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Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre II (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante


OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE II

[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2005]

 

Phaéton conduit le char du Soleil (2, 1-271)

 

Phébus permet à Phaéton de conduire son char (2, 1-152

Après avoir découvert, ébloui, le palais du Soleil, décrit avec emphase (représentation de l'univers sculpté sur les portes), Phaéton s'approche de Phébus en personne, trônant dans l'éclat de sa majesté. (2, 1-30)

Phébus rassure Phaéton sur son origine, et s'engage, par un serment qu'il ne peut rompre, à lui accorder la faveur de son choix pour prouver sa paternité. Phaéton souhaite conduire durant un jour le char de son père. Désespéré, le père tente vainement de dissuader son fils, invoquant son jeune âge, sa condition de mortel, et le caractère surhumain de la tâche. (2, 31-102)

Phaéton ne veut rien entendre, et Phébus, lié par son serment, se résigne à le conduire devant le char éblouissant, prêt à partir au lever de l'Aurore. Au comble de l'inquiétude, il prodigue à son fils soins et conseils avant de le lancer dans cette aventure périlleuse. Phaéton, tout à son bonheur et sourd à la voix de la sagesse, est prêt à prendre le départ. (2, 103-152)

2, 1

Regia Solis erat sublimibus alta columnis,

clara micante auro flammasque imitante pyropo,

cuius ebur nitidum fastigia summa tegebat,

argenti bifores radiabant lumine ualuae.
 

Le palais du Soleil élançait bien haut ses colonnes altières,

il brillait sous l'or scintillant et le pyrope imitant des flammes ; 

l'ivoire resplendissant recouvrait le faîte des toits

et des portes doubles rayonnaient éclatantes d'argent.
 

2, 5

Materiam superabat opus : nam Mulciber illic

aequora caelarat medias cingentia terras

terrarumque orbem caelumque, quod imminet orbi.

Caeruleos habet unda deos, Tritona canorum

Proteaque ambiguum ballaenarumque prementem
 

L'art l'emportait encore sur le matériau ; en effet,

 Mulciber y avait ciselé les mers ceinturant la terre,

le globe terrestre et, dominant ce globe, le ciel.

L'onde est peuplée de dieux couleur bleu de mer,

le sonore Triton, Protée l'incertain et le géant Égéon,
 

2, 10

Aegaeona suis inmania terga lacertis

Doridaque et natas, quarum pars nare uidetur,

pars in mole sedens uiridis siccare capillos,

pisce uehi quaedam : facies non omnibus una,

non diuersa tamen, qualem decet esse sororum.
 

pressant dans ses bras des baleines aux dos démesurés ;

on voit Doris et ses filles ; les unes sont en train de nager,

d'autres, assises sur la digue, sèchent leurs verts cheveux,

certaines chevauchent un poisson ; leur visage n'est pas identique,

sans être différent toutefois, comme il convient à des soeurs.
 

2, 15

Terra uiros urbesque gerit siluasque ferasque

fluminaque et nymphas et cetera numina ruris.

Haec super inposita est caeli fulgentis imago,

signaque sex foribus dextris totidemque sinistris.

Quo simul adcliui Clymeneia limite proles
 

Sur la terre figurent des hommes et des cités, des forêts et des fauves,

des fleuves et des nymphes, et d'autres divinités rustiques.

Par-dessus cela, on voit la représentation du ciel éclatant

et des signes du zodiaque, six sur la porte à droite et six à gauche.

Sitôt arrivé au palais par un chemin en pente, le fils de Clymène
 

2, 20

uenit et intrauit dubitati tecta parentis,

protinus ad patrios sua fert uestigia uultus

consistitque procul ; neque enim propiora ferebat

lumina : purpurea uelatus ueste sedebat

in solio Phoebus claris lucente smaragdis.
 

pénétra sous le toit du père dont il doutait être le fils,

et dirigea tout de suite ses pas vers la personne de son père,

s'arrêtant toutefois à bonne distance, car il ne supportait pas

son éclat trop proche. Voilé dans un vêtement de pourpre,

Phébus trônait sur un siège étincelant d'émeraudes éclatantes.
 

2, 25

A dextra laeuaque Dies et Mensis et Annus

Saeculaque et positae spatiis aequalibus Horae

Verque nouum stabat cinctum florente corona,

stabat nuda Aestas et spicea serta gerebat,

stabat et Autumnus calcatis sordidus uuis
 

À droite et à gauche se tenaient le Jour, le Mois, l'Année,

les Siècles et les Heures, placées à intervalles réguliers ;

le Printemps naissant se dressait, couronné de fleurs,

l'Été, dénudé, était debout, portant des guirlandes d'épis,

l'Automne aussi était là, éclaboussé du jus des raisins foulés,
 

2, 30

et glacialis Hiems canos hirsuta capillos.


Ipse loco medius rerum nouitate pauentem

Sol oculis iuuenem, quibus adspicit omnia, uidit

« Quae » que « uiae tibi causa ? Quid hac, ait, arce petisti,

progenies, Phaethon, haud infitianda parenti ? »
 

et l'Hiver glacial et hirsute avec ses cheveux blancs.


Au centre, le Soleil en personne, de ses yeux qui voient tout,

aperçoit le jeune homme effrayé par ce spectacle nouveau et dit :

« Pourquoi ce voyage ? Qu'es-tu venu chercher en cette citadelle

Phaéton, qui pour ton père est sa progéniture incontestable ? »
 

2, 35

Ille refert : « O lux inmensi publica mundi,

Phoebe pater, si das usum mihi nominis huius,

nec falsa Clymene culpam sub imagine celat,

pignora da, genitor, per quae tua uera propago

credar, et hunc animis errorem detrahe nostris ! » 
 

Il répond : « Ô lumière commune à l'immense univers,

Phébus, mon père, si tu me permets d'user de ce nom

et si Clymène ne dissimule pas une faute sous un mensonge,

père, donne-moi des gages qui m'autoriseront à croire

que je suis vraiment ton fils et arrache ce doute de mon esprit ! »
 

2, 40

Dixerat, at genitor circum caput omne micantes

deposuit radios propiusque accedere iussit

amplexuque dato : « Nec tu meus esse negari

dignus es, et Clymene ueros, ait, edidit ortus,

quoque minus dubites, quoduis pete munus, ut illud
 

Il avait fini de parler ; son père déposa les rayons scintillants

qui lui entouraient la tête et ordonna au garçon de s'approcher ;

après l'avoir embrassé, il dit : « Tu es digne, et je ne le refuse pas

de te dire mon fils, et Clymène a dit vrai sur ta naissance.

Pour t'éviter de douter encore, demande-moi le présent que tu veux,
 

2, 45

me tribuente feras ! Promissi testis adesto

dis iuranda palus, oculis incognita nostris ! »

Vix bene desierat, currus rogat ille paternos

inque diem alipedum ius et moderamen equorum.


Paenituit iurasse patrem : qui terque quaterque
 

je te l'accorderai et tu l'emporteras. Que ma promesse ait pour garant

le marais par lequel jurent les dieux, et que mes yeux n'ont jamais vu. »

Il avait à peine fini, et Phaéton aussitôt demande le char paternel,

et le droit de conduire tout un jour durant les chevaux aux pieds ailés.


Le père regretta son serment ; secouant trois ou quatre fois
 

2, 50

concutiens inlustre caput « temeraria » dixit

« uox mea facta tua est ; utinam promissa liceret

non dare ! Confiteor, solum hoc tibi, nate, negarem.

Dissuadere licet : non est tua tuta uoluntas !

Magna petis, Phaethon, et quae nec uiribus istis
 

sa tête éclatante, il dit : « J'ai parlé inconsidérément,

influencé par tes paroles. Ah ! Si je pouvais renier ma promesse !

Je l'avoue, mon fils, c'est la seule chose que je te refuserais.

Je puis t'en dissuader ; ce que tu veux n'est pas sans danger ;

ce que tu exiges est une mission importante, Phaéton,
 

2, 55

munera conueniant nec tam puerilibus annis :

sors tua mortalis, non est mortale, quod optas.

Plus etiam, quam quod superis contingere possit,

nescius adfectas ; placeat sibi quisque licebit,

non tamen ignifero quisquam consistere in axe
 

qui ne convient ni à tes forces, ni à un enfant de ton âge.

Tu es mortel, et ta demande n'est pas celle d'un mortel.

Tu tentes même, inconscient, d'obtenir plus que ce qui pourrait

échoir aux dieux ; que chacun se complaise en ses possibilités,

mais personne, sinon moi, n'est apte à tenir sur le char de feu ;
 

2, 60

me ualet excepto ; uasti quoque rector Olympi,

qui fera terribili iaculatur fulmina dextra,

non agat hos currus : et quid Ioue maius habemus ?

Ardua prima uia est et qua uix mane recentes

enituntur equi ; media est altissima caelo,
 

même le maître du vaste Olympe, dont la droite terrible

lance la foudre dévastatrice, ne pourrait conduire mon char.

Et que connaissons-nous de plus grand que Jupiter ?

Le premier tronçon est raide, et mes chevaux, frais reposés le matin,

l'escaladent avec peine ; la partie centrale est très élevée dans le ciel,
 

2, 65

unde mare et terras ipsi mihi saepe uidere

fit timor et pauida trepidat formidine pectus ;

ultima prona uia est et eget moderamine certo :

tunc etiam quae me subiectis excipit undis,

ne ferar in praeceps, Tethys solet ipsa uereri.
 

et, moi-même, souvent, voyant de là-haut la mer et la terre, 

je prends peur, et mon coeur tremble d'un épouvantable effroi.

Le dernier tronçon, en pente, exige une maîtrise certaine ;

et même, quand elle m'accueille dans les eaux qui lui sont soumises,

Téthys craint souvent à ce moment-là, de m'y voir précipité tête en avant.
 

2, 70

Adde, quod adsidua rapitur uertigine caelum

sideraque alta trahit celerique uolumine torquet.

Nitor in aduersum, nec me, qui cetera, uincit

inpetus, et rapido contrarius euehor orbi.

Finge datos currus : quid ages ? Poterisne rotatis
 

Ajoute que le ciel est emporté en une révolution constante,

et qu'il entraîne en une rapide rotation les astres élevés.

Je lutte à contresens, mais l'élan qui emporte tout ne m'emporte pas

et je me déplace à contre-sens de leur tour endiablé.

Imagine détenir mon char ; que feras-tu ? Pourras-tu affronter
 

2, 75

obuius ire polis, ne te citus auferat axis ?

Forsitan et lucos illic urbesque deorum

concipias animo delubraque ditia donis

esse : per insidias iter est formasque ferarum !

Vtque uiam teneas nulloque errore traharis,
 

la rotation des pôles et empêcher de t'emporter l'axe rapide du ciel ?

Tu t'imagines peut-être qu'on trouve là-bas, chez les dieux,

des bois sacrés, des villes, des sanctuaires regorgeant d'offrandes.

Non. La route est semée de pièges et de sortes de bêtes sauvages.

Pour conserver ta direction sans jamais te détourner,
 

2, 80

per tamen aduersi gradieris cornua tauri

Haemoniosque arcus uiolentique ora Leonis

saeuaque circuitu curuantem bracchia longo

Scorpion atque aliter curuantem bracchia Cancrum.

Nec tibi quadripedes animosos ignibus illis,
 

tu devras même traverser les cornes du Taureau qui te fera face,

l'arc de l'Hémonien, la gueule du Lion cruel, le Scorpion,

courbant ses bras redoutables sur une longue distance,

et le Cancer courbant les siens dans la direction opposée.

Et ces chevaux, enhardis par les feux de leur poitrail
 

2, 85

quos in pectore habent, quos ore et naribus efflant,

in promptu regere est : uix me patiuntur, ubi acres

incaluere animi ceruixque repugnat habenis.

At tu, funesti ne sim tibi muneris auctor,

nate, caue, dum resque sinit tua corrige uota !
 

qu'ils exhalent par la bouche et les naseaux, ce n'est pas à toi

de les conduire ; ils me tolèrent à peine, quand s'est allumé

leur souffle ardent, et quand leur tête rejette les brides.

Toi, mon fils, évite-moi la responsabilité d'un cadeau funeste,

et, tant qu'il en est temps encore, formule un voeu plus sage.
 

2, 90

Scilicet ut nostro genitum te sanguine credas,

pignora certa petis : do pignora certa timendo

et patrio pater esse metu probor. Adspice uultus

ecce meos ; utinamque oculos in pectora posses

inserere et patrias intus deprendere curas !
 

Sans doute, pour te croire issu de mon sang,

veux-tu un gage sûr ? Ma peur même te le fournit,

ma crainte de père atteste assez ma paternité. Regarde,

vois mon visage ; si seulement tes yeux pouvaient entrer

dans mon coeur et y surprendre les soucis d'un père !
 

2, 95

Denique quidquid habet diues, circumspice, mundus

deque tot ac tantis caeli terraeque marisque

posce bonis aliquid ; nullam patiere repulsam.

Deprecor hoc unum, quod uero nomine poena,

non honor est : poenam, Phaethon, pro munere poscis !
 

Enfin, regarde autour de toi combien riche est le monde :

parmi tant de biens si grands dans le ciel, sur terre et sur mer,

demandes-en un ; tu ne subiras aucun refus. Je t'en supplie

 en disant seulement ceci :  ce qu'on nomme vraiment un châtiment, Phaéton,

n'est pas un honneur ; tu exiges un châtiment, au lieu d'une faveur !
 

2, 100

Quid mea colla tenes blandis, ignare, lacertis ?

Ne dubita ! Dabitur (Stygias iurauimus undas),

quodcumque optaris ; sed tu sapientius opta ! »


Finierat monitus ; dictis tamen ille repugnat

propositumque premit flagratque cupidine currus.
 

Pourquoi, ignorant, serres-tu autour de mon cou tes bras caressants ?

N'en doute pas, tu recevras, - je l'ai juré par les eaux du Styx -,

tout ce que tu auras souhaité ; mais, fais un souhait plus sage. »


Le dieu avait fini ses recommandations ; son fils pourtant les repousse

et persiste dans son projet, brûlant du désir de conduire le char.
 

2, 105

Ergo, qua licuit, genitor cunctatus ad altos

deducit iuuenem, Vulcania munera, currus.

Aureus axis erat, temo aureus, aurea summae

curuatura rotae, radiorum argenteus ordo ;

per iuga chrysolithi positaeque ex ordine gemmae
 

Alors le père, après avoir différé autant qu'il le peut,

mène le jeune homme au char imposant, présent de Vulcain.

D'or étaient les essieux, d'or le timon, d'or les cercles

ornant les roues, d'argent tous les rayons ; sur le joug,

des chrysolithes et des gemmes régulièrement disposées
 

2, 110

clara repercusso reddebant lumina Phoebo.

Dumque ea magnanimus Phaethon miratur opusque

perspicit, ecce uigil nitido patefecit ab ortu

purpureas Aurora fores et plena rosarum

atria : diffugiunt stellae, quarum agmina cogit
 

renvoyaient à Phébus le reflet de son lumineux éclat.

Tandis que le noble Phaéton admire et examine l'oeuvre,

voici que, du côté du levant éclairé, la vigilante Aurore

ouvre ses portes empourprées et ses cours pleines de roses ;

les étoiles s'enfuient, troupes rassemblées par Lucifer,
 

2, 115

Lucifer et caeli statione nouissimus exit.

Quem petere ut terras mundumque rubescere uidit

cornuaque extremae uelut euanescere lunae,

iungere equos Titan uelocibus imperat Horis.

Iussa deae celeres peragunt ignemque uomentes,
 

qui est la dernière à quitter son poste dans le ciel.

Dès que Titan voit cet astre gagner les terres, le monde

se colorer de rose, et s'évanouir les extrémités des cornes de la lune,

il commande aux Heures rapides d'atteler les chevaux.

Les déesses agiles exécutent les ordres ; elles font sortir
 

2, 120

ambrosiae suco saturos, praesepibus altis

quadripedes ducunt adduntque sonantia frena.


Tum pater ora sui sacro medicamine nati

contigit et rapidae fecit patientia flammae

inposuitque comae radios praesagaque luctus
 

des écuries du ciel les chevaux aux naseaux cracheurs de feu,

repus du suc de l'ambroisie, et les revêtent de harnais sonores.


Alors le père enduit le visage de son fils d'un onguent sacré

et le rend résistant à la flamme dévorante ;

il lui couvre la chevelure de rayons, et de son coeur angoissé
 

2, 125

pectore sollicito repetens suspiria dixit :

« Si potes his saltem monitis parere parentis

parce, puer, stimulis et fortius utere loris !

Sponte sua properant, labor est inhibere uolentes.

Nec tibi derectos placeat uia quinque per arcus !
 

poussant des soupirs annonciateurs de douleur, il lui dit :

« Petit, si au moins tu peux suivre ces conseils de ton père,

évite l'aiguillon et tiens les rênes fermement serrées !

Les chevaux avancent d'eux-mêmes ; c'est dur de retenir leur élan.

Et ne choisis pas la voie directe qui traverse les cinq zones ;
 

2, 130

Sectus in obliquum est lato curuamine limes,

zonarumque trium contentus fine polumque

effugit australem iunctamque aquilonibus arcton :

hac sit iter ; manifesta rotae uestigia cernes.

Vtque ferant aequos et caelum et terra calores,
 

une route, tracée en oblique et décrivant une large courbe,

se cantonne au territoire de trois zones ; elle évite le pôle austral

et l'Ourse, liée aux Aquilons ; prends cette voie ;

tu y distingueras des traces visibles de roues.

Et pour répartir également la chaleur entre ciel et terre,
 

2, 135

nec preme nec summum molire per aethera currum !

Altius egressus caelestia tecta cremabis,

inferius terras ; medio tutissimus ibis.

Neu te dexterior tortum declinet ad Anguem,

neue sinisterior pressam rota ducat ad Aram,
 

ne laisse pas descendre le char, ne le pousse pas vers les hauteurs de l'éther.

Si tu sors de la voie, trop haut, tu mettras le feu aux toits du ciel,

trop bas, tu brûleras les terres ; au centre, tu iras le plus en sécurité.

Que tes roues ne t'inclinent pas, trop à droite, vers le Serpent noueux

et qu'elles ne te mènent pas, trop à gauche,  vers l'Autel tout en bas.
 

2, 140

inter utrumque tene ! Fortunae cetera mando,

quae iuuet et melius quam tu tibi consulat opto.

Dum loquor, Hesperio positas in litore metas

umida nox tetigit ; non est mora libera nobis !

Poscimur : effulget tenebris Aurora fugatis.
 

Tiens-toi entre les deux ; je confie le reste à la Fortune,

souhaitant qu'elle t'aide et veille sur toi, mieux que toi-même.

Pendant que je parle, la nuit humide a gagné les bornes fixées

sur le rivage d'Hespérie ; il ne nous est pas loisible de tarder ;

on nous réclame, les ténèbres ont été chassées et l'aurore luit.
 

2, 145

Corripe lora manu, uel, si mutabile pectus

est tibi, consiliis, non curribus utere nostris !

Dum potes et solidis etiamnum sedibus adstas,

dumque male optatos nondum premis inscius axes,

quae tutus spectes, sine me dare lumina terris ! »
 

Prends en main les rênes  ou, si ton coeur peut changer,

fais usage de mes conseils, et non de mon char !

Insensé, tant que tu le peux, et que tu es encore en terrain stable,

tant que tu ne presses pas encore les roues dont tu as tort de rêver,

laisse-moi éclairer la terre de feux que tu contemplerass en toute sécurité. »
 

2, 150

Occupat ille leuem iuuenali corpore currum

statque super manibusque leues contingere habenas

gaudet et inuito grates agit inde parenti.
 

Phaéton s'installe sur le char où ne pèse pas son corps juvénile,

il s'y tient debout, tout au plaisir de manier les rênes légères,

et de là il rend grâces à son père bien contrarié.
 

 

Le vol catastrophique de Phaéton (2, 153-271)

Ovide décrit la course du char, au cours de laquelle le jeune Phaéton a tôt fait de perdre le contrôle de la situation. Les événements sont d'abord centrés sur le comportement des chevaux, totalement débridés. (2, 153-170)

Le désordre se manifeste ensuite dans le ciel, où des constellations d'habitude figées par le gel se mettent à fondre. Phaéton, complètement perdu, assiste impuissant à la ruine et à la dévastation qui se répand partout sur la terre. (2, 171-271)

2, 153

Interea uolucres Pyrois et Eous et Aethon,

Solis equi, quartusque Phlegon hinnitibus auras
 

Entre-temps, les rapides chevaux du Soleil, Pyrois, Éous, Éthon,

et Phlégon
le quatrième, emplissent les airs de leurs hennissements,

 

2, 155

flammiferis inplent pedibusque repagula pulsant.

Quae postquam Tethys, fatorum ignara nepotis,

reppulit, et facta est inmensi copia caeli,

corripuere uiam pedibusque per aera motis

obstantes scindunt nebulas pennisque leuati
 

ils sont pleins de feu et frappent de leurs sabots leurs barrières.

Dès que Téthys, ignorant le destin de son petit-fils,

eut repoussé ces barrières, leur donnant accès au ciel immense,

ils prennent leur élan, agitent leurs pieds dans les airs,

déchirent les nuages au passage et, soulevés par leurs ailes,
 

2, 160

praetereunt ortos isdem de partibus Euros.

Sed leue pondus erat nec quod cognoscere possent

Solis equi, solitaque iugum grauitate carebat ;

utque labant curuae iusto sine pondere naues

perque mare instabiles nimia leuitate feruntur,
 

dépassent l'Eurus, qui se lève aussi dans cette région.

Mais le char pesait un poids léger, méconnaissable

pour les chevaux du Soleil ; le poids dujoug n'était pas habituel.

De même que les navires creux, privés d'un lest approprié,

sont instables en mer parce que trop légers, ainsi le char,
 

2, 165

sic onere adsueto uacuus dat in aera saltus

succutiturque alte similisque est currus inani.

Quod simul ac sensere, ruunt tritumque relinquunt

quadriiugi spatium nec quo prius ordine currunt.

Ipse pauet nec qua commissas flectat habenas
 

dépourvu d'une charge suffisante, bondit dans l'air,

subit de fortes secousses, comme s'il était vide.

Sentant cela, les quatre bêtes de l'attelage aussitôt accélèrent,

quittent la piste tracée et ne prennent pas leur direction habituelle.

Phaéton a peur ; il ne sait ni par où tirer les rênes qu'il a en mains,
 

2, 170

nec scit qua sit iter, nec, si sciat, imperet illis.


Tum primum radiis gelidi caluere Triones

et uetito frustra temptarunt aequore tingui,

quaeque polo posita est glaciali proxima Serpens,

frigore pigra prius nec formidabilis ulli,
 

ni où est sa route et, s'il le savait, il ne maîtriserait pas les chevaux.


Alors, pour la première fois, le Septentrion glacé s'échauffa

sous les rayons et tenta, en vain, de plonger dans la mer interdite ;

le Serpent, le plus proche du pôle glacial, qui naguère

était figé par le froid et n'inspirait de crainte à personne,
 

2, 175

incaluit sumpsitque nouas feruoribus iras ;

te quoque turbatum memorant fugisse, Boote,

quamuis tardus eras et te tua plaustra tenebant.

Vt uero summo despexit ab aethere terras

infelix Phaethon penitus penitusque iacentes,
 

s'échauffa et conçut dans cette chaleur des colères inconnues.

On raconte que, troublé toi aussi, Bouvier, tu pris la fuite,

en dépit de ta lenteur et du chariot qui te retenait.

En fait, dès que, du haut de l'éther, l'infortuné Phaéton

aperçut les terres qui s'étendaient bien loin, tout en bas,
 

2, 180

palluit et subito genua intremuere timore

suntque oculis tenebrae per tantum lumen obortae,

et iam mallet equos numquam tetigisse paternos,

iam cognosse genus piget et ualuisse rogando,

iam Meropis dici cupiens ita fertur, ut acta
 

il pâlit, ses genoux se mirent à trembler d'une crainte soudaine,

et, au sein de tant de lumière, des ténèbres couvrirent ses yeux.

À présent, il préférerait n'avoir jamais touché les chevaux de son père ;

il regrette de connaître son origine et de voir ses prières abouties.

Désireux désormais d'être appelé fils de Mérops, il est emporté,
 

2, 185

praecipiti pinus borea, cui uicta remisit

frena suus rector, quam dis uotisque reliquit.

Quid faciat ? Multum caeli post terga relictum,

ante oculos plus est : animo metitur utrumque

et modo, quos illi fatum contingere non est,
 

tel un bateau qu'entraîne un violent Borée, dont le pilote vaincu

a perdu le contrôle, l'abandonnant aux dieux et aux prières.

Que faire ? Derrière lui, il a laissé une grande portion de ciel,

devant lui, la portion est plus grande encore ; en esprit,

il mesure les deux espaces, buts que son destin ne lui permet pas d'atteindre,
 

2, 190

prospicit occasus, interdum respicit ortus,

quidque agat ignarus stupet et nec frena remittit

nec retinere ualet nec nomina nouit equorum.


Sparsa quoque in uario passim miracula caelo

uastarumque uidet trepidus simulacra ferarum.
 

il regarde, tantôt le couchant devant lui , tantôt le levant derrière lui.

Ne sachant que faire, il reste figé ; il ne peut ni relâcher,

ni retenir les rênes ; il ignore même les noms des chevaux.


Il voit aussi d'étranges choses éparses en divers points du ciel

et, tremblant d'effroi, découvre des figures de bêtes monstrueuses.
 

2, 195

Est locus, in geminos ubi bracchia concauat arcus

Scorpius et cauda flexisque utrimque lacertis

porrigit in spatium signorum membra duorum :

hunc puer ut nigri madidum sudore ueneni

uulnera curuata minitantem cuspide uidit,
 

En un endroit, le Scorpion creuse ses pinces en arcs jumeaux :

avec sa queue et ses bras fléchis de part et d'autre,

il étend ses membres sur l'espace de deux signes.

Dès qu'il l'aperçut, tout gluant et suant un noir venin,

menaçant de le blesser de son dard recourbé, l'enfant,
 

2, 200

mentis inops gelida formidine lora remisit.

Quae postquam summum tetigere iacentia tergum,

exspatiantur equi nulloque inhibente per auras

ignotae regionis eunt, quaque inpetus egit,

hac sine lege ruunt altoque sub aethere fixis
 

incapable de penser, glacé d'épouvante, lâcha les rênes.

Dès que ces brides lâchées touchent le haut de leur échine,

les chevaux sortent de leur route et, rien ne les retenant plus,

gagnent des régions inconnues ; là où les mènent leur élan

ils se précipitent au hasard ; sous le haut éther, ils se heurtent
 

2, 205

incursant stellis rapiuntque per auia currum

et modo summa petunt, modo per decliue uiasque

praecipites spatio terrae propiore feruntur,

inferiusque suis fraternos currere Luna

admiratur equos, ambustaque nubila fumant.

 

aux étoiles fixes, entraînant le char hors des chemins tracés ;

tantôt ils gagnent les sommets, tantôt pentes et précipices

les emportent vers des zones plus proches de la terre.

La Lune s'étonne de voir courir en-dessous de ses chevaux

ceux de son frère ; les nuages, brûlés, se muent en fumée.

 

2, 210

Corripitur flammis, ut quaeque altissima, tellus

fissaque agit rimas et sucis aret ademptis ;

pabula canescunt, cum frondibus uritur arbor,

materiamque suo praebet seges arida damno.

Parua queror : magnae pereunt cum moenibus urbes,
 

Les points les plus élevés de la terre sont la proie des flammes ;

la terre se fend, se crevasse et se dessèche, privée de sève.

Les pâturages blanchissent, l'arbre avec ses feuilles est en feu

et la moisson séchée s'offre comme matière à sa propre perte.

Il y a pire. De grandes cités avec leurs remparts périssent,
 

2, 215

cumque suis totas populis incendia gentis

in cinerem uertunt ; siluae cum montibus ardent ;

ardet Athos Taurusque Cilix et Tmolus et Oete

et tum sicca, prius creberrima fontibus, Ide

uirgineusque Helicon et nondum Oeagrius Haemus :
 

des incendies transforment en cendres des territoires entiers

et leurs populations. Des forêts avec les montagnes se consument :

ainsi l'Athos et le Taurus de Cilicie, et le Tmolus, et l'Oeta,

l'Ida, doté auparavant d'innombrables sources, maintenant aride

l'Hélicon des Vierges, et l'Hémus que ne possédait pas encore Oeagre.
 

2, 220

ardet in inmensum geminatis ignibus Aetne

Parnasosque biceps et Eryx et Cynthus et Othrys

et tandem niuibus Rhodope caritura Mimasque

Dindymaque et Mycale natusque ad sacra Cithaeron.

Nec prosunt Scythiae sua frigora : Caucasus ardet
 

L'Etna voit redoubler ses feux ; un brasier immense atteint

le Parnasse aux deux sommets, et l'Éryx et le Cynthe et l'Othrys,

puis enfin le Rhodope bientôt privé de ses neiges, le Mimas,

et le Dindyme et le Mycale et le Cithéron, né pour un culte sacré.

La Scythie ne tire nul profit de ses frimas ; le Caucase est embrasé
 

2, 225

Ossaque cum Pindo maiorque ambobus Olympus

aeriaeque Alpes et nubifer Appenninus.

Tum uero Phaethon cunctis e partibus orbem

adspicit accensum nec tantos sustinet aestus

feruentisque auras uelut e fornace profunda
 

et aussi l'Ossa, comme le Pinde, et l'Olympe plus haut qu'eux

et les Alpes aériennes et l'Apennin couvert de nuées.

Alors Phaéton voit que l'univers en toutes ses parties

est en feu et il ne résiste pas à des chaleurs si excessives ;

il respire l'air brûlant comme s'il sortait d'une fournaise profonde,
 

2, 230

ore trahit currusque suos candescere sentit ;

et neque iam cineres eiectatamque fauillam

ferre potest calidoque inuoluitur undique fumo,

quoque eat aut ubi sit, picea caligine tectus

nescit et arbitrio uolucrum raptatur equorum.
 

et sent que son char est en train de chauffer à blanc ;

il ne peut supporter les cendres et le tourbillon de poussière,

enveloppé de toutes parts par une fumée brûlante.

Ne sachant ni où il va ni où il est, couvert d'une obscurité poisseuse,

il se laisse emporter, au gré de ses chevaux ailés.
 

2, 235

Sanguine tum credunt in corpora summa uocato

Aethiopum populos nigrum traxisse colorem ;

tum facta est Libye raptis umoribus aestu

arida, tum nymphae passis fontesque lacusque

defleuere comis ; quaerit Boeotia Dircen,
 

C'est alors, croit-on, que les peuples d'Éthiopie sont devenus noirs,

quand leur sang fut attiré à la surface de leurs corps ;

alors la Libye devint aride, la chaleur ayant absorbé toute l'humidité ;

alors les nymphes dénouèrent leurs cheveux et pleurèrent

leurs sources et leurs lacs : la Béotie chercha Dircé,
 

2, 240

Argos Amymonen, Ephyre Pirenidas undas ;

nec sortita loco distantes flumina ripas

tuta manent : mediis Tanais fumauit in undis

Peneosque senex Teuthranteusque Caicus

et celer Ismenos cum Phegiaco Erymantho
 

Argos chercha Amymone, et Éphyre, les ondes de Pirène.

Les fleuves, dotés par le sort de rives espacées,

ne sont pas plus sûrs ; au milieu de leurs flots, on voit fumer

le Tanaïs, et le vieillard Pénée et le Caïque de Teuthranie,

le rapide Isménos, et l'Érymanthe qui baigne Phégia,
 

2, 245

arsurusque iterum Xanthos flauusque Lycormas,

quique recuruatis ludit Maeandros in undis,

Mygdoniusque Melas et Taenarius Eurotas.

Arsit et Euphrates Babylonius, arsit Orontes

Thermodonque citus Gangesque et Phasis et Hister ;
 

 le Xanthe, voué à brûler une seconde fois, le jaune Lycormas

et le Méandre qui joue de ses ondes sinueuses,

le Mélas de Mygdonie et l'Eurotas de Ténare.

S'embrasèrent aussi l'Euphrate de Babylone, et l'Oronte,

et le vif Thermodon, et le Gange, et le Phase, et l'Hister.
 

2, 250

aestuat Alpheos, ripae Spercheides ardent,

quodque suo Tagus amne uehit, fluit ignibus aurum,

et, quae Maeonias celebrabant carmine ripas

flumineae uolucres, medio caluere Caystro ;

Nilus in extremum fugit perterritus orbem
 

L'Alphée est bouillonnant, les rives du Sperchios sont en feu ;

et l'or que charrie le lit du Tage coule, liquéfié par le feu.

Les oiseaux qui célébraient dans leurs chants les rives de Méonie,

les oiseaux du Caÿstre, ont brûlé au milieu de ce fleuve.

Le Nil, épouvanté, a fui à l'extrémité du monde,
 

2, 255

occuluitque caput, quod adhuc latet : ostia septem

puluerulenta uacant, septem sine flumine ualles.

Fors eadem Ismarios Hebrum cum Strymone siccat

Hesperiosque amnes, Rhenum Rhodanumque Padumque

cuique fuit rerum promissa potentia, Thybrin.
 

et a caché sa source, restée inconnue jusqu'à nos jours ;

restent vides sept bouches ensablées, et sept vallées sans eau.

Le même sort assèche, au pays de l'Ismarus, l'Hèbre et le Strymon,

et, du côté de l'Hespérie, le Rhin, et le Rhône, et le Pô,

et celui à qui fut promis l'empire du monde, le Tibre.
 

2, 260

Dissilit omne solum, penetratque in Tartara rimis

lumen et infernum terret cum coniuge regem ;

et mare contrahitur siccaeque est campus harenae,

quod modo pontus erat, quosque altum texerat aequor,

exsistunt montes et sparsas Cycladas augent.
 

Le sol tout entier s'entrouvre, la lumière pénètre dans le Tartare

par les crevasses, effrayant le roi des enfers et son épouse ;

la mer se retire et ce qui naguère était l'océan fait place


à une plaine de sable aride ; des monts jadis recouvets par la mer

se dressent et multiplient le nombre des Cyclades dispersées.
 

2, 265

Ima petunt pisces, nec se super aequora curui

tollere consuetas audent delphines in auras ;

corpora phocarum summo resupina profundo

exanimata natant : ipsum quoque Nerea fama est

Doridaque et natas tepidis latuisse sub antris.
 

Les poissons cherchent les fonds et les dauphins ondoyants n'osent plus

se soulever sur les flots dans les airs qui leur étaient familiers.

Des cadavres de phoques, ventre en l'air, flottent sans vie

à la surface des eaux. On raconte aussi que Nérée même

et Doris et ses filles se sont cachés dans leurs grottes déjà tièdes.
 

2, 270

Ter Neptunus aquis cum toruo bracchia uultu

exserere ausus erat, ter non tulit aeris ignes.
 

Par trois fois Neptune menaçant avait eu l'audace de sortir de l'eau

ses bras et son visage ; trois fois il ne put supporter l'air embrasé.
 

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NOTES

Le palais du Soleil... (2, 1-18). Des descriptions (ekphraseis en grec), interrompant le récit, sont courantes dans l'épopée. Cfr, parmi beaucoup d'autres exemples, 1, 168-175 (le Palatin céleste), ou Virg., Én., 6, 20-33 (les portes du temple d'Apollon à Cumes).

pyrope (2, 2). Un alliage de cuivre et d'or, évoquant l'ardeur et l'éclat du soleil.

ivoire (2, 3). Il s'agit probablement de statues et d'acrotères, décorant le faîte des toits et les frontons.

Mulciber (2, 5). Un des noms donnés à Vulcain, le dieu-forgeron : il signifie « celui qui assouplit » (les métaux).

couleur bleu de mer (2, 8-11). Le bleu sombre est la couleur attribuée depuis Homère aux dieux marins (cfr 1, 275, pour Neptune ; et 1, 333, pour Triton). Quelques-uns de ces dieux liés à la mer sont énumérés ici. Triton, dieu marin, fils de Poséidon et Amphitrite, qui joue de la conque (cfr 1, 333, et Virgile, Én., 1, 144 et la note) ; Protée, ou le « vieillard de la mer », susceptible de prendre des formes multiples et terrifiantes (Homère, Odyssée, 4, 394-461; cfr Fastes, I, 367 ; Mét., 11, 224-257) ; Égéon, appelé aussi Briarée, géant à cent bras (cfr Virgile, Én., 10, 565-570), dont les liens avec la mer ne sont pas aussi nets (selon certaines versions, Poséidon lui aurait donné la main de sa fille Cymopolée) ; enfin Doris, fille d'Océan et de Téthys ; épouse (et soeur) de Nérée, elle est la mère des Néréides (cfr 2, 268-269 ; Fastes, 4, 678).

signes du zodiaque (1, 18). Les douze signes du Zodiaque sont bien à leur place dans la description du palais du Soleil. Ce sont les douze constellations que le Soleil semble parcourir dans le ciel en l'espace d'une année.

fils de Clymène  (2, 19). Phaéton (cfr 1, 756).

Heures (2, 26). « Les Horae, chez les Grecs, étaient, à l'origine, les divinités des Saisons ; ce n'est qu'à partir de l'époque alexandrine qu'elles ont personnifié les Heures » (G. Lafaye). En 2, 118, Ovide semble en faire des palefreniers célestes.

faute (2, 37). Phaéton, né de l'union de Phébus et de Clymène, épouse de Mérops, roi des Éthiopiens. La faute en question ici serait pour Clymène d'avoir trompé Mérops avec un autre homme, et d'avoir attribué sa liaison à Phébus, ce qui était plus honorable pour elle. Pour l'idée, on songera à la manière dont Tite-Live (1, 4, 2) raconte la naissance miraculeuse de Romulus et de Rémus : « Victime d'une violence, la Vestale [= Rhéa Silvia] mit au monde deux jumeaux, et, soit bonne foi, soit désir d'ennoblir sa faute en la rejetant sur un dieu, elle attribua à Mars cette paternité suspecte ».

déposa les rayons (2, 40). Parce que ceux-ci aveuglaient son fils et l'empêchaient d'approcher (cfr 2, 21-22). On peut songer à Hector, qui, dans l'Iliade (6, 466-473), retire son casque dont le panache effrayait le petit Astyanax.

le marais (2, 44-45). Il s'agit du Styx, fleuve des enfers. On a déjà évoqué à plusieurs reprises ce serment par le Styx qui engageait les dieux de manière irréversible. Cfr par exemple 1, 189.

Téthys (2, 69). Fille d'Ouranos et de Gaia, elle s'unit à Océan et donne naissance à de nombreux fleuves et fontaines. Divinité primordiale. Ici, par métonymie, ce nom désigne « la mer ». Voir aussi 2, 156.

révolution constante (2, 70). « Suivant les astronomes anciens, les étoiles étaient fixées à la voûte céleste et entraînées par elle par un mouvement de rotation de l'Ouest à l'Est, à l'inverse du soleil et des planètes. » (G. Lafaye).

bêtes sauvages (2, 78). Ce sont les signes du zodiaque, mais le Soleil exagère un peu, car c'est dans l'espace d'une année et non d'un jour que son char les rencontre.

Taureau (2, 80). Second signe du zodiaque, souvent identifié au taureau qui emporta de Sidon Europe, la fille du roi  (cfr 2, 833-875)

arc de l'Hémonien (2, 81). Allusion au Sagittaire (l'Archer), neuvième signe du zodiaque. Avant d'être « catastérisé », il était Chiron, le centaure qui vivait en Thessalie (= Hémonie), où il avait été chargé de l'éducation d'Achille. Cfr Homère, Iliade, 11, 831-2 ; Fastes, 5, 379-414 et les notes.

Lion (2, 81). Le Lion de Némée, illustre objet du premier des travaux d'Hercule, et qui reparut dans le ciel comme cinquième signe du zodiaque.

Scorpion (2, 82). Le Scorpion, huitième signe du zodiaque, est lié à certaines variantes de la complexe légende d'Orion. Il en sera encore question infra, 2, 195ss. Pour le Scorpion, voir Fastes, 3, 712 ; 4, 163 ; 5, 417. Pour Orion, Fastes, 4, 388, et 5, 493-544, particulièrement, 537-544.

Cancer (2, 83). Ou Crabe, quatrième signe du zodiaque, transformé en constellation par Junon. Lors du combat d'Hercule contre l'Hydre de Lerne (second travail), le crabe avait aidé l'hydre en mordant Hercule au talon. Voir Fastes, 1, 313.

chrysolithes (2, 109). Terme grec signifiant « pierres d'or », et qu'on identifie généralement à la topaze.

Lucifer (2, 114-115). C'est-à-dire « l'étoile du matin » (Homère, Odyssée, 13, 93-94). C'est en fait la planète Vénus, visible dans l'hémispère nord, soit juste avant l'aube, soit au crépuscule (dans ce cas, sous le nom de Vesper, « l'étoile du soir »).

Titan (2, 118). Le Soleil.

ambroisie (2, 121). L'ambroisie est la nourriture des dieux ; elle est souvent associée au nectar, la boisson divine. Cfr 4, 214-216 : « Sous le ciel de l'Occident s'étendent les pâturages des chevaux du Soleil ; leur herbe est l'ambroisie, qui  repose leurs membres fatigués par les services de la journée et les régénère pour la tâche à venir ».

sonores (2, 121). À cause des clochettes qu'ils portent.

rayons (2, 124). Phaéton va tenir la place du Soleil.

cinq zones (2, 129-133). Les cinq zones parallèles qui divisent la sphère céleste et le globe terrestre (cfr 1, 45-51).

en oblique (2, 130). C'est l'écliptique, qui ne « touche » que trois zones.

Ourse (2, 131). La Grande Ourse et la Petite Ourse, alias les Septem Triones. Cfr 2, 171 ; 2, 528.

Serpent... Autel (2, 138-139). Il s'agit de deux constellations qui ne font pas partie des signes du zodiaque, le Soleil ne les traversant pas normalement au cours de son périple annuel. Le Serpent (ou Draco) est une constellation de l'hémisphère nord qui s'enroule autour des deux Ourses. L'Autel par contre est une des constellations de l'hémisphère sud, qui étaient encore visibles pour les Anciens.

Hespérie (2, 143). L'Occident, là où commençait l'océan, où la Nuit plongeait dans les flots dès le lever du soleil en Orient. À noter que l'Hespérie, chez Virgile par exemple, désigne souvent l'Italie ; ici, il s'agit plutôt de l'Espagne.

Pyrois, Éous, Éthon... Phlégon (2, 153-154). Les noms qu'Ovide donne ici aux coursiers du Soleil sont tous grecs et liés à l'éclat ou à la marche du Soleil : Pyrois ou Pyroeis veut dire « l'Ardent », Éous, « l'Oriental », Éthon, « le Brûlant » et Phlégon, « le Brillant ».

Téthys (2, 156). Déesse de la mer (cfr 2, 69 et la note), elle est la mère de Clymène, et donc la grand-mère de Phaéton. En 2, 69, elle est présentée comme accueillant - avec une certaine inquiétude - le Soleil plongeant dans la mer au terme de sa course ; elle se trouve placée ici, un peu curieusement, non plus à l'Ouest du monde, mais à l'Est, permettant aux chevaux, en levant leurs barrières, d'entamer leur course dans le Ciel.

Eurus (2, 160). Vent du sud-est, provenant donc du Levant.

Septentrion... Serpent... Bouvier (2, 171-176). Ces constellations sont liées au pôle nord et au froid. Il a été question du Septentrion (= les deux Ourses) et du Serpent (Draco), dans les notes à 2, 131 et 2, 138. Le Bouvier est situé dans le prolongement de la queue de la Grande Ourse, d'où les appellations de « Gardien de l'Ourse » (Arctophylax) ou de Bouvier qui le caractérisent. C'est notre Petite Ourse. Sur cette constellation, voir par exemple Fastes, 2, 154 et 2, 189ss ; 3, 107 ; 3, 405 ; 5, 733. Voir aussi Mét., 2, 496-530.

la mer interdite (2, 172). Comme la terre fait son tour annuel autour du soleil, les habitants de l'hémisphère nord peuvent voir un tableau des étoiles qui, au fil de l'année, se modifie progressivement : certaines d'entre elles descendent de plus en plus bas au point de disparaître sous l'horizon, tandis que d'autres surgissent du côté opposé. Les étoiles qui sont le plus haut, notamment les constellations connues sous le nom de Septentriones (Chariot, Grande Ourse et Petite Ourse) sont toujours visibles et ne « plongent jamais sous la mer », comme le dit Homère, Iliade, 18, 487-489. La mer leur est en quelque sorte interdite.

Mérops (2, 184). Roi des Éthiopiens, époux de Clymène. Cfr 1, 756-763 et note.

Borée (2, 185). Vent du nord (= Aquilon) et aussi dieu du vent.

Scorpion (2, 195). Cfr supra 2, 82. Il est situé entre la Balance et le Sagittaire. On ne voit pas ce qu'Ovide entend par « Il étend ses membres sur l'espace de deux signes », à moins de songer à Aratus (Phénomènes, 546) qui, après la Vierge, place non pas la Balance et le Scorpion, mais les Pinces <du Scorpion> et le Scorpion lui-même.

La Lune (2, 208). Assimilée à Artémis-Diane, soeur de Phébus-Apollon.

montagnes (2, 217). Ovide va énumérer ici, sans aucune logique géographique (il termine toutefois par l'Italie), une série de montagnes, plus ou moins connues, évoquant nombre d'endroits différents de l'univers. De telles listes, qu'on appelle des « catalogues », sont chose courante en poésie depuis Homère. Le présent catalogue de montagnes, pour en revenir à lui, est peut-être partiellement inspiré d'Eschyle, Agamemnon, 281-311, qui énumère les signaux de feu qui, de sommets en sommets, ont annoncé à Clytemnestre la fin de la guerre de Troie. Nous ne commenterons pas en détail la liste d'Ovide. - Pour d'autres énumérations chez Ovide, voir par exemple Mét., 7, 224-234.

Athos... (2, 217-226). Le mont Athos est en Macédoine (Europe), le Taurus en Cilicie (Proche-Orient), le Tmolus en Lydie (Proche-Orient) et l'Oeta en Thessalie (Europe), l'Ida en Phrygie, l'Hélicon, séjour d'Apollon et des Muses, en Béotie, l'Hémus, en Thrace, où régna plus tard Oeagre, le père d'Orphée. Viennent ensuite l'Etna en Sicile, le Parnasse, séjour d'Apollon et des Muses en Phocide, l'Éryx en Sicile, le Cynthe à Délos, l'Othrys en Thessalie, le Rhodope en Thrace, le Mimas en Ionie, le Dindyme en Phrygie, le Mycale en Ionie, le Cithéron en Béotie, le Caucase en Scythie (?) , l'Ossa, le Pinde et l'Olympe, en Thessalie, et enfin, plus proches de la patrie d'Ovide, les Alpes et l'Apennin.

innombrables sources (2, 218). Homère (Iliade, 12, 18-22) n'énumère pas moins de huit fleuves « qui, des monts de l'Ida, coulent vers la mer ».

pas encore à Oeagre (2, 219). Oeagre, père d'Orphée, était un roi de Thrace, région sur laquelle s'élevait l'Hémus. L'époque de Phaéton précède de beaucoup celle de Oeagre.

redoubler ses feux (2, 220). Les feux venus du ciel s'ajoutent à ceux que crachent le volcan.

deux sommets (2, 221). Cfr 1, 317 et la note.

culte sacré (2, 223). Son sommet était consacré à Zeus, mais la montagne était aussi consacrée à Dionysos.

peuples d'Éthiopie (2, 235). Les Anciens appelaient Éthiopiens tous les peuples de race noire en général, et on croyait que la couleur de leur peau dépendait de leur longue exposition au soleil (par exemple Hérodote, 2, 22 : « Le teint des hommes que la chaleur rend noir »). Toutefois, Ovide semble innover ici, en attribuant à l'aventure de Phaéton la couleur des peuples de race noire. Sur l'Éthiopie, cfr aussi 4, 669 avec la note.

aride (2, 237). Les grands déserts de l'Afrique seraient donc dus au cataclysme provoqué par l'imprudence de Phaéton.

Dircé... Amymone... Pirène (2, 239-240). Catalogue de fontaines célèbres, qui permet à Ovide de faire étalage de son érudition : Dircé, en Béotie (Dircé, épouse de Lycus roi de Thèbes, fut changée en fontaine) ; Amymone, nom d'une des Danaïdes, était aussi le nom d'une fontaine près d'Argos ; Pirène était une fontaine de Corinthe (anciennement appelée Éphyra), consacrée aux Muses.

Tanaïs... Pénée... etc. (2, 242-259). Après les fontaines, Ovide reste dans le domaine aquatique, et nous assène une impressionnante énumération de fleuves, assez comparable au catalogue des montagnes des vers 217-226. Ici encore, nous n'entrerons pas dans un commentaire détaillé. Le Tanaïs est le Don actuel ; le Pénée, dieu du fleuve homonyme de Thessalie, père de Daphné (cfr 1, 452ss) ; le Caïque, fleuve de Mysie, dont la Teuthranie est une région (Mét., 12, 111 et 15, 277); l'Isménos en Béotie ; l'Érymanthe, fleuve de Perse et aussi rivière d'Élide ; le Xanthe, rivière de Troie appelée aussi Scamandre (Iliade, 21, 328-382 : au cours d'une bataille opposant le Xanthe/Scamandre à Achille, Héra avait demandé à Héphaïstos de secourir Achille son protégé en incendiant la rivière ; le Lycormas est une rivière d'Étolie ; le Méandre, une rivière de Phrygie bien connue pour son cours sinueux ; il existe plusieurs cours d'eau du nom de Mélas, et plusieurs régions appelées Mygdonie ; l'Eurotas est en Laconie, dont le Ténare est un promontoire bien connu ; l'Euphrate baigne Babylone, en Perse ; l'Oronte est en Syrie, le Thermodon (des Amazones) en Cappadoce, le Gange en Inde, le Phase (de Médée) en Colchide ; l'Hister est le Danube ; l'Alphée coule en Élide, le Sperchios en Thessalie ; le Tage, au Portugal, est connu pour charrier des paillettes d'or ; le Caÿstre est un fleuve de Méonie ou Lydie, et les oiseaux du Caÿstre sont les cygnes (Homère, Iliade, 2, 459-463 et Ovide, Mét., 5, 386). Le problème des sources du Nil a beaucoup intrigué les Anciens, et l'explication proposée ici ajoute un élément au dossier (pour les sept bouches asséchées, cfr Ovide, Mét., 1, 422). L'Ismarus est une montagne de Thrace où séjourna Orphée, c'est aussi le nom d'un fleuve de cette région ; l'Hèbre et le Strymon sont deux fleuves de Thrace. Ovide clôt son énumération en revenant en Occident (Hespérie), dont il cite le Rhin, le Rhône, le , et finalement le Tibre, ce dernier étant ponctué d'une note patriotique.

Nérée... Doris... (2, 268-269). Nérée, un des dieux de la mer, qui avec sa soeur et épouse Doris, a donné naissance aux Néréides, dont Thétis, la mère d'Achille, et Clymène. Cfr 2, 8-11 et 2, 69.

déjà tièdes (2, 269). La chaleur a donc commencé à gagner les profondeurs de la mer.


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