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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


Historiographie gréco-romaine

 

EUSEBE DE CÉSARÉE (c.260-340)

 

Textes rassemblés et présentés par Jean-Marie HANNICK

Professeur émérite de l'Université de Louvain


L'auteur

La biographie d'Eusèbe comporte beaucoup de zones d'ombre. Nous ne savons pas précisément quand il est né : on propose d'habitude une date voisine de 260. Ni où : peut-être à Césarée même. Ni dans quel milieu : sans doute une famille modeste mais de culture grecque. Eusèbe doit l'essentiel de sa formation à un maître dont il se présente comme le fils, Pamphile, savant originaire de Beyrouth qui était venu s'installer à Césarée. Pamphile y a reçu le sacerdoce, s'est entouré de disciples qui travaillent dans une riche bibliothèque héritée d'Origène. Vers 300, Eusèbe est ordonné prêtre et commence lui-même à écrire, activité qu'il poursuivra jusqu'à ses derniers jours.

En 303, commence la grande persécution. Au début, Pamphile et Eusèbe ne sont pas inquiétés mais, en 307, Pamphile est arrêté et subira le martyre. Eusèbe lui-même, s'il a été emprisonné, échappe en tout cas à la mort : certains l'accuseront d'apostasie. Libéré (?), il voyage en Phénicie, en Égypte, avant de rentrer à Césarée où il accède à l'épiscopat (315 ?). Sans qu'il abandonne ses travaux livresques, Eusèbe a maintenant des occupations d'un autre niveau. Une lettre à Constantia, sœur de Constantin, montre qu'il a désormais des relations avec la famille impériale. Puis éclate, vers 322, l'affaire de l'arianisme. Eusèbe se rallie aux idées du prêtre d'Alexandrie avant de changer d'avis : il participe au concile de Nicée (325) et en admet les conclusions (consubstantialité du Père et du Fils), sans doute à regret car on le voit, quelques années plus tard, entrer en conflit avec Athanase d'Alexandrie, adversaire résolu de l'arianisme.

En 335, Constantin célèbre le trentième anniversaire de son accession au pouvoir. C'est Eusèbe qui prononce le discours de circonstance au palais de Constantinople. L'empereur meurt deux ans plus tard et Eusèbe ne lui survivra pas longtemps, il décède vers 340.

 

L'œuvre

Au cours de sa longue vie, Eusèbe a beaucoup écrit et dans des genres bien différents : polémique, exégèse, apologétique, géographie historique, rhétorique, histoire. Une partie de cette œuvre énorme a disparu et certains textes ne nous sont parvenus qu'en traduction (arménien, syriaque, latin) : c'est le cas du premier ouvrage qui retiendra notre attention, les Canons chronologiques et abrégé de l'Histoire universelle, titre qu'on abrège souvent en parlant de la Chronique d'Eusèbe. Ce travail, composé aux environs de l'année 300, s'inscrit dans une lignée qui remonte à Tatien et à Théophile d'Antioche : il s'agit de prouver que le christianisme, issu du judaïsme, remonte aux origines de l'humanité et précède donc toutes les (fausses) religions païennes. La démonstration comporte deux parties. Eusèbe résume d'abord l'histoire des grands peuples du monde connu : Chaldéens, Assyriens, Mèdes, Perses, Hébreux, Égyptiens, Grecs et Romains. Cette histoire universelle a disparu dans sa version originale, on ne la connaît que par une traduction arménienne. La seconde partie, les Canons chronologiques, présente en colonnes parallèles les dates des principaux événements de ces histoires particulières. Eusèbe commence à Abraham, contemporain de Sémiramis et descend jusqu'en 325. Ces Canons sont également perdus en grec mais saint Jérôme les a traduits en latin et prolongés jusqu'en 378. A la fin du XIe siècle, Sigebert de Gembloux prolongera le travail d'Eusèbe/Jérôme jusqu'en 1111.

Mais l'œuvre historique majeure d'Eusèbe est son Histoire ecclésiastique qui va de l'Incarnation au triomphe du christianisme sous Constantin. Les sujets retenus sont présentés de manière détaillée dans le Prologue (T 1) : Eusèbe s'intéressera d'abord aux successions épiscopales, sinon de toutes les Églises, du moins des principales, Rome, Antioche, Alexandrie, Jérusalem (T 6, 7) ; il racontera les grands événements et signalera les personnalités les plus marquantes, y compris les hérésiarques ; il informera le lecteur sur l'histoire juive, depuis la mort du Christ jusqu'à la révolte de Bar Kochba à la fin du règne d'Hadrien ; il décrira enfin les persécutions et les martyres.

Le plan suivi est chronologique. Le premier livre est une sorte d'introduction tournant autour de la personne de Jésus ; l'histoire de l'Église commence réellement au livre II et s'étend jusqu'à la fin du livre VII (T 11). Les livres VIII-X ont, semble-t-il, été rajoutés par après et ont un aspect très différent, annoncé d'ailleurs par l'auteur (T 12) : il abandonne les thèmes annoncés dans le Prologue (les successions apostoliques etc…) et l'érudit qu'il était, féru de citations, se transforme en témoin qui rapporte ce qu'il a vécu : la « petite paix » de l'Église et la grande persécution sous Dioclétien jusqu'à l'édit de tolérance de Galère (livre VIII) ; la reprise de la persécution en Orient sous Maximin Daïa (livre IX) ; enfin la victoire chrétienne sous Constantin et la guerre contre Licinius (livre X, qui contient aussi des documents officiels relatifs aux chrétiens ainsi qu'un long sermon prononcé par Eusèbe lors de la dédicace de l'église de Tyr).

La méthode d'Eusèbe est très particulière. Son récit est constamment entrecoupé d'extraits d'œuvres de ses devanciers, « fleurs cueillies dans des prairies spirituelles » (T 2) et de copies de pièces officielles. Son Histoire est donc largement faite d'emprunts, mais qui sont toujours avoués et qui ont le mérite de nous avoir transmis bien des textes disparus par ailleurs. On notera aussi que l'auteur manque parfois de lucidité et de sens critique : un certain nombre de documents cités sont manifestement des faux, par exemple la correspondance Abgar-Jésus (T 3) ou la lettre d'Antonin au Conseil d'Asie interdisant les poursuites contre les chrétiens (IV, 13). Il y a aussi de la naïveté dans des récits de miracles qui ne sont que des doublets de ce qu'on lit dans le Nouveau Testament (T 10 = noces de Cana ; VI, 29 : désignation de Pontien comme évêque de Rome = baptême de Jésus). Inversement, Eusèbe est très préoccupé par l'authenticité des textes sacrés ; il revient à plus d'une reprise sur le canon des Écritures (T 5. Voir aussi III, 25 ; VI, 14 ; VII, 25).

Eusèbe ne manque pas de s'interroger sur les causes des événements mais, en homme de foi, il considère que Dieu est l'acteur principal dans l'histoire. C'est lui, par exemple, qui provoque le suicide de Pilate (T 4) et qui châtie même les fidèles quand ceux-ci, bénéficiant de la « petite paix » des années 260 et suivantes, se laissent aller à la mollesse et se déchirent au sein des communautés : c'est Dieu qui est à l'origine de la grande persécution (VIII, 1, 8). Un autre acteur est identifié, Satan (T 8). Les hommes, en définitive, ne jouent qu'un rôle secondaire.

L'Histoire d'Eusèbe a connu un grand succès. Traduite en syriaque et, de là en arménien, elle a été traduite en latin, adaptée et complétée au début du Ve siècle par Rufin d'Aquilée. Et Eusèbe sera suivi par d'innombrables épigones, d'abord des continuateurs comme Socrate, Théodoret et Sozomène qui sont à la base de l'Historia ecclesiastica tripartita de Cassiodore (c.490-583). Au début du VIIIe siècle, Bède le Vénérable compose une Histoire ecclésiastique du peuple anglais et Flodoard, deux siècles plus tard, une Histoire de l'Église de Reims : ce ne sont là que deux exemples, parmi des dizaines d'autres

A l'époque de la Réforme, l'histoire de l'Église est invoquée pour justifier les thèses des deux camps : aux Centuries de Magdebourg répondent les Annales ecclésiastiques de Baronius puis, en 1698, l'Histoire des variations des Églises protestantes de Bossuet. En cette fin du XVIIe siècle, paraissent quasi simultanément l'Histoire ecclésiastique de C. Fleury et les Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles de le Nain de Tillemont. Si la veine est négligée par les historiens des Lumières, elle est de nouveau exploitée à partir du XIXe siècle. Dans les années 1830, Ranke publie son Histoire de la papauté pendant les XVIe et XVIIe siècles ; puis Renan écrit son Histoire des origines du christianisme. On pourrait signaler aussi de vastes synthèses comme l'Histoire de l'Église depuis les origines jusqu'à nos jours de Fliche et Martin (26 vol.) et bien d'autres titres mais le but n'est pas de dresser ici une bibliographie complète du sujet. L'intention était simplement de montrer, par quelques exemples, la fécondité de la voie ouverte par le vieil évêque de Césarée.

 

 Voir aussi Introduction à l'historiographie chrétienne.

      Bibliographie

Texte

- Histoire ecclésiastique, éd. trad. G. Bardy, 4 vol, Paris, 1952-1971 (Sources chrétiennes, 31, 41, 55, 73 bis).

- Histoire ecclésiastique, trad. G. Bardy revue par L. Neyrand, Paris, 2003 (Sagesses chrétiennes).

- Saint Jérôme, Chronique. Continuation de la Chronique d'Eusèbe, années 326-378, éd. trad. B. Jeanjean - B. Lançon, suivie de quatre études sur les Chroniques et chronographies dans l'Antiquité tardive (IVe-VIe siècles), Rennes, 2004.

- Life of Constantine, Transl. and Comment. by A. Cameron - S. G. Hall, Oxford, 1999 (Clarendon Ancient History Series).

Études

- Barnes T.D., Constantine and Eusebius, Cambridge (Mass.) - Londres, 1981.

- Cameron A., Eusebius of Caesarea and the Rethinking of History, dans Tria Corda. Scritti in onore di A. Momigliano, Côme, 1983, p.71-88.

- Chesnut G.F., The First Christian Histories. Eusebius, Socrates, Sozomen, Theodoret, and Evagrius, Paris, 1977 (Théologie historique, 46).

- Grant R.M., Eusebius as Church Historian, Oxford, 1980.

- Morgan T., Eusebius of Caesarea and Christian Historiography, dans Athenaeum, 93, 2005, p.193-208.

- Sirinelli J., Les vues historiques d'Eusèbe de Césarée durant la période prénicéenne, Paris, 1961 [Cf. M. Harl, L'histoire de l'humanité racontée par un écrivain chrétien au début du IVe siècle, dans Revue des études grecques, 75, 1962, p.522-531].

- Thelamon F., Écrire l'histoire de l'Église : d'Eusèbe de Césarée à Rufin d'Aquilée, dans B. Pouderon - Y.-M. Duval (Dir .), L'historiographie de l'Église des premiers siècles, Paris, 2001, p.207-235.

 

 

 Textes choisis (trad. G. Bardy - L. Neyrand)

 

T 1 - Histoire ecclésiastique, I, 1, 1-2 Les successions des saints apôtres, ainsi que les temps écoulés depuis notre Sauveur jusqu'à nous, toutes les grandes choses que l'on dit avoir été accomplies le long de l'histoire ecclésiastique; tous les personnages de cette histoire qui ont excellemment présidé à la conduite des plus illustres Églises ; ceux qui, dans chaque génération, ont été par la parole ou par les écrits les ambassadeurs de la parole divine ; les noms, la qualité, le temps de ceux qui, entraînés aux dernières extrémités de l'erreur par le charme de la nouveauté, se sont faits les hérauts et les introducteurs d'une gnose mensongère et qui, tels des loups ravisseurs, ont cruellement ravagé le troupeau du Christ ; en outre les malheurs arrivés à toute la nation des Juifs aussitôt après le complot contre notre Sauveur; la nature, la qualité, les temps des combats livrés par les nations contre la parole divine ; les grands hommes qui, selon les circonstances, ont traversé pour elle le combat par le sang et les tortures ; de plus les martyres qui ont eu lieu de notre temps et la bienveillance miséricordieuse de notre Sauveur sur nous tous : voilà ce que j'ai entrepris de livrer à l'écriture. Je ne commencerai pas autrement que par le début de l'économie de notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu.

 

T 2 - I, 1, 4 Par suite, tout ce que j'estimerai utile au but indiqué, je l'ai rassemblé parmi les souvenirs qu'ils ont rapportés çà et là ; comme en des prairies spirituelles, j'ai cueilli, telles des fleurs, les passages utiles des écrivains anciens; et j'essaierai de leur donner corps dans un récit historique. Je serais heureux de sauver de l'oubli les successions sinon de tous les apôtres de notre Sauveur, du moins des plus illustres d'entre eux dans les Églises célèbres qui sont encore aujourd'hui vivantes dans les mémoires.

 

T 3 - I, 13, 6-10 "Abgar, fils d'Ouchamas, toparque, à Jésus bon Sauveur manifesté au pays de Jérusalem, salut.

"J'ai entendu parler de toi et de tes guérisons, que tu accomplirais sans remèdes ni plantes. À ce qu'on dit, tu fais voir les aveugles et marcher les boiteux, tu purifies les lépreux, tu chasses les esprits impurs et les démons, tu guéris ceux qui sont atteints de longues maladies, tu ressuscites les morts. Ayant entendu tout cela à ton sujet, je me suis mis dans l'esprit que de deux choses l'une : ou bien tu es Dieu et, descendu du ciel, tu fais ces merveilles ; ou tu es le fils de Dieu puisque tu fais ces merveilles. C'est pourquoi donc, je t'écris maintenant et je te demande de prendre la peine de venir à moi et de guérir l'infirmité que j'ai. Car j'ai encore appris que les Juifs murmurent contre toi et te veulent du mal. Ma ville est très petite, mais honorable et elle nous suffira à nous deux."

[Telle fut la lettre écrite par Abgar qu'éclairait alors quelque peu la lumière divine. Il vaut la peine d'écouter la lettre que lui écrivit Jésus et qui lui fut apportée par le même courrier, courte sans doute, mais pleine de sens; en voici également le texte:]

"Heureux es-tu d'avoir cru en moi, sans m'avoir vu. Car il est écrit de moi que ceux qui m'ont vu ne croiront pas en moi, afin que ceux qui ne m'ont pas vu croient et vivent. Quant à ce que tu m'écris de venir à toi, il faut que j'accomplisse tout ce pour quoi j'ai été envoyé et qu'après l'avoir ainsi accompli, je sois enlevé vers celui qui m'a envoyé. Et lorsque j'aurai été enlevé, je t'enverrai un de mes disciples pour te guérir de ton infirmité et te donner la vie, à toi et à ceux qui sont avec toi."

 

T 4 - II, 7 Il faut savoir que, d'après ce qu'on raconte, Pilate lui aussi, qui vivait au temps du Sauveur, tomba, sous Gaïus dont nous parcourons l'époque, dans de si grands malheurs qu'il devint par nécessité son propre meurtrier et son propre bourreau: à ce qu'il semble, la justice divine ne l'épargna pas longtemps. C'est ce que racontent ceux des Grecs qui ont marqué les Olympiades avec les événements survenus en chacune d'elle.

 

T 5 - III, 3, 1-2 De Pierre on ne reconnaît qu'une épître, celle qu'on appelle "la première", et les anciens presbytres eux-mêmes s'en sont servis dans leurs écrits comme d'un texte indiscuté. Quant à celle qu'on appelle "la seconde", nous avons appris qu'elle n'est pas reconnue comme faisant partie du Nouveau Testament: cependant, parce qu'elle a paru utile à beaucoup, elle a été prise en considération avec les autres Écritures. Pour ce qui est des Actes qui portent son nom, de l'Évangile selon Pierre, du Kérygme et de l'Apocalypse soi-disant de Pierre, nous savons que ces livres n'ont absolument pas été transmis parmi les écrits catholiques et qu'aucun écrivain ecclésiastique, ni parmi les anciens, ni parmi les modernes, ne s'est servi de témoignages empruntés à l'un d'eux.

 

T 6 - III, 37, 4 Il nous est impossible d'énumérer (et de citer) par leurs noms tous ceux qui alors, du temps de la première succession des apôtres, devinrent pasteurs ou évangélistes dans les Églises à travers le monde. Il est donc naturel que nous n'ayons confié à l'écriture, en en citant les noms, que le souvenir de ceux par les ouvrages desquels maintenant encore est transmise jusqu'à nous la tradition de l'enseignement apostolique.

 

T 7 - IV, 19-21 Le règne dont il est question [de Marc-Aurèle] avait déjà atteint sa huitième année, lorsque Soter succéda à Anicet, qui avait occupé l'épiscopat de l'Église des Romains pendant onze ans accomplis. Quant à l'Église des Alexandrins, après que Céladion y eut présidé pendant quatorze ans, Agrippinus reçut sa succession.

De l'Église d'Antioche, Théophile était connu comme le sixième évêque après les apôtres. C'est Cornélius qui avait été installé le quatrième, après Héron, sur les fidèles de cette ville, et, après lui, c'est Éros qui, le cinquième de cette liste, avait reçu l'épiscopat.

A cette époque, florissaient dans l'Église: Hégésippe, que nous connaissons d'après ce qui précède; Denys, évêque des Corinthiens; Pinytos, évêque des fidèles de Crète; et aussi Philippe, Apollinaire, Méliton, Musanus et Modeste, et surtout Irénée. De tous ces hommes est parvenue par écrit jusqu'à nous l'orthodoxie de la vraie foi, celle de la tradition apostolique.

 

T 8 - V, 14-15 L'ennemi de l'Église de Dieu, étant au plus haut point l'adversaire du bien et l'ami du mal et n'ayant jamais omis aucune sorte de machination contre les hommes, travaillait encore à susciter contre l'Église des hérésies étranges. Parmi ces hérétiques, les uns, tels des serpents venimeux, se glissaient en Asie et en Phrygie, en se faisant gloire de Montan - leur Paraclet - et des femmes de sa suite, Priscilla et Maximilla, comme si elles avaient été les prophétesses de Montan.

Les autres florissaient à Rome : ils étaient conduits par Florinus, exclu du presbytérat de l'Église, et par Blastus qui avait été précipité avec lui dans une déchéance semblable; ces hommes amenaient à leurs vues les nombreux fidèles qu'ils arrachaient à l'Église ; chacun en effet, à sa manière, s'efforçait d'innover au sujet de la vérité.

 

T 9 - V, 23, 1-2 À cette époque fut soulevée une question de grande importance : les communautés de toute l'Asie croyaient, suivant une tradition très ancienne, qu'il fallait célébrer la fête de la Pâque du Sauveur à la date du quatorzième jour de la lune - jour où il avait été ordonné aux juifs d'immoler l'agneau. Ils estimaient qu'il fallait absolument arrêter les jeûnes à cette date, quel que fût le jour de la semaine où elle tombait: tandis que les Églises de tout le reste de la terre n'avaient pas l'habitude de cette pratique et, d'après la tradition apostolique, elles gardaient l'usage qui est encore en vigueur de nos jours : elles estimaient qu'il ne convenait pas d'arrêter le jeûne un autre jour de la semaine que celui de la résurrection de notre Sauveur. À ce sujet, des synodes, des assemblées d'évêques se réunirent; tous, d'un seul accord, portèrent par lettres un décret de l'Église pour les fidèles de partout: le mystère de la résurrection du Seigneur d'entre les morts ne serait jamais célébré un autre jour que le dimanche et nous n'observerions la fin des jeûnes de Pâques que ce jour-là.

 

T 10 - VI, 9, 1-3 Les citoyens de cette chrétienté [Jérusalem] font mention de beaucoup de miracles de Narcisse, qu'ils ont reçus de la tradition des frères qui se sont succédé. Parmi ces faits, ils racontent qu'il a accompli le prodige suivant. Une fois, lors de la grande veillée de Pâques, l'huile, dit-on, manqua aux diacres, et comme toute la foule en était profondément consternée, Narcisse ordonna à ceux qui préparaient les lampes de puiser de l'eau et de la lui apporter. L'ordre ayant été exécuté sur le champ, il pria sur l'eau, puis commanda avec une foi sincère dans le Seigneur, de la verser dans les lampes. On fit encore cela, et par une puissance au-dessus de toute expression, extraordinaire et divine, la nature de l'eau fut changée en celle de l'huile. On assure que, chez un très grand nombre de frères de ce pays, un peu de cette huile a été conservé pendant très longtemps depuis cette époque et même jusqu'à nos jours, comme preuve du miracle accompli alors.

 

T 11 - VII, 32, 32 Dans les livres précédents nous avons entièrement traité le thème des successions, depuis la naissance de notre Sauveur jusqu'à la destruction des lieux de prière [1er édit de persécution de 303], thème qui s'étend sur trois cent cinq années. Maintenant laissons encore par écrit à ceux qui viendront après nous, pour qu'ils le connaissent, quels et combien furent ceux qui ont vaillamment combattu pour la religion dans les luttes de notre époque.

 

T 12 - VIII, Prologue. Après avoir exposé la succession des apôtres dans sept livres entiers, nous avons pensé que les événements contemporains méritaient d'être rapportés d'une façon spéciale dans ce huitième livre, et que c'était une chose des plus nécessaires de les transmettre aussi à la connaissance de ceux qui viendront après nous. Donc notre récit commencera à partir de là.


Les commentaires éventuels peuvent être envoyés à Jean-Marie Hannick

[ 21 avril 2009 ]


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