Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 121b-138a Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM]
L'ÉPOQUE DE CHILDÉRIC, [D'HONORIUS ET DE THÉODOSE II] : TONGRES, ROME, GOTHS, FRANCS, FLAMANDS, BRABANCONS, BURGONDES, VANDALES, HUNS, DANOIS, HONGROIS
Ans 412-438 de l'Incarnation
Texte et traduction
Ce fichier, qui couvre les années 412 à
438 de l'Incarnation et correspond aux p. II, 121-138 du Myreur, a été
divisé en quatre sections :
* A. Ans 412-419
de l'Incarnation (Myreur, II,
p. 121-126) : Divers varia. Il est surtout question des modalités de
l'accession au pouvoir de Childéric, le troisième roi. Le successeur de Mérovée est
d'abord banni du royaume pour sa conduite envers les femmes. On nomme pour le
remplacer Clarnus, « le roi intrus ». Exilé en Austrasie
chez le roi Basin, Childéric s'assagit et épouse Basine, la femme du roi. Revenu
chez les Francs, il reprend le pouvoir mais est placé sous le contrôle de
Clarnus, qui devient prévôt. ‒
Ces pages traitent aussi des empereurs romains Arcadius, Honorius et Théodose
II, des papes Innocent Ier, Zosime et Boniface Ier, des évêques de Tongres-Maastricht,
Ursin et Désignat, de considérations sur la punition que
représente la destruction de Tongres, ainsi que de la prise de Rome par les
Goths. [Sommaire et texte] * B. Ans 419-428 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 128-132) : Nombreuses guerres impliquant à des titres divers, dans des contextes différents et avec des alliances variables : Francs, Flamands, Brabançons, Burgondes, Vandales, Goths, Huns, Romains. ‒ On retrouvera en particulier la suite et la fin du conflit opposant le roi des Francs (ici Childéric et son prévôt Clarnus) aux Flamands et aux Brabançons. ‒ Les événements de Bourgogne, aux mains de quatre frères rivaux, occupent aussi une place importante (Chilpéric II est tué par ses trois frères cadets ; puis Gondebaud supprime les deux autres. Il règne seul sur la Bourgogne. Pour mieux se protéger des Francs, il cède son pays à l'empereur de Rome dont il devient ainsi le vassal). ‒ Il est aussi question de la descente sur l'Italie d'une coalition d'envahisseurs (les Huns, les Vandales revenus d'Afrique, les Goths du roi Radagaise). Rome notamment est attaquée par les Huns et sauvée par un miracle. Attila meurt foudroyé au milieu de son armée et les Huns, qui s'enfuient en bateaux, meurent tous noyés. ‒ Les Vandales aussi sont défaits - Allusion au fils d'un roi vandale et à son rôle dans l'Église - Ces pages traitent aussi des empereurs romains (Honorius et Théodose II) et des papes (Boniface Ier, Célestin). [Sommaire et texte] * C. Ans 428-436 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 132-137) : Deux parties consacrées essentiellement à des opérations militaires. Dans la première, le décès du roi Hector de Danemark amène au pouvoir son fils Julien, qui a une mentalité de conquérant. Les Danois envahissent et s’imposent sans difficulté comme ‘suzerains’ de divers peuples difficiles à situer et dont on ne reparlera pratiquement plus dans la suite (Bétique, Asturies, Escladie, Astronie, Mombrant). ‒ La seconde donne le récit, tout à fait imaginaire, de guerres entre Danois et Hongrois qui se terminent par le mariage d’Ogier, neveu de Julien, roi de Danemark, avec Édéa, fille du roi de Hongrie. ‒ Il est aussi question des papes Célestin et Sixte III ainsi que de saint Patrice, archevêque d'Irlande et d'Écosse. [Sommaire et texte] * D. Ans 436-438 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 137-138) : Varia : Mort de Clarnus (et de Childéric) - Désignat et Résignat, évêques de Tongres/Maastricht - Pape Sixte. [Sommaire et texte]
A. DIVERS VARIA, NOTAMMENT L'ACCESSION AU POUVOIR DE CHILDÉRIC, LA PUNITION DE TONGRES ET LA PRISE DE ROME PAR LES GOTHS (ans 412-419 de l'Incarnation)
* Le successeur de Mérovée est Childéric, qui se révèle un grand séducteur (412) * À Rome, l'empereur Arcadius meurt, son frère Honorius règne avec Théodose II - À Maastricht, Désignat succède à Ursin comme treizième évêque de Tongres (412-413)* Considérations sur la destruction de Tongres et le caractère des Tongrois (413) * Ordonnances de Zosime - Sa mort et la consécration comme pape de Boniface Ier (419)
|
|
Le successeur de Mérovée est
Childéric, qui
se révèle un grand séducteur (412 de l'Incarnation) |
|
[II,
p. 121b]
[Celdris, le IIIIe roy de Franche, qui fut
pres honis por femmes] Apres la
mort Meroveux fut fais roy son fis, qui oit nom Celderis, jasoiche que
aucunne hystoirs le noment Hildris. Chis Celdris fut ly quars roy de Franche,
et regnat XXVI ans. Ilh fut mult bons chevalier, mains ilh estoit tant
convoiteux de dammes et de dammoiselles qu'ilh en fuit pres honis, et si en
oit mult à souffrir, car ilh tolloit les femmes de ses chevaliers et de ses
borghois et leurs filhes ; portant fut-ilh pres honis, enssi com vos
oreis chi apres. |
[II, p. 121b] [Childéric, quatrième roi des Francs qui fut presque détrôné à cause des femmes] Après la mort de Mérovée, son fils est nommé roi. Il s'appelait Childéric, bien que certains écrits le nomment Hildris. Ce fut le quatrième roi des Francs, et il régna vingt-six ans. Ce fut un excellent chevalier. Il était très attiré par les dames et les demoiselles, au point qu’il fut presque détrôné et eut beaucoup à souffrir, car il s’en prenait aux femmes et aux filles de ses chevaliers et de ses bourgeois. C'est ce que vous allez entendre ci-après. [Suite II, p. 122] |
Successions : à
Rome, Arcadius meurt, son frère Honorius règne avec Théodose II - à Maastricht, Désignat succède à Ursin comme
évêque |
|
[II,
p. 121]
[De Honorius, le XLIXe emperere de Romme,
et Theodosien] En cel an en mois de jule, morut à Romme l'emperere
Archadius ; si regnat Honorius son frere, avant emperere, XII ans et XVI
jours, et regnat Theodosien, le fis Archadius, awec ly. |
[II, p. 121]
[Honorius, quarante-neuvième empereur de
Rome avec Théodose] Cette année-là, en juillet [412], l’empereur Arcadius
mourut à Rome ; son frère Honorius, précédemment empereur, régna douze
ans et seize jours ; et Théodose II, le fils d’Arcadius, régna avec lui. |
Dans l'histoire, à la mort de Théodose I, en 395 de notre ère, ses deux fils, se partagèrent l'Empire, Honorius régna sur l'Occident de 395 à 423 de notre ère et Arcadius sur l'Orient de 395 à 408 de notre ère. Le successeur d'Honorius fut Valentinien III (qui régna de 423 à 455 de notre ère) et le successeur d'Arcadius fut Théodose II (qui régna de 408 à 450 de notre ère). |
|
[Designans,
le XIIe evesque de Tongre] Item, l'an IIIIc et XIII
le IXe jour de marche, morut à Treit Ursins, ly XIIe evesque de Tongre, por
cuy Dieu fist mult de myracles apres sa mort ; sy est nommeis sains
Ursins, et fut mult noblement ensevelis asseis pres de la tumbe sains
Servais. Apres la mort sains Ursins vacat Ii siege III mois, car droit le
XIIe jour de junne envoiat ly pape Innocens unc valhans et sains hons, qui
oit nom Designans, et regnat XXIIII ans. Chis evesque Designans fut
gentilhhomme, car chu fut ly fis le duc d'Athennes, de la filhe le roy de
Scoche ; et fut mult bons clers et ferme catholique, et si prechat mult
et anonchat grandement la foid par Allemangne. Et fist tant que les gens par
Allemangne refaisoient reedifiier leurs citeis et englieses que les Huens
avoient destrutes. |
[Désignat, treizième
(corr.) évêque de Tongres] En 413, le 9 mars, mourut à Maastricht
Ursin,
le douzième évêque de Tongres. Après sa mort, Dieu fit par lui beaucoup de
miracles et il fut appelé saint Ursin. Il fut enseveli très honorablement
tout près de la tombe de saint Servais. Après sa mort, le siège resta vacant
trois mois, car le 12 juin exactement, le pape Innocent Ier envoya un homme saint
et vaillant, nommé Désignat, qui régna durant vingt-quatre ans. L’évêque Désignat
était un gentilhomme, fils du duc d’Athènes et de la fille du roi d’Écosse. Il
fut bon clerc et fervent catholique ; il prêcha beaucoup et annonça la foi en
Allemagne avec beaucoup de zèle. Il fit tant et si bien que les gens en
Allemagne firent reconstruire leurs cités et leurs églises, détruites par les
Huns.
|
Considérations sur la destruction de Tongres et le caractère des Tongriens (413 de l'Incarnation) |
|
[II, p. 121] [Porquoy la mere ne vient plus à Tongre] En cel an s'avisarent les FIammens, sy ont faite des fortes dighes entre eaux et la citeit de Tongre jadit ; et tant ont faite qu'ilh ont retraite et rastrainte la mere qu'ilh ne vienet plus à Tongre, et l'eurent toute. Et oussi truet-ons des hystoires qui dient que Tongre fut par son pechiet destrute et la mer tollue de part Dieu, et qu'ilh [II, p. 122] retrahit tot seul ; mains, comment chu fust, ilh ne vient plus à Tongre. |
[II, p. 121]
[Pourquoi la rivière ne vient plus à
Tongres] Cette année-là
(413), les Flamands eurent l’idée de construire de solides digues
entre eux et la cité de Tongres. Ils réussirent ainsi à faire reculer et à
rendre plus étroite
la rivière, qui n’arriva plus
à Tongres et qu’ils
l'eurent toute (pour eux).
Mais on trouve aussi des récits qui racontent que Tongres
fut détruite à cause de son péché, que l’eau lui fut enlevée par Dieu et
qu’elle [II, p. 122] se retira
toute seule. Quoi qu’il en soit, l’eau n'arrive plus à Tongres. |
[Tongre
fut destruit por obstination de cuer et inobédienche contre sains Servais et
contre sainte Engliese]
Ilh est voire que nos creons legirement que
Tongre et la mere fut perdue par pechiet, et par especial de inobedienche
qui, sour tous les visches de monde c'est ly piour, car tous biens :
honneur, bonteit, bealteit,
valour, cortosie, pris, hardileche et tout vertut
ne dobtent qui est en pechiet morteil ; ains le met tout à nient le
pechiet. Et ly piour pechiet de monde c'est de pechier en Saint-Espir et en
l'Engliese, car qui ne porte honneur et reverenche à l'Engliese, chu est gran
preux quant ilh ly avient grant méchief. |
[Tongres fut détruite à cause de l’opiniâtreté
de coeur et du manque d’obéissance de ses habitants envers saint Servais et la
Sainte Église] Il est vrai que nous croyons aisément que Tongres et la rivière furent perdues à cause d’un
péché, et spécialement celui de désobéissance, le pire de tous les péchés du
monde. Car aucune des qualités que sont l'honneur, la bonté, la beauté, la valeur,
la courtoisie,
l'estime,
la hardiesse et la puissance ne sert à celui
qui est en état de péché mortel. Le péché réduit tout à rien. Et le pire
péché du monde est le péché contre le Saint-Esprit et l’Église. À celui qui
n’honore et ne respecte pas l’Église, c’est une bonne chose, quand un grand malheur lui arrive. |
[Queiles
estoient les Tongrois - Le palais de Dieu et sa mère, saincte Englise] Et les Tongrois furent feles,
userier, sodomite et inobediens encontre sainte Engliese, si qu'ilh en
sovient Dieu et sovenrat de tous cheaux qui à sainte
Engliese mefferont par quelconques
manere que chu soit, ilh serat meris griefement de mechief del corps ; car
ly Engliese est fondée sour le sanc Jhesu-crist promierement, et sus la
benoite Virge Marie, sa glorieux mere : c'est leur propre palais où ilh
habitent en terre. |
[Comment étaient les Tongriens - Le palais
de Dieu et sa mère, la Sainte Église]
Les Tongriens
étaient fourbes, usuriers, sodomites et peu obéissants aux règles de la Sainte
Église. Dieu s’en souvient, comme il se
souviendra que tous ceux qui
fauteront en quoi que ce soit contre la Sainte Église : ils souffriront
lourdement dans leur corps. C'est que l’Église est avant tout fondée sur le sang de
Jésus-Christ, et sur la bienheureuse vierge Marie, sa glorieuse mère.
L’Église est leur propre palais, l’endroit où ils habitent sur terre. |
Et cheaux qui ayment sainte
Engliese, Dieu les aymet et les honneur, sicom la mere à ses enfans. Et qui
heit sainte Engliese, sainte Engliese le hait, si qu'ilh n'apartient à Dieu
ne à sa mere ; et qui est haiis de Dieu et de sa mere, ilh est haiis de
toute le monde ; se covient que sa mere sainte Engliese le laisse afameir :
car se tu es haiis de ta mere, qui
toy norist et alieve, qui toy sourterat apres ? Tu, qui fais enssi, prens
repentanche et prie merchi ta mere et amende ton meffait, si seras bin
venus. |
Ceux qui aiment la Sainte Église, Dieu les aime et les honore, comme le fait une mère pour ses enfants. Et celui qui hait la Sainte Église, la Sainte Église le hait, il n’appartient plus ni à Dieu ni à sa mère. Et celui qui est haï par Dieu et sa mère est haï par tout le monde ; sa mère, la Sainte Église, doit le laisser souffrir. En effet, si ta mère, qui te nourrit et t’élève, te hait, qui alors te soutiendra ? Toi qui agis ainsi, repens-toi, et demande pardon à ta mère, répare ta faute, ce sera bien pour toi. |
[Porquoy
Tongre fut destruite]
Soiiés certains que por ches pechiés fut Tongre destruite ; se ilh soy
fussent amendeis de temps anchois que Dieu
rendist
sa sentenche, ilh fussent salveis et gardeis del destruction ; qui estoit la
plus belle et la plus jolie, forte et grant de tout le monde. Mains qu'en
volt tant ly parleir? Elle est perdue et est destruite sens merchi. |
[Pourquoi Tongres fut détruite] Tongres fut certainement détruite à cause de ses péchés. Si elle s’était amendée à temps, avant que Dieu n’ait rendu sa sentence, elle aurait été sauvée et préservée de la destruction, elle qui était la plus belle, la plus agréable, la plus puissante et la plus grande ville du monde. Mais à quoi bon vouloir tant en parler ? Elle est perdue et détruite sans pitié. |
La mauvaise conduite de Childéric - Désignat, évêque de Tongres à Maastricht,
ressuscite trois morts - L'un d'entre eux offre une terre au siège épiscopal
de Tongres (414 de l'Incarnation) |
|
[II, p. 122] [L’an
IIIIc et XIIII - Ly roy Celdris violat LXIIII femmes] Item, en cel année IIIIc et
XIIII, mandat ly roy Celdris de Franche, en son palais à Lutesse, jusqu'à le
somme de LXIIII femmes, qui toutes astoient femmes, filhes et cusines aux
prinches, à chevaliers, esquewiers et borgois de son rengne, et furent toutes
violeez depart luy. De quoy furent trop corochiés cheaux auxqueis apartinoient ;
mains ilh ly fut pardonneit à cest fois, portant qu'ilh promist [II, p. 123] que dedont en avant ne
ly avenroit jamais plus. Mains onques por chu ne soy relaissat ; anchois
devenoit cascon (jour) piour que devant. |
[II, p. 122] [L’an 414 - Le roi Childéric viola 64 femmes] En cette année 414, le roi franc Childéric (cfr II, p. 121) fit venir dans son palais de Lutèce plus de soixante-quatre femmes, qui étaient toutes des femmes mariées, filles et cousines de princes, de chevaliers, d’écuyers et de bourgeois de son royaume. Il les viola toutes. Cela mit très en colère les hommes à qui elles appartenaient. Cette fois-là pourtant, on lui pardonna parce qu’il promit [II, p. 123] que cela ne lui arriverait plus jamais. Mais il ne renonça pas à cette habitude ; au contraire, il devenait chaque jour pire qu’avant. [Suite II, p. 123] |
[Designans
resuscitat III mors, porquoy grant bien vint à l’Engliese] En cest an fist ly evesque de
Tongre Designans, par myracle de Dieu, resusciteir III chevaliers qui
estoient mors en la riviere de Mouse, qui adont coroit et encor court à Treit. Entre ches trois chevaliers
avoit uns qui estoit nommeis Adam de Julanris, chevalier baneresse, qui
donnat à siege episcopaile de Tongre une siene terre qu'ilh avoit à dois
liwes pres de là, qui tenoit plus de cent et LXXIX bonnires de terres. |
[Désignat ressuscita trois morts, ce qui
fit grand bien à l’Église] Cette année-là, Désignat (cfr
II, p. 121), l’évêque de
Tongres [à Maastricht], ressuscita, par l’intervention miraculeuse de Dieu,
trois chevaliers morts dans la Meuse, fleuve qui alors arrosait et arrose encore
Maastricht. De ces trois chevaliers, l’un se nommait Adam de Julanris,
chevalier banneret, qui offrit au siège épiscopal de Tongres une terre qu’il
possédait à deux lieues de là et qui s’étendait sur plus de cent
soixante-dix neuf bonniers. |
Les Goths du roi Géralant, fils d’Alaric, s’emparent de Rome - Ils sont repoussés par l’empereur Honorius et le pape Innocent Ier - Beaucoup de païens meurent noyés dans le Tibre, suite à l’effondrement miraculeux des ponts (415 de l'Incarnation) |
|
[II,
p. 123] [Ly roy Geralant gangnat Romme] Item, l'an IIIIc et XV en
mois de may, vient ly roy Geralant fis à roy Alarich de Gothelies, à grant
gens à Romme, et entrat dedens, se le conquestat que onques ne ly fut
defendut, car nuls ne savoit sa venue : si estoit venus tout par nuit, sy
furent les Romans tous espawenteis. Mais quant l'emperere Honorius le
soit, qui estoit en son palais, ilh fist armeir ses gens, et sy mandat le
pape Innocens que ilh ly plaisist, luy et sa clergerie, venir awec ly tous
revestis des armes de Dieu contre les paiiens, et aportassent leurs
reliques. Et ilh avoit si grant fianche en Dieu que mervelhe, que ilh auroit
victoir ; enssi fut-ilh fais. |
[II, p. 123]
[Le roi Géralant gagna Rome] Au mois de mai de l’an 415, le roi
Géralant, fils du roi Alaric du
royaume des Goths, arriva à Rome avec de nombreuses troupes. Il entra dans
la ville et s’en empara sans que lui fut opposée la moindre défense, car
personne n’était au courant de sa venue. Les Goths étaient arrivés en pleine
nuit et les Romains furent tous épouvantés. À cette nouvelle,
l’empereur Honorius, qui était dans son palais, fit armer ses gens et
demanda au pape Innocent (cfr II, p.
114, p. 116,
p. 117 et
p. 124) d'accepter, lui et ses clercs, de
l'accompagner, tous revêtus des armes de Dieu contre les païens, et d'apporter leurs
reliques. Chose merveilleuse, il avait une telle confiance en Dieu qu’il
était sûr de remporter la victoire. Et c’est ce qui se passa. |
[IIIIxx
M mescreans furent par myracle noiez à Romme] Mains tout enssi com ly pape et la
clergerie venoient passant par-dechà le Tybre, sy astoient jà monteis les
mescreans sour le pont por passeir oultre, car ilh avoient l'autre partie tout
gastée, et astoient bien XXXXxx milh
hommes ; adont chaïrent tous les pons, et là furent-ilhs tous noiez sens
cops ferir. Là chaiirent VIxx pons de pire. Et vos dis que adont ilh avoit
bien IXc pons sour chesti rivier del Tybre grans et poissans. Enssi fut
Romme reconquestée, par la grant foid et fianche que ly emperere Honorius
avoit en Dieu. |
[Quatre-vingt mille mécréants furent noyés
à Rome, par miracle]
Au moment où le pape et le clergé
arrivaient de l’autre côté du Tibre, les mécréants étaient déjà
sur les ponts pour traverser le fleuve, après avoir saccagé l’autre rive.
Ils étaient bien quatre-vingt mille. C’est alors que tous les ponts
s’écroulèrent et qu’ils furent tous noyés, sans qu’un coup ne soit porté.
Cent et vingt ponts de pierre
s’écroulèrent alors. Je vous signale qu’à l’époque, il y avait bien neuf
cent ponts qui enjambaient le Tibre, un fleuve large et impétueux. Ainsi
Rome fut reconquise, grâce à la foi et à la confiance en Dieu de l’empereur
Honorius. |
Childéric, banni du royaume par ses barons, se réfugie en Austrasie chez le roi Basin - Clovis étant trop jeune pour régner, Clarnus est nommé roi pendant deux ans (« le roi intrus ») - Il est stipulé par écrit que Childéric ne sera plus jamais roi des Francs, mais un bourgeois soudoie un clerc pour faire disparaître le document (416 de l'Incarnation) |
|
[II, p. 123]
[Discorde entre le roy de Franche et ses
barons]
Item, l'an IIIIc et XVI en may, s'asemblont à Lutesse tous les hals barons de
Franche. Et là fut ly roy Celderis present ; et ly fut dit que, portant
qu’ilh avoit par pluseurs fois violeit tant de dammmes et de pucelles de son
paiis que ons ne les savoit nombreir, et ons ly avoit quitteit par plusoirs
fois et onques por chu ilh n'en estoit de riens abstenus, ains faisoit tous
les jours pies, ly peuple astoit à chu commonement acordeis que ilh seroit
banis de Franche et priveis de son royalteit à tousjours. |
[II, p. 123] [Discorde entre le roi des Francs et ses
barons]
En mai de l’an 416, tous les hauts barons francs
s’assemblèrent à Lutèce. Le roi Childéric était présent. On lui dit qu’étant
donné qu’il avait violé un nombre incalculable de dames et de jeunes filles de son pays, qu’on
le lui avait pardonné maintes fois et que malgré cela il ne s’était jamais
corrigé mais devenait pire chaque jour, le peuple avait décidé d’un
commun accord de le bannir du pays et de le priver pour toujours de son
royaume. |
[Ly
roy Celdris de Franche fut par ses barons banis de son pays por fornication] Quant ly roy Celderis
entendit chu, si fut corochiés, et respondit à ses hommes que ly royalme de
Franche ly venoit par le droit succession de ses ancisseurs, [II, p. 124] sy que ilh feroit sa
volenteit de ly et de ses gens, ne jà por eaux ne s'en relairoit, se chu n'estoit de sa propre
volenteit. Et quant ilh oit chu dit, ilh s'en alat tout corochiet. Et ses
hommes, qui encor plus fort furent corochiés, nonobstant son coroche, ilhs
le banirent là meismes fours de Franche, et fisent entre eaux seriment
solonc leur loy que, se ilh estoit troveis apres dois jours, que ilh seroit
ochis. |
[Le roi des Francs Childéric fut banni de
son pays par ses barons pour fornication] Quand le roi Childéric
entendit cela, il fut très irrité et répondit à ses barons que le royaume
franc lui venait par droit de succession de ses prédécesseurs. [II, p. 124] Il agirait selon sa
volonté et celle de ses gens, et jamais ne renoncerait au trône, sinon de son
propre gré. Sur ce, il se retira très en colère. Alors ses hommes, plus
fâchés que lui encore, le bannirent hors du pays malgré sa colère. Ils firent
entre eux le serment, selon leur loi, de tuer le roi si on le trouvait encore
là deux jours plus tard. |
Quant ly roy entendit par une
sien camberlain que ilh seroit ochis, sy fut molt esmaiiés, car ilh n'avoit
nuls amis, ains avoit des annemis asseis, se ne soy savoit à cuy deplaindre,
car ilh avoit à cascon fait vilonie de sa femme ou de sa filhe. Et, quant la
nuit fut venue, ilh soy partit coiement de son palais, et s'en allat droit
en Loyheraine à roy Bassin, qui le rechuit
mult noblement ; et demorat awec luy dois ans. |
Quand le roi
entendit un de ses chambellans dire qu’il serait tué, il fut très inquiet,
car il n’avait pas d’amis, mais de nombreux ennemis. Il ne savait
à qui se plaindre, car il avait fait tort à chacun, en violant leur femme
ou leur fille. Quand la nuit fut tombée, il quitta discrètement son palais et se rendit
directement en Lorraine, auprès du roi Basin, qui le reçut très dignement.
Il demeura deux ans chez lui. |
[Austrie
fut nommée Loheraine apres Lohier] Et deveis savoir que Loheraine estoit adont nommée
Austrie, mains apres chu fut-el nommée Loheraine por Lohier, qui enssi l'apellat apres son
nom. |
[L’Austrasie fut nommée Lorraine d’après
Lohier] Vous
devez savoir que la Lorraine était alors appelée Austrasie. Par la suite,
elle fut appelée Lorraine, à cause de Lohier, qui
lui donna son nom. |
[Clarnus
ly intrus roy de Franche] Adont
fisent les Franchois unc noveal roy jusqu'à tant que Cloveis, ly fis Celdris,
seroit en eaige qui encors estoit jovenes. Et fut chis novele roy nommeis
Clarnus, unc valhant prinche qui bien les governat. Adont fut escript, dedens
les libres des loys et des franquises, que Celdris ne seroit jamais roy de
Franche. Mains ilh avient que uns borgois de Lutesse, qui amoit mult le roy
Celdris, soy trahit vers le clerc qui estoit garde de libre, et ly donnat
cent deniers d'or. Et parmy chu fut perdus
et anichileit ly banissement, qui mult fut bons par le roy, sycom vos oreis
chi apres. |
[Clarnus, le roi franc intrus] Alors les Francs nommèrent un nouveau roi, en attendant que Clovis, le fils de Childéric, qui était encore jeune, soit en âge de régner. Ce nouveau roi, nommé Clarnus, était un prince vaillant, qui fut un bon gouvernant. Alors dans les livres des lois et des franchises, il fut écrit que Childéric ne serait jamais roi des Francs. Mais un bourgeois de Lutèce, qui aimait beaucoup le roi Childéric, se rendit auprès du clerc chargé de la garde de ce livre et il lui donna cent deniers d’or. Grâce à cela, le [document sur le] bannissement fut perdu et détruit, ce qui fut très bon pour le roi, comme vous l’apprendrez. (Suite II, p. 125) |
Mort du pape Innocent Ier et consécration du pape Zosime
-
Invention du corps de saint Étienne - Le roi Basin d’Austrasie meurt et son
fils lui succède (417-418 |
|
[II, p. 124] [Zozimas
ly XLIIIIe pape de Romme]
Item, en cel an le XXVIIIe jour de jule, morut Innocens, ly pape de Romme,
si fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. Apres sa mort vacat Ii siege
XI jours ; puis fuit eslus et consacreis unc cardinal
qui fut nommeis Zozimas, qui estoit de la nation de Greche, et tient le
siege III ans VIII mois et XXV jours : chis fut proidhons et loial. |
[II, p. 124] [Zosime, quarante-quatrième pape de Rome] Cette même année (417), le 28 juillet, le pape de Rome Innocent Ier (cfr II, p. 114, p. 116, p. 117 et p. 123) mourut et fut enseveli dans le cimetière de Saint-Calixte. Après sa mort, le siège pontifical resta vacant durant onze jours. Ensuite fut élu et consacré un cardinal, nommé Zosime, originaire de Grèce. Il occupa le siège trois ans, huit mois et vingt-cinq jours. Il fut sage et loyal. |
Dans l'histoire, la mort du pape Innocent Ier et la consécration de Zosime eurent lieu en 417. On oberve généralement que la chronologie suivie par Jean pour la succession des papes est fort proche de la nôtre. |
|
[L’invention
de corps sains Estiene]
Item, l'anIIIIc et XVIII, fut par le revelation de Dieu troveis le corps de glorieux
martyr sains Estiene. |
[L’invention du corps de saint Étienne] En l’an 418, suite à une révélation divine, on retrouva le corps du glorieux martyr saint Étienne. |
[De roy de Loheraine] Item, l'an IIIIc et XVIII,morut ly roy Basin d'Austrie ; si fut apres luy roy son fis, qui oit nom Guymort. |
[Le roi de Lorraine] En l’an 418, le roi Basin d’Austrasie mourut. Son fils, nommé Guymort, devint roi après lui. |
Réhabilitation et retour de Childéric, roi des Francs, assagi après avoir épousé Basine, la veuve de Basin d'Austrasie - Limitations des pouvoirs du roi et réforme institutionnelle : un prévôt sera au-dessus du roi jusqu’à Charles Martel - Clarnus sera le premier prévôt - Clovis, qui succédera à Childéric, est le fils de ce dernier et de sa première épouse, appelée aussi Basine (418-419 de l'Incarnation) |
|
[II,
p. 125] [Ly roi Celdris de France fut remis
en son rengne]
Adont esposat ly roy Celdris la royne Basine, le femme le roy Basin, puis
enviat en Franche à ses hommes que ilh avoit une femme esposée, et que ilh
ly vosissent rendre son rengne et ilh les seroit bons et loials, et lairoit
les altres femmes, car ilh avoit esposeit
une ; car quant son aultre femme, qui oussi avoit à nom Basine, visquoit,
ilh ne forfesoit point aux femmes de ses hommes. |
[II, p. 125] [Childéric, le roi des Francs, fut remis sur son trône] Alors le roi Childéric épousa la reine Basine, la veuve du roi Basin, puis envoya dire à ses gens, qu’il s’était marié, qu’ils veuillent bien lui rendre son trône, qu’il serait bon et loyal envers eux et laisserait de côté les autres femmes, puisque maintenant il avait une épouse. En effet, du temps où son autre femme, appelée aussi Basine, était en vie, il ne fautait pas avec les femmes de ses sujets. |
Adont respondirent les
Franchois que chu ne poioit eistre, car il estoit en escript chu que fait en
estoit, et chu qui est en escript ons ne le puet rapelleir solonc leur loy.
Adont dest ly clers de la loy que onques n'avoit esteit escript, et là fut-ilh sy bien aidiés
que ly roy Celdris fut remandeis et remis en son siege sicom roy ; mains chu
ne fut mie teilement com ilh estoit devant, car al reprendre le roy ilh fut
ordineit et escript, affin que ons ne posist jamais avoir ocquison del banir
leur roy, que dedont en avant ly roy Celdris, et ses successeurs roys de
Franche, ne seroient jamais si puissans sour les gens que ilh avoient
esteit, et ne seroient aultre chouses que menant leurs gueres et portant
coronnes enssi, com ilh devoit. |
Alors les
Francs répondirent que c’était impossible, car ce qui s’était passé avait
été enregistré par écrit et que, selon leur loi, on ne peut revenir sur ce
qui est écrit. Alors le clerc chargé de la loi déclara que cela n’avait
jamais été écrit, et il reçut tant de soutien que le roi Childéric fut
rappelé et remis sur le trône, en tant que roi. Toutefois les règles ne
furent plus vraiment comme avant, car, lors de la réinstallation du roi,
pour qu'on ne puisse jamais avoir l’occasion de bannir leur roi, il fut
ordonné et consigné par écrit que dorénavant le roi Childéric et ses
successeurs, rois des Francs, n’auraient plus autant de pouvoir
que par le passé. Ils ne feraient plus que mener la guerre et porter la
couronne, comme il se devait. |
[Ly
promier prevoste qui seroit deseur le roy de Franche en justice] Et avoient unc prevoste
deseur eaux qui feroit les justiches de tous les Franchois, sique les
Franchois ne obeiroient de riens aux commandemens que ly roy les fesist,
fours que aux prevoste que ons nommeroit le prevoste de Franche ou prinche
de palais royals ; lyqueis prevoste seroit eslus par les Franchois
perpetuelment. |
[Le premier prévôt qui serait au-dessus du roi
franc en matière de justice] Les rois avaient au-dessus d’eux un
prévôt, qui serait chargé de rendre la justice pour tous les Francs. Dès lors ces
derniers n’obéiraient pas aux ordres donnés par le roi, mais seulement à
ceux du prévôt, qu’on appellerait prévôt des Francs ou prince du palais
royal ; ce prévôt serait toujours élu par les Francs. |
[Ly
roy fut mult aservis, et li prevoste affranquis] Et ne poroit ly roy riens
faire sens le prevoste, mains ly prevoste poioit corregier les negligenches del royalme,
sens le roy. Enssi fut la chouse ordinée qui durat mult longtemps, de chi al
temps Karle Marteal qui le brisat, qui puisedit fut prevoste et roy de
Franche. |
[Le roi devint fort dépendant et le prévôt fort libre] Le roi ne pourrait rien faire sans le prévôt, tandis que le prévôt pouvait corriger, sans le roi, ce qui n’allait pas dans le royaume. Dorénavant, les choses fonctionnèrent ainsi très longtemps, jusqu’au moment où Charles Martel [vers 688-741] y mit fin et devint prévôt et roi des Francs. |
[Clarnus, ly promier prevoste, qui avoit esteit II ans roy] Adont fut ly promirs prevoste Clarnus, qui avoit esteit II ans roy de Franche, qui governat le rengne XIX ans, et fut proidhons et loials et bon justichirs. |
[Clarnus, qui avait été roi pendant deux
ans, fut le premier prévôt] Le premier prévôt fut alors Clarnus, qui
avait été roi des Francs durent deux ans. Il gouverna le royaume
dix-neuf ans, en justicier sage, loyal et bon. |
Item, l'an IIIIc et XIX, oit
ly roy Celdris unc fis de sa femme Basine qui fut nommeis Austris. Ons truve
des hystoires qui dient que cesti royne fut mere à roy Cloveis ;
mains chu ne fut mie cest Basine chi, ains fut la promier femme Celderis, qui
fut filhe à l'empere Honoriens, qui fut nommée Basine enssi bien com
ceste ; et quant ilh l'esposat, avoit jà Cloveis III ans d'eage. Et fut
roy de Franche apres son pere, mains chu [II,
p. 126] fut ly promier roy cristiens en Franche, enssi com vos oreis chi
apres. |
En l’an 419,
le roi Childéric eut de sa [seconde] épouse Basine, un fils nommé Austris.
On trouve des récits disant que cette reine fut la mère du roi
Clovis ; mais il ne s’agit pas de cette Basine-ci, mais de la première
femme de Childéric, fille de l’empereur Honorius, et qui s’appelait aussi
Basine, comme la seconde, qu’il épousa quand Clovis avait déjà trois ans. Ce
Clovis fut roi des Francs après son père, et il [II, p. 126] fut le premier roi chrétien
dans ce pays, comme vous
l’entendrez ci-après. |
II, p. 125 Clarnus, premier prévôt, sous Childéric. Cfr L. Michel, Légendes épiques carolingiennes dans l'oeuvres de Jean d'Outremeuse, Bruxelles, 1935, p. 152, n. 1 : « Il faut savoir que la prévôté (institution des maires du palais) remonte, d'après le récit légendaire de Jean d'Outremeuse, à l'époque du roi Childéric, père de Clovis. Childéric, ayant violé 64 femmes [...], avait été destitué. Dans la suite, il était parvenu à rentrer en possession de son trône, moyennant la promesse formelle [qu'il laisserait les autres femmes, parce qu'il avait épousé Basine]. La déchéance n'avait cependant pas été rapportée complètement ; on avait adjoint un prévôt à Childéric. À partir de ce moment, les rois francs n'avaient plus eu le droit de gouverner sans l'assentiment de leur prévôt. Charles Martel met fin à cette situation (Myreur, II, p. 122-125). Concernant Childéric, Jean d'Outremueuse a utilisé et modifié à sa façon des légendes antérieures (cfr G. KURTH, Histoire poétique des Mérovingiens, Paris, 1893, p. 161ss, 179ss). » Dans la suite, Jean d'Outremeuse fera très régulièrement état de prévôts. Ainsi, le fils de ce Clarnus, nommé Élinus (autres graphies : Etynon, Elynom), sera le prévôt de Clovis ou son maire du palais. Le chroniqueur liégeois le fera intervenir à plusieurs reprises dans son récit (II, p. 137, 139, 144, 145, 147, 150, 155, 156, 157, 158, 159, 166, 168 [sa mort]). À sa mort, il sera remplacé dans sa fonction par son fils Agaza, sous le règne de Clotaire. Aux époques dont nous parlons, ces prévôts sont des personnages imaginaires.
Ordonnances de Zosime - Sa mort et la consécration comme pape de Boniface I (419) |
|
[II, p. 126] [Status
papales - Nuls serf soit ordineis] En cel an ordinat ly pape Zosimas que dedont en avant ne
fust ordineit à clerc, ne awist tonsure, ne aultre previlege de clergerie en manere
nulle, nuls hons qui fuste serf ne de servaige accuseis. |
[II, p. 126] [Ordonnances papales - Aucun serf ne peut être ordonné] Cette année-là (419), le pape Zosime décréta que dorénavant aucun homme, qu’il soit serf ou suspecté de servage, ne serait ordonné clerc, ne porterait la tonsure et ne jouirait d’aucun privilège lié à la clergie. |
[Ne
vendit vin - De chirge de Pasque] Et ordinat encors que nuls clers, queile qu'ilh fust,
ne vendist publement vin ou altre bevraige ; et ordinat encors que, tous les ans, le vigiel de la
Pasque, fut consacreis en l'engliese le chirge de chire. |
[Vente du vin - Le cierge pascal] Il défendit
aussi à un clerc, quel qu’il soit, de vendre publiquement du vin ou d’autres breuvages.
Il ordonna encore que tous les ans, la veille de Pâques, le cierge de cire
soit consacré dans les églises. |
[Bonifache
le XLV pape romans]
Item, en cel an le IIIe jour d'octembre, morut ly pape Zozimas ; et vacat li
siege XI jours, et apres le XVe jour d'octembre fut consacreis à pape
Boniface, qui fut ly promier de cel nom, et fut de la nation de Romme, le fis de unc prestre qui oit nom Jocom ; chis
tient le siege III ans VIII mois et Il jours. |
[Boniface, le quarante-cinquième pape
romain]
Cette même année [419], le 3 octobre, le pape Zosime mourut, et le siège
resta vacant onze jours. Ensuite, le 15 octobre, Boniface, le premier de ce
nom, fut consacré pape ; il était originaire de Rome, et le fils d’un prêtre nommé Jocom. Il
occupa le siège durant trois ans, huit mois et deux jours. |
B. Nombreuses guerres impliquant à des titres divers, dans des contextes différents et avec des alliances variables : Francs, Flamands, Brabançons, Burgondes, Vandales, GOTHS, Huns, Romains
(ans 419-428 de l'Incarnation)
* Ordonnance du pape Célestin - Mort d'Honorius et couronnement de l’empereur Théodose II (423)
Childéric et son
prévôt
Clarnus
défont les Flamands, assiègent
et
conquièrent Gand - Trève de deux ans (420-421) |
|
[II, p. 126]
[Franchois
desconfirent les Flamens]
Item, l'an IIIIc et XX en mois de may, assemblat ly prinche de palais roial
awec le roy Celderis grant gens ; si entrat en la terre de Flandre, se la
degasterent mult, en recommenchant la gerre que ly bons roy Clodius de
Franche avoit à son temps commenchiet, de laqueile ilh morut, sicom dit
est par-desus. Quant ly conte Agricolay de Flandre entendit que ly roy de
Franche et Clarnus, son prevoste, astoient entreis en sa terre, si assemblat
ses gens et soy combattit aux Franchois devant la vilhe de Gant ; mains les
Flamens furent desconfis, si s'enfuirent à Bruge, et les Franchois
assegarent la ville de Gant et y seirent longtemps. |
[II, p. 126]
[Les Francs défirent les Flamands] L’an 420,
au mois de mai, le prince du palais royal (Clarnus),
avec le roi Childéric, rassembla de nombreuses troupes. Ils pénétrèrent en
terre de Flandre, qui fut fort dévastée. Ils reprenaient ainsi la guerre commencée en son temps
par le bon roi franc Clodion et où ce dernier avait trouvé la mort,
comme on l’a dit plus haut (II, p.
108-110). Quand le comte de Flandre, Agricola,
apprit l’invasion de son pays par le roi des Francs et son prévôt Clarnus, il
rassembla ses gens et affronta les Francs devant la ville de Gand. Les
Flamands furent défaits et s’enfuirent à Bruges ; les Francs assiégèrent
la ville de Gand où ils restèrent longtemps. |
[Gant
fut gangnié - Triwes entre Flamens et Franchois] Item, l'an IIIIc et XXI le IIIIe
jour de may, fut prise la vilhe de Gant par les Franchois. Si fut ly peuple
mis al espée, et se mist dedens ly roy Celderis et le prevoste Clarnus gran
planteit de Franchois por gardeir la vilhe, et puis alarent à Bruge et
l'asegarent ; mains anchois qu'ilh awist là esteit I
mois, si envoiat à ly le conte Agricolay, et ly priat à avoir triwe et
respit por l'espause de II ans, et dedens chu ilh s'acorderoit à luy et
ferait amende souffisante de chu qu'il avoit meffaite. Quant Clarnus
entendit chu, si otriat les triwes, par le conselhe de roy Celderis et des
hals barons de Franche ; puis retournat cascon en sa terre, mains Clarnus
demorat en la possession de Gant et le gardat. |
[Gand fut conquise - Trève entre Flamands
et Francs]
En l’an 421, le 4 mai, Gand fut prise par les Francs et le peuple passé au
fil de l’épée. Le roi Childéric et le prévôt Clarnus laissèrent dans la
ville un grand nombre de Francs pour la garder, puis partirent assiéger
Bruges. Mais, dans le mois qui suivit, le comte Agricola leur envoya (un
message) leur demandant une trève de deux ans, durant laquelle il serait en
paix avec eux et payerait une amende suffisante pour les méfaits commis.
Quand il entendit cela, Clarnus consentit à la trève, sur les conseils du
roi Childéric et des hauts barons des Francs. Chacun regagna son pays mais
Clarnus resta en possession de Gand et la garda. |
Sur ces guerres, qui n'ont rien d'historique bien sûr, menées sous Childéric entre les Francs et les Flamands, on verra le travail de V. Fris, Les sources du "Myreur des histors" de Jean d'Outremeuse pour l'histoire de la Flandre, dans J. Brassinne, L. Renard-Grenson [e.a.], Annales du XXIe Congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique, Liège, 31 juillet - 5 août 1909, Liège, 1909, tome 2, p. 165-175. Selon lui, Jean d'Outremeuse « a copié, dans des chroniques françaises du troisième quart du XIVe siècle, l'histoire des Comtes de Flandre et leurs luttes contre la France. » |
|
Ordonnances du pape Boniface - Mort de
saint Jérôme - Mort de Franco, roi de Hongrie, auquel succède son fils
Aristote - Le pape Célestin succède à Boniface (422-423) |
|
[II, p. 126]
[Status
papales]
Sour l'an IIIIc et XXII, ordinat ly pape Bonifache que nulles femmes d'ordes, ne aultres femmes,
n'atochassent les choises sacrées del alteit, et se n'y aministrassent
enchens à sainte Engliese. |
[II, p. 126]
[Ordonnances papales] En l’an 422,
le pape Boniface décréta qu’une femme, qu’elle appartienne ou non à un
ordre religieux, ne pouvait toucher les objets sacrés de l’autel, ni faire
le service de l’encens
dans la sainte
Église. |
[Sains Jerome trespassat] En cel an trespassat li glorieux docteur sains Jerome, qui, par l'espause de LVI ans, laborat si [II, p. 127] diligemment al Escripture de sainte Engliese à translateir en latin. Chis docteur fist mult de beais libres et de epistles profitaulbles et plaines de bonnes doctrines, et à luy envoiat sains Augustin pluseurs epistles, por savoir l'entendement de alcuns questions de la Sainte Escripture, et ly portat grant rewerenche en ses epistles. Chis benois confès menat mult longtemps une sainte vie en I heremitaige, et puis fut-ilh prestre et demorat en Bethleem, et là ilh morut l'an de son eage XCI, et fut là meismes ensevelis. |
[Mort de saint Jérôme] En cette
année mourut le glorieux docteur saint Jérôme qui, durant cinquante-six ans
travailla avec tant [II, p. 127]
de zèle à traduire en latin les Écritures de la Sainte Église (cfr
II, p. 106 et
II, p. 114) Ce docteur
composa quantité de beaux livres et d’épîtres très utiles et riches de
saines doctrines. Saint Augustin lui envoya
plusieurs missives pour savoir comment il comprenait certaines questions
concernant la Sainte Écriture et, dans ses lettres, il lui témoigna beaucoup
de respect. Ce bienheureux confesseur vécut longtemps dans un ermitage,
d’une manière sainte, puis devint prêtre et demeura à Bethléem, où il mourut
âgé de quatre-vingt-onze ans et où il fut enseveli. |
[De
Hongrie] En
cel an morut Franco, ly roy de Hongrie, si fut apres roy son fis Aristot, qui regnat XXV ans. |
[Hongrie] Cette année mourut Franco, roi de
Hongrie. Son fils Aristote lui succéda vingt-cinq ans (cfr
II, p. 134). |
[Celestin
le XLVIe pape de Romme] Item, l'an IIIIc et XXIII le XVIIe jour de jule, morut
ly pape Bonifache ; si vacat apres ly siege XVII jours. Et apres, le IIIIe jour d'awost, fut
consacreis à pape de Romme le XLVIe Celestin, unc cardinals qui fut de la
nation de Romme, fis d'on chevalier qui oit nom Priscus ; et tient le siege
IX ans et IIII jours, et selonc Martiniain VIII ans et IX jours. |
[Célestin, quarante-sixième pape de
Rome] En
423, le 17 juillet, le pape Boniface mourut. Le siège resta vacant dix-sept jours.
Ensuite, le 4 août, le quarante-sixième pape, Célestin, fut consacré à Rome.
C’était un cardinal, originaire de Rome, fils d’un chevalier nommé Priscus.
Il occupa le siège neuf ans et quatre jours ; selon Martin, c’était huit ans
et neuf jours. |
Violant la trève, les Flamands et le comte Agricola envahissent le Brabant, battent les Brabançons, tuent le bailli Domitien qui les gouvernait et s'emparent d'Anvers qui leur est livrée par la trahison du chevalier Henri - Les Francs de Clarnus viennent au secours des Brabançons - Les Flamands partis attaquer Louvain sont défaits par les Francs et se retirent à Anvers - Clarnus décide de reconquérir toute la Flandre et fait le siège d’Anvers durant huit mois (423) |
|
[II, p. 127] [Guerre
entre les Flamens et Brabant et Franchois] En cel an, assemblat ly conte de
Flandre Agricolay tous ses oust à piés et à chevals, et sy entrat en la
terre de Brabant, qui adont astoit appendant à roy de Franche, si le
commenchat à destruire. De cel pays de Brabant estoit adont
senescal Domitiain, unc chevalier de Franche, qui tantost envoiat lettres à
roy de Franche Celderis et à prevoste Clarnus, et les mandat le fait, et
comment ly conte de Flandre avoit mentit sa foid et son creant, car ilh ly
avoit enconvent del accordeir à luy dedens II ans, et ilh ly ardoit son
paiis. |
[II, p. 127] [Guerre entre Flamands, Brabançons et
Francs] Cette
année-là [423], le comte de Flandre Agricola rassembla toute son armée,
infanterie et cavalerie, envahit le territoire du Brabant, qui à ce moment-là
dépendait du roi des Francs, et commença à le dévaster. Le Brabant était
alors gouverné par le sénéchal Domitien, un chevalier franc
(cfr II, p. 116). Celui-ci envoya
aussitôt une lettre au roi des Francs Childéric et au prévôt Clarnus pour
les informer sur les faits et la manière dont le comte de Flandre avait
trahi sa foi et son engagement. En effet, malgré la trève de deux ans
convenue entre eux, Agricola incendiait son pays. |
[Les
Flamens ont desconfis les Brabechons et ont pris Anwerps] Quant le prevoste entendit
chu, sy fut mult mervelheux, et assemblat ses hommes, et vient vers les
Flamens por cachier hours de son paiis ; mains, anchois que ilh y fust, Ies
corut sus Domitiain de Lovay devant la vilhe d'Anwerps, où les Flamens
astoient logiés. Là oit grant batalbe et orible,
mains ly balhiers Domitiain fut ochis, et ses gens desconfis et ochis. |
[Les Flamands battent les Brabançons et prennent
Anvers]
En apprenant cela,
le prévôt fut très étonné. Il rassembla ses troupes et
marcha contre les Flamands, pour les chasser de son pays ; mais avant
qu'il n'arrive,
le bailli Domitien de Louvain avait attaqué les Flamands devant la ville
d’Anvers, où ils s’étaient installés. Il y eut une grande bataille,
horrible. Le bailli Domitien fut tué ; ses troupes, battues, furent
anéanties.
|
Atont fist ly conte de
Flandre assalhir la vilhe, et cheaux qui estoient dedens le rendirent malvaisement, car elle estoit asseis
fort por ratendre le sourcour de Franche. Enssi fut la vilhe conquestée et
rendue par trahison, et par l'enortement de Henris, li aide chevalier
qui estoit neis de Flandre, qui les gens de la vilhe conselhat à rendre par
sa grant trahison. |
Le
comte de Flandre fit alors assiéger la ville. Mais ceux qui se trouvaient à
l’intérieur la cédèrent lâchement, alors
qu’elle était assez fortifiée pour attendre les secours francs. Ainsi la
ville fut conquise, en fait livrée par
trahison. Il y eut en effet l’intervention d'un traître, le chevalier auxiliaire Henri, qui, né en Flandre,
avait conseillé aux habitants de se rendre. |
[Ly
prevoste de France at desconfit les Flamens] Flamens entrarent en la vilhe et
ochisent toutes les gens. Et ly conte y mist de ses gens une grant partie, et
le livrat à Henri l'aide por estre gardens de la vilhe, puis s'en partit et
s'en alat vers Lovay. Mains ilh encontrat sour le chemyn le prevoste Clarnus,
qui, tantost qu'ilh les veit, les [II,
p. 128] corut sus. Et là oit grant batalhe, mains les Flamens furent
desconfis, et s'enfuirent de chà et de là ; et ly conte s'enfuit à grant
gens droit en Anwerps, et là ilh s'enserat. |
[Le prévôt des Francs défait les Flamands] Les Flamands,
entrés dans la ville, tuèrent tout le monde. Le comte y installa une grande partie de ses troupes,
confia à Henri, le chevalier auxiliaire, la charge de garder la ville, puis
se dirigea vers Louvain. Mais sur sa route, il rencontra le prévôt Clarnus,
qui [II, p. 128] l’attaqua dès
qu’il le vit. Se déroula alors une grande bataille : les Flamands, défaits,
se débandèrent dans toutes les directions ; le comte s’enfuit sous forte escorte,
directement à Anvers, où il s’enferma. |
Adont fut racompteit à
Clarnus le prevoste comment ly conte de Flandre estoit en Anwerps awec ses
gens, et comment ly faux chevalier Henris ly avoit rendue, si estoit
maintenant garde de la vilhe. Quant Clarnus entendit chu, ilh fist grant seriment que jamais ne
rentroit en Franche, s'auroit conquesteit Anwerps et le trahitre ochis, et
le conte pris ou tueis, et tout son paiis de Flandre conquis, ou ilh y
moroit. |
On annonça
alors au prévôt Clarnus que le comte de Flandre occupait Anvers avec ses
troupes, que le fourbe chevalier Henri la lui avait livrée et qu’il en était
maintenant le gardien. Quand il entendit cela, Clarnus fit le grand serment
de ne jamais rentrer dans son pays avant d’avoir repris Anvers, tué le traître,
capturé ou tué le comte et conquis toute la Flandre, son pays, sinon qu’il y
mourrait.
|
Quant Clarnus oit jureit, se n'y oit nulle rapel, car ilh ne mentist nient por estre
escorchiés. Si at pris une messagier et l'at envoiet à roy Celderis,
en disant que ilh metist paine à governeir son paiis loialment, sy qu'ilh n'en fust repris, car ilh ne poioit si
toist retourneir. Atant s'envat devant Anwerps et l'assegat mult fortement,
et durat Ii siege plus de VIII mois. |
Clarnus ne
revint sur aucun point de ce serment ; il ne l’aurait pas fait, même menacé
(d'être écorché). Il envoya un
messager au roi Childéric, lui disant qu’il aurait du mal à gouverner son
pays loyalement et qu’il ne faudrait pas le lui
reprocher, car il ne pourrait revenir tout de suite. Alors il partit
pour Anvers qu’il assiégea avec force. Ce siège dura plus de huit mois. |
Ordonnance du pape Célestin - Mort d'Honorius et couronnement de l’empereur
Théodose II (423) |
|
[II,
p. 128] [Status papales del introït del
messe, gradal, alleluia, offrandes et postcommunion] Item, l'an IIIIc et XXIII le derain
jour de marche, ordinat ly pape Celeslin que ons desist à la messe une
introïte et I vers d'onne psalme, et que ons desist le greel,
le alleluya, les offrandes et les postcommunions. |
[II, p. 128]
[Ordonnance papale sur l’introït de la messe, le graduel, l'alléluia, les offrandes
et la postcommunion] En l’an 423, le dernier jour de mars, le pape Célestin
ordonna que l’on dise à la messe un introït, un verset de psaume,
le graduel, l’alléluia, les offrandes et les postcommunions. |
[Theodosius
le Le empere, le IIe de chi nom] En cel an le penultime jour de mois de jule, morut à
Romme l'emperere Honorius, et, apres sa mort, fut coroneis à emperere de
Romme le Le, unc bons chevalier qui fut nommeis
Theodosius, le secon de chi nom, et fut ly fis l'emperere
Archaide ; si en estoit l'emperere Honorius oncles. Et fut emperere portant
que Honorius n'avoit nuls heures fours que une filhe, qui fut nommée
Esmerée : celle estoit femme à roy Theodosien d'Egypte. Chis emperere
Theodosius regnat tou seul XXVII ans III mois et VI jours. |
[Théodose le cinquantième empereur,
deuxième du nom] En cette année, l’avant-dernier jour de juillet,
l’empereur Honorius mourut à Rome. Après sa mort le cinquantième empereur de
Rome, dénommé Théodose, deuxième du nom, fut couronné. Il était le fils
de l’empereur Arcadius et l’empereur Honorius était son oncle. Théodose
devint empereur parce qu’Honorius n’avait d'autre héritier qu'une fille, nommée Esmérée qui avait épousé le roi Théodose d’Égypte.
L'empereur Théodose régna seul durant vingt-sept ans,
trois mois et six jours. |
Suite des rivalités entre Francs et Flamands : le Franc Clarnus s’empare d’Anvers d'où s’est échappé le comte de Flandre, y installe un gouverneur et torture à mort (écorchement et salage) le traître Henri, devenu gardien de la ville - Clarnus assiège Bruges où s'est réfugié Agricola - Celui-ci cherche l’alliance des Burgondes contre les Francs - Il y a quatre rois en Bourgogne - Chilpéric II, l’aîné, séduit par des promesses mirobolantes d’Agricola, s’allie aux Flamands, tandis que ses trois frères cadets décident d'aider Clarnus - Les deux groupes s'affrontent sur le champ de bataille - Grosse défaite des Flamands près de Bruges et mort d'Agricola, tué par Clarnus - Les Francs sont désormais les maîtres de la Flandre - Clarnus donne aux Flamands un bailli, nommé Geoffroy d’Orléans, qui les gouverne au nom du roi des Francs (423-425) |
|
[II, p. 128] [Anwerps fut prise par les Franchois
- De senescaus d’Anwers] En cel an fut prise Anwerps par les Franchois, la nuit
del Nativiteit Jhesu-Crist ; mains ly conte de Flandre escappat par unc vies
postiche, et n'arestat se vient à Bruge. De chu fut mult dolens Clarnus li
prevoste, quant ilh ne trovat le conte en la vilhe ; mains y ly trovat le
faux chevalier Henri, se le fist escorchier et saleir, et morir de maul
mort ; et fist ochire tous les Flamens qui furent troveis dedens la vilhe,
et remist ses gens en la vilhe, et leur donnat unc senescaus qui oit [II, p. 129] nom Sydebers, ly meneurs
fis al roy de Bretangne. Atant soy partit Clarnus le prevoste, et n'arestat
se vint à Bruge, et l'assegat. |
[II, p. 128]
[Anvers fut prise par les Francs - Le gouverneur d’Anvers]
Cette
année-là [423], la ville d’Anvers fut prise par les Francs, la nuit de la
Nativité de Jésus-Christ, mais le comte de Flandre s’échappa, déguisé en
vieillard, et ne s'arrêta qu'arrivé à Bruges. Le prévôt Clarnus regretta
beaucoup de ne pas trouver le comte dans la ville, mais il mit la main sur Henri,
le fourbe chevalier. Il le fit écorcher, saler et
mourir d’une mort atroce. Il fit aussi exécuter tous les Flamands
trouvés dans Anvers et y remit ses gens à lui, en leur donnant un sénéchal, nommé Sidebert [II, p. 129], fils cadet du
roi de Bretagne. Ensuite Clarnus s’en alla et, sans faire aucune halte, arriva à Bruges
et l'assiégea. |
écorcher, saler : Pour d'autres exemples de ce supplice, cfr I, p. 217-218 (César et le roi Hanigos) ; II, p. 79 (Shapur et Julien l'Apostat ; II, p. 114 (Attila et le traître Abafis) ; II, p. 223 (Frédégonde et son amant Landeric) |
|
Adont envoiat ly conte
Agricolay lettre al roy Celdris de Borgongne, le frere le roy Godebuef
de Borgongne - car ilh avoit IIII roy regnant en Borgongne à cel temps, - en
depriant à ly que ilh le vosist sorcorir contre les Franchois, par teile
condicion que, s'ilh avoit victoir, ilh prenderoit baptemme et si creroit en
Dieu, sycom faisoient les Borgengnons, et fermement, et prenderoit à femme
Clotilde, sa filhe, et seroient bons amis ; et encors feroit-ilh plus,
car se les Franchois estoient desconfis, ilh feroit tant que ly roy Celdris
de Borgongne seroit roy de Franche, et Celdris, ly roy de Franche,
seroit ochis. Ly roy Celdris de Borgongne veit les lettres et les entendit
bien ; si assemblat grant gens et vient en Flandre. |
Alors
Agricola, [le comte de Flandre], envoya une lettre au roi Chilpéric de
Bourgogne, frère de Gondebaud, roi de Bourgogne - en ce temps-là,
il y avait quatre rois en Bourgogne. Agricola priait Chilpéric d’accepter de le secourir contre les
Francs, en stipulant que, s’il était
victorieux, il recevrait le baptême et croirait en Dieu comme le faisaient
les Burgondes, fermement, et aussi qu’il épouserait
Clotilde, sa fille, et qu’ils seraient bons amis. Il ferait plus encore :
si les Francs étaient vaincus, il ferait en sorte que le roi Chilpéric de
Bourgogne devienne roi des Francs et que Childéric, le roi des Francs,
soit mis à mort. Chilpéric de Bourgogne vit ces lettres et accepta la
proposition ; il rassembla ses gens et se rendit en Flandre. |
[Les
Flamens sont desconfis de prevost de Franche] Enssi com nous avons dit deseur, ilh
avoit IIII roys en Borgongne, qui tous astoient freres, et furent les enfans de roy
Godebruel, qui novellement estoit mors : si estoit Celdris ly anneis, les
aultres estoient nommeis Godebuef, ly tiers Godemars et Ii quars Godesilles.
Ors astoient les III jovenes aloiés ensemble encontre leur anneit frere, et
le voloient encachier fours de paiis et de la terre, qui devoit estre siene
par droit succession. |
[Les Flamands sont défaits par le prévôt de
France]
Comme nous venons de le dire, il y avait quatre rois en Bourgogne, qui
étaient tous frères. Ils étaient les fils du roi Gondioc, mort récemment :
Chilpéric était l’aîné, le second avait pour nom Gondebaud, le troisième
Godomar et le quatrième Godegisèle. À ce moment-là, les trois cadets s’étaient alliés contre leur
frère aîné et voulaient le chasser du pays et du territoire, qui devait lui
revenir par droit de succession. |
Adont assemblarent les trois
freres chu de gens qu'ilh porent avoir por argent, et s'en vinrent en
Flandre droit à prevost Clarnus, et ly desent comment son frere venoit à
grant gens por sorcorir le conte de Flandre, et eaux astoient venus por aidier les Franchois,
par condition teile, se les Flamens estoient desconfis, que li prevoste les
aideroit contre leur frere à avoir part à la royalme de leur pere. Quant
Clarnus entendit chu, se leurs dest qu'ilh les tenoit por ses amis, et leur
promist del accomplir leur requeste. |
Alors les
trois frères rassemblèrent les gens qu’ils purent avoir avec de l’argent et
se rendirent en Flandre, directement auprès du prévôt Clarnus. Ils lui
dirent que leur frère Chilpéric venait avec un grand nombre
d’hommes secourir le comte de Flandre, et que, eux, ils arrivaient pour aider les
Francs, en demandant qu’en cas de défaite des Flamands, le prévôt les
aide contre leur frère, pour qu'ils aient part au royaume de leur père.
Quand Clarnus entendit cela, il dit qu’il les considérait comme ses amis et
promit d'exaucer leur requête. |
Atant demandat Clarnus aux
III freres dont venoit sy grant amisteit aux Flamens depart leur frere.
Gondebuef respondit que ly conte de Flandre devoit avoir à femme Clotilde,
filhe [II, p. 130] à roy leur
frere, qui encor n'avoit que VI ans d'eage, portant que ilh
voloit estre plus enforchiet. |
Clarnus demanda aux trois frères pourquoi leur aîné avait une telle amitié
pour les Flamands. Gondebaud répondit que le comte de Flandre devait épouser
Clotilde, la fille de Chilpéric [II,
p. 130], alors âgée seulement de six ans. Il voulait ainsi accroître sa puissance. |
[L’an
IIIIc et XXV]
Enssi demorat la chouse III jours, et al quars issirent de Bruges tous armeis
ly roy Celdris et ly conte de Flandre et leurs gens, et vinrent
contre les Franchois, qui astoient armeis et rengiés, car ilhs les veirent
issir de Bruge. Et se sont sus corus : là oit grant batalhe et orible, le
XIXe jour de junne al matinée ; mains ilh ne durat mie longement, car ly
prevost Clarnus encontrat en la batalhe le conte Agricolay, sy l'assenat
teilement qu'ilh le fendit jusques en dens : enssi fut-ilh mors sour l'an
IIIIc et XXV. A celle batalhe furent les Flamens desconfis, et si en fut
ochis plus de XIIm. |
[L’an 425] Les choses en
restèrent là durant trois jours. Le quatrième jour, le roi Chilpéric, le
comte de Flandre et leurs troupes sortirent tout armés de Bruges et
attaquèrent les Francs qui étaient armés et rangés, car ils les avaient vus
sortir de Bruges : là se déroula une grande et horrible bataille, le 19 juin
dans la matinée. Mais elle ne dura pas longtemps. Le prévôt Clarnus
rencontra dans la bataille le comte Agricola et le frappa si fort qu’il le
fendit jusqu’aux dents. Ainsi mourut le comte Agricola en l’an 425. Les
Flamands perdirent cette bataille et eurent plus de douze mille tués. |
[De
balhier de Flandre et cessarent les contes] Adont soy rendit tout la terre de
Flandre à Clarnus, et ilh les rechuit à merchis, et leurs donnat unc balhier qui les governat desous
le roy de Franche, qui oit nom Gaufrois d'Orlins, qui fut valhans hons et
bon chevalier. Enssi cessarent les contes au regneir en Flandre, et Clarnus
revient à Lutesse. |
[Le bailli de Flandre et la fin des comtes
de Flandre]
Alors toute la terre de Flandre fut rendue à Clarnus, qui reçut les Flamands
avec bienveillance et leur donna un bailli qui les gouverna au nom du roi
des Francs. Il s’appelait Geoffroy d’Orléans, était vaillant et bon chevalier. Ainsi, les comtes
cessèrent de régner en Flandre, et Clarnus revint à Lutèce. |
Rivalités entre les frères burgondes : Chilpéric II est tué par ses trois frères cadets - Le cruel Gondebaud supprime ses deux autres frères et règne seul sur la Bourgogne - Menacé d'une attaque des Francs et espérant par cette manoeuvre être mieux protégé, il cède son pays à l'empereur (Théodose) de Rome dont il devient ainsi le vassal (426) |
|
[II, p. 130]
[Grant
crualteit des IIII enfans de Borgongne] Mains les trois freres al roy de
Borgongne ly dessent que leur frere estoit escappeis de la batalhe, et
qu'ilh leur vosist tenir leur convent, car ilh ly avoient aidiet à leur
poioir loialment. Quant Clarnus l'entendit, se leur
demandat : « Saingnours, regardeis comment vos voleis faire ? Se vos voleis,
je yray awec vous et destruray vostre frere. » |
[II,
p. 130]
[Grande cruauté des quatre enfants de
Bourgogne]
Mais les trois frères du roi de Bourgogne dirent (à Clarnus) que leur frère
n’avait pas été tué dans la bataille et que Clarnus devait respecter leurs conventions,
car ils l’avaient loyalement aidé, comme ils le pouvaient. Alors Clarnus
leur demanda : « Seigneurs, réfléchissez à ce que vous voulez faire. Si
vous le souhaitez, j’irai avec vous et détruirai votre frère. » |
Ilhs respondirent : « Sires,
vos sieriés trop travelhiés ; mains nos venrons bien à chief sens vos à
travelhier, se chu est de vostre congiet, et que vos teneis le fais à vos. »
Respondit Clarnus : « Mains que ly fais soit genlis et de vroie
guerre, sens trahison ne mourdre, je le tien à moy. » Et de chu leur donnat lettre sailée de son
propre seal. |
Ils
répondirent : « Sire, vous seriez trop préoccupé par cette affaire ; nous pourrons
la régler sans vous importuner, si vous marquez votre accord et
si vous nous la confiez. Clarnus répondit : « Pourvu que cela se
passe noblement, comme une vraie guerre, sans trahison ni meurtre, je le
prends sur moi. » Alors il leur donna une lettre scellée de son sceau. |
Adont fisent lettres de
defianche, sy les envoiarent à leur frere le roy Celdris de Borgongne, et en
la diffianche astoit promier parlant le prevoste Clarnus, de quoy ly roy
Celdris fut esmaiet ; si soy partit à XXX chevaliers et chevalchat à Lutesse
por chaioir en le merchi Clarnus. Mains enssi qu'ilh venoit, ilh fut
recontreis de ses freres et assalhis, et tous ses chevaliers ochis, et
luy-meismes fut ochis deport son frere Gondebuef, car ilh ly butat unc
cuteal en ventre. |
Alors ils écrivirent des lettres de
défi qu’ils envoyèrent au roi Chilpéric de Bourgogne, leur frère. Dans
la lettre, le premier nom à apparaître était celui du prévôt Clarnus, ce qui
inquiéta le roi Chilpéric. Avec trente chevaliers il chevaucha jusqu’à
Lutèce, pour se soumettre à Clarnus. Mais sur la route, ses frères le
rencontrèrent et l’attaquèrent. Tous ses chevaliers périrent et lui-même fut
tué par Gondebaud, qui lui enfonça un poignard dans le ventre. |
Apres s'en alerent les trois
freres en Borgongne, et noiarent la royne Flour en une aighe, une pire à son
coul loiiet ; et prisent Clotilde, la noble filhe, et le gardarent bien,
sicom filhe de roy. Puis partirent les trois freres en trois parchons la
terre de Borgongne ; mains anchois qu'ilh fust passeit le promier an,
ochist ly roy Gondebuef ses dois freres ; si demorat tout seul roy de
Borgongne, et fut roy coroneis de tout [II,
p. 131] la terre, sour l'an IIIIc et XXVI en julle. |
Ensuite,
les trois frères se rendirent en Bourgogne et noyèrent la reine Flore dans un
lac, en liant une pierre à son cou. Ils prirent Clotilde, sa noble fille, et
la gardèrent avec soin, comme une fille de roi. Puis ils se partagèrent
en trois la terre
de Bourgogne. Mais avant la fin de la première année, le roi Gondebaud
tua ses deux frères. Il demeura tout seul roi de Bourgogne et reçut la
couronne de toute [II, p. 131] la
Bourgogne, en juillet de l’an 426. |
[Ly
roi de Borgongne portat sus sa terre à l’emperere par condicion] Et quant les chevaliers de
paiis ly disoient qu'ilh avoit laidement ochis ses freres sens cause, ilh
les ochioit, et disoit que ly prevoste de Franche ly avoit faite faire. Et tant
le dest, que Clarnus le
soit, se l'envoiat deffier de chu que ilh ly mettoit sus teile murdre ;
mains oussitoist que Gondebuef oit la deffianche, sy en alat à Romme et se
reportat sa terre en la main de l'emperere, par teile manere que ly emperere
ly rendit en fies de ly ; et le devoit tenseir contre Clarnus qui l'avoit
deffiet. Adont mandat l'emperere ses oust, pour aleir sour les Franchois. |
[Le roi de Bourgogne
remit sa terre à l’empereur sous condition] Quand les
chevaliers burgondes dirent à Gondebaud qu’il avait tué ses frères de
façon ignoble et sans raison, il répondit qu’il les avait tués sur ordre du
prévôt de France. Il le répéta tellement que Clarnus l’apprit et lui lança
un défi parce qu’il le rendait responsable d’un tel meurtre. Mais dès que
Gondebaud reçut le défi, il alla à Rome et
remit sa terre à l’empereur en lui proposant de la lui rendre et de pouvoir
ainsi désormais la détenir comme un fief relevant de l’empereur ; ainsi il
serait protégé contre Clarnus qui l'avait défié. L’empereur
convoqua ses armées, pour marcher contre les Francs. |
La Lombardie et surtout Rome
sont menacées par les invasions
(les Huns, les Vandales revenus d'Afrique, les Goths du roi Radagaise) - Ce danger conduit
l'empereur de Rome à battre le rappel de tous ses alliés, rois, comtes et
ducs - Il réconcilie les Francs et les Burgondes -
Les forces romaines, dont la ville est assiégée et dont les troupes ont été
sérieusement ébranlées dans une dure bataille, sont finalement sauvées par
un miracle obtenu de Dieu par le pape - Attila meurt foudroyé au milieu de
son armée et les Huns, qui se sont enfuis en bateaux, meurent tous noyés -
Les Vandales sont défaits - Allusion au fils du roi vandale et à son rôle - Les barons
alliés rentrent dans leurs pays |
|
[II, p. 131] [Les Huens revinrent al empire de Rome] Mains enssi qu'ilh assembloit ses gens, ly vinrent novelles que les Huens, awec leur roy Atilla, astoient revenus dechà, awec eaux une grant manere de gens qui astoient nomeis Wandaliens. Et estoit awec eaux ly roy de Gothie Randegam à grant gens, qui tous avoient jureit de mettre Romme en exilhe. Et chu fist l'emperere sorjourneir à Romme awec tous ses oust. |
[II, p. 131] [Les Huns revinrent dans l’empire de Rome] Or tandis que l’empereur rassemblait ses troupes, il apprit que les Huns étaient revenus de ce côté-ci avec leur roi Attila, accompagnés de gens nommés Vandales [cfr II, p. 63 ; II, p. 138-139, p. 174 et p. 179]. Le roi des Goths, Radagaise, les accompagnait avec des forces nombreuses. Tous avaient juré de détruire Rome. Dès lors, l’empereur dut rester à Rome avec toutes ses armées. |
Vandales : Un article entier dans les FEC, t. 48, 2024, a été consacré à la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Vandales dans le Myreur des Histors. |
|
Adont s'avisat l'emperere et
envoiat lettres par les paiis, en mandant roys, contes et dus, entres
lesqueiles ilh mandat le roy Celdris de Franche et Clarnus le prevoste, en
depriant qu'ilhs les venist aidier contre le roy Atilla et le roy de Gothie
et les Huens. Quant Clarnus oit le mendement, ilh assemblat ses gens et s'en
alat vers Romme ; car ilh ne savoit riens de chu que ly emperere ly avoit
volut faire. |
Alors l’empereur décida d’envoyer des lettres dans ses terres, appelant rois, comtes et ducs, parmi lesquels le roi des Francs Childéric et Clarnus le prévôt ; il les priait de venir l’aider contre le roi Attila, le roi des Goths et contre les Huns. Clarnus, dès qu'il reçut le message, rassembla ses gens et partit pour Rome. Il ignorait totalement ce que l’empereur voulait lui faire. |
[L’emperere
fist paix entre le prevoste de Franche et
le conte de Flandre] Quant l'emperere Theodosius
veit le prevoste Clarnus, sy vient vers luy et ly fist mult grant fieste, et
ly priat qu'ilh ly vosist otriier unc don qu'ilh voloit avoir, s'ilh ly
plaisoit. Quant Clarnus l'entendit, sy ly otriat, mains que chu ne fust en
enpirement del regne qu'ilh avoit à
governeir. Et l'emperere ly dest que nom, car chu n'estoit aultre chouse
qu'ilh pardonnast son yreur al roy de Borgongne, et ilh jureroit que jamais
ilh ne Ii mefferoit riens. Et Clarnus ly otriat, qui fut asseis debonnars.
Enssi sorjournarent les oust à Romme longement, car les Huens ne vinrent mie
sy toist. |
[L’empereur rétablit la paix entre le
prévôt des Francs et le roi de Bourgogne (corr.)] Quand l’empereur
Théodose II vit le prévôt Clarnus, il vint vers lui, lui fit grande fête et le
pria de bien vouloir lui accorder un cadeau qu’il désirait avoir, s’il était
d’accord. Quand Clarnus l’entendit, il accepta, pourvu que ce ne fût pas au
détriment du royaume qu’il avait à gouverner. L’empereur dit que non, que ce
n’était rien d’autre que de pardonner sa colère au roi de Bourgogne, lequel
jurerait de ne jamais lui faire aucun mal. Clarnus, très débonnaire,
consentit. Les armées restèrent longtemps à Rome, car les Huns n’arrivèrent pas de sitôt.
|
[Les
Wandalins detrurent tout la terre d’Affrique - Les Huens destruent tot
Lombardie - Les Huens assegont Rome] Ceste compangnie astoient les Huens
et les Wandalins et cheaz de Gothie, qui tous astoient mals gens ; et
astoient ches Wandalins departis de la compangnie des Huens XXIII ans devant,
et astoient aleis destruire tout la terre de Affrique, et astoient revenus dechà,
et astoient arriveis en paiis de Lombardie et
le destruoient toute ; [II, p.
132] si destrurent Pavie, Pise, Melant et toutes les citeis de Lombardie ;
puis vinrent à Romme en mois de decembre l'an IIIIc et XXVII, et assegarent Romme mult
enforchiement. |
[Les Vandales avaient
saccagé toute l’Afrique - Les Huns détruisent toute la Lombardie - Les Huns assiègent Rome] Ce groupe armé
était constitué de Huns, de Vandales et de Goths, qui tous étaient des êtres
malfaisants. Les Vandales s’étaient séparés des Huns vingt-trois ans
auparavant. Ils étaient allés dévaster toute la terre d’Afrique, puis, de là,
ils étaient
revenus dans la région de Lombardie qu’ils ravagèrent complètement. [II, p. 132]
Ils détruisirent Pavie,
Pise, Milan et toutes les autres cités. Puis en décembre 427, ils arrivèrent à
Rome qu’ils assiégèrent avec violence. |
[Batalhe
entre Romans et les Huens]
Adont orent les Romans teile conselhe qu'ilhs isteroient fours, enssi qu'ilh
fisent, anchois que ilhs fussent logiés ; mains les Huens astoient gens
dures en fais d'armes, et ne furent point troveis desarmeis, et astoient
bien cent milh et plus ; sy soy deffendirent mult fort. Cheste batalhe durat
jusqu'à la nuit que ilh covient les Romans retraire, car ilhs ne veioient
gottes ; et les Huens soy retrahirent à leurs treis. Adont regardarent les Romans qu'ilh avoient
perdut plus de XXm hommes, sens les navreis dont ilh en estoit sens nombre ;
si enfurent tous enbahis, car les Huens avoient grant gens ; et Atilla, ly
vilhars affolleis, n'avoit nulle merchit de mal faire. Si fut enssi lassiet
plus de XII jours que les Romans n'oisarent issir fours, portant qu'ilh
astoient presque tous navreis. |
[Bataille entre Romains et Huns] Les
Romains décidèrent de sortir de la ville, ce qu’ils firent, avant que les
Huns se soient installés. Mais les Huns étaient de rudes guerriers, et les
Romains ne les trouvèrent pas désarmés. Ils étaient bien cent mille, plus
même, et ils se défendirent très énergiquement. La bataille dura jusqu’à la
nuit. Les Romains durent alors se retirer, car ils ne voyaient plus rien et
les Huns gagnèrent leurs tentes. Les Romains avaient perdu plus de vingt
mille hommes, sans compter les innombrables blessés. Tous furent stupéfaits de
voir les Huns si nombreux et Attila, ce vieillard fou, accomplir ses
méfaits sans aucune pitié. Les Romains mirent plus de douze jours avant d'oser
sortir de la ville, car presque tous étaient blessés. |
Dedens chi temps vint
l'emperere al pape, et ly priat que ilh vosist priier à Dieu que ilhs
awissent victoir. Atant assemblat ly pape son college et clergerie en
consistoire, en depriant à Dieu que ilh vosist monstreir myracle por son peuple sy manifestement que
les paiiens y presissent garde, et que ses gens gardast de male et de perilh
et leur donnast voictoir. |
Pendant ce
temps, l’empereur alla demander au pape [Célestin Ier, pour Jean] de prier Dieu pour qu’il leur
accorde la victoire. Le pape réunit en consistoire son collège et son clergé, priant Dieu
qu'il veuille bien accomplir pour son peuple un miracle si
évident que les païens en tiendraient compte et le priant aussi de protéger ses hommes de tout malheur
et de tout danger en leur donnant la victoire. |
[Le
roy Atilla fut ochis de I effoudre, et ses gens s’enfuirent] Adont fist Dieu myracle le
IIIIe jour de jenvier l'an IIIIc et XXVIII, car une effoudre chaiit tout
emmy l'oust des Huens, et ne grevat onques fours que le roy Atilla, et fut
tout arse en pousier. Atant soy misent ses gens al fuyr, et montarent sour
mere ; mains uns orage les priste, qui les noiat tous que nuls n'en
escappat. Atant vient une vois à pape qui ly dest que la compangnie des
Huens astoit tout noiiés sour mere, et que Dieu ne les avoit mie volut
prendre del effoudre awec Atilla, por la grant poweur qu'ilhs awissent jetteit. |
[Le roi Attila fut tué par la foudre, et
ses gens s’enfuirent] Alors le 4 janvier de l’an 428, Dieu
accomplit un miracle, car la foudre tomba au milieu de l’armée des Huns et
ne blessa personne, sauf le roi Attila qui fut réduit en cendres. Alors,
ses troupes se mirent à fuir et prirent la mer ; mais un orage les surprit
et les noya tous, sans que personne n’en réchappe. Alors le pape entendit
une voix lui disant que toute la troupe des Huns avait complètement péri en
mer et que Dieu n’avait pas voulu les foudroyer en même temps qu’Attila, à
cause de la puanteur qu’ils auraient répandue. |
Là furent les Huens tous
destruis ; mains ly roy des Wandalins oit unc fis, qui puis fist despit et
grant contraire als englieses de Tournay et Chambray et Duay, et destruit
toutes les citeis vosines à eaz pertinant. |
Là les Huns
furent complètement anéantis. Cependant le roi des Vandales eut un fils
qui, par la suite, fit
beaucoup
de mal aux églises de Tournai (I, p. 57), de Cambrai (I, p. 117) et de Douai
(I, p. 117), et détruisit toutes
les cités voisines, qui y étaient rattachées |
Atant soy partirent de Romme
tous les barons, et l'alat cascon en son paiis. |
Alors tous
les barons quittèrent Rome et
chacun rentra dans son pays. |
Au Danemark, le décès du roi Hector amène au pouvoir son fils Julien, qui a une mentalité de conquérant - Les Danois envahissent et s’imposent sans difficulté comme ‘suzerains’ de divers peuples difficiles à situer et dont on ne reparlera pratiquement plus dans la suite (Escladie, Astronie, Mombrant, Sclavonie). Généralement les noms cités (de pays, de villes, de rois) semblent impossibles à identifier avec précision. Les notes de Borgnet ad locum évoquent l'Espagne, mais on a peine à le suivre. ‒ Le récit des opérations militaires de Julien dans ces régions est interrompu par un certain nombre de brèves notices traitant d'autres sujets (tremblement de terre en Grèce ; incendie à Rome éteint par une procession organisée par le pape Célestin ; envoi de saint Patrice comme archevêque d'Irlande et d'Écosse ; mort du pape Célestin ; consécration du pape Sixte III
|
|
Les opérations militaires de Julien, roi du Danemark (Scladie, Astronie, Mombrant) |
|
[II, p. 132] [Le
roy dannois]
En cel an morut, en jule, le roy Ector de Dannemarche ; si regnat apres
luy son fis Julin XXV ans. Chis roy Julin fut mult fel, et disoit qu'ilh
conquerroit ortant de terre com avait fait Julin-Cesaire ; si assemblat [II, p. 133] ses gens et montat sor
mere, l'an IIIIc et XXIX en mois de may, à XLm hommes. Si avient qu'ilh
arivat
el royalme de Scladie et assegat la citeit de Gadda.
Mains quant ly roy Madiob le soit, si envoiat à ly del savoir qu'ilh
demandoit. Julin ly respondit qui voloit qu'ilh tenist son regne de luy, car
anchienement ilh avoit esteit en la subjection des Dannois. |
[II, p. 132b] [Le roi danois] En cette année
[428], en juillet, le roi Hector de Danemark mourut. Son fils Julien lui
succéda et régna vingt-cinq ans. Ce fut un roi très cruel. Il disait qu’il conquerrait
autant de terres que Jules César. Il rassembla [II, p. 133] ses troupes et prit la mer en mai 429, avec quarante
mille
hommes. Il arriva au
royaume de Scladie et assiégea la ville de Gadda. Toutefois, quand le roi Madiob apprit son arrivée, il fit demander à Julien ce
qu’il voulait. Julien répondit qu’il voulait que Madiob tienne de lui son
royaume, lequel anciennement avait été soumis aux Danois. |
[Ly
roy danois conquestit Escladie] Et ly roy d'Escladie dest que chu ne feroit-ilh
mie, et assemblat ses hommes, se le corot sus en mois
de decembre ;
mains les Esclaidiens furent desconfis, et fut ochis leur roy e awec [ly]
XIIm hommes. Et fut la citeit gangnie, et tout ly paiis après conquis ;
si en coronat roy son frere, qui oit nom Gribauz li Danois, qui le
prist en fiese de son frere Julin. |
[Le roi danois conquit la Scladie] Le roi
de Scladie répondit qu’il n’en ferait rien, rassembla ses hommes et attaqua
Julien en décembre. Mais les
Scladiens furent vaincus, leur roi tué, ainsi que douze mille hommes. La
cité et, par après, tout le pays furent conquis. Julien couronna son frère,
dénommé Gribauz le Danois, qui reçut ce pays comme un fief de Julien. |
[Ly
roy danois desconfist les Astroniens] Apres sont partis d'Escladie les dois roys à grant gens,
et entrarent el rengne d'Astronie l'an IIIIc et XXX en june, si
commencharent à destruire le paiis. Et mandat ly roy Julin à roy Brahadas
d'Astronie que s'ilh voloit tenir son rengne de ly que ilh ne demandoit aultre
chouse. De quoy Brahadas fut mult corochiés. Si assemblat ses hommes et les
corut sus ; mains ilh fut desconfis, et s'enfuirent en la citeit de Cosdrada
qui tant estoit forte que les Danois y sisent bien II ans ; et al derain ilh le
prisent par famine. Et, dedens chi terme durant, issirent fours cheaux de la
citeit pluseurs fois, et fisent aux Danois mult grant damaige et
encombriers. |
[Le roi danois défit les Astroniens] Ensuite,
les deux rois partirent de Scladie avec de nombreuses troupes, pénétrèrent
dans le royaume d’Astronie (cfr II,
p. 237) en juin
430 et se mirent à ravager le pays. Le roi Julien fit savoir au roi Brahadas
d’Astronie qu’il lui demandait seulement d’accepter de tenir son royaume de
lui, Julien. Cela irrita grandement Brahadas qui rassembla ses hommes et
passa à l’attaque, mais il fut défait. Tous s’enfuirent dans la ville de Cosdrada, qui était très fortifiée. Après un siège
d’au moins deux ans, les Danois la prirent finalement par la famine. Et
durant ce temps, les habitants de la cité firent plusieurs sorties, causant beaucoup
de dommages et de difficultés aux Danois. |
[Muet
de terre] En
cel an oit grant muet de terre
en Greche. |
[Tremblement de terre] Cette
année-là [430], un grand tremblement de terre se produisit en Grèce. |
[Romme
ardit] Item,
l'an IIIIc et XXXI, ardit une grant partie de la citeit de Romme de son feu meisme. Adont fist faire ly pape Celestin
une belle procession, en chantant la letanie mult devoltement ; si estindit ly feu. |
[Rome brûla] En l’an 431, une
grande partie de la ville de Rome brûla spontanément. Le pape Célestin organisa une belle procession, chanta
très dévotement les litanies et le feu s’éteignit. |
À cel temps meisme envoiat ly roy Brahadas d'Astronie lettres par son paiis à ses hommes, qu'ilh soy metisssent ensemble et ly venissenet aidier contres les Danois qui l'avoient assegiet en la citeit de Cosdrada ; et avoit jà dureit ly siege VI mois. |
À cette époque, le roi Brahadas d'Astronie envoya à ses hommes dans son pays des lettres leur demandant de se rassembler et de venir l'aider contre les Danois qui l'assiégaient dans la ville de Cosdrada, depuis déjà six mois. |
[Les
Danois ont victoire] Quant
les hommes de paiis l'ont entendut, si se sont assembleis, et furent bien
XXIIIIm hommes, et vinrent à Cosdrada. Là oit grant batalhe az Danois,
et cheaux de la vilhe issirent fours ; mains chu
ne valut riens, car ilh furent tous desconfis, et en fut ochis IXm. |
[Les Danois ont la victoire]
Quand les gens
du pays l’apprirent, ils se rassemblèrent et se rendirent à Cosdrada. Une
grande bataille contre les Danois s’y déroula, tandis que les habitants de la
ville en étaient sortis ; mais cela ne servit à rien, car tous furent
défaits, et neuf mille hommes furent tués. |
Les opérations militaires de Julien, roi du Danemark (Salatris de Mombrant et Gorgile de Slavonie) |
|
Item, [II, p. 134] l’an IIIIc et XXXII vint la novelle al roy
Salatre de Mombrant que Julin, ly Danois, avoit conquis Escladie, et se
conqueroit Astronie. Si s'apensat qu'ilh s'en yroit à ly et ly presenteroit
XL somiers de vitalhe, et metteroit son rengne en son merchi, si qu'ilh
n'entreroit mie en son paiis, car son rengne marchissoit à Astronie.
Enssi le fist ly roy Salatreit, com nos disons. Se le tient Julin à grant
greit, et ly dest qu'ilh voloit estre ses amis ; mains nonporquant s'ilh
voloit tenir son rengne de ly en fize, ilh le defenderoit contre tous
hommes, et, s'ilh ne voloit, ilh le quittoit et ne ly voloit riens forfaire.
Adont oit ly roy Salatreit teile conselhe qu'ilh relevat sa terre, et
devient hons et tient sa terre de roy Julin. |
[II, p. 134]
En l’an 432, le roi Salatris de Mombrant apprit que Julien le Danois avait
conquis la Slavonie et était en train de conquérir l’Astronie. Il décida
alors d’aller lui présenter quarante bêtes de somme chargées de vivres et de
mettre son royaume à sa merci, s’il n’entrait pas dans son pays, voisin de
l’Astronie. Ainsi fit le roi Salatris, comme nous le disons. Julien lui en
sut gré et dit vouloir être de ses amis : si Salatris voulait faire de son
royaume un fief dépendant de lui, lui, Julien le défendrait contre tous ;
sinon, il le considérerait quitte, ne voulant lui faire aucun tort. Alors
Salatris décida de reprendre sa terre, de devenir le vassal de Julien et de
tenir sa terre de lui. |
Puis ly dest que ly roy
Gorgile de Sclavoine le guerioit et ly avoit faite grant damaige en son
paiis par forche, car il tenoit plus grant terre de ly, et voloit que chu
fust ses homme. Adont dest Julin que jamais ne rentroit en son paiis, s'y
auroit chis fais mis en aultre pointe ; et dest al roy Salatreit : « Je vous
donne le royalme de Sclavoine à tenir de moy,
car je le vos conqueray par forche. » Et le roy de Mombrant l'en remerchiat
mult. |
Salatris dit
ensuite à Julien que le roi Gorgile de Slavonie lui faisait la guerre et
avait, en usant de la force, causé grand tort dans son
pays : Gorgile avait un royaume plus grand que le sien et voulait faire de
lui son vassal. Alors Julien dit qu’il ne rentrerait jamais dans son pays
sans avoir réglé cette affaire par une autre attaque. Il dit au roi
Salatris : « Je vous donne le royaume de Slavonie, que vous tiendrez de
moi, car j’en ferai la conquête par la force. » Et le roi de Mombrant le
remercia vivement. |
Le pape Célestin envoie saint
Patrice comme archevêque d'Irlande et
d'Écosse - Mort du pape Célestin - Consécration du pape
Sixte III (432) |
|
[II, p. 134]
[Ly
promier archevesque d’Escoche qui convertit Yrlande] En cel an envoiat ly pape
Celestin en Escoche Patriciien, le fis Conche soreur au glorieu confes sains
Martin, sicom archevesque. Chis fut ly promier archevesque de Scoche et d'Ybernie : ilh
convertit toutes les ysle de Yrlande à la foid Jhesu-Crist. |
[II, p. 134] [Le premier archevêque d’Écosse qui convertit l’Irlande] Cette année-là [432], le pape Célestin envoya Patrice en Écosse en qualité d’archevêque. Fils de Conche, sœur de saint Martin, le glorieux confesseur, Patrice fut le premier archevêque d’Écosse et d’Irlande. Il convertit à la foi en Jésus-Christ toutes les terres d’Irlande [cfr II, p. 141 où Patrice est censé avoir convoqué le Concile d'Éphèse en 442 de l'Incarnation]. [mort en 461 de notre ère] |
[Sixte
pape le IIIe de chi nom et XLVII] En cel an, le XVIIe jour de mois de jule, morut li pape
Celestin, si fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. Apres la mort le pape Celestin vacat le siege
XXII jours ; puis fut consacreis à pape de Romme, le Xe jour d'awost, unc
proidhons qui fut nomeis Sixte, le thiers de chi nom, et fut de la nation de
Romme le fis de senateur Prische, et tient le siege VIII ans et IX jours. |
[Sixte, troisième pape de ce
nom et quarante-sixième pape]
Cette année-là [432], le 17 juillet, le pape Célestin mourut et fut enseveli
dans le cimetère Saint-Calixte. Après sa mort, le siège resta vacant
vingt-deux jours. Puis, le 10 août, à Rome, fut consacré pape, un homme
de bien, qui fut nommé Sixte, le troisième de ce nom. Originaire de Rome et
fils du sénateur Priscus, Sixte occupa le
siège durant huit ans et neuf jours. |
Retour aux opérations militaires de Julien
(433) |
|
En l'an IIIIc et XXXIII en
novembre, fut prise la citeit de Cosdrada que les Danois avoient assegiet ;
et fut ly roy Brohadas gens ochis. Et puis donnat ly roy
Julin le royalme d'Astronie à Jonadas, qui astoit maris de sa soreur. Et,
chu fait, les IIII roys s'en allont en Esclavonie et assegont la citeit de
Baladas, qui astoit mult forte, et astoit dedens ly roy. |
En novembre
de l’an 433, la cité de Cosdrada, qu’avaient assiégée les Danois, fut prise.
Le roi Brohadas et ses gens furent tués. Ensuite, le roi Julien donna le
royaume d’Astronie à Jonadas, le mari de sa sœur. Cela fait,
les quatre rois allèrent en Sclavonie et assiégèrent la cité de Baladas, qui
était très fortifiée et dans laquelle se trouvait le roi. |
Profitant de l'absence de Julien le Danois
qui fait la guerre en Astronie et en Sclavonie, les Hongrois d'Aristote attaquent le Danemark, mais
Ogier, neveu de Julien le Danois, se rend avec une armée en Hongrie pour faire revenir
Aristote dans son pays - C'est ce qui se produit - Les Hongrois sont
battus ; les quatre fils du roi sont tués - Ogier retourne au Danemark, tandis que
Julien continue avec succès ses opérations extérieures (434-436) |
|
[II, p. 134]
[Gerre
entre Danois et Hongrois qui furent desconfis] Item, l'an IIIIc et XXXIIII en mois
de may, entrat ly roy Aristolt de Hongrie en la terre de Dannemarche, et le
commenchat à conqueire, portant que ly roy Julin astoit oultre [II, p. 135] mere. Mains Ogier, ly
fis de la soreur Julin, qui mult astoit bon chevalier, assemblat ses hommes
et vient en Hongrie, et commenchat à ardre, portant que ilh voloit faire le
roy retourneir, sicom ilh fist ; car oussitoist qu'ilh soit que ons
ardoit en son paiis, se le vint defendre. Mains Ogier ly vient al devant et
le corut sus, en mois d'octembre l'an deseurdit. Et furent les Hongrois
desconfis, et là furent mors les IIII fis le roy de Hongrie, qui astoient
nommeis Ypocrata, Jouel, Herbers et Leonas ; et ly roy s'enfuit
grandemeut navreit. Adont destruit grandement le paiis de Hongrie Ogiers,
puis retournat atant, et dest que de plus faire ilh attenderoit le roy Julien
son oncle, se dont ons ne le rasalhoit novellement. |
[II, p. 134]
[Guerre
entre Danois et Hongrois, lesquels
furent défaits] En l’an 434, au mois de mai, le roi Aristote de
Hongrie (cfr II, p. 127) pénétra dans la terre de Danemark et en commença la conquête,
profitant de la présence outre-mer du roi Julien. [II, p. 135] Mais Ogier, fils de la sœur de Julien et très
bon chevalier, rassembla ses hommes et se rendit en Hongrie, qu’il commença
à incendier, parce qu’il voulait faire revenir le roi de Hongrie dans son
pays, ce qui se produisit. En effet, dès qu’il sut que l’on mettait le feu à
son pays, Aristote revint le défendre. Mais Ogier vint à sa rencontre et
l’attaqua, en octobre de cette année-là. Les Hongrois furent vaincus et les
quatre fils de leur roi périrent. Ils s’appelaient Hippocrate, Joël,
Herbert et Léonas. Aristote s’enfuit, grièvement blessé. Ogier, après avoir durement saccagé la
Hongrie, s’en retourna, disant que pour en faire davantage, il attendrait son
oncle le roi Julien, si on ne l’attaquait pas à nouveau. |
[De
grant gerre fut paix faicte]
Item, l'an IIIIc et XXXV en mois de june, fut prise la citeit de Baladas en
Sclavoie (sic : note Bo) par les Danois, et fut ly
roys pris. Et ly fut demandeit lequeile ilh amoit mies : ou qu'ilh fust
ochis, ou qu'ilh fesist homaige de son regne al roy Salatreit de Mombrant,
alqueile ly roy Julin l'avoit donneit en fize de ly ? Atant respondit ly roy Gorgiel qu'ilh amoit mies à tenir sa
terre del roy Salatreit que morir ; siqu'ilhs furent d'acorde. |
[Après une grande guerre, on fit la paix] En juin
435, la cité de Baladas, en Sclavonie, fut prise par les Danois et le roi fut fait prisonnier.
On lui demanda ce qu’il préférait : être tué ou faire
hommage de son royaume au roi Salatris de Mombrant, à qui le roi Julien
l’avait donné comme fief. Alors le roi Gorgile
répondit qu’il aimait mieux tenir sa terre du roi Salatris que mourir, ce
sur quoi ils s’accordèrent. |
[Ly roy danois revint vers son pays] Adont vinrent novelles à Julin que ly roy de Hongrie ly avoit pres son paiis conquesteit ; si jurat Julin son dieu Jupiter que ilh soy vengeroit. Et puis soy retournat vers son paiis ; si commandat à Dieu les IIII roys et leur dest, se nuls leur forfesoit riens, que ilhs le mandassent, que ilh les sorcouroit. Adont soy partit. |
[Le roi danois revint vers son pays] Alors Julien apprit que le roi de Hongrie avait presque fait la conquête de son pays. Il jura par son dieu Jupiter de se venger, et retourna vers son pays. Il recommanda à Dieu les quatre rois et leur dit de lui faire savoir si on leur faisait quelque tort : il viendrait alors leur porter secours. Puis il partit. |
les quatre rois : ses quatre fils qui avaient été tués ? La passage n'est pas très clair. |
|
[L’an
IIIIc et XXXVI]
Sor l'an IIIIc et XXXVI en mois de junne, ordinat ly pape Sixte que nuls
clers ne soit promus aux ordines en altre dyoceise que en la siene.
|
[An 436] Durant l’an 436, au mois de juin, le pape Sixte ordonna qu’aucun clerc ne soit promu aux ordres dans un autre diocèse que le sien. |
Finalement Julien retourne au Danemark - Tout se
termine bien - La rivalité avec les Hongrois est heureusement apaisée par le
mariage de la fille du roi de Hongrie, Édéa, avec le neveu de Julien, Ogier,
qui hérite du royaume de Hongrie (436) |
|
[II, p. 135] En cel an rentrat ly roy Julin de Dannemarche en son paiis, se s'enfourmat de fais de roy de Hongrie ; si assemblat ses gens por entreir en Hongrie. Mains quant ly roy Ristolt le soit, sy en fut corochiés, car ilh dobtoit Julin et sa chevalerie ; se prist Edea, sa filhe, qui estoit la plus belle damoisel de monde, de XVII ans d'eage, et l'envoiat awec XLIIII damoiselles pucelles et à cent chevaliers à l'encontre le roy Julin, por prendre le debat sour lée. |
[II, p.
135] Cette année-là [436], le roi Julien de Danemark rentra dans son pays et s’informa
des faits et gestes du roi de Hongrie. Il
rassembla ses gens pour attaquer la Hongrie. Mais quand le roi Aristote le
sut, il en fut très contrarié. Il prit sa fille Édéa, qui était la
demoiselle la plus belle du monde, âgée de dix-sept ans, et l’envoya avec
quarante-quatre pucelles et cent chevaliers, à la rencontre du roi Julien
pour régler elle-même l’affaire. |
[Grant
nobleche delle filhe le roy hongrois] Et celle s'en alat, se contrat le
roy Julin, et elle vint tout emmy l'oust devant le roy Julin ; se fut
grandement regardeit de tous les Danois, et le roy meismes soy mervelhat que
chu poioit estre, car ilh ne le cognissoit mie. |
[Grande noblesse de la fille du roi hongrois] La demoiselle partit, rencontra les troupes de Julien et s’avança au milieu de l’armée, devant le roi ; elle était le point de mire de tous les Danois et Julien se demandait qui elle pouvait être, car il ne la connaissait pas. |
Mains Ogiers, son cusin, le
cognissoit bin, se le dest al roy son oncle : « Sires, veiés-vos la
dammoiselle qui vient promier ? celle est la filhe [II, p. 136] al roy de Hongrie. » Quant ly roy l'entendit, sy
broche vers la damoiselle, si le salwat sicom ilh afferoit.
Et la damoiselle ly rendit son salut, en demandant où ilh en aloit enssyment
apparelhiet del combattre. Atant respondit ly roy : « Ma damoiselle, j'en
vay en Hongrie por exilhier le roy vostre peire, se je puy, car ilh l'at
grandement deservit. » |
Mais Ogier, qui la connaissait bien, dit
au roi son oncle : « Sire,
voyez-vous la demoiselle qui marche là tout en avant ? C’est la fille [II, p. 136] du roi de Hongrie ».
Quand le roi entendit cela, il se dirigea
vers elle et la salua comme il convenait. Elle lui rendit son salut
et lui demanda où il allait, ainsi équipé pour le combat. Le roi répondit :
« Mademoiselle, je vais en Hongrie pour en chasser le roi votre père, si je
le puis, car il l’a grandement mérité ». |
Atant ly dest la
damoiselle : « Sire, s’ilh vos plaisoit por moy faire chu que vos
diroy, je vos en saroy mult grans greis. Vos saveis que vos aveis esteit
oultre mere longtemps, et dedens cel terme mon sangnour mon peire vos doit
avoir exilhier vostre paiis, se chu est veriteit chu que ons dist ;
mains je croy que vos n'en saveis riens fours que por oiir dire : en reprendant pluseurs chouses puet-ons mesprendre.
Se vos supplie humblement et de cuer, al plus
affectueusement que onques puis, que tout cel debat metteis de vostre
part sor Ogier vostre cusin, qui tous jours at esteit present en paiis de
Dannemarche et qui seit comment la veriteit en est. Et, d'altre part, je
feray tant à mon peire que de sa part ilh soy metterat del tout sor moy ;
et je croy que enssi nos serons bien d'acorde et demorons en paix. » |
Alors la
demoiselle lui dit : « Sire, si vous vouliez faire ce que je vais vous dire, je vous
en serais très reconnaissante. Vous le savez, vous êtes parti longtemps outre-mer
et, à cette époque, le seigneur mon père doit avoir saccagé votre pays. Si du
moins ce qu’on dit est vrai, mais je crois que vous ne savez rien d’autre que
ce que vous avez entendu dire. Or, quand on répète des choses, on peut se
tromper. Aussi je vous supplie, humblement, de tout coeur et aussi ardemment qu’on puisse le faire, de bien
vouloir confier la discussion de ce problème à votre cousin Ogier, qui a
toujours été présent au Danemark et qui connaît la vérité. Pour ma part, je
persuaderai mon père de se fier entièrement à moi. Je crois qu’ainsi nous pourrons
trouver un accord et rester en paix. » |
[Paix fut parmi le mariage Ogier et delle dit damoiselle]
Grande joie oit ly roy quant ilh
entendit la damoiselle, se li respondit en riant : « Ma damoiselle,
se ly roy vostre peire avoit exilhiet le motié de mon rengne, se m'en voroy
del tout mettre sour vous ; mains je amasse miés estre jugeur awec vos,
s'ilh vos plaisist que moy eusiés esluit, que Ogier mon neveur. Mains puisque
vos l'aveis nommeit, je le vos otroie ; et moy dites se por ceste
ocquison esteis venus jusques chi. » - « Sire, dest la damoiselle,
oilh, par ma foid, et ilh moy semble que ly ocquison soit asseis grant por
chi venir. » |
[Paix rétablie par le mariage d’Ogier et de la dite demoiselle] Grande fut la joie du roi quand il entendit la demoiselle. Il lui répondit en riant : « Ma demoiselle, si votre père avait saccagé la moitié de mon royaume, je m’en voudrais de vous confier toute l’affaire ; j’aurais préféré être juge avec vous s’il vous avait plu de me choisir moi, plutôt que mon neveu Ogier. Mais puisque vous l’avez cité, lui, je vous l’accorde. Dites-moi maintenant si c’est pour cette raison que vous êtes venue jusqu’ici. « Sire, dit la demoiselle, oui, par ma foi, et il me semble que la raison est assez importante pour venir ici. » |
Adont sont tous les oust desquendus, sy ont dysneit al vert, et furent noblement servis de chair et de poissons. Et, apres le dysneir, ly roy apellat Ogier, et ly dest que ilh presist awec luy milhe hommes, sy conduisist la damoiselle jusques en son propre palais. Atant l'at fait, et remerchiat mult le roy del honeur et del cortoisie qu'ilh ly avoit faite. Et ly donnat ly roy unc dyamant en une aneal d'or qui valoit bien milhe besans d'or ; puis retournat ly roy en son paiis. |
Alors
toutes les armées abandonnèrent le pied de guerre.
Les soldats dînèrent au vert, abondamment servis de viandes et de
poissons. Après le dîner, le roi [Julien] appela Ogier pour lui dire de
prendre mille hommes avec lui et de reconduire
la demoiselle dans son propre palais. Alors Ogier s’exécuta, remerciant très
vivement le roi de l’honneur et de la courtoisie qu’il lui témoignait.
Le roi
[Julien] lui donna aussi un diamant serti dans un anneau d’or, qui valait au
moins mille besants d’or. Après cela, il retourna dans son pays [le
Danemark].
|
Et Ogier reconduisit la damoisselle jusqu'en son palais, où ly roy le festiat mult ; et demorat tant là Ogiers que ly et la damoiselle furent si bien d'acorde de leur arbitraige, que ly uns creantat l'autre del prendre en mariage, et par le consentement de roy de Hongrie qui donnat à Ogier awec sa filhe le royalme de Hongrie. |
Ogier
reconduisit la demoiselle jusqu’à son palais, où le roi [Aristote de Hongrie] lui fit grande fête. Ogier y resta
jusqu’à ce que lui et la demoiselle se mirent si bien d’accord sur leur
arbitrage que l’un proposa à l’autre de l’épouser. Cela se fit avec le consentement du roi qui offrit à
Ogier, avec sa fille, le royaume de Hongrie. |
Adont envoiat ly roy [II, p. 137] Aristolt et Ogier al roy Julin qu'ilh assemblast ses hommes à unc jour certain, alqueile ly roy de Hongrie venroit awec les arbites por leur sentenche à pronunchier entres eaux. La journée fut mise et les saingnours assembleis, et pronunchiet par les arbites que bonne paix soit entres les dois parties parmy ledit mariage. Et enssi fut-ilh paix, et fut ly mariage fais mult richement, solonc leur loy. |
Alors le
roi [II, p. 137] Aristote et Ogier envoyèrent [dire] au roi Julien de
rassembler ses gens pour une date précise. Le roi de
Hongrie viendrait à ce moment-là avec les arbitres et les décisions prises
seraient proclamées. Le jour fut fixé, les seigneurs se rassemblèrent
et les arbitres proclamèrent qu’une
bonne paix était instaurée entre les deux parties par le dit mariage. Ainsi
s’installa la paix. Le mariage fut célébré très richement, selon leur
coutume. |
D. VARIA (436-438)
* Chez les Francs, mort du prévôt Clarnus, remplacé par son fils Élinus, pendant 32 ans (436) * À Tongres/Maastricht, l’évêque Désignat convertit et baptise en masse (436) * Résignat, son successeur (437), est un sage évêque * À Rome, le pape Sixte envoie Léon convertir les Perses : succès provisoire (438)
|
|
[II,
p. 137] [Le second prevoste de Franche] En cel an meismes morut
Clarnus, li prevoste de Franche ; si fut plains et regreteis del roy et de ses hommes. Apres sa
mort fut ly secon prevoste ly fis Clarnus, qui fut nommeis Elinus, lyqueis
regnat XXXII ans. |
[II, p. 137b] [Le second prévôt des Francs] En cette même année [436 ?] mourut Clarnus, le prévôt des Francs ; il fut pleuré et regretté par le roi et ses hommes. Après sa mort, le second prévôt fut le fils de Clarnus, nommé Élinus, qui régna trente-deux ans. |
[Designans
de Tongre baptisat XLm hommes] En cel an convertit ly evesque de Tongre, Designans, le
duc de Suaire et sa femme Lucanoir et Aganon, son fis, et Elinoir, sa
filhe, et Adilon, son altre filhe, et bien XLm hommes qui sont tous
batisiés, et puis revient à Treit. |
[Désignat de Tongres baptisa quarante mille hommes] Cette année-là [436 ?], l’évêque de Tongres Désignat (cfr II, p. 121 ; II, p. 123) convertit le duc de Souabe, sa femme Lucanor, son fils Aganon, sa fille Éléonore et son autre fille Adilon, ainsi qu’au moins quarante mille hommes, qui furent tous baptisés. Après quoi, il revint à Maastricht. |
A cel temps de chi Designans,
assavoir l'an IIIIc et XIII qu'ilh n'avoit nient esteit unc evesque à Treit,
se vient à luy unc dammoiseais en disant : « Sains hons, trois chevaliers
sont noiiés qui astoient trois freres, dont ly uns estoit mon peire et les altres mes
oncles ; se vos les rescusciteis, vos areis toutes leurs terres et serat
toute à vostre engliese. » |
À l'époque de
ce Désignat, c’est-à-dire en 413, alors qu’il n’y avait pas d’évêque à
Maastricht, un damoiseau vint lui dire : « Saint homme, trois chevaliers,
trois frères, se sont noyés ; l’un était mon père et les
autres mes oncles. Si vous les ressuscitez, vous aurez toutes leurs terres,
qui appartiendront entièrement à votre église. » |
[L’evesque de Treit resuscitat III chevaliers qui donnont leur terre à l’englise] Et Dieu, à la proiier de l'evesque, les resuscitat. Et lesdis chevaliers ly ont donneit Wonch, Embemme et Hutain, Milhemort, Votemme, Rokelenge, Hakeure, Lihe et Nyvelle toutes hiretaublement à l'engliese por Dieu, que ly evesque tient longtemps luy et ses successeurs apres luy ; puis les donnarent aux englieses qu'ilh fondarent. |
[L’évêque de Maastricht ressuscita trois chevaliers qui donnèrent leurs terres à l’Église] Dieu, à la prière de l’évêque, les ressuscita. Et ces chevaliers léguèrent à titre héréditaire à l’Église, en remerciement à Dieu, Wonch, Embemme (Eyben-Eymael), Houtain, Milmort, Vottem, Roclenge, Hakeure, Lixhe et Noville. Toutes ces terres, l’évêque les eut longtemps en sa possession, lui et ses successeurs. Ensuite, ils les donnèrent aux églises qu’ils fondèrent. |
[Resignans
le XIIIIe evesque de Tongre]
Item, l'an IIIIc et XXXVII, morut ly evesque Designans, si fut ensevelis en
l'engliese Sains-Pire à Treit. Apres l'evesque Designans fut consacreis
evesque de Tongre, le XIIIIe, uns proidhons qui fut de la citeit de
Colongne, fis d'unc chevalier senateur de Colongne qui fut nommeis
Resignans ; et ly evesque fut enssi appelleis apres son peire Resignans, et
la mere de l'evesque oit nom Aielis fis de unc chevalier qui astoit de Confluenche. Et regnat lidis
evesque XXVIII ans, en faisant tousjours le serviche de Dieu mult
humblement, en demonstrant à ses gens la vraie foid de Dieu. |
[Résignat, quatorzième évêque de Tongres] En l’an
437, l’évêque Désignat mourut et fut enseveli en l’église Saint-Pierre à
Maastricht. Après l’évêque Désignat fut consacré le quatorzième évêque de
Tongres. C’était un homme de bien, originaire de Cologne, fils d’un
chevalier sénateur cette ville, nommé Résignat. L’évêque fut appelé du nom
de son père. Sa mère s’appelait Alix, fille d’un
chevalier de Coblence. Cet évêque régna durant vingt-huit ans, en
accomplissant toujours très humblement le service de Dieu et en expliquant à
son peuple la vraie foi de Dieu. [cfr |
[Lyon convertit les Persiens] Item, l'an IIIIc et XXXVIII, envoiat ly pape Sixte el [II, p. 138] royalme de Persie unc sains proidhons qui fut nommeis Lyon, qui fist tant, par le vertut de Dieu et par ses predications, qu'ilh convertit à la foid catholique les Persiens et les fist prendre baptemme ; mains puis soy retournarent à la foid sarasine. |
[Léon convertit les Perses] En l’an 438, le pape Sixte envoya [II, p. 138] au royaume de Perse, un saint homme, qui se nommait Léon [personnage non identifié], qui réussit, par la puissance de Dieu et par ses prédications, à convertir les Perses à la foi catholique et leur fit recevoir le baptême. Mais par la suite, les Perses retournèrent à la foi païenne. |
[Texte précédent II, p. 104-121] [Notes de lecture sur II, p. 104-138] [Texte suivant II, p. 138-160]