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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
IX. Il entre dans plusieurs conjurations qui avortent
(1) Il n'en
médita pas moins
bientôt
à Rome
de plus grands
projets. On dit, en effet, que, peu de jours avant
de prendre possession de l'édilité,
il entra dans une conspiration
avec le consulaire Marcus
Crassus, et
avec Publius
Sylla et
L.
Autronius,
condamnés tous deux pour brigue,
après avoir été
désignés consuls. Ils devaient
attaquer le sénat au commencement de
l'année, en égorger une partie,
donner la dictature
à Crassus, qui aurait eu César pour
maître
de la cavalerie;
et, après s'être ainsi emparés
du gouvernement, rendre à Sylla et à
Autronius le consulat qu'on leur avait
ôté. (2) Tanusius
Geminus dans
son histoire, Marcus
Bibulus dans
ses édits, et C.
Curion, le
père, dans ses discours, parlent de cette
conjuration. Cicéron lui-même
paraît y faire allusion dans une lettre
à Axius,
où il dit que César effectua, pendant
son consulat, le projet de domination qu'il avait
conçu étant édile. Tanusius
ajoute que Crassus, soit peur, soit repentir, ne se
montra pas le jour marqué pour le meurtre,
et que, pour cette raison, César ne donna
point le signal convenu, qui était, à
ce que rapporte Curion, de laisser tomber sa toge
de son épaule. (3) Le même
Curion et M.
Actorius Nason
lui imputent encore une autre conspiration avec le
jeune Gnaeus
Pison, et
prétendent que c'est sur le soupçon
des menées de ce Pison dans Rome, qu'on lui
donna, à
titre
extraordinaire, le gouvernement
de l'Espagne;
que néanmoins ils convinrent
de
provoquer ensemble une
révolution,
l'un au dehors, l'autre à Rome, et d'agir au
moyen des Ambrones
et des peuples qui sont au-delà du Pô;
mais que la mort
de Pison fit
avorter leurs projets. (1)
Nec eo setius maiora mox in urbe molitus est:
siquidem ante paucos dies quam aedilitatem iniret,
uenit in suspicionem conspirasse cum Marco Crasso
consulari, item Publio Sulla et L. Autronio post
designationem consulatus ambitus condemnatis, ut
principio anni senatum adorirentur, et trucidatis
quos placitum esset, dictaturam Crassus inuaderet,
ipse ab eo magister equitum diceretur constitutaque
ad arbitrium re publica Sullae et Autronio
consulatus restitueretur. (2)
Meminerunt huius coniurationis Tanusius Geminus in
historia, Marcus Bibulus in edictis, C. Curio pater
in orationibus. De hac significare uidetur et
Cicero in quadam ad Axium epistula referens
Caesarem in consulatu confirmasse regnum, de quo
aedilis cogitarat. Tanusius adicit Crassum
paenitentia uel metu diem caedi destinatum non
obisse et idcirco ne Caesarem quidem signum, quod
ab eo dari conuenerat,dedisse; conuenisse autem
Curio ait, ut togam de umero deiceret. (3)
Idem Curio sed et M. Actorius Naso auctores sunt
conspirasse eum etiam cum Gnaeo Pisone adulescente,
cui ob suspicionem urbanae coniurationis prouincia
Hispania ultro extra ordinem data sit; pactumque ut
simul foris ille, ipse Romae ad res nouas
consurgerent, per Ambranos et Transpadanos;
destitutum utriusque consilium morte
Pisonis.
CommentaireÉdilité : second échelon dans le cursus honorum, le premier étant la questure. Il y a quatre édiles, deux patriciens et deux plébéiens. D'après Cicéron (De legibus, III, 3, 7), les édiles ont une triple charge, la cura urbis (administration de la ville : police, incendies, propreté des rues et des places publiques ), la cura annonae (approvisionnement, contrôle des prix, des poids et mesures ), la cura ludorum solemnium (oganisation des grands jeux publics). - César exerce l'édilité en 65 ; parmi ses collègues figure Quintus Tullius Cicero, le frère de l'orateur.
Conspiration : il s'agit de ce que Salluste (Catilina, 19, 6) appelle la « première conjuration de Catilina » (décembre 66 - début 65). Le récit de Salluste (Catilina, 18-19) est sensiblement différent de celui de Suétone. Salluste ne cite ni Crassus, ni César parmi les conjurés : pour lui, les meneurs sont les deux consuls évincés, P. Autronius et P. Sylla, associés à Catilina et à Gn. Pison.
M. Licinius Crassus : consul en 70, avec Pompée, élu à la censure pour l'année 65. César, Pompée et Crassus formeront en 60 ce qu'on appelle le « premier triumvirat » (cf. ci-dessous, ch.19, 4). Biblio.: B.A. Marshall, Crassus. A Political Biography, Amsterdam, 1976; A.M. Ward, Marcus Crassus and the Late Roman Republic, Columbia-Londres, 1977.
P. Cornelius Sylla : parent (neveu ?) du dictateur mais partisan de César. Consul désigné pour l'année 65, il est condamné avant d'entrer en fonction. P. Sylla commandera l'aile droite de l'armée de César à la bataille de Pharsale en 48 (César, Guerre civile, III, 89, 3).
Publius Autronius Paetus : Suétone le prénomme erronément Lucius. Préteur en 68, consul désigné pour 65, Autronius Paetus participe à la conjuration de Catilina en 63, ce qui lui vaut une condamnation à l'exil : il se retire en Épire. Portrait très sévère d'Autronius Paetus dans Cicéron, Pro Sylla, § 71.
Brigue : corruption électorale, très répandue à Rome, contre laquelle on a réagi par plusieurs lois de ambitu.
Dictature : magistrature extraordinaire à laquelle on recourait, dans les premiers temps de la République, en cas de crise grave, politique ou militaire. Le dictateur était nommé par un des consuls, sur proposition du Sénat. Il disposait de pouvoirs très étendus mais son mandat ne pouvait pas aller au-delà de six mois.- Les dictatures du premier siècle (Sylla, César) sont évidemment d'une nature toute différente.
Maître de cavalerie : magistrature extraordinaire associée à la dictature. À l'origine, le magister equitum, comme son nom l'indique, commande la cavalerie puis son rôle s'élargit et il devient une sorte d'adjoint du dictateur.
Tanusius Geminus : historien du premier siècle, également cité par Plutarque (César, 22, 4). Cf. H. Peter, Historicorum Romanorum reliquiae, II, Stuttgart, 1967 [1906], p. 49-51.
M. Calpurnius Bibulus : collègue de César au consulat en 59, Bibulus essaie, sans succès, de combattre certaines mesures prises par celui-ci. Découragé, il se borne à manifester son opposition par des édits dont les préambules peuvent être violemment hostiles au futur dictateur. Cf. ci-dessous, ch.19, 1-3 ; 20, 3 ; 49, 4.
C. Scribonius Curio : consul en 76. Orateur réputé mais que Cicéron juge assez sévèrement (Brutus, § 210-220). Adversaire déclaré de César : cf. ci-dessous, ch. 52, 6.
Q. Axius : sénateur avec lequel Cicéron a entretenu des relations épistolaires; ces lettres sont malheureusement perdues.
M. Actorius Naso : personnage quasiment inconnu. Il aurait composé un ouvrage historique consacré à César et à son époque. Suétone le cite à nouveau au ch. 52, 1.
Gn. Calpurnius Piso : portrait peu flatteur de ce personnage chez Salluste (Catilina, 18, 4) : « jeune noble d'une extrême audace, besogneux, factieux que la misère et la perversion incitaient à jeter le désordre dans la République » (trad. A. Ernout). Suétone semble distinguer la conspiration de César/Pison de la précédente (César/Crassus ; consuls évincés). Pour Salluste, les deux conspirations n'en font qu'une, menée, comme on l'a vu ci-dessus, par Catilina, Pison et les consuls.
Gouvernement de l'Espagne : curieuse attitude du Sénat qui récompense un conspirateur par un gouvernement provincial ! Salluste (Catilina, 19, 1-2) fournit une double explication. Crassus aurait appuyé la promotion du farouche adversaire de Pompée qu'était Pison et le Sénat aurait accepté cette nomination pour écarter de Rome un individu dangereux.
Ambrons : peuple du nord de l'Italie, probablement d'origine germanique.
Mort de Pison : cf. Salluste (Catilina, 19, 3-5) qui rapporte que le nouveau gouverneur a été tué par des cavaliers espagnols enrôlés dans son armée. Selon les uns, dit Salluste, ces Espagnols ne supportaient pas la dureté de leur chef ; selon d'autres, les meurtriers étaient des partisans de Pompée.
[21 février 2001]