Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 51b-70a
Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)
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CONSTANTIN LE GRAND
Ans 308-330 de l'Incarnation
Texte et traduction
La vision que Jean d'Outremeuse se fait de Constantin et des événements de son époque occupe quelque vingt pages du Myreur (II, p. 51b-70a), que nous avons divisées en six sections. Si Constantin y est, à juste titre, très présent, on rencontre aussi d’autres notices qui n’ont, avec l’empereur romain, qu’un rapport chronologique, notamment le début de l'histoire de saint Servais, évêque de Tongres. Mais pareil mélange est dû aux impératifs du genre de la chronique.
On trouvera ci-dessous un bref résumé du contenu de ces sections.
La première section (II, p. 51b-54a), qui, dans la chronologie de Jean, couvre les années 308-311 de l'Incarnation, est consacrée aux événements qui ont permis ou accompagné l'accession au pouvoir de Constantin. La notice principale est que l'empereur est devenu seul maître de l’Empire, mais cette période a vu se dérouler d'autres événements liés notamment à l'Église ou à des mouvements de population (notamment les Huns).
La deuxième section (II, p. 54b-57a), qui couvre les années 311-315, traite de deux sujets : d'abord la maladie de l'empereur, sa conversion et son baptême par le pape Sylvestre, ainsi qu'une série de décisions favorables aux chrétiens, comme la réfection d’églises et la déclaration de la supériorité pontificale ; ensuite des opérations militaires qu'il est amené à faire contre les peuples qui lui refusent le tribut (les Espagnols, les Frisons, les Alamans sont tous vaincus ; seuls les Gaulois sont victorieux). Suivent quelques brèves notices, portant notamment sur les évêques de Tongres (Maximien et Valentin).
La troisième section (II, p. 57b-61a), qui couvre les années 315-320, évoque la victoire de Constantin sur les forces de Maxence, venues l’attaquer à Rome et battues au pont Milvius grâce à l’étendard chrétien. Ce dernier événement amène Constantin à prendre d’autres décisions favorables aux chrétiens : il construit et organise des églises à Rome ; il lègue aussi, pour toujours, Rome à la papauté. Cette section contient encore un long développement consacré à l’épisode de l’Invention de la Sainte-Croix, où interviennent Hélène, la mère de l’empereur, ainsi qu’un Juif du nom de Judas, lequel, une fois baptisé, recevra le nom de Quiriacus.
La quatrième section (II, 61b-63a), qui couvre les années 321-327, toujours de l'Incarnation, aborde un sujet religieux qui va très largement marquer les esprits au IVe siècle, l’arianisme, dans l’évolution duquel, notamment avec le concile de Nicée, Constantin joue un rôle central. Elle évoque également d'autres questions religieuses, comme des ordonnances papales, des récits de miracles et de conversions, ainsi que quelques sujets d'histoire militaire, comme les progrès des Huns.
La cinquième section (II, p. 63a-67b), qui couvre les années 328-330, constitue la première partie d’une longue biographie, celle de saint Servais, dixième évêque de Tongres, bibliographie qui se prolongera sur plusieurs fichiers (II, p. 75 ; p. 89-94 ; p. 96-99).
Dans la
sixième et dernière section (II, p. 67-70), le chroniqueur revient à
Constantin, pour évoquer d'abord des événements qui ont marqué l'Empire (les
Huns) et l'Église (les papes
Note importante
Ce présent exposé sur Constantin, étant donné sa grande importance, n'est pas accompagné, comme les précédents, par un simple fichier de notes de lecture, mais développé par un groupe de fichiers indépendants, qui sont autant de dossiers de lecture. Désignés par les signes D01, D02, D03, D04, D05, D06 et D07, ils abordent chacun une série de questions particulières mais, pour faciliter le travail du lecteur, un fichier particulier les rassemble tous en fournissant pour chacun d'eux une table des matières assez détaillée donnant directement accès aux données.
A. L'ACCESSION DE CONSTANTIN AU POUVOIR (II, p. 51b-54a) (308-311)
Après sa victoire sur Maxence et Galère, Constantin devient seul empereur durant trente ans - Papauté : Eusèbe, puis Miltiade - Varia (Huns, Hongrois, Danois, succession à Louvain et en Flandre, sainte Hélène et la Sainte-Croix, saint Martin de Tours, etc.)
Sommaire
Après la retraite à Milan de Dioclétien mutilé et la mort de Maximien Hercule en Gaule, ses fils Maxence et Galère, très hostiles aux chrétiens, sont élus empereurs - Maxence fait décapiter le pape Marcel - Dioclétien intronise empereur un sénateur, le futur Constantin le Grand (308) |
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[II,
p. 51b] [De Maxenche
l’emperere et Galerien] Ors est raison que je vos die dont
[II, p. 52] chis emperere Maxenche
venoit, et cuy ilh estoit. Vos saveis que Dyocletiain n'avoit que unc pugne,
se ne poioit plus chevalchier. Et Maximiain Hercules si avoit assembleit ses
oust l'an IIIc et VI, en mois de julle, si estoit alleis en Galle où ilh oit
batalhe aux Sycambiens, sy fut mors ly emperere en la batalhe et les Romans
desconfis, si revinrent les fuyans à Romme sour l'an IIIc et VII. Et à cel
temps estoit Dyocletiain aleis à Melan ; si constituat Constantin le
Gran, le fis sainte Helaine, emperere por luy, et renunchat à l'empire. |
[II,
p. 51b] [L’empereur
Maxence et Galère] Il est maintenant temps que je vous dise d’où
venait [II, p. 52] cet
empereur Maxence et qui il était. Vous savez que Dioclétien n’avait qu’un
poing et ne pouvait plus se déplacer à cheval. Quant à Maximien Hercule,
il avait rassemblé ses armées en juillet 306 et s'était rendu en Gaule où il avait
livré bataille aux Sicambres. L’empereur avait été tué au combat et les
Romains, battus et mis en fuite, étaient rentrés à Rome en l’an 307. À ce
moment, Dioclétien était allé à Milan. Il établit Constantin le Grand, le
fils de sainte Hélène, comme empereur pour le remplacer et il renonça à
l’empire. |
Le
poing de Dioclétien : C’est l’histoire racontée en
II, 49, et qui est,
comme tout le récit du combat contre les Sicambres devant Tongres, une invention
de Jean d’Outremeuse. Dioclétien avait abdiqué en 305 de notre ère en même
temps que Maximien. Il s’était retiré à Split dans son palais où il mourra en
311 de notre ère.
Tué
au combat :
Précisons que, dans l’Histoire, Maximien n’a pas été tué en opérations. Après
son abdication de 305 en même temps que Dioclétien, il a repris du service en
307 et n'est mort qu’en 310 (de notre ère toujours).
Constantin le Grand : Précisons que, dans l’Histoire, ce n’est pas Dioclétien qui établit Constantin empereur. C’est l’armée de Bretagne qui, à la mort naturelle de Constance Chlore en 306, proclama empereur le fils de celui-ci, Constantin. Sur tous ces événements, cfr notre Dossier01.
Constantin sénateur : Dans l’Histoire, Constantin n’était pas un sénateur, mais « un
militaire et un pragmatique, dont les facultés de conceptualisation paraissent
avoir été très limitées » (M. Le Glay, Histoire romaine, 1991, p. 455)
Galère et
Maxence son frère :
Maxence est effectivement le fils de Maximien, mais ce n’est pas le cas de
Galère. Dans l’Histoire, Galère, lors de l’abdication de Dioclétien et de
Maximien en 305, était devenu tout légitimement Auguste pour l’Orient ; à Rome,
Maxence, choisi par les prétoriens, n’avait pas la même légitimité que Galère,
mais pour Rome et la Ville il était considéré comme l’empereur. Sur tout ceci
aussi, cfr
notre
Dossier01.
[p.
52] [L’emperere fist
des englieses de Romme estaubles de biestes et des cristiens gardeurs] Chis Maxenche, le promier
fais qu'ilh fist chu fut qu'ilh fist des englieses parmy Romme estaubles de
biestes, et faisoit lesdit biestes
gardeir des cristiens ; et portant que ly pape Marcel en parlat, sy fut
decolleis, enssi com dit est. |
[p.
52] [L’empereur transforma des églises de Rome en étables et les chrétiens
en gardiens de bétail] La première chose que fit
ce
Maxence fut de transformer
certaines églises de Rome
en étables pour les animaux et d’installer des chrétiens pour les garder.
Comme le pape [Marcel] avait
protesté, il fut décapité, comme on l’a dit [II, p. 51]. |
Étables : Cfr les notes du fichier précédent.
À Rome, Constantin vainc
Maxence et Galère et devient seul empereur durant trente ans - Consécration du pape Eusèbe |
|
[p.
52] [Constantin
desconfist les II empereres et regnat tou seul com XXXVIIIe empereir] La saingnorie Maxenche durat
pau de temps, car quant Constantin revint à Romme, sy soy combattit aux II
dittes empereres et les desconfist ; mains Maxenche
passat mere et s'en allat en
Alixandre, où ilh fist puis des mals asseis, enssi com vos oreis chi-apres.
|
[p.
52] [Constantin défit les deux empereurs et régna seul comme
trente-huitième empereur] Le pouvoir de Maxence dura
peu. Quand Constantin revint à
Rome, il combattit les deux empereurs et les défit. Mais Maxence prit la mer
et se rendit à Alexandrie, où il provoqua beaucoup de malheurs, comme vous
l’apprendrez ci-après [cfr II, p. 53]. |
Et
Galeriain priat merchi à Constantin, qui le rechuit benignement, et ly
donnat la terre de Asie et de tout Orient à tenir et gardeir ; et chis y
alat. Enssi fut Constantin emperere, et regnat XXX ans III
mois et XIX
jours mult valhamment. |
Galère demanda grâce à Constantin, qui l’accueillit favorablement et lui confia la direction et la garde de l’Asie et de tout l’Orient. C’est ainsi que Constantin devint empereur. Il régna très courageusement durant trente ans, trois mois et dix-neuf jours. |
[Eusebius
pape XXXIIIe] Item, apres la mort le pape Marcel, quant li siege oit
vaqueit XI
jours, fut consacreis unc preistre qui fut nommeis Eusebe, qui fut
de la nation de Greche, et fut li fis Gerlasse, unc Mede ; lyqueis tient
le siege XVIII mois et VI jours, et, selonc Martiniain, Il ans III mois eL
XVII jours, et, solonc Damaise, VI ans I mois et III jours (variante
manuscrite chez Bo). |
[Eusèbe, trente-troisième pape] À
la mort du pape Marcel, après
onze jours de vacance du siège, fut consacré pape un prêtre du nom d’Eusèbe,
originaire de Grèce, fils de Gerlas, un Mède. Il occupa le siège dix-huit
mois et six jours ; selon Martin, deux ans, trois mois et dix-sept jours, et
selon Damase, six ans, un mois et trois jours. |
Varia :
Succession à
Louvain - Les Huns, battus par les Hongrois et les Danois, se réfugient en
Russie - Invention de la Sainte-Croix par sainte Hélène, célébrée
annuellement dans l’Église - Le
pape
Miltiade succède à Eusèbe - À Alexandrie, Maxence martyrise sainte Catherine
et d’autres chrétiens - Succession en Flandre - Saint Maximien de
Tongres
fonde la première église de la Sainte-Croix - Renouveau chrétien à Antioche
- Les Huns battus en Pannonie deviennent les Vandales - Le futur saint
Martin de Tours, originaire de Pannonie (308-311) |
|
[De
conte de Lovay] En cel an, en mois de decembre, morut
Brabantinus, ly
conte de Lovay et duc de Lotringe : chis avoit II fis, ly anneis oit nom
Ector, [II, p. 53] qui fut conte de
Lovay et de Brabant, car Brabantinus apellat son pays Brabant apres
son nom, et regnat VIII ans ; et ly aultre fis fut nommeis
Porus, et fut dus de Lotringe. |
[Le comte de Louvain]
Cette
année-là [308], en décembre, mourut Brabantinus, comte de Louvain et duc de
Lotringe. Il avait
deux fils.
L’aîné, nommé Hector [II, p. 53], fut durant huit ans comte
de Louvain et de Brabant, car Brabantinus avait appelé son pays Brabant à
partir de son propre nom. Le cadet, nommé Porus, fut duc de Lotringe. |
Porus, duc de Lotringe : On ne confondra pas ce Porus, duc de Lotringe,
avec le Porus, duc de Gaule (II, p. 34 à 40, notamment). C’est Porus, duc de
Lotringe [et aussi comte de Louvain à la mort de son frère Hector], qui autorisera saint Servais à demeurer à Maastricht où il lui abandonnera
le pouvoir temporel (cfr II, p. 66-67). Sa mort sera signalée en
II, p. 74.
Porus est dans Ly Myreur un nom assez
courant. On en rencontrera un autre (II, p. 53) quelques paragraphes
plus loin, cette fois
comme comte de Flandre.
[p.
53] [L’an XXXc et IX –
Les Huens furent desconfis des Hongrois et Dannois] Item, l'an IIIc et IX, en mois de
may orent batalhe les Huens contre le roy de Hongrie et le roy de
Dannemarche, sy
furent les Huens desconfis et renfuirent
vers le royalme de Rossie qu'ilh avoient conquis. |
[p.
53] [An 309 - Les Huns furent défaits par les Hongrois et les Danois]
L’an 309, en mai, eut lieu une bataille entre les Huns d’une part, les rois
de Hongrie et de Danemark de l’autre.
Les Huns furent battus et s’enfuirent vers le royaume de Russie qu’ils
avaient conquis. |
[Sainte
Helaine à chi temps trovat la sainte crois]
En cel an, le VIIIe jour d'awoust,
morut ly pape de Romme Eusebe, à cuy temps sainte
Helaine, le mere Constantin l'emperere,
trovat la sainte crois Nostre-Sangnour Jhesu-Crist. Et chu fut le IIIe jour
de may devant la mort de pape Eusebe ; si en fist ly pape, à la supplication
de l'emperere Constantin, la fieste celebreir à Sainte-Engliese tous les ans
à cheli jour. Chis pape Eusebe fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte.
|
[Sainte Hélène découvrit la Sainte-Croix à cette
époque] Cette année-là [309], le 8 août, mourut Eusèbe, le
pape de Rome. À cette époque, sainte Hélène, la mère de l’empereur
Constantin, découvrit la Sainte-Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce
fut le 3 mai, avant la mort du pape Eusèbe. À la demande de l’empereur
Constantin, le pape fit célébrer tous les ans, à cette date,
cette fête dans la Sainte-Église. Ce pape Eusèbe fut
enseveli dans le cimetière Saint-Calixte. |
[Melchiades
le XXXIIIIe pape] Apres sa mort fut consacreis Melchiades, qui fut de la
nation d'Affrique, lyqueis tient le siege II ans IIII mois et II jours, et,
solonc sains Ambroise et Jerome et
Prosper, IIII ans, et Martiniain dist III ans VI mois et VIII
jours. |
[Miltiade, trente-quatrième pape]
Après la mort d’Eusèbe fut consacré Miltiade, originaire d’Afrique. Il occupa
le siège deux
ans,
quatre mois et deux jours. Saint Ambroise, saint Jérôme et Prosper disent
quatre ans, et Martin, trois ans, six mois et huit jours. |
[Maxenche
fist decolleir sainte Katherine et pluseurs aultres sains]
En cel an fist ly faux
emperere Maxenche, qui de Romme estoit fuys en
Alixandre, rechivoir martyr la benoite
virgue sainte Katherine, et mult d'aultres fis de Sainte-Engliese awec lée,
en la citeit de Alixandre, enssi qu'ilh faite mension en sa legente. |
[Maxence fit décapiter sainte Catherine et
beaucoup d’autres saints] Cette année-là, le faux empereur Maxence, qui avait fui Rome pour gagner Alexandrie [cfr
II, p. 52], martyrisa dans cette
dernière cité la
bienheureuse vierge sainte Catherine, et avec elle beaucoup d’autres fils de la
Sainte-Église,
comme le mentionne le récit de sa vie. |
Sainte-Croix : L’épisode
de l’Invention de la Sainte-Croix sera exposé en détail par Jean plus loin (II,
p. 58-61). On notera dans une des notices suivantes que, selon Jean d’Outremeuse,
Tongres, à l’initiative de son évêque Maximien, aurait accueilli la toute première
église fondée en l’honneur de l’Invention de la Sainte-Croix.
Sainte
Catherine :
On trouvera le récit de sa vie dans Voragine, Légende dorée, ch. 168, p. 975-985, p. 1466-1469, éd. A. Boureau.
Voragine hésite sur le nom de l’empereur en cause : Maxence (p. 976) mais
« Maxence ou Maximin » (p. 982 et 984).
[p.
53] [De conte de
Flandre]
En cel an, en mois de decembre, morut Anthenoir ly conte de
Flandre ; si fut
conte apres luy son fis Porus, qui regnat VI ans. |
[p.
53] [Le comte de Flandre] Cette année-là [309], en décembre,
mourut
Anténor, le comte de Flandre. Porus,
son fils, lui succéda pendant six ans. |
[D’evesque
de Tongre – Le promier engliese de la sainte Croix] Item, l'an IIlc et X, fondat sains
Maximyn, l'evesque de Tongre, une engliese à
Tongre en l'honneur de l'Invention
Sainte-Crois, et cel fut la promier qui fut fondée en monde ; et y mist XII
noires moynes et uns abbeit, à une roige crois sour leur vestimens emmy le
pis. |
[L’évêque de Tongres - La première église de la
Sainte-Croix] En 310, saint Maximien, évêque de Tongres,
fonda dans cette ville une église en l’honneur de l’Invention de la Sainte-Croix. Ce fut la première
dans
le monde. Il y installa douze moines en robes noires et un abbé ; ils
portaient une croix rouge sur leur vêtement au milieu de la poitrine. |
[Les
martyres et englieses d’Antyoche furent remises en reverenche] En cel an fisent les
cristiens refaire la citeit de Antyoche, et les englieses et les ymages, et
fisent Ies corps de cheaux cuy ons avoit
fait rechivoir martyr ensevelir
mult benignement. |
[On vénéra à nouveau les martyrs et les églises
d’Antioche] Cette année-là, les chrétiens firent reconstruire
la ville d’Antioche, ainsi que les églises et les statues. Ils firent
aussi ensevelir avec beaucoup de respect les corps de ceux qui avaient reçu
le martyre. |
[Les
Huens furent desconfis en Pannoine et leur roy mors, et refisent Wandalus à
roy]
Item, l'an IIIc et XI, furent les Huens desconfis contre le roy
de Pannoine ; si
perdit ly roy mult de gens, mains les Huens furent desconfis et leur roy
mors. Si renfuirent leur voie en Rossie, et refisent I altre roy qui fut
nommeis Wandalus, qui apellat ses gens wandales. |
[Les Huns furent battus en Pannonie et leur roi
tué - Ils choisirent Vandalus comme roi] En 311, les
Huns furent battus dans une
guerre contre le
roi de Pannonie. Le roi perdit beaucoup de gens, mais les Huns furent battus
et leur roi tué. Ils s’enfuirent en Russie [cfr II, 63], et choisirent un autre roi,
nommé Vandalus, qui appela ses sujets Vandales [cfr
II, p. 18] |
Vandales : Un article entier dans les FEC, t. 48, 2024, a été consacré à la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Vandales dans le Myreur des Histors. |
|
[De
sains Martin de Tour]
Sains Martin de Tour fut ly fis d'on
chevalier de chi pays de Pannoine, qui fut ly gemmes des preistres, et puis
fut evesques de Thours (note Bo), [II,
p. 54] enssi com vos
oreis
chi-apres : ilh estoit neis à cheli temps, mains ilh estoit mult jovenes. |
[Saint Martin de Tours]
Saint
Martin de Tours est le fils d’un chevalier de ce pays de Pannonie. Il fut la
perle des prêtres, avant de devenir évêque de Tours, [II,
p. 54]
comme vous l’apprendrez ci-après [cfr II, 62,
p. 85,
p. 87,
p. 110,
p. 119,
p. 165,
p. 174,
p. 260]. Il était
né
à l’époque où nous sommes, mais il était encore très jeune. |
[L’an
IIIc et XI]
Item, en cel an, le Xe jour de decembre, morut à Romme ly pape
Melchiades ; sy
fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. |
[An 311]
Cette
année-là, le 10 décembre, mourut à Rome le pape
Miltiade. Il fut
enseveli dans le cimetière Saint-Calixte. |
B. Les premières années de son règne (II, p. 54b-57a) (311-315)
La maladie de Constantin, sa conversion et ses décisions en faveur
des chrétiens - Ses
guerres contre les peuples tributaires - Varia
Sommaire
Constantin, malade de la lèpre, est guéri par le pape
Sylvestre et se
fait
baptiser - Ses décisions en faveur de la papauté et de la
chrétienté (311-313) |
|
[II, p.
54] [Sains Silvester
pape le XXXV] Apres sa mort vacat ly siege XV jours, et apres,
assavoir le XXVe jour de decembre, fut consacreis unc proidhons cardinals,
qui fut nommeis Silvestre, qui fut de la nation de Romme, le fis Ruffins, I
senateur, et tient le siege XXIII ans et VI jours. |
[II, p.
54] [Saint Sylvestre, trente-cinquième pape]
Après la mort [de Miltiade], le siège papal fut vacant quinze jours.
Ensuite,
le 25 décembre, fut consacré pape un sage cardinal, appelé Sylvestre,
originaire de Rome, fils de Rufin, un sénateur. Il occupa le siège
vingt-quatre ans et six jours. |
[Del
lepre Constantin l’emperere incurable ; fours que par sains Silvestre]
En cel an, le derain jour de
decembre, prist à l'emperere Constantin une maladie mult angousseux, que ons
nomme le lepre, chu est mesellerie, de laqueile
l'emperere estoit sy sourpris que ilh
depechoit tout sa chair et ly purissoit. Cest maladie menat l'emperere IX
mois, et apres les IX mois, en la fin d'octembre, l'an del Incarnation IIIc
et XII, s'aparurent à l'emperere Constantin, en son dormant, les II apostles
sains Pire et sains Poul, lesqueiles dessent à l'emperere que ilh ne seroit
jamais garis de sa maladie que ilh avoit sy crueux, se chu n'estoit par le
pape Silvestre ; mains par cheli poroit estre garis, se ch'estoit son
plaisir. |
[La lèpre de l’empereur Constantin, qui ne peut
être guérie que par saint Sylvestre] Cette
année-là [311], le dernier jour de décembre, l’empereur Constantin attrapa
une maladie très pénible, qu’on appelle la lèpre. Il en était si
affecté que toute sa chair était atteinte et pourrissait. Il en
souffrit pendant
neuf mois ;
puis, après ces neuf mois, à la fin octobre 312 de l’Incarnation, les deux
apôtres saint Pierre et saint Paul lui apparurent pendant son
sommeil et lui dirent que seul le pape Sylvestre pourrait le guérir de cette
maladie si cruelle. Mais encore pour cela fallait-il que ce pape accepte. |
[p.
54]
Et quant l'emperere entendit
chu, si fut mult joians et desiroit grandement à veoir que ilh fust jour, et
tant que à la journée ilh se levat, et mandat le pape Silvestre qui tantoist
vient à son mandement, et encordont ilh quidoit que ilh le vosist
martyrisier. Adont parlat ly emperere Constantin à pape, et li dest enssy :
« Sires sains peire, je prie merchi à Dieu et à vos, et vos prie que moy
veulhiés garir, s'ilh vos plaist, de la crueux maladie
de la lepre qui moy devore le
cuer et le corps, dedens et dehors, et ay ens jeut IX mois, et n'en puy de
ley estre garis se par vos non. » Quant ly pape Silvestre entendit
l'emperere, si fut mult joians, se dest à l'emperere : « Sires, se vos
voleis estre garis, dont convient-ilh que j'ay la medichine de vostre cuer,
ou altrement vos ne sereis garis. » |
[p.
54] En
entendant cela, Constantin fut très content. Il désira ardemment voir arriver le jour et, quand celui-ci parut, il se leva et manda le pape
Sylvestre qui vint aussitôt, croyant que l’empereur voulait le
martyriser. Mais Constantin
s’entretint avec le pape et lui dit ainsi : « Sire Saint
Père, je remercie Dieu et vous-même et je vous prie, s’il vous plaît, de
bien vouloir me guérir de la cruelle
maladie de la lèpre qui me dévore le
cœur et le corps, à l’intérieur et à l’extérieur. J’en souffre depuis
neuf mois et ne puis en être guéri que par vous. » Quand le pape
Sylvestre entendit l’empereur, il fut très content et lui dit :
« Sire, si vous voulez être guéri, il faut que je guérisse d'abord votre
cœur. »
|
Respondit l'emperere à sains
Silvestre : « Sire, je feray chu que vos voreis, mains que je soy
garis ; prendeis teile medicine
qu'ilh vos plaist en mon cuer et salveis
mon corps, mains que je ne mure, car ilh moy plaiste et le concede. »
« Sire, dist li pape, veschi la vraie medichine : [II, p. 55] ilh covient donc que vos
creieis en Dieu Jhesu-Crist, le fis de la virgue Marie, de cuer et ferme
pensée entirement, et puis se prendeis baptemme, et cel aighe, qui sour
vostre corps venrat, est la medichine qui vos garirat. » |
L’empereur répondit à saint Sylvestre : « Sire, je ferai ce que vous
voudrez,
pourvu que je guérisse ; appliquez à mon cœur le remède que vous voulez et
sauvez mon corps, mais que je ne meure pas : c’est ce que je souhaite,
je vous l’accorde. » « Sire, dit le pape, voici le véritable remède. [II, p. 55]
Il faut que vous croyiez en
Dieu Jésus-Christ, fils de la vierge Marie, d’un cœur ferme et d’un esprit
sincère. Vous devrez ensuite recevoir le baptême. L'eau, qui coulera sur votre
corps, est le remède qui vous guérira. » |
[Constantin
fut baptiziet et garis]
Quant l'emperere Constantin entendit chu, sy faite del aighe tantoist
aporteir, et dest en hault : « Je
croy la
Sainte-Triniteit, le Peire, le Fis et le Sains-Espir, et sy croie le vraie
baptemme parfaitement et le demande de cuer. » Et ly pape consecrat et benit
l'aighe, et puis fut ly emperere cuchiés dedens, et sains Silvestre le
baptizat en depriant à Dieu que ilh vosiet là demonstreir myracle. Adont
revient Constantin en son santeit, com devant avoit esteit, et fut plus
sains que uns pessons. Enssi fut l'emperere Constantin baptiziet. Et qui
plainement en vuet avoir la matere, se le prende en la legente sains
Silvestre à Sainte-Engliese. |
[Constantin fut baptisé et guéri]
Quand
Constantin entendit cela, il se fit aussitôt apporter de l’eau et dit à haute
voix : « Je crois en la Sainte-Trinité, le Père, le Fils et le
Saint-Esprit ; je crois totalement au vrai baptême et je le demande du
fond du cœur. » Alors le pape consacra l’eau et la bénit ;
l’empereur y entra et saint Sylvestre le baptisa en priant Dieu de bien
vouloir faire là un miracle. Constantin retrouva sa santé d’avant et fut plus
vif qu’un poisson. C’est ainsi que fut
baptisé l’empereur Constantin. Et celui qui veut avoir une vue complète de ce
sujet, la trouvera en lisant l’histoire de saint Sylvestre, dans les textes
de la Sainte-Église. |
[Constantin
faite refaire les englieses]
Apres chu, ly
emperere Constantin commandat à tout la clergerie de Romme et de là entour
del
refaire et
restaureir toutes les englieses abatues et destruites. |
[Constantin fait refaire les églises]
Après cela, l’empereur
Constantin
ordonna au clergé de Rome et des environs de refaire et de restaurer
toutes les églises abattues et détruites. |
[L’emperere
ordinat que li pape fust deseurtrain de tout le monde]
Item, en cel an ordinat
l'emperere Constantin, et ly pape le
confermat, que quiconques fust pape de
Romme ilh seroit sovrains de tous les evesques et la clergerie de monde. Et
commandat l'emperere à destruire toutes les ydolles de Romme, et les temples
où elles estoient. |
[L’empereur ordonna que le pape soit supérieur à
tout le monde] Cette année-là (312), l’empereur Constantin ordonna
‒ et le pape confirma cette décision
‒ que, quel que soit le pape de Rome, il serait
le souverain de tous les évêques et de
tout le clergé du monde. Il ordonna aussi de détruire
toutes les idoles de Rome et les temples qui les abritaient. |
[Des
franchies dez englieses]
Item, l'an IIIc et XIII en mois de may, ordinat l'emperere Constantin, et ly
pape le confermat, que nuls, por
queilconques
faite que chu fust, ne fust prist dedont en avant en l'engliese, ains
fussent les englieses si franques que tous cheaux qui seroient dedens
troveis fussent tenseis et gardeis de tous perilhs de corps. |
[Les franchises accordées aux églises]
L’an 313, en mai, l’empereur Constantin ordonna
‒ et le pape confirma cette décision
‒
que dorénavant personne, quoi qu’il ait fait, ne puisse être capturé
dans une église. Les églises
devinrent
ainsi si libres que tous ceux qui s’y trouveraient seraient défendus et
protégés de tout péril corporel. |
Constantin remet en sa sujétion des peuples rebelles à l’impôt (Espagnols, Frisons, Alamans) mais, défait par les Sicambres, il rentre à Rome où le réconforte le pape Sylvestre - Maxence, à Alexandrie, est très content de la défaite de Constantin (313-314) |
|
[II,
p. 55]
En cel an soy fist donneir par escript l'emperere Constantin toutes les
regions, qui estoient rebelles del paiier leur tregut à l'empire de Romme.
Et quant ilh les oit, ilh les regardat et
puis les mist en
sa burse, et jurat qu'ilh les remetteroit en sa subjection ou ilh moroit en
la paine. |
[II,
p. 55] Cette année-là [313], l’empereur Constantin
se fit donner la liste écrite de toutes les régions qui
refusaient
de payer le tribut à l’empire romain. Quand il la reçut, il l’examina et la
mit dans sa bourse, jurant de les remettre en sa sujétion ou de mourir à la
peine. |
[L’emperere
Constantin remist les Espangnon en tregut]
Adont mandat l'emperere Constantin
ses hommes et assemblat gran gens, et en
allat devers Espangne ; si commenchat la terre
à destruire et à ardre. Mains ly roy
Agilfo le soit, se vint contre luy, et orent batalhe ensemble ; et perdirent
les Romans mult de gens, mains encordont furent les Espangnois desconfis et
leur roy mors. Apres allat l'emperere partout Espangne et oit pluseurs
batalhes à eaux, mains al derain ilh les remist tous en sa subjection par
tregut. |
[L’empereur Constantin soumit à nouveau les
Espagnols au tribut] L’empereur Constantin convoqua alors ses hommes et
rassembla une grande armée. Il marcha sur l’Espagne et commença à dévaster
et à brûler la terre. Mais
le roi Agilfo l’apprit, vint à sa rencontre et le
combattit. Les Romains perdirent beaucoup d’hommes, mais les Espagnols
furent battus et leur roi tué. Après cela, l’empereur parcourut toute
l’Espagne, livrant de nombreuses batailles. Et finalement il remit tous les
Espagnols en sa sujétion en leur imposant le tribut. |
[Apres
ilh remist les Frisons en tregut et les
Allemans oussi]
Apres
l'emperere s'en allat par mere [II, p.
56] en Frise, et les Frisons, qui n'avoient nient poioir contre luy,
soirent chu, se vinrent contre luy, nuis et deschaux com vraie cristiens ;
et l'emperere les prist à merchi et les remist en tregut. Puis revient par
le royalme d'Austrie, que ons nomme maintenant le royalme d'Allemangne,
l'an deseurdit en mois de
fevrier, si oit batalhe aux Allemans ; et perdirent les Allemans XXIIm
hommes, et fut ly roy Agalidas d'Austrie ochis. Et remist les Allemans en sa
subjection. |
[Après cela il imposa à nouveau le tribut aux
Frisons et aux Alamans] Ensuite, l’empereur gagna par mer [II,
p. 56]
la Frise. Les Frisons, qui ne pouvaient rien contre lui, l’apprirent,
vinrent à sa rencontre, nus et déchaussés, en vrais chrétiens. L’empereur
les prit en pitié et les soumit à
nouveau au
tribut. Il revint par le royaume d’Austrasie, qu’on appelle aujourd’hui royaume
d’Allemagne, en février de l’an donné ci-dessus [313]. Il livra bataille aux
Alamans, qui perdirent vingt-deux mille hommes. Le roi Agalidas
d’Austrasie fut tué et Constantin remit les Alamans en sa sujétion. |
Apres,
sour l'an IIIc et XIIII, s'en allat l'emperere en Galle ; mains ly dus
Marchones, qui
simple estoit, s'acordast bien à chu que ons paiast le tregut ; mains les
Sycambiens ly respondirent, s'ilh ne les defendoit, ilhs feroient I altre
saingnour. |
Ensuite,
en 314, l’empereur se rendit en Gaule. Le duc Marcon (cfr II, p. 50), qui était un homme simple, marqua son accord pour
payer le
tribut, mais les Sicambres lui répondirent, que s’il ne les défendait pas,
ils se choisiraient un autre seigneur. |
[L’emperere
Constantin fut deconfis en Galle]
Quant ly dus entendit
chu, sy soy dobtat d'avoir debat à ses gens, si s'en allat contre l'emperere
mult envis, car ilh n'estoit mie combattans. Adont orent les Romans et les
Sycambiens batalhe ensemble, où ilhs perdirent d'ambedois pars mult de
gens ;
mains les Sycambiens
estoient sy vertueux gens, que nuls ne poioit avoir poioir à eaux en
batalhe. Adont fut l'emperere Constantin grandement navreis en la cusse, et
perdit XXXm hommes, et les Romans s'enfuirent. Enssi demorarent les
Sycambiens encors en leurs franchise et en joie, et ly emperere revint à
Romme mult dolans. Mains quant ly pape sains Silvestre le soit, se vient en
son palais et le reconfortat mult douchement de son doleur. |
[L’empereur Constantin fut battu en Gaule]
En
entendant cela, le duc eut peur d'un désaccord avec ses sujets. Il
marcha contre l’empereur de très mauvaise grâce,
car il
n’était pas un guerrier. Une bataille eut lieu entre Romains et Sicambres.
Beaucoup d’hommes tombèrent de part et d’autre, mais les Sicambres étaient
si valeureux que personne ne pouvait l’emporter sur eux au combat
[cfr aussi II, p. 83].
L’empereur Constantin fut grièvement blessé à la cuisse et perdit trente
mille hommes. Les Romains prirent la fuite. Les Sicambres conservèrent avec
joie leurs franchises, tandis que l’empereur rentrait à Rome très affligé.
Quand le pape Sylvestre le sut, il vint dans son palais et apporta un doux
réconfort à sa douleur. |
Adont
vinrent les novelles en Alixandre, où Maxenche demoroit, que l'emperere
Constantin avoit esteit desconfis en Galle. De chu
fut Maxenche mult
lies ; si commenchat à trahaire les gens de paiis à sa corde, por alleir à
Romme contre Constantin. |
La
nouvelle de la défaite de Constantin en Gaule parvint à Alexandrie où
demeurait Maxence. Celui-ci en fut très
heureux. Il
commença à gagner à son parti les gens du pays, pour aller à Rome contre
Constantin. |
Mort de Maximien, huitième
évêque de Tongres - Valentin neuvième évêque de Tongres -
Succession en Flandre (314-315) |
|
[II,
p. 56] [De Valentin, li
IXe evesque de Tongre]
En cel an en
novembre, morut Maximiain ly VIIIe evesque de Tongre ; si fut ensevelis en
l'eglise de Sains-Martin, son predicesseur evesque. Et apres sa mort fut
fais evesque IXe de
Tongre, unc
sien desciple preistre, qui fut nommeis Valentin, qui regnat XIIII ans |
[II,
p. 56] [Valentin, neuvième évêque de Tongres] En novembre
de cette année [314] mourut Maximien, huitième évêque de Tongres. Il fut
enseveli dans l’église Saint-Martin, celle de son prédécesseur. Après sa
mort, le neuvième évêque de Tongres fut un de ses disciples,
un prêtre,
nommé Valentin, qui régna quatorze ans. |
[De
conte de Flandre] Sor l'an IIIc et XV en mois de junne, morut Porus ly
conte [II, p. 57] de
Flandre ; si fut conte apres luy Lydris, son fis, lyqueis regnat VII
ans. |
[Le comte de Flandre]
En l’an
315, en juin, mourut Porus, le comte [II, p. 57]
de
Flandre. Son fils Lidris, qui régna
sept ans, devint comte après lui.
|
C. Suite de son règne jusqu'à l'invention de la Sainte-Croix (II, p. 57b-61a) (315-320)
Victoire sur Maxence au Pont Milvius - Décisions en faveur
des chrétiens - Autour de l’Invention de
la vraie Croix - Varia
Sommaire
* Valentin, évêque de Tongres, averti par un songe,
renonce à son évêché (319)
Constantin,
avant et après
sa victoire sur Maxence remportée grâce au signe
de
la
croix,
construit et organise les églises à Rome - Il lègue, pour toujours, Rome à
la papauté (315-316) |
|
[II,
p. 57]
[De Constantin l’emperere qui edifiat
englieses] En cel an en mois de septembre, edifiat à Romme ly emperere
Constantin, en la voie Tyburtine, une engliese en
l'honeur de
sains Lorent : c'est une seul capelle qui n'at que une alteit.
|
[II,
p. 57] [Constantin
édifia des églises] La
même année [315] en septembre, Constantin édifia à Rome, sur la via Tiburtina,
une
église en l’honneur de saint Laurent. C’était une chapelle isolée, qui
n’avait qu’un autel. |
Et
sour l'an IIIc et XVI edifiat lidit emperere Constantin, par dedens son
palais, une engliese en l'honeur de Nostre-Saingnour
Jhesu-Crist, et ordinat que elle fust la soverain des englieses de Romme et
que toutes les aultres englieses fussent en la correction de chesti. |
En l’an 316, l’empereur édifia, à l’intérieur de son palais, une église en
l’honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il
ordonna
qu’elle soit la première des églises de Rome et que toutes les autres
soient sous son contrôle. |
[Comment
Constantin oit victoir contre Maxenche par le signe del crois]
En cel an en mois de marche,
assemblat gran gens Maxenche qui fuis estoit en Alixandre, sicom dit
est ; si passat mere et vint à
Romme, où ilh oit jour denomeit de batalhe encontre l'empereir Constantin.
Dedens le terme que la batalhe devoit estre, estoit Constantin aux fenestres
de son palais I jour ; si regardat vers le chiel et veit le singne de la
crois vers Orient, et oiit une vois qui ly dest : « Constantin, aies en Dieu
fianche, car ilh toy monstre que, par cest signe, tu auras victoir contre
les annemis. » |
[Constantin remporta la victoire contre Maxence
grâce au signe de la croix] Cette année-là [316], en mars, Maxence, qui était à
Alexandrie comme on l’a dit, rassembla une grande armée. Il traversa la mer
et vint à Rome, où il fixa un jour pour la bataille contre l’empereur
Constantin. La veille de ce jour, Constantin
était aux fenêtres de son palais et regardait le ciel. Il vit vers l’Orient
le signe de la croix et entendit une voix qui lui disait : « Constantin, aie
confiance en Dieu, car il te montre que par ce signe tu remporteras la
victoire contre tes ennemis. » |
[Constantin
fist porteir I crois d’or devant li en la batalhe, et desconfist enssi
Maxenche]
Adont fut Constantin
tous assegureis, se fist faire une crois d'or et d'argent awec pires
prechieux, et le fist porteir devant luy en la batalhe. Mains
quant les
senateurs et les altres Romans veirent chu, se fisent ypluseurs porteir et
portraire le signe de la crois en leurs blasons ; puis vint ly jour de la
batalhe et vinrent ensemble ; mains oussitoist que les gens Maxenche veirent
la crois, ilhs furent tous desconfis. Adont perdit Maxenche XLm hommes, et
luy-meismes y fut ochis, et ly remanans s'enfuit vers la citeit d'Alixandre. |
[Constantin fit porter une croix d’or devant lui
dans la bataille et écrasa Maxence] Alors,
entièrement rassuré, Constantin fit faire une croix d’or et d’argent, ornée
de pierres précieuses, qu’il fit porter devant lui dans la bataille. Et
quand les sénateurs et les autres Romains virent cela,
beaucoup firent
peindre le signe de la croix sur les blasons qu’ils portaient. Vint alors le
jour de la bataille. Les adversaires se firent face, mais dès que les hommes
de Maxence virent la croix, ils furent tous anéantis. Dans ce combat,
Maxence perdit quarante mille hommes ; lui-même fut tué, et les rescapés
prirent la fuite vers Alexandrie. |
[Constantin
donnat Romme hiretablement à sains Silvestre et as altres papes]
Et quant l'emperere
Constantin fut revenus en son palais à Romme, ilh mandat le pape Silvestre
et
ses cardinaIs, et là, en leur
presenche, ilh donnat à Dieu et à l'Engliese et à sains Silvestre, et à tous
ses successeurs hiretaiblement, la citeit de Romme, et dest que ilh voloit
que chu fust leur perpetuelment, sens nulle revocation. En teile manere fut
la citeit de Romme donnée à l'Engliese. |
[Constantin donne Rome en héritage à saint Sylvestre
et aux autres papes] Quand l’empereur Constantin fut revenu dans son
palais de Rome, il convoqua le pape Sylvestre et ses cardinaux. Et là, en
leur présence, il donna la ville de Rome en héritage à Dieu, à l’Église, à saint Sylvestre et à
tous ses successeurs. Il dit que sa volonté était que Rome
leur appartienne pour toujours, sans révocation possible. C’est ainsi que la
ville de Rome fut léguée à l’Église. |
Succession à Louvain
- Tremblement de terre -
Églises construites
par
Constantin
à
Rome et par l’évêque Valentin à Tongres
- Les Huns en Égypte et en Russie (316-317) |
|
[II,
p. 57]
[De conte de Lovay] En cel an en
mois de decembre, morut Ector, le conte
de Lovay ; si
fut apres luy conte son fis, qui regnat XXXIIII ans. |
[II,
p. 57] [Le
comte de Louvain]
Cette année-là [316], en décembre, mourut Hector, le comte de Louvain. Son
fils lui
succéda
et régna trente-quatre ans. |
En cel
an, en mois de fevrier, fist
gran muet de terre. |
Cette année-là, en février, il y eut un grand tremblement de
terre. |
[Constantin
fist refaire les engliese Sains-Pire et Sains-Paul à Romme]
Item, l'an
IIIc et XVII, fist l'emperere Constantin refaire, plus belles et plus grant
qu'oncques n'awissent
esteit, les II englieses [II, p. 58] à Romme de Sains-Pire et de Sains-Poul, que
l'emperere Dyocletiain avoit destruites le temps devant. |
[Constantin fit reconstruire les églises
Saint-Pierre et Saint-Paul à Rome] L’an 317, l’empereur
Constantin fit reconstruire,
plus belles et plus grandes
qu’elles ne l'avaient été, les deux églises [II, p. 58]
romaines de Saint-Pierre et
de Saint-Paul, que l’empereur Dioclétien avait détruites précédemment. |
[Sains
Johans-Baptiste dest à Valentin, l’evesque de Tongre, en vision, qu’ilh ly
fesist I engliese]
En cel an fist l'evesque de Tongre, Valentin, une engliese en l'honeur sains
Johans-Baptiste,
qui li estoit
apparus en son dormant, awec son peire le duc d'Ardenne ; car Valentin,
l'evesque de Tongre, fut ly fis Valentin le duc d'Ardenne, qui estoit vrais
cristiens, qui estoit mors novellement ; et sa mere fut la filhe le duc de
Saxongne, mains elle soy fist baptizier, sy oit à nom Marie. |
[Saint Jean-Baptiste demanda en songe à Valentin,
l’évêque de Tongres, de lui construire une église]
Cette
année-là [317], Valentin, l’évêque de Tongres, avec son père le duc
d’Ardenne, construisit une église en l’honneur de saint Jean-Baptiste, qui
lui était apparu en songe. Valentin, évêque de Tongres, était le fils du
Valentin, duc
d’Ardenne, un vrai chrétien, mort récemment. La mère de l’évêque était la
fille du duc de Saxe, mais elle se fit baptiser sous le nom de Marie. |
[Des
Huens qui firent gran mal en Egipe et en Rossie] En cel an destrurent les Huens la
citeit de Cayr en Egypte. Sour l'an IIIc et XVIII
refisent cheaux d'Egypte leur citeit de Cayr
plus belle que devant. En cel an entrarent les Huens en la terre de Rossie,
et le commencharent grandement à destrure. Ches Huens estoient mult crueux
et de mal nature, car ilhs ne spargnoient cristiens ne Sarasiens, ains
mettoient tout à exilh les pays où ilhs venoient et les gens oussi ; et si
en estoit bien LXm trestous juys, ne nuls autres gens ilh n'avoient awec
eaux. |
[Les Huns firent beaucoup de tort en Égypte et en
Russie] Cette année-là [317], les Huns détruisirent la
ville du Caire en Égypte.
Mais en 318, les Égyptiens la reconstruisirent plus
belle qu’avant. Cette même année [318], les Huns pénétrèrent en Russie qu’ils
se mirent à dévaster fortement. Ces Huns étaient très cruels et de nature
mauvaise, car ils n’épargnaient ni les chrétiens ni les Sarrasins. Ils
saccageaient les pays où ils passaient et maltraitaient aussi les gens. Ils
étaient bien quarante mille, tous juifs, n’ayant personne d’autre avec eux. |
Histoire de l’Invention
de la Sainte-Croix :
Constantin, suite à des songes, charge sa mère Hélène de rechercher la
Sainte-Croix - Grâce à un vieux sage juif, nommé Judas, trois croix sont
découvertes et un miracle permet d’identifier la vraie Croix - Judas est
baptisé et devient Quiriacus - Constantin, informé, fait instaurer par
Sylvestre la fête de l’Invention - Rêve avéré de Constantin à
propos du vol à Jérusalem de la Sainte-Croix, finalement retrouvée (318) |
|
[II,
p. 58] [Constantin oit
vision del Invention sainte crois]
En cel an songat une
nuit ly emperere Constantin et ly vint en vision que sa mere la royne
Helaine, qui demoroit à chi temps en Jherusalem, avoit troveit la sainte
crois où Jhesu-Crist avoit esteit claweis et crucifiiés. Et en cest propre
nuit meismes songat oussi la royne Helaine que elle avoit troveit ladit
crois. Adont
mandat ly
emperere sains Silvestre le pape, et ly dest comment ilh avoit la crois
songiet par nuit en dormant. |
[II,
p. 58] [Constantin vit en songe la découverte de la Sainte Croix]
Cette année-là [318], une nuit l’empereur Constantin fit un rêve. Il vit en
songe que sa mère, la reine Hélène, qui habitait alors à Jérusalem, avait
découvert la Sainte-Croix sur laquelle Jésus-Christ avait été cloué et
crucifié. De son côté, cette même nuit, la reine Hélène rêva elle aussi
qu’elle avait
trouvé la
croix en question. Alors l’empereur convoqua le pape Sylvestre et lui dit
qu’il avait songé à la croix cette nuit-là en dormant. |
[Constantin
envoiat à sa mere qu’elle fesist inquisition del sainte crois]
Adont mandat Constantin, par
le conselhe de pape, à sa mere, qu'elle procurast à chu que la sainte
crois fust trovée ; mains Helaine
oit grant mervelhe del songe son fis, et dest que à cel nuit l'avoit oussi
songiet. |
[Constantin fait demander à sa mère d’enquêter sur
la Sainte-Croix] Alors, Constantin, sur le conseil du pape, demanda
à sa mère qu'elle fasse le nécessaire pour trouver la
Sainte-Croix. Hélène s’émerveilla du songe de son fils et dit qu’elle aussi,
cette nuit-là, avait fait ce même songe. |
Atant commenchat à enquerir Helaine
mult diligemment apres la sainte crois, mains elle ne trovat personne qui
novelle l'en desist. Enssi mist bien une an la royne Helaine
al enquerir,
anchois que elle en sewist nulle novelle. Si avint que, droit sour l'an IIIc
et XVIII en mois d'avrilh, la royne Helaine mandat pardevant lée pluseurs
juys qui en pays demoroient, por enquerir de son desier, car ilhs estoient
mult saiges, se elle en poroit savoir à eaux novelle [II, p. 59] de chu qu'elle queroit. |
Hélène
alors se mit à rechercher très activement la Sainte-Croix, mais elle ne
trouva personne qui puisse la renseigner. Ainsi la reine consacra au moins une
année à cette recherche
sans
obtenir aucune information. Précisément au
mois d’avril de l’an 318, il arriva que la reine Hélène fasse venir devant elle plusieurs
Juifs qui habitaient le pays. Comme ils étaient de grands sages, elle voulait
les interroger, pensant pouvoir obtenir d’eux des informations [II, p. 59]
sur ce qu’elle cherchait. |
[Sainte
Helaine fait inquisition del sainte crois] Quant les juys furent là venus, la
royne leur demandat se ilh ly saroient dire
novelle de la crois où Jhesu-Crist avoit
esteit crucifiés, mains ilh n'y oit oncques juys qui ly sawist respondre,
fours tant seulement ilhs dessent qu'en Bethleem demoroit I juys mult saige
qui avoit en escript le lieu où la crois estoit. Quant la royne entendit
chu, sy le mandat par XII chevaliers qui amynarent le juys, qui avoit nom
Judas. |
[Sainte Hélène recherche la Sainte-Croix]
Une
fois les Juifs arrivés, la reine leur demanda s’ils pourraient lui donner des
informations sur la croix où Jésus-Christ avait été
crucifié. Mais aucun
d'eux ne put lui répondre. Ils dirent simplement qu’à Bethléem vivait
un Juif très sage en possession d'un document qui indiquait l’endroit où se
trouvait la croix. Après avoir entendu
cela, la reine chargea douze chevaliers de lui amener ce Juif, qui portait le nom
de Judas. |
Et
quant la royne le veit, se ly priat douchement que ilh ly vosist dire où la
crois estoit, mains onques chis ne le voit dire par douchour. Adont le fist
prendre la royne et ly fist faire mult de travalhes, mains ilh disoit toudis
qu'ilh n'en
savoit
novelle. Atant le fist ensereir en une chambre, sy prist les clefs et le
laisat enssi sens boire et sens mangier III jours. |
Quand la reine le vit, elle lui demanda avec douceur de bien vouloir lui dire
où était la croix. Mais la douceur ne put rien lui faire dire. Alors la
reine le fit saisir et torturer, mais il répétait
toujours
qu'il
ne
savait
rien. Alors elle l’enferma dans une chambre, dont elle prit les clés,
et le laissa trois jours sans boire et sans manger. |
[La
sainte crois fut trovée]
AI derain, por grande destreche de famyne,
Judas mynat la royne sus le monte de Calvaire, si commenchat à foiir tant
qu'ilh trovat III crois, se
les livrat à la royne. Et che fut le IIIe jour de
may sour l'an IIIc et VIII [sic].
Mains quant sainte Helaine veit les III crois, si ne soit mie encors laqueile
estoit la vraie crois Nostre-Saingnour et les crois des II larons, jasoiche
qu'elle fussent d'aultres fachons. |
[On découvre la Sainte-Croix]
Finalement,
forcé par la faim, Judas mena la reine sur le mont du Calvaire. Il se mit à
fouiller le sol et finit par découvrir trois croix qu'il donna à la
reine.
Cela se passait le 3 mai de l’an 308 [erreur
probable pour 318]. Mais quand Hélène les vit, elle ne savait
pas encore identifier la vraie croix de Notre-Seigneur et celles des deux
larrons, quoiqu’elles fussent différentes. |
Quoiqu’elles
fussent différentes : C’est le texte et la traduction du manuscrit A.
Le manuscrit B propose : car elle
astoient toutes de une forme et fachons, la crois Nostre-Signour et la crois
des dois larons, jasoyche que ons portraire d’altre fachon, ce qui se
traduirait : « car la croix de Notre-Seigneur et celle des deux
larrons avaient la même forme et le même type de fabrication, bien qu’on la
représente différemment ».
[II,
p. 59]
[La royne fist enporteir awec lée les
trois crois – Uns mors fut resusciteit par le sainte crois] Adont fist la
royne awec lée enporteir les III crois en la citeit de Jherusalem. Si avint
qu'ilh encontrarent le corps d'unc homme mors que ons portoit en terre ;
mains la royne fist le
corps mettre à
terre, puis prist Judas une des crois, se le mettit sour le mors, mains ilh
n'y fist riens ; apres ilh y mettit l'autre, se n'y fist nulle chouse ; et
apres ilh prist le tirche, qui estoit ly precieux joweal en laqueile rechut
mors ly vray Fis de Dieu Jhesu-Cris, se le mettit sour le mort, et tantoist
ilh resuscitat et viscat puis longement. Enssi soit la royne sainte Helaine
laqueile estoit la crois Nostre-Saingnour Jhesu-Crist où ilh avoit soffert
mort : là fist la sainte crois tant de myracles que chu fut grant mervelhe. |
[II,
p. 59] [La
reine fit emporter avec elle les trois croix - La Sainte-Croix ressuscita un
mort]
La reine fit alors amener avec elle les trois croix dans la ville de
Jérusalem. Il se fit que le groupe rencontra le cadavre d’un homme qu’on portait
en terre. La reine fit mettre le corps par terre. Judas prit une des croix,
la mit sur le mort, mais il ne se passa rien. Il fit de même avec une des
deux autres, sans plus de succès. Il prit alors la troisième, qui était le
précieux joyau sur lequel était mort le vrai fils
de
Dieu, Jésus-Christ. Il la plaça sur le mort qui ressuscita immédiatement et
qui vécut ensuite longtemps. C’est ainsi que la reine sainte Hélène
identifia la croix sur laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ avait
souffert la mort : la Sainte-Croix fit là tant de miracles qu’on s’en
émerveilla grandement. |
[Judas
fut baptiziet et fut nommeis Quiriacus]
Et quant Judas ly juys veit chu, si
oit volenteit de croire en Dieu, et soy fist tantost baptizier par l'evesque
de Jherusalem : si fut
nommeis en baptemme Quiriacus, en grigois,
chu est à dire en franchois Quirecrois. |
[Judas fut baptisé et appelé Quiriacus]
Quand Judas le Juif vit cela, il désira croire en Dieu et se fit aussitôt
baptiser
par
l’évêque de Jérusalem. Il fut appelé au baptême Quiriacus en grec,
c’est-à-dire en français « celui qui s'accroît ». |
[II,
p. 60]
Adont
mandat la
royne Helaine à Constantin son fis qu'elle avait trovée la sainte crois, et
ly escript le jour et tout la manier comment. |
[II,
p. 60]
La reine
Hélène fit
alors savoir à son fils Constantin qu’elle avait trouvé la Sainte-Croix.
Elle lui écrivit la date de la découverte et comment elle s’était produite. |
[La
fieste deI Invention sainte crois]
Et Constantinen fist al pape Silvestre
celebreir et
instablir la fieste del Invention Sainte-Crois, le IIIe jour de may. |
[La fête de l’Invention de la Sainte-Croix]
Constantin fit célébrer et instaurer
par le
pape Sylvestre la fête de l’Invention de la Sainte-Croix, le troisième jour
de mai.
|
[Constantin
songat que la crois estoit emblée, c’estoit voire] Et apres Constantin songat que la
sainte crois estoit
emblée, se le mandat à la royne Helaine sa
mere, qui allat à son tresorier, se trovat que elle estoit emblée, mains
elle n'estoit mie portée hors de Jherusalem ; se fist tant qu'elle le roit. |
[Constantin rêva que la croix était volée, et
c’était vrai] Dans la suite, Constantin rêva que la Sainte-Croix
avait disparu. Il le signala à la reine Hélène, sa mère, qui alla à son
trésor et constata qu’elle avait disparu. Mais elle n’avait pas été transportée hors de Jérusalem. La reine
fit tant et si bien qu’elle la récupéra. |
Valentin, évêque de Tongres, averti
par un songe, renonce à son évêché (319) |
|
[II,
p. 60]
[L’evesque de
Tongre oit vision qu’ilh renunchast à l’evesquiet, et ilh le fist]
Item, l'an IIIc et XIX, vient
une vision à sains Valentin, evesque de Tongre, qui ly sembloit que ons ly
disoit depart Dieu que ilh prendist sa croche et son aneal episcopals, et se
les metist sus l'auteit Nostre-Damme de la grande engliese de Tongre, en la
presenche de son capitle, et tantoist renunchast à la digniteit del tout, et
sy desist depart Dieu à capitle que ilh n'enlesissent nuls altre evesque, et
se lassent enssi esteir la croche et l'aneal jusqu'à tant qu'ilh soy
venroit engennulhier devant l'ateit
uns evesque que Dieu envoieroit ; et ilh le vieroient bien quant chu seroit,
car ly aneal ly lancheroit envidemment en doit et la croche en la main. |
[II, p. 60] [L’évêque de Tongres vit en songe qu’il devait renoncer à son évêché, ce qu’il fit] L’an 319, saint Valentin, évêque de Tongres, eut une vision : il lui sembla que Dieu lui faisait savoir qu’il devait placer sa crosse et son anneau épiscopal sur l’autel de Notre-Dame dans la grande église de Tongres, en présence de son chapitre, et renoncer immédiatement à toute dignité. Il devait, toujours sur l’ordre de Dieu, dire à son chapitre de ne pas élire un autre évêque et de laisser la crosse et l’anneau sur l’autel, jusqu’au moment où viendrait s’agenouiller devant l’autel un évêque envoyé par Dieu. Ils verraient bien quand cela se produirait, car l’anneau se placerait de lui-même au doigt (du nouvel arrivant) et la crosse dans sa main [pour la suite de l'épisode de saint Servais, cfr ci-dessous, II, p. 63-67. |
Et ly
evesque Valentin vient lendemain en capitle, et puis ilh s'en allat tous
revestis,
sycom evesque, et vint devant l'auteit el presenche de ses canones, et soy
engennulhat faisant son orison à Dieu ; et puis soy drechat et vint al
alteit, sy le baisat, et prist le croche et l'aneal, se le mist sus, puis
s'en allat arire. |
Le
lendemain, l’évêque Valentin vint au chapitre revêtu de ses habits
épiscopaux. Il s’approcha de l’autel en présence de
ses
chanoines et s’agenouilla pour prier Dieu. Puis il se releva,
monta à l’autel qu’il baisa, placa sur lui sa crosse et son anneau, puis
recula. |
[L’evesque
renunchat al digniteit de Tongre]
Si at noblement
prechiet à son
peuple, et en
prechant les at dit chu qu'ilh avait oiit en vision, et dest : « Saingnour,
je renunche la digniteit, car Dieu le vot enssi ; mains je feray l'offische
tant com vos aureis I aultre evesque depart Dieu envoiet ». |
[L’évêque renonce à la dignité d’évêque de
Tongres] Il fit ensuite un prêche remarquable à son peuple,
en lui racontant la vision qu’il avait eue et en disant : « Seigneurs, je
renonce à ma dignité, car Dieu le veut ainsi. Mais je
remplirai ma charge jusqu’à ce qu'un autre évêque vous soit envoyé par
Dieu. » |
Quant
la clergerie entendit chu, si fut mult enbahie, mains toutvoie ilh prient
merchi et ly
rendent grasce de chu entirement, et ly prient qu'ilh leur envoie I bon
paistre. |
Quand les clercs entendirent cela, ils furent très étonnés, mais ils le
remercièrent,
lui exprimèrent toute leur reconnaissance et le prièrent de leur envoyer un
bon pasteur. |
Derniers
détails
sur la découverte de la Sainte-Croix : comment
Judas
connaissait-il
l’existence
des croix ? (320) |
|
[II,
p. 60]
[Coment les trois
claux dont Notre-Sire fut claweis furent troveis]
Item, l'an IIIc et XX, furent troveis
les III claus dont Jhesu-Crist oit claweis en la crois piés et mains, par
le inquisition de Quiriacus : si les
envoiat la royne Helaine à son fis Constantin, qui en fist grant fieste, et
leur portat grant reverenche. |
[II,
p. 60] [Comment
on trouva les trois clous qui clouèrent Notre-Seigneur]
En l’an 320 furent trouvés les trois clous qui servirent à fixer à la croix
les pieds et les mains de Jésus-Christ, et cela grâce aux recherches de
Quiriacus.
La reine Hélène les envoya à son fils Constantin, qui leur fit grande fête
et les entoura d’un grand respect. |
[Dont
venoit à savoir chis Judas où la crois et lez claus estoient]
Pluseurs
gens poroient demandeir, en mervelhant, dont venoit à savoir à cheli Judas,
qui estoit nommeis Quiriacus,
la crois où elle estoit, portant qu'ilh
n'estoit mie si vies [II, p. 61] que
del temps qu'ilh furent là mies. |
[Comment Judas sut où se trouvaient la croix et
les clous] Plusieurs personnes pourraient s’étonner et se
demander comment ce Judas, nommé Quiriacus, parvint à savoir où se
trouvait la croix, parce qu’il ne vivait pas encore [II, p. 61] à l’époque où
ces objets furent
déposés là. |
Si vos
en dirons la veriteit. Chis Judas avoit bien cent ans d'eaige al temps
qu'ilh soy baptizat ; si avoit oiit dire à son peire, quant ilh visquoit,
que la crois où Jhesu-Crist avoit esteit
claweis estoit
en monte de Calvaire, enfoiiet awec les crois des dois Iaurons, et monstrat
à Judas son fils le droit lieu, et ly priat del tenir en secreit. Et adont
ilh demandat à son peire dont chu ly venoit à savoir, car ilh n'estoit mie
sy vies que ilh awist esteit à la mort de Jhesu-Crist. Adont dest li peire à
fis : « Je ne suy mie sy vies voirement que je posisse avoir esteit à
crucifier Jhesu-Crist, ne je ne le vey oncques ; mains mon peire, ton ayon,
fut presens où Jhesu-Crist fut pendus en la crois, et servoit adont à
Cayphas, l'evesque de la loy, se ly aidat enterreir la crois apres chu que
Jhesu-Crist fut mors. » Enssi dest Judas de la sainte crois. |
Nous vous dirons ce qu’il en est à ce sujet. Ce Judas avait au moins cent
ans au temps où il se fit baptiser ; il avait entendu dire par
son père, quand il vivait encore, que la croix sur laquelle Jésus avait été
cloué se trouvait sur le mont Calvaire, enfouie avec celles des deux
larrons. Le père montra à son fils Judas l’endroit exact du dépôt et le pria
de garder le secret. Judas demanda alors à son père d’où lui venait ce
savoir, car il n’était pas assez vieux pour avoir assisté à la mort de
Jésus-Christ. Alors le père dit à son fils : « C’est vrai que je ne suis pas
assez vieux pour avoir été présent à la mort de Jésus-Christ. Je ne l’ai
jamais vu, mais mon père, ton aïeul, était là quand Jésus-Christ fut
suspendu à la croix. Il servait Caïphe, le grand-prêtre, et l’aida à
enterrer la croix après la mort de Jésus. » Voilà ce que dit Judas de la
Sainte-Croix. |
D. Affaires D'Église et RETOUR AUX huns (II, p. 61b-63a) 321-327)
Affaires d'Église et divers sous le pape Sylvestre : arianisme, concile de Nicée, le dragon, ordonnances papales, naissance de saint Martin - Miracles et conversions en Judée - Les Huns en Bulgarie, en Pannonie, en Russie
Sommaire
Condamnation d’Arius l’hérétique et de ses
adeptes
au concile de Nicée par le pape
Sylvestre en présence de Constantin (321) |
|
[II, p. 61b] [De Arriain, le prestre plains de erreur -
L’an IIIc et XXI] A cel temps estoit et regnoit Arriain, unc prestre qui
estoit en grant erreur encontre la foid, car ilh soutenoit ches herresyes,
assavoir : que ly Peire, et ly Fis, et ly Sains-Espir estoient diverses
substanches. Et chu fut l'an IIIc et XXI, le promier dymengne de junne. Quant
ly pape Sains-Silvestre le soit, se le dest à l'emperere Constantin, et ly
affirmat par seriment de creanche que chu
estoit contre la vraie foid catholique, et que chis Arriain mentoit. |
[II, p. 61b]
[Arius, le prêtre plein d’erreurs - An 321] En ce temps-là vivait Arius, un
prêtre gravement opposé à la foi car il soutenait
des hérésies, à savoir que
le Père, le Fils et le Saint-Esprit étaient des substances
différentes. C’était en 321, le premier dimanche de juin. Quand le pape Sylvestre le sut, il le dit
à l’empereur Constantin et lui affirma par un serment
basé sur ses croyances que c’était contraire à la vraie foi catholique
et que cet Arius était dans l’erreur. |
[De conciel de
Nychenne por l’heresie Arriain, où ilh fut condempneis] Adont fut
fais I conciel en la citeit de Nychenne de IIIc et XLVIII evesques. A chi
conciel fut presens l'emperere Constantin, qui
grant honneur portat aux
prelaux de Sainte-Engliese. En cheli conciel fut condempneis Arriain et tous
cheaux qui estoient de son secte ; ilh avoit pluseurs clers qui estoient
blechiés jusques al cuer de la secte Arriain,
et estoient grans clers ; et ne demoront mie par le vertu de chesti
conciel que ypluseurs grans clers et evesques et prinches de la terre n'en
fussent puis decheus, de quoy ilh orent mult à soffrir, portant qu'ilh
estoient contre les erreur, et voloient sourtenir la foid de Sainte-Engliese. |
[Le concile de Nicée réuni à cause de l’hérésie d’Arius où il fut condamné] Alors fut réuni, dans la ville de Nicée, un concile de trois cent quarante-huit évêques. L’empereur Constantin était présent, qui fit grand honneur aux prélats de la Sainte-Église. Lors de ce concile, Arius et tous ses adeptes furent condamnés. Il y avait là plusieurs clercs qui étaient du fond de leur coeur hostiles à la secte d’Arius. Ils étaient de grands clercs. Le concile n’empêcha pas que de nombreux grands clercs, évêques et princes territoriaux soient par la suite déchus (de leur fonction ?) et eurent beaucoup à souffrir, parce qu’ils étaient contre les erreurs et voulaient soutenir la foi de la Sainte-Église. |
Succession en Flandre - Saint Sylvestre et le
dragon - Ordonnances papales -
Naissance de saint Martin en
Pannonie (322-323) |
|
[De conte de
Flandre]
Item, l'an IIIc
et XXII, morut
Lidris li conte de Flandre ; si fut apres luy conte son frere, qui oit nom
Alixandre et regnat XII ans. |
[Le comte de Flandre] En l’an 322, Lidris, le comte de
Flandre mourut ; son frère, nommé Alexandre, lui
succéda et régna douze ans. |
[Sains Silvestre
prist le dragon qui ochioit les Romans, porquoy ypluseurs sont baptisiés] En
cel an
Sains-Silvestre, pape de Romme, prist I dragon qui venoit tous les jours à
Romme, et ochist bien VIm homme de son venyn, si que
[II, p. 62] la plus grant partie de la citeit soy fist baptizier.
Et prist le dit dragon par le signe de la crois, et le fist entreir cent et L
greis parfont en terre, et l'enfermat là à portes d'errain, et jusques al
jour de jugement n'en porat issir. |
[Saint Sylvestre capture
le dragon tueur des Romains, ce qui amène de nombreux baptêmes].
Cette
année-là [322], saint Sylvestre, le pape de Rome captura un dragon qui venait
tous les jours à Rome et y tua
de son venin
au moins six mille hommes. Cela
amena
[II, p. 62] la plus grande
partie de la ville à se faire baptiser. Sylvestre maîtrisa le dragon par le
signe de la croix et le fit descendre dans la terre à une profondeur de cent
cinquante marches et l’enferma là, derrière des portes de bronze. Il ne
pourra en sortir qu’au jour du jugement. |
[Status papales]
En cel ain ordinat ly pape
que nuls lay ne admete clers de cas de crisme, et ordinat que les dyaques
usent de dalmatiques, et
ordinat que ly sacrament de l'auteit
ne soit mie enwolpeis en draps de soie, ne en aultre tuicle, s'ilh n'est en
lien promier et devantrainement. |
[Ordonnances papales] Cette année-là, le pape interdit à tout laïc d’accuser un clerc dans une affaire criminelle. Il ordonna aussi que les diacres revêtent des dalmatiques et que le sacrement de l’eucharistie ne soit pas enveloppé dans de la soie ni dans un autre tissu, mais dans du lin pur, tel qu'on le tire de la terre [Pour Martin d'Opava comme source, cfr D05]. |
[De sains Martin] Item, l'an IIIc et XXIII fut
neis Sains-Martien, sicom dit est ; enssi le racompte Harigerus
en son croniques, et I altre dist qu'ilh estoit neis devant. Et fut fis d'on
chevalier paien de Pannoine et fut I glorieux confesse ; qui plainement vuet
oiir sa vie ilh le troverat à Sainte-Engliese, où sa legente est.
|
[Saint Martin]
En l’an 323 naquit saint
Martin [de Tours], à ce qu’on dit ; c’est en tout cas ce que raconte
Hériger dans sa chronique,
tandis qu’un autre auteur le fait naître plus tôt (cfr
II, 53-54). Fils d’un
chevalier païen de Pannonie, ce fut un glorieux
confesseur. Celui qui veut connaître sa
vie complète la trouvera dans les livres de la Sainte-Église. (Sur ce saint,
cfr aussi, II, p. 77, etc.) |
Miracles et conversions liés à la chrétienne Faramonde (chez les Hébreux) et aux nouveau-nés de Gapoda (en Judée) - Le pape Sylvestre poursuit l’arianisme - Il charge Ossius et Victor de le représenter au concile de Nicée - Les Huns en Bulgarie, en Pannonie, en Russie (324-327) |
|
[II, p. 62] [De la femme qui prechoit la foid, qui oit
nom Faramonde] L'an IIIc et XXIIII, fut prise une femme en Hebrie qui
cristiene estoit : sy creioit en Dieu, et alloit com prophete, prechant la
foid catholique, et estoit nommée Faramonde. Se le prisent les Hebriens
portant qu'elle prechoit, et le vorent mettre à mort ; mains Dieu y
demonstrat myracle et le delivrat de la prison, car tous cheaux qui le
voloient martyrisier,
tantoist qu'ilh l'aprochoient chaioient mors. De chu oit ly sire
de paiis mult grande mervelhe, et Dieu si l'espirat qu'ilh vient à la femme,
et ly dest, s'elle poiot tant priier à Dieu que ses gens qui estoient mors
resussitassent, ilh soy feroit baptizier luy et ses gens. Celle l'entendit,
si fut mult liie, se priat tant à Dieu que tous les mors resuscitarent.
Adont soy fist li sire et ses gens baptisier. |
[II, p. 62] [La femme nommée Faramonde qui prêchait la
foi]
L'an 324, on arrêta chez les Hébreux une femme qui était chrétienne : elle
croyait en Dieu, se déplaçait comme un prophète, prêchant la foi catholique.
Elle s’appelait Faramonde. Les Hébreux l’arrêtèrent, parce qu’elle prêchait
et voulurent la mettre à mort ; mais Dieu se manifesta par un miracle et la
délivra de sa prison, car tous ceux qui voulaient
la martyriser
tombaient morts dès qu’ils l’approchaient. Cela frappa très fort le seigneur
du pays, qui, inspiré par Dieu, vint dire à cette femme qu’il se
ferait baptiser lui et ses sujets, si elle pouvait prier Dieu de ressusciter ceux des siens qui étaient morts. Elle l’entendit et fut très
contente. Elle pria tellement Dieu que tous les morts ressuscitèrent. Alors
le seigneur et ses gens se firent baptiser. |
[Des II enfans qui
parlont quant ilh nasquirent] Sour l’an IIIc et XXV, nasquirent en la
terre de Judée d'onne femme dois enfans de une porture, et estoit la mere des
enfans nommée Gapoda. Si
demonstrat Dieu grant myracle à naistre, car les II
enfans, qui ambedois estoient marles, dessent devant tous, enssi toist que
ilh furent neis, que tous ly pays de Judée estoit perdus, se ons ne creioit
en Dieu qui fut [II, p. 63] mys en
la crois, car chis estoit vraie Dieu, et n'estoit plus de Dieu que luy. Quant
les hommes du pays entendirent chu, si en orent grant mervelhe ; mains
totvoies ilh soy baptizarent de bon cuer, en creant Dieu por chesti myracle. |
[Les deux enfants
qui parlèrent à la naissance]
En l’an 325, en terre de Judée, deux
enfants d’une même portée naquirent d’une femme nommée Gapoda. À leur
naissance, Dieu se manifesta par un grand miracle :
les deux
enfants, des garçons, dirent devant tout le monde, aussitôt qu'ils
furent nés, que la Judée entière était perdue si on ne croyait pas au
Dieu qui fut [II, p. 63] mis en
croix, car il était le vrai Dieu, et il n’y avait plus de Dieu que lui.
Quand les habitants du pays entendirent cela, ils furent émerveillés. Ce
miracle les amena à croire en Dieu et à se faire baptiser du fond du
coeur. |
Item, l'an IIIc et
XXVI, envoiat li pape sains Sylvestre à I conciel que ons faisoit en Nycene,
Ozies, evesque de Cordebien, por prechier la loy Jhesu-Crist ; et en Ytaile
envoiat I sien preistre qui oit nom Victoire, uns gran docteur, et les
donnat tout sa
poissanche apostolique : qui mult bien soy acquitarent de enformeir
l'evesque et le peuple de la foid, et encontre les erreur Arrian. |
En l’an 326, le pape saint Sylvestre envoya Ossius, évêque de Cordoue, prêcher la loi de Jésus-Christ à un concile qui se tenait à Nicée. Il envoya aussi d’Italie un de ses prêtres, Victor, un éminent docteur. Il les chargea de le remplacer (litt. Il leur donna tous ses pouvoirs de pape). Ils s’acquittèrent très bien (de la tâche) d’informer l’évêque et le peuple de la (vraie) foi, et de s’opposer aux erreurs d’Arius. |
Ossius et Victor : Martin, Chronique, p. 416, permet de mieux comprendre le texte de Jean : Hic [= Sylvester] in Niceno concilio Osio espiscopo Cordubensi ab Hyspania et Victori ab Ytalia vices commisit apostolicas. On notera qu'avant cette phrase, Martin faisait lui aussi état d'une chrétienne prisonnière et des deux enfants, mais sa version était très différente de celle de Jean d'Outremeuse (cfr les notes du D05).
[Des Huens qui
firent grans mals - Les Huens furent desconfis ]
Item, l'an IIIc et XXVII, conquisent
les Huens la terre de Bulgarie et le gastarent grandement. En cel an
entrarent les Huens en la terre de Pannoine, dont sains Martin fut neis, qui
encor estoit jovene enfes ; si
commencharent à ardre et destruire tout le pays,
mains ly roy Gomber de Pannoine vient contre eaux à gran gens, si oit
batalhe à eaux, où ilh perdit mult de gens, mains encordont ilh oit
victoir ; si furent les Huens desconfis et fut ly roy Wandalus navreit.
Adont soy refuirent les Huens, que ons nommoit adont Wandaliens, en la terre
de Rossie et habitarent là gran temps sens movoir. |
[Les Huns firent de grands dégâts - Ils furent défaits] En l’an 327, les Huns conquirent la Bulgarie, où ils firent de grands dégâts. Cette même année, ils entrèrent en Pannonie, pays natal de saint Martin, qui était encore un jeune enfant. Ils se mirent à incendier et à saccager tout le pays, mais le roi Gombart de Pannonie marcha contre eux avec beaucoup de troupes. Ils se battirent. Gombart subit de lourdes pertes, mais remporta la victoire. Les Huns furent défaits et leur roi Vandalus blessé. Les Huns, appelés alors Vandales, s’enfuirent en Russie, où ils habitèrent longtemps sans en sortir [cfr II, p. 18 et II, p. 53 ; on retrouvera les Vandales en II, p. 131]. |
F. Saint Servais, dixième évêque de Tongres [première partie]
(II, p. 63b-67a)
Sommaire
* À la mort de Valentin, saint Servais
devient le dixième évêque de Tongres - Originaire d’Orient et proche
parent de
Jésus, il est miraculeusement transporté par un ange de Jérusalem à Tongres,
où il est accueilli comme l’évêque envoyé par Dieu (328-329)
Pour la suite de l'épisode de saint Servais : cfr II, p. 75, p. 89-94 et p. 96-99
Pour des notes détaillées sur saint Servais : cfr les dossiers D06, D11 et D13
À
la mort de Valentin, saint Servais devient le dixième
évêque de Tongres - Originaire
d’Orient et proche parent de Jésus, il est miraculeusement transporté par un
ange de Jérusalem à Tongres, où il
est
accueilli comme l’évêque envoyé par Dieu (328-329) |
|
[II, p. 63b] [De la mort le IXe evesque de Tongre] Item, l'an IIIc et XXVIII en mois de junne, morut ly IXe evesques de Tongre Valentin, si fut ensevelis en l'egliese Nostre-Damme à Tongre. Apres la mort l'evesque Valentin, furent cheaux de Tongre en grant débat de faire uns evesque, lyqueis fut fais par le revelation de Dieu, enssi com sains Valentin les avoit demonstreit ; et les aultres disoient
que ch'estoient tout
fantasies, et qu'ilh devroient eslire uns evesque. Tant ont dit que ilh
misent journée del election, où tous les clers de pays devoient eistre
presens en chour del engliese Nostre-Damme. Si fut mise la journée à XIIIe
jour de may apres venant, sour l'an IIIc XXIX ; car ly siege vacat en teile
manere XI mois ou là entour. |
[II, p. 63b] [Mort du neuvième évêque de Tongres] En juin de l'an 328, Valentin, neuvième évêque de Tongres, mourut et fut enseveli en l’église Notre-Dame à Tongres. Après sa mort, les Tongriens discutèrent beaucoup du choix d’un successeur, lequel en fait fut désigné par une révélation de Dieu, comme saint Valentin le leur avait expliqué [cfr II, p. 60].
Certains
disaient que tout cela n’était que fantaisie et qu’ils devraient eux-mêmes
élire un évêque. Ils finirent par fixer la date de l’élection, à laquelle
tous les clercs du pays devaient être présents dans le chœur de l’église
Notre-Dame. Ce fut le 13 mai suivant, en l’an 329 ; le siège en
effet était resté vacant environ onze mois. |
[De sains Servais,
Xe evesque de Tongre – Le lynage sains Servais et Jhesucrist]
Ors vos
voray dire de l'evesque Xe de Tongre, qui fut nommeis sains Servais. Si vos dis
que en la citeit de Penestre qui siet entre Hermenie et Persie, oultre la
mere, estoit sains Servais demorans, qui estoit de la lignie [II, p. 64] Jhesu-Crist de part la
glorieux Virgue Marie, sa benoite mere, en trois greis et demy à
Jhesu-Crist : assavoir que Jhesu-Crist ly estoit
en thier degreit, et sains Servais ly estoit en quart, enssicom j'ay deviseit
desus et encor le vos deviseray. |
[Saint Servais, dixième évêque de Tongres - La parenté de saint Servais avec Jésus-Christ] Je voudrais maintenant vous parler du dixième évêque de Tongres, saint Servais. Sachez que saint Servais résidait dans la ville de Pénestre, située entre l’Arménie et la Perse, au-delà de la mer. Il était de la lignée [II, p. 64] de Jésus-Christ, par la glorieuse Vierge Marie, sa bienheureuse mère, à trois degrés et demi : c’est-à-dire que Jésus-Christ était son parent au troisième degré, et saint Servais au quatrième, comme je l’ai raconté plus haut (cfr I, p. 307) et comme je vous le raconterai encore ici. |
Vos saveis que sainte Anne, qui fut mere à la benoite Virgue Marie, oit une soreur qui oit nom Esmeria. Celle Esmeria oit de son marit une filhe et I fis ; car sainte Elizabeth, la mere sains Johans-Baptiste, fut la filhe, et ly fis fut nommeis Elyud par son propre nom. Elyud oit oussi I fis qui oit nom Emyb, qui oit à femme sainte Manceline. De ches II issit sains Servais, de quoy nos volons parleir. Enssi fut à Jhesu-Crist prochain sains Servais et sains Johan-Baptiste, et à sains Johan ewangeliste, et à sains Philippe, et à sains Jaque, et à toute la lignie Jhesu-Crist ; et issit de la droite lignie royal le roy David, et des plus grans des juys, et de Judas Machabeus. |
Vous savez que sainte Anne, la mère de la bienheureuse vierge Marie,
avait une sœur, Émérie. Cette Émérie eut de son mari une fille et un fils ;
sainte Élisabeth, la mère de saint Jean-Baptiste,
était sa fille, et
son fils avait pour nom Élyud. Élyud eut aussi un fils, nommé Émyb, qui
épousa sainte Manceline. Saint Servais, de qui nous voulons parler, est né
de ces deux personnes. Ainsi saint Servais fut proche de Jésus-Christ et de
saint Jean-Baptiste, de saint Jean l’évangéliste, de saint
Philippe
et de saint Jacques et de toute la lignée de Jésus-Christ ; et il est issu
de la droite lignée royale du roi David, et des Juifs les plus grands, et de
Judas Macchabée. |
[L’angle dest à
pere sains Servais qu’ilh l’apelast de part Dieu Servais] Quant sains Servais nasquit, ly angle
ly apportat son nom que Dieu ly avoit eslut à son pere et à sa mere ; et
enssi fut nommeis, par le revelation del angle, Servais, qui vault ortant
que wardeurs, car ilh devoit encor
wardeir mult de gens, et oussi son pays apres
chu, de grandes tribulations, enssicom vos oreis, et feroit aussi à nostre
loy aiide en gardant fermement. |
[L’ange, de la part de Dieu, dit au père de saint
Servais d’appeler son fils Servais]
Quand saint Servais naquit, l’ange apporta à son père et à sa mère le nom
que Dieu avait
choisi pour lui. Ainsi
fut-il, grâce à la révélation de l’ange, appelé Servais, ce qui signifie
‘protecteur’. C'est qu'il devait encore protéger beaucoup de gens, ainsi
que son pays d’ailleurs, de grandes épreuves, comme vous l’entendrez. Il
aiderait aussi notre religion, en la protégeant avec fermeté. |
[Sains Servais
prist l’orde de prestaige en Jherusalem] Or avint-ilh que, à temps que Valentin morut et
la clergerie de Tongre de LXXII englises collegials mettit la journée de
eslire uns evesque, estoit I jour alleis sains Servais en Jerusalem, por
rechivoir le ordre de prestaige et le rechuit, puis s'asiet al sepulcre en
faisant son orison à Dieu. Là vint à luy I angle et ly dest : « Servais, Dieu m'envoie à toy et toy commande que tu
vengne awec moy ; je toy monray à Tongre Octoviane, une citeit d'Allemangne
où ilh n'at nul evesque. » |
[Saint Servais reçut le sacerdoce à Jérusalem]
Il se fit qu'après la mort de Valentin, quand le clergé des
soixante-douze églises collégiales de Tongres fixa la date de l’élection d’un évêque, saint Servais se trouvait ce jour-là à Jérusalem pour y
recevoir le sacerdoce. Une fois ordonné prêtre, il s’assit près du sépulcre,
en faisant sa prière à Dieu. Un ange se présenta alors et lui dit :
« Servais, Dieu m’envoie à toi et t’ordonne de m’accompagner ; je te
conduirai à Tongres Octaviane (cfr
I, p. 274), une cité d’Allemagne, où il n’y a pas
d’évêque. » |
[L’angle aportat
sains Servais de Jherusalem à Tongre] Sains Servais
entendit l'angle, se ly respondit en mervelhant : « Je veulhe obeir
al commandement de Dieu, mon creatour ». Atant l’at ly angle embrachiet,
se l'emportat oultre la mere mult suef, tant que ilh vient à la citeit de
Tongre, sour l'an IIIc et XXIX le XIIIe jour de may, en
l'heure que les LXXII
congregations de Tongre estoient assemblée por faire I evesque : et
estoient devant l'auteit del engliese Nostre-Damme, sor [II, p. 65] lequeile ly baston pastorale gisoit, enssi com sains Valeriain
[sic] ly evesque l'avoit mys. Si
fasoient là leurs orisons, en depriant à Dieu que ilh les vosist envoier I
evesque, qui bien les governast solonc la loy de Dieu. |
[L’ange emporta saint Servais de Jérusalem à Tongres] Saint Servais écouta l’ange et lui répondit tout émerveillé : « Je veux obéir à l’ordre de Dieu, mon créateur ». Alors l’ange le prit dans ses bras, l’emporta très délicatement de l’autre côté de la mer, jusqu’à Tongres où ils arrivèrent le 13 mai de l’an 329, à l’heure où les membres des soixante-douze collèges étaient rassemblés pour désigner un évêque. Ils se trouvaient devant l’autel de l’église Notre-Dame, sur [II, p. 65] lequel était posé le bâton pastoral, comme l’évêque saint Valentin l’avait mis. Ils y faisaient leurs oraisons, en demandant à Dieu de bien vouloir leur envoyer un évêque qui les gouvernerait selon sa loi. |
[L’angle emynat
entre LXXII college devant l’ateil sains Servais à Tongre]
Enssi qu'ilh estoient là, en orisons,
vint là sains Servais, si entrat en l'egliese, enssi com ly sains angle le
conduisoit et l'ensengnoit de faire ; et
oussitoist qu'ilh fut devant l'auteit engenulhiet, adont vint ly sains angle
qui prist sour l'auteit le croche et le donnat sains Servais en sa main,
puis ly butat l'aneal en son doit, et apres ilh ly mist le mittre sour son
chief, et se l'asseit en la chayer pontifical mult diligemment. |
[L’ange amena saint Servais à Tongres, devant l’autel, au milieu des soixante-douze collèges] Tandis qu’ils étaient là en prières, saint Servais arriva. Il entra dans l’église, conduit par le saint ange qui le guidait et lui montrait que faire. Dès que Servais fut agenouillé devant l’autel, l’ange arriva, prit la crosse sur l’autel, la mit dans la main du saint, lui glissa l’anneau au doigt, lui plaça la mitre sur la tête et le fit asseoir sur le trône pontifical, tout cela d'une manière très organisée. |
[Comment l’angle
amministrat sains Servais de chu qu’à son digniteit apertenoit devant les
canones]
Apres ly angle soy departit en disant : « Rechiveis dignement vostre pastre
que Dieu
vos at envoiet, car vos
aveis le miedre evesque de monde, dest-ilh à peuple et al clergerie, et bien
sachiés qu'ilh est desquendus de la lignie Jhesu-Crist, se que vos
l'honoreis, car Dieu vos l'at envoiet ; et se vos l'ameis, Dieu vos
amerat. » |
[Devant les chanoines, l’ange présenta la dignité de saint Servais]
Ensuite, l’ange s’en alla en disant au peuple et aux clercs :
« Recevez
dignement le
pasteur que Dieu vous a envoyé, car vous avez le meilleur évêque du monde.
Sachez bien qu’il descend de la lignée de Jésus-Christ. Vous devez
l’honorer, car Dieu vous l’a envoyé ; et si vous l’aimez, Dieu vous
aimera. » |
[Les LXXII colleges
ont chanteit : Te Deum laudamus] Atant s'en partit
ly angle, et la clergerie commenchat à chanteir : Te Deum laudamus. - Adont l'ont les colleges benignement recheus,
si
rendirent grasce à Dieu de chu que Dieu les avoit avoiet
I sains pastre, se ly fisent grant reverenche, sicom leur evesque.
|
[Les soixante-douze collèges chantèrent le
Te Deum laudamus]
L'ange alors partit
et les clercs
se mirent à
chanter : Te Deum
laudamus. Les collèges accueillirent Servais avec bienveillance, rendirent
grâces à Dieu de leur avoir envoyé un saint pasteur et lui manifestèrent un grand
respect, comme à leur évêque. |
Long règne
(66 ans) de saint Servais à Tongres -
Problèmes linguistiques qui seront miraculeusement
résolus - Homme juste et bon, saint
Servais mène une vie autère et fait des
miracles |
|
[II, p. 65] [Sains Servais regnat LVI ans à Tongre et
III à Treit – Sains Servais parlat le droit langage de Tongre]
Enssi fut sains Servais evesque de
Tongre, et regnat LVI ans tou plains, anchois que les Huens destruissent
Tongre. Et puis regnat trois ans à Treit, si fut mult proidhons et loial
tant qu'ilh viscat, en prechant ses gens qui estoient malvais et dissolus ;
car ly menus peuple soy mockoit de
luy, portant qu'ilh parloit hebreu enssicom
les juys, car ilh estoit yssus d'eaux. Ilh n'entendoit nient ses gens, ne
ses gens ne l'entendoient mie, car ilh ne plaisoit à Dieu aultrement ; mains
ilh avient que une nuit en son dormant ilh parlat nostre langue, et dedont
en avant ilh parlat enssi com ilh fust neis de Tongre, dont ly peuple fut
mult liies. |
[II, p. 65] [Saint
Servais régna soixante-six ans à Tongres et trois à Maastricht - Il parla la langue qu’on parlait à Tongres] Ainsi saint Servais fut
évêque de Tongres, où il régna soixante-six ans entiers, avant que les Huns
ne détruisent la ville. Ensuite, il régna trois ans à Maastricht. Toute sa
vie, il fut un homme très sage et juste, prêchant à ses gens qui étaient
mauvais et dissolus. Le petit peuple se moquait de lui, parce qu’il parlait l’hébreu,
comme les Juifs, dont il était issu. Il ne comprenait pas ses gens et
ceux-ci ne le comprenaient pas, car Dieu n’en avait pas décidé autrement. Mais
une nuit, en son sommeil, il parla notre langue et, dès ce moment, la parla
comme s’il était né à Tongres, ce qui réjouit beaucoup le peuple. |
[Sains Servais junnoit tousjours, et quant il avoit dit messe ilh ne mangnoit tot jour altre chose, et garissoit tos malades] Sains Servais estoit si sains et proidhons, qu'ilh junoit tos les jours, et quant ilh celebroit messe, ilh ne prendoit cheli jour altre substanche que le sacrement de l'auteit ; ilh regarissoit les messeaux, contrais, aweugles, muweaux, et resuscitoit les mors par les dignes vertus de Dieu. |
[Saint Servais jeûnait continuellement - Quand il avait dit la messe, il ne mangeait rien d’autre de la journée - Il guérissait tous les malades] Saint Servais était un homme si sage et si saint qu’il jeûnait tous les jours. Le jour où il célébrait la messe, il ne prenait d’autre aliment que le sacrement de l’autel. Il guérissait les lépreux, les difformes, les aveugles, les muets, et ressuscitait les morts par la puissance de Dieu |
Saint Servais transfère le siège épiscopal de Tongres à Maastricht - Dénomination du titre de l’évêque siégeant à Maastricht |
|
[Sains Servais
translatat le siege de Tongre à Treit, mains ilhs furent todis evesques de
Tongre, jusques à sains Huber, le promier de Liege] Sains Servais fut
le Xe evesque de Tongre, et fist mult de bien al [II, p. 66] evesqueit et fut ly derain
evesque qui regnat à Tongre, car les Huens le
destrurent, enssi com vos oreis. |
[Saint Servais transféra le siège de Tongres à Maastricht,
mais les titulaires furent toujours évêques de Tongres, jusqu’à saint Hubert,
premier évêque de Liège]
Saint Servais fut le dixième évêque de Tongres et fit beaucoup de bien à [II,
p. 66]
l’évêché. Il fut toutefois le dernier évêque à régner à Tongres, car les
Huns
détruisirent la ville, comme vous l’entendrez [cfr
II, p. 117-119]. |
Si
tranlatat le siege de Tongre à Treit-sour-Mouse ; mains ilh en est
altercation, car ly uns les appelle evesques de Treit cheaux qui regnarent à
Treit apres sains Servais, et ly aultre les nomme tous evesques de Tongre,
le siege stesant à Treit ;
et chis dist bien, car
Treit ne fut onques citeit, ains fut toudis, enssi qu'il est maintenant, une
opide, c'est I vilhage, et puisqu'ilh ne fut onques citeit, si ne poioit
avoir evesque, ains estoit li siege vaque, car Tongre estoit destruite, et
par le destruction de Tongre stesoit ly evesque à Treit ; et enssi les
devoit-ons appelleir evesque de Tongre, le siege estesant à Treit, de sains
Servais jusques à sains Hubier, qui fut le derain de Tongre et ly promier de
la noble citeit de Liege. |
S'il transféra le siège (épiscopal) de Tongres à Maastricht, un point
prête à discussion. Les uns appellent « évêques de Maastricht » les
successeurs de saint Servais à Maastricht ; les autres
parlent « d’évêques de Tongres, avec siège à Maastricht ». C’est cette
dernière formule qui est exacte. Maastricht en effet ne fut jamais une cité, mais
toujours,
comme c’est le cas maintenant, une place-forte, un village. N'étant pas une cité,
elle ne pouvait donc pas avoir un évêque. Tongres étant
détruite, le siège normal restait vacant et l’évêque siégeait à Maastricht.
On devait donc appeler les titulaires évêques de Tongres, le siège étant à
Maastricht. Ce fut le cas de saint Servais à saint Hubert, qui fut le dernier
évêque de Tongres et le premier de l’illustre cité de Liège. |
Saint
Servais à Tongres
d'abord,
à Maastricht
ensuite : Nombreux
miracles - Fondation de l’église Saint-Barthélemy de Tongres (330) - Mécontentement
des Tongriens contre leur évêque, qui part pour trois ans à
Maastricht, dont il était le maître spirituel (le
seigneur temporel étant le duc de Lotringe) - Le comte Porus de Louvain, héritier du duché de
Lotringe et guéri par saint Servais, lui offre le pouvoir temporel sur Maastricht et
veut l’aider à se venger des Tongriens, mais saint Servais leur a pardonné (vers 330) |
|
[II, p. 66] [Myracle de sains Servais] Chis evesques sains Servais commenchat
fortement à prechier son peuple et faisoit Dieu tant de myracles par luy que
ch'estoit grant mervelhe. Qui prendoit del aighe où il avoit ses mains
laveit, ilh n'avoit
maladie en monde queileconques, se mors n'y
estoit, que ilh ne fust garis se unc pou en gostoit. |
[II, p. 66] [Miracle de saint Servais] Comme évêque, saint Servais se mit à prêcher beaucoup à son peuple, et Dieu par son intermédiaire faisait tant de miracles que c’en était prodigieux. Celui qui prenait un peu de l’eau avec laquelle il s’était lavé les mains guérissait de n’importe quelle maladie, sauf de la mort. |
[Sains Servais
fondat l’englise Sains Bertremere]
Item, sour l'an IIIc et XXX en mois de junne, fondat sains Servais en la
citeit de Tongre une engliese en l'honeur de sains Bertremere l'apostle, car
ilh estoit issus de part sa mere de la lingnie sains Bertremere. Ilh y avoit
des aultres engliese de
sains Bertremere sens
chesti, mains ilh n'y oit nulle sy noble que cel estoit : ilh y mist XXX
canoynes et unc doyen que ilh doyat mult bien et richement. |
[Saint Servais fonda l’église Saint-Barthélemy] En juin de l’an 330, saint Servais fonda dans la ville de Tongres une
église en l’honneur de l’apôtre saint Barthélemy,
car il était issu, du côté de sa mère, de la lignée de saint Barthélemy
[pas de mention en II, p. 63].
D’autres églises en l’honneur de saint Barthélemy existaient ailleurs, mais
aucune n’était aussi illustre que celle qu’il fonda à Tongres. Il y installa
trente chanoines et un doyen qui furent très richement dotés. |
[Murmur contre
sains Servais] En cel année commenchat ly peuple de Tongre à murmureir contre
leur evesques sains Servais, et disoient : « C'est grant displaisanche que
nos avons uns evesque qui ne sceit la governanche de nostre pays, et se
ne sceit les loys et se ne vat pointe visenteir la court imperial.
Ilh ne nos ferat jà bien, fours que grevanche et paine. » |
[Récrimination contre saint Servais] Cette année-là [330], le peuple de Tongres se mit à murmurer contre son évêque, en disant : « Il nous déplaît beaucoup d’avoir un évêque ignorant la manière de gouverner notre pays, n’en connaissant pas les lois et ne se présentant pas à la cour impériale. Il ne nous amènera jamais de bien, rien d’autre que souffrance et peine. » (cfr II, p. 65) |
[Sains Servais alat
demoreir à Treit] Tant allat cel murmur, que la novelle en vient à sains Servais ;
si s'absentat de Tongre et alat à Treit.Sains Servais allat à Treit
demoreir, qui estoit siene, voir qui en estoit sires spirituel ; mains ly
dus de Lotringe en estoit sires temporeis. Et là
demorat-ilh trois ans, tant que ly peuple ly oit amendeit le meffait et
faite de chu penitanche. |
[Saint Servais alla habiter à Maastricht] Ce murmure se répandit et finit par parvenir aux oreilles de saint Servais, qui quitta alors Tongres et alla à Maastricht qui lui appartenait ; il en était en effet le maître spirituel, son seigneur temporel étant le duc de Lotringe. L’évêque y resta trois ans, jusqu’à ce que le peuple ait corrigé sa mauvaise attitude et fait pénitence. |
[Sains Servais
garist le conte de Lovay] Quant ly conte de Lovay soit le fait, sy
en fuit mult corochiés, jasoiche que ilh fut payens ; si vint à Treit et
parlat à sains [II, p. 67]
Servais, en demandant conselhe de une grant maladie qui ly mangnoit tout le
neis, et c'estoit fiste ou cranche. Mains l'evesque par le vertu de Dieu le
garist tantoist.
Dont ly conte Porus en
oit grant mervelhe et ly presentat son poioir de luy vengier del grant
displaisanche que son peuple de Tongre l’y avoit forfaite ; mains sains
Servais respondit gran merchis, ch'estoient ses gens, ilh avoient esteit mal
conselhiet, mains ilh estoient bien racordeis. |
[Saint Servais guérit le comte de Louvain] Quand le comte de Louvain
fut mis au fait, il en fut très courroucé
bien qu’il fût païen. Il se rendit à Maastricht et parla à saint [II, p. 67] Servais, pour lui demander conseil à propos de la grave maladie qui lui
mangeait tout le nez ‒ c'était une fistule ou un chancre. L’évêque, grâce à
l’intervention de Dieu, le guérit aussitôt. Le comte Porus (cfr
II, p. 53) en fut émerveillé
et lui offrit de le venger du grand désagrément que lui avaient causé les
gens
de Tongres.
Saint Servais le remercia vivement, disant qu’ils étaient ses ouailles,
qu’ils avaient été mal conseillés, mais qu’ils étaient réconciliés avec lui. |
[Li conte de Lovay
donnat la moitié de Treit à sains Servais] Et ly conte Porus ly dest : « Sire, enssi com
vos saveis, quant Raufrois ly dus de Lotringe fut mors et fineis, sy fut la
ducheit de
Lotringe mon droit heretaige, encors est-el
temporaliteit et vos en esteis sire espirituel ; il at en la ducheit mult de
vilhes, entres les aultres est Treit, que ly roy Tractulus de Tongre fondat,
dont vos esteis spirituel sire ; et je vos donne la temporaliteit de la
vilhe de Treit, le moitié encontre moy, por chu que vos m'aveis garis. De
chu le remerchiat li evesque, car ilh avoit toudis ameit Treit et encors
l'amoit-ilh. |
[Le comte de Louvain donna la moitié de Maastricht à
saint Servais]
Le comte Porus lui dit alors : « Seigneur, comme vous le savez, à la mort de
Rainfroi, duc de Lotringe, son duché me revint de droit en
héritage. J’en suis encore le seigneur
temporel et vous
en êtes le seigneur spirituel. Ce duché compte beaucoup de villes dont
Maastricht, fondée par le roi Trectulus de Tongres (cfr
I, p. 441) et dont vous êtes le
seigneur spirituel. Parce que vous m’avez guéri, je vous donne aussi le
pouvoir temporel sur la ville de Maastricht, la moitié qui m’appartient
(cfr II, p. 167).
L’évêque le remercia, car il avait toujours aimé et aimait encore Maastricht
. |
[Sains Servais
fondat Sains-Pire à Treit]
Et si fondat al entrée, vers I
borch, une engliese en
l'honeur de Sains-Pire. |
[Saint Servais fonda Saint-Pierre à Maastricht] Il fonda aussi,
à l’entrée, vers un bourg, une église en l’honneur de saint Pierre
[pour la suite de l'épisode de saint Servais, cfr ci-dessous
II, p. 75]. |
F.
Retour à Constantin : les événements de l’empire et de l’Église jusqu’à sa mort
(331-338) (p. 67b-70a]
Sommaire
* Catastrophes - Mort du pape Marc - Élection du pape
Jules (335-337)
Événements divers
sous Constantin - Rome et Empire romain
- Les Huns
- Les papes Sylvestre et Marc -
Leurs ordonnances - L’église Saint-Sauveur
dans le palais du Latran (331-334) |
|
[II, p. 67b] [Constantin remist ches d’Athennes en
tregut]
Item, l'an IIIc et XXXI, oit ly emperere Constantin batalhe contre cheaux de
Athenne qui estoient rebelle al empire, en laqueile batalhe ly roy Bulgos
d'Athenne fut mors et XIm hommes des siens ; et les Romans perdirent VIIIm
hommes, mains ilh orent victoir. Adont
furent cheaux d'Athenne
remis el subjection del empire. |
[II, p. 67b] [Constantin soumit à nouveau les Athéniens
au
tribut] En l’an 331, l’empereur
Constantin livra bataille aux Athéniens en rébellion contre l’empire. Le roi Bulgos d’Athènes et onze mille de ses
hommes moururent. Les Romains perdirent huit mille hommes mais remportèrent
la victoire. Les Athéniens retombèrent à nouveau sous la sujétion de
l’empire. |
Adont furent remis en la subjection des Romans tous cheaux qui y avoient
oncques esteit, excepteit les Sycambiens de Galle qui
encors estoient rebelles, de
quen l'emperere estoit grandement dolens. |
Tous ceux qui avaient été dans le passé tributaires des Romains le redevinrent, excepté les Sicambres de Gaule,
encore en rébellion, ce qui affectait beaucoup l’empereur. |
[De Galle] Item, l'an IIIc et XXXII, morut Merones
ly dus de Galle ; sy fut dus
apres luy son fis qui oit nom Anthenoir,
liqueis regnat X ans. |
[Gaule]
En l’an 332, Merones [Marcon ?], le duc de Gaule, mourut ; son fils,
nommé Anténor,
devint duc après lui et régna dix ans. |
[Les Huens
desconfis en Hongrie]
Sour l'an IIIc et XXXIII, furent les Huens
desconfis en Hongrie.
|
[Les Huns défaits en Hongrie]
En l’an 333,
les Huns furent
défaits en Hongrie. |
En
cel an fist une gallée qui durat del Sains-Simon et Sains-Jude jusqu'en
marche, et ne fut oncques sy bonne année de tous biens, ne sy
tempre ne vinrent à maweurteit. |
Cette année aussi [333], une
période de gel dura de la Saint-Simon et la Saint-Jude, jusqu’en mars.
Jamais une année ne fut aussi bonne pour
tous les fruits,
jamais ils ne vinrent si tôt à maturité. |
[Ly pape Sains-Silvestre
morut] Sour
l'an IIIc et XXXIIII le XIIIe jour de mois de decembre, morut à Romme Sains-Silvestre
le pape : sy fut ensevelis deleis le palais Octoviain l'emperere en lieu
con dist al Tieste, et puis fut translateit en
l'engliese qui [II, p. 68] at nom Conventicula del
dyoceise de Mode en Lombardie. |
[Mort du pape saint Sylvestre]
En l’an 334, le 13 décembre,
le pape saint Sylvestre mourut à Rome : il fut enseveli près du palais
de l’empereur Octavien, en un lieu-dit « à la Tête », puis
il fut
transféré en l’église [II, p. 68] appelée
Conventicula, dans le diocèse de Modène en Lombardie. |
[Status papales - Del chanteir des psalmes
en chour - Que les alteis soient de pires]
AI temps de cesti pape, dois sains proidhons,
qui
furent nommeis Flaviain et Dyoscorus, ordinarent en
l'egliese del dire les psalmes à dois chour, et le fisent confirmeir le pape
Silvestre. |
[Ordonnances papales - Les psaumes chantés en chœur - Les
autels en pierre]
Sous ce pape, deux saints hommes, Flavien et Dioscore, décidèrent de réciter les psaumes à
l’église, avec deux chœurs, ce qu’ils firent confirmer par le pape Sylvestre. |
Item, chis pape ordinat que, par toutes les englieses que ons faisoit, que
ons y fesist les
alteis de pire, car adont
les faisoit-ons de bois, et que nuls ne celebrast à alteis de bois, se ly
pape nom. Et chu faisoit-ilh por le reverenche de chu que sains Pire
l'apostle et ses successeurs papes avoient celebreis à alteis de bois. |
Ce pape ordonna aussi, dans toutes les églises qu’on construisait,
de faire les autels en pierre (on
les faisait alors en bois) et de n’autoriser personne, sauf le pape, à
célébrer sur des autels de bois. Il le faisait par respect, parce que
l’apôtre saint
Pierre et les papes ses successeurs avaient célébré sur des autels de bois. |
[Del engliese
Sains-Salveur en palais de Latran à Romme] Item, l'emperere
Constantin, en son palais de Latrain, à l'honeur de Jhesu-Crist, edifiat une
engliese que ons nom maintenant l'engliese Sains-Salveur, al fin que nuls ne
poist dire ne penseir qu'ilh ne fust vray cristien sens dobte, lequeile ly pape
sains Silvestre consecrat : laqueile consecration jusques à jour d'huy,
nient tant seulement à Romme mains oussy ès regions tout altour,
sollempnement le celebrent le IXe jour de novembre. AI temps de laqueile
consecration ly ymage de
Nostre-Salveur Jhesu-Crist, nient d'ovraige humaine
mains par divine inspiration [operation, dans
B], s'apparut adont promier pointe en mure et encor y est al jour d'huy. |
[L’église Saint-Sauveur dans le palais du Latran à Rome] Dans son palais du Latran,
l’empereur Constantin édifia, en l’honneur de Jésus-Christ, une église, nommée
maintenant l’église Saint-Sauveur ; il voulait que personne ne
puisse
dire ou penser qu’il n’était pas un chrétien vraiment sincère. Le pape saint
Sylvestre consacra l’église et cette consécration est commémorée jusqu’à
maintenant, non seulement à Rome, mais aussi dans les régions voisines, qui
la célèbrent solennellement le 9 novembre. Lors de cette consécration, l’image
de Notre-Sauveur Jésus-Christ, due non à une main humaine mais à une opération
divine, apparut peinte pour la première fois sur un mur [de
l’église], et y est encore aujourd’hui. |
[Marcus XXXVe pape]
Apres la
mort le pape sains Silvestre vacat ly siege VI jour, et apres, assavoir le
XIIIe jour de mois de decembre, fut
consacreis à pape de
Romme I cardinal qui fut nommeis Marcus, qui fut de la nation de Romme, fis
de unc borgois qui oit nom Priscus, lyqueis tient le siege II ans, IX mois
et XXIIII jour. |
[Marc, le trente-cinquième pape]
Après la mort du pape saint Sylvestre, le siège resta vacant six jours et ensuite, c’est-à-dire le 13
décembre, un cardinal nommé Marc fut sacré pape. Originaire de Rome et fils d’un bourgeois
nommé Priscus, il occupa le siège pendant
deux ans, neuf mois et vingt-quatre jours. |
[Status que ons
chantast en la messe credo]
Chis pape ordinat que ly cardinal de Hostie
[II, p. 69] qui consacree le pape
que dedont
en avant usast de pallion, et
que ons chantast le Credo en la messe les dymengnes. |
[Ordonnance imposant de chanter le credo à la messe]
Ce pape ordonna que
Ie
cardinal d’Ostie [II, p. 69], qui
consacrait le pape, revête désormais le Pallium, et que l’on chante le Credo à la messe, les dimanches. |
[De conte de
Flandre]
En
cel an morut Alixandre, le conte de Flandre : si regnat
après luy son
fis, qui oit nom Ector, XVII ans. |
[Le comte de Flandre]
En cette année [334] mourut Alexandre, le
comte de Flandre. Son fils, qui portait le nom d’Hector,
régna après lui pendant
XVII ans. |
Catastrophes
- Mort du pape Marc - Élection du
pape
Jules Ier (335-337) |
|
[II, p. 69] [L’an IIIc XXXV - Grant famyne et
mortaliteit]
Item, l'an IIIc et XXXV, oit sy grant famyne en la terre de Surie, que les gens moroient
par les citeis et les vilhes subitement, et oussi en teile manere en la
terre de Sezille. |
[II, p. 69]
[An 335 - Grande famine et mortalité]
En l’an 335, une très grande famine s’abattit
sur la Syrie. Les gens
mouraient subitement dans les villes et les cités. Il en
fut de même en Sicile. |
En
cel an oit en Galle grant mortaliteit et moroient les gens tout seant à
tauble
en gran solas, et
apparoit, à cheaux qui devoient morir, sour leur neis une vessie qui estoite
noire, puis moroit le jour meismes sens plus à ratendre : se durat chu IIII
mois. |
Cette année-là [335], il y
eut une grande mortalité en Gaule. La mort frappait, alors que les gens
étaient assis à table joyeusement. Ceux qui devaient
mourir voyaient
apparaître sous leur nez une vessie noire ; ils mouraient le jour même, sans
plus attendre. Cela dura quatre mois. |
[Y pluit sanc à
Romme]
Item, l'an IIIc et XXXVI, pluit sanc le jour del Nativiteit Jhesu-Crist,
sique les gens qui passoient parmy Romme
avaient leur vestimens
tous vermeas ; sy en furent mult enbahis. |
[Il plut du sang à Rome]
En l’an 336, une pluie de sang
tomba
à Rome, le jour de
la Nativité de Jésus-Christ, si bien que les gens qui passaient par Rome
avaient leurs vêtements tout rouges ; ils en étaient tout étonnés. |
Apres, l'an IIIc XXXVII le VIIe jour d'octembre, morut li pape de Romme
Marcus :
si fut ensevelis en l'engliese
Sains-Pire à Romme. |
Ensuite, en l’an
337, le 7 octobre, le pape de Rome, Marc, mourut. Il fut enseveli dans
l’église saint-Pierre à Rome. |
[Julien pape
XXXVIIe]
Après sa mort vacat le siege XV jours, et puis le XXIIIe jour d'octembre fut
consacreis à pape de Romme unc preistre qui fut nommeis Julien, qui fut de
la nation de
Romme, le fis de I vilain
dont nos ne savons le nom ; et tient le siege solonc Damaise XIII ans, V
mois et XX jours, et solonc Martin XI ans, II mois et VIII jours, et solonc
Jerome et Prosper XVI ans, IIII mois ; et vacat ly siege XXV jour. |
[Jules trente-septième pape]
Après sa mort, le siège resta vacant quinze jours. Ensuite, le 23 octobre,
fut sacré comme pape de Rome, un prêtre nommé Jules, originaire de
Rome et fils d’un paysan dont nous ne connaissons pas le nom. Il occupa le
siège pendant treize ans, cinq mois et vingt jours selon
Damase, onze ans,
deux mois et huit jours selon Martin, seize ans et quatre mois selon Jérôme
et Prosper, avec une vacance de siège de vingt-cinq jours. |
[La fieste sains Silvestre
fut ordineit à celebreir]
Item, l'an IIIc et XXXVIII le derain jour de mois de decembre, fut veuwe
sour le tumbe le pape sains Sylvestre, qui estoit trespasseit devant le pape
Marcus, une mult grant clarteit par nuit, et
menoient là grant joie
les angles de Dieu. Adont fut en chi propre jour ordineit à célébrer la
fieste sains Silvestre, et fut enssi ordineit par les cardynals, car ilhs
n'avoient encor nulls pape fait. |
[On fit célébrer la fête de saint Sylvestre] En l’an 338, le dernier jour de décembre, on aperçut sur la tombe du
pape saint Sylvestre, mort avant le pape Marc, une très grande clarté, en
pleine nuit, avec des anges de
Dieu faisant grande fête. On ordonna alors de célébrer en ce propre
jour la fête de saint Sylvestre. Cet ordre émanait des cardinaux, car ils
n’avaient encore désigné aucun pape. |
Mort de
Constantin
le Grand - Le baptême de son fils Constantin
(338) -
Jugement global sur la
personnalité
de Constantin et garants |
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[II, p. 69] [L’emperere Constantin morut, qui fut ly
plus beal de monde et gran hons et morut par venyn]
Item, l’an IIIc et
XXXVIII le XVIe jour de junne, devant la fieste sains Silvestre morut ly
emperere Constantin ly gran, le fis de la royne Haleine, qui fut bon
chevalier et loial, et vraie cristiain, et qui amat grandement
Sainte-Engliese. Chis Constantin fut ly plus beal hons que ons sawist en
monde, et estoit [II, p. 70]
gran ; ilh morut de venyn que ons ly donnat, chu lyst-ons en alcuns
escriptures ; et morut en Greche par-deleis Nychomediaian, et
lyst-ons que en l'honeur de luy fut faite I ymaige
d'homme de la grandeche de Iuy, de marbre, et fut de Constantinoble à Romme
amynée awec luy en marchiet al palais de Latrain ; et fut là mis et mult
subtilement assies, et encors l’y voit-ons. |
[II, p. 69]
[Mort par empoisonnement de l’empereur Constantin, qui fut un grand homme, le
plus beau du monde]
En
l’an 338, le 16 juin, avant la fête de saint Sylvestre, mourut Constantin le
Grand, fils de la reine Hélène. Chevalier bon et fidèle, c’était un vrai
chrétien, qui aima beaucoup la Sainte-Église. C’était le plus bel homme au
monde, et il était [II, p. 70] de
grande taille. Il mourut d’un poison qu’on lui administra, d’après ce qu’on
lit dans certains écrits. Il mourut en Grèce, près de Nicomédie. En son
honneur on fit une statue d’un homme de sa taille, statue de marbre, qui fut
amenée avec lui de Constantinople à Rome, sur
la place du marché, au
palais du Latran. C’est là qu’elle fut placée et très habilement installée.
On l’y voit encore. |
Et
vuet-ons que en la fin de sa vie soy fist-ilh baptizier encor une altre
fois, qui n'est mie à croire, car ch'est menchongne fause ;
mains ilh fist bien baptizier
Constantin son fis qui regnat apres luy, enssi com sains Grigoire dist en
ses croniques ou en ses escrips, où ilh parolle de luy et le nomme hons de
bonne memoire. |
On prétend qu’à
la fin de sa vie, il se fit baptiser une seconde fois. Mais il ne faut pas le
croire, car c’est absolument faux. En fait, il
fit baptiser son fils Constantin qui lui succéda. On peut voir aussi ce que
dit saint
Grégoire dans ses
chroniques ou dans ses écrits, où il parle de Constantin en le qualifiant
d’homme de pieuse mémoire. |
[Del fieste
l’emperere Constantin] En l'hystoire Tripartita ejus exitus, c'est de son yssue, true-ons les bons fais
que ilh fist ; et sus le psalme où sains Ambrose dist que ilh estoit de gran
merit à Dieu, et Ysidorus oussi en ses croniques
qui reprove tout le mal
que ons en puet dire, et dist qu'ilh morut bin awireusement. Et les Grigois
l'ont escript en le cathaloge de sains, et se font grant sollempniteit de
luy le XXIe jour de may. |
[La fête de l’empereur Constantin] Dans l’histoire Tripartita ejus exitus (c’est sur sa
mort), on trouve le récit de ses bonnes actions, ainsi que dans le psaume où
saint Ambroise dit qu’il était très méritant aux yeux de Dieu. C’est le cas
aussi d’Isidore dans ses chroniques, qui désapprouve tout le mal qu’on peut dire de Constantin et qui dit qu’il mourut
d’une manière heureuse. Les Grecs l’ont inscrit dans le catalogue des saints,
et célèbrent très solennellement sa fête le 21 mai. |
Note importante
Comme on l'a dit en commençant, ce présent exposé sur Constantin, étant donné sa grande importance, n'est pas accompagné, comme les précédents, par un simple fichier de notes de lecture, mais développé par un groupe de fichiers indépendants, qui sont autant de dossiers de lecture. Désignés par les signes D01, D02, D03, D04, D05, D06 et D07, ils abordent chacun une série de questions particulières mais, pour faciliter le travail du lecteur, un fichier les rassemble tous en fournissant pour chacun d'eux une table des matières assez détaillée donnant directement accès aux données.