Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 79b-95a
Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)
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Les successeurs de Julien : de l'accession de jovien (363) à la mort de gratien (383) en passant par valentin, Valens et Valentinien
Ans 366-386 de l'Incarnation
Texte et traduction
Ce fichier, qui couvre les années 366-386 de l'Incarnation et
correspond aux p. II, 79b-95a du Myreur, a été divisé en six sections :
* A.
Ans 366-367 (Myreur, II,
p. 79b-80a) :
Jovien et Valentin - Débuts du règne de Valentin et de Valens - Sacre du pape Damase [sommaire
et texte]
* B. Ans 367-370 (Myreur, II, p. 80b-83a) : Valentin parvient à soumettre les envahisseurs Alains, grâce à l’aide des
Gaulois [sommaire et texte]
* C. Ans 370-379 (Myreur, II, p. 83b-86a) : Suite et fin de Valentin - Avènement de Valens, Valentinien et Gratien - Gratien seul empereur [sommaire et texte]
* D. Ans 379-384 (Myreur, II,
p. 86b-89a) : Le début du règne de Gratien [sommaire
et texte]
* E. Ans 383/384 (Myreur, II, p. 89b-94a) : Suite de l'histoire de
saint Servais [sommaire et texte]
* F. Ans 384-386 (Myreur, II, p. 94b-95a) : Reprise du récit sur le
règne de Gratien jusqu'à sa mort [sommaire et texte]
Note importante
Comme ce fut le cas pour celui de Constantin (II, p. 51b-70a), le présent fichier (II, p. 79-95), consacré aux empereurs romains qui succédèrent à Julien l'Apostat (de l'accession de Jovien en 363 de notre ère à la mort de Gratien en 383 de notre ère) ne sera pas suivi par de simples notes de lecture, mais par des dossiers indépendants, qui aborderont chacun une série de questions particulières. Un fichier particulier en donnera la liste, ainsi que, pour chacun, une table des matières assez détaillée.
A. Jovien et Valentin, 41èmes empereurs - Débuts du règne de Valentin et Valens, 42èmes empereurs - Sacre du pape Damase
[Myreur, II, p. 79b-80a]
Ans 366-367
Jovien et
Valentin, empereurs chrétiens éphémères, quarante et unième
groupe impérial -
Valentin (un chrétien) et Valens (un hérétique),
quarante-deuxième groupe impérial (366)
|
|
[II, p. 79] [Jovymain et Valentin les XLIe empereres] Et quant les Romans furent revenus à Romme, se fisent I altre emperere le XXVIIIe jour apres qui oit nom Jovyniain, et fut awec luy mis son frere Valentin. Ches dois empereres furent mult bons cristiens ; mains ilh ne regnarent que VIII mois et II jours, puis furent ochis en Persie l'an IIIc LXVI, le XXe jour de may, et furent ambdeux raporteis à Romme et ensevelis mult noblement. |
[II, p. 79]
[Jovien et Valentin, quarante-et-unième
groupe impérial]
Quand les Romains furent revenus à
Rome, ils désignèrent, vingt-huit jours plus tard, un autre empereur, qui se
nommait Jovien, auquel fut adjoint son frère Valentin. C'étaient tous les deux
de très bons chrétiens, mais ils ne régnèrent que huit mois et deux
jours. Tués en Perse, en 366, le 20 mai, ils furent tous les deux ramenés à
Rome, où ils furent ensevelis très solennellement. |
[Valentin et Valens
XLIIe empereres] Apres firent les Romans emperere de unc noble senateur qui fut
nommeis Valentin, et awec luy son frere Valens, lesqueiles furent
tres bons
cristiens. Mains Valens fut puis dechus des heresyes qui adont
estoient ; si fist pluseurs mals à cheaux qui tenoient la bonne loy, de
quoy son frere
Valentin fut mult corochiés, sicom chis qui tousjours fut
bons et ferme cristiens ; et regnat chis emperere
Valentin
XI ans et XII
jours, et son frere Valens regnat II ans. |
[Valentin et Valens, comme quarante-deuxième
groupe impérial] Ensuite, les
Romains nommèrent empereur un noble sénateur, appelé Valentin, et, avec lui, son frère Valens.
C'étaient de très bons
chrétiens. Mais par la suite
Valens fut abusé par les hérésies qui régnaient alors ; il
s'en prit plusieurs fois aux tenants de la bonne loi, ce qui irrita beaucoup son
frère Valentin, resté toujours bon et
ferme chrétien.
Valentin régna
onze ans et douze jours, et son frère Valens deux ans. |
Dans l’Église : Mort de Saint
Nicolas -
Morts des papes Libère et Félix l’Intrus -
Désignation du pape Damase, rival d’Ursin (366-367) |
|
[II, p. 79] [Sains Nycholay morit] En cel an morut sains
Nicholay, li vray confes, qui fut de mult bonne vie et sainte, et fist Dieu
par luy sens nombre de beais myracles tant à sa vie com apres, enssi
[II, p. 80] que ons trouve en sa
legente à Sainte-Engliese. |
[II, p. 79] [Mort de saint Nicolas] Cette
année-là mourut saint Nicolas, le vrai confesseur, qui mena une vie
très bonne et
très sainte. Par son intermédiaire, Dieu accomplit d’innombrables beaux miracles, pendant sa
vie et après sa mort, selon
[II, p.
80] ce qu'on trouve dans ce qu'on lit de lui dans la Sainte Église. |
[Ly pape Liberius
morit, sy fut refais Felix, pape le XXXIXe] En cel an en mois de
may, morut ly pape Liberius ; si fut
remandeis Felix qui estoit en
Alixandre, sy fut fais pape le VIIIe jour de mois de jule, car li siege vacat
jusques adont, si regnat jusqu'à l'an IIIc LXVII, le quart kalende d'awost,
car Valens le fist martyrisiier ; et fut de la nation de Romme, fis
Anastaise, qui estoit unc gran prinche à Romme, fis de la soreur Constantin
le gran emperere. |
[Le pape Libère mourut et Félix
redevint le trente-neuvième pape]
Cette année-là [366], au mois de
mai, le pape Libère mourut. Félix fut rappelé d’Alexandrie, où
il se trouvait, et fut nommé pape le 8 juillet, car le siège était resté
vacant jusqu’à ce moment. Félix régna jusqu’au 4 août 367, date à laquelle
Valens le fit martyriser. Il était originaire de Rome, fils d’Anastase, un
grand prince romain, fils de la soeur de l’empereur Constantin le Grand. |
[Status papales] Chis pape Felix
ordinat que tous evesques citeis ou
appelleis à court de Rome, venissent sour
paine d'estre priveis de leur siege. |
[Ordonnance papale] Ce pape
Félix ordonna que tous les évêques, cités ou
appelés à la cour de Rome, s’y présentent sous peine d’être privés de leur
siège. |
[II, p. 80] [Damais le XLe pape] Apres la mort Felix vacat le siege XXVI jours, et apres, assavoir le XIIIIe jour d'awost, fut consacreis à pape de Romme unc cardinals qui fut nommeis Damais par le plus grant siet, car ilh oit grant debat al election entre les cardinals, portant que ly une partie eslisoit à pape unc cardinal qui fut nommeis Damais, qui estoit de la nation de Espangne, le fis de I chevalier qui oit nom Anthoine, et ly altre partie eslut I dyacre de la nation de Rome : mains Damais oit plus grant partie enssi com dit est, si fut consacreis à pape le XLe, lyqueis tient le siege XVII ans III mois et XXVII jours. |
[II, p. 80] [Damase, quarantième pape] Après la mort de Félix, le siège papal resta vacant vingt-six jours. Puis, le 14 août, un cardinal nommé Damase fut consacré pape de Rome par le plus grand nombre de personnes. Il y eut un grand débat entre les cardinaux lors de l’élection. Les uns avaient choisi un cardinal nommé Damase, originaire d’Espagne, fils d’un chevalier appelé Antoine, et les autres un diacre, originaire de Rome [Ursin]. Mais c'est Damase qui recueillit le plus de voix, comme on vient de le dire, et qui fut consacré comme quarantième pape. Il occupa le siège durant dix-sept ans, trois mois et vingt-sept jours. |
Mais quant Ursins veit chu, sy assemblat son paraige et assalhit le pape et tous ses aidans, et la clergerie aidat le pape. Si oit là grant batalhe et forte tout emmy la citeit de Romme ; mains Dieu, qui bien savoit que Damais estoit uns sains hons et de grant religion, sy li donnat victoir contre ses annemis et demorat en paix. Chis Damais solonc Martin tient le siege XVIII ans II mois et I jour. |
Mais quand Ursin vit cela, il rassembla les gens de son entourage et attaqua le pape ainsi que tous ses partisans. Les clergé soutint le pape. La bataille fut grande et rude dans toute la cité de Rome ; mais Dieu, qui connaisssait Damase, un saint homme très respectueux de la religion, lui donna la victoire contre ses ennemis, et la paix fut rétablie. Selon Martin, Damase occupa le siège durant dix-huit ans, deux mois et un jour (sur Damase, cfr aussi II, p. 81 et II, p. 83). |
B. L’empereur Valentin parvient à soumettre les envahisseurs Alains, grâce à l’aide des Sicambres du duc Priam
Ans
367-370
Les Alains, une
puissante tribu
guerrière de Germanie, pénètrent dans l’empire romain et à trois reprises
infligent de sévères défaites aux Romains de Valentin (368-369) |
|
[p.
80b]
[En chis temps
commencharent à regneir les Alans] En cel temps avoit en parties
de Germain une manere de gens qui habitoient en I fort lieu que ons nommoit
Alantune, qui seioit enclous de croliches et de marés, syque ons ne poioit venir à eaux ne aprochier : et
estoient ches gens nommeis, solonc le nom de pays où ilh habitoient : Alans,
qui estoient tres bons batalhiers et fors ; si commencharent à regneir et à
destruire tous les pays entour eaux, et nuls ne les poioit contresteir, et
s'ilh avenoit que ilh awissent alcon prinche forfait qui fust plus fort
d'eaux, ilh soy retraioient en leur fortraiches, qui seioit enssi fortement
com je vos dis oultres les Palus Meotides, et là ons ne les poioit avoir par
manere nulle. |
[p. 80b]
[À
cette époque, les Alains commencèrent à jouer un rôle important]
À cette
époque vivait dans une partie de la Germanie une population, qui habitait Alantune, un
endroit entouré de fondrières et de
marécages, fortifié au point qu’on ne pouvait ni venir chez eux ni les
approcher. Ils
étaient appelés Alains, du nom de leur lieu d’habitation. C’étaient des
guerriers
très
bons et courageux. Ils commencèrent alors à prendre de
l’importance et à saccager toutes les régions voisines. Nul ne pouvait
s’opposer à eux ; s’il leur arrivait d’avoir attaqué un prince plus fort
qu’eux, ils se retiraient dans leur forteresse, qui se trouvait, exactement
comme je vous le dis, au-delà des Marais Méotides (cfr
I, p. 28 et
I, p. 102 ; II, p. 81 et
II, p. 100) où on ne pouvait aucunement les atteindre. |
[Les Alans ont desconfit l’emperere Valentin et les Romans] Or, avint que, chest an meismes, ches [II, p. 81] Alans entrarent en l'empire de Romme, et commencharent fortement le pays à destruire et conquesteir, et tant que l'emperere Valentin le soit, sy allat contre eaux et les corut sus ; mains ly mechief tournat sour les Romans, et furent desconfis. Adont revient l'emperere à Romme et rasemblat plus de gens que devant IIII tans, et rallat contre les Alans ; se les trovat devant Melan où ilh avoient tout conquesteit le pays, et n'estoit riens qui powist dureir contre leur forche. |
[Les Alains ont
défait l’empereur Valentin et les Romains] Il arriva que cette année-là, les
[II,
p. 81] Alains entrèrent dans l’empire romain, dont ils se mirent avec
violence à dévaster et à conquérir certaines régions. Dès que l’empereur Valentin le sut, il
marcha contre eux et les attaqua. Mais la mauvaise fortune s’abattit sur les
Romains, qui furent défaits. L’empereur revint alors à Rome, rassembla quatre
fois plus de monde que précédemment et repartit attaquer les Alains. Ils les trouva devant
Milan où ils avaient conquis tout le pays. Et rien ne pouvait résister à leur
puissance. |
[Les Alans desconfirent et ochirent XLIIm
Romans devant Melant] Ly emperere les corut sus, mains Nadromas, ly dus des Alans, soy
trahit en
Melan, et l'emperere l'assegat et seiit devant dois mois. Et apres
les II mois ilhs issirent fours une matinée, et soy combattirent aux Romans
et les desconfirent laidement, et fut là ochis XLIIm Romans. |
[Les Alains
battirent et tuèrent quarante-deux mille Romains devant Milan] L’empereur attaqua les Alains, mais Nadromas, leur duc, se retira dans
Milan, que l’empereur assiégea pendant deux mois. Puis, un matin, les
Alains sortirent, combattirent les Romains et leur infligèrent une sévère défaite.
Quarante-deux mille Romains furent tués. |
Encors
rasemblat l'emperere Valentin grant gens la tirche fois, mains, quant
Nadromas le soit, sy retrahit ses gens en sa fortereche, où ilh ne
dobtoit
nulle homme. Et fut chu l'an IIIc et LXVIII en mois de fevrier. Adont
assemblat l'emperere ses grans oust à tant de gens, que ch'estoit mervelhe
del veioir ; si entrat en Germain, et passat les Palus Meotides ;
adont les Alans veirent la grant poioir l'emperere, si soy tinrent en leur
fortreche I mois. |
Pour la troisième fois, l’empereur Valentin rassembla de grandes
forces. Quand Nadromas le sut, il ramena ses gens dans sa forteresse, où il
ne craignait personne. C'était en février 368. L’empereur réunit alors une armée si nombreuse que
c’en était merveille. Il pénétra en Germanie et franchit les Marais Méotides. Alors les Alains virent que la puissance de l’empereur était grande ;
ils restèrent un mois dans leur forteresse. |
[Les Alans al IIIe fois ochirent encor XLVIIIm
Romans]
Apres ilh issirent fours de unc aultre costeit qu'ilh n'estoient assegiet, si
vinrent bien altour IIII liewes et sy assalhirent les Romans par nuit ;
si
ont promier desconfit la garde et puis les Romans qui s'enfuient, l'unc de
chà et l’autre de là, par les bois et par les champs, tant qu'ilh en fut
ochis XLVIIIm, et qui pot escappeir si se mist al fuir vers Romme. |
[Les Alains, lors de la troisième fois, tuèrent encore quarante-huit mille Romains] Puis ils sortirent du côté où ils n’étaient pas assiégés, avancèrent de quatre lieues autour de la ville et attaquèrent de nuit les Romains. Ils anéantirent d’abord la garde, puis les Romains qui s’enfuyaient de-ci de-là à travers bois et champs. Ils en tuèrent quarante-huit mille. Ceux qui purent échapper s'enfuirent vers Rome. |
Sur le conseil du
pape Damase,
Valentin demande contre les
Alains l’aide des peuples
tributaires de Rome, en leur promettant une exemption d’impôt, mais tous
échouent à vaincre les Alains (369 ?) |
|
[II, p. 81] Quant ilh
sont revenus à Romme, sy mandat l'emperere Valentin le pape, et ilh vint à
luy tantoist en mois d'awost l'an IIIc LXIX, et ilh le requist qu'ilh ly
vosist conselhyer qu'il poroit faire des
Alans : là ly comptat tout la
chouse que nos avons chi devant dit. Quant ly pape l'entendit, si s'avisat
unc pou, puis respondit à l'emperere que ilh fesoit mal de ly et sa chevalrie
abandoneir enssi contre teiles gens, qui sont felles et fiers, car grant
damaige en est pluseurs fois avenuit, et poroit encor avenir, mains ilh avoit
en son empire des nations de gens qui estoient fortes et dures, se fesist
crier une bant par tout son empire, que s'ilh estoit nulle nation, qui par sa
forche posist mettre les Alans à destruction et en la subjection des Romans,
que ilh seroit quitte del paiier leur tregut par l'espause de X ans. |
[II,
p. 81]
Quand ils furent arrivés à Rome, l’empereur Valentin convoqua le
pape qui arriva immédiatement ; c'était en août 369. L’empereur lui demanda conseil
sur la conduite à suivre avec les Alains en lui racontant tout ce
que nous avons dit plus haut. Quand le pape entendit cela, il réfléchit un peu et répondit à l’empereur
que c’était mal, de sa part et de la part de ses chevaliers, d’abandonner ainsi la lutte contre de tels hommes,
féroces et fiers, qui lui
avaient plusieurs fois déjà fait tant de tort et pourraient encore lui en
faire. L’empereur avait dans son empire des nations puissantes et dures.
Qu’il fasse crier partout un ban, disant que s'il existait une nation assez
forte pour battre les Alains et les soumettre aux Romains, elle serait dispensée
de tribut pendant dix ans. |
[L’emperere fist crier qui poroit destruire les
Alans ilh seroit quitte de son tregut] Quant l'emperere entendit chis conselhe,
se li plaisit mult bien chis
[II, p.
82] conseais : si at tantoist pris cent
messagiers, se les envoiat
par diverses provinches crier et proclameir le bant deseurdit. |
[L’empereur fait
crier
que ceux qui pourraient détruire les Alains seraient quittes du tribut] Ce conseil du pape plut beaucoup à l’empereur ;
[II, p. 82] il choisit
aussitôt cent messagers
qu’il envoya dans différentes provinces crier et proclamer le ban en
question. |
Adont
s'asemblarent gens de tous costeis, et commencharent les Alans à assegier en
leur paiis, et leur fisent mult de paines ; et les Alans al encontre les
fisent mult de mals et de damaiges, et n'y porent riens gangnier ne
conquesteir, et
tant qu'ilh soy retrahirent par famyne, car ilh n'avoit que
mangnier en chis paiis. |
Alors de
tous côtés des gens se rassemblèrent et commencèrent à attaquer les Alains
dans leur propre pays. Ils leur causèrent beaucoup d'ennuis, mais les Alains
aussi leur infligèrent bien des maux
et des dommages. Les assaillants ne purent rien gagner ni rien conquérir, et la
famine les força à se retirer, car il n’y avait rien à manger dans ce pays. |
Seuls les Sicambres/Gaulois du duc
Priam
interviennent et finissent par
vaincre et
soumettre les Alains -
L’empereur Valentin libère les Sicambres/Gaulois du tribut sans préciser la durée
de l’exemption (370) |
|
[II, p.
82]
Si
avient que l'an IIIc et LXX, en mois de may, s'avisat ly dus Prian de Galle
que ilh voloit alleir contre les Alans, por estre quitte de son tregut :
si assemblat ses hommes et vient sour eaux à grans gens, si assegat la citeit
de Calbas (ou Talbas note B) en
laqueile les Alans estoient, car elle estoit si fort de croliches
(note B) et de marés que ons ne le poioit aprochier. Adont y seirent IIII mois sens
riens fourfaire. Et adont s'avisarent les Sycambiens en mois de septembre, sy
alerent detendre leurs treif et deslogier, et fisent semblant del retourneir
en Galle, et lasserent le motié de leurs gens dedens unc bois enbussiet, car
ilh savoient bien que les Alans isseroient de leur citeit. |
[II, p. 82] C’est alors qu’en mai 370, le duc Priam de Gaule décida d’aller
attaquer les Alains, pour se libérer du tribut. Il rassembla de grandes forces et marcha contre eux. Il assiégea la cité de Calbas (ou Talbas) où se trouvaient les Alains. Elle était si
bien défendue par des fondrières et des marais qu’on ne pouvait l’approcher. Aussi
les Sicambres restèrent-ils quatre mois sur place sans nuire en quoi que ce
soit aux Alains. Finalement, en septembre, ils prirent une décision. Ils
démontèrent leurs tentes et levèrent le camp, faisant
semblant de retourner en Gaule. En fait ils laissèrent la moitié de leurs
hommes en embuscade dans un bois, car ils savaient bien que les Alains
sortiraient de leur cité. |
Les
Sycambiens de Galle savoient biens que les Alans les assalheroient
par-derier, si soy sont mis al chemyen ; mains tout enssi en avient-ilh,
car les Alans issirent fours de leur
citeit, et corurent sus les Sycambiens
al dos, anchois qu'ilhs fussent eslongiés une liewe. Adont soy defendirent
les Sycambiens, car ch'astoient la fleur de tous les combatteurs de monde, et
ochisent des Alans plus de XXm hommes. Adont soy retrahirent les Alans en
combatant vers leurs citeit. |
Les Sicambres de Gaule se mirent en route, en sachant bien que les
Alains viendraient les attaquer sur leurs arrières. Et c’est ce qui se passa. En effet, les Alains sortirent de leur cité, et coururent
attaquer les arrières des Sicambres, qui ne s’étaient même pas encore éloignés d’une
lieue. Les Sicambres se défendirent bien, car ils étaient la fleur de tous les
guerriers du monde. Ils tuèrent plus de vingt mille Alains, qui se
retirèrent vers leur cité en combattant. |
[Le duc de Galle at ochis tos les Alans] Mains ilh trovarent les Sycambiens enbussiés, qui astoient jà entreis en leur citeit, qui les assalhirent mult valhamment et les cacharent fours. Adont soy enfuirent les Alans fours de la citeit mult enbahis, si quidarent fuir en une aultre citeit qui estoit plus fort que ly aultre ; mains ly altre partie des Sycambiens les vint al devant, qui tous les ont mis à mort, et puis ont tout le paiis gasteit et mis en la subjection des Galliiens. Adont revinrent les Sycambiens à Lutesse. |
[Le duc de Gaule
tue tous les Alains] Mais ils y
trouvèrent les Sicambres restés en embuscade qui étaient entrés dans la cité des
Alains, les avaient très vaillamment attaqués et les en avaient chassés.
Alors, très effrayés, les Alains s’enfuirent. Ils pensèrent se réfugier dans une
autre cité plus fortifiée que la première, mais les autres Sicambres vinrent au devant d'eux et les
tuèrent tous. Ils dévastèrent ensuite l'ensemble du pays et se le soumirent.
Puis ils revinrent à Lutèce. |
[L’emperere vient à Lutesse et quittat le
tregut qu’ilh devoit aux Romans] Or alat la novelle à
l'emperere Valentin que les Sycambiens ont desconfit les Alans ; se les
prisat mult l'emperere et vint à Lutesse, se dest al duc Prian :
« Tu as fait chu que je ne pou oncques faire atout cent milh
hommes : si affiert bien que je vengne à toy, et sy toy donray mes
[II, p. 83] lettres que tu serais
afranquis d'or en avant del paiier tregut. » Atant ly dus Prian
respondit : « Chu moy plaist enssi, et teneis les Iettres des
Alans, car je vos les rens en tregut. » - « Chu moy plaist, »
dest ly emperere. Adont donnat lettres l'emperere aux Sycambiens de tregut
simplement et absoluement, sens mettre terme de X ans. Et enssi fut la chouse
maul entendue.
|
[L’empereur vient à Lutèce et la libère du tribut dû aux Romains] La nouvelle parvint à l’empereur Valentin que les Sicambres avaient défait les Alains. Cela lui fut très agréable. Il se rendit à Lutèce et dit au duc Priam : « Tu as fait ce que je n’ai jamais pu faire avec cent mille hommes ; il convient que je vienne te remettre [II, p. 83] une lettre attestant que tu seras dorénavant affranchi du tribut. » Le duc Priam répondit : « Cela me convient ainsi ; prenez la lettre des Alains que je vous remets en guise de tribut (?). » - « Je suis d’accord », dit l’empereur. Alors l’empereur donna aux Sicambres une lettre concernant le tribut, sans plus, sans indiquer la limite de dix ans. C’est ainsi que naquit le malentendu. [Sur ce tribut, cfr supra II, p. 72, et infra II, p. 83b-84, et p. 85-86]. |
C. Suite et fin de Valentin - Avènement de Valens, Valentien et Gratien (43ème groupe impérial)
[Myreur, II, p. 83b-86a]
Ans 370-379 de l'Incarnation
Damase réunit un concile à
Constantinople -
Ses ordonnances - Succession en Flandre -
Événements météorologiques - Mort de saint Hilaire de Poitiers (370-372) |
|
[II, p. 83]
[Le conciel en Constantinoble de CLXVI
evesques - De Credo et Gloria Patri apres] Item, en cel an deseurdit,
tient ly pape Damais une grant conciel où ilh ordinat mult de belles ordinanches, entres lesqueiles ilh ordinat à dire en la messe, tantost apres
l'ewangeile, le
Credo in unum Deum ;
et
ordinat encor, al priier de sains Jerome, que dedont en avant fuissent les
psalmes dittes à Sainte-Engliese, toudis awec le
Gloria Patri et Filio, etc. |
[II, p. 83] [Le concile de cent soixante-six évêques à Constantinople - À propos du Credo et du Gloria Patri après] Cette année-là [370], le pape Damase organisa un grand concile où il publia beaucoup de bonnes ordonnances. Il prescrivit notamment de dire à la messe, immédiatement après l’Évangile, le Credo in unum Deum ; il prescrivit aussi, à la demande de saint Jérôme, que dorénavant les psaumes récités à l'église le soient toujours avec le Gloria Patri et Filio, etc. (cfr II, 88, et II, 95b) |
[De conte de Flandre]
En cel an en
mois d'octembre, morut Prian le conte de Flandre ; si fut conte
apres luy son fis Palamides, qui regnat XII ans. |
[Le
comte de Flandre] Cette
année-là, en décembre, mourut Priam, le comte de Flandre ; son
fils Palamède lui succéda et régna douze ans. |
[Grant tempeste] Item, l'an IIIc
LXXI en mois de junne, en la citeit de
Constantinoble, oit si grant
tempeste de pires qui chairent oussi grosses com galles et que pommes, et
des oussi gros que tiestes d'hommes. |
[Forte tempête] L’an 371, en juin, dans la ville de Constantinople, il y eut une violente tempête de pierres. Elles tombaient, grosses comme des noix et des pommes, et même aussi grosses que des têtes d’hommes. |
[Ilh plovit del laine à Aras] En cel an
chaiit, en la citeit de Aras, awec la plueve tant de laine que chu fut
mervelhe, et de chu dessent les clers que ly vens l'avait pris en la mere en
une nave
perie. |
[Pluie de laine à Arras] Cette année-là [371], à Arras, la pluie tomba avec une quantité étonnante de laine, qui, selon les clercs, avait été saisie en mer par le vent sur un navire en perdition. |
Item, l'an IIIc LXXII, morut sains
Hylaire
evesque de Potier. |
En l’année 372, saint Hilaire (cfr II, p. 76-77), évêque de Poitiers, mourut. |
Victoire des orgueilleux Gaulois sur
les
Romains - Succession à
Louvain - L’ermite Josaphat - Saint Apollinaire -
Didyme l’Aveugle (372-376) |
|
[II, p. 83]
[Des Galliiens qui conquirent mult de
terres] A
cel temps commencharent les Sycambiens à eistre mult orgulheux, portant
qu'ilh ne rendoient mie ne servaige ne tregut az Romans ; si commencharent à
conquerre grant terre sour leur voisiens et mettre en leur subjection, et
conquisent toute la
terre
d'Avergne, l'an IIIc LXXIII. En cel an ilh conquisent la petit Bretangne, et
la terre de Normendie, et la terre de Borgongne, et pluseurs aultres paiis,
car nuls ne poioit contre eaux dureir. |
[II, p. 83] [Les Gaulois conquirent de nombreux pays] À cette époque [372], les Sicambres commencèrent à se montrer très orgueilleux, ne rendant pas de services aux Romains et ne leur payant pas de tribut. Ils se mirent à conquérir beaucoup de terres sur leurs voisins et à se les soumettre. Ils s’emparèrent de toute l’Auvergne en l’an 373. Cette année-là aussi, ils prirent possession de la Petite-Bretagne, de la terre de Normandie, de celle de Bourgogne, et de plusieurs autres territoires. Personne en effet ne pouvait leur résister. (Cfr aussi II, p. 56) |
Et quant ly emperere Valentin soit chu, si en
fut mult corochiés, et fut dolans que
ilh les
avoit de riens afranquit. |
Quand l’empereur Valentin apprit la chose, il en fut très irrité et regretta
beaucoup de les avoir affranchis (du tribut). |
[Ly duc de Galle at desconfis les Romans] Atant
assemblat l'emperere Valentin ses oust, et s'en alat sour les
Sycambiens ; mains quant Prian le soit, sy assemblat ses gens et vint
encontre l'emperere, car ilh ne tenoit riens de luy. Adont orent batalhe
ensemble, et furent là ochis sens nombre de gens ; mains les Romans
perdirent
[II, p. 84] tres
grandement et furent desconfis ; puis s'en rallat l'emperere Valentin à
Romme mult yreis, et les Sycambiens demoront en leur paiis plus hardis que
lyons. |
[Le
duc de Gaule a défait les Romains] Alors Valentin rassembla son armée
et s’en alla attaquer les Sicambres. Quand Priam l’apprit, il rassembla
les siens et marcha contre l’empereur, car il ne
tenait rien de lui (= il ne lui devait rien). Au cours de la bataille,
d’innombrables personnes furent tuées. Les Romains subirent
[II, p. 84] de
très grandes pertes et furent battus. L’empereur Valentin retourna à Rome fort en
colère et les Sicambres restèrent dans leur pays, plus hardis encore que des
lions. |
[De conte de Lovay] Item, l'an IIIc
LXXIIII, morut Jonas, li conte de Lovay ; si fut
conte apres luy son
fis Julien, qui regnat XII ans. |
[Le
comte de Louvain] L’an
374 mourut Jonas, le comte de Louvain. Son
fils Julien devint comte après lui et régna douze ans. |
[Josaphat ly heremitte morut] En cel an morut
uns sains proidhons en Judée, qui fut nommeis Josaphat, lyqueis estoit fis
de roy et fut mult sains heremitte,
et avoit promier esteit Sarasins, mains ilh fut convertis à nostre loy par
Barlaam le preistre. |
[Mort de Josaphat, l’ermite] Cette année-là en Judée mourut un saint homme, nommé Josaphat. Fils de roi, il fut longtemps un saint ermite. Il avait d’abord été païen, mais fut converti à notre loi par le prêtre Barlaam. |
[De sains Apolinair] Item, l'an IIIc
LXXV fut canonisiet sains Apolinaire en la citeit de
Antioche. |
[Saint Apollinaire] L’an 375 fut canonisé saint Apollinaire dans la ville d’Antioche. |
[De l’avoigle qui mult apris]
A cel temps
avoit en Alixandre I hons qui fut nommeis Dydimus, qui perdit la clarteit de
ses yeux al Ve année de son eaige, si qu'ilh ne veit oncques depuis. Si
avient qu'ilh commenchat à siwir les
escolles, et oiir mult diligemment les
escriptures, et retenir par le grasce et subtiliteit que Dieu ly avoit
donneit ; si qu'ilh vient en grant prosperiteit de clergerie, car nuls
n'oisoit devant luy venir por despiteir nulle question, ne pot onques estre
par hons demandeit, tant si gran clers fust (note
Bo), qu'ilh tantoist ne le concludist, car ilh n'estoit mie
instrus en logique tant seulement, mains ilh estoit bien endoctrineis en l'art
de gramarie, logique, geometrie, astronomie, et soverainement iIh estoit bien
fondeis en la divine escripture. |
[L’aveugle qui apprit beaucoup] À cette époque vivait à Alexandrie un homme nommé Didyme, qui avait perdu l’usage de ses yeux à l’âge de cinq ans et n’avait plus jamais vu depuis lors. Il se mit à fréquenter les écoles, à écouter avec beaucoup d’attention les écritures et à les retenir grâce au don d'intelligence qu’il avait reçu de Dieu. Il bénéficia d’une grande renommée parmi les clercs, car nul n’osait se présenter devant lui pour disputer d’un sujet, et il ne put jamais être contredit par quelqu'un, si grand clerc fût-il.Il n’était pas seulement instruit en logique : il était bien formé en grammaire, en logique, en géométrie, en astronomie, et, dans le domaine des Divines Écritures, c'était un maître souverain. |
Nouvelle défaite des Romains par les
orgueilleux
Sicambres -
Succession en
Gaule - Biographie et miracles de saint Martin, évêque de Tours (376) |
|
[II, p. 84]
[Grant batalhe entre les Romans et les
Sycambiens qui orent la victoire] ltem, l'an IIIc LXXVI rasemblat l'emperere
Valentin mult grant gens, et revient sour cheaux de Galle qui son empire ly
gastoient par leur orguelhe. Si oit à eaux batalhe
droit en Germaine, le XIXe jour de junne ; sy
furent les Romans desconfis, et furent ochis XVIIIm Romans, et oussi y fut
ochis ly dus Prian et VIm des Sycambiens |
[II, p. 84]
[Grande
bataille entre les Romains et les Sicambres qui furent victorieux] En l’an 376, l’empereur Valentin rassembla un
très grand nombre de soldats et revint attaquer les
gens de Gaule dont l’orgueil portait ombrage à son empire. Il leur
livra bataille, en Germanie précisément, le 19 juin. Les Romains furent
battus et dix-huit mille d’entre furent tués. Le duc Priam et six mille
Sicambres furent tués aussi. |
[De duc de Galle] Adont furent
les Sycambiens plus felons que en devant, et reportarent leur duc droit à
Lutesse, où ilh le misent en
terre ; et puis fisent une noveal duc de
son fis Marchones, qui estoit encors jones : se ly mettirent awec luy II
altres prinches, qui orent nom Suenon et Genebauz. Chis Marchones regnat VII
ans tant seulement, jasoiche que ons trueve en aultres hystoires que ilh
regnat XXXIIII ans, et ly aultre dist XXXI an : ne ly uns ne li altre ne
dist veriteit, car ilh ne regnat que VII ans, mains
[II, p. 85] les contrescrivens y puelent bien avoir marit por
leur erreurs. |
[Le
duc de Gaule] Alors
les Sicambres furent plus violents encore qu’auparavant. Ils ramenèrent leur duc
à Lutèce, où ils l’enterrèrent. Puis ils désignèrent comme nouveau duc son
fils Marcon, encore jeune. Ils placèrent à ses côtés deux autres princes,
nommés Sunnon et Gennobaude. Ce Marcon régna seulement sept ans, bien qu’on
trouve dans certains récits qu’il régna trente-trois ans, ou trente et un ans, selon un autre récit.
Mais aucun ne dit la vérité, car il ne régna que sept ans.
[II, p. 85].
Ceux qui disent autre chose peuvent bien regretter
leurs erreurs. |
Suenon et Genebauz (deux hapax sous cette forme) font songer à Sunnon et à Gennobaude, des noms francs (M. Rouche, Clovis, p. 81, 82, 85 pour le premier, p. 74, 78, 81, 85 pour le second). Cfr le développement de Notes. Existerait-il aussi un rapprochement onomastique entre ce Gennobaude et Gondebaud, le roi des Burgondes ?
[Sains Martin fut consacreis evesque] En cel an fut
fais et consacreis ly glorieux sains
Martin, evesque de la
citeit de Tour en Torenche. |
[Saint Martin fut consacré évêque] Cette année-là [376] fut désigné et consacré évêque de la ville de Tours en Touraine le glorieux saint Martin (cfr début II, p. 53-54 ; p. 62 ; p. 77 ; p. 110 ; p. 119 ; p. 165 ; p. 174 ; p. 260, rien que dans le Tome II.) |
[Des trois estas sains Martin et de ses
myracles]
Chis glorieux confes fut en trois estas, et en cascons mult
religieux : promier, ilh fut chevalier, et adont ilh partit son manteal au
ribaut en la citeit
de Amyens, à la porte ; apres, ilh fut moyne en la citeit de
Melain, et puis fut disciple à sains Hylaire, l'evesque de Potier, et
demorat awec luy, où ilh resuscitat II mors par ses priiers ; apres, ly IIIe
estat fut quant ilh fut evesque de Tour, et adont ilh resuscitat le IIIe
mors. Et fist aussi mult d'aultres grans myracles, qui trop sieroient long à
racompteir, mains qui plus plainement en wet oiir se lyse sa vie en
Sainte-Engliese. |
[Les
trois états de saint Martin ; ses
miracles]
Ce glorieux confesseur connut trois états, et dans chacun,
d'eux il se montra très
religieux. D’abord il fut chevalier ; c’est alors qu’il partagea son manteau avec
un mendiant, à la porte de la ville d’Amiens. Ensuite, il fut moine dans la
cité de Milan, puis disciple de saint Hilaire, l’évêque de Poitiers ; il
habita avec lui et ressuscita deux morts par ses prières. Enfin, dans son
troisième état, il fut évêque de Tours, où il ressuscita un troisième mort.
Il fit encore beaucoup d’autres grands miracles, qu’il serait trop long de
raconter ici mais celui qui veut en savoir plus n’a qu’à lire sa vie dans
les récits de la
Sainte Église. |
Nouvelle défaite des Romains par
les Sicambres - Mort de l'empereur Valentin sous les coups des Sicambres - Avènement
du quarante-troisième groupe impérial : Valens et ses compagnons Valentinien et Gratien - Valens et Valentinien obligent les
religieux à porter les armes (377-378) |
|
[II, p. 85]
[Cheaux
de Galle ochirent l’emperere Valentin awec ses gens] Item, l'an IIIc et LXXVII, rasemblat encors
l'emperere
Valentin ses Romans, sy entrat en Galle ; mains ly jovenes dus
Marchones et ses dois mambors vinrent encontre luy à grant
gens, si orent batalhe ensemble, si furent les Romans
desconfis et l'emperere
Valentin
mors. Et fut chu ly secon jour d'avrilh. |
[II, p. 85] [Les
gens de Gaule tuèrent l’empereur Valentin avec ses gens]
L’an 377, l’empereur Valentin rassembla à
nouveau ses Romains et entra en Gaule. Mais le jeune duc Marcon et ses deux
tuteurs vinrent à sa rencontre avec beaucoup de monde. Dans la bataille qui
s’ensuivit, les Romains furent défaits et l’empereur Valentin tué. Cela se
passa le 2 avril. |
[Valens awec ses II compangnons
emperere XLIII] Quant les Romans revinrent à
Romme, se fisent I altre emperere, le VIIe jour de junne, qui fut nommeis
Valens, et
mettirent awec Gratiain et Valentiniain,
lesqueis regnarent II ans III mois et XI jours ; et Martiniain dist IIII ans.
Ches empereres orent pluseurs fois grant volenteit d'alleir en la terre de
Galle, mains ilhs n'oisarent. |
[Valens
et ses deux compagnons comme quarante-troisième groupe impérial] Quand les Romains rentrèrent à Rome, le 7 juin ils se donnèrent un autre [groupe
d'empereurs], formé de Valens, avec Gratien et Valentinien, qui régnèrent
deux ans, trois mois et onze jours. Martin dit quatre
ans. Ces empereurs eurent plusieurs fois une
grande envie d’aller en Gaule, mais ils n’osèrent pas. |
[Que les religieux portassent
armes] Item, l'an IIIc LXXVIII, ordinarent les II empereres romans,
Valens et
Valentiniain, que tous les
hommes de religion portassent armes dedont en avant, si alassent en
batalhe, et qui ne le voroit faire sy fust mis à mort. |
[Les
religieux obligés de porter les armes]
L’an 378, Valens et
Valentinien, les deux empereurs
romains, ordonnèrent que tous les hommes de religion portent dorénavant les
armes, aillent au combat, et que celui qui refuserait
soit mis à mort. |
Bataille
victorieuse des Grecs contre les Romains -
Mort de Valens - Valentinien,
en
guerre avec les Gaulois à propos du tribut, est tué - Gratien, très bon chrétien, reste seul
empereur (378-379) |
|
[II, p. 85] [Les Grigois desconfirent les
Romans - Valens fut ars des Grigois]
En cel an muet gran garre entre les Romans et les Grigois. Si alat
l'emperere Valens contre les Grigois, si orent batalhe ensemble ; mains les
Romans furent desconfis par le defaulte de l'emperere, qui soy mist al
fuite,
navreis de une saiete ; si quidat bien escappeir, mains ses annemys le
siwirent si pres que ilh l'ardirent dedens une mainsonet, où ilh estoit
tourneis por avoir garant. |
[II, p. 85]
[Les
Grecs défirent les Romains - Valens fut brûlé par eux]
Cette année-là [378] éclata une grande guerre entre
les Romains et les Grecs. L’empereur Valens se porta contre les Grecs. Dans
la bataille, les Romains furent battus à cause de l’absence de l’empereur, qui prit la fuite,
blessé par une flèche. Il pensait bien échapper à ses ennemis, mais ceux-ci
le suivirent de si près qu’ils le brûlèrent vif en incendiant la maison où il
était allé se mettre à l’abri. |
Item, l'an IIIc LXXIX, mandat l'emperere Valentiniain aux Sycambiens qu'ilh
ly envoiassent son tregut, car les X ans estoient passeis. Adont remandarent
les Sycambiens à ly que de chu ne
parlasse
plus, car ilh n'avoit nulle terme dedens les lettres sour chu faite et ne
paieroient jamais tregut, car ilh avoit bien esteit payet et acquiteis de
sang de leurs amis, qu'ilh perdirent quant ilh soy combattirent contre les
Alans [II, p. 86], qui l'empire de Romme avoient laidement gasteit et exilhiet. |
L’an 379, l’empereur Valentinien demanda aux Sicambres de lui envoyer le tribut, car les dix ans étaient passés. En réponse, les Gaulois lui demandèrent de ne plus parler de cela, car il n’était nulle part question de ce terme dans les lettres rédigées à ce sujet. Ils ajoutèrent qu’ils ne paieraient jamais de tribut, car celui-ci avait été largement versé et acquitté par le sang de tous les amis qu’ils avaient perdus dans le combat contre les Alains [II, p. 86] lorsque ces derniers avaient vilainement ravagé et saccagé l’empire romain. [Sur ce tribut, cfr supra, II, p. 72-73 ; II, p. 82-83, ainsi que les notices sur Gratien, II, p. 87-88] |
[Ly dus de Galle ochist le secon
emperere et ses gens] Mains quant l'emperere entendit
chu, si fut mult corochiet, sy assemblat grans gens et vient en Galle, si
commenchat la terre à
exilhier ; mains ly dus Marchones vint
contre luy, et l'ochist en batalhe et desconfit ses gens ; et les Romans qui
porent escappeir renfuirent à Romme triste et dolens. |
[Le
duc de Gaule tua le second empereur et ses gens] Quand l’empereur entendit cela, il fut très
irrité. Il rassembla ses gens et vint en Gaule où il commença à dévaster le
pays. Mais le duc Marcon vint à sa rencontre, le tua au
combat et défit ses hommes. Les Romains qui purent s’échapper s’enfuirent à
Rome, tristes et affligés. |
D. LE DÉBUT DU RÈGNE DE Gratien seul empereur
[Myreur, II, p. 86b-89a]
Ans 379-384 de l'Incarnation
* Chez les Huns : le roi Vandalus et le roi Attila - Gratien contre les hérésies d'Arius
* Deux chroniqueurs (Eutrope et Paul Diacre) et un traducteur (saint Jérôme) - Succession en Flandre
* Les Sicambres, les Romains et le tribut
* Le duché de Gaule devient le royaume de France - Pharamond, premier roi de France
* Saint Ambroise - Succession au Danemark - Les Huns
Généralités sur le
règne de Gratien -
Opérations
militaires des
Sicambres en Germanie |
|
[II, p. 86b]
Or fut Gratian
seul emperere, qui fut mult loial et proidhons, et vraie cristien et ferme,
et amat Dieu et Sainte-Engliese, et fut plains de bonnes oevres et chevalier
mult à loiier ; si regnat tou seul dedont en avant V ans VI mois et IX
jours. |
[II, p. 86b] [379]
Gratien fut alors le seul empereur. Il
était sage, très loyal, un vrai chrétien, solide. Il aima Dieu et la
Sainte Église, réalisa beaucoup de bonnes œuvres et fut un chevalier très digne
de louanges. Il régna désormais seul cinq ans, six mois et neuf jours. |
Item, l'an IIIc IIIIxx, commencharent les Sycambiens à entreir en l'empire de Romme
plus enforchiement que ilh n'awissent onques faites, et
entrarent en Germaine, où ilh conquisent sour les Romans vilhes et casteals
à grant planteit, tout amont la riviere del Rien et de Lart ne riens ne
poioit demoreir contre eaux. |
L’an 380, les Sicambres se mirent à pénétrer dans l’empire romain plus
fortement qu’ils ne l’avaient jamais fait. Ils entrèrent en Germanie où ils
enlevèrent aux Romains un grand nombre de villes et de châteaux, en amont du
Rhin et de l’Ahr (note Bo). Il n’était
pas possible de leur résister. |
[De Hongrie] En cel an en mois d'octembre, morut Prian li roy de Hongrie ; si regnat son fis apres luy, Ector, XI ans. |
[Hongrie] Cette année-là [380], en octobre, mourut Priam, le roi de Hongrie. Son
fils Hector régna après lui pendant onze ans. |
Les
chroniqueurs de l’époque : saint Jérôme,
Eusèbe de Césarée,
Sigebert de Gembloux, Prosper d’Aquitaine |
|
[II, p. 86] En cel an finat
sains Jerome ses croniques, qu'ilh avoit commenchiet l'an IIIc et XXIII,
assavoir en droit lieu où sains Eusebe, evesque de Cesaire, avoit les sines
fineez. En cel an commenchat unc moynes de Gemblouz, qui
fut nommeis Sigillicars, ses croniques, qui tres-bien fut fondeis en pluseurs scienches.
Et adont commenchat Prosper ses croniques, qui fut I valhan cler, qui bien
fut fondeis en pluseurs scienches. |
[II, p. 86]
Cette année-là [380], saint Jérôme termina sa
chronique qu’il avait commencée en 323, exactement où saint
Eusèbe, évêque de Césarée, avait laissé la sienne. Cette année-là aussi, un
moine de Gembloux, nommé Sigebert, commença la sienne : il était très
compétent en plusieurs domaines. Prosper également commença la sienne :
c’était un vaillant clerc, très érudit lui aussi en plusieurs sciences. |
Chez les Huns : le roi Vandalus et le roi Attila - Gratien contre les hérésies d’Arius
Deux chroniqueurs
(Eutrope et Paul
Diacre) et un
traducteur (saint Jérôme) - Succession en Flandre
|
|||||||||||||||
Le pape
Damase se justifie d’une accusation d’adultère -
Excommunication de ses
accusateurs - Saint Ambroise - Liste de saints célèbres de l’époque |
|||||||||||||||
[II, p. 87]
[Le pape soy excusat de adulteire]
En
cel an fut ly pape accuseis de adulteir par envie, mains ilh soy purghat par
les tesmongne de XLIIII evesques. Et adont furent excommengniés tous cheaux
qui l'avoient accuseis à l'emperere, qui estoient de la nation Ursins le
dyaque, qui oit election del papaliteit, enssi com dit est. |
[II, p. 87] [Le pape se justifia d’une accusation d’adultère] Cette année-là [381], le pape, par malveillance, fut accusé d’adultère, mais le témoignage de quarante-quatre évêques l’innocenta. Furent alors excommuniés tous ceux qui l’avaient accusé devant l’empereur. Ils étaient du parti du diacre Ursin, qui avait brigué la papauté, comme on l’a dit (cfr II, p. 80). |
||||||||||||||
[Sains Ambroise fut preistre - Des sains
proidhons qui regnoient à chi temps] En cel an fut ordineis
preistre sains Ambrose, et estoient en grant reverenche à Romme et altre part
par le monde sains Basiel de Cesaire, Grigoire Nazanzenus, Dydimus le
philosophe d'Alixandre, sains Jerome, sains Maximien, sains Martin de
Tour ; et en Egypte Pontiain abbeit, Machaire et Ysidoire, Moyses,
Benjamyn, Eracle, Effrem, Athanais d'Alixandre, evesque, et pluseurs altres. |
[Ordination de saint Ambroise à la prêtrise - Liste de saints vivant à cette époque] Cette année-là, saint Ambroise fut ordonné prêtre. Étaient très vénérés alors, à Rome et ailleurs dans le monde : saint Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze, Didyme le philosophe d’Alexandrie (cfr II, p. 84), saint Jérôme, saint Maximien, saint Martin de Tours ; en Égypte, il y avait Pacôme, abbé, Macaire et Isidore, Moïse, Benjamin, Éracle (Héraclès ?), Éphrem, Athanase évêque d’Alexandrie, et plusieurs autres. |
Les
Sicambres, les
Romains et le tribut |
|
[II, p. 87] [Ly duc de Galle desconfit les Romans]
En cel an fut anunchiet à l'emperere Gratiain que les Sycambiens avoient
fortement destruite l'empire ; si assemblat ses hommes et entrat en Galle à
grant gens. Mains ly dus Marchones vient encontre luy à gran gens, sy soy
combatit à luy, et furent les Romans desconfis, et nonporquant les
Sycambiens perdirent bien XXXm hommes et plus en ladit batalhe. |
[II, p. 87]
[Le duc de Gaule
défit les Romains] Cette année-là
[381], on annonça à l’empereur Gratien que les
Sicambres avaient gravement dévasté
l’empire. Il rassembla ses gens et entra en Gaule avec des forces
nombreuses. Mais le duc Marcon vint à sa rencontre avec beaucoup d’hommes,
combattit contre lui et défit les Romains. Néanmoins les
Sicambres perdirent
plus de trente mille hommes dans cette bataille. |
[L’emperere Gratiain fist de paiis de
Borgongne une royalme] Dont Gratiain l'emperere, qui estoit I debonnaire
hons, et estoit en la novelle royalme de Borgongne, car ilh fist de
Borgongne une royalme, et y mandat le duc Marchones et aportast ses lettres
qu'ilh avoit de tregut, et amynast son conselhe awec luy. Et ly dus y vint
en teile manere. Et là li fist l'emperere grant fieste, et fut asseis
tratyet entre eaux de tregut ; mains quant l'emperere oit veyut les lettres
le duc, si dest : « Vos aveis droit et j'ay tort, car vos en esteis quittes
entirement, et je le vos quitte parfaitement et perpetuelment. » -- « Sires,
dest Marchones, gran merchis, et je vuelhe eistre tenus de vos servir en
tous cas. » |
[L’empereur
Gratien transforma en royaume le pays de Bourgogne] L’empereur Gratien, qui était un homme généreux, se trouvait dans le
nouveau royaume de Bourgogne, car il avait fait de la Bourgogne un royaume. Il demanda au duc Marcon de venir lui apporter les lettres en sa
possession traitant du tribut et d’amener avec lui son conseil. Le duc
s’exécuta. L’empereur lui fit grande fête. Ils discutèrent beaucoup entre
eux. Mais quand l’empereur eut vu les lettres du duc, il lui dit : « Vous
avez raison et j’ai tort ; vous êtes totalement quittes du tribut ; je vous
en libère entièrement et pour toujours. » -- « Sire, dit Marcon, je vous
remercie beaucoup et je veux me sentir tenu de vous servir en toute
circonstance. » |
[Pais entre le duc de Galle et les Romans
- Ly paiis de Galle fut afranquis de nient paiier tregut] Quant
l'emperere entendit chu, se dest mult douchement, non mie par paour, car
ch'estoit ly
[II, p. 88]
uns de miedre chevalier de tout le monde à son temps. « Sires dus de Galle,
dest-ilh, quant les enfans sont petis, sy n'ont point de governanche, sy les
doient peire et mere nourrir et governeir, et ilh doient eistre en leur
subjection ; et quant ilh sont parvenus à parfaite eaige por eaux meismes
governeir, ilh ne sont plus en la subjection de peire et mere, ains sont en
leurs meismes. Et portant le vos dis que le temps chi devant li Romains ont
esteit soverain mere (sic) de tout nation, et at oyut ly empire le governement des
altres nations. Or est ly peuple de Galle si bien multipliiet que vos aveis
terre et peuple à planteit, si que vos poreis eistre bien governeis par
vous-meismes. Et portant vos dis que j'ay quitteit le tregut à vos et à
vostres heures à tousjourmais, et que vos soyés frans ; et de chu vos
donray-je lettres saielées de mon seal de la franchise et liberteis que je
vos donne. » Adont furent faites lettres en teile manere que dit est. Si
s'en ralerent les Romans à Romme et les Sycambiens en Gal. |
[Paix entre le duc de Gaule et les Romains - La Gaule fut affranchie du paiement du tribut] Quand l’empereur entendit cela, il dit avec beaucoup de gentillesse, non pas par peur, car il était [II, p. 88] à cette époque un des meilleurs chevaliers du monde : « Sire duc de Gaule, quand les enfants sont petits, ils ne sont pas encore capables de bien se conduire ; ils doivent être élevés et dirigés par leur père et leur mère, à qui ils doivent se soumettre. Mais quand ils sont parvenus à l’âge suffisant pour se diriger eux-mêmes, ils ne sont plus soumis à leur père et à leur mère et ils décident eux-mêmes. Précédemment, Rome a été la maîtresse souveraine de toute nation, l’empire romain a gouverné les autres nations. Aujourd’hui la population de la Gaule s’est tellement multipliée que vous avez des terres et des hommes en abondance : vous pourrez être parfaitement gouvernés par vous-mêmes. C’est pourquoi je vous dis que je vous ai fait quittes du tribut, vous et vos héritiers, à tout jamais : vous êtes affranchis. Vous recevrez une lettre scellée de mon sceau concernant les franchises et les libertés que je vous donne. » Alors on rédigea une lettre de la façon qui vient d'être dite. Les Romains retournèrent à Rome et les Sicambres en Gaule. |
Saint
Athanase emprisonné par le pape
Damase, puis libéré - Saint Ambroise
réunit le concile de Constantinople |
|
[II, p. 88]
[Sains Athanaise fist le quicumque
el prison où li pape Damaise l’avoit mis] Sour l'an IIIc LXXXII,
fist sains Athaniase, l'evesque d'Alixandre, le psalme :
quicumque vult salvus esse, et le fist
en une prison où ly pape Damaise l'avoit fait mettre, portant que ses gens
par envie l'acusoient des heresies. Se fist-ilh cel psalme où li
Credo est dedens tout bien gloiseit,
et si l'envoiat al pape en disant : « Aveis là toute ma creanche,
en queile creanche je moray ; se ilh y at nulles heresies se le dites,
et, se je croy bien, se moy lassiés fours de prison ». |
[II, p. 88] [Saint Athanase rédigea le quicumque dans la prison où le pape Damase l’avait mis] En l’an 382, saint Athanase, l’évêque d’Alexandrie, rédigea le psaume : quicumque vult salvus esse, dans une prison où le pape Damase l’avait jeté, parce que ses gens par hostilité l’avaient accusé d’hérésie. Il écrivit ce psaume dans lequel le Credo entier est bien commenté et l’envoya au pape en disant : « Vous avez là toute ma croyance et en cette croyance je mourrai ; s’il y a là une quelconque hérésie, dites-le, et si mes croyances sont justes, faites-moi sortir de prison. |
[Sains Athanaise fut mis fours de prison, quant li pape veit le
quicumque]
Adont dest ly pape qu'ilh creioit cheluy qui creioit chu que la
psalme disoit, car chu estoit la foid catholique entirement ; et
commandat que dedont en avant ons le lisist à prime et que ons laisast fours
de prison sains Athanaise, qui vient à Romme quant ilh fut fours de prison,
car ilh ne vot onques puis raleir en son evesqueit por le malvaisteit de son
peuple. |
[Saint Athanase sortit de prison, quand le pape vit le quicumque] Alors le pape dit qu’il considérait comme un croyant celui qui croyait ce que le psaume disait, car c’était la foi catholique entière. Il ordonna que dorénavant on lise ce texte à prime et qu’on fasse sortir de prison saint Athanase. Sorti de prison, celui-ci vint à Rome, car il ne voulut plus jamais retourner dans son évêché à cause de la méchanceté de son peuple. |
[De conciel de Constantinoble] En cel
an assemblat sains Ambrose I conciel de C et L peires à Constantinoble, où
Machidone fut condempneis, qui estoit heretique et noioit le Sains-Espirs
estre Dieu. |
[Le concile de Constantinople] Cette année-là [382], saint Ambroise rassembla un concile de 150 pères à Constantinople, qui condamna Macédonius (cfr II, p. 95). C’était un hérétique qui niait que le Saint-Esprit soit Dieu. |
Le duché de Gaule
devient un royaume appelé Francie - Pharamond est le premier roi de
cette Francie |
|
[De duc de Galle] Item,
l'an CCC IIIIxx et III, morut ly noble dus Marchones de Galle, qui
[II, p. 89]
avoit regneit VII ans, et avoit conquis plus de terres à son paiis qu'ilh
n'en tenist devant. |
[Le duc de Galle] L'an 383 mourut le
noble duc Marcon de Gaule, qui
[II, p.
89] avait régné sept ans, et avait
ajouté plus de terres à
son pays que celui-ci n’en avait avant lui. |
[Coment la ducheit de Galle fut fait
royalme, et ly paiis fut appelleis Franche] Et
n'avoit roy en monde, fours mis l'emperere, qui tant en tenist ; et
oussi n'avoit nation de gens en monde qui posist avoir poioir à eaux, ne ly
emperere meismes. Et estoient frans et afranquis, et quittes de tous tregus
et servaiges ; et dessent qu'ilh estoient bien digne del faire unc roy
qui governast, luy et ses heures apres luy, enssi com roy et sires de la
franche terre. Car oussitost qu'ilh furent afranquis ilh ne s'apellarent plus
Sycambiens, ains s'apellarent Frans de Galle la terre de Franche, et
Franchois de la terre franche. |
[Le duché de Gaule devint un royaume et la terre fut appelée royaume des Francs] Mis à part l’empereur, aucun roi au monde n’en possédait autant. Il n’y avait également aucune nation au monde qui puisse exercer un pouvoir sur eux, même pas l’empereur. Ils étaient francs et affranchis, quittes de tout tribut et de toute redevance. Ils dirent qu’ils étaient bien dignes d’avoir un roi qui les gouvernerait, lui et ses héritiers, comme roi et seigneur d’une terre libre de toute suzeraineté. Aussitôt qu’ils furent affranchis, ils ne s’appelèrent plus Sicambres, mais Francs. Ils habitaient désormais une Gaule devenue Francie, et ils s'appelaient Francs parce qu'ils occupaient une terre libre de tout tribut. |
[Marchones (erreur pour Pharamons) fut li promier roy de
Franche] Adont
ont pris Pharamons, le fis le dus Marchones, et le coronarent d'unne coronne
d'oir et de pires prechieux, et fut leur promier roy, et regnat XI ans. Chi
roy Pharamons s'apellat Pharamons ly promier roy des Franchois ou de Franche.
Chis Pharamons, en teile manere com je vos dis, cangat le nom de ses gens et
de son paiis. |
[Pharamond fut le premier roi de Francie] Alors ils prirent Pharamond, le fils du duc Marcon, et le couronnèrent d’une couronne d’or et de pierres précieuses. Ce fut leur premier roi et il régna onze ans. Ce Pharamond fut le premier roi des Francs ou de Francie. C’est lui, comme je vous l’ai dit, qui changea le nom de son peuple et de son pays. (Cfr aussi sur ce personnage II, p. 100 et 101 ; II, p. 104 et p. 105 ; II, p. 143). |
Saint Ambroise -
Succession au Danemark -
Les Huns |
|
[II, p. 89] [Sains Ambrose fut fais evesque de Melan,
et fist chanteir les ymnes] En cel an meismes fus fais
sains Ambrose evesque de Melan, en Lombardie, et fist en cel an
chanteir les
ymnes à sainte Engliese. En cel an fist sains Ambrose le libre de
Sains-Esperit, et puis l'envoiat à l'emperere Gratiain qui mult le prisat.
Chis sains Ambrose fist mult de belles escriptures, dont sainte Engliese est
mult enlumynée. |
[II, p. 89]
[Saint Ambroise fut fait évêque de Milan et fit chanter les hymnes] Cette même année
[383], saint Ambroise devint évêque de Milan, en Lombardie. Il fit chanter des hymnes dans l'Église. Cette
année-là aussi, il écrivit le traité Du Saint-Esprit qu'il dédia à l’empereur Gratien,
lequel l’apprécia beaucoup. Saint Ambroise
rédigea
beaucoup de beaux écrits, qui éclairèrent l’Église d’une vive lumière. |
[Dannemarche] L'an
IIIc IIIIxx et III, morut Meleons, le XXIIe roy de Dannemarche ; si
regnat apres luy son fis Ogiers ; et chis fut ly promiers qui par tout
le monde fut nommeis Ogiers, lyqueis regnat XVIII ans. |
[Danemark] L’an 383 mourut Mélion (cfr II, p. 70), vingt-deuxième roi du
Danemark. Son fils Ogier régna après lui. Ce fut le premier homme au monde
qui fut appelé
Ogier. Il régna dix-huit
ans. |
[Les Huens entront en Romenie] A cel
temps passarent les Huens par-dechà mere et entrarent en paiis de Rommenie,
et commencharent le paiis a destruire partout ; si estoit adont Atilla
leur roy, qui estoit mult fellon. |
[Les Huns entrèrent en territoire romain] À cette
époque, les Huns passèrent la mer et entrèrent dans le territoire de l’Empire
romain qu’ils commencèrent partout à dévaster. Leur roi était alors Attila,
qui était très violent. |
[Myreur, II, p. 89b-94a]
Ans 383/4 de l'Incarnation
* Son séjour à Rome - Ses prières et ses dévotions dans l'église Saint-Pierre et dans d'autres églises
* Ses visions à la tombe de saint Pierre et les décisions divines
* Les aléas du retour de saint Servais - Sa capture par les Goths d'Alaric - Sa libération
* Le passage par Cologne et Metz - L'arrivée à Tongres où les instructions divines sont communiquées
Pour l'ensemble de l'épisode de saint Servais chez Jean, cfr II, p. 63-67, p. 75 et p. 96-99
Pour des notes détaillées sur saint Servais, cfr les dossiers D06, D11 et D13
Départ pour Rome de saint Servais qui a appris que Tongres serait détruite par les Huns - De passage à Cologne, il dépose l'évêque Euphratas pour hérésie - À Metz, il répare miraculeusement la pierre d'autel de l'église Saint-Étienne - Il est guidé par une étoile de Metz à Rome et, à son arrivée dans cette dernière ville, les cloches des églises sonnent toutes seules (383) |
|
[II, p. 89] [Comment ilh fut reveleit sains Servais, que Tongre seroit desruit] En cel an estoit sains Servais, ly Xe evesque de Tongre, en la ville de Treit, en l'eglise Sains-Pire que sains Materne avoit devant fondeit ; et enssi com ilh estoit la devant l'auteit en orison, se li vint une voiz de ciel descendant qui ly revelat comment la citeit de Tongre seroit temprement destruite par les Huens, qui destruiroient oussi mult des paiis de Galle et d'Allemangne. |
[II, p. 89] [Il fut révélé à saint Servais que Tongres
serait détruite] Cette année-là [383], saint Servais, le dixième évêque de
Tongres, se trouvait dans la ville de Maastricht, dans l’église Saint-Pierre
que saint Materne avait précédemment fondée. Il était en prières devant
l’autel lorsqu’une voix descendant du ciel lui révéla que la cité de Tongres
serait prochainement détruite par les Huns, qui dévasteraient aussi beaucoup
de régions en Gaule et en Allemagne. |
Quant
sains Servais entendit chu, se fut de cuer enbahis ; si assemblat tout
le clergerie de Tongre et leur dest chu que ly angle ly avoit dit. Mains
quant ly clergerie et les borgois entendirent chu, se
[II, p. 90]
priarent à sains Servais qu'ilh vosist alleir à Romme por deproier à
glorieux corps sains Pire, ly soverains des apostles, que ilh vosist à Dieu
supplier que ilh les vosist defendre, eaux et leur citeit, de chesli
destruction. |
Quand saint
Servais entendit cela, son cœur fut troublé. Il rassembla tout le clergé de
Tongres et lui annonça ce que l’ange lui avait dit. En entendant cela, les
clercs et les bourgeois [II,
p. 90] prièrent saint Servais de bien vouloir aller à Rome supplier le
glorieux corps de saint Pierre, le souverain des apôtres, d’accepter
d’implorer
Dieu pour que celui-ci veuille bien les défendre, eux et leur ville, de
pareille destruction. |
[Sains Servais s’en vat vers Romme] Quant
sains Servais entendit chu, se dest qu'ilh yroit volentier ; et soy
partit atant de Tongre et soy mist al chemyn, sy vint à Collongne. Et quant
li clergerie de Collongne le veirent, se ly fisent grant honneur ; et
accusarent à luy Effrata, leur evesque, que ilh estoit heretique et plains de
mals heresies. |
[Saint Servais part pour Rome] Quand saint
Servais entendit cela, il dit qu’il irait volontiers. Il quitta Tongres, se
mit en route et arriva à
Cologne. Quand les membres du clergé de Cologne le virent, ils lui firent grand honneur et
accusèrent Euphratas, leur évêque, d’être hérétique et plein d'opinions mauvaises. |
[Sains Servais deposat Effrata evesque de
Colongne] Quant sains Servais entendit chu, si assembla I
conciel de XIIII evesques, et là fut de part luy degradeis ly evesque Effrata
por ses heresies qui teiles estoient. |
[Saint Servais déposa Euphratas, évêque de Cologne] Quand saint Servais entendit cela, il rassembla un concile de quatorze
évêques, dont il obtint la destitution de l’évêque Euphratas pour ses
positions qui apparurent bien comme des hérésies. |
[Sains Severin fut evesque de Colongne] Chis
Effrata disoit que Jhesu-Crist, ly fis la benoite virgue Marie, estoit et
avoit esteit pures hons, mains ilh n'avoit mie esteit Dieu. Et por chesti
meffaite, qui fut mult gran, ilh fut degradeis ; puis fut la meisme
consecreis evesque de Collongne sains Severin. |
[Saint Séverin fut évêque de Cologne] Cet
Euphratas
disait que Jésus-Christ, le fils de la
bienheureuse Vierge Marie, était et avait bien été un homme véritable, mais
pas un Dieu. Pour cette faute, qui était très grande, il fut
destitué. Puis, là même, saint Séverin fut consacré évêque de Cologne (cfr
II, p. 93 et
p. 110). |
[Sains Servais fist myracle à Messe] Atant
soy partit sains Servais et vient à Messe ; si entrat en l'engliese
Sains-Estiene, où ilh trovat sus l'auteit la piere brisiet ; mains
oussitoist que sains Servais mist sus son doit sour le fendure, ilh fut
resoldeit. |
[Saint Servais fit un miracle à Metz] Saint Servais quitta Cologne et vint à Metz. Il entra dans l’église Saint-Étienne, où il trouva sur l'autel la pierre brisée. Mais dès qu’il eut mis le doigt sur la cassure, la pierre se ressouda (cfr G.L. 4825-4831). |
[Del stoile qui mynat sains Servais à
Romme, et des cloques qui sonont] Apres soy partit sains Servais
de Mes et s'en allat vers Romme ; mains oussitoist que ilh issit de Mes,
ly vient devant luy une estoile de ciel, qui toudis reluisoit par jour et par
nuit, et le conduisoit le droit chemyin, de la citeit de Mes en Loheraine
jusques à Romme ; et quant ilh entrat en Romme, sy s'envanuit. Et toutes
les cloques de Romme commencharent tantost à sonneir toutes seules encontre
la venuwe sains Servais ; de quoy les Romans furent trop esbahis, et sy
ne porent savoir la chouse porquoy chu estoit avenut |
[Une étoile conduisit saint Servais à Rome et des cloches sonnèrent] Après cela, saint Servais quitta Metz pour se rendre à Rome. Mais dès qu’il sortit de la ville, apparut devant lui, dans le ciel, une étoile qui brilla tout le temps, de jour comme de nuit, et qui le guida sur le bon chemin, de Metz en Lorraine jusqu’à Rome. Quand il entra dans Rome, l’étoile disparut. Mais toutes les cloches de Rome se mirent aussitôt à sonner toutes seules pour saluer l'arrivée de saint Servais. Les Romains furent très étonnés, ignorant la cause du phénomène (cfr G.L. 4834-4848 pour l'étoile et les cloches). |
Son séjour à Rome - Ses prières et ses
dévotions |
|
[II, p. 90]
[Coment sains Servais orat al tumbe sains Pire] Adont
entrat sains Servais en l'engliese Sains-Pire à Romme et soy mist en genols
devant et sus le tumbe sains Pire ; et là commenchat mult tenrement à
ploreir et faire ses devoltes orisons à sain apostles, por les englieses de
Mes et de Tongre, qui ly sains apostle vosist suppliier à Dieu qu'ilh les
gardast des mains des Huens. |
[II, p. 90] [Saint Servais pria sur la tombe de saint
Pierre] Alors saint Servais entra dans l’église Saint-Pierre à Rome. Se
mettant à genoux devant et sur la tombe, il se mit à pleurer très doucement
et à adresser dévotement des prières au saint apôtre pour les églises de Metz et de
Tongres. Il lui demanda de bien vouloir supplier Dieu de les protéger des
mains des Huns. |
Et chu
prioit sy devoltement pres que ly cuer ne ly partoit de tristoir, et ploroit
sy angouseusement que la terre desous son visaige, où ilh gisait en genols
des jambes et des bras, estoit tout arosée del aighe qui descendoit de ses
yeux ; et batoit son pis si fort que ons le poioit oiir de l'onc de
costeit del engliese jusques al aultre, et tant que les Romans qui
[II, p. 91] l'entendoient et le
voioient en avoient grant mervelhe, et disoient que chis sains hons avoit
mervelheux dolour à son cuer. |
Il priait avec une telle dévotion que son cœur fut bien près de se briser de tristesse.
Il pleurait avec une telle angoisse qu’à l’endroit où il gisait jambes et
bras étendus, la terre qui se trouvait sous son visage était toute arrosée de
l’eau qui lui coulait des yeux. Dans sa poitrine, son cœur battait si fort
qu’on pouvait l'entendre d’un bout de l’église à l’autre. Les Romains [II, p.
91], auditeurs et
spectateurs, en étaient émerveillés et disaient que ce saint homme
éprouvait dans son coeur une extraordinaire douleur. |
Encors
deveis savoir que ly vrais proidhons sains Servais demorat à Romme par le
spase de trois jours, en teile tristeche et contrition de cuer que je vos ay
dit ; et aloit par jour par la citeit de Romme en pluseurs englieses,
depriant devoltement à Dieu et à la virgue Marie et à tous les patrons de
cascunne engliese, que Dieu le vosist subvenir, et les aultres sains
vosissent intercedeir à Dieu, et priier por ly et por l'acomplissement de son
intention, et qu'ilh ly vosist acomplir ses desirs en bien ; et à la
nuyt revenoit sains Servais à la tumbe sains Pire faire toudis chu qu'ilh
avoit fait la promier nuit. |
Vous devez
aussi savoir que le vrai sage qu’était saint Servais resta à Rome trois jours
durant, dans la tristesse et la contrition de cœur dont je vous ai parlé. Le
jour, il allait dans plusieurs des églises romaines, priant dévotement Dieu,
la Vierge Marie et les saints patrons de chacune d'elles. Il demandait
que Dieu veuille bien le secourir, et que les autres saints veuillent bien
intercéder auprès de Dieu, prier pour lui et pour l’accomplissement de sa
demande, que Dieu veuille bien réaliser ses désirs. Et la nuit, il revenait
sur la tombe de saint Pierre refaire ce qu’il avait fait la première nuit. |
Ses visions à la tombe de saint
Pierre
Apôtre |
|
[II, p. 91]
[Del mervelheux vision que sains Servais
veit al tumbe sains Pire l’apostle] A la tirche nutye avient que
sains Servais regardat amont vers l'ateit del engliese Sains-Pire : si
voit visiblement par-deleis l’auteit unc trone, sycom d'angles et
d'archangles et des saintes armes ; et tout emmy chi throne estoit I
hault siege enqueile ilh estoit assis ly vraie Dieu Jhesu-Crist et sa benoite
Meire, la virgue Marie ; et par-devant chesti throne ilh veit II sains
gisant en genols, l'une fois devant Jhesu-Crist et l'autre devant sa glorieux
Mere, lesqueis prioient à Dieu devoltement por sains Servais, et à sa douche
Mere que elle vosist à son chier Fis intercedeir por sains Servais, qui
estoit son cusien prochaine ; et estoient ches dois sains hons sains
Pire et sains Poul. |
[II , p. 91] [La merveilleuse vision qu’eut saint
Servais sur la tombe de saint Pierre apôtre] La troisième nuit,
il se fit que saint Servais regardait en direction de l’autel de l’église
Saint-Pierre. Il aperçut clairement près de l’autel une estrade, avec des
anges, des archanges et des saintes âmes, et tout au milieu un haut siège
sur lequel étaient assis le vrai Dieu Jésus-Christ et sa bienheureuse mère, la Vierge Marie.
Devant ce trône, il vit deux saints à genoux, l’un devant Jésus-Christ et l’autre devant sa
glorieuse Mère, qui priaient dévotement Dieu pour saint Servais et
demandaient à sa douce mère qu’elle veuille bien intercéder auprès de son cher fils pour saint
Servais, qui était son proche cousin. Ces deux personnages étaient
saint Pierre et saint Paul. |
Apres
veit sains Servais par-devant Jhesu-Crist, à senestre costeit, uns hons qui
estoit vestis de blans draps, et chis estoit sains Estiene, ly vray martyr
promirs, lyqueis parlat grandement à sains Pire et à sains Poul. |
Puis saint Servais vit devant Jésus-Christ, du côté gauche, un homme vêtu de vêtements blancs. C’était saint Étienne, le véritable premier martyr, qui parla longuement à saint Pierre et à saint Paul (cfr G.L. 4887-4890). |
[Comment sains Pire denunchat à sains
Servais la destruction de Tongre - Porquoy Tongre fuit destruite] Atant
vient sains Pire à sains Servais, et li dest en teile manere : « Tres-sains
hons, que moy demandes-tu et que moy travelhes-tu ? Sache veritablement
qu'ilh est determineit et jugiet, par le propre bouche de Dieu, que tous les
isles de Europe seront en tribulation et la plus grant part dertruite, et par
especial Tongre et Allemangne et Galle seront destruit. Tongre maiement ne
puet avoir respit por le pechiet de inobedienche, et portant qu'ilh soy
mocquarent de toy et fisent sedicion contre toy ; mains, por l'amour de
toy, Dieu toy salverat et gardera la vilhe de Treit, qui jà ne serat veyuwe
ne atochie des Huens, en laqueile tu metteras tout chu que tu voras bien
gardeir. Et là vuet Dieu
[II, p. 92] que
tu habite, portant que tu ne veiras nuls des grans mechiefs qui seront sour
les gens et sour ton paiis. Apres toy dis que la citeit de Mes serat
destruite ; mains, à la proier sains Estienne, serat son engliese de chu
gardée. |
[Saint Pierre annonça à saint Servais la
destruction de Tongres - Pourquoi Tongres fut détruite] Alors saint
Pierre vint dire à saint Servais : « Très saint homme, pourquoi
t’adresses-tu à moi et pourquoi me harcèles-tu ? Sache bien qu’il a été décidé et jugé, de la bouche
même de Dieu, que toutes les régions de l’Europe seront dans la tribulation
et en très grande partie dévastées ; ce sera en particulier le cas de
Tongres, de l’Allemagne et de la Gaule.
Tongres surtout ne peut y échapper à cause de son péché d'insoumission,
parce qu’elle t’a tourné en ridicule et s'est opposée à toi (cfr
II, p. 66]. Mais par amour pour toi, Dieu te sauvera et
protégera la ville de Maastricht, qui ne sera ni vue
ni touchée par les Huns, et où tu mettras tout ce que tu voudras garder.
C’est là que Dieu veut [II, p. 92] que
tu habites ; ainsi tu ne verras rien des grands malheurs qui toucheront
tes gens et ton pays. Dis-toi aussi que la cité de Metz sera détruite, mais,
grâce à la prière de saint Étienne, son église sera protégée. » |
[Sains Pire anunchat la fundation de sains
Bertremere à Liège et à Treit] Et portant toy fait savoir ton
salveur Jhesu-Crist que tu eslise ton sepulture en l'engliese de Treit, que
sains Materne, ton predicesseur, fondat jadit en l'honeur de moy et de sains
Bertremeire, en laqueile tu repoisera longtemps ; et puis en seras
osteis et translateit en une altre engliese, qui est Treit meismes en
l'honeur sains Bertremere l'apostle. Et celle engliese serat ly patron
permueis à une engliese en la citeit de Liege, qui n'est encors nen ne serat
dedens longtemps, qui serat fondée en l'honeur de toy, sy revenras patron à
Treit et sains Bertremere patron à Liege. » |
[Saint Pierre annonça la fondation de saint Barthélemy à Liège et à Maastricht] « Ton sauveur Jésus-Christ t’avertit aussi de choisir d’être enterré dans l’église de Maastricht, que saint Materne, ton prédécesseur, fonda jadis en mon honneur et en l’honneur de saint Barthélemy. Tu y reposeras longtemps, et puis tu en seras retiré pour être transporté dans une autre église, qui se trouve à Maastricht même en l’honneur de saint Barthélemy l’apôtre. Cette église verra son patron devenir celui d’une église de Liège, qui n’existe pas encore, qui n’existera pas avant longtemps et qui sera fondée en ton honneur. Tu reviendras ainsi comme patron d’église à Maastricht et saint Barthélemy sera patron d’une église à Liège. » [rien dans Geste de Liège] |
[Del cleif que sans Pire donnat à sains
Servais] Et quant sains Pire oit chu dit, se prist une
cleif d'argent belle et grant, et le donnat à sains Servais, en disant :
« Tres-sains hons glorieux, Dieu t'envoie cheste cleif, qui est d'oevre
divine faite, de quoy tu seras d'ors enavant chartains
clachenier de ciel, et poiras ouvrir paradis à tos ches qui toy
plairat en paradis mettre, et cloire à tous cheaux que tu voiras priveir de
paradis. Et enssi parmy tes priiers seront salvées toutes les armes des corps
qui seront ochis parmy ton paiis par les Huens, à chesti destruction qui toy
vient prochaynement. Et chu serat apres ton dechesse. » |
[Saint Pierre donna une clé à saint
Servais] Et quand saint Pierre eut dit cela, il prit une clé en argent,
belle et grande, qu’il donna à saint Servais en disant : « Très saint homme
couvert de gloire, Dieu te transmet cette clé, d’œuvre divine, qui fera
dorénavant de toi le vrai portier du ciel. Tu pourras ouvrir le paradis à
tous ceux qu’il te plaira d’y faire entrer, et le fermer à tous ceux à qui
tu voudras l'interdire. Ainsi, tes prières auront sauvé toutes les âmes de
ceux qui, dans ton pays, seront tués par les Huns, lors de cette destruction
qui va venir prochainement. Mais cela aura lieu après ton décès. » |
[Sains Pire renvoiat sains Servais en son
paiis] Puis dest : « Or t'en vas, tu soies de Dieu benis, el por chu que
Dieu ne wet mie que tu aies teile duelhe à ton cuer, ilh toy concede par sa
grasce que ton paiis ne serat destruis jusques apres ta mort. » Et quant
sains Pire oit chu dit, ilh soy partit et soy envanuit. Et sains Servais,
droit à soleal luisant, soy partit de Romme et soy mist al chemien por
revenir vers son paiis apertement. |
[Saint Pierre renvoya saint Servais dans
son pays] Puis saint Pierre dit : « Maintenant Retire-toi. Tu es béni de Dieu, et parce
que Dieu ne veut pas que tu aies une telle douleur au cœur, il t'accorde une
grâce : ton pays ne sera pas détruit avant ta mort. » Saint Pierre,
après avoir dit cela, partit et disparut. Quant à saint Servais, dès le
lever du soleil, il quitta Rome et se mit en route pour retourner chez lui
sans délai. |
|
|
[II, p. 92]
[Comment sains Servais fut pris des gens
le roy Alarich de Gotelies] Chis sains proidhons Servais
oit mult à souffrir al chemyen, anchois qu'ilh revenist en son paiis, car ilh
fut pris et enprisonneit par les gens le roy Alarich de Goteliez en Espangne,
qui avoit entendut que les Huens destruoient Rommenie, si estoit issus de son
paiis por aidier les Huens à destruire le paiis. |
[II, p. 92]
[Saint Servais fut capturé par des gens d’Alaric, roi des Goths]
Ce saint homme de Servais eut beaucoup à souffrir en chemin avant d’arriver
chez lui, car il fut capturé et jeté en prison par les gens du roi Alaric
qui régnait sur les Goths en Espagne. Ce roi avait entendu dire que les Huns
dévastaient l’empire romain et il avait quitté son pays pour les aider dans
leurs destructions |
Mains
de chesti prison
[II, p. 93] ilh
en issit par myracle, que Dieu demonstrat là por l'amour de sains Servais,
dont je ne feray nulle mention, car trop seroit ma matere eslongiet ;
mains qui le wet savoir se lyse sa legente à sainte Engliese, ou ilh porat
troveir mult de chouses qui sont belles à oiir. |
Mais saint Servais sortit de cette prison [II, p. 93] grâce à un miracle que Dieu accomplit par amour pour lui et que je ne mentionnerai pas, car ce serait trop allonger ma matière. Que celui qui veut en savoir davantage lise son histoire qu’on raconte dans la Sainte Église ; il pourra y trouver beaucoup de choses belles à entendre (cfr G.L. 4942ss). |
|
|
[II, p. 93] [Comment ilh revint à Colongne, à Mes et puis à Tongre] Et sachiés que ilh revient par Colongne, où sains Severins estoit evesque, et de Colongne ilh allat droit à Mes en Loheraine, où tout la nobleche de paiis là atour attendoit qu'ilh revenist por oiir bonnes novelles. Et quant sains Servais vient à Mes, ilh celebrat messe, et puis se leur dest que tout leur citeit seroit destruite, excepteit le oratoir Sains-Estiene, et que chu savoit-ilh par revelation divine. |
[II, p. 93] [Saint Servais revint à Cologne, à Metz, puis à Tongres] Sachez que saint Servais revint par Cologne, où saint Séverin était évêque (cfr II, p. 90 et p. 110), et qu’il alla de Cologne droit à Metz en Lorraine, où toute la noblesse du pays voisin espérait qu'il reviendrait avec de bonnes nouvelles. Arrivé à Metz, saint Servais célébra la messe et puis annonça aux habitants que toute leur cité serait détruite, sauf l’oratoire Saint-Étienne, et qu’il savait tout cela grâce à une révélation divine (chez G.L. 4990ss, seulement Metz). |
[Sains Servais revint à Tongre et dest qu’elle seroit destruite] Apres revient sains Servais à Tongre, sy assemblat toute son grant clergerie, et leur dest que tous cheaux qui voloient Ieur vie salveir alassent droit à Treit awec ly, car là s'en yroit-ilh habiteir, car ilh covenoit la citeit de Tongre perir et estre destruite, et tout por le pechiet de inobedienche. |
[Saint Servais revint à Tongres et annonça sa destruction] Puis saint Servais revint à Tongres, rassembla tous les membres de son large clergé et leur dit que tous ceux qui voulaient sauver leur vie aillent directement à Maastricht avec lui. C’est là en effet que, lui, irait habiter, car il fallait que la cité de Tongres périsse et soit détruite, tout cela à cause de son péché d'insoumission (cfr II, p. 92). |
Apres
ilh priat et requist à toutes ses gens que ilhs vosissent alleir awec ly à
Treit, car tous cheaux qui yroient là seroient gardeis de la destruction et
des perilh des Huens, et aultrement nient. Et dest « qu'ilh avoit là
esluit son sepulture, et ly estoit concedeit chi lieu depart Dieu, porquen de
cheli jour en avant vos ne moy vereis awec vos demoreir en chesti citeit de
Tongre, qui est maditte por vos pechiés. Et soiiés tous assegurés que je
ne viveray nient tant que ly gran mals vengne, et que je seray anchois
trespasseis ; porquoy vos soyés tous certains que je priray à Dieu por
le salut de vos armes. Et sachiés que Tongre serat destruite apres ma
mort. » |
Ensuite il
pria et demanda à tous ses gens de bien vouloir l’accompagner à Maastricht,
car tous ceux qui iraient là-bas seraient protégés de la destruction et des
dangers des Huns. Ce ne serait pas le cas des autres. Il dit aussi qu’il
avait choisi d’être enterré là-bas et que l’endroit lui avait été accordé par
Dieu. « C’est pourquoi, ajouta-t-il, vous ne me verrez pas
rester avec vous dans cette cité de Tongres, maudite à cause de vos
péchés. Soyez tous assurés, continua-t-il, que je ne verrai pas de ma vie ce
grand malheur arriver, et que je serai mort avant. C’est pourquoi soyez tous
certains que je prierai Dieu pour le salut de vos âmes. Et sachez que
Tongres sera détruite après ma mort. » |
Adont
les monstrat la cleif d'argent que sains Pire ly avoit donneit, et dest
enssi : « Veischi une cleif que Dieu m'at donneit, que tous cheaux
por cuy je voray priier poront entreir en paradis, et tous cheaux en seront
priveis por cuy je ne voray priier. » |
Alors il
leur montra la clé d’argent que saint Pierre lui avait donnée, et dit :
« Voici une clé que Dieu m’a donnée. Tous ceux pour qui je
voudrai prier
pourront entrer au paradis, et tous ceux pour qui je ne voudrai pas prier en
seront privés. » |
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[II, p. 93] Apres
sains Servais fist prendre toutes les saintes reliques et joweals awec les
sains corps des evesques, qui avoient esteit devant luy, de terre defoyer, et
oussi tous les libres et escriptures de croniques, et hystoires, et vies, et
regnations des sains evesques, et les registres et escriptures de toutes les
rentes et possessions des englieses de Tongre, et fist tout emporteir à
[II, p. 94] Treit awec le clergerie,
à procession sollempne. |
[II, p. 93] Après cela
saint Servais fit rassembler toutes les saintes reliques et tous les objets
précieux, ainsi que les saints corps
de ses prédécesseurs
évêques, qui
avaient été déterrés. Il prit aussi tous les livres et textes de chroniques,
les histoires, les vies et les règnes des saints évêques, les registres et
les documents concernant les rentes et les biens des églises de Tongres. Tout
cela, il les fit emporter à [II, p. 94]
Maastricht, avec le clergé, dans une procession solennelle (rien chez G.L.).] |
[Sains Servais garist tous les malaides de
Tongre par le signe del crois] Et quant ilh oit enlongiet
Tongre le quarte d'une liwe, se soy retournat et regardat Tongre mult
tristement, et le commenchat à saingnier III fois, par lequeile sengnat tous
les messeais de la citeit furent regaris, les avoigles reveirent clerement,
les clos soy redrecharent et tous lez altres malaides furent garis de toutes
leurs maladies. |
[Saint Servais guérit tous les malades de
Tongres par le signe de la croix] Et quand il fut éloigné de Tongres
d’un quart de lieue, il se retourna, regarda la ville avec beaucoup de
tristesse et la bénit trois fois. Par cette
bénédiction, tous les lépreux de la ville furent guéris, les aveugles virent
à nouveau clairement, les bossus se redressèrent et tous les autres malades
retrouvèrent la santé. |
[La porte de Treit ovrit tot seul] Et
quant la procession vint à la porte de Treit, sy estoit sicom pres de
meynuit. Adont ovrit la porte tout seule, car ilh estoit serée. Et quant
sains Servais fut entreis en la porte, ilh soy retournat vers ses gens en
faisant sour eaux le signe de la crois, en disant que cascun s'en alast en
son droit lieu où ilh voloit et devoit demoreir. |
[La porte de Maastricht] Quand la procession arriva à la porte de Maastricht, il était près de minuit. Cette porte, qui était fermée, s’ouvrit toute seule. Et quand saint Servais l'eut franchie, il se retourna vers les siens en faisant sur eux le signe de la croix. Il dit alors à chacun de s’en aller exactement là où il voulait et devait demeurer. |
[Le lamentacion de peuple apres sains
Servais] Adont commencharent toutes les gens mult
tenrement à ploreir, et especialment la clergerie en disant :
« Sains pasteur qui les poevres revestoit, qui nos aiderat à governeir
[ms B : et governera]
de chi jour en avant, et par cuy serons-nos resoleis, revestis et chaufeis,
rasasis, aidiés et governeis ? Et comment astomes-nos enssi deshireteis
de ta sainte compangnie, governement, garde et presenche ? Coment
estomes-nos deseureis de toy et relenquis del tout, et avons tant faite por
nos pechés que nos ne sommes mie digne del demoreir awec toy ?
Hée ! tres-sains pasteur, que porat faire et que ferat le vostre
myserable peuple, et comment soy porat governeir sens vos, sires
prechieux ? » Atant les donnat sains Servais le benediction
pontifical en plorant mult tenrement, se soy tournat de là et les laiat
demyneir leur duelh qui estoit mult grant.
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[La lamentation du peuple sur saint Servais] Alors tous les gens se mirent à pleurer avec beaucoup de tendresse, spécialement les clercs, en disant : « Saint pasteur qui aidait les pauvres, qui donc nous aidera et (note Bo) nous gouvernera dorénavant, par qui serons-nous consolés, assistés, chauffés, rassasiés, aidés et dirigés ? Comment sommes-nous ainsi privés de ta sainte compagnie, de ton gouvernement, de ta protection, de ta présence ? Comment sommes-nous privés de toi et complètement abandonnés ? Comment avons-nous tant fait à cause de nos péchés que nous ne sommes pas dignes de rester avec toi ? Hélas, très saint pasteur, que pourra faire et que fera votre malheureux peuple, et comment pourra-t-il se gouverner sans vous, précieux seigneur ? » Alors saint Servais leur donna la bénédiction pontificale en pleurant très tendrement, puis il se détourna et les laissa mener leur deuil qui était très grand (récit différent chez G.L.). |
[Sains Servais mist tot son tresor en la
cripte sains Pire] Adont vient sains Servais en l'engliese sains
Pire, si entrat en la cripte, et là mist-ilh le tresour, les joweals,
registres, libres, escriptures et croniques et les reliques que ilh aportat
de la citeit de Tongre, et demorat là enssi trois ans anchois qu'ilh
trespassast. |
[Saint Servais mit tout son trésor dans la
crypte de saint Pierre] Alors saint Servais gagna l’église
Saint-Pierre, entra dans la crypte et y déposa le trésor, les joyaux
précieux, les registres, les livres, les documents et les reliques qu’il
avait apportés de Tongres. Il séjourna là à Maastricht trois ans avant
de mourir (suite de la biographie de Servais, en II, p. 96] |
F. REPRISE DU RÉCIT SUR LE RÈGNE DE GRATIEN jusqu'à sa mort
[Myreur, II, p. 94b-95a]
Ans 384-386 de l'Incarnation
* Énorme tremblement de terre - Mort du pape Damase et désignation du pape Sirice (384)
Énorme tremblement
de terre |
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[II, p. 94]
[IIIc IIIIxx IIII – Muet de terre mult
grant] En la meismes deseurdit année IIIc IIIIxx et IIII, en mois de
decembre, fut grant muet de terre, dont ilh chairent VII citeis et XIIII
grans casteal, en la terre de Aisie le grant ; et durat chu trois jours,
sique ilh sembloit en Asie que la terre tournast chu que deseur estoit
desous, et ne poioit nuls hons steir tout droit qu'ilh ne chaiist tantost. |
[II, p. 94] [An 384 - Très grand tremblement de terre] En décembre
de la même année 384, se produisit un grand tremblement de terre, qui
renversa sept cités et quatorze grands châteaux, dans la Grande-Asie. Le
phénomène dura trois jours
et il fut tel qu’il sembla en Asie que la terre était sens dessus dessous et
qu’aucun homme ne pouvait rester debout sans tomber aussitôt. |
[Siricius le XLIe pape de Romme] Item, l'an deseurdit le XIe jour de mois de decembre, morut ly pape de Romme Damaise ; si fut ensevelis en l'egliese Sains-Pire, et vacat ly siege XII jours, et à XIIIe, [II, p. 95] assavoir le XXIIIIe jour de decembre, qui estoit la vigiele de la Nativiteit Nostre-Saingnour Jhesu-Crist, fut consacreis à pape de Romme XLIIe, comptant en Dieu le promier pape, uns sains proidhons qui oit nom Siricius, et estoit cardinal et de la nation de Romme, le fis Tyburtiien le senateur ; lyqueis tient le siege XXIIII ans II mois et XXVII jours. Et le VIIIe jour apres faite-ons sa fieste à sainte Engliese. Et solonc Martin ilh tient le siege XV ans XI mois et XXV jours. |
[Sirice, quarante-et-unième
pape de Rome] Le onze décembre de la même année mourut
Damase, le pape de Rome. Il fut enseveli dans l’église Saint-Pierre. Le siège
vaqua douze jours, et au treizième, [II, p. 95]
à savoir le 24 décembre, la veille de la Nativité de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, fut consacré le quarante-deuxième
pape de Rome, du moins si l’on compte Dieu comme le premier pape. Ce
fut un saint homme, du nom de Sirice, un cardinal originaire de Rome, fils
du sénateur Tiburce. Il occupa le siège vingt-quatre ans, deux mois et
vingt-sept jours. La Sainte Église le fête huit jours après. Selon Martin, il
occupa le siège quinze ans, onze mois et vingt-cinq jours (cfr
II, p. 102 et
p. 107). |
Bède commence ses chroniques |
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[II, p. 95] [Bede commenchat ses chroniques] A cel
temps commenchat ly venerable Beda ses croniques. |
[II, p. 95] [Bède commença ses chroniques] À cette
époque, Bède le vénérable commença ses chroniques. |
[De conte de Lovay] Item, l'an IIIc IIIIxx
et V, morut Julin, ly conte de Lovay ; si regnat apres luy son fis Ector
XIX ans. |
[Le comte de Louvain]
L’an 385
mourut Julien, comte de Louvain. Son fils
Hector régna après lui pendant 19 ans (cfr
II, p.
108 et
II, p. 116). |
Item,
l'an IIIc IIIIxx et VI, le XXIIe jour de may, fut ochis ly emperere Gratiain
en son palais à Lyon sour le Royne; si l'ochist I gran prinche qui oit à nom
Maximiain, lyqueis avoit conquis Bretangne le petit, portant qui calengoit à
l’emperere la terre vers Occident ; mains l'emperere le contredisoit, si
fut ochis par le trahison de ses gens. |
L’an 386, le 22 mai, l’empereur Gratien fut tué dans son palais à Lyon, sur le Rhône, par un grand prince appelé Maxime. Ce personnage avait conquis la Petite-Bretagne, parce qu’il revendiquait sur Gratien la terre vers l’Occident. L’empereur, qui s’opposait à lui, fut tué grâce à la trahison des siens. |
Bède le Vénérable est cité à plusieurs reprises par Jean d'Outremeuse. On ne trouve parfois qu'une simple mention du nom de l'écrivain (ainsi en I, p. 3, p. 347, p. 473, p. 524), mais souvent il s'accompagne d'une information particulière. C'est le cas en, I, p. 348, pour la date de la naissance de Jésus ; ici en II, p. 95, pour la date où commence la chronique de l'auteur, à savoir l'an 384 ; en II, p. 101, pour les miracles accomplis par saint Augustin en Angleterre ; ici, en II, p. 277, pour la fondation de Huy ; en II, p. 305 et II, p. 377, pour la célébrité de Bède ; en II, p. 386, pour l'achèvement de sa chronique ; en II, 398, pour son explication de l'Écriture Sainte ; en II, p. 433, pour sa mort. Certains de ces renvois concernent peut-être autre chose que l'Histoire ecclésiastique du peuple anglais ; on peut aussi songer aux Chroniques majeures et mineures, mais ce titre n'apparaît pas.
Maxime est le nom de l'usurpateur, qui tue l'empereur Gratien auquel il s'opposait. Jean, qui lui donne le titre de « prince », l'appelle Maximien (Maximiain). Il ne faut évidemment pas le confondre avec le Maximien qui, en 286, fut élevé au rang d'Auguste, comme « collègue » de Dioclétien. Près d'un siècle les sépare. Pour éviter toute confusion, nous traduirons systématiquement le Maximiain de Jean par le français Maxime. On n'oubliera pas que Jean d'Outremeuse considère Gratien comme le frère de Théodose, ce qu'il n'est pas.
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