Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 104b-121a Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM] LES RÈGNES DE CLODION (393-402) ET DE MÉROVÉE (402-412)
MORT DE THÉODOSE Ier - ARCADIUS ET HONORIUS - LE RÈGNE DE CLODION, LA FLANDRE D'AGRICOLA ET LE BRABANT D'HECTOR - MÉROVÉE - TONGRES ET SES ÉVÊQUES - LES PAPES - VIE DE SAINT ALEXIS - ATTAQUES ET EXPANSION DES HUNS - VARIA
Ans 393-412 de l'Incarnation
Texte et traduction
Ce fichier qui couvre les années 393 à 412 de l'Incarnation et correspond aux II, p. 104-121 du Myreur, contient deux sections :
* A. Ans 393-402 (Myreur, II,
p. 104b-110a) : À l'époque de Clodion, deuxième roi des Francs [sommaire
et texte] * B. Ans
402-412 (Myreur, II, p. 110b-121a) : À l'époque de Mérovée, troisième
roi des Francs - Vie de saint Alexis - Expansion des Huns - Leurs destructions [sommaire et texte] N.B. Le fichier suivant (II, p. 121-138 du Myreur), sera essentiellement consacré à l'époque de Childéric Ier. On y trouvera la suite d'un certain nombre d'événements abordés dans le présent fichier (II, p. 104-121). Cela explique que les Notes de lecture des fichiers II, p. 104-121 et II, p. 121-138 ont été traitées dans un seul et même fichier.
Agricola, le comte de Flandre, s'est emparé des
terres de Théodoric - En réaction,
Clodion, roi des Francs, envahit la Flandre qu'il saccage - Il exige
qu'Agricola non seulement lui rende hommage pour la Flandre mais lui remette
les possessions de Théodoric - Refus d'Agricola - Guerres pour Cambrai et Tournai
qui sont finalement contrôlées par Clodion (398-399) |
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[II, p. 106] [Les
Franchois ont victoire contre les Flammens] Item, l'an IIIc XCVIII en mois de septembre, s'en allat Clodius à
grant gens sour le conte de Flandre, qui avoit saisis les vilhes de prinche
desqueiles debas estoit ; si commenchat à ardre et exilhier la terre de
Flandre, et mandat batalhe à conte de Flandre, où ilh ly venist faire
homaige de toute la terre de Flandre, et ly rendist la terre de chevalier
qu'ilh avoit sasie ; et, se chu ne faisoit-ilh, le cacheroit fours. |
[II, p. 106] [Les
Francs victorieux des Flamands]
En septembre 398, Clodion marcha avec de nombreuses troupes contre le comte
de Flandre, qui s’était emparé des villes litigieuses [celles de Théodoric
le Poilu]. Il se mit à incendier et à saccager la Flandre, et déclara la
guerre au comte : ce dernier viendrait lui faire hommage de toute la terre
de Flandre et lui rendrait les terres du chevalier
dont il s’était emparé ; sinon, il l’en chasserait. |
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Quant ly conte Agricolay oit teile mandement, ilh fut mult corochiés, et vient contre le roy à grant gens, qui avoit assagiet Cambray, et le corut sus : là oit fort batalhe, qui durat del heure de prime jusques à medis. |
Quand le comte Agricola reçut cette injonction, il fut très en colère. À la
tête de forces nombreuses, il marcha contre le roi, qui
avait
assiégé Cambrai, et l’attaqua : il y eut là une grande bataille, qui dura de
la première heure à midi. |
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Mains ly conte de Flandre perdit XIIIIm hommes, et luy-meismes fut
grandement navreis : se le navrat le roy Clodius, qui ochiet en la batalhe
de sa propre main XVIIxx hommes ; car ons savoit bien lesqueis ilh avoit
ochis, à chu qu'ilh fendoit I homme jusqu'en pis d'onne ghisarme qu'il
portoit, que ons nommoit altrement unc spafut. Chis roy Clodius fut grans de
XI piés, et astoit gros et fort à l'avenant ; et astoit ly plus hardis de
monde et mult hastans en ses fais. Enssi furent desconfis les Flammens. Et
ly roy Clodius demorat devant Cambray III mois, et le prist par forche, et
mist dedens ses gens et sa justiche. |
Le comte de Flandre perdit quatorze mille hommes et fut lui-même
grièvement blessé par le roi Clodion, qui au cours de la bataille tua
de sa propre main deux cent quarante hommes. Il était facile d'identifier les
gens qu’il avait tués, parce qu’il fendait un homme jusqu’à la poitrine,
avec une arme de hast qu’il portait et qu’on
appelle aussi un espadon. Ce roi Clodion mesurait onze pieds de haut, avec
une corpulence et une force à l’avenant. Il était le plus hardi au monde et très
rapide dans ce qu’il faisait. Les Flamands furent vaincus. Le roi Clodion
resta trois mois devant Cambrai, dont il s’empara par la force. Il y
installa ses gens et sa cour de justice. |
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Apres ly roy Clodius assegat Tournay, et seit devant VI mois, puis le
prist en mois de may l'an IIIc XCIX. |
Ensuite, le roi Clodion assiégea Tournai durant six mois, avant de prendre
la ville en mai 399. |
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Mort du pape
Sirice remplacé
par le pape Anastase |
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[Anastaise
le XLIIe pape de Romme] En cel an en mois [II, p. 107] d'avrilh, morut ly pape
de Romme Syricius, qui mult fut proidhons ; si vacat le siege XX jour, et
puis fut consecreis le XVIIIe jour de may unc cardinal qui oit nom Anastaise
et fut de la nation de Romme, le fis Maximiain qui fut senateur, et tient le
siege VI ans et XXVI jours. |
[Anastase,
quarante-deuxième pape de Rome] En avril de cette année-là [399] [II, p. 107] mourut le pape Sirice de Rome (cfr
II, p. 95 et
p. 102). C'était
un homme très sage. Le siège resta vacant vingt jours. Puis, le 18 mai,
un cardinal du nom d’Anastase fut consacré pape. Il était originaire de Rome,
fils de Maximien, un sénateur. Il occupa le siège durant six ans et vingt-six
jours. |
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Clodion, qui a annexé les
possessions de Théodoric, exige désormais la soumission de la Flandre - Il
assiège Gand mais doit renoncer et rentrer dans son pays car Attila et ses Huns
l'envahissent - Il sera
vainqueur d’Attila à Lutèce (399-400) |
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[II, p. 107]
ltem, en cel an prist ly roy Clodius toutes les vilhes et les casteals
qui avoient esteit le prinche Theodoric le Polhus, et fist tant qu'ilh fut
de tout la terre en plaine possession, et se l'ajondit à son paiis. Adont
jurat ly roy que jamais ly conte de Flandre n'auroit paix à luy, s'ilh ne ly
rendoit sa terre en sa main, si en feroit sa volenteit par teile condition
que ly conte ne tenroit jamais plain piet, ains le donroit ly roy où ilh
voroit. |
[II, p. 107] Cette année-là [399], le roi Clodion s’empara de toutes les villes et places fortes qui avaient appartenu au prince Théodoric le Poilu et réussit à s’approprier tout le territoire qu’il adjoignit à son pays. Le roi jura qu’il n’y aurait jamais de paix entre lui et le comte de Flandre, si ce dernier ne lui rendait pas sa terre et ne se pliait pas à ses volontés : le comte ne devrait plus jamais y mettre le pied et le roi en disposerait à son gré. |
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[Ly roy
Clodius assegat Gant] Atant entrat ly roy en Flandre,
gastant le pays et ardant, et assegat Gant, et dest qu'ilh ne s'en partiroit
se l'aroit pris. Mains de chu falit-ilh, car ilh y seit VIII mois tous
plains que oncques ne le pot avoir ; et, enssi qu'il seioit là, entrat en
son pays ly roy Atilla awec ses Huens, et commenchat la terre à destruire. |
[Le roi Clodion assiégea Gand] Alors le roi entra en Flandre, saccageant et incendiant le pays. Il mit le siège devant Gand, déclarant qu’il ne partirait pas avant d’avoir pris la ville. Sur ce point pourtant, il échoua, car Gand subit un siège de huit mois complets sans être prise. C’est que le roi Attila avait pénétré dans le pays de Clodion avec ses Huns et s'était mis à le dévaster. |
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[Les Huens
entront en Franche, mains ly roy Clodius les desconfist] Et quant Clodius oiit ches novelles, ilh laisat le siege mult
corochiés ; mains ilh estoit mult aise et joians de chu que Atilla estoit en
son paiis, car ilh avoit grant volenteit del combattre à luy. |
[Les Huns entrèrent dans le royaume franc mais le roi Clodion les défit] En apprenant cela, Clodion, très contrarié, abandonna le siège ; mais il était par ailleurs satisfait et heureux de la présence d’Attila dans son pays, car il désirait beaucoup se battre contre lui. |
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[L’an IIIIc] Si soy partit en mois de jule l'an IIIIc, et se vient droit à Lutesse, où les Huens estoient ; se mandat à Atilla que le roy Clodius estoit venus, qui li calengoit son pays, et qu'ilh fust apparelhiés de luy al defendre, car ilh le couroit tout maintenant, et li monstreroit qu'ilh n'avoit pointe d'amisteit à luy. |
[L’an 400] Clodion se mit en route en juillet de l’an 400 et s'en alla directement à Lutèce, où se trouvaient les Huns. Il fit dire à Attila que le roi Clodion était arrivé, qu’il lui réclamait son pays et était prêt à le défendre. Il allait l’attaquer sur-le-champ et lui montrer qu’il n’y avait point d’entente possible avec lui. |
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Quant ly roy Atilla entendit chu, ilh fist ses gens armeir et vient
contre le roy Clodius. Et, quant ilhs vinrent l'unc à l'autre, ilh soy
corurent sus. Et deveis savoir que les promieres cops de la batalhe furent
des dois roys, Clodius et Attila ; et brisat Atilla sa lanche, et Clodius
l'abatit à terre, son cheval sour luy. De celle jouste furent les Huens mult
enbahis, se relevarent leur saingnour. |
Quand Attila entendit cela, il fit armer ses gens et marcha contre
Clodion. Dès qu’ils s’aperçurent, ils se coururent sus. Vous devez savoir
que les premiers coups portés dans la bataille le furent par les deux rois : Attila brisa
la lance de Clodion qui le jeta à terre, écrasé
sous son cheval. Les Huns furent très impressionnés par cette joute et
durent relever leur seigneur. |
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Mains les Franchois les ont assalhis ; là fut la batalhe mult
crueux de VIIxx milhes Huens contre XLVIm
Franchois. Et encordont en orent toudis les Franchois le melhour, et bien y parut, car les Huens furent desconfis, et
en fut ochis XXVIIm et IIIm Franchois. Enssi encachat Clodius les Huens de
son paiis, et si oit tout le tressoir qu'ilh avoient aporteis. Apres chu [II, p. 108]
rentrat Clodius en Lutesse, si fist ses gens repoiseir, car ilhs estoient mult travelhiiés. |
Les Francs les attaquèrent : une bataille très cruelle se déroula alors entre cent
quarante mille Huns et quarante-six mille Francs. Et pourtant ces derniers eurent
toujours le dessus. Il est clair que les Huns furent
défaits : il y eut vingt-sept mille Huns tués contre trois mille Francs.
Ainsi Clodion
chassa les Huns de son pays et s’empara de tout le trésor qu'ils
transportaient avec eux. Après quoi [II,
p. 108], Clodion rentra à
Lutèce et laissa ses hommes se reposer, car ils étaient très éprouvés. |
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Ordonnance du pape Anastase
- À Tongres, mort d’Agricola et élection d’Ursin comme évêque (401) |
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[II, p. 108]
[Status
papales] Item, l'an IIIIc et unc, ordinat li
pape Anastaise qui n'avoit tous ses membres entier, qu'ilh ne fust pointe
passeit à clerc ne à ordene de clergerie, car nuls ne devoit estre clers
s'ilh n'estoit parfais entirement. |
[II,
p. 108]
[Ordonnance
papale] L’an 401, le pape Anastase établit que celui qui n’avait pas l’intégrité
de ses membres ne pouvait pas devenir clerc, ni accéder à un ordre de clergie. En effet, personne ne pouvait être clerc s’il n’était absolument
parfait. |
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[De
Agricolay, evesque de Tongre] En
cel an mandat l'evesque Agricolay de Tongre par-devant ly, à Treit, tout sa
clergerie, et les priat que ilh vosissent demoreir tout nuit deleis luy, en
disant la letanie, car al ajournée ilh trespasseroit. Et ilh avient enssi,
car ilh trespassat le XVIIIe jour de jule. Ychis evesques Agricolay fut
ensevelis de costés Sains-Servais, et est nommeis sains Agricolay, par
lequeile Dieu fist depuis mult de beais myracles. |
[Agricola, évêque de Tongres] Cette année-là [401], Agricola, évêque de Tongres, fit venir devant lui, à Maastricht, tous ses clercs et les pria de rester toute la nuit près de lui, en récitant les litanies, car à l’aube, il trépasserait. Et c’est ainsi que cela se passa : il mourut le 18 juillet. Cet Agricola fut enseveli à côté de saint Servais. Il est appelé saint Agricola par l'intermédiaire de qui, depuis lors, Dieu accomplit beaucoup de beaux miracles. |
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[Ursins li
XIIe evesque de Tongre] Apres sa mort, fut esluis et
consacreis evesque XIIe de Tongre uns valhans hons qui fut nommeis Ursins,
qui estoit canone de Nostre-Damme de Tongre, et fut fis de unc senateur de
Romme qui avoit nom Ursins ; et astoit adont et encors est ly plus grans
linaige de Romme, et estoit sa mere la filhe à roy de Borgongne.
Et tient le siege XII ans. |
[Ursin,
douzième évêque de Tongres] Après
sa mort, on élut et consacra comme douzième évêque de Tongres, un vaillant homme, qui s’appelait Ursin. Il était chanoine de Notre-Dame de Tongres et fils d’un sénateur de
Rome du même nom. C’était alors, et c’est encore, le plus noble lignage de
Rome. Sa mère était la fille du roi de Bourgogne. Il occupa le siège durant
douze ans. |
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Agricola, comte de Flandre, ayant fait alliance avec Hector, comte de Brabant, les Francs doivent maintenant affronter les deux pays - Défi - Invasion par les forces de Clodion - Batailles - Nombreux combats racontés sur le mode épique - Ils sont à l’avantage des Francs, mais se terminent par la mort de Clodion, trop hardi et trop imprudent - Les Francs retournent à Lutèce avec le cadavre de leur roi (401-402) |
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[II, p. 108]
En cel an fist ly conte de Flandre à Ector, le conte de Lovay, certain
alianches encontre le roy Clodius, et li mandat que ly roy Clodius li volait
toute sa terre de Flandre tollir ; mains, s'ilh en venoit à chief, tout
enssi ly voroit-ilh tollir sa terre de Brabant. |
[II,
p. 108]
Cette année-là
[401], le comte de Flandre
[Agricola] conclut avec Hector, comte de Louvain (cfr
II,
p. 95, et II, p. 116), certains accords dirigés contre le roi Clodion. Il fit
savoir à Hector que le roi Clodion voulait lui enlever toute sa terre de Flandre et que,
s’il y parvenait, il voudrait aussi s’emparer de
celle de Brabant. |
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[Ly conte
de Lovay deffiat les Franchois]] Quant ly conte Ector entendit chu, se ly
semblat que ly conte li desist veriteit : sy at ottriet les alianches et
deffiet le roy Clodius, de quoy ilh fut mult corochiet. Si assemblat ses
gens et entrat en la terre de Brabant, et si commenchat tout à destruire, et
ardoit toutes les vilhes qu'ilh trovoit. Et fist tant qu'ilh assegat la
vilhe de Lovay ; mains ly conte astoit à Bruxelle, qui là ses gens
assembloit, et oussi faisoit ly conte de Flandre ; mains ilhs fisent sy
longement leurs assemblées que ly roy Clodius gangnat Lovay anchois que ilh
fuist desagiet, et le destruit tout. |
[Le comte de Louvain défia les Francs] Quand il entendit cela, le comte Hector estima que le comte (de Flandre) avait raison : il accepta l'alliance et défia le roi Clodion, qui en fut très irrité. Clodion rassembla ses forces et envahit le Brabant. Il se mit à tout saccager, incendiant les villes partout sur son passage pour finir par assiéger Louvain. Le comte, lui, était à Bruxelles, où il rassemblait ses forces, comme le faisait aussi de son côté le comte de Flandre. Mais leurs délibérations prirent tellement de temps que Clodion avait gagné Louvain qu'il avait complètement détruite avant même d'en avoir dû faire le siège. |
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[Ly roy franchois desconfist Brabechons et Flammens] Apres ilh alat vers Bruxelle pour assegir ; mains il encontrat les Brabechons et les Flammens qui le corurent sus, l’an IIIIc et II en mois de may. Adont Clodius ly roy ne fut mie enbahis, car il estoit la fleur de toute chevalerie de monde à son temps ; sy assalhit ses annemis en escriant ses hommes qui astoient fortes gens et poissans. La commenchat mult grant batalhe, car ilh y morit des dois parties plus de XLm hommes, dont ly plus (II, p. 109) fut des Flamens et des Brabechons, et enssi furent desconfis ; si oit ly roy Clodius la victoir, et ses ennemis s’enfuirent com desconfis. |
[Le
roi franc défit Brabançons et Flamands] Clodion partit alors assiéger Bruxelles,
mais il tomba sur les Brabançons et les Flamands qui l’attaquèrent en mai 402.
Cela n'effraya pas le roi Clodion qui était à l'époque la fleur
de la chevalerie du monde entier. Il lança l’assaut sur les ennemis, appelant à
grands cris ses hommes qui étaient forts et puissants. Commença alors une terrible
bataille dans laquelle périrent dans les deux camps plus de quarante mille hommes. La
majorité d’entre eux (II, p. 109)
étaient des Flamands et des Brabançons : c'étaient eux les vaincus. Le roi
Clodion remporta la victoire et ses ennemis, en gens battus qu'ils étaient,
s'enfuirent. |
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Quand Clodius veit ses annemis fuir, il les cachat mult fort, car ilh
veioit devant luy fuyr le conte Agricolay et le conte Ector ; se les escriat
au halt vois que ilh retournassent à luy por defendre leur paiis, ou ilh les
ochiroit en fuant. Atant retournat Agricolay son vis, si voit venir le roy
tout seul, se dest à ses gens : « Veischi vient mon annemi, or l’atendons. ;» |
Quand Clodion les vit fuir, il les pourchassa avec beaucoup d'énergie, car c'étaient
le comte Agricola et le comte Hector
qu'il
voyait voir devant lui. Il leur
cria d’une voix forte de revenir vers lui pour défendre leur pays, sinon il
les tuerait pendant leur fuite. Alors Agricola se retourna, vit venir le roi
qui était seul, puis dit à ses gens : « Voici venir mon
ennemi, attendons-le » |
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Adont sont tous les fuans atargiés, dont ilh en estoit plus de
XIIIIm ; et ly roy Clodius, qui tant fut hardis qu’ilh y perdit, les
corut sus, car ilh avoit teile orguelh en luy qu’ilh ne dengnat retraire
arrier. De chu mescheit trop à roy Clodius, que ses hommes ne savoient qu’ilh
estoit devenus al retraire de l’estour, si ne le suoit nullus. |
Alors tous les fuyards, qui étaient plus de quatorze mille, s’arrêtèrent. Le roi Clodion, hardi jusqu’à sa perte, les attaqua.
Il y
avait en lui tant d’orgueil qu’il jugea indigne de faire marche arrière. Ce
qui fit surtout le malheur de Clodion, c’est que ses hommes ne savaient pas
ce qu’il était devenu en s’éloignant du combat. Personne ne le savait. |
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[Ly roy
fist grant hardileche] Enssi assalhit ly roy Clodius ses
annemis si asprement, que ilh entrat en eux si roidement qu’ilh les passat
tout oultre, c’oncques ne trovat encombrier, et sy en abattit plus de XII ;
puis soy retournat vers eaux, en sa main son espaffut, si en ochit XVII que
nuls ne l’aprochoit, ne anchois que nuls ne le ferist, car nuls ne l’osoit
aprochier por les grans cops que ilh donnoit : les dois contes meismes ne
l’osoient appprochier, anchois crioient à leurs gens que ilh fust ochis. |
[Le
roi accomplit un exploit très audacieux] Clodion attaqua ses ennemis si vivement et
s’enfonça si rudement dans leurs rangs qu’il les traversa entièrement sans
être arrêté. Il abattit plus de douze hommes, puis revint vers
ses adversaires, son espadon à la main, et en tua
dix-sept autres, sans que personne ne puisse s’opposer à lui ni lui porter
de coup. Nul en effet n’osait l’approcher, vu les coups terribles qu’il
assénait. Les deux comtes eux-mêmes n'osaient pas le faire ; ils criaient
simplement aux
leurs de le tuer. |
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Atant fut Clodius assalhit de tous costeis et li fut lanchiés mains fors espirs, car oncques nuls ne l’oisoit aprochier, ains jectoient à luy lanches agues ; et quant ilh soy tournoit à unc des leis, ilh le fuoient com ilh awist awec luy cent M hommes. Tant fist ly roy Clodius que ilh fut troveit qu’ilh ochist là por bon compte IIIc et XIII hommes, anchois qu’ilh fuste demonteis. Adont fut ferus son cheval de IIII espirs en son corps, si chaiit à terre.. |
Alors Clodion fut attaqué de tous les côtés. De loin ‒ car personne n'osait l'approcher ‒ on lui lança quantité de gros épieux ainsi que des lances acérées. S’il se tournait vers un de ses ennemis, ce dernier s'enfuyait comme s’il avait devant lui cent mille hommes. Le roi se battit avec une telle force qu’il sembla avoir tué exactement trois cent et treize hommes, avant d’être démonté : son cheval était tombé à terre, frappé par quatre épieux. |
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[Ly noble
roy Clodius de Franche fut ochis]
Quand ly cheval fut cheus, ly roy Clodius salhit sus ; mains là ly avient
encombrier qu’ilh salhit avant vers ses annemis par si grant vertu, qu’ilh
reversat en sanc des mors, et anchois qu’il fust releveis ilh fut ochis de
ses annemis ; de quoi chu fut grant damaige, et perdit Franche à luy le
miedre chevalier de monde, et encor il awist esteit melhour, car il estoit
d’eaige jovene hons : enssi morut ly valhans roy Clodius. |
[Le
noble roi des Francs Clodion fut tué] À la chute de son cheval, le roi Clodion avait
sauté à terre mais, pour son malheur, c’était dans la direction de ses ennemis et
avec une telle vigueur qu’en retombant il avait glissé sur le sang des
morts. Il fut tué avant même de pouvoir se relever. Ce fut là un grand malheur.
Le pays perdit le meilleur chevalier du monde, et il aurait pu s'améliorer encore, car il était jeune. Ainsi mourut le vaillant roi Clodion. |
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Après fut pris ly roy, et fut mis sour unc cheval al traverse, si fut
renvoyet à son fils Meroveux et à ses hommes qui estoient devant Bruxelles,
et fut remyneis par II messeais portant que
aultres gens n’y oissassent aleir ; et fut envoiés (II, p. 110) awec comment ilh estoit mors, par escript. |
On
prit alors le roi, on le plaça en travers sur un cheval et on le renvoya à
son fils Mérovée et à ses hommes, qui se trouvaient
devant Bruxelles.
Ce furent deux lépreux
qui le ramenèrent parce
que personne d’autre n’osait y aller. On envoya aussi (II, p. 110) une lettre pour expliquer comment il était mort. |
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Quant les Franchois orent leur droit saingnour mort, sy furent
grandement enbahis ; et quand Meroveux veit enssi son père, si fut trop
corochiés, et demandat à ses hommes conselhe que ilh feroit de cel fait, et
en queile manere ilh vengeroit son pere, car ilh estoit jovene, se ne soy
savoit bien aidier. Adont fut acordeis par les Franchois que ons soy
retrairoit arrier à Lutesse, por ensevelir leur saingnour son père, solonc
chu qu’ilh afferoit à luy ; et enssi fut fait, car les Franchois
retournarent à Lutesse, où ilhs ensevelirent honestement. |
Quand les Francs apprirent la mort de leur roi, ils furent très abattus. Mérovée
surtout fut terriblement affligé et en colère. Il demanda
à ses conseillers comment réagir en pareille circonstance et comment venger
son père, car il était jeune et ne savait pas bien ce qu'il fallait faire. Alors les
Francs décidèrent de retourner à Lutèce,
afin d'y enterrer leur seigneur, son père, comme il convenait de le faire.
C'est ce qui fut
fait. Les Francs rentrèrent à Lutèce, où ils ensevelirent Clodion avec honneur. |
B. ÉPOQUE DE MÉROVÉE, TROISIÈME ROI DES FRANCS (402-412) - VIE DE SAINT ALEXIS - SUITE DES ATTAQUES ET DE L'EXPANSION DES HUNS - VARIA
* Incursions dans l'empire romain des Huns d'Attila et de son fils Wandus auxquels sont alliés les rois Goths Alafis et Alaric, deux frères, respectivement roi des Ostrogoths et roi des Wisigoths - Sous Arcadius, ils affrontent en Auvergne à Clermont une forte coalition de Romains (Engésion, patrice de Rome) et de rois alliés (parmi lesquels les Francs de Mérovée) - Violents combats racontés sur le mode épique avec de nombreux participants nommément cités, dont Mérovée, qui n'est pas en reste d'exploits et qui impressionne notamment Engésion - Les Huns réussissent à s'enfuir de nuit vers Marseille et à gagner la Frise (dates non précisées)
* Les Huns vainqueurs en Frise où ils défont les Danois (403-404)
* Concile d’Alexandrie : Origène, défendu par saint Jérôme ? (404)
* Destructions faites par les Huns en Bavière et à Trèves (404-405)
* Les Huns assiègent Tongres, que personne ne vient aider, mais ils n'aperçoivent pas Maastricht (406)
* Basile de Césarée - Saint Alexis quitte Rome - Vie de saint Alexis (406-409)
* Les Huns attaquent Châlons, Troyes (saint Loup et miracle) et Orléans (saint Aignan) - Les forces réunies par Mérovée viennent délivrer Orléans assiégée - Attila est blessé - Les rois Alafis et Alaric, ses alliés Goths sont tués - les Huns sont lourdement défaits - Attila se replie vers l’Italie (411)
* Mort du roi Mérovée après sa victoire sur Agricola, comte de Flandre (412)
Couronnement de Mérovée - Mort de
saint Martin de Tours - Saint Brice, son successeur, rencontre des problèmes
(il est accusé d'adultère, on lui attribue un enfant) - Ordonnances du
pape Anastase |
|
[II, p.
110] [Meroveux,
le IIIe roy de Franche] Ne passat gaires que les Franchois
coronont roy de Franche le thiers Meroveux, le fis Clodius, qui mult fut
chevalereux ; mains encors estoit unc pou jovenes, et regnat X ans. |
[II, p. 110]
[Mérovée, troisième roi des Francs] Il ne
fallut pas longtemps pour que les Francs couronnent leur troisième roi,
Mérovée, fils
de Clodion, qui fut un preux chevalier. Il était toutefois un peu jeune. Il
régna dix ans. |
[Le
trespasse sains Martin de Tour] En
cel an trespassat de chi siecle li glorieux confes sains Martin, evesque de
Tour ; et, le propre nuit que ilh trespassat, oiit sains Severius,
archevesque de Collongne, les vois des sains angles qui l'arme de luy
emportarent en paradis. Et de li gieste le corps en l'engliese de ladit
citeit de Tours. |
[La
mort de saint Martin de Tours] En
cette année [402], le glorieux comte saint Martin, évêque de Tours,
trépassa. La nuit même de son décès, saint Séverin (cfr II, p. 93), archevêque de
Cologne, entendit les voix des saints anges qui emportèrent son âme au
paradis. Son corps repose en l’église de la ville de Tours. |
[De sains Brisse, evesque de Tours] Apres sains Martin fut evesque de Tour sains Brisse, son disciple, qui oit mult à souffrir en son evesqueit, portant que ilh n'avoit mie porteit à sains Martin teile honneur que ilh dewist, ains l'avoit tousjours degabbeit et despletiet ; et por chu Dieu ly envoiat à souffrir, et tant que ilh fut accuseis de adultere, porquoy ilh fut decachiet hours del englise de sa citeit, et le covient aleir au Romme. Mains Dieu demonstrat myracle teile, qu'ilh fist l'enfant que ons ly donnoit parleir, et si estoit ly enfé novellement neis, et dire que ilh n'estoit mie son pere. Si fut apres remis en son siege, et fut vraie repentans de chu qu'ilh avoit forfait à sains Martin. |
[Saint Brice, évêque de Tours] Après saint Martin, saint Brice, son disciple, devint évêque de Tours. Il eut beaucoup à souffrir dans son évêché, parce qu’il n’avait pas rendu à saint Martin tous les honneurs qu’il aurait dû, mais l’avait toujours moqué et méprisé. C’est pourquoi Dieu le fit souffrir. Brice fut accusé d’adultère et dès lors chassé de l’église de sa cité. Il dut se rendre à Rome. Mais Dieu intervint par un grand miracle : l’enfant qui lui avait été attribué parla à la naissance et dit que Brice n’était pas son père. Ce dernier par la suite retrouva son siège et regretta sincèrement le tort qu'il avait fait à Martin. |
[Status
papales, quant ons lyst l’ewangeile ons ne doit mie seoir]] Item, l'an IIIIc et III, fist ly pape Anastaise et ordinat que,
toutes fois et en tous lieu où ons lisoit l'Ewangeile, que la clergerie, qui
là stesoit présens, demorast en estant sens seioir ; et ordinat que nuls
hons qui venist de oultremere ne fust rechus à clerc ne ordineis, s'ilh
n'avoit lettres de l'evesque de cuy dyoceise astoit saileez en signe de
tesmonnaige. |
[Ordonnances
papales : quand on lit l’évangile, on ne doit pas être assis] En l’an 403, le pape Anastase (cfr II,
p. 107, p. 108 et
p. 114)
institua et ordonna que partout, chaque fois qu’on lisait
l’Évangile, les clercs présents restent debout, sans s’asseoir. Il ordonna
aussi que personne venant d’outre-mer ne soit reçu en tant que clerc et ordonné,
s’il n’apportait en témoignage des lettres scellées de l’évêque de son diocèse d’origine. |
Incursions dans l'empire romain des Huns d'Attila
et de son fils Wandus auxquels sont alliés les rois Goths Alafis et Alaric,
deux frères, respectivement roi des Ostrogoths et roi des Wisigoths - Sous Arcadius,
ils affrontent en Auvergne
à Clermont une forte coalition de Romains (Engésion, patrice de Rome) et de
rois alliés (parmi lesquels les Francs de Mérovée) - Violents combats
racontés sur le mode épique avec de nombreux participants nommément cités,
dont Mérovée, qui n'est pas en reste d'exploits et qui impressionne même
Engésion -
Alafis et Alaric, les rois Goths alliés d'Attila, sont tués - Les Huns réussissent à s'enfuir de nuit vers Marseille
et à gagner la Frise |
|
[II, p. 110] [Les Huens font grant mal en Rommenie] A cel temps recommancharent les Huens à ralleir ès parties de Rommenie, et fasoient grant persecution ; et avoient awec eaux le roy Alafis, qui estoit le fis Theodorich de Turinge et d'Estrogothie, et le roy Alarich de Gothelies, son frere, desqueiles ly roy Alarich jadis astoit [II, p. 111] oncles. Ches dois Alafis et Alarich astoient à grant gens awec les Huens, et por destruire les Romans. Adont estoit patris de Romme Engesion, li fis Eciel, qui avoit esteit devant ochis par le roy de Borgongne Maximiain, enssi com dit est. |
[II, p. 110] [Les Huns causent de grands dommages dans l’empire romain] À cette époque, les Huns se mirent à revenir dans des régions de l’empire romain, y faisant de grands dommages. Ils avaient avec eux le roi Alafis, fils de Théodoric, roi de Thuringe et des Ostrogoths (cfr II, p. 120), ainsi que le roi Alaric du royaume des Goths (cfr II, p. 120), son frère, qui avaient eu jadis pour oncle le roi Alaric [II, p. 111]. Ces deux Alafis et Alaric, à la tête de nombreuses troupes, s’étaient alliés aux Huns pour anéantir les Romains. Le patrice de Rome était alors Engésion, le fils d’Aétius tué précédemment par le roi Maxime de Bourgogne, comme cela a été dit (cfr l'ensemble du bloc II, p. 102-104). |
[Les Huens
destruent le pays d’Avergne où ilh orent grant batalhe, et furent desconfis] Chis patris, par le commandement Archadyen l'emperere, assemblat
grant gens et se vient contre les Huens ; mains les Huens astoient jà
retrais arire vers Avergne, où ilhs destrusoient tot le pays. |
[Les
Huns dévastèrent la terre d’Auvergne, où ils livrèrent une grande bataille et
furent défaits] Ce
patrice, sur l’ordre de l’empereur Arcadius, rassembla une grande armée
et marcha contre les Huns, mais ceux-ci s’étaient déjà retirés vers
l’Auvergne, y semant la dévastation. |
Adont mandat ly patris, par ses lettres, le roy Meroveux de Franche et
Theodonel le roy de Jochie, et Tresodane son fis le roy d'Aquitaine, et
Sygebans le roy d'Alenie, et le roy Gercans de Saxongne et pluseurs altres,
que cascon venist à grant gens, por le paiis gardeir et l'honeur de l'empire
contre les Huens qui astoient en Avergne ; et se les mist ly patris logiche
à Arle le Blanche. |
Alors le patrice fit savoir par lettres au roi franc Mérovée et au roi Théodoric des Wisigoths, à son fils Thorismond, roi d’Aquitaine, et à Sangiban, roi des Alains, ainsi qu’au roi Gercans de Saxe et à plusieurs autres encore, de venir, chacun avec des troupes nombreuses, sauver le pays et l’honneur de l’empire contre les Huns présents en Auvergne ; le patrice les fit séjourner à Arles-la-Blanche. |
Quant ly roy Atilla et ses aidans sorent que tant de gens astoient
assembleis à Arle, se ne furent mie liies, et portant ilh soy partirent de
là où ilh astoient et voloient monteir sour mere, quant ly assemblée d'Arle
vient en Avergne, et ont raconseus les Huens à la citeit de Clermont. |
Quand le roi Attila et ses alliés surent que tant de monde était rassemblé à Arles, ils ne furent pas contents, et pour cela quittèrent l’endroit où ils étaient ; ils voulaient prendre la mer, quand les troupes assemblées à Arles arrivèrent en Auvergne, et rattrapèrent les Huns dans la cité de Clermont. |
Quant Atilla veit chu, se dest aux roys Alafis et Alarich qu'ilh les convenoit defendre ou morir en fuant. Atant se sont rengiés d'ambdois pars et se sont sus corus ; et al assembleir des lanches ilh y oit Xm d'abatus, puis ont trais les espées, si ont l'estour commenchiet fort et fiere, car les Huens sont gens hardies, et les Romans et Franchois awec leur aidans sont poissans et hardis. Meroveux, ly roy de Franche, ochioit les Huens à grant poioir, enssi fasoient les aultres prinches et leurs gens ; et ly patris Engense chis en ochioit tant com à mervelhe. |
Attila, en voyant cela, dit aux rois Alafis et Alaric qu’ils devaient se défendre ou mourir dans leur fuite. Alors des deux côtés, les hommes se mirent en rangs et se coururent sus ; dix mille hommes furent abattus par le jet des lances ; puis on tira les épées, et le combat commença, dur et cruel, car les Huns sont des hommes audacieux, et les Romains, les Francs et leurs alliés sont puissants et hardis. Mérovée, le roi des Francs, tuait les Huns avec une grande force, comme le faisaient les autres princes et leurs gens ; le patrice Engésion en tuait un nombre prodigieux. |
Et Atilla, Alafis, Alarich et Wandus, ly fis Atilla, et tous les aultres soy defendoient valhamment. Et Wandus at veiiut Engense le patris, se ly quidat fuyr, mains Engense le ferit, se le fendit jusques en dens, puis escriat : Sains Pire ; et ly roy Gercains at ochis Josué, et li coupat le senestre bras. Tant font Ies Romans que les Huens sont reculeis ; là fist ly roy Meroveux tant de fais d'armes que onques Clodius son pere ne fist tant. Atilla alast volentier josteir à ly, mains ilh n'oisoit. |
Attila, Alafis, Alaric et Wandus, le fils d’Attila, ainsi que tous les autres, se défendaient vaillamment. Wandus aperçut le patrice Engésion et crut qu’il fuyait, mais Engésion le frappa, le fendit jusqu’aux dents, puis s’écria « Saint Pierre » ; le roi Gercans tua Josué et lui coupa le bras gauche. Les Romains réussirent à repousser les Huns ; le roi Mérovée accomplit là des faits d’armes, en grand nombre, comme jamais ne le fit son père Clodion. |
Mains ilh avoit I juys qui oit nom Meliadas, qui fut tant valhant et qui estoit de mult grant poioir : chis jostast volentier al roy Meroveux, s'ilh [II, p. 112] powist avenir à luy. Et la batalhe enforchoit toudis ; ly roy Atilla ferit le roy Gercains si qu'ilh ly deseurat l'espalle, mains ilh ne fut mie mors, et ly roy Segebaus coupat à Atilla le neis et le sourchilh. |
Attila aurait aimé jouter avec lui, mais il n’osait pas. Un Juif très vaillant et très puissant, nommé Méliadas, aurait lui aussi volontiers jouté avec le roi Mérovée, s’il [II, p. 112] avait pu l’approcher. La bataille devenait toujours plus acharnée ; le roi Attila frappa le roi Gercans et lui démit l'épaule, mais Gercans ne mourut pas ; le roi Sagiban coupa le nez et le sourcil d’Attila. |
Atant vient Cymbal, unc juys boisteux, qui trahoit de saetes barbues parmy l'estour, si at trait apres le roy franchois. Vers le roy franchois trahit son saetes, sy fausat del roy, si consuit Damolin unc juys, se l'at ochis ; mains quant ly roy franchois le veit, se le ferit et l'ochist ; et puis se fiert ès altres, si ochist Hanibal, David, Salomon, Godelans, Jonel et tant d'altres que chu fu mervelhe. Quant Engense le patris le veit, si jurat grant seriment que ly roy franchois estoit digne d'estre emperere. En la fin furent les Huens desconfis. |
Alors survint Cymbal, un juif boiteux, qui dans la mêlée tirait des flèches munies d’arêtes. Il en lança une sur le roi franc et le rata ; elle atteignit un Juif, qu'elle tua. Quand le roi franc (Mérovée) l'aperçut, il le frappa et le tua. Puis il se porta vers les autres, tua Hannibal, David, Salomon, Godelans, Jonel et tant d’autres : c’était prodigieux. Quand le patrice Engésion le vit, il jura solennellement que le roi des Francs était digne d’être empereur. Finalement, les Huns furent vaincus. |
Mains ilhs soy defendirent
gentiment et ochisent Ambrose, le fis Emmanuel de Melant et Richier de
Sardain, Engoran de Pavie, Tybaux de Myrabel, Renars de Saint-Omeir et Renier
de Tudion, et les tuat tous li fis Atilla, Jonas, qui coupoit une homme
jusqu'en pis ; mains ly roy Meroveux le tuat al josteir. Adont la
batalhe fut desconfite, sy s'enfuirent les Huens tout la nuit. Et les
Franchois ont fait gaitier leurs oust Erchebaut de Puilhe ; et ly roy
franchois y at mis Tybaut, son mariscaul, à Xm hommes
par ly. |
Mais les Huns se défendirent avec noblesse et tuèrent Ambroise, fils
d’Emmanuel de Milan, Richir de Sardaigne, Enguerrand de Pavie, Thibaut de
Myrabel, Renaud de Saint-Omer et Renier de Tudion. Jonas, fils d’Attila, capable de pourfendre un homme
juqu’au torse, les tua tous, mais il fut tué dans une joute par le roi Mérovée. Alors la bataille fut perdue, et les
Huns s’enfuirent toute la nuit. Les Francs laissèrent leur armée sur pied de
guerre sous les ordres d'Archibald de Pouille, à qui le
roi franc adjoignit Thibaut, son maréchal, avec dix
mille hommes. |
[Les Huens
vinrent en la Basse-Frise] Et les Huens s'en vont droit à Marselle, et là se sont mis sour
mere, si ont tant nagiet qu'ilhs vinrent en la Basse-Frise, si ont destruis
le pays, et les barons de Romme et d'aultre part se sont partis, et est
cascon raleis en son paiis ; et les Huens sont en Frise et ardent vilhes
et casteals, et destruent toute ; et les trois roys qui sont awec eaux
ont jureit que, por à morir, jamais ne monteront sour
mere por fuir, si auront esteit tout destruant la terre d'Avergne, dont ilhs
astoient derainement partis. |
[Les
Huns partirent en Basse-Frise]
Les Huns
se dirigèrent directement vers Marseille, où ils prirent la mer. Ils
naviguèrent longtemps jusqu’en Basse-Frise, où ils dévastèrent le pays. Les
barons de Rome et d’ailleurs se séparèrent et chacun rentra dans son pays.
Les Huns en Frise incendièrent villes et places fortes, dévastant tout ;
quant aux trois rois qui étaient de leur côté, ils jurèrent que, dussent-ils mourir,
jamais ils ne prendraient la mer pour fuir : ils resteraient pour détruire
toute l’Auvergne, qu'ils venaient de quitter. |
A cest fois
fut fais ly passaige de la grant destruction que les Huens fisent par-dechà
mere, de laqueile les commonnes hystoires parollent, qui ne font nulle
mension de tous leurs altres fais. |
Ainsi se termine le récit de la grande destruction accomplie par les Huns, de ce côté de la mer. Les histoires habituelles en parlent, sans faire mention de tous leurs autres faits. |
Les Huns vainqueurs en Frise où ils défont les Danois (403-404) (= Geste de Liège, vers 5424-5443) (année 403-404) |
|
[II, p. 112]
[L’an IIIIc et III] Mains je vos diray des Huens
qui la terre de Frise destruent, sour l'an IIIIc et III en mois de decembre,
et vos dis que adont commenchat ly flaiel sour le peuple si fort et
teilement, que les Huens ne venoient en nulle pays que toutes les gens ne
s'enfuissent tantoist ; et si soy defendirent mult pou de gens encontre
eaux. Ches Huens destrurent en la terre de Frise IIII citeis, assavoir :
Archada, Pollux, Frisonel et Gapmada, [II,
p. 113] et XII fors casteals. |
[II, p. 112] [L’an 403] Maintenant je vous parlerai des Huns, qui détruisirent la terre de Frise, en l’an 403, au mois de décembre. Un fléau très puissant s'abattit alors sur le peuple. Quand les Huns arrivaient quelque part, tous les gens s'enfuyaient immédiatement ; très peu s’opposaient à eux. En Frise, ils détruisirent quatre cités : Archada, Pollux, Frisonel et Gapmada [II, p. 113] et douze châteaux forts. |
Adont
s'enfuit ly roy Godakins de Frise en Dannemarche à son cusien le roy Ogier,
et ly priat de luy aidier contre une manere de gens, qui sa terre ly avoient
destruite et gastée. |
Le roi Godakins de Frise s’enfuit au Danemark, chez son cousin, le roi Ogier, et le pria de l’aider à combattre ces gens qui avaient dévasté et saccagé sa terre. |
[L’an IIIIc IIII - Les Huens desconfirent les Dannois] Adont
assemblat ly roy Ogiers ses gens et en vient vers Frise, l'an IIIIc et IIII
en mois de junne, et oit batalhe aux Huens ; mains les Dannois furent
desconfis, et furent ochis ly roy Ogiers et ly roy Godakins, et les altres
enfuirent. Quant les Dannois revinrent en Dannemarche, ilh fisent roy Ector,
le fis Ogiers, lyqueis regnat XXIIII ans. |
[L’an 404 - Les Huns défirent les Danois] Alors, le roi Ogier rassembla son armée et arriva en Frise, en juin 404. Il combattit contre les Huns, mais les Danois furent vaincus. Le roi Ogier et le roi Godakins furent tués, et leurs troupes s'enfuirent. Quand les Danois revinrent au Danemark, ils nommèrent roi Hector, le fils d’Ogier, qui régna vingt-quatre ans. |
Concile
d’Alexandrie : Origène, défendu par saint Jérôme ? (année 404) |
|
[II, p. 113] [De conciel de Alixandre]
En cel an fut fais unc conciel en la citeit d'Alixandre, en queile conciel
ilh furent condempneis une grant partie des libres que Origenes avoit fait, enssi com ons ly amettoit par envie, et por alcon
erreur contre la foid qui furent dedens troveis, dont ly une estoit teile que
ilh disoit que nuls hons ne poioit faire pechiet porquen ilh fust condempneis
perpetuelment ; et disoit encors que Dieu rechiveroit
mors oussi, por les malignes espirs à rachateir, que ilh avoit fait por la
lignie humaine. Et de mult aultres erreurs astoient plains les libres que je
dis ; mains alcons bons clers vorent dire que Origenes ne les fist
onques, car ilh avoit esteit si excellent proidhons que ilh n'awist por riens
mis en ses libres ches erreurs, car en ses libres meismes disoit-ilh le
contrable ; mains alcons par envie ly avoient ses libres corrumpus apres
sa mort. |
[II, p. 113]
[Le concile d’Alexandrie] Cette
année-là [404] se tint dans la cité d’Alexandrie un concile,
au cours duquel furent condamnés une grande partie des livres composés par
Origène. Des envieux l’accusaient à cause de
quelques erreurs contre la foi qui s’y trouvaient ; l’une d’elles consistait à dire que personne ne pouvait
commettre un péché qui le condamnerait à perpétuité ; une autre que Dieu
serait mort aussi pour racheter les mauvais esprits, qu’il avait faits dans
la race humaine. Les livres dont je parle étaient pleins de beaucoup
d’autres erreurs ; mais certains clercs avertis vinrent dire qu’Origène n’en
fut jamais l’auteur : un sage aussi grand que lui n’aurait absolument
pas
mis ces erreurs dans ses livres, car il disait le contraire ailleurs dans ces
mêmes livres. En fait, certains, par envie, les avaient falsifiés après sa
mort. |
A cesti conciel fut sains Jerome, qui grant partie de ses libres ramenda, lesqueiles Sainte Engliese tient, et les aultres furent condampneis. Et dist sains Jerome que là Origenes vot bien dire nuls ne dest onques miés, et là ilh vot mal dire nuls ne dest onques pies. Et dist que ses Iibres avoient esteit corrumpus par envie, et que ilh parloit plainement contre la matere que dit est chi deseur. |
À
ce concile participa saint Jérôme, qui corrigea une grande
partie des livres
que retint la Sainte Église, tandis que les autres furent condamnés. Et saint
Jérôme dit que Origène
a voulu dire bien ce que personne jamais n’a mieux dit, et a voulu par
ailleurs dire mal ce que personne jamais n’a dit de pire. Il dit aussi que
ces livres avaient été falsifiés par des envieux, et qu’Origène était
pleinement opposé aux idées en question ci-dessus. |
Destructions faites par les Huns en Bavière et à Trèves (404-405) (= Geste, vers 5444-5448) (année 404-405) |
|
[II, p. 113] [Les Huens
destrurent Bealwier] En cel an les Huens destrurent Bealwier et le pays là entour. |
[II, p. 113] [Les Huns détruisirent la Bavière] Cette même année [404], les Huns détruisirent la Bavière et le pays tout autour. |
[Les Huens destrurent Trives et ochisent tous les gens] Item, l'an
IIIIc et V assegont les Huens la citeit de Trive, devant laqueile ilhs seirent IIII mois anchois
qu'ilh le poissent avoir, puis le prisent en mois d'octembre et le destrurent
toute, et ochisent toutes les gens [II,
p. 114] que onques nuls ne soy defendit. |
[Les Huns détruisirent Trèves et
tuèrent tous les habitants]
En l’an 405, les Huns
assiégèrent Trèves durant quatre mois avant de la conquérir ; ils s’en
emparèrent en octobre, la détruisirent complètement, tuant tout le monde [II, p. 114], sans que personne ne se
défende. |
Saint
Jérôme compose son livre sur les hommes illustres -
Mort du pape Anastase à qui succède le pape Innocent I (année 405) |
|
[II,
p. 114] Item, en
mois de may II jours devant, morut ly pape Anastaise. A son temps composat
son libre sains Jerome, en la citeit de Bethleem, des hommes illustres,
c'est-à-dire des nobles hommes. |
[II, p. 114] Deux jours avant mai, le pape Anastase (cfr II, p. 107, p. 108 et p. 110) mourut. À l’époque de ce dernier, saint Jérôme composa à Bethléem son livre sur les hommes illustres, c’est-à-dire les hommes célèbres. |
[Innocens le XLIIIe pape de Romme] Apres la
mort le pape Anastaise vacat ly siege XII jours, et puis fut consecreis pape
de Romme, le XVe jour de may, Innocens, qui astoit I proidhons ; et fut de
la nation albaine, le fis de I escuwier qui oit nom Innocent. Et tient le
siege XI ans II mois et XII jour ; et solonc sains Grigoire et Martiniain,
XV ans II mois et XX jours. |
[Innocent, quarante-troisième pape de Rome] Après la mort du pape Anastase, le siège resta vacant douze jours. Après quoi, le 15 mai, Innocent, un homme sage, fut consacré pape de Rome. Il provenait d’Albe et était le fils d’un écuyer, nommé Innocent. Il occupa le siège onze ans, deux mois et douze jours mais, selon Grégoire et Martin, quinze ans, deux mois et vingt jours. (Sur ce pape, cfr II, p. 116, p. 117, p. 123 et p. 124). |
Les Huns s'emparent de Cologne, vendue à Attila, lequel se venge cruellement du traître (supplice de l'écorchement et du salage) - Les Huns détruisent Aix-la-Chapelle, Metz et de nombreuses autres villes dans différents pays (année 406) (= Geste, vers 5449-5460, qui n'a rien correspondant à la dernière notice, sur Toul, etc.) |
|
[II, p. 114] [Sor IIIIc et VI les Huens destrurent Colongne, et apres Ays-le-Grain] En cel an assegarent les Huen la citeit de Collongne, devant laqueile ilhs seirent VIII mois, car elle estoit bien garnie de gens d'armes et de vitalhes ; et encor ne l'eussent mie gangniet, mains cheaux qui le governoient les vendirent à Atilla, et li ovrirent les portes le IIIe jour d'awost, sor l'an IIIIc et VI. Adont fut la citeit toute gastée et les englieses destruttes, et tous les tressours et les joweals emporteis par les Huens. Et puis ilh alerent vers Ays-Ie-Grain, que Granus, le frere Nero l'emperere de Romme, avoit devant fondeit. |
[II, p. 114] [En 406, les Huns détruisirent Cologne, puis Aix-la-Chapelle] Cette année-là [406], les Huns assiégèrent la ville de Cologne, devant laquelle ils restèrent huit mois, car elle était bien pourvue en armes et en vivres. Ils ne s’en seraient pas emparés si ceux qui gouvernaient la ville ne l’avaient pas vendue à Attila et ne lui en avaient ouvert les portes le 3 août 406. La cité fut alors complètement saccagée, les églises détruites, tous les trésors et joyaux emportés par les Huns. Ceux-ci marchèrent ensuite vers Aix-la-Chapelle, fondée jadis par Granus, le frère de Néron, l’empereur de Rome (cfr I, p. 457). |
[Coment miserablement fut travalhiiet chis qui vendit Collongne
- Des trahitours]
Si trovarent le maistre chevaliers qui les avoit vendut
la citeit de Colongne, qui oit nom Abafis, et ly lacherent une chaine de
fier en son coul et l'emmynoient awec eaux ; et ly coupoient cascon jour une
coroie sour son dos, de chief jusqu'à piés desous, et puis le saloient de
seil ; et quant ilh crioit à Atilla que ilh ne ly tenoit mie ses covent, se
ly respondoit que aux trahitours ne doit-ons tenir nulle loialteit. Et en
teile manere viscat Abafis IX jours, et puis apres ilh morut à grant
tourmens. |
[Les tortures infligées à celui qui vendit Cologne - Des traîtres] Les Huns trouvèrent le traître qui leur avait vendu la cité de Cologne, un chevalier nommé Abafis. Ils lui mirent une chaîne en fer au cou et l’emmenèrent. Chaque jour, on prélevait sur son dos une bande de peau de la tête aux pieds, puis on salait la plaie. Quand il criait à Attila qu’il ne respectait pas leurs conventions, celui-ci répondait que les traîtres ne méritaient pas qu’on soit loyal envers eux. Abafis vécut ainsi neuf jours avant de mourir dans de grandes souffrances. |
bande de peau : Pour d'autres exemples de ce supplice, cfr I, p. 217-218 (César et le roi Hanigos) ; II, p. 79 (Shapur et Julien l'Apostat) ; II, p. 128 (le prévôt Clarnus et le traître Henri) ; II, p. 223 (Frédégonde et son amant Landeric) |
|
Apres chu,
les Huens assegont Ays, et le prisent le XIIIe jour de novembre l'an
deseurdit, et le destruisent si vilainement que chu fut mervelhe ; car ilhs
destrurent les englieses, les maisons et les murs de la fermeteit, si qu'ilh
n'y demorat pire sour pire, et sembloit qu'iIh n'y avoit oncques oyut
citeit. Et tant fisent là et altrepart de mal et de despit à Dieu, que ons
ne l'oise dire ne mettre en escript. |
Après
cela, les Huns assiégèrent Aix qu’ils prirent le 13 novembre de l’an susdit
et qu’ils saccagèrent d’une manière effroyable. Ils détruisirent les églises, les maisons et les murailles de
l’enceinte, dont il ne resta pierre sur pierre. On aurait dit qu’il n’y
avait jamais eu de
ville
à cet endroit. Les Huns firent là et ailleurs tant de mal, avec un tel
mépris de Dieu, qu’on n’ose ni le dire ni l’écrire. |
[Les Huens destrurent Messe, Tou, Verdon, Mostirs, Maienche,
Pirage, Strasborg, Spire et pluseurs] Apres, les
Huens s'en allont vers Germaine, si assegont Messe en Lhoraine, et le prisent
le vigile del sainte Pasque ; et là furent tous les citains vilainement
ochis, et leur citeit destruite et desrobée, et toute arse jusques à terre,
excepteit tant seulement le oratoir Sains-Estiene, qui, par le myracle de
Dieu, demorat sens et entier ; car à celle jour avoit sus l'oratoir [II, p. 115] unc celestien corps, qui
mult estoit en ses armes resplendissant et beais, qui le defendoit et
encachoit le feu arrier. |
[Les Huns détruisirent Metz,
Toul, Verdun, Münster, Mayence, Prague, Strasbourg, Spire et beaucoup
d’autres endroits] Ensuite les Huns se rendent en Germanie, assiègent Metz en
Lorraine, et s’en emparent la veille de la sainte fête de Pâques. Tous les habitants furent honteusement tués
et leur ville détruite, pillée, et brûlée jusqu’au sol, à la seule exception
de l’oratoire Saint-Étienne, qui par un miracle de Dieu resta intact et
entier. Ce jour-là en effet se tenait sur l’oratoire [II, p. 115] un être céleste, de toute beauté dont l’armure resplendissait,
qui défendait l’édifice et repoussait le feu. |
Apres
alarent les Huens à Tou la citeit, et puis à Verdon, et si destrurent
tout ; apres ilhs destrurent les evesqueit et citeis chi apres devisée :
Utreit, Mostirs, Maienche, Pirage, Strasboch, Spire, Warmaise et pluseurs
aultres, et les mettirent toutes en feu et en carbons. |
Ensuite les Huns s’en allèrent dans la ville de Toul, puis dans celle de Verdun, où ils détruisirent tout. Après cela, ils saccagèrent les évêchés et les cités suivants : Utrecht, Münster, Mayence, Prague, Strasbourg, Spire, Worms et beaucoup d’autres. Ils les incendièrent et les réduisirent en cendres. |
Les Huns assiègent Tongres, que personne ne vient aider, mais ils n'aperçoivent pas Maastricht (année 406) (= Geste, vers 5461-5554) |
|
[II, p. 115] [Les Huens
assegarent Tongre] Puis sont venus à Tongre la citeit, qui la plus belle estoit de
monde et ly plus jolie, et où ilh avoit plus grant planteit d'englieses, et
l'assegarent de costeit vers le plain, car vers la mere ne le poioit-ons
assegier ; mains les Tongrois n'orent mie pawour d'eaux, car ilh sont bien
garnis de tout chu qu'ilh estoit mestier et necessaire por la guerre à
myneir, et de vitalhe asseis et largement ; et se leur venoit tousjours
par
mere chu que mestier leur estoit, que ons ne le poioit deffendre. |
[II, p. 115] [Les Huns assiégèrent Tongres]
Puis ils gagnèrent la cité de Tongres, la ville la plus belle et la plus
plaisante du monde qui comptait le plus grand nombre d’églises. Ils
l’assiégèrent
du côté de la plaine car, du côté du fleuve, le siège était impossible. Les
Tongriens ne craignaient pas les envahisseurs, car ils disposaient de tout le
nécessaire pour mener la guerre ; ils avaient des vivres en abondance et
chaque jour leur arrivait par le fleuve ce dont ils avaient
besoin, sans que l’ennemi puisse l’empêcher. |
Et sont les gens d'armes venus aux creteaux, sy jettent et trahent si fort qu'ilh ont faite les Huens traire arier dois fois leurs treis. |
Les hommes armés montés aux créneaux jetèrent des pierres et
lancèrent
des traits avec tant de force que les Huns durent par deux fois reculer leur
camp. |
[De VIIIxx et VI englises de Tongre] Et deveis
savoir que à Tongre oit casteals et tours, ortant que j'ay dit desus à la
fondation de lée ; et y oit depuis faite par les evesques de Tongre VIIIxx
et VI englieses, car ly evesque sains Valentin et ly altre devant luy en
edifiarent IIII collegials à leurs temps, et si en y avoit jà LXXII : chu
sont LXXVI, et toutes de canones et de moynes à grant colleges ; et puis y
avoit LX englieses parochials et XXX de recluys et de recluses. |
[Des 166 églises de Tongres]
Vous devez savoir qu’à Tongres les forteresses et les tours étaient aussi
nombreuses
que je l'ai dit plus haut, dans le récit de sa fondation (cfr
I, p. 189).
Depuis, les évêques de Tongres élevèrent cent soixante-six églises. L’évêque
saint Valentin et d’autres avant lui avaient construit quatre collégiales ;
avec les soixante-douze déjà construites, cela faisait soixante-seize.
Chacune comptait de grands collèges de chanoines et de moines. Il y avait
aussi soixante églises paroissiales et trente églises de religieux et
religieuses cloîtrés. |
Et deveis
savoir que se ly emperere et ly roy de Franche et pluseurs altres grans
saingnours fussent là venus, que ilh les awissent bien mis affin ; mains
cascons d'eaux disoit que ilh dobtoit que, quant ilhs auroient leurs gens
myneis jusques à Tongre, que les Huens, qui tant estoient malicieux, ne
venissent en leur paiis. |
Vous devez aussi savoir que si l’empereur, le roi des Francs et beaucoup
d’autres grands seigneurs étaient venus à Tongres, ils auraient pu venir à
bout des Huns. Mais tous redoutaient, disaient-ils, que, s’ils menaient leurs troupes jusqu’à Tongres, les Huns,
qui étaient tellement mauvais, ne viennent attaquer leurs pays. |
Encor y
avoit une aultre raison por lequeile cheaux de Tongre ne furent point
socorus : ilh avoit tant de bois adont entour le paiis de Tongre que nuls ne
s'y oisoit enbattre. |
Une autre raison encore pour laquelle les Tongriens ne furent pas secourus
est que le pays de Tongres était entouré de tellement de forêts que personne
n’osait s’y aventurer. |
Enssi fut
faite li siege devant Tongre, qui durat III ans, tant fort astoit-ilh.
Toutes les citeis d'Allemangne ne duront mie tant. Et ont les Huens tout le
paiis là altour, X liwes long, foreit et wasteit, et se n'ont encors troveit
Treit, ne aperchut ne vehue ; si bien l'avoit Dieu absconseit, qu'ilh ne le
porent onques aporchivoir. |
Ainsi se passa le siège de Tongres, qui dura trois ans, tant la ville était
fortifiée. Aucune cité d’Allemagne ne résista aussi longtemps. Les Huns
pillèrent et dévastèrent tout le pays alentour, sur une distance de dix
lieues, mais ils ne trouvèrent, ni n'aperçurent, ni ne virent Maastricht ;
Dieu l’avait si bien cachée qu’ils ne purent jamais l’apercevoir (suite II,
p. 117-118). |
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[Texte précédent II, p. 95-104] [Notes de lecture de II, p. 104-138] [Texte suivant II, p. 121-138]