Bibliotheca Classica Selecta - Traductions françaises : Sur la BCS - Ailleurs sur la Toile

Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre XIII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante


OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE XIII

[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2008]

 

L'Énéide ovidienne (II). En Sicile, autour de Scylla (13, 722-968)

 

Arrivée en Sicile - Début de la légende de Scylla et du récit des amours de Galatée (13, 723-788)

Quittant Buthrote, forts des prédictions d'Hélénus, Énée et les siens abordent la Sicile à Zanclé, sur le détroit redouté pour les écueils de Scylla et de Charybde. (13, 723-734)

Scylla fut autrefois une jeune fille, qui se plaisait à raconter à ses amies les nymphes comment elle éconduisait ses nombreux prétendants ; Galatée lui confie avec tristesse qu'elle-même n'a échappé au harcèlement d'un Cyclope que par un deuil, et lui raconte son histoire : aimée du jeune Acis qu'elle aimait aussi, elle était sans cesse en butte aux assiduités d'un Cyclope qu'elle abhorrait. (13, 735-758a)

Suit la description des effets bénéfiques de l'amour sur le rustre Polyphème : son souci de plaire lui fait perdre son aspect effrayant, il soigne son apparence extérieure, renonce à toute cruauté, négligeant tout ce qui ne concerne pas son amour. Sa passion lui inspire même un chant, qu'il fait retentir dans tout le voisinage en s'accompagnant d'une flûte de berger. Galatée qui, cachée en compagnie de son amoureux Acis, avait entendu ce poème, s'apprête à le reproduire devant son amie Scylla. (13, 758b-788)

13, 722

Inde futurorum certi, quae cuncta fideli

Priamides Helenus monitu praedixerat, intrant

Sicaniam ; tribus haec excurrit in aequora pennis,
 

Après cela, rassurés sur l'ensemble de l'avenir que leur avait prédit

le Priamide Hélénus aux avis sûrs, les Troyens pénètrent dans les eaux

de Sicanie. Cette île avance ses trois pointes sur les flots :
 

13, 725

e quibus imbriferos est uersa Pachynos ad austros,

mollibus expositum zephyris Lilybaeon, ad Arctos

aequoris expertes spectat Boreamque Peloros.

Hac subeunt Teucri, et remis aestuque secundo

sub noctem potitur Zanclaea classis harena.
 

le Pachynos est tourné vers l'Auster porteur de pluies,

Lilybée est exposée aux doux Zéphyrs, et enfin le cap orienté

vers les Ourses jamais immergées et vers Borée, c'est le Pélore.

Par là arrivent les Troyens, et la flotte poussée par les rameurs

et une mer favorable, aborde de nuit, sur la plage de Zanclé.
 

13, 730

Scylla latus dextrum, laeuum inrequieta Charybdis

infestat ; uorat haec raptas reuomitque carinas,

illa feris atram canibus succingitur aluum,

uirginis ora gerens, et, si non omnia uates

ficta reliquerunt, aliquo quoque tempore uirgo.

 

Scylla désole le côté droit du passage, et Charybde, jamais en repos,

le côté gauche ; celle-ci saisit les navires, les avale et les recrache,

l'autre, au ventre noir entouré d'une ceinture de chiens sauvages,

a un visage de jeune fille. Si les poètes ne nous ont pas laissé

que des fables, elle fut aussi à une certaine époque une jeune fille.

 

13, 735

Hanc multi petiere proci ; quibus illa repulsis,

ad pelagi nymphas, pelagi gratissima nymphis,

ibat et elusos iuuenum narrabat amores.

Quam dum pectendos praebet Galatea capillos,

talibus alloquitur repetens suspiria dictis :
 

Elle eut de nombreux prétendants. Après les avoir repoussés,

elle se rendait auprès des nymphes de la mer, ses amies très chères,

et leur racontait les amours des jeunes gens qu'elle avait éconduits.

Un jour Galatée, qui lui tendait ses cheveux à peigner,

lui tint, sans arrêter de pousser des soupirs, ces propos :
 

13, 740

« Te tamen, o uirgo, genus haud inmite uirorum

expetit, utque facis, potes his inpune negare ;

at mihi, cui pater est Nereus, quam caerula Doris

enixa est, quae sum turba quoque tuta sororum,

non nisi per luctus licuit Cyclopis amorem
 

« Toi au moins, ma jeune amie, les hommes qui te courtisent

ne sont pas des brutes, et tu peux impunément les repousser,

comme tu le fais. Moi, qui ai Nérée pour père, et Doris la céruléenne

pour mère, moi qui suis protégée par la foule de mes soeurs,

rien, mis à part un deuil, ne m'a pourtant permis d'échapper à la passion
 

13, 745

effugere. » Et lacrimae uocem inpediere loquentis.

Quas ubi marmoreo detersit pollice uirgo

et solata deam est : « Refer, o carissima » dixit

« neue tui causam tege (sic sum fida) doloris ! »

Nereis his contra resecuta Crataeide natam est :
 

d'un Cyclope. » Et les larmes empêchèrent sa voix de s'exprimer.

Dès que Scylla de son pouce à l'éclat de marbre les eut essuyées,

et qu'elle eut consolé la déesse, elle dit : «Raconte-moi, ma chérie,

ne me cache pas la cause de ta douleur – je mérite bien ta confiance – !»

Alors la Néréide répondit à la fille de Cratéis :
 

13, 750

« Acis erat Fauno nymphaque Symaethide cretus,

magna quidem patrisque sui matrisque uoluptas,

nostra tamen maior ; nam me sibi iunxerat uni.

Pulcher et octonis iterum natalibus actis

signarat teneras dubia lanugine malas.
 

« Acis était né de Faunus et d'une nymphe, Symaethis,

il faisait vraiment le bonheur de son père et de sa mère,

mais le mien plus encore ; car lui seul m'avait attachée à lui.

Il était beau, et lorsque son seizième anniversaire fut révolu,

un duvet imperceptible avait marqué ses joues délicates.
 

13, 755

Hunc ego, me Cyclops nulla cum fine petebat.

Nec, si quaesieris, odium Cyclopis amorne

Acidis in nobis fuerit praestantior, edam ;

par utrumque fuit.

                                 Pro ! Quanta potentia regni

est, Venus alma, tui ! Nempe ille inmitis et ipsis
 

Sans répit, je le cherchais et le Cyclope, sans cesse me poursuivait.

Et, si tu m'interroges, je ne pourrai te dire ce qui prévalait en moi

ma haine pour le Cyclope ou mon amour pour Acis ;

les deux se valaient.

                                        Ah ! Qu'il est grand, vénérable Vénus,

le pouvoir de ta domination ! Car, cet être brutal, inspirant l'effroi
 

13, 760

horrendus siluis et uisus ab hospite nullo

impune et magni cum dis contemptor Olympi,

quid sit amor, sensit, nostrique cupidine captus

uritur, oblitus pecorum antrorumque suorum.

Iamque tibi formae, iamque est tibi cura placendi,
 

aux forêts mêmes, lui chez qui ne vint impunément un étranger,

lui qui méprisait l'auguste Olympe et ses dieux, il a éprouvé

ce qu'est l'amour. Prisonnier de sa passion pour moi,

il se consume, et il en oublie ses troupeaux et ses cavernes.

Désormais tu songes à ta beauté, désormais tu as le souci de plaire,
 

13, 765

iam rigidos pectis rastris, Polypheme, capillos ;

iam libet hirsutam tibi falce recidere barbam

et spectare feros in aqua et componere uultus.

Caedis amor feritasque sitisque inmensa cruoris

cessant et tutae ueniuntque abeuntque carinae.
 

désormais, Polyphème, un râteau sert de peigne à ta raide chevelure ;

désormais tu aimes à couper ta barbe hirsute à l'aide d'une serpe ;

tu te plais à composer ton visage cruel en te mirant dans l'eau.

Ton goût pour les massacres, ta sauvagerie, ton immense soif de sang

ont pris fin, et les navires vont et viennent en toute sécurité.
 

13, 770

Telemus interea Siculam delatus ad Aetnen,

Telemus Eurymides, quem nulla fefellerat ales,

terribilem Polyphemon adit : “lumen” que, “quod unum

fronte geris media, rapiet tibi ”dixit “ Vlixes ”.

Risit et : “ O uatum stolidissime, falleris ; ” inquit,
 

C'est alors que Télémus, débarqué en Sicile, près de l'Etna,

Télémus, le fils d'Eurymus, qu'aucun oiseau n'avait trompé,

s'approche du terrible Polyphème et dit : “ L'oeil unique

que tu portes au milieu de ton front, Ulysse te le dérobera ”.

Il rit et dit : “ Ô le plus stupide des devins, tu te trompes ;
 

13, 775

“ altera iam rapuit. ” Sic frustra uera monentem

spernit et aut gradiens ingenti litora passu

degrauat, aut fessus sub opaca reuertitur antra.


Prominet in pontum cuneatus acumine longo

collis ; utrumque latus circumfluit aequoris unda.
 

une autre déjà me l'a enlevé. ” Ainsi il méprise une prédiction

qui annonce en vain la vérité et, de son lourd pas de géant,

il arpente le rivage, ou, s'il est fatigué, il rejoint son antre obscur.


Une colline en forme de longue pointe surplombe la mer :

les deux côtés de ce cap sont baignés par les flots.
 

13, 780

Huc ferus adscendit Cyclops mediusque resedit ;

lanigerae pecudes nullo ducente secutae.

Cui postquam pinus, baculi quae praebuit usum,

ante pedes posita est, antemnis apta ferendis,

sumptaque harundinibus compacta est fistula centum,
 

Le farouche Cyclope la gravit et s'assied au milieu ;

les brebis laineuses l'ont suivi, sans qu'on les guide.

Il posa à ses pieds le pin, qui lui avait servi de bâton,

un tronc assez gros pour supporter des antennes de navires ;

puis il prit une flûte faite de cent roseaux assemblés,
 

13, 785

senserunt toti pastoria sibila montes,

senserunt undae. Latitans ego rupe meique

Acidis in gremio residens procul auribus hausi

talia dicta meis auditaque mente notaui :
 

et tous les monts entendirent les sons de son pipeau de berger ;

les ondes aussi les entendirent. Moi, cachée par un rocher,

je reposais sur les genoux de mon cher Acis, et de loin mes oreilles

burent ces paroles, que j'ai entendues et gravées dans ma mémoire.
 

Le chant d'amour de Polyphème (13, 789-869)

S'adressant directement à Galatée, il fait l'éloge de sa beauté, mais lui reproche aussi de le fuir. (13, 789-809)

Puis il fait étalage de toutes ses richesses de propriétaire terrien (vergers, bétail...) qu'il met à la disposition de Galatée, en lui faisant miroiter en outre d'autres présents moins courants, tels des oursons pour la distraire. (13, 810-839)

Puis, le Cyclope entreprend de faire valoir sa propre apparence physique, grâce à sa taille, à son système pileux viril, à son oeil unique qu'il compare au disque solaire, avant de renouveler ses supplications à Galatée. (13, 840-858)

En conclusion, Polyphème laisse paraître sa jalousie à l'égard d'Acis, son heureux rival, qu'il menace d'anéantir s'il le trouve sur son passage. (13, 859-869)

  “ Candidior folio niuei Galatea ligustri,
 
“ Galatée, plus blanche que les feuilles du troène neigeux,
 
13, 790 floridior pratis, longa procerior alno,

splendidior uitro, tenero lasciuior haedo,

leuior assiduo detritis aequore conchis,

solibus hibernis, aestiua gratior umbra,

nobilior pomis, platano conspectior alta,
 
plus fleurie que les prés, plus élancée que l'aune allongé,

plus brillante que le verre, plus gaie qu'un jeune chevreau,

plus lisse que les coquillages sans cesse polis par les vagues,

plus agréable que le soleil en hiver, que l'ombre en été,

plus attirante que les fruits, plus remarquable qu'un fier platane,
 
13, 795 lucidior glacie, matura dulcior uua,

mollior et cygni plumis et lacte coacto,

et, si non fugias, riguo formosior horto ;

saeuior indomitis eadem Galatea iuuencis,

durior annosa quercu, fallacior undis,
 
plus transparente que la glace, plus suave que le raisin mûr,

plus douce que des plumes de cygne et que du lait caillé,

et, si tu ne me fuyais pas, plus belle qu'un jardin bien irrigué ;

Galatée, en même temps plus farouche que des taureaux sauvages,

plus dure qu'un vieux chêne, plus trompeuse que les flots,
 
13, 800 lentior et salicis uirgis et uitibus albis,

his immobilior scopulis, uiolentior amne,

laudato pauone superbior, acrior igni,

asperior tribulis, feta truculentior ursa,

surdior aequoribus, calcato inmitior hydro,
 
plus insaisissable que les baguettes de saule et les blanches viornes,

plus inébranlable que ces rochers, plus impétueuse qu'un torrent,

plus fière qu'un paon que l'on admire, plus mordante que le feu,

plus épineuse que les ronces, plus menaçante qu'une ourse mère,

plus sourde que la mer, plus cruelle qu'une hydre piétinée,
 
13, 805 et, quod praecipue uellem tibi demere possem,

non tantum ceruo claris latratibus acto,

uerum etiam uentis uolucrique fugacior aura !

At, bene si noris, pigeat fugisse, morasque

ipsa tuas damnes et me retinere labores.

 
et, trait que je voudrais surtout pouvoir t'enlever, plus fuyante

non seulement que le cerf pressé par des aboiements sonores,

mais aussi que les vents et la brise prompte comme l'oiseau !

Pourtant, si tu me connaissais bien, tu regretterais d'avoir fui,

tu t'en voudrais de tes hésitations et tu tenterais de me retenir.

 
13, 810 Sunt mihi, pars montis, uiuo pendentia saxo

antra, quibus nec sol medio sentitur in aestu,

nec sentitur hiems ; sunt poma grauantia ramos,

sunt auro similes longis in uitibus uuae,

sunt et purpureae ; tibi et has seruamus et illas.
 
Je suis propriétaire d'un antre, un morceau de montagne,

creusé dans la pierre vive, où l'on ne sent ni le soleil en été,

ni les rigueurs de l'hiver ; mes arbres ploient sous les fruits,

les longs rameaux de mes vignes portent des raisins couleur d'or

et d'autres couleur pourpre ; je te les réserve tous.
 
13, 815 Ipsa tuis manibus siluestri nata sub umbra

mollia fraga leges, ipsa autumnalia corna

prunaque, non solum nigro liuentia suco,

uerum etiam generosa nouasque imitantia ceras.

Nec tibi castaneae me coniuge, nec tibi deerunt
 
Tu cueilleras de tes mains des fraises savoureuses

nées à l'ombre d'un bois, des cornouilles d'automne et des prunes,

non seulement des prunes bleues gorgées de jus sombre,

mais aussi des prunes juteuses, qui ressemblent à de la cire nouvelle.

Et, si je deviens ton époux, ne te feront défaut ni les châtaignes,
 
13, 820 arbutei fetus ; omnis tibi seruiet arbor.

Hoc pecus omne meum est, multae quoque uallibus errant,

multa silua tegit, multae stabulantur in antris ;

nec, si forte roges, possim tibi dicere, quot sint ;

pauperis est numerare pecus. De laudibus harum
 
ni les fruits de l'arbousier ; tous mes arbres seront à ta disposition.

Tout ce bétail m'appartient, je possède aussi des bêtes innombrables,

errant dans les vallées, à l'abri des bois ou dans des antres, leurs étables ;

et si jamais tu me le demandais, je ne pourrais te dire leur nombre ;

c'est le pauvre qui compte ses animaux. En ce qui concerne leurs mérites,
 
13, 825 nil mihi credideris ; praesens potes ipsa uidere,

ut uix circumeant distentum cruribus uber.

Sunt, fetura minor, tepidis in ouilibus agni.

Sunt quoque, par aetas, aliis in ouilibus haedi.

Lac mihi semper adest niueum ; pars inde bibenda
 
je ne te demande pas de me croire ; tu peux constater toi-même,

sur place, que leurs pattesentourent  avec peine leurs pis distendus.

J'ai, génération plus petite, des agneaux dans des bergeries chauffées.

J'ai aussi des chevreaux, du même âge, dans d'autres bergeries.

Toujours j'ai du lait blanc comme neige ; j'en réserve une partie
 
13, 830 seruatur, partem liquefacta coagula durant.

Nec tibi deliciae faciles uulgataque tantum

munera contingent, dammae leporesque capraeque,

parue columbarum, demptusque cacumine nidus.

Inueni geminos, qui tecum ludere possint
 
destinée à être bue, et le reste est durci avec de la présure liquéfiée.

Non seulement tu auras à ta disposition ces plaisirs faciles

et ces présents ordinaires, des daims, des lièvres, des chèvres,

ou un couple de pigeons, et un nid enlevé du sommet d'un arbre.

J'ai trouvé aussi deux oursons, qui pourraient jouer avec toi,

 
13, 835 inter se similes, uix ut dignoscere possis,

uillosae catulos in summis montibus ursae ;

inueni et dixi :  “ dominae seruabimus istos. ”

Iam modo caeruleo nitidum caput exsere ponto,

iam, Galatea, ueni, nec munera despice nostra !

 
qui se ressemblent au point que tu aurais du mal à les distinguer,

les petits d'une ourse velue, habitant en haut des montagnes ;

je les ai découverts et me suis dit : “je les garderai pour ma maîtresse ”.

Maintenant sors au moins ta tête splendide de la mer azurée,

maintenant, Galatée, viens, et ne dédaigne pas mes présents !

 
13, 840 Certe ego me noui liquidaeque in imagine uidi

nuper aquae placuitque mihi mea forma uidenti.

Adspice, sim quantus ; non est hoc corpore maior

Iuppiter in caelo (nam uos narrare soletis

nescio quem regnare Iouem) ; coma plurima toruos
 
Certes, je me connais bien ; j'ai vu récemment mon reflet

à la surface d'une eau claire, et j 'ai vu une figure plaisante.

Regarde ma taille : Jupiter dans le ciel n'a pas un corps plus grand

car vous parlez d'habitude du règne je ne sais quel Jupiter .

Une chevelure abondante surmonte mon visage farouche

 
13, 845 prominet in uultus umerosque, ut lucus obumbrat.

Nec mea quod rigidis horrent densissima saetis

corpora, turpe puta ; turpis sine frondibus arbor,

turpis equus, nisi colla iubae flauentia uelent ;

pluma tegit uolucres, ouibus sua lana decori est ;
 
et comme si c'était une forêt, elle fait de l'ombre à mes épaules.

Que mon corps soit hérissé de poils raides et épais,

ne juge pas cela vilain ; un arbre sans feuillage serait laid,

laid serait un cheval, si une fauve crinière ne couvrait son encolure ;

les oiseaux sont couverts de plumes, les brebis tirent leur beauté leur laine ;

 
13, 850 barba uiros hirtaeque decent in corpore saetae.

Vnum est in media lumen mihi fronte, sed instar

ingentis clipei. Quid ? Non haec omnia magnus

Sol uidet e caelo ? Soli tamen unicus orbis.

Adde quod in uestro genitor meus aequore regnat ;
 
il sied aux hommes d'avoir une barbe et un corps hérissé de poils.

Je n'ai qu'un seul oeil au milieu du front, mais on peut le comparer

à un immense bouclier. Quoi ? Le grand Soleil du haut du ciel

ne voit-il pas tout l'univers ? Le Soleil pourtant n'a qu'un oeil.

En outre, mon père est le souverain de vos demeures marines,

 
13, 855 hunc tibi do socerum. Tantum miserere precesque

supplicis exaudi ; tibi enim succumbimus uni,

quique Iouem et caelum sperno et penetrabile fulmen,

Nerei, te ueneror ; tua fulmine saeuior ira est.


Atque ego contemptus essem patientior huius,
 
c'est le beau-père que je te donne. Aie simplement pitié, écoute

les prières d'un suppliant ; car tu es le seul être devant qui je m'incline,

et moi qui méprise Jupiter et le ciel et la foudre qui pénètre partout,

je te révère, ô fille de Nérée ; ta colère est plus redoutable que la foudre.


En outre, je supporterais plus patiemment ton dédain

 
13, 860 si fugeres omnes ; sed cur, Cyclope repulso,

Acin amas praefersque meis complexibus Acin ?

Ille tamen placeatque sibi placeatque licebit,

quod nollem, Galatea, tibi ; modo copia detur,

sentiet esse mihi tanto pro corpore uires ;
 
si tu fuyais tous tes soupirants ; mais, pourquoi repousser

le Cyclope et aimer Acis, préférer à mes étreintes celles d'Acis ?

Mais qu'il puisse être content de lui, et te plaire aussi à toi,

Galatée, je ne l'admettrais pas ; que l'occasion se présente,

et il sentira que ma force est proportionnée à ma taille. Tout vif,

 
13, 865 uiscera uiua traham, diuisaque membra per agros

perque tuas spargam (sic se tibi misceat !) undas.

Vror enim laesusque exaestuat acrius ignis,

cumque suis uideor translatam uiribus Aetnam

pectore ferre meo ; nec tu, Galatea, moueris. ”
 
il aura les entrailles arrachées, les membres découpés et dispersés

à travers champs et sur tes ondes. Qu' il soit uni avec toi ainsi !

Car je brûle, et un feu plus ardent bouillonne en moi, qui suis blessé,

et j'ai l'impression de porter dans ma poitrine les forces de l'Etna

qui y seraient passées ; et toi, Galatée, tu restes insensible. ”

 

Mort et métamorphose d'Acis (13, 870-897)

Le Cyclope avait terminé son chant et, quand il découvrit par hasard les deux amants qui l'avaient secrètement observé, il devint redoutable : Galatée plongea dans la mer voisine et Acis se sauva en invoquant l'aide de Galatée et de ses parents, mais il fut écrasé sous un bloc de pierre, lancé par Polyphème. (13, 870-884)

La seule ressource laissée par le destin à Galatée fut la métamorphose du jeune homme en un fleuve du même nom qu'Acis, qui fut rendu ainsi à sa nature ancestrale. (13, 885-897).

13, 870

Talia nequiquam questus (nam cuncta uidebam),

surgit et, ut taurus uacca furibundus adempta,

stare nequit siluaque et notis saltibus errat ;

cum ferus ignaros nec quicquam tale timentes

me uidet atque Acin : “uideo” que exclamat “et ista
 
Après avoir en vain exprimé ces plaintes, – je voyais tout, en effet – ,

il se lève et, tel un taureau furieux quand sa vache lui a été enlevée,

il ne peut rester en place et erre dans la forêt et les taillis familiers.

Nous ignorions sa présence, et étions loin de redouter un tel danger.

Le monstre nous voit, Acis et moi, et s'écrie : “ Je vous vois,
 

13, 875

ultima sit, faciam, Veneris concordia uestrae.”

Tantaque uox, quantam Cyclops iratus habere

debuit, illa fuit ; clamore perhorruit Aetne.

Ast ego uicino pauefacta sub aequore mergor ;

terga fugae dederat conuersa Symaethius heros
 

et je ferai en sorte que celle-ci soit votre dernière rencontre d'amour. ”

À ce moment sa voix avait autant de force qu'on peut en attendre

d'un Cyclope en colère ; à ce cri, l'Etna trembla d'horreur.

Alors moi, épouvantée, je plonge dans la mer toute proche.

Le héros né de Symaethis, dos tourné, avait pris la fuite, en disant :
 

13, 880

et “fer opem, Galatea, precor, mihi ! ferte, parentes,”

dixerat “ et uestris periturum admittite regnis !”

Insequitur Cyclops partemque e monte reuulsam

mittit et extremus quamuis peruenit ad illum

angulus e saxo, totum tamen obruit Acin.
 

 “Aide-moi, Galatée, je t'en supplie ! ô mes parents, aidez-moi,

et accueillez-moi dans vos royaumes, moi qui suis près de mourir !”

Le Cyclope le poursuit, arrache à la montagne un bloc de pierre

qu'il lance ; bien que seule l'extrémité de la pierre l'ait atteint,

Acis fut cependant complètement écrasé.
 

13, 885

At nos, quod fieri solum per fata licebat,

fecimus, ut uires assumeret Acis auitas.

Puniceus de mole cruor manabat, et intra

temporis exiguum rubor euanescere coepit

fitque color primo turbati fluminis imbre
 

Alors nous, la seule chose que nous permettaient les destins,

nous avons fait en sorte qu'Acis retrouve ses forces ancestrales.

Un sang pourpre s'écoulait de la masse de pierre :

et en un temps très court, le rouge commence à s'atténuer,

il prend d'abord la couleur d'une rivière troublée par un orage
 

13, 890

purgaturque mora ; tum moles tacta dehiscit,

uiuaque per rimas proceraque surgit harundo,

osque cauum saxi sonat exsultantibus undis ;

miraque res, subito media tenus exstitit aluo

incinctus iuuenis flexis noua cornua cannis,
 

et peu à peu devient limpide. Puis le bloc, brisé, s'entrouvre,

de hautes tiges de roseaux verdoyants poussent par les fentes,

et l'ouverture creusée dans la pierre résonne de flots jaillissants.

Et miracle ! Soudain se dressa jusqu'à la taille un jeune homme

qui portait des cornes naissantes entourées de joncs souples.
 

13, 895

qui, nisi quod maior, quod toto caerulus ore,

Acis erat ; sed sic quoque erat tamen Acis, in amnem

uersus et antiquum tenuerunt flumina nomen. »
 

Si ce n'est qu'il était plus grand et avait un visage bleu sombre,

c'était Acis ; mais pourtant, même ainsi, c'était Acis,

métamorphosé en cours d'eau, fleuve qui a conservé son ancien nom. »
 

Scylla rencontre Glaucus, qui lui fait le récit de sa métamorphose (13, 898-968)

Galatée et les Néréides rentrent chez elles, tandis que Scylla seule flâne le long du rivage. Elle aperçoit un être marin (Glaucus récemment métamorphosé) qui, épris dès qu'il l'aperçoit, cherche à la retenir. Mais elle le fuit et se réfugie en haut d'un rocher qui surplombe les flots. De son observatoire, elle s'interroge sur l'identité de son admirateur dont elle observe la couleur, la longue chevelure et la queue de poisson. (13, 898-915)

Ce dernier, qui l'a repérée, lui explique qu'il est un dieu des eaux, Glaucus, et lui conte son histoire. Il était jadis un homme, un pêcheur. Un jour, tandis qu'il faisait sécher ses filets dans une prairie qu'il était le premier à fouler, il est surpris de voir les poissons qu'il avait pêchés reprendre vie au contact de l'herbe de cette prairie et retourner dans la mer. Intrigué, il mâcha lui-même de cette herbe et sentit qu'il se métamorphosait. Tel un poisson, il plongea dans la mer où il fut accueilli par les divinités de la mer, qui le purifièrent de ses éléments mortels en le soumettant à divers rites, avant de l'admettre en leur sein. Mais il déplore l'indifférence manifestée par Scylla à l'égard de tous les avantages dont il se targue. (13, 916-965)

Dédaignant ce beau discours, la jeune fille s'enfuit, ce qui pousse Glaucus furieux à s'adresser à Circé. (13, 966-968)

 

Desierat Galatea loqui, coetuque soluto

discedunt placidisque natant Nereides undis.
 

Galatée avait terminé son récit. Le groupe se disperse,

les Néréides s'éloignent et nagent dans les ondes paisibles.
 

13, 900

Scylla redit, neque enim medio se credere ponto

audet et aut bibula sine uestibus errat harena,

aut, ubi lassata est, seductos nacta recessus

gurgitis, inclusa sua membra refrigerat unda.

Ecce fretum scindens, alti nouus incola ponti,
 

Scylla retourne et comme elle n'ose se fier à la pleine mer,

tantôt elle se promène dévêtue sur le sable spongieux,

tantôt, quand elle est fatiguée, elle gagne des criques écartées,

et, dans l'eau qui y est prisonnière, elle rafraîchit ses membres.

Voici venir, fendant les flots, un nouvel hôte de la mer profonde.

 

13, 905

nuper in Euboica uersis Anthedone membris,

Glaucus adest uisaeque cupidine uirginis haeret

et, quaecumque putat fugientem posse morari,

uerba refert ; fugit illa tamen ueloxque timore

peruenit in summum positi prope litora montis.
 

Récemment métamorphosé à Anthédon, en Eubée, se présente

Glaucus qui, pris de passion pour la jeune fille qu'il a aperçue,

reste sur place et lui tient des propos qu'il estime susceptibles

de retarder sa fuite. Pourtant elle fuit et, la peur lui donnant des ailes,

elle parvient au sommet d'un mont situé près du rivage.

 

13, 910

Ante fretum est ingens, apicem conlectus in unum,

longa sub arboribus conuexus in aequora uertex.

Constitit hic et tuta loco, monstrumne deusne

ille sit ignorans admiraturque colorem

caesariemque umeros subiectaque terga tegentem,
 

C'est un immense rocher, face à la mer, terminé par une pointe unique,

et dont la longue pente, couverte d'arbres, s'avance dans les flots.

Elle s'arrêta à cet endroit et, se sentant en lieu sûr, ignorant

s'il s'agit d'un monstre ou d'un dieu, elle admire sa couleur,

sa chevelure qui retombe, lui couvrant les épaules et le dos,

 

13, 915

ultimaque excipiat quod tortilis inguina piscis.


Sensit et innitens, quae stabat proxima, moli :

« Non ego prodigium nec sum fera belua, uirgo,

sed deus» inquit «aquae ; nec maius in aequora Proteus
 
ius habet et Triton Athamantiadesque Palaemon.
 

et le bas de son corps qui se termine en poisson enroulé sur lui-même.


Glaucus l'aperçut, et prenant appui sur un écueil tout proche :

« Non, jeune fille, je ne suis ni un monstre, ni une bête sauvage,

mais un dieu des eaux », dit-il,  « et, sur la mer, ni Protée, ni Triton

n'ont plus de droits que moi, ni non plus Palémon, fils d'Athamas.
 

13, 920

Ante tamen mortalis eram, sed scilicet altis

debitus aequoribus, iam tum exercebar in illis.

Nam modo ducebam ducentia retia pisces,

nunc in mole sedens moderabar harundine linum.

Sunt uiridi prato confinia litora, quorum
 

Jadis pourtant, j'étais mortel, mais à l'évidence voué aux profondeurs

des flots, car déjà alors mes activités étaient liées à la mer.

En effet, tantôt je tirais les filets qui ramenaient des poissons,

tantôt, assis sur un rocher, je maniais une ligne à l'aide d'un roseau.

Il existe tout proche d'un pré verdoyant, un rivage

 

13, 925

altera pars undis, pars altera cingitur herbis,

quas neque cornigerae morsu laesere iuuencae,

nec placidae carpsistis, oues hirtaeue capellae ;

non apis inde tulit collectos sedula flores,

non data sunt capiti genialia serta, neque umquam
 

dont un des côtés est entouré d'eau, et l'autre de prés

que la dent de génisses cornues n'ont pas abîmés, et vous,

paisibles brebis ou chèvres hirsutes, vous n'y avez jamais brouté.

Nulle abeille diligente n'y a récolté ni butiné des fleurs,

ce pré n'a pas fourni de couronnes festives, et jamais il ne fut fauché
 

13, 930

falciferae secuere manus. Ego primus in illo

caespite consedi, dum lina madentia sicco,

utque recenserem, captiuos ordine pisces,

insuper exposui, quos aut in retia casus

aut sua credulitas in aduncos egerat hamos.
 

par des mains armées d'une faucille. Je fus le premier

à m'asseoir sur ce gazon, pour y sécher mes filets dégoulinants,

et, pour pouvoir les compter, j'y ai déposé des rangées de poissons

que j'avais pris, quand le hasard les avait poussés dans mes filets

ou quand leur crédulité les avait dirigés sur mes hameçons crochus.
 

13, 935

Res similis fictae ; sed quid mihi fingere prodest ?

Gramine contacto coepit mea praeda moueri

et mutare latus terraque ut in aequore niti ;

dumque moror mirorque simul, fugit omnis in undas

turba suas dominumque nouum litusque relinquunt.

 

Cela semble une fiction ; mais à quoi me sert d'inventer ?

Au contact de l'herbe, les produits de ma pêche commencent à bouger,

à se retourner, à se mouvoir sur terre comme s'ils étaient dans l'eau.

Et tandis que je reste à m'étonner, les poissons en troupe

fuient vers leurs ondes, délaissant leur nouveau maître et le rivage.

 

13, 940

Obstipui dubitoque diu causamque requiro,

num deus hoc aliquis, num sucus fecerit herbae.

“Quae tamen has, inquam, uires habet herba?”manuque

pabula decerpsi decerptaque dente momordi.

Vix bene conbiberant ignotos guttura sucos,
 

Je restai stupéfait, longtemps dubitatif, cherchant à comprendre :

l'auteur de ce miracle, est-ce un dieu, est-ce le suc de l'herbe ?

“ Mais quelle herbe a cette force ? ”, dis-je, et de la main,

je cueillis une touffe de gazon, que je mordis à pleines dents.

Ma gorge avait à peine absorbé ces sucs inconnus,
 

13, 945

cum subito trepidare intus praecordia sensi

alteriusque rapi naturae pectus amore.

Nec potui restare diu ; “Repetenda ”que “ numquam

terra, uale !” dixi corpusque sub aequora mersi.

Di maris exceptum socio dignantur honore,
 

que subitement je sentis mes organes s'agiter en moi

et mon coeur se laisser emporter par le désir d'un autre élément.

Je ne pus attendre longtemps et je dis : “ Ô terre que jamais

je ne dois revoir, adieu ”, et je plongeai mon corps dans les flots.

Les dieux de la mer m'accueillent, daignant m'associer à leurs honneurs.
 

13, 950

utque mihi quaecumque feram mortalia, demant,

Oceanum Tethynque rogant ; ego lustror ab illis,

et, purgante nefas nouiens mihi carmine dicto,

pectora fluminibus iubeor supponere centum.

Nec mora, diuersis lapsi de partibus amnes
 

Et pour que je sois dépouillé de tous mes éléments mortels,

ils invoquent Océan et Téthys ; ils procèdent à ma purification,

et, quand la formule purificatrice eut été prononcée neuf fois,

je reçois l'ordre de me plonger le corps dans une centaine de fleuves.

Sans tarder, des fleuves dévalant de régions très diverses

 

13, 955

totaque uertuntur supra caput aequora nostrum.

Hactenus acta tibi possum memoranda referre,

hactenus haec memini, nec mens mea cetera sensit.

Quae postquam rediit, alium me corpore toto

ac fueram nuper, neque eundem mente recepi.
 

font rouler toutes leurs eaux au-dessus de ma tête.

Ici s'arrêtent les faits mémorables que je puis te rapporter,

ici s'arrêtent mes souvenirs, je n'ai pas eu conscience du reste.

Une fois revenu à moi, je me retrouvai, physiquement, tout autre

que celui que j'avais été récemment, tout différent mentalement.

 

13, 960

Hanc ego tum primum uiridem ferrugine barbam

caesariemque meam, quam longa per aequora uerro,

ingentesque umeros et caerula bracchia uidi

cruraque pinnigero curuata nouissima pisce.

Quid tamen haec species, quid dis placuisse marinis,
 

Je vis alors pour la première fois cette barbe couleur vert-de-gris,

et cette chevelure avec laquelle je balaie l'étendue des flots,

et ces larges épaules et ces bras azurés et ces jambes

si particulières, courbées, telles une queue de poisson ailé
.
Mais à quoi me servent cette beauté, la faveur des dieux marins,
 

13, 965

quid iuuat esse deum, si tu non tangeris istis ? »


Talia dicentem, dicturum plura, reliquit

Scylla deum ; furit ille irritatusque repulsa

prodigiosa petit Titanidos atria Circes.
 

à quoi bon être un dieu, si ces avantages ne te touchent pas, toi ? »


Pendant qu'il parlait ainsi, disposé à en dire davantage,

Scylla quitta le dieu ; il devient furieux et irrité par cette rebuffade,

il se dirigea vers le palais monstrueux de Circé, la fille de Titan.

[Page suivante]


NOTES

Après cela... (13, 722-723). Chez Ovide, Énée passe directement de Buthrote en Sicile ; ses lecteurs sont supposés connaître le texte de Virgile, et les prédictions encourageantes qu'Hélénus avait faites à son hôte. (voir Én., 3, 356-395).

Sicanie (13, 724). La Sicanie est un autre nom de la Sicile, tiré de celui d'une ancienne peuplade, les Sicanes. Appelée aussi Trinacrie, la Sicile est souvent désignée comme l'île aux trois promontoires. Voir n. aux vers 5, 346-353, où l'on trouvera des explications, d'autres références et une carte de la Sicile.

Pachynos (13, 725). Le Pachynus, est le promontoire du sud-est, exposé à l'Auster, un vent du midi, souvent violent.

Lilybée (13, 726). Lilybée est le nom d'une ville et du promontoire à l'extrémité ouest de la Sicile.

Pélore (13, 727) Le cap Pélore est à l'extrémité nord-est de l'île, près de Messine. Les Ourses, constellation de l'hémisphère nord, et le dieu du vent du Nord, Borée, évoquent le nord.

Zanclé (13, 729). Ancien nom de Messine, en Sicile.

Scylla et Charybde (13, 730). Deux écueils de la mer de Sicile, de part et d'autre du détroit de Messine. Cfr Mét., 7, 63 et 65, où l'on trouvera des liens vers les Fastes d'Ovide et l'Énéide de Virgile. Ces endroits dangereux sont connus depuis Homère, Odyssée, 12, 73-110, où Circé les décrit à Ulysse. - L'originalité d'Ovide est de nous présenter Scylla avant sa métamorphose en un monstre redouté. Son histoire, ébauchée ici (vers 730-748), encadre le long épisode consacré aux amours de Galatée, Acis et Polyphème (vers 749-897). Elle reprendra en 13, 898, pour s'achever au début du livre 14, 1-74.

Galatée... Nérée... Doris... Cyclope (13, 738-745). Galatée, fille du dieu de la mer Nérée et de Doris (Hésiode, Théogonie, 250), est célèbre pour avoir inspiré une passion déchirante au Cyclope Polyphème, le monstre sanguinaire auquel échappa Ulysse d'après Homère (Odyssée, 9, 170ss). Sur les Cyclopes, voir la note à Mét., 1, 259, avec des liens vers les Fastes d'Ovide et l'Énéide de Virgile. Le récit d'Ovide a certainement été influencé par les poètes alexandrins, notamment Théocrite, dont l'Idylle 11 est précisément intitulée Le Cyclope.

Cratéis (13, 749). Dans l'Odyssée, 12, 124, Scylla est la fille d'une déesse nommée Cratéis, ce n'est pas sa seule généalogie.

Acis... Faunus... Symaethis (13, 750). Acis, le jeune amoureux de Galatée, qui sera métamorphosé en un fleuve portant son nom, ne nous est connu que par ce passage, où il est présenté comme le fils de Faunus, une divinité latine des forêts et des montagnes, parfois assimilé à Pan, et présenté dans l`Énéide comme un ancien roi du Latium (voir 12, 766-769 avec les notes), et de la nymphe Symaethis, la fille d'un fleuve sicilien des environs de Catane, le Symèthe (voir note à Fastes, 4, 471-472).

Télémus... Eurymus... (13, 770-775). Télémus, fils d'Eurymus, apparaît chez Homère, Odyssée, 9, 508-516, comme un devin très lucide, qui avait prédit au Cyclope qu'il serait aveuglé par Ulysse. Ovide adapte cette prédiction aux circonstances, tout en faisant étalage d'érudition.

Le chant d'amour de Polyphème (13, 789-869). On pourra comparer ce passage burlesque avec l'Idylle 9, 19-79, de Théocrite, et avec Virg., Bucoliques, 7, 37-69.

mon père (13, 854). Polyphème, selon Homère (Od., 1, 68-73), est le fils de Poséidon/Neptune, et de la nymphe Thoossa, fille de Phorkys.

Le héros né de Symaethis... (13, 879-881). Acis. Voir n. à 13, 750. Acis invoque Galatée, une divinité marine, et ses parents, Faunus et Symaethis, des divinités aussi, leur demandant de l'accueillir dans leurs royaumes (de lui accorder en quelque sorte une sorte de statut divin), ce que réalisera sa métamorphose en dieu-fleuve.

forces ancestrales (13, 886). Acis, descendant d'un fleuve, va être métamorphosé en fleuve, comme son ancêtre. L'Acis est un petit fleuve descendant de l'Etna.

cornes naissantes (13, 894). Attribut habituel des dieux-fleuves.

Scylla rencontre Glaucus (13, 898-968). Après l'épisode « Galatée, Acis, Polyphème », enclavé dans l'histoire de Scylla, Ovide reprend l'histoire de cette dernière, qui s'achèvera au début du livre suivant (14, 1-74).

Anthédon... Glaucus (13, 905-906). Le nom de Glaucus est porté par divers personnages, dont des héros troyens. Celui dont il est question ici était un pêcheur d'Eubée, fils du fondateur de la ville d'Anthédon, en Béotie (ou selon d'autres versions, fils de Poseidon et d'une Naïade). De race mortelle à sa naissance, il devint immortel après avoir goûté d'une herbe miraculeuse, et devint divinité marine. C'est le récit rapporté par Ovide.

Protée, Triton... Palémon (13, 918-919). Pour Protée et Triton, dieux marins, voir Mét., 2, 8-9 et la n. à 2, 8-11. Palémon n'est autre que Mélicerte, le fils d'Ino et d'Athamas. Recueilli avec sa mère par Poseidon/Neptune, ils furent transformés en divinités marines, sous les noms de de Palémon et de Leucothoé. Voir Mét., 4, 512-542 et les notes.

Circé (13, 968). Il a déjà été question de Circé en 4, 205. Fille du Soleil-Hélios et de Perséis ou d'Hécate (selon les sources), elle se serait établie dans l'île d'Éa (Aea), près du promontoire de Circéi, sur la côte tyrrhénienne (cfr Virgile, Én., 3, 386 et 7, 10, avec les notes). Elle sert de transition vers le chant 14 dans lequel elle va jouer un rôle important.


Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre XIII (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante

Bibliotheca Classica Selecta - UCL (FIAL)