phébus.
Crète ou Délos (15, 541-542). Lieux attachés respectivement à Hippolyte, qui avait vécu en Crète chez Thésée, et à Diane/Artémis, née à Délos.
pourrait évoquer celui des chevaux (15, 543). « Le nom grec du cheval - hippos - entre dans la composition du nom propre Hippolyte » (G. Lafaye).
Virbius (15, 544). Sur ce personnage, dont Ovide n'a pas donné le nom auparavant, cfr supra la n. au vers 489.
ondes éternelles (15, 551). Égérie est métamorphosée par Diane en fontaine. Pour d'autres métamorphoses en fontaines, on verra par exemple en 5, 409-437 le cas de Cyané ; en 5, 573-641 celui d'Aréthuse, et en 13, 885-897 celui d'Acis.
forme nouvelle... fils de l'Amazone (15, 552). La métamorphose d'Égérie en source, surprend ses compagnes, les Camènes et Hippolyte/Virbius, fils de Thésée et d'une Amazone.
laboureur Tyrrhénien... Tagès (15, 553-559). Abstraction faite de ce passage des Métamorphoses, la légende de Tagès nous est principalement connue par Cic., de diu., 2, 23, 50. Un certain Tarchon vit dans son champ, près de Tarquinies, une motte de terre prendre la forme d'un enfant, du nom de Tagès, qui passait pour le fils de Genius Iouialis. Doué d'une grande sagesse et de dons extraordinaires de divination, il enseigna aux Étrusques les règles de l'haruspicine (art divinatoire, spécialité étrusque par excellence). À sa mort, ses enseignements furent mis par écrit, et constituèrent le fond des livres étrusques concernant la divination (d'après P. Grimal). Ovide ici va évidemment mettre en avant ce qui concerne la métamorphose.
Romulus... javeline... (15, 560-564). On sait, par Plutarque (Vie de Romulus, 20, 6-7), qu'un jour Romulus, pour éprouver sa force, lança en direction du Palatin « du haut de l'Aventin un javelot dont le bois était de cornouiller. La pointe s'enfonça si profondément qu'on ne put, malgré de multiples tentatives, la retirer. La terre, qui était fertile, recouvrait le bois, qui jeta des pousses et donna naissance à une belle et grande tige de cornouiller. Les successeurs de Romulus conservèrent cet arbre comme un monument des plus sacrés, en firent un objet d'admiration et l'entourèrent d'un mur » (trad. R. Flacelière, Budé). Il y avait à Rome plusieurs arbres considérés comme sacrés. Le figuier Ruminal sous lequel la louve aurait allaité Romulus et Rémus était l'un d'entre eux (cfr notamment Ovid.., Fast., 2, 411-422).
Cipus (15, 565-621). Outre ce passage des Métamorphoses, Valère Maxime (Faits mémorables, 5, 6, 3) rapporte cette histoire, qui met en scène un certain Genius Cipus, un personnage romain (commandant d'armée, peut-être un préteur ?), d'époque inconnue mais ancienne.
cornes (15, 565). « Les cornes étaient pour les anciens un symbole de puissance » (G. Lafaye).
haruspice étrusque (15, 577). L'haruspicine, révélée par Tagès (cfr supra, 15, 552-559), était l'art divinatoire étrusque par excellence. Elle prétendait notamment pouvoir lire l'avenir dans les entrailles des victimes, en particulier dans le foie et ses lobes (les fibrae du texte latin) qui étaient l'objet d'un examen très attentif.
Salut, ô roi (15, 581). Pour bien comprendre les réactions de Cipus, il faut savoir qu'à cause de la tyrannie de Tarquin le Superbe, le dernier roi de Rome, les Romains avaient conservé une profonde aversion pour la royauté (odium regni). C'est ainsi que plusieurs grands personnages des débuts de la République romaine, comme Spurius Cassius, Spurius Maelius, Marcus Manlius, furent poursuivis, voire mis à mort, parce que accusés d'avoir voulu rétablir la royauté (adfectatio regni). Même César, lors du célèbre épisode des Lupercales de 44, a refusé la couronne royale que lui tendait Antoine. Et, comme on le sait, après la République, Rome n'a plus été dirigée par des rois, mais des empereurs. Pour une étude approfondie de ces problèmes, on se reportera aux deux gros volumes de Paul M. Martin, L'idée de royauté à Rome, Clermont-Ferrand, 1982-1994.
laurier de la paix (15, 591). Nous avons suivi dans notre traduction le texte (pacali... lauro) de Fr. Bömer et J. Chamonard. Le laurier, qui symbolait la victoire, signifiait aussi la paix qui la suivait (d'après G. Lafaye).
augure (15, 596). Il s'agit ici, au sens strict, d'un haruspice (supra, vers 577), mais le mot latin augur (augure) peut s'utiliser, au sens large, pour désigner tout qui prédit l'avenir.
hommage d'une terre (15, 617). C'était là (Plin., N.H., 18, 9) une récompense prestigieuse accordée à des chefs d'armée et à des citoyens. Elle fut attribuée à Horatius Coclès (Tite-Live, 2, 10, 12) et à Mucius Scaevola (Denys d'Halicarnasse, 5, 35, 1).
sur une porte de bronze (15, 621). L'histoire de Cipus serait donc une légende étiologique, destinée à expliquer l'origine d'une tête portant un casque orné de cornes, qu'on pouvait voir sur la porta Raudusculana, une porte du mur servien au pied de l'Aventin (d'après P. Grimal).
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