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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
XLIX. La corruption de ses moeurs
(1)
Sa réputation de sodomite lui vint
uniquement de son séjour chez
Nicomède;
mais il en rejaillit sur lui un opprobre
ineffaçable, éternel et qui l'exposa
à une foule de railleries. (2) Je ne rappellerai
pas ces vers, si connus, de Licinius
Calvus: (3) Je ne citerai pas
les discours de Dolabella
et de Curion
le père,
où César est appelé par le
premier "la rivale de la reine, la planche
intérieure de la litière royale;" et
par le second, "l'étable
de Nicomède," et "le mauvais lieu de
Bithynie." (4) Je ne
m'arrêterai pas non plus aux édits de
Bibulus
contre son collègue, édits où
il le traite de "reine de Bithynie," et lui
reproche à la fois son ancien goût
pour un roi et son nouveau penchant pour la
royauté. (5) Marcus
Brutus
raconte qu'à cette même époque
un certain Octavius, espèce de fou qui avait
le droit de tout dire, donna à
Pompée, devant une assemblée
nombreuse, le titre de roi, et salua César
du nom de reine. (6) C.
Memmius
lui reproche aussi d'avoir servi Nicomède
à table, avec d'autres
débauchés, et
de lui avoir présenté
la
coupe et le vin
devant un grand nombre de convives, parmi lesquels
étaient plusieurs négociants romains,
dont il cite les noms. (7) Cicéron,
non content d'avoir écrit, dans
ses lettres,
que César fut conduit par des gardes dans la
chambre du roi, qu'il s'y coucha, couvert de
pourpre, sur un lit d'or, et que ce
descendant
de Vénus
prostitua en Bithynie la fleur de son âge,
lui dit un jour en face, au milieu du sénat,
où César défendait la cause de
Nysa,
fille de Nicomède, et rappelait les
obligations qu'il avait à ce roi: "Passons,
je vous prie, sur tout cela; on sait trop ce que
vous en avez reçu et ce que vous lui avez
donné." (8) Enfin, le jour
où il célébra son
triomphe
sur les Gaules, les soldats, parmi les chansons
satiriques
dont ils ont coutume d'égayer la marche du
triomphateur, chantèrent aussi ce couplet
fort connu: César a soumis les
Gaules, Nicomède a soumis César: (1)
Pudicitiae eius famam nihil quidem praeter
Nicomedis contubernium laesit, graui tamen et
perenni obprobrio et ad omnium conuicia
exposito. (2)
Omitto Calui Licini notissimos uersus: Bithynia
quicquid et pedicator Caesaris umquam
habuit. (3)
Praetereo actiones Dolabellae et Curionis patris,
in quibus eum Dolabella "paelicem reginae, spondam
interiorem regiae lecticae," at Curio "stabulum
Nicomedis et Bithynicum fornicem"
dicunt. (4)
Missa etiam facio edicta Bibuli, quibus proscripsit
collegam suum Bithynicam reginam, eique antea regem
fuisse cordi, nunc esse regnum. (5)
Quo tempore, ut Marcus Brutus refert, Octauius
etiam quidam ualitudine mentis liberius dicax
conuentu maximo, cum Pompeium regem appellasset,
ipsum reginam salutauit. (6)
Sed C. Memmius etiam ad cyathum ei Nicomedi
stetisse obicit, cum reliquis exoletis, pleno
conuiuio, accubantibus nonnullis urbicis
negotiatoribus, quorum refert nomina. (7)
Cicero uero non contentus in quibusdam epistulis
scripsisse a satellitibus eum in cubiculum regium
eductum in aureo lecto ueste purpurea decubuisse
floremque aetatis a Venere orti in Bithynia
contaminatum, quondam etiam in senatu defendenti ei
Nysae causam, filiae Nicomedis, beneficiaque regis
in se commemoranti: "Remoue," inquit, "istaec, oro
te, quando notum est, et quid ille tibi et quid
illi tute dederis." (8)
Gallico denique triumpho milites eius inter cetera
carmina, qualia currum prosequentes ioculariter
canunt, etiam illud uulgatissimum pronuntiauerunt:
Gallias Caesar subegit, Nicomedes Caesarem: Ecce
Caesar nunc triumphat qui subegit Gallias,
Nicomedes non triumphat qui subegit
Caesarem.
Tout ce que posséda jamais la
Bithynie,
Et l'amant de César...
Vous voyez aujourd'hui triompher César qui a
soumis les Gaules,
Mais non point Nicomède qui a soumis
César.
CommentaireC. Licinius Calvus : a.82-47. Orateur réputé (cf. Cicéron, Brutus, § 283) et poète, grand ami de Catulle.
Dolabella : pour H.E. Butler - M. Cary, C. Suetonii Tranquilli Divus Iulius, Oxford, 1927, p.109, l'orateur Dolabella dont on parle ici serait le consulaire et triomphateur cité ci-dessus, ch.4 ; pour l'éditeur de la Vie de César dans la C.U.F., H. Ailloud, p.34, n.3, l'orateur du ch. 49 pourrait être le fils du consulaire mais, d'après E. Badian, The Dolabellae of the Republic, dans Papers of the British School at Rome, N.S., 20, 1965, p.50, le Dolabella dont on voudrait faire le fils du consulaire serait en réalité son neveu.
M. Brutus : a. 85-42, le futur assassin de César. Ami de Cicéron, homme d'action mais aussi intellectuel auteur de nombreux ouvrages malheureusement disparus. Plutarque lui a consacré une de ses Vies parallèles (Dion-Brutus).
La coupe et le vin : César aurait donc servi d'échanson à la cour de Nicomède, rôle généralement réservé à de jeunes et jolis garçons, « aux cheveux parfumés » (capillis unctis : Horace, Odes, I, 29, 7-8).
Lettres : les lettres en question n'ont pas été conservées.
Nysa : la fille de Nicomède, qui portait le même nom que sa mère, n'est connue que par cette allusion de Suétone.