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Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre XIII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente -
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[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2008]
L'Énéide ovidienne (II). En Sicile, autour de Scylla (13, 722-968)
Arrivée en Sicile - Début de la légende de Scylla et du récit des amours de Galatée (13, 723-788)
Quittant Buthrote, forts des prédictions d'Hélénus, Énée et les siens abordent la Sicile à Zanclé, sur le détroit redouté pour les écueils de Scylla et de Charybde. (13, 723-734)
Scylla fut autrefois une jeune fille, qui se plaisait à raconter à ses amies les nymphes comment elle éconduisait ses nombreux prétendants ; Galatée lui confie avec tristesse qu'elle-même n'a échappé au harcèlement d'un Cyclope que par un deuil, et lui raconte son histoire : aimée du jeune Acis qu'elle aimait aussi, elle était sans cesse en butte aux assiduités d'un Cyclope qu'elle abhorrait. (13, 735-758a)
Suit la description des effets bénéfiques de l'amour sur le rustre Polyphème : son souci de plaire lui fait perdre son aspect effrayant, il soigne son apparence extérieure, renonce à toute cruauté, négligeant tout ce qui ne concerne pas son amour. Sa passion lui inspire même un chant, qu'il fait retentir dans tout le voisinage en s'accompagnant d'une flûte de berger. Galatée qui, cachée en compagnie de son amoureux Acis, avait entendu ce poème, s'apprête à le reproduire devant son amie Scylla. (13, 758b-788)
Inde
futurorum certi, quae cuncta fideli |
Après cela, rassurés
sur l'ensemble de l'avenir que leur avait
prédit le Priamide Hélénus aux avis sûrs, les Troyens pénètrent dans les eaux de Sicanie. Cette île avance ses trois pointes sur les flots : |
|
13, 725 |
e quibus
imbriferos est uersa Pachynos ad austros, |
le
Pachynos est tourné
vers l'Auster porteur de pluies, |
13, 730 |
Scylla
latus dextrum, laeuum inrequieta Charybdis |
Scylla désole le côté
droit du passage, et Charybde,
jamais en repos, |
13, 735 |
Hanc
multi petiere proci ; quibus illa repulsis, |
Elle eut
de nombreux prétendants. Après les avoir
repoussés, |
13, 740 |
« Te
tamen, o uirgo, genus haud inmite uirorum |
« Toi au
moins, ma jeune amie, les hommes qui te
courtisent |
13, 745 |
effugere. » Et lacrimae uocem inpediere
loquentis. |
d'un
Cyclope. » Et les larmes
empêchèrent sa voix de s'exprimer. Dès que Scylla de son pouce à l'éclat de marbre les eut essuyées, et qu'elle eut consolé la déesse, elle dit : «Raconte-moi, ma chérie, ne me cache pas la cause de ta douleur – je mérite bien ta confiance – !» Alors la Néréide répondit à la fille de Cratéis : |
« Acis
erat Fauno nymphaque Symaethide cretus, |
« Acis
était né de Faunus et d'une nymphe, Symaethis, |
|
13, 755 |
Hunc ego,
me Cyclops nulla cum fine petebat. |
Sans
répit, je le cherchais et le Cyclope, sans
cesse me poursuivait. |
13, 760 |
horrendus
siluis et uisus ab hospite nullo |
aux
forêts mêmes, lui chez qui ne vint impunément
un étranger, |
13, 765 |
iam
rigidos pectis rastris, Polypheme, capillos ; iam libet hirsutam tibi falce recidere barbam et spectare feros in aqua et componere uultus. Caedis amor feritasque sitisque inmensa cruoris cessant et tutae ueniuntque abeuntque carinae. |
désormais, Polyphème, un râteau sert de peigne à
ta raide chevelure ; |
13, 770 |
Telemus
interea Siculam delatus ad Aetnen, Telemus Eurymides, quem nulla fefellerat ales, terribilem Polyphemon adit : “lumen” que, “quod unum fronte geris media, rapiet tibi ”dixit “ Vlixes ”. Risit et : “ O uatum stolidissime, falleris ; ” inquit, |
C'est
alors que Télémus,
débarqué en Sicile, près de l'Etna, |
13, 775 |
“ altera
iam rapuit. ” Sic frustra uera monentem spernit et aut gradiens ingenti litora passu degrauat, aut fessus sub opaca reuertitur antra. Prominet in pontum cuneatus acumine longo collis ; utrumque latus circumfluit aequoris unda. |
une autre
déjà me l'a enlevé. ” Ainsi il méprise une
prédiction |
13, 780 |
Huc ferus
adscendit Cyclops mediusque resedit ; |
Le
farouche Cyclope la gravit et s'assied au
milieu ; |
13, 785 |
senserunt
toti pastoria sibila montes, |
et tous
les monts entendirent les sons de son pipeau de
berger ; |
Le chant d'amour de Polyphème (13, 789-869)
S'adressant directement à Galatée, il fait l'éloge de sa beauté, mais lui reproche aussi de le fuir. (13, 789-809)
Puis il fait étalage de toutes ses richesses de propriétaire terrien (vergers, bétail...) qu'il met à la disposition de Galatée, en lui faisant miroiter en outre d'autres présents moins courants, tels des oursons pour la distraire. (13, 810-839)
Puis, le Cyclope entreprend de faire valoir sa propre apparence physique, grâce à sa taille, à son système pileux viril, à son oeil unique qu'il compare au disque solaire, avant de renouveler ses supplications à Galatée. (13, 840-858)
En conclusion, Polyphème laisse paraître sa jalousie à l'égard d'Acis, son heureux rival, qu'il menace d'anéantir s'il le trouve sur son passage. (13, 859-869)
“ Candidior folio niuei Galatea ligustri, |
“ Galatée, plus blanche que les feuilles du
troène neigeux, |
|
13, 790 |
floridior
pratis, longa procerior alno, splendidior uitro, tenero lasciuior haedo, leuior assiduo detritis aequore conchis, solibus hibernis, aestiua gratior umbra, nobilior pomis, platano conspectior alta, |
plus
fleurie que les prés, plus élancée que l'aune
allongé, plus brillante que le verre, plus gaie qu'un jeune chevreau, plus lisse que les coquillages sans cesse polis par les vagues, plus agréable que le soleil en hiver, que l'ombre en été, plus attirante que les fruits, plus remarquable qu'un fier platane, |
13, 795 |
lucidior
glacie, matura dulcior uua, mollior et cygni plumis et lacte coacto, et, si non fugias, riguo formosior horto ; saeuior indomitis eadem Galatea iuuencis, durior annosa quercu, fallacior undis, |
plus
transparente que la glace, plus suave que le
raisin mûr, plus douce que des plumes de cygne et que du lait caillé, et, si tu ne me fuyais pas, plus belle qu'un jardin bien irrigué ; Galatée, en même temps plus farouche que des taureaux sauvages, plus dure qu'un vieux chêne, plus trompeuse que les flots, |
13, 800 |
lentior
et salicis uirgis et uitibus albis, his immobilior scopulis, uiolentior amne, laudato pauone superbior, acrior igni, asperior tribulis, feta truculentior ursa, surdior aequoribus, calcato inmitior hydro, |
plus
insaisissable que les baguettes de saule et les
blanches viornes, plus inébranlable que ces rochers, plus impétueuse qu'un torrent, plus fière qu'un paon que l'on admire, plus mordante que le feu, plus épineuse que les ronces, plus menaçante qu'une ourse mère, plus sourde que la mer, plus cruelle qu'une hydre piétinée, |
13, 805 |
et, quod
praecipue uellem tibi demere possem, non tantum ceruo claris latratibus acto, uerum etiam uentis uolucrique fugacior aura ! At, bene si noris, pigeat fugisse, morasque ipsa tuas damnes et me retinere labores. |
et, trait
que je voudrais surtout pouvoir t'enlever, plus
fuyante non seulement que le cerf pressé par des aboiements sonores, mais aussi que les vents et la brise prompte comme l'oiseau ! Pourtant, si tu me connaissais bien, tu regretterais d'avoir fui, tu t'en voudrais de tes hésitations et tu tenterais de me retenir. |
13, 810 |
Sunt
mihi, pars montis, uiuo pendentia saxo antra, quibus nec sol medio sentitur in aestu, nec sentitur hiems ; sunt poma grauantia ramos, sunt auro similes longis in uitibus uuae, sunt et purpureae ; tibi et has seruamus et illas. |
Je suis
propriétaire d'un antre, un morceau de
montagne, creusé dans la pierre vive, où l'on ne sent ni le soleil en été, ni les rigueurs de l'hiver ; mes arbres ploient sous les fruits, les longs rameaux de mes vignes portent des raisins couleur d'or et d'autres couleur pourpre ; je te les réserve tous. |
13, 815 |
Ipsa tuis
manibus siluestri nata sub umbra mollia fraga leges, ipsa autumnalia corna prunaque, non solum nigro liuentia suco, uerum etiam generosa nouasque imitantia ceras. Nec tibi castaneae me coniuge, nec tibi deerunt |
Tu
cueilleras de tes mains des fraises savoureuses nées à l'ombre d'un bois, des cornouilles d'automne et des prunes, non seulement des prunes bleues gorgées de jus sombre, mais aussi des prunes juteuses, qui ressemblent à de la cire nouvelle. Et, si je deviens ton époux, ne te feront défaut ni les châtaignes, |
13, 820 |
arbutei
fetus ; omnis tibi seruiet arbor. Hoc pecus omne meum est, multae quoque uallibus errant, multa silua tegit, multae stabulantur in antris ; nec, si forte roges, possim tibi dicere, quot sint ; pauperis est numerare pecus. De laudibus harum |
ni les
fruits de l'arbousier ; tous mes arbres seront
à ta disposition. Tout ce bétail m'appartient, je possède aussi des bêtes innombrables, errant dans les vallées, à l'abri des bois ou dans des antres, leurs étables ; et si jamais tu me le demandais, je ne pourrais te dire leur nombre ; c'est le pauvre qui compte ses animaux. En ce qui concerne leurs mérites, |
13, 825 |
nil mihi
credideris ; praesens potes ipsa uidere, ut uix circumeant distentum cruribus uber. Sunt, fetura minor, tepidis in ouilibus agni. Sunt quoque, par aetas, aliis in ouilibus haedi. Lac mihi semper adest niueum ; pars inde bibenda |
je ne te
demande pas de me croire ; tu peux constater
toi-même, sur place, que leurs pattesentourent avec peine leurs pis distendus. J'ai, génération plus petite, des agneaux dans des bergeries chauffées. J'ai aussi des chevreaux, du même âge, dans d'autres bergeries. Toujours j'ai du lait blanc comme neige ; j'en réserve une partie |
13, 830 |
seruatur,
partem liquefacta coagula durant. Nec tibi deliciae faciles uulgataque tantum munera contingent, dammae leporesque capraeque, parue columbarum, demptusque cacumine nidus. Inueni geminos, qui tecum ludere possint |
destinée à être bue, et le reste est durci avec
de la présure liquéfiée. Non seulement tu auras à ta disposition ces plaisirs faciles et ces présents ordinaires, des daims, des lièvres, des chèvres, ou un couple de pigeons, et un nid enlevé du sommet d'un arbre. J'ai trouvé aussi deux oursons, qui pourraient jouer avec toi, |
13, 835 |
inter se
similes, uix ut dignoscere possis, uillosae catulos in summis montibus ursae ; inueni et dixi : “ dominae seruabimus istos. ” Iam modo caeruleo nitidum caput exsere ponto, iam, Galatea, ueni, nec munera despice nostra ! |
qui se
ressemblent au point que tu aurais du mal à les
distinguer, les petits d'une ourse velue, habitant en haut des montagnes ; je les ai découverts et me suis dit : “je les garderai pour ma maîtresse ”. Maintenant sors au moins ta tête splendide de la mer azurée, maintenant, Galatée, viens, et ne dédaigne pas mes présents ! |
13, 840 |
Certe ego
me noui liquidaeque in imagine uidi nuper aquae placuitque mihi mea forma uidenti. Adspice, sim quantus ; non est hoc corpore maior Iuppiter in caelo (nam uos narrare soletis nescio quem regnare Iouem) ; coma plurima toruos |
Certes, je me connais bien ; j'ai vu récemment
mon reflet à la surface d'une eau claire, et j 'ai vu une figure plaisante. Regarde ma taille : Jupiter dans le ciel n'a pas un corps plus grand – car vous parlez d'habitude du règne je ne sais quel Jupiter –. Une chevelure abondante surmonte mon visage farouche |
13, 845 |
prominet
in uultus umerosque, ut lucus obumbrat. Nec mea quod rigidis horrent densissima saetis corpora, turpe puta ; turpis sine frondibus arbor, turpis equus, nisi colla iubae flauentia uelent ; pluma tegit uolucres, ouibus sua lana decori est ; |
et comme
si c'était une forêt, elle fait de l'ombre à mes
épaules. Que mon corps soit hérissé de poils raides et épais, ne juge pas cela vilain ; un arbre sans feuillage serait laid, laid serait un cheval, si une fauve crinière ne couvrait son encolure ; les oiseaux sont couverts de plumes, les brebis tirent leur beauté leur laine ; |
13, 850 |
barba
uiros hirtaeque decent in corpore saetae. Vnum est in media lumen mihi fronte, sed instar ingentis clipei. Quid ? Non haec omnia magnus Sol uidet e caelo ? Soli tamen unicus orbis. Adde quod in uestro genitor meus aequore regnat ; |
il
sied aux hommes d'avoir une barbe et un corps
hérissé de poils. Je n'ai qu'un seul oeil au milieu du front, mais on peut le comparer à un immense bouclier. Quoi ? Le grand Soleil du haut du ciel ne voit-il pas tout l'univers ? Le Soleil pourtant n'a qu'un oeil. En outre, mon père est le souverain de vos demeures marines, |
13, 855 |
hunc tibi
do socerum. Tantum miserere precesque supplicis exaudi ; tibi enim succumbimus uni, quique Iouem et caelum sperno et penetrabile fulmen, Nerei, te ueneror ; tua fulmine saeuior ira est. Atque ego contemptus essem patientior huius, |
c'est le beau-père que je te donne. Aie
simplement pitié, écoute les prières d'un suppliant ; car tu es le seul être devant qui je m'incline, et moi qui méprise Jupiter et le ciel et la foudre qui pénètre partout, je te révère, ô fille de Nérée ; ta colère est plus redoutable que la foudre. En outre, je supporterais plus patiemment ton dédain |
13, 860 |
si
fugeres omnes ; sed cur, Cyclope repulso, Acin amas praefersque meis complexibus Acin ? Ille tamen placeatque sibi placeatque licebit, quod nollem, Galatea, tibi ; modo copia detur, sentiet esse mihi tanto pro corpore uires ; |
si
tu fuyais tous tes soupirants ; mais, pourquoi
repousser le Cyclope et aimer Acis, préférer à mes étreintes celles d'Acis ? Mais qu'il puisse être content de lui, et te plaire aussi à toi, Galatée, je ne l'admettrais pas ; que l'occasion se présente, et il sentira que ma force est proportionnée à ma taille. Tout vif, |
13, 865 |
uiscera
uiua traham, diuisaque membra per agros perque tuas spargam (sic se tibi misceat !) undas. Vror enim laesusque exaestuat acrius ignis, cumque suis uideor translatam uiribus Aetnam pectore ferre meo ; nec tu, Galatea, moueris. ” |
il aura
les entrailles arrachées, les membres découpés
et dispersés à travers champs et sur tes ondes. Qu' il soit uni avec toi ainsi ! Car je brûle, et un feu plus ardent bouillonne en moi, qui suis blessé, et j'ai l'impression de porter dans ma poitrine les forces de l'Etna qui y seraient passées ; et toi, Galatée, tu restes insensible. ” |
Mort et métamorphose d'Acis (13, 870-897)
Le Cyclope avait terminé son chant et, quand il découvrit par hasard les deux amants qui l'avaient secrètement observé, il devint redoutable : Galatée plongea dans la mer voisine et Acis se sauva en invoquant l'aide de Galatée et de ses parents, mais il fut écrasé sous un bloc de pierre, lancé par Polyphème. (13, 870-884)
La seule ressource laissée par le destin à Galatée fut la métamorphose du jeune homme en un fleuve du même nom qu'Acis, qui fut rendu ainsi à sa nature ancestrale. (13, 885-897).
13, 870 |
Talia
nequiquam questus (nam cuncta uidebam), surgit et, ut taurus uacca furibundus adempta, stare nequit siluaque et notis saltibus errat ; cum ferus ignaros nec quicquam tale timentes me uidet atque Acin : “uideo” que exclamat “et ista |
Après
avoir en vain exprimé ces plaintes, – je voyais
tout, en effet – , il se lève et, tel un taureau furieux quand sa vache lui a été enlevée, il ne peut rester en place et erre dans la forêt et les taillis familiers. Nous ignorions sa présence, et étions loin de redouter un tel danger. Le monstre nous voit, Acis et moi, et s'écrie : “ Je vous vois, |
13, 875 |
ultima
sit, faciam, Veneris concordia uestrae.” |
et je
ferai en sorte que celle-ci soit votre dernière
rencontre d'amour. ” À ce moment sa voix avait autant de force qu'on peut en attendre d'un Cyclope en colère ; à ce cri, l'Etna trembla d'horreur. Alors moi, épouvantée, je plonge dans la mer toute proche. Le héros né de Symaethis, dos tourné, avait pris la fuite, en disant : |
13, 880 |
et “fer
opem, Galatea, precor, mihi ! ferte, parentes,”
|
“Aide-moi, Galatée, je t'en supplie ! ô mes
parents, aidez-moi, |
At nos,
quod fieri solum per fata licebat, |
Alors
nous, la seule chose que nous permettaient les
destins, |
|
13, 890 |
purgaturque mora ; tum moles tacta dehiscit, |
et peu à
peu devient limpide. Puis le bloc, brisé,
s'entrouvre, de hautes tiges de roseaux verdoyants poussent par les fentes, et l'ouverture creusée dans la pierre résonne de flots jaillissants. Et miracle ! Soudain se dressa jusqu'à la taille un jeune homme qui portait des cornes naissantes entourées de joncs souples. |
13, 895 |
qui, nisi
quod maior, quod toto caerulus ore, Acis erat ; sed sic quoque erat tamen Acis, in amnem uersus et antiquum tenuerunt flumina nomen. » |
Si ce
n'est qu'il était plus grand et avait un visage
bleu sombre, |
Scylla rencontre Glaucus, qui lui fait le récit de sa métamorphose (13, 898-968)
Galatée et les Néréides rentrent chez elles, tandis que Scylla seule flâne le long du rivage. Elle aperçoit un être marin (Glaucus récemment métamorphosé) qui, épris dès qu'il l'aperçoit, cherche à la retenir. Mais elle le fuit et se réfugie en haut d'un rocher qui surplombe les flots. De son observatoire, elle s'interroge sur l'identité de son admirateur dont elle observe la couleur, la longue chevelure et la queue de poisson. (13, 898-915)
Ce dernier, qui l'a repérée, lui explique qu'il est un dieu des eaux, Glaucus, et lui conte son histoire. Il était jadis un homme, un pêcheur. Un jour, tandis qu'il faisait sécher ses filets dans une prairie qu'il était le premier à fouler, il est surpris de voir les poissons qu'il avait pêchés reprendre vie au contact de l'herbe de cette prairie et retourner dans la mer. Intrigué, il mâcha lui-même de cette herbe et sentit qu'il se métamorphosait. Tel un poisson, il plongea dans la mer où il fut accueilli par les divinités de la mer, qui le purifièrent de ses éléments mortels en le soumettant à divers rites, avant de l'admettre en leur sein. Mais il déplore l'indifférence manifestée par Scylla à l'égard de tous les avantages dont il se targue. (13, 916-965)
Dédaignant ce beau discours, la jeune fille s'enfuit, ce qui pousse Glaucus furieux à s'adresser à Circé. (13, 966-968)
|
Desierat
Galatea loqui, coetuque soluto discedunt placidisque natant Nereides undis. |
Galatée
avait terminé son récit. Le groupe se disperse, |
13, 900 |
Scylla
redit, neque enim medio se credere ponto |
Scylla retourne et
comme elle n'ose se fier à la pleine mer, |
13, 905 |
nuper in
Euboica uersis Anthedone membris, |
Récemment
métamorphosé à Anthédon,
en Eubée, se présente |
13, 910 |
Ante
fretum est ingens, apicem conlectus in unum, |
C'est un immense
rocher, face à la mer, terminé par une pointe
unique, |
13, 915 |
ultimaque
excipiat quod tortilis inguina piscis. |
et le bas
de son corps qui se termine en poisson enroulé
sur lui-même. |
13, 920 |
Ante
tamen mortalis eram, sed scilicet altis |
Jadis pourtant,
j'étais mortel, mais à l'évidence voué aux profondeurs |
13, 925 |
altera
pars undis, pars altera cingitur herbis, |
dont un
des côtés est entouré d'eau, et l'autre de prés |
13, 930 |
falciferae secuere manus. Ego primus in illo
|
par des mains
armées d'une faucille. Je fus
le premier |
13, 935 |
Res
similis fictae ; sed quid mihi fingere
prodest ? Gramine contacto coepit mea praeda moueri et mutare latus terraque ut in aequore niti ; dumque moror mirorque simul, fugit omnis in undas turba suas dominumque nouum litusque relinquunt. |
Cela semble une
fiction ; mais à quoi me sert d'inventer ? |
13, 940 |
Obstipui
dubitoque diu causamque requiro, |
Je restai
stupéfait, longtemps dubitatif, cherchant à
comprendre : l'auteur de ce miracle, est-ce un dieu, est-ce le suc de l'herbe ? “ Mais quelle herbe a cette force ? ”, dis-je, et de la main, je cueillis une touffe de gazon, que je mordis à pleines dents. Ma gorge avait à peine absorbé ces sucs inconnus, |
13, 945 |
cum
subito trepidare intus praecordia sensi |
que
subitement je sentis mes organes s'agiter
en moi |
13, 950 |
utque
mihi quaecumque feram mortalia, demant, |
Et
pour que je sois dépouillé de tous mes éléments
mortels, |
13, 955 |
totaque
uertuntur supra caput aequora nostrum. |
font rouler toutes leurs eaux au-dessus de ma tête. |
13, 960 |
Hanc ego
tum primum uiridem ferrugine barbam |
Je vis
alors pour la première fois cette barbe couleur
vert-de-gris, |
13, 965 |
quid
iuuat esse deum, si tu non tangeris istis ? » |
à quoi
bon être un dieu, si ces avantages ne te
touchent pas, toi ? » |
NOTES
Après cela... (13, 722-723). Chez Ovide, Énée passe directement de Buthrote en Sicile ; ses lecteurs sont supposés connaître le texte de Virgile, et les prédictions encourageantes qu'Hélénus avait faites à son hôte. (voir Én., 3, 356-395).
Sicanie (13, 724). La Sicanie est un autre nom de la Sicile, tiré de celui d'une ancienne peuplade, les Sicanes. Appelée aussi Trinacrie, la Sicile est souvent désignée comme l'île aux trois promontoires. Voir n. aux vers 5, 346-353, où l'on trouvera des explications, d'autres références et une carte de la Sicile.
Pachynos (13, 725). Le Pachynus, est le promontoire du sud-est, exposé à l'Auster, un vent du midi, souvent violent.
Lilybée (13, 726). Lilybée est le nom d'une ville et du promontoire à l'extrémité ouest de la Sicile.
Pélore (13, 727) Le cap Pélore est à l'extrémité nord-est de l'île, près de Messine. Les Ourses, constellation de l'hémisphère nord, et le dieu du vent du Nord, Borée, évoquent le nord.
Zanclé (13, 729). Ancien nom de Messine, en Sicile.
Scylla et Charybde (13, 730). Deux écueils de la mer de Sicile, de part et d'autre du détroit de Messine. Cfr Mét., 7, 63 et 65, où l'on trouvera des liens vers les Fastes d'Ovide et l'Énéide de Virgile. Ces endroits dangereux sont connus depuis Homère, Odyssée, 12, 73-110, où Circé les décrit à Ulysse. - L'originalité d'Ovide est de nous présenter Scylla avant sa métamorphose en un monstre redouté. Son histoire, ébauchée ici (vers 730-748), encadre le long épisode consacré aux amours de Galatée, Acis et Polyphème (vers 749-897). Elle reprendra en 13, 898, pour s'achever au début du livre 14, 1-74.
Galatée... Nérée... Doris... Cyclope (13, 738-745). Galatée, fille du dieu de la mer Nérée et de Doris (Hésiode, Théogonie, 250), est célèbre pour avoir inspiré une passion déchirante au Cyclope Polyphème, le monstre sanguinaire auquel échappa Ulysse d'après Homère (Odyssée, 9, 170ss). Sur les Cyclopes, voir la note à Mét., 1, 259, avec des liens vers les Fastes d'Ovide et l'Énéide de Virgile. Le récit d'Ovide a certainement été influencé par les poètes alexandrins, notamment Théocrite, dont l'Idylle 11 est précisément intitulée Le Cyclope.
Cratéis (13, 749). Dans l'Odyssée, 12, 124, Scylla est la fille d'une déesse nommée Cratéis, ce n'est pas sa seule généalogie.
Acis... Faunus... Symaethis (13, 750). Acis, le jeune amoureux de Galatée, qui sera métamorphosé en un fleuve portant son nom, ne nous est connu que par ce passage, où il est présenté comme le fils de Faunus, une divinité latine des forêts et des montagnes, parfois assimilé à Pan, et présenté dans l`Énéide comme un ancien roi du Latium (voir 12, 766-769 avec les notes), et de la nymphe Symaethis, la fille d'un fleuve sicilien des environs de Catane, le Symèthe (voir note à Fastes, 4, 471-472).
Télémus... Eurymus... (13, 770-775). Télémus, fils d'Eurymus, apparaît chez Homère, Odyssée, 9, 508-516, comme un devin très lucide, qui avait prédit au Cyclope qu'il serait aveuglé par Ulysse. Ovide adapte cette prédiction aux circonstances, tout en faisant étalage d'érudition.
Le chant d'amour de Polyphème (13, 789-869). On pourra comparer ce passage burlesque avec l'Idylle 9, 19-79, de Théocrite, et avec Virg., Bucoliques, 7, 37-69.
mon père (13, 854). Polyphème, selon Homère (Od., 1, 68-73), est le fils de Poséidon/Neptune, et de la nymphe Thoossa, fille de Phorkys.
Le héros né de Symaethis... (13, 879-881). Acis. Voir n. à 13, 750. Acis invoque Galatée, une divinité marine, et ses parents, Faunus et Symaethis, des divinités aussi, leur demandant de l'accueillir dans leurs royaumes (de lui accorder en quelque sorte une sorte de statut divin), ce que réalisera sa métamorphose en dieu-fleuve.
forces ancestrales (13, 886). Acis, descendant d'un fleuve, va être métamorphosé en fleuve, comme son ancêtre. L'Acis est un petit fleuve descendant de l'Etna.
cornes naissantes (13, 894). Attribut habituel des dieux-fleuves.
Scylla rencontre Glaucus (13, 898-968). Après l'épisode « Galatée, Acis, Polyphème », enclavé dans l'histoire de Scylla, Ovide reprend l'histoire de cette dernière, qui s'achèvera au début du livre suivant (14, 1-74).
Anthédon... Glaucus (13, 905-906). Le nom de Glaucus est porté par divers personnages, dont des héros troyens. Celui dont il est question ici était un pêcheur d'Eubée, fils du fondateur de la ville d'Anthédon, en Béotie (ou selon d'autres versions, fils de Poseidon et d'une Naïade). De race mortelle à sa naissance, il devint immortel après avoir goûté d'une herbe miraculeuse, et devint divinité marine. C'est le récit rapporté par Ovide.
Protée, Triton... Palémon (13, 918-919). Pour Protée et Triton, dieux marins, voir Mét., 2, 8-9 et la n. à 2, 8-11. Palémon n'est autre que Mélicerte, le fils d'Ino et d'Athamas. Recueilli avec sa mère par Poseidon/Neptune, ils furent transformés en divinités marines, sous les noms de de Palémon et de Leucothoé. Voir Mét., 4, 512-542 et les notes.
Circé (13, 968). Il a déjà été question de Circé en 4, 205. Fille du Soleil-Hélios et de Perséis ou d'Hécate (selon les sources), elle se serait établie dans l'île d'Éa (Aea), près du promontoire de Circéi, sur la côte tyrrhénienne (cfr Virgile, Én., 3, 386 et 7, 10, avec les notes). Elle sert de transition vers le chant 14 dans lequel elle va jouer un rôle important.
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