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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

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Historiographie du XVe au XVIIIe siècle

 

Centuries de Magdebourg

 


Cette histoire ecclésiastique s'inscrit dans une lignée qui remonte aux origines du christianisme, du moins si l'on veut bien admettre que les Actes des Apôtres ne sont pas seulement un texte sacré mais appartiennent bel et bien au genre historique (cf. W. den Boer, Some Remarks on the Beginnings of Christian Historiography, dans Studia Patristica, 4, 1961, p. 348-362 = ΣΥΓΡΑΜΜΑΤΑ. Studies in Graeco-Roman History, Leyde, 1979, p. 23-37 ; contra W. Adler, Early Christian Historians and Historiography, dans S.A. Harvey - D.G. Hunter (eds), The Oxford Handbook of Early Christian Studies, Oxford, 2008, p. 584-602).

Quoi qu'il en soit, ce type de littérature va prendre son véritable essor sous l'empire chrétien avec Eusèbe de Césarée et ses continuateurs, Socrate, Théodoret, Sozomène... Quant à leur méthode, mérite surtout d'être souligné le fait que ces auteurs ont une vue globale de leur sujet ‒ ils s'intéressent à l'histoire de l'Église universelle ‒, et qu'ils veulent raconter ce qui s'est passé, des événements, et montrer le rôle joué par les grands personnages qui ont illustré les débuts du christianisme (cf. l'introduction de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, T 1). Ce « positivisme » leur sera reproché par les Centuriateurs.

L'histoire ecclésiastique prend au moyen âge une tournure sensiblement différente. C'est que l'Église chrétienne s'est largement répandue dans une Europe qui a perdu son unité, et que les communications sont difficiles. Les auteurs doivent donc limiter leurs ambitions à ce qu'ils peuvent connaître, les événements vécus dans leur pays (Bède le Vénérable), leur diocèse (Flodoard), leur monastère (Ordéric Vital).

Avec la Réforme et la Contre-Réforme, les horizons s'élargissent à nouveau. C'est toute l'histoire de l'Église qu'il faut réexaminer depuis les origines, partout où elle s'est implantée et sous tous les aspects, le titre des Centuries est assez clair à cet égard : quantum ad locum, propagationem, persecutionem... attinet.

 

Flacius Illyricus (1520-1575)

Matthias Vlacic (latinisé en Flacius Illyricus) est né en Istrie (presqu'île du nord de l'Adriatique) en 1520. La région était alors sous domination vénitienne et c'est donc dans la cité des doges qu'il entame ses études. Il les poursuit en Suisse, puis en Allemagne (théologie, hébreu). Dans les années 1540, il arrive à Wittenberg où il se lie avec Luther et Mélanchton puis, ayant conquis ses grades académiques, y devient professeur d'hébreu. A la mort de Luther (1546), il se brouille avec son successeur, Mélanchton, jugé trop conciliant dans ses positions théologiques. Flacius quitte alors Wittenberg pour aller enseigner à Magdebourg, puis à Iéna. Il écrit également beaucoup, et souvent sur un ton très violent, ce qui lui attire l'hostilité de ses confrères théologiens, comme des autorités publiques. En 1562, il quitte Iéna et mène une existence vagabonde en Allemagne, aux Pays-Bas, jusqu'à sa mort, à Francfort, en 1575.

 

Œuvres diverses

Le catalogue des œuvres de Flacius compte plus de deux cents titres (en latin et en allemand) où se mêlent théologie, histoire, exégèse, le tout assaisonné de beaucoup de polémique, contre les catholiques, évidemment, mais aussi, à l'occasion, contre certains coreligionnaires défendant des théories inacceptables pour ce luthérien de la stricte observance. On ne s'attardera pas ici sur cette énorme production, bien analysée dans l'article de J.-F. Gilmont (D.H.G.E., 17, 1971, col. 312-315). C'est sa réalisation majeure, l'Histoire ecclésiastique, qui retiendra maintenant toute notre attention.

 

Ecclesiastica Historia, integram Ecclesiae Christi ideam... complectens

L'annonce du projet - Flacius a pris conscience fort tôt de la nécessité d'une histoire de l'Église envisagée du point de vue protestant. Dès 1552, il rédige une note à ce sujet, Scheda de conscribenda historia ecclesiastica, adressée au Conseiller impérial C. Nidbruck, dans laquelle il fait part de son projet : « Il serait utile de composer une histoire ecclésiastique où l'on montrerait dans l'ordre, selon la succession des temps, de quelle façon la véritable Église et sa religion, de la pureté et simplicité premières, peu à peu [...] sont allées en déclinant vers le pire... » (cf. A. Minerbi Belgrado, L'avènement du passé, p. 23-24).

Consultation préalable - Deux ans plus tard, Flacius précise ses idées et les communique plus largement dans une circulaire destinée à d'éventuels collaborateurs : Consultatio de conscribenda accurata & erudita historia Ecclesiae. Cette nouvelle histoire de l'Église devrait montrer comment le sens authentique du message évangélique a été progressivement trahi par les disciples des apôtres et leurs successeurs, comment on y a ajouté des éléments étrangers à l'enseignement de Jésus, le célibat des prêtres, le culte des saints, des reliques, des images, la primauté du pape. La vraie doctrine s'est pourtant maintenue de siècle en siècle chez un certain nombre de fidèles dont les Réformés sont aujourd'hui les héritiers.

Flacius insiste aussi sur l'originalité de l'ouvrage qu'il se propose d'entreprendre. Plutôt que de s'étendre sur les personnages marquants, leurs vertus, les miracles qu'ils ont accomplis, thèmes favoris des histoires ecclésiastiques existantes, on traitera ici de la doctrine chrétienne et de son évolution, on s'intéressera aux controverses théologiques à propos de la messe selon le rite romain, de l'existence du purgatoire etc. L'auteur envisage aussi les questions pratiques, et dans le détail. On aura besoin, dit-il, de beaucoup de livres, imprimés et manuscrits, de théologie et d'histoire, qu'il faudra rechercher, pour bien faire, dans toute la Chrétienté. Il faudra donc beaucoup d'argent. et une organisation du travail qui ne pourra être que collectif : un chef d'équipe (rector), assisté de quatre collègues, aux tâches bien déterminées mais qui devraient aussi en discuter, non seulement entre eux mais avec des hommes pieux et doctes, qu'ils pourraient consulter soit de vive voix, soit par correspondance. Le travail, selon Flacius, pourrait être réalisé en cinq ans et, assez curieusement, celui qui devait en être le maître d'œuvre déclare ici qu'il ne le souhaite pas, qu'il n'en est pas capable et que, d'ailleurs, il est retenu par d'autres tâches.

Une publication préliminaire - En 1556, Flacius publie un ouvrage qui illustre à nouveau la thèse ‒ fondamentale ‒ selon laquelle l'Église catholique a constamment trahi le message évangélique mais que celui-ci a toujours été préservé dans un noyau de fidèles dont les Protestants sont les héritiers. C'est le Catalogus testium veritatis qui ante nostram ætatem Pontifici Romno ejusque erroribus reclamaverunt. Il s'agit essentiellement d'un recueil de documents, publiés intégralement ou en résumé, où s'expriment moins les « témoins de la vérité » que les opposants à la papauté, Marsile de Padoue, par exemple, et son Defensor pacis, ou L. Valla et sa Declamatio, De falso credita et ementita Constantini donatione. Les centuriateurs disposeront là d'une masse de matériaux susceptibles de soutenir leur argumentation antipapiste.

Rédaction et publication des Centuries

L'organisation du travail prévue dans la Consultation de 1554 s'est rapidement mise en place. Cinq gubernatores sont désignés pour diriger les opérations ; ils sont secondés par deux magistri (ou architecti) et sept studiosi. Les tâches sont réparties entre les membres de cette équipe : certains s'occupent des questions matérielles, d'autres vont parcourir quasiment toute l'Europe à la recherche des matériaux indispensables, livres et manuscrits, mais la rédaction de l'ouvrage suppose d'abord qu'on en établisse le plan. On va opter pour une double division de la matière, d'abord chronologique, secundum singulas centurias, comme l'indique le titre ; à l'intérieur de la centurie, sont traités successivement seize sujets : 1. Introduction (caractères généraux de la période) ; 2. État de l'Église et extension géographique ; 3. Persécutions et périodes de paix ; 4. Doctrine (chapitre essentiel) ; 5. Hérésies (complément du chapitre précédent) ; 6. Cérémonies et rites liturgiques ; 7. Administration, gouvernement de l'Église ; 8. Schismes ; 9. Conciles ; 10. Grands personnages de l'Église ; 11. Hérétiques ; 12. Martyrs ; 13. Miracles ; 14. Affaires politiques du judaïsme ; 15. Religions non chrétiennes ; 16. Évolution du monde politique. Sans doute ce plan n'est-il pas sans inconvénient. La division du cours de l'histoire en siècles a évidemment quelque chose d'artificiel : le cours des événements ne se soucie pas de cette chronologie ; et la liste des seize sujets retenus devait entraîner des répétitions (entre les chapitres 5 et 11, par exemple). Mais cette architecture un peu rigide permettait de dessiner un tableau complet de l'histoire de l'Église et de mettre en évidence ce qui, pour les Centuriateurs, était l'essentiel, l'évolution de la doctrine.

L'Histoire ecclésiastique de Magdebourg commence à paraître en 1559 (trois premières Centuries) et les volumes suivants s'échelonnent jusqu'en 1574. On est arrivé alors à la XIIIe Centurie et l'entreprise n'ira pas plus loin. L'équipe des gubernatores, qui a évidemment connu des changements depuis sa formation, a perdu Flacius, qui mène une vie errante depuis des années et qui va mourir en 1575 ; les autres, en désaccord sur des questions théologiques, se dispersent. Le dernier gubernator, Wigand, membre du groupe dès l'origine, et des plus actifs, reste fidèle au poste et essaye d'achever l'ouvrage, sans succès. Ne restent que quelques fragments de ses ultimes travaux.

Valeur historique

Bien que le titre de l'ouvrage annonce une histoire réalisée avec grand soin et honnêteté, puisée aux meilleures sources, le but apologétique et le goût pour la polémique des auteurs sont évidents. Quelques extraits repris ci-dessous le montrent fort bien. Sur quelle base, par exemple, les Catholiques fondent-ils la primauté du pape ? Sur rien d'autre que des passages du Nouveau Testament mal interprétés (T 1). Et pourquoi s'opposer au mariage des prêtres alors qu'Athanase dit qu'il a connu des moines et des évêques mariés, pères de famille, et que d'autres auteurs rapportent le même fait (T 2) ? Quant au culte des saints, de leurs statues, de leurs reliques, il n'y a là que des inventions des papes, vicaires de l'Antéchrist (T 5). Les centuriateurs manqueraient-ils totalement d'esprit critique ? Certainement pas mais, comme le remarque E. Fueter, et d'autres, ils n'en font usage « que quand la tradition contrarie leur tendance antipapiste » (Histoire de l'historiographie moderne, Paris, 1914, p. 312). C'est le cas dans le passage qu'on vient d'évoquer où l'on traite de la primauté de l'apôtre Pierre : les centuriateurs invoquent une masse de textes scripturaires qui anéantissent la thèse catholique (T 1). De même dans l'affaire de la donation de Constantin justifiant la puissance temporelle du souverain pontife : reprenant des arguments qu'on trouvait déjà chez Lorenzo Valla (langue latine anachronique, silence d'Eusèbe et de tous les probati autores), Flacius et ses associés contestent formellement l'authenticité de ce document (T 3). Mais ils n'ont guère de difficulté à croire en l'existence d'une correspondance entre le Christ et le roi Abgar, sujet sans doute indifférent à leurs yeux, pas plus qu'à admettre la légende de la papesse Jeanne, qui leur convient, même si O. Panvini en avait déjà démontré le caractère fabuleux (cf. Polman, Flacius Illyricus, p. 60-61 ; A. Boureau, La papesse Jeanne, Paris, 1988, p. 266-269 ; sur la correspondance Jésus-Abgar, voir R. Simon).

La conception que les centuriateurs ont de l'histoire est un autre point qui mérite qu'on s'y arrête quelque peu. Flacius et ses collègues ne distinguent guère l'histoire de la théologie. C'est l'action de Jésus-Christ dans son Église qu'ils veulent décrire : « Quod ad nos attinet... est... nostrum unicum ac principale institutum historiam Domini nostri Jesu Christi ad eum nodum exponere, ut quae sunt in ea præcipui momenti... considerari possint » (Cent. I, Lib. II, dédicace à l'électeur palatin, cité par Polman, ibid, p. 39, n. 2). On ne doit donc pas s'attendre de leur part à une étude détaillée des causes des événements. L'histoire de l'Église se réduit à une lutte entre Dieu et Satan, entre la lumière et les ténèbres. Le plan retenu dans leur histoire ne se prêtait d'ailleurs pas à un examen sérieux des liens de causalité. Le découpage de la matière en siècles et, dans chacun de ceux-ci, en rubriques spécialisées, isole nécessairement les éléments les uns des autres et masque les enchaînements éventuels.

La méthode historique de Flacius et des centuriateurs n'est donc pas parfaite, il s'en faut de beaucoup. Il n'empêche que leur œuvre a d'incontestables mérites, et d'abord celui d'offrir au lecteur une masse énorme d'informations, bien classées et couvrant tous les aspects de l'histoire de l'Église. Il faut y ajouter le soin que prennent les auteurs d'indiquer et de produire les sources sur lesquelles ils se fondent : on se trouve ici, souligne P. Polman (ibid., p. 55) devant une « accumulation gigantesque de matériaux anciens et nouveaux. »

 

Réception

Ce dernier point ne nous retiendra pas longtemps : l'Histoire ecclésiastique de Magdebourg n'a connu en effet qu'un succès très limité. Un indice parmi d'autres, elle n'a fait l'objet d'aucune réédition complète ; on ne relève que quelques traductions, adaptations, toutes partielles. La comparaison avec l'Examen Concilii Tridentini du théologien M. Chemnitz, paru à la même époque, est éloquente : on compte vingt-cinq éditions de cet ouvrage en un siècle et demi. En fait, les Protestants ne se sont guère intéressés aux Centuries. C'est tout à fait net du côté luthérien, où Flacius n'avait pas que des amis et où tout le monde ne partageait pas ses idées en théologie. Dans les milieux calvinistes, l'œuvre fut un peu mieux accueillie ; on entreprit même d'en faire une traduction, adaptée, mais qui ne devait pas aller au-delà de la IVe Centurie. C'est dans le monde catholique que l'Histoire de Magdebourg a eu plus de retentissement, ce qui n'est pas vraiment étonnant. Attaquée dans ses fondements mêmes, la Sainte Église romaine, qui venait de restaurer sa doctrine et sa discipline au Concile de Trente, devait réagir avec vigueur. De nombreux théologiens et polémistes se chargèrent de cette tâche, le plus important d'entre eux étant assurément le futur cardinal Baronius. Entré à l'Oratoire fondé par Philippe Néri, Baronius est poussé par celui-ci et par le cardinal Antonio Caraffa à répondre aux Centuriateurs par une histoire ecclésiastique catholique : l'œuvre, les Annales ecclesiastici, paraîtra en douze volumes in-folio entre 1568 et 1607, couvrant une période qui va des origines à 1198.

 

 

Bibliographie

Texte :

Ecclesiastica Historia, integram Ecclesiae Christi ideam, quantum ad Locum, Propagationem, Persecutionem, Tranquillitatem, Doctrinam, Hæreses, Ceremonias, Gubernationem, Schismata, Synodos, Personas, Miracula, Martyria, Religiones extra Ecclesiam, & statum Imperii politicum attinet, secundum singulas Centurias, perspicuo ordine complectens : singulari diligentia & fide ex vetustissimis & optimis historicis, patribus, & aliis scriptoribus congesta : Per aliquot studiosos & pios viros in urbe Magdeburgica, 13 vol., Bâle, 1559-1574.

Études :

BACKUS I., Images du paganisme dans les Histoires ecclésiastiques du XVIe siècle, dans NARCY M. - REBILLARD E. (éds), Hellénisme et christianisme, Villeneuve d'Ascq, 2004, p.171-195.

‒ BAYLE P., Illyricus (Matthias Flacius), dans Dictionnaire historique et critique, II, p. 839-842
(http://artflsrv02.uchicago.edu/cgi-bin/dicos/baylepublic.pl?objectid=1694).

FATIO O., Hyperius plagié par Flacius. La destinée d'une méthode exégétique, dans FATIO O. - FRAENKEL P. (éds.), Histoire de l'exégèse au XVIe siècle. Textes du Colloque international tenu à Genève en 1976, Genève, 1978, p. 362-381.

GILMONT J.-F., Flacius Illyricus, Mathias, dans Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, 17, 1971, col. 311-326.

LYON G.B., Baudouin, Flacius, and the Plan for the Magdeburg Centuries, dans Journal of the History of Ideas, 64, 2003, p. 253-272.

MINERBI BELGRADO A., L'avènement du passé. La Réforme et l'histoire, Paris, 2004 (Vie des Huguenots, 33).

NORELLI E., L'autorita della Chiesa antica nelle Centurie di Magdeburgo e negli Annales del Baronio, dans DE MAIO R. - GULIA L. - MAZZACANE A. (éds), Baronio storico e la Controriforma. Atti del Convegno internazionale di Studi [Sorani], Sora, 1982, p. 253-307.

POLMAN P., Flacius Illyricus, historien de l'Église, dans Revue d'histoire ecclésiastique, 27, 1931, p. 27-73.

POLMAN P., L'Élément Historique dans la Controverse religieuse du XVIe Siècle, Gembloux, 1932.

‒ SCHEIBLE H., Die Entstehung der Magdeburger Zenturien : ein Beitrag zur Geschichte der historiographischen Methode, Gütersloh, 1966 (Schriften des Vereins für Reformationsgeschichte, 183).

 

Textes choisis

 

T 1 - À propos de la primauté de Pierre

Testimonia etiam de uno Christo, & mediatore, & summo pontifice perpetuo, monent, Christum esse suae ecclesiae caput.qualia sunt, 1.Iohan.2.1. Timot.2. Rom.8. Ebr.4 & 7. & alijs eius epistolae capitibus.

Ex his apparet, apostolos illud dictum, Tu es Petrus, & super hanc petram ædificabo ecclesiam, Matth.16. non intellexisse de Petro eiusque successoribus, aut de ecclesia Antiochena aut Romana, ubi Petrus Evangelium prædicasse fertur, quod ille debeat esse caput Ecclesiae, super quo fundaretur Ecclesia. Nam si ita spiritu sancto illuminati eam sententiam Christi intellexissent, utique ut rem valde Ecclesiae scitu necessariam memoriæ prodidissent. At quoties de capite ecclesiæ loquuntur, eiusque fundamento, neminem præter solum Christum proferunt.(Cent. I. Lib. II. Cap. IIII, col.382).

Argumenta contra primatum Petri

...

Secundum : Quia Christus aliquoties, contendentibus Apostolis de primatu, negavit eos debere imperare & regnare inquit enim : Reges gentium dominantur eis, vos autem non sic. Nec tantum eos non vult dominari, sed etiam vult eos servire & subiectos esse, cum inquit : Qui vult esse maximus, sit minimus. Et quidem proponit se eis pro exemplo, qui venerit in terram, non ut alii serviant, sed ut ipse alijs ministret, idque summa & durissima servitute : ac negat plane, se esse constitutum iudicem : prohibetque severiter, se quenquam magistrum, patrem aut dominum appellare.

...

Septimum : Quod attinet ad locum Mattthæi 16. Tu es Petrus & super hanc petram, &c. haud dubie verissima est interpretatio Pauli, Augustini in multis locis, Hieronymi, Lyrani super hunc locum, & Esaïæ, ac ipsius Petri, qui dicunt, Petra erat Christus. Supra Christum enim, qui est firma petra, non supra Petrum, ædificata est Ecclesia : quia etiam post ascensionem Christi perniciose nutavit, & eodem decimosexto Matthæi paulo post satanas appellatus sit. Quod porro sequitur eodem loco, Tibi dabo claves : recte Patres explicant, quod ad Petrum fermo dirigatur, tamquam omnium Apostolorum personam gerentem, quod etiam ex eo apparet, quod ius clavium hic promissum, Iohan.20. omnibus Apostolis ex æquo datur (Cent. I. Lib. II. Cap.VII, col.524-526).

 

T 2 - À propos du mariage des prêtres

De coniugio sacerdotum, Athanasius in epistola ad Dracontium, ait se novisse & monachos & episcopos conjuges, & liberorum patres. Imo apparet & ex Hieronymo in epistola ad Demetriadem, presbyteros habuisse uxores : Dives, inquit, quidam presbyter duas filias in virginali proposito relinqueret, &c. Ex lib.1. adversus Iovinianum ait : Quasi non hodie quoque plurimi sacerdotes habeant matrimonia : & Apostolus episcopum describit, unius uxoris virum, habentem filios cum omni castitate. Et Epiphanius libro 2. tom.2., Dices mihi omnino, in quibusdam locis adhuc liberos gignere presbyteros, & diaconos, & hipo diaconos. quamvis ibi Epiphanius conetur ista improbare (Cent. IIII. Cap. IIII, col.267).

 

T 3 - À propos de la Donation de Constantin

Ceterum neque Constantinum Magnum Romanis episcopis ea donasse, quæ referuntur donata : neque formulam illam privilegij hoc seculo, neque aliquot sequentibus esse scriptam, ex multis argumentis animadversari potest. Nam de ea nulla apud probatos autores expresse sit mentio per aliquot secula. Neque enim historici eius meminerunt quales sunt Eusebius, Eutropius, Ruffinus, Socrates, Theodoretus, Euagrius, Paulus Diaconus, Beda, Orosius, Zonaras, Nicephorus, & similes : neque ij qui vitas Imperatorum aut Pontificum scripserunt, ut sunt Hieronymus & Damasus, qui etsi quædam de donis Constantini dicit tamen alij insignes ecclesiarum doctores, quorum monumenta extant, ut Athanasius, Basilius, Ambrosius, Optatus Milevitanus, Gregorius Nyssenus, Gregorius Nazianzenus, Augustinus, Chrysostomus, neque ipsi Romani episcopi in concilijs, cum onus probandi suum primatum sustinuerunt, huius donationis, quæ sane sacra ipsi fuisset anchora mentionem fecerunt, ut suo loco demonstrabitur (Cent. IIII, Cap.VII, col.567).

 

T 4 - Le pape Sylvestre

Sylvestrum natione Romanum, patrem habuisse Ruffinum, Damasus cum cæteris eum secutis tradidit. Addidit Antoninus titulo nono, matrem ei fuisse Iustam, re & nomine. Adolescens presbyterum quendam Curionem, recte credentem, eruditum ac pium sectatus est : apud quem pietatis fundamenta iecit, ut Metaphrastes scripsit, solidius autem eam postea percepit a Timotheo Antiocheno quodam, quem Romæ peregrinantem hospitem habuit, & benigne complexus est : sicut in ea ætate, beneficentia & pietate in hospites & pauperes celebris fuit.

Annum agens trigesimum, a Miltiade episcopo diaconus ecclesiæ Romanæ ordinatus est. Quando crudelitate Maxentij seu Constantini nondum conversi, ut Metaphrastes narrat, fugiens urbem sponte deseruit, & solitarius in monte vixit, uti Nauclerus, Platina & alij narrarunt. Vincentius a Tarquinio urbis præfecto incarceratum eum, quod idolis sacrificare noluisset, & post punitum miraculose præfectum, liberatum a Miltiade dixit : lib.decimotertio Speculi, cap.quadragesimo sexto. Miltiade mortuo, populi suffragijs invitus ac repugnans episcopus designatus est consulibus Crispo & Constantino : ut Sozomenus ostendit lib.1. cap.2. Anno Christi, secundum Hieronymum, trecentesimo decimosexto, Constantini imperij 5. quamvis Beda episcopatum Sylvestri cœpisse decimosexto Constantini anno tradiderit.

Factus itaque episcopus, docendi munere fideliter functus est, & vitiosa in ordine ecclesiastico multa emendavit. Clericos enim usuris civilibus vacantes, ad precationes retraxit. Miraculis claruit etiam, quibus multos ad fidem convertit. Quod Constantinum lepra infectum baptizavit, & donationes ab eo regnorum, terrarum & aliarum preciosissimarum rerum acceperit, hæc quomodo fidem excedant, & impudentissima sint commenta, diu post Constantinum & Sylvestrum nata, suo loco retulimus... (Cent. IIII, Cap. X, col.1272-1273)

 

T 5 - Misère de l'Église au VIIIe siècle

Octavo seculo, cuius historiam nunc, Deo benedicente, sumimus, Imperatores vixerunt Absimarus, Iustinianus, Philippicus, Artemius, qui & Anastasius dicitur, Theodosius, Leo Isaurus, Constantinus Copronymus, Leo filius eius, Constantinus & Irene.

Ecclesiæ Dei facies eo deformior et tristior est, quod a duabus Antichristis, uno intus, altero foris grassante, misere affligitur & dilaniatur. Saraceni enim, Mahometi blasphemijs addicti, Asiam & Africam opprimunt, atque in ipsas enim Hispanias & Gallias sese effundunt, Græciam & Thraciam atque ipsam Italiam infestant ac bene constitutas Respublicas & urbes evertunt, ipsasque ecclesias Dei horribiliter destruunt, ac Christi religionem passim extirpant : eaque ratione partim novitatis studio, partim vi & tyrannide, ad impietatem suam numerosissimam Christianorm multitudinem pertrahunt.

Pontifices vero Romani, Antichristi in templo Dei sedentis mancipia seu vicarij, cultum deorum alienorum instituunt : & Christo æterno nostro pontifice remoto, Sanctos mortuos intercessores pro genere humano decernunt : eosque invocatione, statuarum & imaginum erectione, templorum & altarium extructione & consecratione, reliquiarum translatione, auro, argento, gemmis, Missis, candelis, suffitu, geniculatione, honorati & coli præcipiunt. Doctrinam cœlestem corrumpunt : Sacramenta, ut baptismum & cœnam, a Domino instituta, traditionibus humanis contaminant, & in alios usus transferunt.

Ritus Ecclesiasticos, ad ædificationem institutos, in superstitiosum Baalismum convertunt : abiecto & neglecto munere, pure & syncere doctrinam cœlestem propagandi (Cent. VIII, Cap .I, col.1)


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4 novembre 2016


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