Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 17b-26a
Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)
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LES HUNS - LES ÉVÉNEMENTS DE L'EMPEREUR MAXIMIN À LA MORT DE DÈCE
Ans 242-263 de l'incarnation
Ce
fichier contient trois parties :
* A. 
Ans 242-244 (Myreur, II, p. 17b-19a) : 
Les Huns - Leur origine et leurs ravages en Europe et en 
Afrique
[sommaire] [texte]  
* B. 
 
Ans 244-251 (Myreur, II, p. 19b-21a) : 
Au temps des empereurs Maximin et Philippe l’Arabe
[sommaire] [texte]
* C. Ans 251-263 (Myreur,
II, p. 21b-26a) : La vie et le 
règne de Dèce 
 [sommaire] [texte]
texte et traduction
Le présent fichier a été divisé en trois parties. La première (II, p. 17b-19a), couvrant les années 242-244 de l'Incarnation, traite essentiellement des Huns, de leur entrée en scène, de leur origine et des ravages qu'ils ont exercés en Europe et en Afrique. Partant de l'épisode, très célèbre au Moyen Âge, du martyre des onze mille vierges de Cologne (abordé dans le fichier précédent, en II, p. 15), Jean d’Outremeuse livre à son lecteur une longue digression sur ce peuple qui va dans la suite intervenir régulièrement dans son récit. Nous avons publié ailleurs (FEC, 41, 2021, sous le titre Jean d'Outremeuse et les Huns, une très longue étude sur la vision que le chroniqueur liégeois se fait de ce peuple. Elle comporte cinq chapitres, intitulés respectivement : I. Le cadre historique - II. Trois motifs légendaires et leur utilisation - III. Les origines des Huns - IV. Les voyages des Huns - V. Attila et les Huns, auxquels le lecteur pourra se reporter chaque fois qu'il sera question des Huns dans le texte de Jean, ce qui nous dispensera de commenter les textes de Jean dans nos notes de lecture.
La deuxième partie rassemble les événements contemporains des empereurs Maximin et Philippe l'Arabe (II, p. 19b-21a ; ans 244-251 de l'Incarnation) et la troisième est consacrée à la vie et au règne de l'empereur Dèce (II, p. 21b-26a ; ans 251-263). Des notes de lecture particulières leur sont consacrées dans le fichier ad hoc.
A. Les Huns - Leur
origine et leurs ravages en Europe et en Afrique (242-244) 
[Myreur, II, p. 17b-19a]
* Succession au Danemark - 
Des gens appelés Huns
martyrisent à Cologne onze mille vierges (242)
* Les Huns font des
ravages en Europe, notamment à Cologne, puis poursuivent vers l’Égypte
(240-244)
| 
	Succession au Danemark - Des gens 
	appelés Huns martyrisent à Cologne onze mille vierges (242) | |
| 
	[II, p. 17]
  [L’an IIc XLII - De Dannemarche] En cel an, en mois de jenvier, morut Valentin, ly roy 
	de Dannemarche ; si fut apres 
	luy roy son fis Ogens, qui regnat XXVI ans. | 
	[II, p. 17]
  [L’an 242 - Danemark] 
	En cette année, au mois de janvier, mourut Valentin, le roi du Danemark ; 
	son 
	fils Ogens lui succéda et régna durant vingt-six ans. | 
| [Les XIm virges furent ochis] En cel an vinrent les 
	saintes XIm virgues à Colongne, awec lesqueiles vint ly pape Cyriacus ; et 
	ilhs demoront là tant que une manere de gens, que ons nommoit Huens, les 
	martyrisont, sour l'an IIc et XLII, le XXIe jour 
	
	d'octembre. Le passion de ches saintes 
	virges se contient plainement en leur legente de sainte Engliese, et en fut 
	XIm tant des femmes com des hommes ; et ly pape y fut martyrisiet, et 
	pluseurs altres awec, com cardynals, patriarche et pluseurs evesques. Et ly 
	propre espeuse sainte Ursule y fut martirisiés, et pluseurs aultres nobles 
	gens. | [Mort des onze mille vierges de
  Cologne] En
  cette année [242] arrivèrent à Cologne les onze mille vierges,
  qu’accompagnait le pape Cyriaque (cfr 
	II, p. 16) ; elles y restèrent
  jusqu’à leur martyre, le 21 octobre de l’an 242, par des gens qu’on nommait Huns.
  Leur passion est relatée en long et en large dans les textes de
  la sainte Église. Ces martyrs furent au nombre de onze mille, femmes et
  hommes. Le pape aussi y fut martyrisé ainsi que beaucoup d’autres personnes,
  comme des cardinaux, un patriarche et plusieurs évêques. Le propre époux de sainte
  Ursule, et beaucoup d’autres personnes nobles, subirent le martyre. | 
| Origine et histoire générale des Huns : Des Juifs, chassés de Jérusalem sous Claude, Titus et Hadrien, s’installent en Chine, puis reviennent en Occident sous le nom de Huns (après 238) - Quelques-uns de leur rois : Hunus, roi de 238 à 300, qui reçut en rêve l'ordre divin de détruire la Germanie, Vandalus I et II, rois de 300 à 382, Attila, roi à partir de 382 - Ils s’appelèrent Huns aussi longtemps que vécut leur roi Hunus - À sa mort, ils prirent un certain temps le nom de Vandales avant de retrouver celui de Huns | |
| 
	
	
	[II, p. 17] [Del generation des Huens] Pluseurs gens parollent des 
	Huens, queiles gens chu furent et de queile paiis ilhs 
	
	vinrent, et pluseurs hystors en 
	parollent, qui n'en sevent mie la veriteit ; mains ons true aux plus 
	veritables que cheaux Huens furent Juys. | [II, p. 17] [L’origine des Huns] Beaucoup de gens parlent des Huns : qui ils étaient, de quel pays ils venaient. Plusieurs historiens le font sans connaître la vérité ; mais, selon les plus crédibles, ces Huns étaient des Juifs. | 
| 
	[Ilh demoront promier Cathay, deleis
  Gog et Magog] 
	Nous avons deviseit chi-deseur comment les Juys furent tant de 
	
	fois decachiés al temps Claudius l'emperere, et al temps Tytus et Adrianus 
	empereres, quant ilhs n'osoient plus demoreir en Jherusalem ; si s'enfuirent 
	bien XIIm en la terre de Cathay, bien parfont deleis les montangnes de Gog 
	et Magog(cfr I, 
	p. 282). | [Ils demeurèrent d’abord en Chine, près de Gog et Magog] Nous avons raconté ci-dessus que les Juifs furent de nombreuses fois pourchassés : au temps de l’empereur Claude (I, p. 450), et à l’époque des empereurs Titus (cfr I, p. 475b-479a) et Hadrien (cfr I, p. 542b-550a). Quand ils n’osèrent plus rester à Jérusalem, ils furent au moins douze mille à fuir en Chine, bien loin, près des monts de Gog et Magog. | 
| 
	[Felimeir leur roy - Andaros IIe -
  Jonatas IIIe - Helyas IIIIe - Judas Ve] Et prisent là habitation ; sy fisent 
	I roy qui les 
	governat, qui oit nom Felimeir : chis les 
	governat tant com ilh viscat. Et apres luy en fut roy son fis, qui fut 
	nommeis Andaros. Et apres Andaros fut leur roy Jonatas, son fis ; et apres 
	Jonatas fut leur roy Helyas, son fis ; et puis le fut son fis, qui fut 
	nommeis Judas. | 
	[Felimir, leur roi - Andaros, deuxième
  roi - Jonatas, troisième roi - Hélie, quatrième roi - Judas, cinquième roi] Ils s’y établirent et se 
	donnèrent un roi du nom de Felimir, qui les gouverna aussi longtemps qu’il 
	vécut. 
	
	Après lui régna son fils, appelé 
	Andaros, puis son fils Jonatas, puis le fils de Jonatas, Hélie, puis le fils 
	d’Hélie, appelé Judas. | 
| 
	[II, p.
  18] [Hunus VIe] Chis Judas oit I fis qui 
	fut nommeis Hunus, lyqueis fut roy apres son peire Judas, et 
	
	commenchat à 
	regneir l'an IIc et XXXVIII ; si regnat LXII ans. | [II, p. 18] [Hunus, sixième roi] Ce Judas eut un fils, nommé Hunus, qui devint roi après son père. Il commença à régner en l’an 238 et son règne dura soixante-deux ans. | 
| [Chis Hunus veit I vision qu’ilh
  destruist Germaine] 
	A chely Hunus vint en vision en son dormant une vois qui ly dest que Dieu ly 
	mandoit que ilh presist ses gens et passast le mere, si destruist toute la 
	terre 
	de Germaine et de Galle. Lendemain ly roy Hunus assemblat ses gens devant 
	luy, et leur dest chu que Dieu ly avoit commandeit. De quoy ses hommes 
	furent mult joians, car ilh leur sembloit que ilhs avoient des gens asseis 
	por eaux vengier de honte que les Romans avoient faite à leurs ancesseurs, 
	quant les encacherent fours de la terre de promission. Sy conselharent à roy 
	Hunus que ilh fesist chu que Dieu ly avoit commandeit. | [Ce Hunus vit en rêve qu’il détruisait la Germanie] Ce Hunus eut une vision dans son sommeil : une voix lui dit que Dieu lui ordonnait de prendre son peuple, de traverser la mer et de détruire toute la Germanie et la Gaule. Le lendemain, le roi Hunus fit venir ses gens devant lui et leur dit ce que Dieu lui avait commandé. Ses hommes s’en réjouirent beaucoup, car il leur semblait qu’ils étaient maintenant assez nombreux pour se venger de la honte que les Romains avaient infligée à leurs ancêtres en les chassant de la terre promise. Ils conseillèrent au roi Hunus de faire ce que Dieu lui avait commandé. | 
| [Les Huens soy partirent de Cathay
  et montont sour mere] 
	Adont soy 
	partirent de paiis de Cathay, sy ont awec eaux enporteit toute leur avoir, 
	et emeneit femmes et enfans ; et montarent sour mere, et commencharent à 
	nagier jour et nuit à grant esploit. | [Les Huns quittèrent Cathay et s’embarquèrent] Alors ils quittèrent le pays 
	de Cathay, emportant avec eux tous leurs biens. Avec femmes et 
	enfants, ils prirent la mer et se mirent à naviguer, jour et nuit, 
	accomplissant là un grand exploit. | 
| [Porquoy on apellat ches gens Huens] Adont orent ches gens 
	conselhe entre eaux comment ilhs soy nommeroient, et queile nom ilh 
	prenderoient par lequeile ilhs fussent cognus ; si orent teile conselhe que ilhs s'apelleroient apres le 
	nom de leur roy, qui Hunus estoit nommeis : si que ilh furent nommeis Huens. 
	Enssi furent-ilh apelleis longtemps, tant com leur roy Hunus viscat. | [Pourquoi on les appela Huns] Ces gens délibérèrent 
	entre eux pour savoir comment ils s’appelleraient, quel nom ils prendraient 
	pour se faire connaître. Ils décidèrent que ce serait celui de leur roi, 
	Hunus. C'est ainsi qu’ils furent appelés Huns, nom qu’ils portèrent 
	aussi longtemps que vécut leur roi Hunus. | 
| [Porquoy on apellat les Huens
  Wandaliens] 
	Mains quant Hunus fut mors, et Wandalus, son fis, fut roy, se les 
	
	nommat-ons 
	Wandaliens, solonc son nom ; mains ons les appellat toudis plus commonement 
	Huens. | [Pourquoi on appela les Huns
  Vandales] 
	Après la mort de Hunus et l’avènement de son fils Vandalus, on les 
	appela Vandales, d’après le nom de leur 
	nouveau roi [cfr II, p. 53]. En fait 
	en général on continua toujours à les 
	appeler Huns. | 
| [Wandalus, ly VIIe roy - Wandalus,
  ly VIIIe roy - Atilla, ly IXe roy] Et 
	regnat chis Wandalus XLIX ans. Apres luy fut roy son fis 
	Wandalus ly secon, lyqueis regnat XLV ans, puis morut l'an IIIc et IIIIxx et 
	IIII. Et puis fut roy son fis Atilla. Et adont les renommat-ons Huens tout 
	commonement. Et chis Atilla estoit roy al temps que les Huens fisent plus de 
	maul parmy Europe ; et oussy à son temps les Huens furent destruis, enssi 
	com vous oreis chi-apres. | [Vandalus, septième roi - Vandalus, huitième
  roi - Attila, neuvième roi] 
	Vandalus régna quarante-neuf ans. Après lui son fils, Vandalus II, devint 
	roi, régna quarante-cinq ans, puis mourut en l’an 384. Ensuite son fils 
	Attila devint roi. Et dès lors, on reprit l'habitude de les appeler Huns. Cet Attila était roi au moment 
	où ils firent le plus de mal en Europe. Mais ce fut aussi l’époque où les 
	Huns furent détruits, comme vous l’entendrez ci-après. | 
| Vandales : Un article entier dans les FEC, t. 48, 2024, a été consacré à la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Vandales dans le Myreur des Histors. | |
| Les Huns font des ravages en Europe : Hongrie, Pannonie, Bulgarie, et particulièrement à Cologne - Ils décident de gagner Rome, prennent la mer mais le vent les pousse en Égypte qu’ils dévastent (240-244) - Mention de la reconstruction de Cologne et de la fondation d’une église en l’honneur des onze mille vierges | |
| 
	[II, p. 18]
  [Coment les Huens arrivarent promier en Hongrie et le destruirent, et
  Pannoine et Bulgarie et Colongne et pluseurs] Ors revenons à nostre matere de roy 
	Hunus, qui fut coroneis l'an IIc et XXXVIII, sycom dit est. Et quant ilh fut 
	monteis sour mere, sy 
	ont tant nagiet que ilh vinrent en 
	Hongrie, entour l'an IIc et XL. Et là commencharent à destruire le paiis de 
	Hongrie, de Pannoine et Bulgarie ; puis vinrent avant, tout destruant tous 
	les paiis jusqu'à Colongne. Et là vinrent ilh al jour que dit est 
	par-deseur, et à chi jour ilhs destrurent la citeit et ochisent les gens que 
	ilhs trovarent dedens. | 
	[II, p. 18]
  [Les Huns arrivèrent d’abord en Hongrie et saccagèrent le pays, ainsi que la
  Pannonie, la Bulgarie, Cologne et beaucoup d’autres régions] Maintenant, revenons à notre 
	matière, à savoir le roi Hunus, qui fut couronné en l’an 
	238, comme on l’a 
	dit. Quand les Huns eurent pris la mer, ils naviguèrent jusqu’en Hongrie, où 
	ils arrivèrent vers 240. Ils se mirent alors à ravager la Hongrie, la 
	Pannonie et la Bulgarie. Ils 
	
	allèrent plus loin, dévastant tout 
	jusqu’à Cologne, où ils arrivèrent à la date dont on a 
	parlé plus haut [242, cfr II, p. 17]. Ce jour-là, 
	ils détruisirent la ville et tuèrent les gens qu’ils trouvèrent à l’intérieur. | 
| 
	[Les XIm virges furent martirisiés] Adont astoient là les XIm 
	virgues et awec elles le pape Cyriacus, lesqueis furent tous 
	
	ensembles martirisiés et ochis. | 
	[Le martyre des onze mille vierges] 
	Il y avait là 
	alors les onze mille vierges et, avec elles, le pape 
	
	Cyriaque. Ils furent tous 
	martyrisés et tués ensemble. | 
| 
	[Apres allont les Huens destruire
  Egypte]
  Quant ilhs orent destruite Collongne et toute gastée et les gens toute mies [II, p. 19] à mort, sy s’en partirent 
	de là et 
	
	orent teile 
	conselhe que ilhs yroient à Romme ; si montarent sour mere, mains ly vens 
	les jettat en Egypte. Adont ilh montarent sour terre et commencharent le 
	paiis à destruire. | 
	[Les Huns allèrent ensuite dévaster
  l’Égypte] Après
  avoir ravagé et endommagé Cologne, en en massacrant [II, p. 19] tous les habitants, les Huns s’en 
	
	allèrent et 
	décidèrent d’aller à Rome. Ils prirent la mer, mais le vent les jeta en 
	Égypte. Alors ils débarquèrent et commencèrent à dévaster le pays. | 
| 
	[Collongne fut refaite, et I
  engliese en l’honeur des XIm virgues] Item, l’an IIc et XLIIII, fut 
	Collongne refaite 
	plus belle qu’elle n’avoit oncques esteit 
	devant. Adont furent les saintes virgues mieses en unc tresorier, et fondée 
	en leur honneur une belle engliese, où elles gisent encors à jour d’huy. | 
	[Reconstruction de Cologne - On
  éleva une église en l’honneur des onze mille vierges] En l’an 244, Cologne fut 
	reconstruite plus belle qu’elle ne l’avait jamais été. Alors les saintes 
	vierges furent 
	
	placées dans un trésor et 
	on fonda 
	en leur honneur une belle église où elles reposent encore aujourd’hui. | 
| Les Huns, vaincus au Caire, s’installent en Égypte - Ils campèrent avec femmes et enfants durant cent-soixante ans - Mention du poète Africanus - Les Huns sont finalement chassés d’Afrique (244) | |
| 
	[II, p. 19]
  [Ly roy d’Egypte en batalhe ochist XIIm Huens et les altres s’en allarent
  fours son paiis] 
	Item, en cel an, assegarent les Huens la citeit de Cayr en Egypte. Et 
	
	quant le roy 
	le soit, se mandat ses gens et corut sus les Huens : là oit grant batalhe, 
	où les Huens perdirent mult de gens et s'enfuirent fours d'Egypte. En cel 
	batalhe furent ochis Xllm Huens ; si en remanit encor plus de LXXXm. | 
	[II, p. 19]
  [Le roi d’Égypte tua douze mille Huns au combat ; les autres
  quittèrent son pays] 
	Cette année-là (244), les Huns assiégèrent la ville du Caire, en Égypte. Quand le roi l’apprit, il convoqua ses troupes et les attaqua. Il y 
	
	eut une grande 
	bataille, dans laquelle les Huns perdirent beaucoup d’hommes et s’enfuirent 
	d’Égypte. Douze mille Huns furent tués, mais il en restait encore plus de 
	quatre-vingt mille.    | 
| [Coment les Huens regnarent VIIIxx ans] Adont commencharent les Huens à wasteir le pays de Egypte tout en fuant ; et logoient tousjours az camps en treifs et en tentes ; et manoient toudis awec eaux leurs femmes et enfans. Et quant leurs femmes estoient acuchiés, ilhs fasoient les enfans porteir awec eaux et nourir. Et quant les enfans estoient grans, ilhs les fasoient armeir awec eaux. Enssi regnarent ches mals gens pres de VIIIxx ans, anchois que ilhs fussent destruis. Et orent pluseurs roys l'unc apres l'autre, enssi com dit est par-deseur, et perdoient alconne fois et gangnoient oussi ; et chu les fist si longement regneir, sens grandement à forfaire. | 
	[Comment les Huns vécurent pendant cent soixante
  ans] Dans
  leur fuite, les Huns se mirent à dévaster l’Égypte. Ils logeaient toujours
  dans des camps sous la tente. Leurs femmes et leurs enfants les
  
	accompagnaient toujours. Quand leurs femmes avaient accouché, 
	elles devaient emmener leurs enfants avec elles et les nourrir. Quand les enfants avaient grandi,
  ils devaient prendre les armes avec les adultes. Ces mauvaises gens vécurent
  ainsi près de cent soixIante ans, avant
  d’être anéantis. Ils eurent plusieurs rois successifs, comme on l’a dit
  ci-dessus. Ils étaient parfois vaincus, mais aussi vainqueurs. C'est ce 
	qui les fit rester là si longtemps,
    
	  sans toutefois 
	faire beaucoup de mal. | 
| 
	[Affricanus le poete] Item, l'an IIc XLIIII, morut 
	Affricanus, entres tous les poetes et escrivens des hystoires ly uns des 
	
	plus renommeis. | [Africanus, le poète] En l’an 244 mourut Africanus, l’un des plus renommés parmi les poètes et les auteurs d’ouvrages d’histoire [Sextus Julius Africanus dit Jules l'Africain, v. 160 - v. 240]. | 
| 
	[Les Huens furent desconfis en
  Affrique et furent cachies de paiis] Item, en cel an, orent les Huens 
	batalhe contre le roy 
	
	d'Affrique ; mains ilhs furent desconfis, et 
	les cachat ly roy fours de son paiis. | [Les Huns furent défaits en Afrique et chassés du pays] Cette année-là (244), les Huns combattirent contre le roi d’Afrique. Mais ils furent vaincus et le roi les chassa de son pays. | 
B. au temps des empereurs Maximin LE THRACE et Philippe l’Arabe (244-251)
[Myreur, 
II, p. 19b-21a]
* Philippe l’Arabe, premier empereur chrétien, est baptisé
par le pape Fabien (245-246)
* Florentin, 
évêque de Tongres, fonde des églises (247)
* 
 Les hérétiques et Origène (250)
| L’empereur
  romain Maximin fait des conquêtes en Germanie, mais dans 
	une bataille en Gaule, il est vaincu et tué par le duc Marcon (244-245) | |
| 
	
	
	[II, p. 19]
	
	
	
  [L’emperere Maximiens conquestat mult en Germaine, et puis allat en Galle où
  ilh fut ochis et ses gens desconfis] En cel an entrat ly emperere de
  Romme Maximiens à gran gens en la terre de Germaine ; sy conquist d'Ays
  jusques à Strasborch tous les pays rebelles à luy, et puis s'en rallat vers
  Romme. Et al ralleir vers Romme, ilh passat parmy Galle, jasoiche qu'ilh
  awist melheur chemyn d'altre part ; et fut chu en mois d'avrilh, à
  l'entrée, l'an IIc XLV. Si commenchat à destruire le paiis ; mains quant
  Marcones, le duc, le soit, li en fut molt corochiés, et assemblat ses gens sy
  en allat encontre l'emperere, et oit batalhe à luy qui mult costat d'ambdois
  pars. En cest batalhe perdirent les Sycambiens VIm hommes et les Romans y
  perdirent XIIIIm hommes ; et fut ly emperere Maximiens ochis et son fis,
  oussi Maximiens, [II, p. 20] qui
  encor estoit jovenes, et les Romans desconfis ; et ypluseurs s'enfuirent
  vers Romme. Et quant ilhs vinrent à Romme et les senateurs entendirent la
  mort l'emperere Maximien, sy en furent mult joians, car ilh allat en Galle
  contre leur volenteit. | 
	
	
	[II, p. 19]
  [Après de nombreuses conquêtes en Germanie, l’empereur Maximin se rendit en
  Gaule où il fut tué et ses gens défaits] Cette année-là [244], l’empereur de Rome
  Maximin [cfr II, p. 16] pénétra avec de grandes forces en Germanie ; il
  conquit, depuis Aix jusqu'à Strasbourg, toutes les régions en rébellion contre lui, puis
  repartit pour Rome. Pour le retour, il passa par la Gaule, alors qu’il aurait
  pu prendre un bien meilleur chemin. Ce fut au début d’avril, en l’an
  245. Il commença à saccager le pays. À cette nouvelle, le duc Marcon fut
  très irrité. Il rassembla ses troupes et marcha contre l’empereur. La
  bataille qui s’en suivit frappa lourdement les deux côtés. Les Sicambres 
	perdirent six mille hommes et les Romains quatorze mille ; l’empereur 
	Maximin fut tué, ainsi que son fils, encore jeune, nommé aussi Maximin [II, p. 20] ; les
  Romains furent défaits et beaucoup s’enfuirent vers Rome. À leur arrivée,
  quand les sénateurs apprirent la mort de leur empereur, ils s’en réjouirent
  beaucoup, car Maximin était parti en Gaule contre leur volonté. | 
| Philippe l’Arabe, premier empereur chrétien, est baptisé 
	par le pape Fabien (245-246) | |
| 
	[II, p. 20] [Philippe
  emperere de Romme le XXVIIe qui promier prist baptesme] Quant les Romans 
	veirent que ly emperere et son fis estoient ambdois mors, se fisent 
	 
	emperere de fis de unc des senateurs, lyqueis 
	emperere oit nom Philippe, et regnat VII ans III mois IX jours. | 
	[II, p. 20] [Philippe,
  vingt-septième empereur de Rome, fut le premier à recevoir le baptême] 
	Comme l’empereur et son fils étaient tous deux morts, les Romains choisirent 
	pour le remplacer le fils d’un 
	 des sénateurs. Il fut nommé Philippe et 
	régna sept ans, trois mois et neuf jours. | 
| 
	[Sains Fabiain baptizat l’emperere
  Philippe, qui fut ly promier cristien] Chis emperere fut mult proidhons,
  sy prendoit grant plaisanche aux parollez sains Fabiain le pape, qui adont
  tenoit le siege de Romme ; sy avint que ly pape le commenchat grandement
  à 
	sermoneir et demonstreir les artycles de la foid catholique. Et ly emperere
  les entendoit volentiers. Et tant allat enssi cest chouse que Dieu espirat
  teilement l'emperere, que ilh prist le sacrament de sainte Engliese ; et
  le baptizat le pape sains Fabiain, et puis ly donnat le corps Jhesu-Crist,
  sour l'an IIc et XLVI, le IXe jour de mois d'octembre. Chis Philippe fut ly promier emperere de Romme cristiens, si fut
  mult proidhons en servant Dieu tout son vivant.   | 
	[Saint Fabien baptisa l’empereur
  Philippe, qui fut le premier empereur chrétien] Ce Philippe était un homme très sage, 
	qui prenait grand plaisir aux paroles du 
	 pape saint Fabien, lequel occupait alors 
	le siège de Rome. Il se fit que le pape se mit à lui faire de grands 
	sermons et à lui expliquer les articles de la foi catholique. L’empereur les écoutait avec 
	intérêt. 
	Les choses en arrivèrent à ce que Dieu influença tellement l’empereur que 
	celui-ci adopta le sacrement 
	de la Sainte-Église. Le pape saint Fabien le baptisa, et lui 
	donna le corps de Jésus-Christ, le 9 octobre 246. Ce Philippe fut le premier 
	empereur chrétien de Rome ; c’était un homme très sage, qui servit Dieu 
	sa vie durant. | 
| 
	
	 Florentin, 
	évêque de Tongres fonde des églises (247) | |
| 
	[II, p. 20] [Les
  Huens destrurent la terre de promission] Item, l'an IIc XLVII, entrarent 
	les Huens en la terre de promission, sy le commencharent tout al destruire ; 
	car ilhs disoient que ons leur avoit tollue et fourscachiet à tort. Ches 
	Huens firent en ladit 
	 terre mult de mals ; mains ly roy d'Egypte 
	les sorcorit à grant gens, et oit à eaux batalhe et les desconfist. Et ilh 
	s'enfuirent, car ilhs n'avoient mie sovent victoire, quant ons soy defendoit 
	hardiement ; mains quant ons ne soy defendoit, ilhs destruoient tout. | [II, p. 20] [Les Huns dévastèrent la terre promise] En l’an 247, les Huns entrèrent dans la terre promise et commencèrent à la saccager complètement. Ils disaient qu’elle leur avait été enlevée et qu’ils en avaient été chassés à tort. Ils y firent beaucoup de dégâts. Mais le roi d’Égypte les attaqua avec de nombreuses troupes, les combattit et les défit. Alors ils s’enfuirent. Ils n’étaient pas souvent vainqueurs face à des défenseurs courageux, mais ils détruisaient tout, si l’adversaire ne se défendait pas. | 
| 
	[De Floren, evesque de Tongre] En cel an ly evesque de 
	Tongre Floren revint del prechier ses gens, et augmentat sa dyoceise jusques 
	à Cymain ; si edifiat à sa revenue à Tongre une engliese en l'honeur de 
	sains Navite et sains Marcel, evesques de Tongre, et le consecrat en mois de 
	may en cel année. Et apres 
	 
	ilh fondat I aultre en l'honeur 
	de sains Metropolin et sains Severin, ses II predecesseurs. Si furent 
	parfaite cel an meisme, le XXIe jour de decembre, si que lydit evesque 
	celebrat ens la promier messe le jour de la nativiteit Jhesu-Crist. 
	  | 
	[Florentin, évêque de Tongres] Cette année-là [247], 
	l’évêque de Tongres, Florentin (cfr 
	II, p. 9), revint d’avoir été prêcher 
	à son peuple et agrandit son diocèse jusqu’à Chimay. De retour à Tongres, il 
	construisit une église en l’honneur de saint 
	 
	Navitus et de saint Marcel, évêques 
	de Tongres, et la consacra en mai de cette année. Ensuite, il en fonda une 
	autre en l’honneur de saint Métropole et de saint Séverin, ses deux 
	prédécesseurs. Elle fut achevée le 21 décembre de cette année-là [247] si 
	bien que l’évêque y célébra la première messe le jour de la Nativité de 
	Jésus-Christ [pour la suite, cfr II, p. 29]. | 
| 
	
	[Les Huens furent
  desconfis en Egypte, et après en Cypre et en Greche] En cel an orent
  les Huens batalhe contre le roy d'Egypte encor, [II, p. 21] et dessent qu'ilh le destruront s'ilh 
	 puelent, car ilh les avoit greveit II fois ; 
	mains encor ilhs furent desconfis. | [Les Huns furent défaits en Égypte, puis à Chypre et en Grèce] Cette année-là [247], les Huns eurent encore à soutenir une bataille contre le roi d’Égypte. [II, p. 21] Ils dirent qu’ils l’anéantiraient si c'était possible, car il leur avait fait tort deux fois déjà ; mais ils furent une fois de plus vaincus. | 
| 
	Item, 
	l'an IIc XLIX, vinrent les Huens par mere en Cypre, se le commencharent à 
	destrure ; mains ly roy Agazo les combattit et 
	
	desconfit ; 
	puis soy misent sour mere et vorent alleir vers Romme ; sy les jettat ly 
	mere en Greche, là ilh furent maul rechus, car ilh en fut mult ochis. | En l’an 249, les Huns arrivèrent par la mer à Chypre qu’ils se mirent à saccager, mais le roi Agazo les combattit et les vainquit. Ils reprirent alors la mer et voulurent aller à Rome, mais les flots les jetèrent en Grèce, où ils furent mal reçus : beaucoup furent tués. | 
| Les hérétiques et 
	Origène (250) | |
| 
	
	[II, p. 21] [Des heretiques d’Arabie] Item, l'an IIc et L, avoit 
	en la terre de Arabe encors des philosophes qui laidement estoient dechus de 
	fauses erreurs et de mals 
	 
	doctrines contre la foid ; car ilhs 
	voloient sourtenir contre la foid que ly arme de l'homme moroit awec le 
	corps. Quant les evesques de paiis entendirent chu, sy fisent tantoist unc 
	concielhe general, por cheaux condampner qui teiles heresies voloient 
	sourtenir. | 
	[II, p. 21]
  [Les hérétiques d’Arabie]
  En l’an 250, en Arabie, des philosophes tombèrent encore lourdement dans de 
	fausses erreurs et de mauvaises doctrines, contraires à la foi : ils 
	prétendaient, contrairement à la foi, que l’âme de l’homme 
	
  mourait avec le corps. Quand les évêques du pays entendirent cela, ils 
	réunirent aussitôt un concile général, pour condamner ceux qui voulaient 
	soutenir de telles hérésies. | 
| 
	
	[Origenes fut
  mandeis à concielh et concludit les heretiques] A cel conciel fut mandeit Origenes, 
	ly maistre des escolles d'Alixandre, en Egypte, qui estoit ly plus grans et 
	ly plus renommeis maistre de monde : chis Origenes disputat à l'encontre des 
	philosophes qui les 
	 fauses heresiies sourtenoient ; si leurs 
	monstrat, par certains et apertes raisons, qu'ilhs sourtenoient fauseteit 
	evidente, et les concludit tous, et tant que ilh les fist congnoistre que 
	ilhs sortenoient fauses erreurs et fauses opinions par leurs boches 
	meismes ; si furent absouls, quant ilh l'oirent congnuit. Et Origenes leurs 
	chargat penitanche, et les infourmat plainement et cleirement de la parfaite 
	foid, et les remist à la parfaite foid et à la voie de sainte Engliese. | 
	[Origène fut envoyé au concile et
  convainquit les hérétiques]
  Origène, le maître des écoles d’Alexandrie en 
	
  Égypte, qui était le maître le
  plus grand et le plus renommé au monde, fut envoyé à ce concile. Il argumenta contre des philosophes qui soutenaient les
  fausses hérésies, leur démontra, par des arguments sûrs et
  clairs, qu’ils défendaient des idées évidemment fausses et finit par les convaincre
  tous, au point de leur faire reconnaître de leurs propres bouches qu’ils
  soutenaient des erreurs et des opinions fausses. Quand ce fut fait,
  ils furent absous. Origène leur imposa une
  pénitence. Il les informa pleinement et avec clarté de ce qu’était la foi 
	parfaite, les ramenant à cette foi et sur le chemin de la Sainte-Église (cfr
	II, p. 25). | 
C. La vie et le règne de Dèce (251-263)
[Myreur, II, p. 21b-26a]
* Retour au règne de Philippe : Précisions
chronologiques sur la fondation de Rome
* Plaidoyer pour Origène mort en 260
| 
	
	Revenus dans la Terre Promise, 
	les Huns dévastent plusieurs villes, dont Jérusalem qu'ils 
	assiègent et détruisent. Dèce, un des fils de 
	l’empereur Philippe, envoyé sur place, trouve les Huns partis et fait reconstruire 
	la ville (251) | |
| 
	
	
	[II, p. 21] [Les Huens revinrent el terre de
  promission et destrurent Jherusalem] Item, l'an IIc et
  LI, en mois de may, revinrent les Huens à gran gens en la terre de
  promission ; se conquisent la citeit de Nych et la citeit de Bethsaida, et puis assegarent Jherusalem ; sy durat
  ly siege III mois, et puis le prisent et le destrurent. Mains quant ly
  emperere de Romme le soit, sy envoiat là unc sien fis, qui oit nom Decius, à
  gran gens ; mains quant ilh vint en Jherusalem, sy le trovat gastée et
  tout desrobée ; mains les Huens en estoient ralleis, sy ne les trovat
  mie, sy fist la citeit refaire, puis revint à Romme. | 
	
	[II, p. 21]
  [Les Huns revinrent dans la terre promise et détruisirent Jérusalem] En mai de l’an 251, les
  Huns revinrent en grand nombre dans la terre promise, conquirent la cité de 
	Nych et celle de Bethsaida, puis 
	assiégèrent Jérusalem. Après un siège de trois mois, ils s’en emparèrent et 
	la dévastèrent. Quand l’empereur de Rome le sut, il envoya sur place un de 
	ses fils, nommé Dèce, avec des forces nombreuses, mais quand Dèce arriva à 
	Jérusalem, il la trouva entièrement saccagée et dévalisée. Mais les Huns
  en étaient tous repartis. Dèce fit reconstruire la ville
  puis revint à Rome. | 
Nych : Emmaüs, qui après la ruine de Jérusalem échangea son nom contre celui de Nicopolis (Bo)
| Dèce, baptisé contre son gré par son père Philippe, le 
	tue et devient un empereur très hostile aux chrétiens - Succession en 
	Hongrie (252) | |
| 
	[L’an IIc LII -
  L’emperere fist baptisier son fis Decius] Quant Decius fut
  revenus à Romme, sour l'an IIc et LII, en mois de junne, se le fist son peire
  l'emperere baptizier solonc le loy Jhesu-Crist ; mains ly aighe et ly
  
	 sacrament fut à luy perdus, car ilh fut à tous jours malvais et encontre
  sainte Engliese, et oit grant despit de chu que son [II, p. 22] peire ly avoit fait prendre baptesme contre sa volenteit. | [L’an 252 - L’empereur fit baptiser
  son fils Dèce]
  Quand Dèce fut revenu à Rome, en l’an 252, au mois de juin, son père
  l’empereur (Philippe 
	
  l’Arabe) le fit baptiser selon la loi de
  Jésus-Christ ; mais l’eau et le sacrement furent pour lui perdus, car il
  fut toujours hostile à la Sainte-Église. Il fut très vexé que son [II, p. 22] père l’ait fait baptiser contre sa volonté. | 
| 
	Adont 
	s'avisat Decius et appellat pluseurs senateurs de son conselhe, et leur 
	dest : « Saingnours, vos saveis que mon peire l'emperere est cristiens et 
	est baptiziés, et at nostre loy fauseit, et ilh le devroit gardeir ; et 
	encor, qui plus est, ilh m'at faite baptisier contre ma volenteit, de quoy 
	je suy mult corochiet ; et enssi ferat-ilh de vos, se ilh puet, car ilh 
	
	vos ferat 
	croire en sa loy por ses faubles et por les prechement que chi pape ly 
	monstre tous les jours. Et se vos me voliés croire, nos en yrons tou 
	maintenant en palais, sy ochirons mon peire, anchois que les Romans soient 
	plus dechus. » | 
	Alors Dèce réfléchit et convoqua plusieurs
  sénateurs de son conseil pour leur dire : « Seigneurs, vous savez
  que mon père l’empereur est chrétien et baptisé, qu’il a ainsi trahi notre religion qu’il aurait dû défendre. Plus encore, il m’a fait baptiser 
	contre ma 
	volonté, ce qui m’irrite profondément. Il en fera de même 
	avec vous, s’il le peut : il vous fera croire en sa religion avec ses fables 
	vu les prêches que le pape lui fait tous les jours. Si vous voulez me 
	croire, nous irons tous  maintenant au palais et nous tuerons mon père, avant que 
	les Romains soient plus trompés encore. » | 
| [Coment Decius ochist l’emperere
  Philippe] 
	A chi conselhe s'acordarent tous les senateurs, et vinrent devant l'emperere 
	awec son fis Decius ; et adont Decius ochist son propre peire seiant à 
	tauble, et ly fendit de une 
	 
	espée la 
	tieste jusques en dens. Et fut chu l'an deseurdit, le XVIIIe jour de 
	decembre. Enssi fut mors Philippe, ly XXIXe emperere de Romme ; si fut par 
	les cristiens ensevelis en la cymitere Sains-Calixte, deleis pluseurs 
	aultres martyres, et fisent les cristiens les exeques del emperere solonc la 
	loy cristiene. | [Dèce tua l’empereur Philippe] Tous les sénateurs furent
  d’accord avec cette proposition. Ils vinrent trouver l’empereur, avec Dèce, 
	lequel tua alors son 
	propre père, assis à table : d’un coup d’épée, il lui fendit la tête 
	jusqu’aux dents. Cela se passa  le 18 décembre de l’an 
	susdit (252). C'est ainsi que mourut Philippe, vingt-neuvième empereur de Rome. Les 
	chrétiens l’ensevelirent dans le cimetière Saint-Calixte, à côté de beaucoup 
	d’autres martyrs, et ils célébrèrent ses obsèques selon leur loi. | 
| 
	[Decius ly XXXe
  emperere de Romme] 
	Apres fut coroneis emperere XXXe Decius, qui mult fut 
	 
	crueux et 
	malvais contre la foid de sainte Engliese.   | [Dèce, trentième empereur de Rome] Ensuite, Dèce fut couronné 
	 
	trentième empereur de Rome ; il fut 
	très cruel et hostile à la foi de la Sainte-Église. | 
| 
	[Roy Hongrois] En cel an, en mois de 
	decembre, morut Andolaus, le XVIIIe roy de Hongrie ; si fut 
	 apres luy son fis Prian, qui 
	regnat XXXV ans. | [Roi de Hongrie] Cette année-là, en décembre, 
	mourut Andolaus, le dix-huitième roi de Hongrie. Son fils 
	Priam lui succéda et régna trente-cinq ans. | 
| 
	Chis 
	emperere Decius regnat XI ans I mois et X jours, et, solonc Martiniain, ilh 
	ne regnat que II ans et III 
	
	mois | 
	L’empereur Dèce régna onze ans, un mois et dix 
	jours mais, selon Martin, seulement deux ans et trois mois. | 
| Retour au règne
  de Philippe : Précisions chronologiques sur
  la fondation de Rome | |
| 
	[II, p. 22] [A chi temps avoit milhe an que Romme fut
  fondee] Item, dient mult de croniques, et par especial Martiniain, que ly 
	promier an del regnation l'emperere Philippe deseurdit, fut ly milemme an 
	del fondation de la citeit de Romme ; si compte l'an de sa coronation IIc et 
	LXXX ans del incarnation Jhesu-Crist, ou ilh at erreit, ou les escrivens qui 
	ses 
	 
	croniques ont escript ; car Philippe 
	fut coroneit l'an IIc XLVI, chu sont jà XXXIIII ans qu'il at jà de erreur à 
	la daute de sa coronation, regardant et concedant que Phelippe fust coroneis 
	l'an IIc LXXX, sycom dit est. | [II, p. 22] [À
  cette date, Rome était fondée depuis mille ans] De nombreux chroniqueurs, 
	et spécialement Martin [Chronique, p. 448, éd. L. Weiland], disent que la première année
  du règne de l’empereur Philippe fut l’an mille de la fondation de Rome, ce
  qui place le couronnement de cet empereur en 280 de l’Incarnation. En
  
	 écrivant cela, Martin se trompe, lui ou les chroniqueurs qu’il a suivis.
  Philippe ayant été couronné en 246 (cfr II, p. 20),
  on note déjà une erreur de trente-quatre ans en ce qui concerne la date de
  son couronnement, si l’on considère et accepte que Philippe fut couronné en
  280, comme ils le disent. | 
| 
	[Quant Rome fut
  fondee]
  Martiniain meismes en ses croniques escript, et est veriteit, car tos les
  croniques et hystoires le tesmongnent et sont d'aucorde sens nule debat, que
  Romme la citeit fut fondée l'an del origination de 
	
	monde IIIIm IIIIc IIIIxx
  et IIII : dont n'at Romme d'eiage de sa coronation que le sourplus del
  daute qui coroit à la coronation le roy Philippe, qui fut coroneis, solonc
  Martiniain, sour l'an del origination de monde revenant Vm IIIIc IIIIxx, qui
  fut l'an del incarnation IIc et IIIIxx, et l'an del fondation de Romme IXc
  IIIIxx et XVI ; enssi apert [II,
  p. 23] qu'ilh y faut IIII ans de milh et tout al compte Martiniain. Et
  vos disons qu'ilh fut coroneis sour l'an del origination de monde Vm IIIIc et
  XLVI ans, qui est ly an del fondation de Romme IXc et LXII. Enssi apert la
  droit defaute de XXXVIII ans qu'ilh awist milhe. Et nos excusons en cel faite
  que nos ne le disons mie por reproveir personne de son faite, car nos ne le
  volons mie ; mains puisque nos volons cronisier, nos devons dire
  veriteit où nos poions. | [La date de la fondation de Rome] Martin lui-même écrit (p.
  398, éd. L. 
	 Weiland), 
	‒ et c’est la vérité, car toutes les chroniques et
  histoires s’accordent, sans la moindre discussion, sur ce point 
	‒ que Rome fut fondée
  en l’an 4.484 de l’origine du monde ; d’où Rome n’a d’âge de son couronnement que le surplus de la date qui avait
  cours lors du couronnement du roi Philippe, qui fut couronné, selon Martin,
  en revenant en l’an 5.480 de l’origine du monde, qui fut l’an de
  l’incarnation 280 et l’an 996 de la fondation de Rome ; ainsi il est
  clair [II, p. 23] qu’il y manque quatre ans de mille et tout au compte
  de Martin (???). Nous vous disons que Philippe fut couronné en l’an 5.446 de
  l’origine du monde, ce qui correspond à l’an 962 de la fondation de Rome. On
  voit ainsi apparaître exactement les 38 ans manquant pour faire 1000. Nous
  nous excusons de cette remarque : elle ne doit pas être prise comme un
  reproche adressé à quelqu’un mais, comme nous voulons écrire une chronique,
  nous devons dire la vérité quand nous le pouvons. | 
| Divers : Le
  ‘trésor’ de l’empereur Philippe, confié au pape Sixte,
  provoque le martyre de saint Laurent - Événements à Aix et chez les Huns - Le
  pape Fabien décapité par Dèce - Le pape Corneille et ses ordonnances -  Concile de Rome contre 
	un hérétique nommé Nomentianus - Martyre de sainte Apolline - Succession à Louvain (252-255) | |
| 
	[II, p. 23] [De Philippe l’emperere qui donnat son
  tresour à sainte Engliese, de temps sains Sixte et sains Lorent] Awec 
	Philippe l'emperere fut ochis Philippe son fis, qui regnoit awec luy com 
	emperere ; et l'ocist son frere Decius, portant que ilh voloit tou seul 
	regneir.  | [II, p. 23] [L'empereur Philippe donna son trésor à la Sainte-Église, à l’époque de saint Sixte et de saint Laurent] Avec l’empereur Philippe fut tué son fils Philippe qui régnait avec lui comme empereur. Son frère Dèce, voulant régner seul, l’avait également tué. | 
| Chis Philippe donnat son tresour à sainte Engliese, en la garde le pape sains Sixte ; et sains Sixte le rendit à sains Lorent à son visquant. Dont Decius dist et le requist, et le redemandat à sains Lorent, enssi com ons liist en sa legente, et le volloit ravoir, car sains Sixte estoit mors ; mains ilh ne ly vot mie rendre, por qui ilh le fist rostir tou vief mult crueusement. | 
	
	Philippe avait
  donné son trésor à la Sainte-Église, à la garde du pape saint Sixte, lequel,
  de son vivant, l’avait transmis à saint Laurent. Dèce exigea le trésor et le
  réclama à saint Laurent, comme on le lit dans l’histoire de ce dernier. Il
  voulait le récupérer, car saint Sixte était mort. Mais saint Laurent ne
  voulut pas le rendre, ce pourquoi Dèce le
  fit rôtir tout vif, très cruellement. | 
| 
	[L’an IIc LIII] Item, l'an IIc et LIII, 
	reconquist ly roy de Germaine Hadoras la citeit d'Ays, et ochist le 
	 
	roy Galba, cuy ly emperere 
	Maximien y avoit mis. | [L’an 253] En l’an 253, le roi de Germanie 
	Hadoras reconquit la cité d’Aix et  tua son roi Galba, installé par 
	l’empereur Maximin (cfr II, p. 19). | 
| 
	[Des Huens qui
  furent desconfis] En 
	 cel an furent les Huens laidement desconfis en la terre 
	de Rossie, sy en fut mult mors. | [Les Huns furent défaits] Cette année-là, les Huns 
	furent vilainement 
	 
	défaits, en Russie, et beaucoup 
	d’entre eux moururent. | 
| 
	[Sains Fabiain fut
  decolleis, et apres resuscitat I mors] Item, l'an IIc et LIIII, le XIIe 
	jour de julle, chaiit ly emperere Decius jus de son cheval et soy brisat 
	trois costes. Et quant ons le raportat à Romme, se dest à luy, en sa 
	presenche, le pape sains Fabiain : « Decius, tu as ochiz de coup delle 
	 espée ton peire l'emperere Philippe et ton 
	frere oussy, mains tu moras plus vilainement ». De cest parolle oit Decius 
	grant despit, se le portat I pou de temps, portant que ly pape estoit de la 
	nation de Romme et de puissans amis.  | [Saint Fabien fut décapité ; par après il ressuscita un mort] En l’an 254, le 12 juillet, l’empereur Dèce tomba de son cheval et se brisa trois côtes. Quand on le ramena à Rome, le pape saint Fabien lui dit, bien en face : « Dèce, tu as tué d’un coup d’épée ton père l’empereur Philippe, ainsi que ton frère, mais ta mort sera plus affreuse encore ». Dèce fut très affecté par ces paroles ; il ne réagit pas tout de suite, parce que le pape était originaire de Rome et avait des amis puissants. | 
| Et apres l'an IIc LV, le XVIe jour de jenvier, fut sains Fabiain martirisiet et decolleis, et ensevelis en la cymitere Sains-Calixte ; mains tantoist, en l'an apres à chi propre jour, fist Dieu grant myracle por sains Fabiain ; car I senateur estoit noiiés en la Tybre, où ilh estoit chaiis de son cheval. Si fut apporteis à la tumbe sains Fabiain ; mains oussitost que ons l'oit apporteis à la tumbe sains Fabiain, ilh resuscitat et salhit sus, et soy fist tantoist baptisier, luy et sa femme et tous ses enfans. | Par après, en l’an 255, le 16 janvier, saint Fabien fut martyrisé, décapité et
  enseveli dans le cimetière Saint-Calixte ; mais bientôt, l’année
  suivante, à la même date, Dieu fit un grand miracle par l’intermédiaire de
  saint Fabien. En effet, un sénateur s’était noyé dans le Tibre, là où Dèce
  était tombé de cheval. On amena le mort sur la tombe de saint Fabien, mais,
  aussitôt sur la tombe, le mort ressuscita, se releva et se fit immédiatement
  baptiser, lui, sa femme et tous ses enfants. | 
| 
	[Sains Cornelius le
  XXIIIe pape de Romme] Apres sains Fabiain fut eslus pape de
  Romme sains Cornelius, qui fut de la nation de Romme, le fis Justin, unc
  senateur ; 
	 et tient le siege II ans I mois et VIII [II, p. 24] jours.   | [Saint Corneille, vingt-troisième
  pape de Rome]
  Après saint Fabien fut élu pape saint Corneille, originaire de Rome et fils
  de Justin, un 
	sénateur. Il occupa le siège deux ans, un mois et huit [II, p. 24] jours. | 
| 
	[De conciel de
  Romme por les heretiques] 
	A cel temps estoit I preistre qui fut nommeis Nomentianus, del engliese de 
	Romme, et estoit en dobte de la foid et sourtenoit à cheli temps heresies 
	Decius l'emperere. Si fut faite à 
	 
	Romme I 
	concielh de LX eveques ; sy denoiat à prendre sa venue, porqu'en ilh fut en 
	conciel reproveis. Et ordinat ly concielh où ilh prende sa venue à faire 
	penitanche et se soy recroy, ou ilh soit envoiez en exilh. | [Le concile de Rome à cause des
  hérétiques]
  À cette époque vivait un prêtre, du nom de Nomentianus [Novatien ?], de l’église de
  Rome ; il doutait de la 
	
  foi
  et soutenait alors les hérésies de l’empereur Dèce. Un concile de soixante 
	évêques se réunit à Rome ; le prêtre refusa de se présenter, par peur d’être condamné.
  Le concile lui ordonna soit de venir, de faire pénitence et de renoncer à son
  errreur, soit d'accepter d’être envoyé en exil.   | 
| 
	[Ste Apollone fut
  ochis] 
	En cel an fist ly emperere Decius martyrisier sainte Apollonie et les dens 
	traire, et puis le fist ardre, le IXe jour de fevrier, por despit faire à la 
	loy Jhesu-Crist, tant estoit-ilh fellons et crueux, 
	
  et sy haioit les 
	cristiens à mervelhes ; mains en armes estoit-ilh preux et hardis. | [Mort de sainte Apolline] Cette année-là, Dèce 
	l’empereur fit martyriser 
	 
	sainte Apolline en lui faisant 
	arracher les dents, puis il la fit brûler le 9 février, par mépris pour la loi 
	de Jésus-Christ. Il était traître, cruel, et haïssait fortement les 
	chrétiens ; mais sous les armes, il était preux et hardi. | 
| 
	[De conte de Lovay] En cel an, morut Paris, ly 
	conte de Lovay ; si fut conte apres luy son fis 
	 
	Prian, lyqueis regnat IX ans. | [Le comte de Louvain] Cette année-là, Paris, le 
	comte de Louvain, 
	 
	mourut ; son fils Priam lui succéda 
	et régna pendant neuf ans. | 
| 
	[Status papales] En cel an instituat ly pape 
	Cornelius que tous preistres, s'ilh voloient, 
	 
	poroient jureir des causes dont ilhs 
	seroient certains, desqueiles ilhs ne l'osoient faire par-devant. | [Ordonnances papales] Cette année-là, le pape 
	Corneille décida 
	 
	que tous les prêtres, s’ils le 
	voulaient, pourraient garantir sous serment la vérité des causes qu’ils 
	jugeraient fondées, ce qu’ils n’osaient faire avant. | 
Corneille : Hic constituit ut sacerdotes, si vellent, pro certa causa iurare possent (Martin, Chronique, p. 413, éd. L. Weiland).
| Sainte Lucine fonde deux églises, pour y déposer les corps exhumés 
	des saints Pierre et Paul - Défaites continuelles des Huns - Dèce fait 
	décapiter le pape Corneille - Le pape Lucius - Événements divers, dont une 
	mortalité terrible qui épargne les chrétiens (256-259) | |
| 
	[II, p. 24] [L’an IIc LVI - Sainte Lucine edifiat les
  englieses de Sains-Pire et Sains-Poul à Romme] Item, l'an IIc et LVI, 
	priat sainte Lucine à pape Cornelius que ilh ly vosist donneir les II sains 
	corps de sains Pire et 
	 
	sains Poul ; et ilh ly otriat 
	tantoist. Adont fist sainte Lucine leveir les II sains corps fours de terre 
	et de leurs tumbes, se fist fair II englieses en leur honneur, l'une deleis 
	le temple Apolluns Nero en l'honeur de sains Pire, en propre lieu où ilh 
	avoit esteit crucifiiés ; et là posat-ilh sains Pire. Apres elle fondat 
	l'autre deleis la porte de Hostie, en laqueile elle poisat le corps sains 
	Poul. | [II, p. 24] [An
  256 - Sainte Lucine édifia les églises de Saint-Pierre et de Saint-Paul à
  Rome] En l’an 256, sainte Lucine pria le pape Corneille de consentir à lui 
	confier les corps de saint Pierre et de saint Paul, ce qu’il accepta 
	immédiatement. Alors sainte 
	 Lucine fit exhumer les deux corps de leurs 
	tombes et fit faire deux églises en leur honneur, l’une tout près du temple 
	d’Apollon Néron, en l’honneur de saint Pierre, à l’endroit même où il avait 
	été crucifié ; c’est là que fut déposé saint Pierre. Ensuite, elle éleva 
	l’autre église près de la porte d’Ostie, où elle déposa le corps de saint 
	Paul. | 
| 
	En cel 
	an, le XXe jour de 
	
	julle, fist 
	Decius Cesar martyrisier pluseurs cristiens. | 
	Cette 
	même année, le 20 juillet, Dèce César fit martyriser 
	beaucoup de chrétiens. | 
| 
	[Des Huens] En cel an vinrent les Huens 
	en la terre de Sclavoine ; si furent desconfis en 
	 
	mois de fevrier. | 
	
	[Des 
	
	Huns] Cette année-là, les Huns vinrent en
  Slavonie ; ils furent défaits en février. | 
| [L’an IIc LVII] Et l'an IIc et LVII, 
	 
	entront les Huens en Egypte et orent 
	batalhe à roy, et furent desconfis en mois d'awoust | [An 257] En l’an 257, les Huns pénétrèrent
  en Égypte, livrèrent une bataille au roi et furent défaits au mois d’août. | 
| 
	[Decius César fist
  decoleir Cornelius pape] 
	En cel 
	 
	an fist Decius 
	Cesar martyrisier le pape Cornelius, le XIIIIe jour de septembre, et ly fist 
	coupeir le tieste ; et puis fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. | [Dèce César fit décapiter le pape
  Corneille]
  Cette même année, Dèce César fit martyriser le pape Corneille, le 18 
	septembre, et lui fit couper la tête. Le pape fut enseveli au cimetière 
	
  Saint-Calixte. | 
| 
	[Lucius le XXIIIIe
  pape]
  Apres Cornelius fut pape de Romme XXIIIIe, I sains proidhons qui fut nommeis
  Lucius, de la nation de Romme, fis de unc chevalier qui fut nommeis Porperius :
  chu dist Martiniain. Et 
	
  Damascus dist qu'ilh fut de la nation de Tuscaine,
  del citeit de Luque, fis de I hons qui oit nom Luchins. Chis [II, p. 25] tient le siege III ans VI
  mois et XVII jours ; et Martiniain dist III ans et III jours ; et
  Damascus et Prosper dient VIII ans. | [Lucius, vingt-quatrième pape] Après Corneille, un saint
  homme sage, du nom de Lucius, fut le vingt-quatrième pape de Rome ; il
  
	 était originaire de Rome et fils 
	d’un chevalier, qui s’appelait Porphirius : c’est ce que dit Martin. Selon 
	Jean Damascène, il venait de Toscane, de Lucques, et était le fils d’un homme appelé 
	Lucinus. Il [II, p. 25] occupa le siège trois
  ans, six mois et dix-sept jours. Martin dit trois ans et trois jours ;
  Damascène et Prosper disent huit ans. | 
| 
	[Les Huens
  desconfis en Arabe et en Polhe]  
	Item, l'an IIc et 
	LVIII, furent les Huens desconfis en Arabe et perdirent XLm hommes ; ly 
	dyable les faisoit meilleir del combattre, car ilhs perdoient 
	toudis. Leur fortune 
	
	n'estoit 
	encors mie venue, mains quant elle fut venue, se soy vengarent crueusement. 
	Item, l'an IIc LIX, vinrent les Huens en Puilhe, et orent batalhe et furent 
	desconfis. | [Les Huns défaits en Arabie et dans
  les Pouilles]  En
  l’an 258, les Huns furent défaits en Arabie où ils perdirent quarante mille
  hommes ; c’était le diable qui les poussait à combattre,
  car ils étaient toujours battus. Leur bonne 
	fortune 
	n’était pas encore venue, mais quand elle arriva, ils se vengèrent 
	cruellement. En l’an 259, les Huns vinrent dans les
  Pouilles, y combattirent et furent vaincus. | 
| [Mortaliteit à Romme terrible] 
	 En cel an tonat à Romme III 
	cops sy grans, le XIIIe jour de fevrier, que ons pensat que ly monde dewist 
	defineir. Et oiit-ons une vois qui 
	
	crioit venganche sour les Romans. 
	Adont vint une mortaliteit sy grant, qu'ilh en mettit à fin cent et LVIm 
	VIIc et XI dedens II mois, et n'y morit onques cristiens. | [Mortalité terrible à Rome] 
	 Le 13 février de cette 
	année-là [259], à Rome, il y eut trois coups de tonnerre si forts que l’on 
	crut à la 
	
	fin du monde. On entendit une 
	voix qui criait vengeance contre les Romains. La mortalité fut si grande 
	qu’en deux mois moururent 156.711 personnes, mais parmi elles il n'y avait aucun chrétien. | 
| 
	Plaidoyer pour Origène mort en
  260   | |
| 
	[II, p. 25] [Del sainte vie Origenes] Item, l'an 
	IIc et LX, morut Origenes, ly valhant clers ; sy fut ensevelis en Alixandre. 
	Chis fut de mult sainte vie, car ilh ne jut onques sour lit, et ne fut 
	onques cachiés, ains alloit tousjours 
	 
	deschauz por l'amour de Dieu ; et ne 
	mangnat onques de chaire et ne but de vin, solonc chu que ons trueve ens 
	histoires de sainte Engliese.   | [II, p. 25] [La
  vie   
	sainte  
	menée par
	 
	Origène] En l’an 260, mourut Origène (cfr 
	II, p. 21 et 
	II, p. 14), le 
	puissant clerc. Il fut enseveli à Alexandrie après avoir mené une vie très sainte. 
	Ainsi, il ne coucha jamais sur un lit ; il ne se chaussa jamais, marchant 
	toujours sans chaussures, pour l’amour de Dieu ; il ne mangea jamais de 
	viande 
	 ni ne but de vin, d’après ce qu’on 
	trouve dans les histoires de la Sainte-Église.   | 
| 
	Et 
	jasoiche que ilh fust mult proidhons, toutevoies l'excusent petitement les 
	docteurs ; mains chu fut 
	
	par envie que 
	ilhs orent tousjours sour luy : se ly amettirent que ilh avoit faite aulcuns 
	libres errans contre la foid, que ilh n'avoit onques veyut, lesqueis furent 
	depuis ars à unc conciel general, sy com vos oreis chi-apres | 
	Ce fut 
	un homme très sage. Pourtant les docteurs le défendent 
	
	très peu et 
	cela, parce qu’ils éprouvèrent toujours de l’envie à son égard : ils 
	l’accusèrent d’avoir écrit des livres contre la foi, sans jamais les avoir vus, des livres qui furent brûlés ensuite, lors d’un concile 
	général, comme vous l’apprendrez plus tard (cfr 
	II, p. 113). | 
| Les papes Lucius, Étienne et
  Sixte, leurs ordonnances et leur mort par Dèce - Les Huns vaincus en Macédoine
  - Mort de Dèce foudroyé à Rome (260-263) | |
| 
	[II, p. 25] [Ly pape Lucius fut decolleis par Decius]
  En cel an, le IIIIe jour de marche, fist Decius Cesar decolleir le pape 
	Lucius ; sy fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. Chis pape instituat 
	que II preistres et III dyaques 
	 
	fuissent toudis deleis cascon 
	evesques por ly wardeir des erreurs de contre la foid. | [II, p. 25] [Le
  pape Lucius fut décapité par Dèce] Cette année-là [260], le 4 mars, Dèce
  César fit décapiter le pape Lucius, qui fut enseveli dans le cimetière
  Saint-Calixte. Ce pape décida de mettre 
	 toujours aux côtés de chaque évêque deux prêtres et trois diacres, pour leur
  éviter des erreurs contre la foi. | 
| [Estienne pape le XXV] Apres Lucius vacat ly sige
  IIII jours, et le VIIIe jour de marche fut consecreis à 
	 pape de Romme
  Estiene, qui fut de la nation de Romme, fis à Julien, unc senateur, qui tient
  le siege II ans IIII mois et XXVII jours. Et solonc Martiniain, IIII ans II
  mois et XV jours ; et solonc sains Jerome, II ans ; et Vincent dist
  en son Specule (le XIIe libre à LXe
  capitle), IIII ans ; et ly pape Damaise escript VII ans. Et vacat ly
  sige XXI jour | [Étienne, vingt-cinquième pape] Après Lucius, le siège
  resta vacant quatre jours. Puis, le 8 mars, fut consacré pape de Rome
  
	 Étienne, originaire de Rome, fils de Julien, un sénateur. Il occupa le siège
  deux ans, quatre mois et vingt-sept jours. Martin dit quatre ans, deux mois
  et quinze jours ; saint Jérôme, deux ans ; Vincent mentionne trois
  ans dans son Speculum (livre 12,
  chapitre 60) et le pape Damase écrit sept ans. Le siège resta vacant vingt et
  un jours. | 
| 
	[Status
  papales] En cel an [II, p. 26]
  instituat ly pape Estiene que tous cheaux qui seroient troveis contre la foid 
	catholique en nulle erreurs, ne puissent jamais 
	 parvenir à estre pape, jà fuissent de leurs erreurs
	 recreus ou non. | [Ordonnances papales] En cette année [II, p. 26], le pape Étienne décréta 
	que tous ceux qui seraient convaincus d’erreurs 
	 
	coupables contre la foi 
	catholique, ne pourraient jamais devenir pape, qu’ils aient ou non renoncé à 
	leurs erreurs. | 
| [Les Huens furent desconfis en
  Machidoine]
  Item, l'an IIc et LXI, vinrent les Huens en la terre de 
	
  Machedoine, où 
	ilhs fisent grant occhision de gens, mains encordont ilhs furent recachiés 
	com desconfis. | [Les Huns furent défaits en
  Macédoine]
  En l’an 261, les Huns arrivèrent en terre de Macédoine, où ils massacrèrent un 
	très grand nombre de gens. Cependant ils en furent à nouveau chassés,
  comme des vaincus. | 
| 
	[Decius decollat le
  pape Estienne] Item, en cel an, le XIIe jour de mois de junne, vint 
	Decius Cesar en la capelle de pape Estiene, où ilh seioit en sa chaiier, 
	por chu que chis pape avoit I jour mult gran peuple des 
	sarasins Romans convertit ; et por chu, Decius Cesar de sa propre main ilh 
	le decollat ; sy fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. | [Dèce décapita le pape Étienne] Cette année-là, le 12 juin, 
	Dèce César vint dans la chapelle du pape Étienne, où celui-ci siégeait dans 
	sa chaire. Ce pape avait un jour converti une grande quantité de Romains 
	païens. C’est pour cela que Dèce le 
	
	décapita de sa propre main. Le pape 
	fut enseveli dans le cimetière Saint-Calixte. | 
| 
	[Sixte pape le XXVI] Si fut li siege 
	vaque et apres, le XIIIe jour d'awost, fut consecreis le XXVIe pape Sixte, 
	le secon de chi nom, qui fut de la nation de Greche, ly 
	fis Zepher, unc 
	borghois de Constantinoble ; chis tient le sige II ans XI mois et VI jours. | [Sixte, vingt-sixième pape] Le siège resta vacant et 
	ensuite, le 13 août, fut consacré le vingt-sixième pape, Sixte, second de ce 
	nom, 
	 
	originaire de Grèce, fils de Zepher, de 
	Constantinople. Il occupa le siège deux ans, onze mois et six jours. | 
| 
	[Status papals] En cel an instituat ly pape 
	sains Lorent canchelier de Romme. En cel an 
	 instituat ly pape que ons 
	celebrast messe sus les alteis, que ons ne faisoit mie devant. 
	  | [Ordonnance papale] Cette année-là [261], le 
	pape nomma saint Laurent chancelier de Rome. Il décida aussi de célébrer la 
	messe sur les autels, ce 
	 qui ne se faisait pas 
	précédemment. | 
| 
	Item, 
	l'an IIc et LXIII, le XXVIIe jour de fevrier, chaiit uns effoudre à Romme 
	sour Decius 
	
	Cesar ; si fut 
	ochis, car ilh avoit fait prendre le pape Sixte et Felicien et Agapite, se 
	les avoit fais decolleir et sains Lorent rostir. Et vacat ly sige VIII jour. | 
	En l’an 263, le 27 février, la foudre tomba à 
	Rome sur Dèce César ; il fut tué, car il avait fait arrêter le pape Sixte, ainsi que Félicien et Agapite ; il les 
	avait fait décapiter et avait fait griller saint Laurent. Le siège resta 
	vacant huit jours. | 
[Texte précédent II, p. 9-17] [Notes de lecture] [Texte suivant II, p. 26-37]