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OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE XIII
[Trad. et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2008]
Quelques victimes d'Achille : Hécube - Memnon (13, 399-622)
Hécube : introduction (13, 399-428)
Ayant triomphé d'Ajax, Ulysse se rendit à Lemnos pour convaincre Philoctète de rejoindre l'armée grecque, puisque le malheureux détenait les armes qui devaient permettre la ruine de Troie et la mort de Priam. Les femmes troyennes ne furent pas épargnées : Hécube, qui sera bientôt métamorphosée en chienne, la prêtresse Cassandre et d'autres femmes, arrachées des temples en flammes et emmenées en esclavage, Astyanax précipité du haut des remparts. Hécube, arrachée aux tombeaux de ses enfants, est emmenée de force par Ulysse, emportant avec elle les cendres d'Hector. (13, 399-428)
Victor ad
Hypsipyles patriam clarique Thoantis |
Vainqueur, Ulysse gagne la patrie
d'Hypsipylé et de
l'illustre Thoas, |
|
13, 400 |
et
ueterum terras infames caede uirorum uela dat, ut referat Tirynthia tela, sagittas. Quae postquam ad Graios, domino comitante, reuexit, imposita est sero tandem manus ultima bello. Troia simul Priamusque cadunt. Priameia coniunx |
ces terres mal
famées depuis l'antique massacre des époux
infidèles. |
13, 405 |
perdidit
infelix hominis post omnia formam |
la malheureuse, perdit, après
tout le reste, sa forme
humaine, |
combiberat ; tractata comis antistita Phoebi |
traînée
par les cheveux, la
prêtresse de Phébus tendait |
|
13, 415 |
Mittitur
Astyanax illis de turribus, unde pugnantem pro se proauitaque regna tuentem saepe uidere patrem monstratum a matre solebat. Iamque uiam suadet Boreas, flatuque secundo carbasa mota sonant, iubet uti nauita uentis. |
Astyanax est jeté en
bas des tours d'où il avait l'habitude de voir, |
13, 420 |
« Troia,
uale ! rapimur » clamant ; dant oscula terrae |
« Adieu,
Troie ! on nous enlève » crient-elles ; elles
baisent la terre, les pauvres Troyennes et abandonnent les toits fumants de leur patrie. La toute dernière à embarquer, – douloureux spectacle – c'est Hécube, qu'on a trouvée parmi les tombes de ses enfants, agrippée à leurs tertres et donnant des baisers à leurs ossements. |
13, 425 |
Dulichiae
traxere manus ; tamen unius hausit |
Des mains
dulichiennes
l'entraînèrent ; pourtant elle vida la tombe d'un seul de ses fils, et emporta sur son sein les cendres d'Hector. Sur le tombeau d'Hector, elle laissa un cheveu blanc de sa tête, modeste offrande funèbre : un cheveu et ses larmes. |
Mort de deux enfants d'Hécube : Polydore et Polyxène (13, 429-480)
Priam avait confié au roi de Thrace Polymestor l'éducation de son fils Polydore, lequel était dépositaire d'un important trésor. Mais Polymestor, poussé par la cupidité, précipita dans la mer le jeune Troyen dont il avait la charge. (13, 429-438)
Agamemnon, sur le chemin du retour après la chute de Troie, avait arrêté sa flotte en Thrace, où l'ombre d'Achille était apparue aux Grecs, exigeant pour ses Mânes le sacrifice de Polyxène. Les proches d'Achille obéirent à cette requête. (13, 439-452)
Polyxène, amenée près de l'autel du sacrifice, tint à ses bourreaux un discours plein de noblesse, disant qu'elle accueillait avec joie une mort qui lui éviterait l'esclavage, mais, s'apitoyant sur sa mère, elle demanda comme faveur que son cadavre après sa mort soit rendu à sa mère. Ce discours émouvant n'empêcha pas l'immolation de la malheureuse, qui fit preuve jusqu'au bout d'une dignité exemplaire. (13, 453-480)
Est, ubi
Troia fuit, Phrygiae contraria tellus |
À
l'endroit où s'éleva Troie, face à la Phrygie,
il existe une terre |
|
13, 430 |
Bistoniis
habitata uiris ; Polymestoris illic |
habitée
par les Bistoniens :
on y trouvait le riche palais de
Polymestor. |
13, 435 |
Vt
cecidit fortuna Phrygum, capit impius ensem |
Dès que
se mit à somber la bonne étoile des Phrygiens, |
13, 440 |
dum mare
pacatum, dum uentus amicior esset. |
dans
l'attente d'une mer calme et d'un vent plus
favorable. Tout à coup, surgi d'une large crevasse déchirant la terre, avec la taille qu'il avait de son vivant et un air menaçant, arborant le visage du jour fameux où dans sa fureur, il brandit son arme et s'en prit injustement à Agamemnon, Achille sortit et dit : |
13, 445 |
« Immemores » que « mei disceditis, » inquit
« Achiui, |
« Achéens, vous éloignez-vous sans vous
souvenir de moi, et la reconnaissance de ma valeur a-t-elle été ensevelie avec moi ? N'agissez pas ainsi ; ne laissez pas mon sépulcre sans honneur : que l'immolation de Polyxène apaise les Mânes d'Achille ! » Il dit et, obéissant à l'ombre cruelle, les alliés arrachèrent l'enfant |
13, 450 |
rapta
sinu matris, quam iam prope sola fouebat, fortis et infelix et plus quam femina uirgo ducitur ad tumulum diroque fit hostia busto. Quae memor ipsa sui, postquam crudelibus aris admota est sensitque sibi fera sacra parari |
aux bras
de sa mère, le seul être presque qui la
chérissait désormais, |
utque
Neoptolemum stantem ferrumque tenentem |
dès
qu'elle aperçut
Néoptolème debout, l'arme à la main, qui fixait ses regards sur son visage, elle lui dit : « Répands tout de suite un sang noble ; il ne faut pas attendre ; enfonce donc ta pique dans ma nuque ou dans mon coeur », et dénudant en même temps son cou et sa gorge, elle ajoute : |
|
13, 460 |
« Scilicet haud ulli seruire Polyxena uellem. |
« Jamais,
c'est sûr, moi, Polyxène, je n'aurais accepté
de vivre esclave. Et vous n'apaiserez aucune divinité avec un sacrifice comme celui-ci. Mon seul voeu serait que ma mère puisse ignorer ma mort ; ma mère entrave et diminue la joie que j'ai à mourir, et pourtant, ce qu'elle doit déplorer, ce n'est pas ma mort, mais sa propre vie. |
13, 465 |
Vos modo,
ne Stygios adeam non libera manes, |
Vous au
moins, laissez-moi rejoindre en être libre les Mânes du
Styx, |
13, 470 |
uerba
mouent oris (Priami uos filia regis, non captiua rogat), genetrici corpus inemptum reddite ; neue auro redimat ius triste sepulcri, sed lacrimis. Tunc, cum poterat, redimebat et auro. » Dixerat ; at populus lacrimas, quas illa tenebat, |
(c'est la fille du roi Priam qui vous
prie, et non une captive), |
13, 475 |
non
tenet ; ipse etiam flens inuitusque sacerdos |
qu'elle-même parvenait à contenir ; et c'est en
pleurant, à contre-coeur |
13, 480 |
cum
caderet, castique decus seruare pudoris. |
elle se
soucia de le voiler et de sauvegarder son
honneur de fille pudique. |
Douleur d'Hécube (13, 481-532)
Les captives Troyennes pleurent la mort de Polyxène et celles des nombreux princes Troyens, victimes de la guerre. Elles s'apitoient surtout sur Hécube, dont un discours poignant rappelle que Polyxène, victime d'Achille elle aussi, était l'ultime consolation de ses vieux jours. Hécube évoque de façon pathétique sa puissance passée, les malheurs accablants qui ont frappé sa famille, et l'avenir d'esclave qui lui est résevé à Ithaque. (13, 481-513)
Véritablement désespérée, elle envie la mort de son époux Priam. Seule la pensée de son dernier fils Polydore l'accroche encore un peu à la vie, et elle décide alors de cesser ses gémissements et de procéder concrètement aux funérailles de sa fille. (13, 514-532)
Troades
excipiunt deploratosque recensent |
Les
Troyennes la recueillent ; elles comptent les enfants de Priam qu'elles ont pleurés et tout le sang que versa une seule maison. Elles te pleurent, ô jeune fille, et toi aussi qui naguère étais épouse de roi, qui portais le titre de mère de rois, emblème de la florissante Asie. |
|
13, 485 |
nunc
etiam praedae mala sors, quam uictor Vlixes |
Tu es
maintenant un piètre lot du butin qu'Ulysse
vainqueur |
13, 490 |
huic
quoque dat lacrimas ; lacrimas in uulnera
fundit |
elle
pleure aussi sur cet enfant, inonde de larmes
ses blessures, |
13, 495 |
nata,
iaces ; uideoque tuum, mea uulnera, pectus. |
ma fille,
tu es ici gisante, et les blessures que je vois
sur ta poitrine, |
13, 500 |
exitium
Troiae nostrique orbator, Achilles. At postquam cecidit Paridis Phoebique sagittis, nunc certe, dixi, non est metuendus Achilles ; nunc quoque mi metuendus erat ; cinis ipse sepulti in genus hoc saeuit ; tumulo quoque sensimus hostem ; |
t'a
perdue aussi, Achille, tombeur de Troie, qui
nous enleva nos enfants. |
13, 505 |
Aeacidae
fecunda fui. Iacet Ilion ingens, |
C'est
pour l'Éacide que j'ai été féconde. La grande
Ilion a été terrassée, |
13, 510 |
nunc
trahor exul, inops, tumulis auulsa meorum, |
je suis
maintenant traînée en exil, pauvre, arrachée à
mes tombeaux, |
13, 515 |
maternos
luctus, hostilia busta piasti. |
les
pleurs d'une mère, tu es victime expiatoire sur
le tombeau d'un ennemi. |
13, 520 |
felicem
Priamum post diruta Pergama dici ? |
que Priam serait
proclamé heureux après la chute deTroie ? |
13, 525 |
Non haec
est fortuna domus ; tibi munera matris |
Non, ce
sort n'est pas celui de notre maison ; pour
toute offrande |
has datus
Ismario regi Polydorus in oras. |
c'est
Polydore qui fut confié sur ce rivage au roi de
l'Ismarus. |
Vengeance et métamorphose d'Hécube (13, 533-575)
Sur le rivage où elle voulait puiser de l'eau, Hécube découvre le cadavre de Polydore, criblé de coups. Furieuse elle décide de se venger. Elle va proposer à Polymestor de lui remettre une autre somme destinée à son fils. Le Thrace, aussi fourbe que cupide, lui promet de remettre le trésor à Polydore. Dans sa colère, avec l'aide des captives, Hécube saisit le roi, et lui arrache les yeux. (13, 533-564)
Le peuple des Thraces poursuit alors Hécube en lui lançant des traits et des pierres, mais bientôt elle est métamorphosée en chienne, et il subsiste un endroit commémorant cet événement. Les Troyens ainsi que les Grecs, et même les dieux, dont Héra/Junon, furent touchés par la douleur imméritée d'Hécube. (13, 565-575)
|
Dixit et
ad litus passu processit anili, |
Elle
finit de parler et s'avance vers le rivage de
son pas de vieillarde, |
dixerat
infelix, liquidas hauriret ut undas ; |
avait dit la
malheureuse, qui voulait puiser de l'eau
claire. |
|
13, 540 |
deuorat
ipse dolor ; duroque simillima saxo |
qui montent de
l'intérieur. Comme changée en une pierre dure, |
13, 545 |
Qua simul
exarsit, tamquam regina maneret, |
Tandis qu'elle
bouillonne de rage, comme si elle était reine
encore, |
13, 550 |
non
oblita animorum, annorum oblita suorum, |
et n'ayant pas
oublié ses sentiments mais bien son âge, |
13, 555 |
in
secreta uenit. Tum blando callidus ore : |
il vint
en grand secret. Alors, d'une voix mielleuse,
il dit : |
13, 560 |
atque ita
correpto captiuarum agmina matrum |
Elle
se saisit alors de
lui, fait appel à la troupe des captives, |
Clade sui
Thracum gens irritata tyranni |
Les Thraces,
irrités par le massacre de leur souverain, |
|
13, 570 |
nomen
habet ueterumque diu memor illa malorum |
qui tient son nom
de l'événement ;
longtemps Hécube se souvint |
13, 575 |
euentus
Hecubam meruisse negauerit illos. |
déclara qu'Hécube n'avait pas mérité de vivre ces événements. |
Memnon et les Memnonnides (13, 576-622)
La déesse Aurore vient solliciter Jupiter, humblement mais sans négliger d'insister sur les services qu'elle rend au monde en présidant quotidiennement au lever du jour. Elle demande que des honneurs soient rendus à son fils, Memnon, lui aussi victime d'Achille. (13, 576-599)
L'acquiescement de Jupiter à la requête d'Aurore est immédiatement suivi de la métamorphose des cendres du bûcher de Memnon en une foule d'oiseaux qui, liés aux cérémonies des défunts, sont d'abord unis, et rendent hommage à Memnon avant de se séparer en deux groupes, se faisant la guerre, oiseaux qui sont appelés Memnonides. (13, 600-619)
Trois vers de conclusion rapprochent les histoires d'Hécube et d'Aurore, deux mères endeuillées. (13, 620-622)
13, 576 |
Non uacat
Aurorae, quamquam isdem fauerat armis, cladibus et casu Troiaeque Hecubaeque moueri. Cura deam propior luctusque domesticus angit Memnonis amissi, Phrygiis quem lutea campis |
Bien
qu'elle ait soutenu le même camp,
Aurore n'a pas l'esprit à s'émouvoir des malheurs et de la chute de Troie et d'Hécube. La déesse souffre d'un souci plus immédiat et d'un deuil familial, la perte de son fils Memnon, qu'elle, la déesse aux lueurs de safran, |
13, 580 |
uidit
Achillea pereuntem cuspide mater ; uidit et ille color, quo matutina rubescunt tempora, palluerat, latuitque in nubibus aether. At non impositos supremis ignibus artus sustinuit spectare parens, sed crine soluto, |
a vu
mourir dans les champs de Phrygie sous la lance
d'Achille. Elle l'a vu, et aussitôt la couleur rose qui embrase les instants du matin était devenue pâle, et le ciel resta caché dans les nuages. Cependant, la mère qu'elle était ne supporta pas de voir les membres de son fils exposés sur un bûcher funèbre. |
13, 585 |
sicut
erat, magni genibus procumbere non est dedignata Iouis lacrimisque has addere uoces : « Omnibus inferior, quas sustinet aureus aether, (nam mihi sunt totum rarissima templa per orbem), diua tamen ueni, non ut delubra diesque |
Elle ne
crut pas indigne de se prosterner, cheveux
défaits, sans apprêt, aux genoux du grand Jupiter, ajoutant ces mots à ses larmes : « Moins importante que toutes les déesses qu'abrite l'éther d'or, (car très rares sont mes temples à travers l'univers entier), je suis venue, en déesse pourtant, non pour que tu m'accordes |
13, 590 |
des mihi
sacrificos caliturasque ignibus aras ; Si tamen adspicias, quantum tibi femina praestem, tum cum luce noua noctis confinia seruo, praemia danda putes ; sed non ea cura neque hic est nunc status Aurorae, meritos ut poscat honores ; |
sanctuaires, jours de sacrifices et autels où
s'allumeront des feux. Et pourtant, si tu considérais le bien que t'apporte la femme que je suis, quand, avec la lumière nouvelle, je maintiens la nuit dans ses limites, tu penserais devoir me récompenser. Mais tel n'est pas mon souci : Aurore n'est pas en état d'exiger ces honneurs, même mérités. |
13, 595 |
Memnonis
orba mei uenio, qui fortia frustra pro patruo tulit arma suo primisque sub annis occidit a forti (sic uos uoluistis) Achille. Da, precor, huic aliquem, solacia mortis, honorem, summe deum rector, maternaque uulnera leni ! » |
Je viens,
car j'ai perdu mon fils Memnon, un garçon
courageux, qui prit en vain les armes pour son oncle et mourut dans la fleur de l'âge de la main du vaillant Achille (c'est ce que vous avez voulu). Accorde-lui, je t'en prie, ô maître suprême des dieux, un peu d'honneur, qui le console de la mort, et atténue les souffrances d'une mère ! » |
13, 600 |
Iuppiter
adnuerat, cum Memnonis arduus alto corruit igne rogus nigrique uolumina fumi infecere diem, ueluti cum flumina natas exhalant nebulas, nec sol admittitur infra ; atra fauilla uolat glomerataque corpus in unum |
Jupiter
avait donné son accord. Alors l'imposant bûcher
de Memnon aux hautes flammes s'écroula et des tourbillons de noire fumée obscurcirent le jour, comme lorsque de la surface des fleuves montent des brouillards qui empêchent le passage du soleil. Les cendres noires volent, s'agglomèrent en une seule masse, |
13, 605 |
densetur
faciemque capit sumitque calorem atque animam ex igni ; leuitas sua praebuit alas et primo similis uolucri, mox uera uolucris insonuit pennis ; pariter sonuere sorores innumerae, quibus est eadem natalis origo ; |
devenue
dense, qui prend une forme tirant du feu sa
chaleur et son souffle. Sa légèreté lui a offert des ailes et, d'abord semblable à un oiseau, elle devient bientôt un oiseau véritable, dont bruissent les plumes. On entend aussi le bruit de ses frères, oiseaux sans nombre, de même naissance, de même origine. |
13, 610 |
terque
rogum lustrant et consonus exit in auras ter plangor ; quarto seducunt castra uolatu. Tum duo diuersa populi de parte feroces bella gerunt rostrisque et aduncis unguibus iras exercent alasque aduersaque pectora lassant ; |
Trois
fois les oiseaux font le tour du bûcher, et
trois fois leur plainte s'élève à l'unisson dans l'air ; au quatrième envol, ils se séparent en deux. Alors deux peuples farouches, venus de points opposés, se font la guerre, expriment leur rage à coups de becs et de griffes, et épuisent leurs ailes contre les poitrines de leurs adversaires. |
13, 615 |
inferiaeque cadunt cineri cognata sepulto corpora seque uiro forti meminere creatas. Praepetibus subitis nomen facit auctor ; ab illo Memnonides dictae, cum sol duodena peregit signa, parentali moriturae uoce rebellant. |
Offrandes
funéraires, corps apparentés à la cendre du
défunt, ces oiseaux tombent, rappelant qu'ils proviennent d'un héros courageux. Ces oiseaux nés soudainement tirent leur nom de leur père, et ainsi sont appelés Memnonides ; quand le soleil a parcouru le Zodiaque, ils reprennent la guerre, destinés à mourir avec des cris de deuil. |
13, 620 |
Ergo
aliis latrasse Dymantida flebile uisum est ; luctibus est Aurora suis intenta piasque nunc quoque dat lacrimas et toto rorat in orbe. |
Les autres dieux
jugèrent bon de pleurer sur les aboiements de la fille de Dymas, tandis qu'Aurore, toute à son deuil, de nos jours encore verse des larmes pieuses, et répand sa rosée sur toute la terre. |
NOTES
Hypsipylé... Thoas... (13, 399). Ces deux noms servent à désigner l'île de Lemnos, où Ulysse est allé rechercher Philoctète (voir n. à 13, 45-54). Hypsipylé était la fille de Thoas, roi de Lemnos, à une époque où les Lemniennes, affligées d'une odeur nauséabonde par Aphrodite/Vénus qui les punissait d'avoir négligé son culte, étaient délaissées par leurs maris ; pour se venger, elles massacrèrent tous les hommes de l'île, et seule Hypsipylé avait sauvé son père du massacre. - Ovide s'inspire maintenent, non plus de l'Iliade, mais principalement des auteurs tragiques, par exemple, le Philoctète de Sophocle.
Tirynthien (13, 401). C'est-à-dire d'Hercule, fils présumé d'Amphitryon, roi de Tirynthe (voir n. 7, 410). Philoctète avait reçu les armes d'Hercule/Héraclès.
Troie tombe... (13, 404). Pour la fin de Troie et de Priam, sous les coups de Pyrrhus/Néoptolème, voir Virgile, Én., 2, 438-558.
épouse de Priam (13, 404). C'est Hécube, dont Ovide annonce d'emblée la métamorphose, et qui sera le pivot du récit jusqu'au vers 575.
Hellespont (13, 407). Aujourd'hui le détroit des Dardanelles.
prêtresse de Phébus (13, 410). Cassandre, fille de Priam, soeur d'Hélénus, aimée d'Apollon/Phébus et dotée par lui du don de prophétie. Punie pour avoir repoussé les avances du dieu, elle devient une prophétesse de malheur et personne dès lors ne croit plus en ses prédictions. Voir Virgile, Én., 2, 246-247, avec d'autres références. Arrachée de l'autel de Pallas par Ajax, et captive d'Agamemnon, elle fut tuée en même temps que lui à son retour par Clytemnestre et Égisthe.
Dardaniennes (13, 412). C'est-à-dire les Troyennes, Dardanus étant un des rois fondateurs de Troie
Astyanax (13, 415). Fils d'Hector et Andromaque, arraché aux bras de sa mère et précipité du haut des remparts de Troie, selon Euripide, Les Troyennes, vers 709-773. Voir aussi Sénèque, Les Troyennes, vers 1069-1119. Il existe aussi d'autres versions concernant cette mort.
Borée (13, 418). Équivalent du latin Aquilo, désignant le vent du Nord.
mains Dulichiennes (13, 425). Périphrase désignant Ulysse (voir 13, 107), dont Hécube est devenue l'esclave.
Bistoniens (13, 430). Autre nom pour les Thraces.
Polymestor... Polydore (13, 430-432). Polymestor était roi de Chersonnèse de Thrace, et avait épousé une fille de Priam, Ilioné. Pour épargner à son plus jeune fils, Polydore, de participer à la guerre, Priam l'avait confié à sa fille et à son gendre. Mais, quand l'étoile de Troie commença à pâlir, Polymestor prit le parti d'Agamemnon, et tua son pupille pour s'emparer de son trésor. Diverses versions de la légende existent. Celle que suit ici Ovide est présente dans Én., 3, 26-57, avec la note 45, et aussi chez Euripide, Hécube, 1-30.
fils d'Atrée (13, 439). Il s'agit ici d'Agamemnon.
fureur... (13, 443). Allusion à la célèbre dispute du début de l'Iliade (1, 54-205), qui opposa Achille à Agamemnon pour la possession de Briséis.
Mânes (13, 448). Les esprits des morts. Voir par exemple 2, 303, avec d'autres références.
Néoptolème (13, 455). C'est Pyrrhus, le fils d'Achille, qui accompagna Ulysse à Lemnos pour aller rechercher Philoctète, et qui joua un rôle important lors de la mort de Priam et de la chute de Troie. Voir aussi n. à 13, 155.
Styx (13, 465). Un des fleuves des enfers; désigne ici le monde des morts. Voir 1, 189.
a succombé... (13, 501). Allusion à la mort d'Achille, racontée en 12, 580-609.
Pénélope... (13, 511-513). L'épouse d'Ulysse, qui allait lui faire présent de sa captive Hécube, laquelle s'imagine accomplissant les tâches usuelles des esclaves des dames romaines.
un enfant... (13, 528). C'est Polydore (voir n. 13, 430-432)
Ismarus (13, 530). Synonyme de Thrace, où se trouve une montagne de ce nom (voir par exemple 2, 257 ; 9, 642 ; 10, 305).
le corps... (13, 536-537). Ce passage semble aussi inspiré d'Euripide, Hécube, plutôt que de l'Iliade.
Odryses (13, 554). Peuplade de Thrace (voir 6, 490). Le roi des Odryses est ici Polymestor.
l'événement (13, 570). La métamorphose d'Hécube en chienne. Selon une version de la légende d'Hécube, qui semble suivie ici par Ovide, Hécube, devenue chienne, se jeta dans la mer, en un point de l'Hellespont, près d'Abydos, lieu portant le nom de Cynossema, « tombeau du chien » (sur ce terme, cfr Strabon, 13, 1, 28 ; Euripide, Hécube, 1271-1273 ; Thucydide, 8, 104).
Sithoniens (13, 571). Synonyme de Thraces, la Sithonie étant une presqu'île de Chalcidique, en Thrace. Voir 6, 588.
Aurore (13, 576). Éos, en grec, déesse fille d'Hypérion et soeur d'Hélios/le Soleil et de Séléné/la Lune. Chaque matin, elle monte sur son char tiré par des chevaux blancs et annonce ainsi aux dieux et aux hommes la naissance d'un jour nouveau. Cette déesse est réputée pour ses nombreuses passions amoureuses. Voir par exemple son aventure avec Céphale (Mét., 7, 690-713, et surtout la n. à 703). Elle s'était éprise de Tithonos, un frère de Priam, union dont était né Memnon.
Memnon (13, 579). Fils de Tithonos et d'Aurore, Memnon, élevé par les Hespérides, fut roi d'Éthiopie ; il avait la peau sombre, et était réputé d'une grande beauté. Memnon participa à la guerre de Troie dans le camp de son oncle Priam, et fut tué par Achille (voir 13, 596-597). - Sa légende semble s'être développée après Homère. Eschyle et Sophocle avaient chacun écrit une tragédie, aujourd'hui perdue, intitulée Memnon.
la femme que je suis (13, 591). Alors que je ne suis qu'une femme.
Memnonides (13, 618). La métamorphose des cendres de Memnon en oiseaux décrite ici par Ovide semble se rattacher à une version de la légende qui situe la tombe de Memnon sur les rives de l'Hellespont, où chaque année on voyait s'assembler des oiseaux pour pleurer le héros. Ces oiseaux, d'après P. Grimal, passaient pour être soit les compagnons de Memnon, métamorphosés en oiseaux, ou même ses cendres. L'histoire est mentionnée notamment par Pausanias (X, 31, 6) et par Pline l'Ancien (N.H., 10, 74). « On ne les a pas identifiés. Il s'agit évidemment [ils venaient, disait-on, tous les ans d'Afrique, se dirigeant vers le Nord] d'oiseaux migrateurs » (J. Chamonard).
avec des cris de deuil (13, 619). L'adjectif latin parentalis renvoie probablement à la fête romaine des Parentalia, en l'honneur des morts (cfr Fastes, 2, 533ss).
Les autres dieux... (13, 620-622). Ces trois vers constituent la conclusion de ce long passage (399-622) consacré à Hécube (fille de Dymas selon certains, fille de Cissée, selon d'autres). Ils expliquent aussi le lien, assez artificiel, établi par Ovide entre Hécube et Aurore, deux mères éplorées par la perte de leurs enfants, victimes d'Achille, et dont le chagrin se perpétue par deux métamorphoses.
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