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Métamorphoses d'Ovide : Avant-Propos - Notices - Livre III (Plan) - Hypertexte louvaniste - Iconographie ovidienne - Page précédente - Page suivante


OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE III

[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2006]

 

Légendes thébaines (1) : Fondation de Thèbes - Actéon (3, 1-252)

 

Cadmus et la fondation de Thèbes (métamorphose des dents d'un dragon) (3, 1-137)

Agénor, roi de Phénicie, charge son fils Cadmos de rechercher sa fille Europe, lui interdisant de rentrer avant de l'avoir retrouvée. Après des pérégrinations nombreuses et vaines, Cadmos renonce et cherche une nouvelle patrie. Un oracle de Phébus lui conseille de suivre une génisse qui le guidera vers la terre qui lui est destinée, la Béotie. (3, 1-25)

Cadmos décide de s'installer sur cette terre promise, et envoie certains de ses compagnons tyriens chercher de l'eau pour des libations en l'honneur de Jupiter, mais les serviteurs sont exterminés par un dragon monstrueux surgi de la source. Parti à leur recherche, Cadmos découvre l'animal et jure de venger ses hommes. Au cours d'un combat épique, aux multiples rebondissements, le héros parvient à terrasser le monstre, mais un oracle lui prédit sa métamorphose en serpent. (3, 26-100)

 Sur le conseil de Pallas-Athéna, le héros sème les dents du dragon, d'où émerge bientôt toute une armée équipée. Resté à l'écart, Cadmos voit s'engager un combat, suivi d'un carnage général. Ne survivront que cinq jeunes gens, qu'on appellera les Spartoi (littéralement « les semés »), parmi lesquels Échion. Poussé par Pallas-Athéna, Échion propose de faire la paix, et les cinq survivants seront les compagnons de Cadmos lors de la fondation de Thèbes. Cadmos épouse Harmonie, fille de Mars et Vénus. Père d'une importante postérité, il semble - provisoirement, du moins - au comble de la félicité. (3, 101-137)

3, 1

Iamque deus posita fallacis imagine tauri

se confessus erat Dictaeaque rura tenebat,

cum pater ignarus Cadmo perquirere raptam

imperat et poenam, si non inuenerit, addit

Et déjà Jupiter s'était défait de sa fallacieuse apparence de taureau.

Il avait avoué son identité et séjournait dans les campagnes du Dicté,

quand le père d'Europe, ignorant l'incident, ordonne à Cadmos

de rechercher sa fille enlevée. Puis, se montrant et pieux et criminel ,

3, 5

exilium, facto pius et sceleratus eodem.

Orbe pererrato (quis enim deprendere possit

furta Iovis ?) profugus patriamque iramque parentis

vitat Agenorides Phoebique oracula supplex

consulit et, quae sit tellus habitanda, requirit.

il ajoute qu'il le punirait de l'exil, s'il ne la retrouvait pas.

Après avoir parcouru le monde en tous sens (qui en effet pourrait

surprendre les amours secrètes de Jupiter ?), le fils d'Agénor, en exil,

évite sa patrie et la colère paternelle ; il consulte les oracles de Phébus

tel un suppliant, et cherche à savoir quelle terre il pourrait habiter.

3, 10

« Bos tibi » Phoebus ait « solis occurret in aruis,

nullum passa iugum curuique inmunis aratri.

Hac duce carpe uias et, qua requieuerit herba,

moenia fac condas Boeotiaque illa uocato. »

Vix bene Castalio Cadmus descenderat antro,

« Tu rencontreras une génisse dans des champs déserts », dit Phébus,

« elle n'aura jamais subi le joug ni connu la charrue recourbée.

Prends-là pour guide, suis ta route et, dans l'herbe où elle se sera posée,

établis des murs que tu appelleras remparts de Béotie. »

À peine Cadmos rassuré était-il descendu de l'antre de Castalie,

3, 15

incustoditam lente uidet ire iuuencam

nullum seruitii signum ceruice gerentem.

subsequitur pressoque legit uestigia gressu

auctoremque uiae Phoebum taciturnus adorat.

Iam uada Cephisi Panopesque euaserat arua :

qu'il voit s'avancer lentement une génisse : elle n'est pas gardée

et son encolure ne porte aucune marque de dépendance.

Il la suit, marche sur ses traces d'un pas empressé et,

sans mot dire, vénère Phébus qui lui a conseillé sa route.

Déjà il avait quitté les marais du Céphise et les champs de Panope

3, 20

bos stetit et tollens speciosam cornibus altis 

ad caelum frontem mugitibus inpulit auras

atque ita respiciens comites sua terga sequentis

procubuit teneraque latus submisit in herba.

Cadmus agit grates peregrinaeque oscula terrae

quand la génisse s'arrêta et, levant vers le ciel un front magnifique

paré de longues cornes, elle lança dans l'air ses mugissements,

puis, se retournant vers les compagnons qui la suivaient,

elle se coucha et étendit son flanc dans l'herbe tendre.

Cadmos rend grâces, couvre de baisers cette terre étrangère

3, 25

figit et ignotos montes agrosque salutat.


Sacra Ioui facturus erat : iubet ire ministros

et petere e uiuis libandas fontibus undas.

Silua uetus stabat nulla uiolata securi,

et specus in media uirgis ac uimine densus

et salue ces monts et ces champs qu'il ne connaissait pas.


Il s'apprêtait à faire des offrandes à Jupiter : il charge des serviteurs

d'aller chercher de l'eau à une source vive pour les libations.

Il y avait là une forêt ancienne, qu'aucune hache n'avait violée,

et, en son centre, une grotte couverte de branches d'osier touffues

3, 30

efficiens humilem lapidum conpagibus arcum

uberibus fecundus aquis; ubi conditus antro

Martius anguis erat, cristis praesignis et auro ;

igne micant oculi, corpus tumet omne uenenis,

tresque uibrant linguae, triplici stant ordine dentes.

formait avec des pierres assemblées une voûte basse,

d'où jaillissait une eau abondante. Dans cette grotte se cachait

un dragon, né de Mars, paré d'une crête d'or extraordinaire.

Ses yeux brillent et flamboient, tout son corps est gonflé de venins,

et ses trois langues vibrent derrière une triple rangée de dents.

3, 35

Quem postquam Tyria lucum de gente profecti

infausto tetigere gradu, demissaque in undas

urna dedit sonitum, longo caput extulit antro

caeruleus serpens horrendaque sibila misit.

Effluxere urnae manibus sanguisque reliquit

Lorsque les Tyriens, portés par leurs pas funestes,

eurent atteint ce bois, lorsque l'urne plongée dans l'eau

fit entendre un bruit, le dragon à la couleur d'azur sortit la tête

de l'antre profond et émit des sifflements effrayants.

L'urne glissa de leurs mains, le sang sembla quitter leurs corps

3, 40

corpus et attonitos subitus tremor occupat artus. 

Ille uolubilibus squamosos nexibus orbes

torquet et inmensos saltu sinuatur in arcus

ac media plus parte leues erectus in auras

despicit omne nemus tantoque est corpore, quanto,

et un tremblement subit s'empara de leurs membres épouvantés.

Le monstre noue et tord en les enroulant ses anneaux écailleux ;

il rampe en bonds sinueux, dessinant des arcs immenses,

puis, soulevant plus que la moitié de son corps dans l'air léger,

il toise tout le bois ; son corps, si on l'apercevait en entier,

3, 45

si totum spectes, geminas qui separat arctos.

Nec mora, Phoenicas, siue illi tela parabant

siue fugam, siue ipse timor prohibebat utrumque,

occupat : hos morsu, longis conplexibus illos,

hos necat adflati funesta tabe ueneni. 

est aussi grand que le Serpentaire entre les deux Ourses.

Aussitôt, tandis que des Phéniciens préparaient leurs traits,

d'autres leur fuite, et que d'autres encore étaient paralysés de crainte,

le dragon attaque : ils sont tués, les uns à coups de dents, d'autres broyés

dans ses longs anneaux, ou étouffés par le souffle funeste de son venin.

3, 50

Fecerat exiguas iam sol altissimus umbras :

quae mora sit sociis, miratur Agenore natus

uestigatque uiros. Tegumen derepta leoni

pellis erat, telum splendenti lancea ferro

et iaculum teloque animus praestantior omni.

Le soleil très haut déjà avait fait les ombres toutes petites.

Le fils d'Agénor s'étonne du retard de ses compagnons et partout

recherche ses hommes. La dépouille d'un lion le couvrait,

il était armé d'une lance au fer étincelant et d'un javelot,

mais sa vaillance était plus remarquable que tout son équipement.

3, 55

Vt nemus intrauit letataque corpora uidit

uictoremque supra spatiosi tergoris hostem

tristia sanguinea lambentem uulnera lingua,

« aut ultor uestrae, fidissima pectora, mortis,

aut comes » inquit « ero ». Dixit dextraque molarem

Dès qu'il eut pénétré dans le bois, il vit les corps sans vie

et au-dessus d'eux, victorieux, leur ennemi à la vaste échine,

léchant de sa langue sanglante leurs horribles blessures,

« Coeurs très fidèles, ou je vengerai votre mort », dit-il,

« ou je vous accompagnerai ». Il dit et de la main droite

3, 60

sustulit et magnum magno conamine misit. 

Illius inpulsu cum turribus ardua celsis

moenia mota forent, serpens sine uulnere mansit

loricaeque modo squamis defensus et atrae

duritia pellis ualidos cute reppulit ictus ;

enleva une roche immense, qu'il lança en un immense effort.

Le choc du rocher aurait ébranlé de hautes murailles

et leurs hautes tours, mais le serpent resta indemme :

ses écailles le défendaient, à la manière d'une cuirasse,

et le coup violent ricocha sur le cuir épais de sa peau noire.

3, 65

at non duritia iaculum quoque uicit eadem, 

quod medio lentae spinae curuamine fixum

constitit et totum descendit in ilia ferrum.

Ille dolore ferox caput in sua terga retorsit

uulneraque adspexit fixumque hastile momordit,

Mais cette dureté ne triompha toutefois pas du javelot

qui vint se planter au milieu de la courbure de sa souple échine.

La lame pénétra entièrement dans les entrailles de la bête.

Celle-ci, rendue féroce par la douleur, tourna la tête en arrière,

examina sa blessure et mordit sur le trait enfoncé dans sa chair.

3, 70

idque ubi ui multa partem labefecit in omnem,

uix tergo eripuit ; ferrum tamen ossibus haesit.

Tum uero postquam solitas accessit ad iras

causa recens, plenis tumuerunt guttura uenis,

spumaque pestiferos circumfluit albida rictus,

Mais, après l'avoir secoué violemment en tous sens,

elle l'arracha à peine de son dos ; le fer resta fiché dans ses os.

Mais à ce moment, lorsque, à sa fureur ordinaire s'ajouta

cette cause nouvelle, sa gorge se gonfla à pleines veines,

une écume blanchâtre s'écoula de sa gueule empestée,

3, 75

terraque rasa sonat squamis, quique halitus exit

ore niger Stygio, uitiatas inficit auras.

Ipse modo inmensum spiris facientibus orbem

cingitur, interdum longa trabe rectior adstat,

inpete nunc uasto ceu concitus imbribus amnis

la terre, raclée par ses écailles, résonne, et l'haleine noire

qui sort de sa bouche infernale souille l'air et l'infecte.

Tantôt il s'enroule dans l'immense anneau de ses spires,

parfois il se dresse plus droit qu'un tronc majestueux,

tantôt, impétueusement, tel un fleuve entraîné par des orages,

3, 80

fertur et obstantis proturbat pectore siluas.  

Cedit Agenorides paulum spolioque leonis

sustinet incursus instantiaque ora retardat

cuspide praetenta : furit ille et inania duro

uulnera dat ferro figitque in acumine dentes.

il est emporté et de son poitrail renverse les forêts sur son passage.

Le fils d'Agénor recule un peu et, protégé par sa dépouille léonine,

il soutient les assauts, écartant de sa pique tendue

la gueule menaçante : le monstre furieux cogne en vain

la dure lame, enfonçant ses dents dans la pointe de l'arme.

3, 85

Iamque uenenifero sanguis manare palato

coeperat et uirides adspergine tinxerat herbas ;

sed leue uulnus erat, quia se retrahebat ab ictu

laesaque colla dabat retro plagamque sedere

cedendo arcebat nec longius ire sinebat,

Et déjà de son palais venimeux le sang s'était mis à couler

et ses flots avaient teinté le gazon verdoyant ;

mais la blessure était légère, parce qu'il esquivait les coups,

ramenant en arrière sa nuque blessée, empêchant par ce retrait

le coup de s'abattre et la pointe de pénétrer plus profondément.

3, 90

donec Agenorides coniectum in guttura ferrum

usque sequens pressit, dum retro quercus eunti

obstitit et fixa est pariter cum robore ceruix.

Pondere serpentis curuata est arbor et ima

parte flagellari gemuit sua robora caudae. 

Finalement le fils d'Agénor lui ficha sa pique dans la gorge

sans cesser de le suivre et de le presser ; alors le dragon, reculant,

heurta un chêne, et sa cervelle tout comme l'arbre fut transpercée.

Sous le poids du serpent, l'arbre se courba et gémit

quand l'extrémité de la queue en fouetta le tronc.

3, 95

Dum spatium uictor uicti considerat hostis,

uox subito audita est ; neque erat cognoscere promptum

unde, sed audita est : « Quid, Agenore nate, peremptum

serpentem spectas ? Et tu spectabere serpens ».

Ille diu pauidus pariter cum mente colorem

Le vainqueur considérait l'espace occupé par son ennemi vaincu,

quand soudain il entend une voix - on ne savait d'où elle venait,

mais on l'entendait - : « Pourquoi, fils d'Agénor, regardes-tu

ce serpent anéanti ? Toi aussi devenu serpent, tu seras regardé ».

Longtemps épouvanté, le héros avait perdu ses esprits et ses couleurs

3, 100

perdiderat, gelidoque comae terrore rigebant.


Ecce uiri fautrix superas delapsa per auras

Pallas adest motaeque iubet supponere terrae

uipereos dentes, populi incrementa futuri.

Paret et, ut presso sulcum patefecit aratro,

tandis qu'une terreur glaciale lui hérissait les cheveux.


Mais bientôt, descendue des régions célestes, sa protectrice,

Pallas, se présente et lui ordonne de remuer la terre

et d'y déposer les dents du dragon, germes d'un peuple futur.

Il obéit et, dès que, poussant une charrue, il eut tracé un sillon,

3, 105

spargit humi iussos, mortalia semina, dentes.

Inde (fide maius) glaebae coepere moueri,

primaque de sulcis acies adparuit hastae,

tegmina mox capitum picto nutantia cono,

mox umeri pectusque onerataque bracchia telis

selon l'ordre reçu, il sema sur le sol ces dents, graines de mortels.

Alors, chose incroyable, les mottes de terre se mirent à bouger,

et, hors des sillons, une première pointe de lance apparut.

Bientôt émergent des têtes casquées agitant un panache coloré,

bientôt s'élèvent des épaules et des torses et des bras chargés d'armes :

3, 110

existunt crescitque seges clipeata uirorum.

Sic, ubi tolluntur festis aulaea theatris,

surgere signa solent primumque ostendere uultus,

cetera paulatim ; placidoque educta tenore

tota patent imoque pedes in margine ponunt.

on voit surgir et croître une moisson d'hommes avec des boucliers.

Ainsi, lorsqu'on lève les rideaux dans les théâtres, lors des fêtes,

on voit souvent surgir des statues, d'abord leurs visages,

et peu à peu tout le reste ; tirées avec une lenteur progressive,

elles apparaissent tout entières, jusqu'aux extrémités de leurs pieds.

3, 115

Territus hoste nouo Cadmus capere arma parabat :

« Ne cape ! », de populo quem terra creauerat unus

exclamat, « nec te ciuilibus insere bellis ! »,

atque ita terrigenis rigido de fratribus unum

comminus ense ferit, iaculo cadit eminus ipse ;

Effrayé par cet ennemi nouveau, Cadmus s'apprêtait à  s'armer :

« Non », s'écrie l'un des hommes sortis de la terre,

« ne t'engage pas dans des guerres entre citoyens ! ».

Sur ce, tout près de lui, il frappe de sa dure épée un de ses frères

nés de la terre, puis lui-même tombe, atteint par un trait lancé de loin.

3, 120

hunc quoque qui leto dederat, non longius illo

uiuit et exspirat, modo quas acceperat auras,

exemploque pari furit omnis turba, suoque

Marte cadunt subiti per mutua uulnera fratres.

Iamque breuis uitae spatium sortita iuuentus

L'homme qui lui avait donné la mort ne lui survit pas longtemps :

il expire en rendant le souffle qu'il venait de recevoir.

À cet exemple, la foule entière est prise de fureur ; ces frères nouveaux

meurent au combat, sous les coups qu'ils se portent mutuellement.

Ces jeunes gens, gratifiés par le sort d'une vie déjà courte,

3, 125

sanguineam tepido plangebat pectore matrem,

quinque superstitibus, quorum fuit unus Echion.

Is sua iecit humo monitu Tritonidis arma

fraternaeque fidem pacis petiitque deditque :

hos operis comites habuit Sidonius hospes,

heurtaient de leur poitrine encore tiède leur mère ensanglantée

Il y eut cinq survivants, dont l'un s'appelait Échion.

Sur ordre de la Tritonide, il jeta ses armes sur le sol,

puis réclama et proposa une promesse de paix entre frères.

L'étranger venu de Sidon les prit pour compagnons de son œuvre

3, 130

cum posuit iussus Phoebeis sortibus urbem.

Iam stabant Thebae, poteras iam, Cadme, uideri

exilio felix : soceri tibi Marsque Venusque

contigerant ; huc adde genus de coniuge tanta,

tot natos natasque et, pignora cara, nepotes,

lorsque, obéissant aux oracles de Phébus, il fonda sa ville.

Déjà Thèbes était debout, déjà, tu pouvais te croire en droit, Cadmos,

de te féliciter de ton exil : Mars et Vénus t'avaient accepté pour gendre.

Ajoute à cela une épouse de si noble naissance,

tant de fils et de filles, et de petits-enfants, gages de tendresse,

3, 135

hos quoque iam iuuenes ; sed scilicet ultima semper

exspectanda dies hominis, dicique beatus

ante obitum nemo supremaque funera debet.

eux aussi déjà devenus des jeunes gens. Mais il est sûr qu'il faut toujours

attendre le dernier jour de la vie d'un homme, et que personne ne peut

être proclamé heureux avant sa mort et ses funérailles suprêmes.

 

Actéon (3, 138-252)

Actéon, victime d'une erreur de la Fortune, fut le premier malheur de son grand-père Cadmos. (3, 138-142)

Le jeune Actéon, au soir d'une fructeuse journée de chasse, propose à ses compagnons d'interrompre leurs ébats et, se promenant seul dans les fourrés, il s'égare involontairement dans une vallée consacrée à Diane, la déesse de la chasse. Au fond de la vallée, une grotte naturelle alimentée par une source vive sert de lieu de détente à la déesse et à ses compagnes, après la chasse. C'est là que l'infortuné Actéon surprend la déesse en train de se baigner. Sans attendre, la déesse furieuse punit Actéon, involontairement indiscret, en le métamorphosant en cerf. (3, 143-199)

Actéon, conscient, mais incapable de parler, meurt lacéré par la meute de ses propres chiens, qui s'acharnent sauvagement sur lui, en présence de ses compagnons de chasse, qui ignorent tout de son identité. Cette cruelle punition aurait enfin apaisé la colère de Diane. (3, 200-252)

3, 138

Prima nepos inter tot res tibi, Cadme,

secundas causa fuit luctus, alienaque cornua fronti

Parmi tant de succès, Cadmos, un premier chagrin te vint

de ton petit-fils, des cornes étranges qui s'ajoutèrent à son front,

3, 140

addita, uosque, canes satiatae sanguine erili. 

At bene si quaeras, Fortunae crimen in illo,

non scelus inuenies ; quod enim scelus error habebat ?


Mons erat infectus uariarum caede ferarum,

iamque dies medius rerum contraxerat umbras

et de vous, les chiens, qui vous êtes repus du sang de votre maître.

Mais à bien chercher, c'est un grief de la Fortune, non un crime

que l'on trouvera chez lui ; en effet, quel crime comportait une méprise ?


La montagne était imprégnée du sang de divers fauves abattus ;

déjà le milieu du jour avait contracté les ombres des choses

3, 145

et sol ex aequo meta distabat utraque,  

cum iuuenis placido per deuia lustra uagantes

participes operum conpellat Hyantius ore :

« Lina madent, comites, ferrumque cruore ferarum,

fortunaeque dies habuit satis ; altera lucem

et le soleil était à égale distance de ses deux bornes,

lorsque la voix paisible du jeune homme du pays des Hyantes

hèle ses compagnons de chasse, dispersés dans des coins écartés.

« Mes amis, nos filets et nos traits sont trempés du sang des bêtes,

notre journée a été assez comblée. Demain, sur son char,

3, 150

cum croceis inuecta rotis Aurora reducet, 

propositum repetemus opus : nunc Phoebus utraque

distat idem terra finditque uaporibus arua.

Sistite opus praesens nodosaque tollite lina ! »

Iussa uiri faciunt intermittuntque laborem.


couleur de safran une autre Aurore ramènera la lumière,

nous reprendrons notre tâche. En ce moment, Phébus, au centre

des extrémités de la terre, fend le sol des campagnes de ses chauds rayons.

Faites une pause maintenant, et relevez les filets noueux ! »

Les hommes exécutent les ordres et interrompent leurs activités.


3, 155

Vallis erat piceis et acuta densa cupressu,

nomine Gargaphie succinctae sacra Dianae,

cuius in extremo est antrum nemorale recessu

arte laboratum nulla : simulauerat artem

ingenio natura suo ; nam pumice uiuo

Il était une vallée abondant en épicéas et en cyprès élancés,

nommée Gargaphie, et consacrée à Diane à la robe retroussée.

Tout au fond de cette vallée se trouve une grotte boisée,

qui ne doit rien à l'art : la nature, par son génie propre,

avait imité l'art ; en effet, dans la pierre ponce vive

3, 160

et leuibus tofis natiuum duxerat arcum ; 

fons sonat a dextra tenui perlucidus unda,

margine gramineo patulos incinctus hiatus.

Hic dea siluarum uenatu fessa solebat

uirgineos artus liquido perfundere rore.

et le tuf friable, elle avait dessiné une arcade naturelle ;

sur la droite chante une petite source à l'onde transparente

et un large creux est entouré d'une bordure de gazon.

Là la déesse des forêts, lassée après la chasse, avait pour habitude

d'inonder de cette onde limpide son corps virginal.

3, 165

Quo postquam subiit, nympharum tradidit uni 

armigerae iaculum pharetramque arcusque retentos,

altera depositae subiecit bracchia pallae,

uincla duae pedibus demunt; nam doctior illis

Ismenis Crocale sparsos per colla capillos 

Une fois dans la grotte, elle remit à la nymphe chargée de ses armes,

son javelot, son carquois et son arc détendu ;

une autre tendit les bras pour recevoir la tunique de la déesse dévêtue ;

deux autres délacèrent les lanières de ses pieds ; plus habile que les autres,

Crocalé l'Isménienne, même si sa propre chevelure était flottante,

3, 170

colligit in nodum, quamuis erat ipsa solutis. 

excipiunt laticem Nepheleque Hyaleque Rhanisque

et Psecas et Phiale funduntque capacibus urnis.


Dumque ibi perluitur solita Titania lympha,

ecce nepos Cadmi dilata parte laborum

ramassa dans un noeud les cheveux de Diane épars sur sa nuque.

Néphélé, Hyalé et Rhanis, ainsi que Psécas et Phialé

puisent de l'eau et la déversent de leurs urnes pleines.


Pendant que la Titanienne se baigne ainsi dans l'onde familière,

voici que le petit-fils de Cadmos, qui avait reporté sa chasse,

3, 175

per nemus ignotum non certis passibus errans

peruenit in lucum : sic illum fata ferebant.

Qui simul intrauit rorantia fontibus antra,

sicut erant, nudae uiso sua pectora nymphae

percussere uiro subitisque ululatibus omne

s'aventure d'un pas mal assuré dans cette forêt inconnue

et parvient au bois sacré ; ainsi le portait son destin.

Dès qu'il fut entré dans l'antre ruisselant de l'eau de la source,

les nymphes dénudées, dans l'état où elles étaient,

aperçurent le héros, se frappèrent la poitrine, emplirent le bois

3, 180

inpleuere nemus circumfusaeque Dianam 

corporibus texere suis ; tamen altior illis

ipsa dea est colloque tenus supereminet omnis.

Qui color infectis aduersi solis ab ictu

nubibus esse solet aut purpureae aurorae,

de hurlements soudains, puis, faisant cercle autour de Diane,

la protégèrent de leurs corps. Cependant, la déesse,

plus grande qu'elles, les dépasse toutes d'une tête.

La couleur des nuages teintés par le soleil qui les frappe

directement ou celle d'une aurore empourprée ressemblait

3, 185

is fuit in uultu uisae sine ueste Dianae. 

Quae, quamquam comitum turba est stipata suarum,

in latus obliquum tamen adstitit oraque retro

flexit et, ut uellet promptas habuisse sagittas,

quas habuit sic hausit aquas uultumque uirilem

au teint du visage de Diane, surprise sans vêtement.

Celle-ci, bien qu'entourée du groupe de ses compagnes,

se dressa cependant de côté, tourna la tête en arrière

et, comme si elle avait voulu avoir ses flèches prêtes,

elle prit l'eau à sa portée et la jeta à la figure de l'homme,

3, 190

perfudit spargensque comas ultricibus undis

addidit haec cladis praenuntia uerba futurae :

« Nunc tibi me posito uisam uelamine narres,

sit poteris narrare, licet » ! Nec plura minata

dat sparso capiti uiuacis cornua cerui,

répandant sur ses cheveux des ondes vengeresses.

Puis elle ajouta ces paroles qui annonçaient sa ruine future :

« Maintenant raconte que tu m'as vue, sans un voile,

si tu peux raconter, libre à toi » ! Et sans menacer davantage,

elle donne à la tête inondée les cornes d'un cerf vif,

3, 195

dat spatium collo summasque cacuminat aures

cum pedibusque manus, cum longis bracchia mutat

cruribus et uelat maculoso uellere corpus ;

additus et pauor est : fugit Autonoeius heros

et se tam celerem cursu miratur in ipso.


allonge son cou, termine en pointes ses oreilles,

transforme ses mains en pieds, ses bras en pattes effilées,

et couvre son corps d'une peau tachetée.

Elle lui ajoute aussi la crainte : le héros, fils d'Autonoé,

s'enfuit et s'étonne d'être si rapide dans sa course même.


3, 200

Vt uero uultus et cornua uidit in unda,

« Me miserum ! » dicturus erat : uox nulla secuta est !

Ingemuit : uox illa fuit, lacrimaeque per ora

non sua fluxerunt ; mens tantum pristina mansit.

Quid faciat ? Repetatne domum et regalia tecta ?

Mais lorsque qu'il aperçoit son visage et ses cornes dans l'eau,

« Malheur à moi ! » s'apprêtait-il à dire. Mais aucune parole ne suivit ;

il gémit ; ce fut son seul langage ; et des larmes coulèrent

sur un visage qui n'était pas le sien ; seul son esprit ancien subsistait.

Que faire ? Allait-il regagner sa demeure et le toit royal ?

3, 205

An lateat siluis ? Pudor hoc, timor inpedit illud. 

Dum dubitat, uidere canes, primique Melampus

Ichnobatesque sagax latratu signa dedere,

Cnosius Ichnobates, Spartana gente Melampus.

Inde ruunt alii rapida uelocius aura,

Allait-il se cacher dans la forêt ? La honte lui interdisait une possibilité,

la crainte l'autre. Il hésite, ses chiens le voient ; et Mélampus

et le subtil Ichnobates par leurs aboiements déclenchèrent le signal,

Ichnobates, le Gnosien, et Mélampus, de race spartiate.

Ensuite les autres se précipitent, plus vite que l'air rapide,

3, 210

Pamphagos et Dorceus et Oribasos, Arcades omnes,

Nebrophonosque ualens et trux cum Laelape Theron

et pedibus Pterelas et naribus utilis Agre

Hylaeusque ferox nuper percussus ab apro

deque lupo concepta Nape pecudesque secuta

Pamphagos et Dorcée et Oribasos, tous venus d'Arcadie,

le vaillant Nébrophonos et le farouche Théron et Lélaps,

puis Ptérélas efficace à la course, et Agré au flair très utile,

le fougueux Hylée récemment blessé par un sanglier,

la chienne Napé, née d'un loup et Péménis, qui avait suivi

3, 215

Poemenis et natis comitata Harpyia duobus 

et substricta gerens Sicyonius ilia Ladon

et Dromas et Canache Sticteque et Tigris et Alce

et niueis Leucon et uillis Asbolos atris

praeualidusque Lacon et cursu fortis Aello 

des troupeaux, ainsi que Harpyia, accompagnée de deux chiots,

et Ladon de Sicyone avec son ventre maigre,

Dromas, Canaché, Sticté, Tigris et Alcé,

Leucon et son poil de neige, Asbolus à la robe noire,

le très vigoureux Lacon et Aello, courageux coursier,

3, 220

et Thoos et Cyprio uelox cum fratre Lycisce

et nigram medio frontem distinctus ab albo

Harpalos et Melaneus hirsutaque corpore Lachne

et patre Dictaeo, sed matre Laconide nati

Labros et Argiodus et acutae uocis Hylactor

et Thoüs et la véloce Cyprio avec son frère Lyciscé,

et, distingué par une tache noire au milieu de son front blanc,

Harpalos, puis Mélanée et la chienne Lachné au corps hirsute,

et aussi, nés d'un père de Dicté mais d'une mère de Laconie,

Labros et Agriodos ainsi que Hylactor à la voix perçante

3, 225

quosque referre mora est : ea turba cupidine praedae

per rupes scopulosque adituque carentia saxa,

quaque est difficilis quaque est uia nulla, sequuntur.


Ille fugit per quae fuerat loca saepe secutus,

Heu ! Famulos fugit ipse suos. Clamare libebat :

et ceux qu'il est trop long de citer. Cette meute, avide de sa proie,

poursuit le cerf à travers crevasses, rochers et pierres inaccessibles,

là où le passage est difficile, là où il n'existe pas.


Il fuit à travers les lieux où souvent il avait été le poursuivant.

Hélas ! Ce sont même ses propres serviteurs qu'il fuit.

3, 230

«Actaeon ego sum : dominum cognoscite uestrum ! »

Verba animo desunt ; resonat latratibus aether.

Prima Melanchaetes in tergo uulnera fecit,

proxima Theridamas, Oresitrophos haesit in armo :

tardius exierant, sed per conpendia montis

Il aurait pu s'écrier : « C'est moi, Actéon, reconnaissez votre maître. »

Son esprit ne trouve plus ses mots. L'air retentit d'aboiements.

Mélanchétès porta à son dos les premières blessures,

Thérodamas, les suivantes ; Orésitrophos s'acharna sur son épaule ;

sortis plus tard, ils avaient pris les devants par des raccourcis,

3, 235

anticipata uia est ; dominum retinentibus illis,  

cetera turba coit confertque in corpore dentes.

Iam loca uulneribus desunt ; gemit ille sonumque,

etsi non hominis, quem non tamen edere possit

ceruus, habet maestisque replet iuga nota querellis

à travers les montagnes. Tandis que ces chiens bloquent leur maître,

le reste de la meute se rassemble et tous les crocs se portent sur le corps.

Déjà la place manque pour les coups ; la victime gémit et le son ainsi émis,

qui n'est pas d'un homme, mais qui n'est pas non plus d'un cerf,

remplit les taillis familiers de lamentations plaintives.

3, 240

et genibus pronis supplex similisque roganti  

circumfert tacitos tamquam sua bracchia uultus.

At comites rapidum solitis hortatibus agmen

ignari instigant oculisque Actaeona quaerunt ;

et uelut absentem certatim Actaeona clamant

Suppliant, les genoux fléchis, et avec l'air de quelqu'un en prière,

il tourne en tous sens son visage muet, comme il tendrait ses bras.

Par ailleurs, ses compagnons inconscients excitent la meute rapide,

avec leurs cris habituels, et des yeux cherchent Actéon ;

et comme s'il était absent, à l'envi ils crient « Actéon  »

3, 245

(ad nomen caput ille refert) et abesse queruntur

nec capere oblatae segnem spectacula praedae.

Vellet abesse quidem, sed adest ; uelletque uidere,

non etiam sentire canum fera facta suorum.

Vndique circumstant, mersisque in corpore rostris

- à son nom, lui bouge la tête - , ils déplorent son absence

et son peu d'empressement à contempler la proie qui s'offre à lui.

En fait, il voudrait être absent, mais il est présent ; et il voudrait voir,

plutôt qu'éprouver les morsures sauvages de ses chiens.

Ils l'entourent complètement et, le museau plongé dans son corps,

3, 250

dilacerant falsi dominum sub imagine cerui,

nec nisi finita per plurima uulnera uita

ira pharetratae fertur satiata Dianae.

ils lacèrent leur maître vivant sous l'image trompeuse d'un cerf.

Et seule la fin de sa vie, suite à d'innombrables blessures,

apaisa, dit-on, la colère de Diane, la déesse au carquois.

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NOTES

Jupiter... (3, 1ss.). Le récit de l'enlèvement d'Europe, princesse phénicienne, par Jupiter déguisé en taureau (Mét., 2, 833-875. Voir aussi Fast., 5, 605-619) fournit à Ovide une transition qui lui permet de déplacer l'action vers la Grèce, précisément à Thèbes. En effet, le livre 3 relate des légendes thébaines, tournant autour de Cadmos, fondateur de Thèbes, de son entourage et du culte de Dionysos-Bacchus.

Dicté (3, 2). Montagne de Crète, où serait né Jupiter et où le dieu aurait emmené Europe après le rapt.

père d'Europe... (3, 3). Agénor était selon Ovide, 2, 858, le père d'Europe et de Cadmos. Dans le présent livre, le poète présente Cadmos comme « le fils d'Agénor » (cfr les vers 7, 51, 97) ou « l'étranger venu de Sidon » (vers 129), tandis que les compagnons du héros sont « les hommes de Tyr » (vers 35) ou « les Phéniciens » (vers 47). Toutefois en 4, 772, le mot latin « Agenorides » désignera formellement Persée.

le fils d'Agénor (3, 7). Cadmos.

Béotie (3, 13). Jeu étymologique entre le nom de la contrée (Boeotia), la Béotie, et celui de la génisse (bos), l'animal-guide annoncé dans l'oracle de Phébus-Apollon. L'histoire de Cadmos, qu'une génisse guide vers le lieu où il fondera Thèbes, n'est qu'une application du thème folklorique de l'animal guide. Les exemples foisonnent, dans de nombreuses cultures, du motif de l'animal qui guide les hommes vers l'emplacement futur d'une colonie, ou d'une ville, ou d'un sanctuaire, ou (dans le monde chrétien) d'une église, plus modestement même parfois vers l'endroit où est dissimulé un bien précieux. L'anecdote de la truie romaine aux trente petits (cfr Virg., Én., 3, 388-393 ; 8, 81-85) est construite sur le même motif de l'animal-guide (cfr article de J. Poucet dans les FEC)

Castalie (3, 14). Célèbre source du Panasse dont l'eau coule à Delphes et qui était consacrée à Apollon et aux Nymphes. Cadmos avait donc consulté l'oracle d'Apollon à Delphes.

Céphise (3, 19). Fleuve de Béotie, qui coule au nord du Parnasse, et se jette dans le lac Copaïs. (Mét., 1, 369). Il passe pour le père de Narcisse dont l'histoire est racontée plus loin. Son nom se retrouve en Mét., 3, 343, et 3, 351. Cité aussi dans Mét., 7, 388 et dans la n. à 7, 438.

Panope (3, 19). Ville de Phocide, région proche du mont Parnasse. Les deux termes géographiques sont destinés à suggérer l'itinéraire suivi par Cadmos entre Delphes et la future Thèbes.

source vive (3, 25). Pour un sacrifice, on avait besoin d'une eau « pure », qu'on allait généralement puiser à une source.

dragon né de Mars (3, 32). Arès-Mars possédait dans cette région une source gardée par un dragon dont il était le père. P. Grimal fournit à ce propos quelques précisions utiles pour la suite du récit d'Ovide : « on rendait à Arès un culte particulier à Thèbes, où il passait pour l'ancêtre des descendants de Cadmos. C'est là, en effet, qu'il possédait une source, gardée par un dragon, dont il était le père. Lorsque Cadmos, pour accomplir un sacrifice, voulut puiser de l'eau à cette source, le dragon tenta de l'en empêcher. Cadmos le tua, et, pour expier ce meurtre, dut servir Arès pendant huit ans, en qualité d'esclave. Mais à l'expiration de ce terme, les dieux marièrent Cadmos à Harmonie, la fille d'Arès et d'Aphrodite ».

Serpent... Ourses (3, 49). La constellation du Serpentaire résulte du catastérisme d'Asclépios-Esculape. Fils d'Apollon et de la nymphe Coronis, et donc petit-fils de Zeus, Asclépios-Esculape était non seulement un dieu guérisseur, mais il lui arrivait de ressusciter les morts, ce dont prit ombrage Hadès, le dieu des enfers. Zeus-Jupiter foudroya son petit-fils, mais finalement, à la demande d'Apollon, il l'éleva au rang des étoiles, tenant en main un serpent, d'où le nom de la constellation (voir Fast., 6, 735-736, avec les notes). Le Serpentaire est voisin du pôle nord, d'où la mention des deux Ourses (la Grande et la Petite), abondamment mentionnées dans les Fastes (2, 189-192 ; 3, 107, 405, 793).

je vengerai votre mort... (3, 58-94). Le récit du combat de Cadmos contre le dragon de Thèbes est évoqué notamment dans Euripide, Phéniciennes, 638-675, mais aussi chez Sénèque, Oedipe, 709-732. Quatre siècles après Ovide, dans les Dionysiaques, 4, 304-416, Nonnos, qui s'inspire sans doute de sources grecques, donne un récit très proche de celui d'Ovide.

devenu serpent (3, 98). Cadmos et son épouse Harmonie furent métamorphosés en serpents (Mét., 4, 563-603).

Pallas (3, 102). Épithète de la déesse Athéna, qui sera désignée au vers 127 par le terme « Tritonide ». On l'appelle parfois aussi « Tritonienne ». Cfr Fast., 6, 655.

Échion (3, 126). Cet Échion, inspiré par Pallas, apparaît ici comme l'initiateur de la paix. Il épousera une fille de Cadmos, Agavé, dont naîtra Penthée, roi impie (cfr infra 3, 511ss). Sur Échion, voir Mét., 10, 686 ; Hygin, Fab., 178, 6 et 184, 1.

Déjà (3, 131). Ovide fait un bond dans l'avenir. Il ne raconte pas que Cadmos dut expier le meurtre du dragon, en servant Arès-Mars comme esclave pendant huit ans, et qu'ensuite, grâce à la protection d'Athéna, il devint roi de Thèbes.

gendre (3, 132 ss.). Zeus-Jupiter donna pour épouse à Cadmos la déesse Harmonie, fille de Arès-Mars et Aphrodite-Vénus. De cette union naîtront quatre filles dont on reparlera, Autonoé, Ino, Agavé et Sémélé, et un fils, Polydoros.

petit-fils (3, 138-252). Actéon, fils d'Autonoé (une des quatre filles de Cadmos) et d'Aristée (fils d'Apollon et de Cyrène). Il était donc d'origine divine, descendant de Mars par sa mère Harmonie, et d'Apollon par son père. Parmi les diverses légendes relatant sa fin, celle que rapporte ici Ovide est la plus répandue. Ovide ne dit pas qu'Actéon fut éduqué par Chiron le Centaure, et que ses cinquante chiens, après l'avoir dévoré le cherchèrent et parvinrent chez Chiron, qui les consola en façonnant une statue à l'image de leur maître. Voir aussi Hygin, Fab., 180 ; 181; 247.

Hyantes (3, 146-147). Nom synonyme de « Béotiens », dont le héros éponyme serait Hyas, frère des Hyades. Cfr Ovide, Fast., 5, 170 avec la note, et Mét., 5, 312 avec la note. Sur les Hyades, cfr Fast., 5, 166ss.

Gargaphie (3, 156). Près de Platées, vallée de Béotie, consacrée à Diane, la déesse chasseresse.

Crocalé l'Isménienne... (3, 169-172). Suit une série de noms désignant des nymphes attachées au service de Diane. L'Isménos étant un fleuve de la région de Thèbes, « l'Isménienne » est donc synonyme de « la Thébaine » (cfr 2, 244, et 3, 733).

Titanienne (3, 173). Le terme signifie « fille, petite-fille ou soeur d'un Titan ». Il s'applique à diverses divinités, dont Diane-Artémis.

Autonoé (3, 198). La mère d'Actéon, une des quatre filles de Cadmos et d'Harmonie.

Mélampus... (3, 206-225). Poètes et mythographes proposent diverses listes de noms pour les chiens d'Actéon, qui appartenaient à des races de Laconie, d'Arcadie et de Crète, connues encore au temps d'Ovide. Voir Hygin, Fab., 181.

Gnosien et spartiate (3, 208). Ces deux adjectifs évoquent respectivement la Crète (Cnossos) et la Laconie.


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