Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 218b-228a Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021) [BCS] [FEC] [Accueil JOM] [Fichiers JOM] [Pages JOM] [Table des Matières JOM] ENCORE LA LÉGENDE ARTHURIENNE ET LE MONDE MÉROVINGIEN - L'ÉVÊCHÉ DE TONGRES - LA PAPAUTÉ Ans 517-531 de l'Incarnation Texte et traduction
A. Ans 517-518 de l'Incarnation = Myreur II, p. 218b à 220a : Guerres indécises entre Chilpéric Ier, époux de Frédégonde, aidé de son prévôt Lothaire, et son frère Sigebert Ier, époux de Brunehaut - Sigebert l'emporte et s'installe à Paris, d'où il s'apprête à attaquer Chilpéric réfugié à Tournai avec Frédégonde et leur fils Clotaire - Frédégonde fait assassiner Sigebert B. Ans 518-529 de l'Incarnation = Myreur II, p. 220b-222a : Childebert II, fils de Sigebert et Brunehaut, se fait couronner roi d'Austrasie à Metz - Chilpéric Ier exile à Rouen Brunehaut qui se trouvait à Paris - Brunehaut y épouse Mérovée, présenté comme un bâtard (fils naturel) de Chilpéric - Mariage éphémère - Chilpéric reconquiert son pays, à qui il impose des taxes très impopulaires - Frédégonde s'éprend de Landeric, un chevalier de la cour du roi - Elle pousse son mari à faire la guerre à son neveu Childebert II, en espérant qu'il mourra au combat - Finalement elle amène son amant à assassiner son mari, ce qui se produit - Divers - Clotaire II, fils de Chilpéric Ier et de Frédégonde, tout jeune encore, devient huitième roi de Francie - Il a comme tuteurs Landeric et Frédégonde - Le prévôt du défunt Chilpéric, Lothaire, gouverne le royaume, comme le veut la coutume C. Ans 520-522 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 222b-224a : Guerres entre Childebert II d'Austrasie et les Francs menés par la rusée Frédégonde - Childebert l'emporte - Fin cruelle de Frédégonde en aveu : elle est torturée puis étranglée - Son amant Landeric est torturé et pendu - Divers : Eucher de Tongres - Remi de Reims - Mort du pape Hormisdas remplacé par Jean Ier D. Ans 522-525 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 224b-225a : Brunehaut survit à son fils Childebert II, vaincu et tué par les Francs de Neustrie dirigés par le prévôt Lothaire - Les deux fils de Childebert II sont rois, Théodebert II en Austrasie et Thierry II en Bourgogne - Brunehaut la magicienne et les chaussées - Divers : Mort du pape Jean Ier remplacé par Félix IV - Théodoric le Grand et l'empereur Justinien E. Ans 526-527 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 225b-228a : Le roi Arthur, Paris et leurs conquêtes (Vandales, Nubie) - Évêché de Tongres : mort de Falcon, remplacé par Eucher - Papauté : mort de Félix IV, remplacé par Boniface II - Empire romain : mort de l'empereur Justin Ier, remplacé par Justinien, qui régna 33 ans F. Ans 528-530 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 226b-228b : En Orient, Paris conquiert la Chaldée et de nombreux autres pays - Luttes féroces entre Théodoric/Thierry II de Bourgogne et les Francs du prévôt Lothaire qui ont pénétré en Bourgogne - Lothaire est tué par Théodoric/Thierry et les Francs s'enfuient - Le prévôt Lothaire remplacé par le prévôt Wanbolus - Danemark - Priscien - saint Antoine - Décision du pape Boniface II G. Ans 530-531 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 228 : Évêché de Tongres : mort d'Eucher remplacé par Domitien - Papauté : mort de Boniface II remplacé par Jean II - Afrique : persécution des Vandales et châtiment divin
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A. Ans 517-518 de l'Incarnation = Myreur II, p. 218b à 220a Guerres indécises entre Chilpéric Ier, époux de Frédégonde, aidé de son prévôt Lothaire, et son frère Sigebert Ier, époux de Brunehaut - Sigebert l'emporte et s'installe à Paris, d'où il s'apprête à attaquer Chilpéric réfugié à Tournai avec Frédégonde et leur fils Clotaire - Frédégonde fait assassiner Sigebert |
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[II, p. 218b] [L’an Vc et XVII - Gerre entre le roy d’Austrie et de Franche] En cel an assemblat Sigibert, ly roy d'Austrie, grans oust, et puis entrat en Franche en mois d'avrilhe l'an Vc et XVII, por destruire le roy Cilperis son frere, car ilh avoit pres de V ans que ilh l'avoit deffiet, por l'enortement del male Fredegunde, qui disoit que ly roy Sigibers avoit fait ochire les enfans Cilperis. |
[II, p. 218b] [L’an 517 - Guerre entre les roi d’Austrasie et de Francie] Cette année-là, Sigebert Ier, le roi d'Austrasie, rassembla une grande armée, puis entra en Francie en avril de l'an 517, afin d'anéantir son frère le roi Chilpéric Ier, car près de cinq ans auparavant Chilpéric l'avait défié, sur le conseil de la méchante Frédégonde, qui prétendait que le roi Sigebert avait fait tuer les enfants de Chilpéric (cfr II, p. 215 ). |
Et maintenant savait bien Cilperis comment la besongne allait, se soy taisoit de chu que fait estoit ; mains ly roy Sigibers, qui culpe n'y avoit, en fut corochiés, si entrat en Franche à feu et à flamme. Mains quant Cilperis le soit, sy envoiat le prevost, qui fut nommeis Lotare, à mult grant gens par-delà le Loire en la terre le roy Sigibers, liqueis prevost le wastat toute et ardit ; puis encontrat le duc de Pontou Gondebaut, qui astoit de la partie le roy Sigibers ; si soy combatirent ensemble, si fut Gondebaut desconfis, et de ses gens fut faite si grande occision que toute terre en fut desangletée. Apres retournat arriere Lotare, et assegat Potiers et le conquist al dierain, puis se le wastat laidement. |
Maintenant Chilpéric, qui savait ce qu'il fallait faire, se taisait sur ce qui s'était passé ; mais Sigebert, qui n'était pas coupable, était très irrité. Il entra en Francie, y répandant feu et flammes. Quand Chilpéric le sut, il envoya son prévôt, Lothaire, à la tête de forces nombreuses, au-delà de la Loire, sur les terres du roi Sigebert. Lothaire les dévasta complètement et les incendia. Il rencontra ensuite le duc de Poitou, Gondebaud [Gundoald, cfr II, p. 222 et 225 ?], qui relevait de Sigebert. Dans la bataille, Gondebaud fut défait et ses hommes subirent un tel massacre que tout le pays fut couvert de sang. Après cela, Lothaire revint en arrière, assiégea Poitiers, dont il fit finalement la conquête et qu'il dévasta affreusement. |
[II, p. 219] [Cilperis fut desconfis] Puis alat ly roy Cilperis encontre son freire le roy Sigibers ; mains quant li roy Sigibers soit que ly roy Cilperis venoit à si grant gens, si retournat à Mes faliement, et li roy CiIperis en alat avant en ardant le paiis d'Austrie, et gastat toute jusqu'à la riviere del Riens. Mains quant Sigibers veit chu et que son frere n'avoit cure del retourneir, sy assemblat ses hommes et vint contre luy, si le corut sus l'an Vc et XVIII en mois d'avrilhe ; mains ly roy Cilperis fut desconfis et s'enfuit devers Paris. Et ly roy Sigibers retournat ariere vers Mes, où ilh mandat toutes ses gens petis et grans por aleir en Franche destrure son frere. |
[II, p. 219] [Chilpéric fut défait] Ensuite le roi Chilpéric marcha contre son frère le roi Sigebert ; mais quand Sigebert sut que Chilpéric arrivait avec d'importantes forces, il retourna lâchement à Metz. Le roi Chilpéric avança, incendiant le pays d'Austrasie, qu'il dévasta entièrement jusqu'au Rhin. Quand Sigebert vit cela, il comprit que son frère n'avait nullement l'intention de repartir. Il rassembla ses hommes, marcha contre lui et l'attaqua en l'an 518, au mois d'avril. Le roi Chilpéric fut vaincu et s'enfuit vers Paris. Quant à Sigebert, retourné à Metz, il convoqua tous ses hommes, petits et grands, pour aller anéantir son frère en Francie. |
[Ly roy Sigebers gangnat Paris] Adont vient novelle al prevoste Lotare que li roy Cilperis estoit desconfis, sique li prevoste retournat à Soison ; et li roy Sigibers entrat en Franche, ardant et gastant tout, et tant qu'ilh vient devant Paris et l'assegat ; mains li roy Cilperis issit fours à grant gens ; si corut sus le roy Sigibers et ses gens, mains ly roy Cilperis fut desconfis, si s'enfuit vers Paris et entrat ens par une postiche, et prist sa femme la male Fredegunde et Lotare son fis, si s'enfuit droit à Tournay ; mains quant les Franchois de Paris veirent chu, se le relenquirent et rendirent la citeit al roy Sigibers, se le rechurent à saingnour et à roy. |
[Le roi Sigebert gagna Paris] Alors le prévôt Lothaire, ayant appris que le roi Chilpéric était vaincu, retourna à Soissons. Sigebert, de son côté, pénétra en Francie, incendiant et dévastant tout jusqu'à ce qu'il arrive devant Paris, qu'il assiégea. Chilpéric sortit de la ville avec de nombreuses forces, courut sus au roi Sigebert et à ses gens, mais il fut défait. Il se replia vers Paris où il entra par une poterne. Il prit alors avec lui sa femme, la méchante Frédégonde ainsi que leur fils Clotaire, et s'enfuit directement à Tournai. Quand les Francs de Paris apprirent la nouvelle, ils abandonnèrent leur ville et se rendirent au roi Sigebert, l'accueillant comme leur seigneur et leur roi. |
[Ly roy Sigebers assegat son frere en Tournay] Adont dest li roy Sigibers qu'ilh yroit assegier Tournay, mains sains Germains, ly evesques de Paris, ly defendit asseis en disant : « Roy, tu fais male quant tu vues aleir quere le sanc de ton frere, et se tu n'en toy relaisse, la fosse que tu quide avoir apparrelhié por ly serai por toy ». Mains à chu ne voult ly roy riens entendre, car ilh assegat Tournay. |
[Le roi Sigebert assiégea son frère à Tournai] Alors le roi Sigebert déclara qu'il irait assiéger Tournai, mais saint Germain, l'évêque de Paris, le lui défendit nettement en disant : « Roi, tu agis mal en voulant aller répandre le sang de ton frère. Si tu ne renonces pas à ce projet, la fosse que tu penses avoir préparée pour lui sera pour toi ». Mais le roi ne voulut rien entendre, et il assiégea Tournai. |
[Ly roy Sigebers fut murdrit par Fredegunde] Et quant la royne Fredegunde soy veit enssi assegiet, si s'avisat de grant male dont elle estoit plaine, et prist II escuwiers qui erent del evesqueit et vilhe de Terwangne, si les fist unc jour disneir awec lée, se les enyvrat de fors vin, et puis les dest : « Barons, vos esteis mes hommes, si deveis faire ma volenteit, et portant vos dis se voleis aleir ochire le roy Sigibers, je vos donray al revenir cascon une conteit. » Et ches dessent : oilh, [II, p. 220] et soy partirent de Tornay, et vinrent al treit le roy, et li dessent qu'ilh voloient parleir à ly en secreit. Et ly roy les mynat en sa tente secrée, et adont l'ont murdrit de II misericord ; et puis vourent fuir, mains ilh furent tous depechiés de ses gens. |
[Le roi Sigebert fut assassiné sur ordre de Frédégonde] Quand Frédégonde se vit ainsi assiégée, elle conçut une idée inspirée par la grande méchanceté dont elle était imbue. Elle choisit deux écuyers, qui appartenaient à l'évêché et à la ville de Thérouanne, les fit un jour dîner avec elle, les enivra d'un vin très fort et puis leur dit : « Barons, vous êtes mes hommes, et vous devez faire ma volonté. Pour cela, je vous dis que si vous voulez aller tuer le roi Sigebert, je vous donnerai à chacun un comté à votre retour ». Ils acceptèrent [II, p. 220], quittèrent Tournai, s'approchèrent du camp du roi et dirent qu'ils voulaient lui parler en secret. Le roi les conduisit alors à l'intérieur de sa tente et, là, ils l'assassinèrent de deux coups de scramasaxes. Ils voulurent ensuite fuir, mais ils furent mis en pièces par les gens du roi. |
Assassinat de Sigebert Ier : Selon Jean d'Outremeuse, Sigebert Ier aurait été assassiné sur ordre de Frédégonde en l'an 518 de l'Incarnation. Dans l'histoire, cet assassinat eut lieu en l'an 575 de notre ère. Il est décrit notamment dans le Liber Historiae Francorum, § 32, p. 111-113, éd. Lebecq. |
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B. Ans 518-529 de l'Incarnation = Myreur II, p. 220b-222a Childebert II, fils de Sigebert
et Brunehaut, se fait couronner roi d'Austrasie à Metz - Chilpéric envoie en
exil à Rouen Brunehaut qui se trouvait à Paris - Brunehaut y épouse Mérovée,
présenté comme un bâtard (fils naturel) de Chilpéric - Mariage éphémère - Chilpéric reconquiert son pays, à qui il
impose des taxes très impopulaires - Frédégonde s'éprend de Landeric, un chevalier de la cour du roi - Elle pousse son
mari à faire la guerre à son neveu Childebert II, en espérant qu'il mourra au combat - Finalement
elle pousse son amant à assassiner son mari, Chilpéric - Clotaire II, fils de Chilpéric et de Frédégonde, tout jeune encore, devient
huitième roi de Francie, avec comme tuteurs Landeric et Frédégonde - Le
prévôt du défunt Chilpéric, Lothaire, gouverne le royaume, comme le veut la
coutume
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[II, p. 220b] De chi fait furent les oust si esbahis que iIh soy departirent, sy en ralat cascon en son paiis. Et la royne Broucilde ne soit que faire, si s'en alat droit à Paris. Et quant Hildebers, qui estoit à Mes où ilh gardoit le paiis, soit cest novelle, se soy fist coroneir à roy d'Austrie ; si regnat cum chevalier puissans et gueriat son oncle, enssi com vos oreis. |
[II, p. 220b] Cet assassinat marqua tellement les armées que chacun retourna dans son pays. La reine Brunehaut, ne sachant que faire, partit directement pour Paris. Lorsque Childebert II, resté à Metz pour garder le pays, apprit la nouvelle, il se fit couronner roi d'Austrasie. Il régna en chevalier puissant et fit la guerre à son oncle Chilpéric, comme vous allez l'entendre. |
Childebert II : Jean d'Outremeuse ne dit pas qu'à l'assassinat de Sigebert Ier, en 575 de notre ère, son fils, Childebert II, n'avait que 5 ans quand il fut couronné roi d'Austrasie. Le pouvoir sera assuré quelques années par son tuteur, Gogon, puis par Egidius, l'évêque de Reims, ensuite et essentiellement par sa mère Brunehaut, même après la majorité du roi. Il régna durant vingt ans, jusqu'à sa mort en 595 de notre ère, comme roi d'Austrasie d'abord, puis, après la mort de son oncle Gontran qui l'avait adopté, comme roi de Bourgogne. Jean d'Outremeuse reviendra plus loin sur quelques éléments de sa biographie (II, p. 221-225 passim) et notamment sur sa mort (II, p. 225). |
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[Cilperis reconquist chu qu’ilh avoit perdut - Brucilde fut envoiet en exilh] Et ly roy Cilperis qui estoit à Tournay, à cuy la royne Fredegonde dest le fait, et quant ly roy entendit chu, si en fut mult dolans ; et encordont ilh issit de Tournay à grant gens et reconquestat chu que son frere ly avoit tolut, et vint à Paris, où ilh trovat la royne Brucilde, si l'envoiat en exilhe à Ruwen en Normedie, et là fut-elle unc pou de temps. |
[Chilpéric reconquit ce qu’il avait perdu - Brunehaut fut envoyée en exil] Le roi Chilpéric Ier se trouvait à Tournai. Quand Frédégonde lui raconta ce qui s'était passé, il en fut très affecté ; cependant il quitta Tournai avec de nombreuses troupes et reprit tout ce que son frère lui avait enlevé. Arrivé à Paris, il y trouva la reine Brunehaut qu'il envoya en exil à Rouen en Normandie, où elle resta quelque temps. |
[Meroveux le bastars esposat la royne Brunhaut] Puis, en cel an meismes, le prist à femme Meroveux, le fis naturel del roy Cilperis : si l'avoit envoiet en Acquitaine por conquesteir Tolouse et les altres vilhes sour le roy d'Austrie ; si estoit Meroveux retourneis par Ruewen, où ilh avoit troveit la royne Brucilde, femme al roy Sigebers, son oncle, et enssi ilh l'espousat. Mains quant ly roy Cilperis le soit, si alat à Ruwen et defist le mariage ; si fist tondre son fis, sy en fist unc moyne ; et quant li jovene roy Hildebers d'Austrie soit que sa mere BrunciIde avoit esposeit le fis de son oncle, si mandat al roy Cilperis, son oncle, qu'iIh ly revoist sa mere ; et ilh ly renvoiat volentirs. |
[Mérovée le bâtard épousa la reine Brunehaut] Cette même année [518], Mérovée, fils naturel du roi Chilpéric, épousa Brunehaut. Chilpéric l'avait envoyé en Aquitaine pour conquérir Toulouse et les autres villes qui dépendaient du roi d'Austrasie. Mérovée était repassé par Rouen, où il avait trouvé la reine Brunehaut, la veuve de son oncle, le roi Sigebert, et il l'avait épousée. Quand Chilpéric apprit cela, il se rendit à Rouen et annula le mariage. Il fit tondre son fils, faisant de lui un moine. De son côté, quand le jeune roi Childebert d'Austrasie sut que sa mère Brunehaut avait épousé le fils de son oncle Chilpéric, il demanda à celui-ci de lui renvoyer sa mère ; ce qu'il fit avec plaisir. |
Mérovée : Sur cet épisode de Mérovée, épousé par la reine Brunehaut, puis tondu sur ordre de Chilpéric, on pourra voir le Liber Historiae Francorum, § 33, p. 115-117, éd. Lebecq. Plus haut dans le Myreur (II, p. 215), Jean d'Outremeuse mentionnait que Mérovée avait été tué sur ordre de Frédégonde. Dans la présente notice, il en fait un bâtard, alors qu'en II, p. 215, il le présentait comme un des quatre enfants de Chilpéric et de son épouse Audovère. |
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[Fredegunde fist faire talhes par tot le paiis] Item, l'an Vc et XIX, par le conselhe la royne Fredegunde, fist li roy Cilperis jetteir par tout son paiis talhes et descriptions (=contributions ?) mult crueux et diverses, par lesqueiles ilh covient maintes personnes vuidier le paiis ; mains, por une maladie qui prist le roy, les fist la royne toutes rapeleir, car elle disoit que [II, p. 221] la maladie venoit al roy por le pechiet de ches descriptions. |
[Frédégonde fit lever des impôts dans tout le pays] En l'an 519, sur le conseil de Frédégonde, le roi Chilpéric fit imposer dans tout le pays diverses taxes et redevances très lourdes, ce qui amena un grand nombre de gens à quitter le pays. Mais le roi, ayant contracté une maladie, la reine les fit tous rappeler, en disant que [II, p. 221] la maladie frappait le roi parce qu'il avait péché en décrétant ces impositions. |
[ Fredegunde enamat I chevalier de la court le roy] En cel an commenchat la royne Fredegunde a ameir par amour unc bel chevalier, qui estoit en la court et avoit nom Landris, car cel royne estoit tant luxurieux que plus ne poioit ; et enssi elle estoit tant belle femme que ons ne posist troveir plus belle. Mains trop grant despit faisoit al roy quant elle laissoit faire de son corps à cheli Landris sa volenteit ; et portant que elle amoit miés Landris que le roy, elle ennortat le roy de gueroier son neveur Hildebers, le roy d'Austrie, le fis de son frere Sigibers, car elle creoit que li roy Cilperis seroit ochis al derain par ches batalhe. Et del altre part la royne Brucilde enortoit son fis Hildebert del vengier la mort son pere. Atant commenchat grant guere entre le roy Cilperis et le roy Hildebert. |
[Frédégonde tomba amoureuse d'un chevalier de la cour du roi] Cette année-là [519], la reine tomba amoureuse d'un beau chevalier, appartenant à la cour et appelé Landeric. Cette reine était impudique à un point insurpassable et de plus elle était si belle qu'on ne pouvait trouver plus grande beauté. Mais elle humiliait profondément le roi en laissant ce Landeric disposer d'elle à son gré. De plus, du fait qu'elle préférait son amant au roi, elle encourageait le roi Chilpéric à guerroyer contre son neveu Childebert, le roi d'Austrasie, fils de son frère Sigebert, car elle pensait que Chilpéric serait finalement tué dans ces batailles. De son côté, la reine Brunehaut exhortait son fils Childebert à venger la mort de son père. Alors commença une grande guerre entre le roi Chilpéric et le roi Childebert (II, son neveu). |
Item, l'an Vc XX fist li bons emperere Justiniain mettre à mort tous cheaux qui estoient entachiés de males heresies, qui estoient contre la foid catholique. |
En l'an 520, le bon empereur Justinien [qui règne de 527 à 565 de notre ère] fit mettre à mort tous ceux qui étaient égarés dans des hérésies malsaines, contraires à la foi catholique. |
[Fredegunde fist murdrir Cilperis son marit] En cel an morut et fut murdris, en mois de junne, ly roy Cilperis de Franche, par le commandement la royne Fredegunde, sa femme ; sy vos dirons la cause por quoy. |
[Frédégonde fit assassiner son mari Chilpéric] En juin de cette même année [520], le roi de Francie, Chilpéric Ier, mourut, assassiné sur l'ordre de la reine Frédégonde, son épouse. Nous vous en dirons la raison. |
Ly roy Cilperis s'aperchivoit bien des amours entre la royne et Landris. Se dest en mois deseurdit que ilh voloit aleir al bois cachier, et la royne en fut mult aise et prist une siene cambrier, si l'envoiat dire Landris que ilh venist en sa chambre quant ly roy seroit chevalchiet, et chis l'otriat. Puis alat la royne en sa chambre, sy commenchat à penier sa tieste por estre plus gracieux quant son amour venroit ; et quidoit que ly roy fust jà issus de Paris, mains ilh estoit encors en palais. |
Le roi Chilpéric s'apercevait bien des amours de la reine et de Landris. En juin 520, il dit qu'il voulait aller chasser dans les bois. La reine, toute contente, envoya une chambrière dire à Landeric de la rejoindre dans sa chambre, quand le roi serait en train de chevaucher, et Landeric accepta. Puis la reine gagna sa chambre et se mit à peigner sa chevelure, pour être plus jolie lorsque viendrait son amant. Elle croyait le roi déjà hors de Paris, mais il était encore au palais. |
[Fredegunde soit dechuit] Si avient d'aventure que ly roy revient en sa chambre, si trovat la royne unc pau bassiet al laveir sa tieste, se le ferit li roy sour le hanche de unc baston qu'ilh tenoit por jeux. Et celle, qui quoidoit le roy al bois, quidat que chu fust Landris son amour qu'elle ratendoit, si dest : « Hée! Landris, tres-douls amis, porquoy faite-vos enssi ? Veneis avant, si moy baisiés et m'acoleis, car de moy fereis vostre plaisier, chu saveis. » |
[Frédégonde se trompa] Il se fit que le roi revint dans la chambre de la reine et qu'il la trouva un peu inclinée, en train de laver sa chevelure. Par jeu, il la frappa sur la hanche avec le bâton qu'il avait en mains. La reine, qui croyait le roi à la chasse dans les bois, pensa que c'était son amant Landeric qu'elle attendait et lui dit : « Hé ! Landeric, très doux ami, pourquoi agissez-vous ainsi ? Avancez, donnez-moi un baiser et embrassez-moi ; de moi vous ferez ce qu'il vous plaira, vous le savez. » |
Et quant ly roy oiit chu, si en fut mult triste et dolans, mains ilh n'en fist nulle semblant, et soy partit atant et alat cachier al bois. Quant ly roy fut yssus de Paris, se vient Landris qui le gaitoit ; mains, oussitoist que la royne le veit, se ly dest comment elle s'estoit dechuite par lée meismes. Et quant Landris l'entendit, si fut enbahis et dest : « Ma damme, o porquoy vei-ge onques vostre bealteit, quant morir m'en convenrat ? » Et celle respondit : « Amis ne vos esmaiés point, ains creeis [II, p. 222] mon conselhe et je vous jetteray de cel perilhe, car je prenderay II de mes amis, si feray le roy ochire quant ilh revenrat del cachier ; si siereis mon maris et governerons Franche entre nos deux, car mon fis Lotaire, qui roy doit estre, est trop jovene ; mains ilh covient que oussitoist que ly roy serat ochis que nous crions et frintons fortement, affin que nos ne soions dechuis. » |
Quand le roi entendit cela, il en fut très triste et malheureux, mais n'en laissa rien paraître et partit chasser dans les bois. Quand le roi eut quitté Paris, Landeric, qui le guettait, arriva ; mais aussitôt qu'elle le vit, la reine lui raconta comment elle s'était fait tort à elle-même. Quand Landeric l'entendit, il fut stupéfait et dit : « Ma Dame, pourquoi ai-je vu un jour votre beauté, puisqu'il faudra que j'en meure ? » Elle lui répondit : « Ami, ne vous tourmentez pas, fiez-vous à [II, p. 222] mon conseil et je vous protégerai de ce danger. Je chargerai deux de mes fidèles de tuer le roi à son retour de la chasse ; vous deviendrez mon mari, et à nous deux nous gouvernerons la Francie, car mon fils Clotaire destiné à devenir roi, est trop jeune. Mais dès que le roi sera tué, nous devrons crier et faire grand bruit, pour éviter d'être mis en cause. » |
Et tout enssi fut-ilh faite, car li roy fut ochis de II sorgans qui li butarent dois cuteals en fondement, enssi qu'ilh descendoit de son cheval. Adont commenchat la male royne à crieir, quant les sorgans furent escappeis ; atant vinrent là les barons et les altres gens, et la royne leur dest que chu avoient faite les despies le roy Hildebert d'Austrie ; et demorat enssi la chouse. |
Et tout se passa ainsi : les deux serviteurs tuèrent le roi, en lui enfonçant deux couteaux dans le fondement au moment où il descendit de cheval. Alors la méchante reine se mit à crier quand les serviteurs se furent échappés. Lorsqu'arrivèrent les barons et les autres personnes, la reine leur dit que ce meurtre était le fait des espions du roi Childebert d'Austrasie ; et les choses en restèrent là. |
Landeric (Landris) est le maire du palais à Soissons, qui a joué un rôle important. Sur ses relations avec Frédégonde et son rôle dans la mort de Chilpéric, on pourra voir Liber Historiae Francorum, § 35, p. 123-127, éd. Lebecq, avec des notes signalant les différences avec le récit de Grégoire de Tours et celui de Frédégaire. Ainsi, selon Lebecq, Grégoire de Tours (VI, 46) « se contente de dire que le roi a été assassiné à Chelles au retour de la chasse, et ne désigne nul autre coupable qu'un anonyme quidam. Frédégaire précise que l'assassinat a été commis par un certain Falco, qui missus est a Brunechilde fuerat (Chronique, III, 93, Krusch = p. 65, n. 30, éd. Devillers-Meyers) ». Bref, il n'est pas sûr du tout que Frédégonde ait fait assassiner son mari. Précisons que dans l'histoire, Chilpéric Ier est mort en l'an 584 de notre ère et en 520 dans la chronologie de Jean d'Outremeuse. |
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[Lotaire fut roy de Franche ly VIIIe] Apres chu la royne et Landris assemblarent le prevoste Lotare et les barons de Franche, et fist coroneir à roy de Franche le fis le roy Cilperis de la royne Fredegunde, qui fut nomeis Lotaire, qui estoit encors jovene. Et en furent Fredegunde et Landris mambors de li, et li prevoste fut governeur de la royalme, enssi com la constumme estoit ; et deveis savoir que chis Lotare fut li VIIIe roy de Franche. Alcunnes hystoirs dient qu'ilh oit à nom Clotaire chis roy Lotaire, Iyqueis regnat XVII ans. |
[Lothaire devint le huitième roi de Francie] Après cela, la reine et Landeric réunirent le prévôt Lothaire et les barons de Francie et firent couronner roi de Francie le fils du roi Chilpéric Ier et de la reine Frédégonde. Il se nommait Lothaire (cfr note). C'était encore un enfant. Frédégonde et Landeric furent ses tuteurs, et le prévôt gouverna le royaume, comme le voulait la coutume. Vous devez savoir que ce Lothaire fut le huitième roi de Francie. Certaines histoires disent que ce roi Lothaire s'appelait Clotaire et qu'il régna durant dix-sept ans. |
Ce Lothaire/Clotaire, que Jean présente comme le huitième roi de Francie, était le dernier fils de Frédégonde et de Chilpéric Ier. Pour nous plier à l'usage actuel, nous l'avons appelé Clotaire. C'est Clotaire Il qui était encore un enfant lorsqu'il succéda à son père à la tête de la Neustrie/Francie, en 584 de notre ère. Il recevra la Bourgogne et l'Austrasie en 613 de notre ère et mourra en 629 de notre ère toujours, après un règne, fort important d'ailleurs, de quelque 35 ans. Il sera le père du roi Dagobert Ier. |
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C. Ans 520-522 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 222b-224a Guerres entre Childebert II d'Austrasie et les Francs menés par la rusée Frédégonde - Childebert l'emporte - Fin cruelle de Frédégonde en aveu : elle est torturée puis étranglée - Son amant Landeric est torturé et pendu - Divers : Eucher de Tongres - Mort du pape Hormisdas remplacé par Jean Ier - Remi de Reims |
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[II, p. 222b] [Eucheriens, li XVIIe evesque de Tongre] En cel an meismes en mois de novembre, morut à Treit sains Quirilliens, li evesques XVIe de Tongre ; chis evesque fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire à Treit, puis fut esluis uns sains proidhons qui oit nom Hucheriens (=Eucherius ? ), et fut li XVIIe evesque de Tongre et regnat II ans. |
[II, p. 222b] [Eucher, le XVIIe évêque de Tongres] En cette même année [520], au mois de novembre, saint Quirillien, le seizième évêque de Tongres, mourut à Maastricht et y fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Puis un sage, un saint homme, nommé Eucher fut élu comme dix-septième évêque de Tongres. |
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[L’an Vc et XXI - Por quoy on dit le royalme de Austrie] Item, l'an Vc et XXI vinrent novelles al roy Hildebert d'Austrie que la royne Fredegunde avoit fait mourdrir le roy Cilperis, et avoit semeit parmy Franche une fame que li roy Hildebert l'avoit faite ochire par ses despies. |
[An 521 - Pourquoi on dit le 'royaume d'Austrasie'] En l'an 521, le roi Childebert II d'Austrasie entendit dire que la reine Frédégonde avait fait mourir le roi Chilpéric et fait courir en Francie la rumeur que c'érait lui, le roi Childebert d'Austrasie, qui l'avait fait tuer par ses espions. |
De chu fut Hildebert mult corochiés, si assemblat ses hommes, et mandat le duc d'Ostrich Gondebuef, qui astoit de son rengne, car Ostrich soloit eistre la principal citeit d'Austrie, et là prist-ilh le nom de Austrie. |
Childebert en fut très irrité. Il rassembla ses hommes et convoqua le duc Gondebaud d'Autriche, qui faisait partie de son royaume, car la principale cité d'Austrasie était Autriche, d'où vint le nom d'Austrasie. |
Cfr le Gondebaud (Gundoald) de II, p. 218 et 225. Y aurait-il deux personnages différents : un Gondebaud duc d'Autriche et un Gondebaud duc de Poitou ? |
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[Grant gerre entre Hildebers et Franchois par Fredegunde] Atant vient ly roy Hildebers amont vers Campangne, et ardit tout le paiis jusques à Soison. Mains quant Fredegunde le soit, se fist que li prevoste Lotaire et Landris son amour assemblarent leurs oust, si alarent contre eaux ; mains quant ilh sorent le nombre des gens le roy Hildebert, qui astoit mult plus [II, p. 223] grans que les gens Landris, se les dest Fredegunde qu'ilh alassent à la nuit coupeir mult de bois qui là pres estoit, et si en portassent tout la nuit sour leurs chevals, al plus pres del oust le roy Hildebert qu'ilh poioient, sique al matin quideroient que chu fust unc bois, si yroient jusques là assegure et ne quideroient avoir garde ; et quant li altre nuit apres seirat passée, se les coreis sus anchois qu'ilh soient esvoilhiés, si seront desconfis. |
[Grande guerre entre Childebert et les Francs, menés par Frédégonde] Alors le roi Childebert monta en Champagne et incendia tout le pays jusqu'à Soissons. Mais quand Frédégonde l'apprit, le prévôt Lothaire et Landeric, amant de Frédégonde, assemblèrent leurs armées et marchèrent contre eux. Quand ils surent que les hommes du roi Childebert étaient bien plus [II, p. 223] nombreux que ceux de Landeric, Frédégonde leur dit d'aller durant la nuit près de là couper de nombreuses branches qui se trouvaient dans les environs et de les porter, montés sur leurs chevaux, le plus près possible des hommes du roi Childebert. Ainsi, le matin, ceux-ci croiraient se trouver près d'un bois et, sans défiance, s'avanceraient jusque là sans se sentir obligés d'être sur leurs gardes. La nuit suivante, les Francs les attaqueraient avant leur réveil et ils seraient vaincus. |
[Ly roy Hildebers fut desconfis] En teile manere fut-ilh fais et fut là fait grant occision des gens le roy Hildebert ; mains ly roy escappat et li dus d'Ostrich, si revinrent en leurs paiis. |
[Le roi Childebert fut défait] Cela se passa ainsi. Beaucoup des gens de Childebert furent tués. Cependant le roi et le duc d'Autriche échappèrent au massacre et rentrèrent dans leur pays. |
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[Falcons li XVIIIe evesque de Tongre] Item, l'an Vc et XXII morut à Treit Eucheriens, si fut consacreis evesque XVIIIe unc sains proidhons qui fut nommeis Falcons, liqueis regnat V ans : chis Falcons et Eucheriens estoient dois freres germains, les fis le conte d'Osterne, de la filhe le conte de Namur. |
[Falcon, 18e évêque de Tongres] En l'an 522, Eucher mourut à Maastricht, et un saint homme, nommé Falcon, fut consacré évêque. Il régna cinq ans. Falcon et Eucher étaient deux frères germains, fils du comte d'Osterne et de la fille du comte de Namur. |
[La mort de pape LV] En cel an en mois d'avrilhe, morut à Romme li pape Hormisda ; si fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. |
[La mort du 55e pape] Cette année-là, au mois d'avril, le pape Hormisdas mourut à Rome. Il fut enseveli dans le cimetière Saint-Calixte |
[De sainte Brigide] A cuy temps, assavoir l'an Vc et XIX, morut en Escoch la benoite virge Brigide, qui, en tesmongnaige de sa virginiteit, fist raverdir unc baston de chayne. |
[Sainte Brigide] À cette époque, en fait en l'an 519, mourut en Écosse la bienheureuse vierge Brigide qui, pour témoigner de sa virginité, fit reverdir une branche de chêne. |
[Johans li pape LVIe] Apres la mort dedit pape vacat li siege VIII jours, et al Xe, assavoir le VIIIe jour de may, fut consacreis à pape de Romme Johans, ly promier de cel nom, et fut de la nation Tuscain, le fis Constantin unc noble borgois, liqueis tient le siege II ans VIII mois et XVIII jours. |
[Jean, 56e pape] Après la mort du pape Hormisdas [qui régna de 514 à 523 de notre ère], le siège resta vacant huit jours, et le dixième jour, le 8 mai, Jean, le premier de ce nom, fut consacré pape de Rome. Il était originaire de Toscane, fils de Constantin, noble bourgeois. Il occupa le siège deux ans, huit mois et dix-huit jours. [Il régna de 523 à 526 de notre ère] |
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[Por le malvasteit de Fredegune, Franche soy rendit al roy Hildebert de Mes] Item, l'an Vc et XXII, rassemblat ly roy Hildebert grant gens, et vient en Franche ; si commenchat le paiis à conquesteir, et fist tant que tout li paiis soy rendit à ly por le malvaisteit de Fredegunde, qui les formynoit laidement ; si assegat Fredegunde et Landris en la citeit de Soison, et les prist al derain par le conselhe Brucilde, la mere le roy Hildebert, qui li fist à cest fois assembleir ses oust, car el estoit tres-subtils en l'art de nygromanche, mains devant chu ne s'en voloit nient meleir. |
[À cause de la méchanceté de Frédégonde, la Francie se rendit au roi Childebert de Metz] En l'an 522, le roi Childebert II assembla des hommes en grand nombre, vint en Francie et se mit à conquérir le pays. Il réussit à se le soumettre, étant donné la méchanceté de Frédégonde qui accablait affreusement les habitants. Childebert assiégea Frédégonde et Landeric dans Soissons, et finit par s'emparer d'eux, grâce au conseil de Brunehaut, mère du roi Childebert, qui lui fit cette fois rassembler son armée. Elle était très experte dans l'art de la magie, mais jusqu'alors elle n'avait pas voulu y avoir recours. |
[Del crueux mort Fredegunde et Landris, son amour]] Adont fist ly roy prendre des raseures, et faisoit coupeir à Landris et à Fredegunde des coroies sour le dos, et puis les faisoit saleir ; et chu faisoit-ons en dois chambre, sique ly unc ne savoit novelle de l'autre. Enssi furent traitiés. |
[La mort cruelle de Frédégonde et de Landeric, son amant] Alors le roi ordonna de faire découper avec des rasoirs des lanières [de peau] sur le dos de Landeric et de Frédégonde, puis de saler les blessures. Cela se faisait dans deux chambres différentes, si bien qu'ils n'avaient aucune nouvelle l'un de l'autre. C'est ainsi qu'ils furent traités. |
lanières de peau : Pour d'autres exemples de ce supplice, cfr I, p. 217-218 (César et le roi Hanigos) ; II, p. 79 (Shapur et Julien l'Apostat) ; II, p. 114 (Attila et le traître Abafis) ; II, p. 128 (le prévôt Clarnus et le traître Henri). |
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[La confession Fredegunde et Gehinne] Si gehit et confessat Fredegunde mult de male qu'elle avoit fait, et dest [II, p. 224] comment el avoit faite par son malisse, et malvaiseteit, et son engin, que toutes les femmes le roy Cilperis avoient esteit murdrie par son ennortement ; et avoit fait departir la royne Andonere del roy, et avoit fait ochier le roy Sigibert, et le roy Cilperis, et tous les enfans d'eaux, et mult d'aultres chouses. Mains portant que son fis estoit roy de Franche, elle fut estranglée, puis fut ensevelie dedens l'engliese Sains-Vincent, et Landris fut pendus. Et puis s'en ralat ly roy Hildehert en son paiis. |
[La confession de Frédégonde et ses aveux] Frédégonde avoua et confessa les nombreux méfaits qu'elle avait commis. Elle expliqua [II, p. 224] comment sa malice, sa méchanceté et son caractère avaient fait en sorte que toutes les femmes du roi Chilpéric avaient été tuées sur son ordre [en fait, Audovère et Galswinthe] ; qu'elle avait causé la séparation de la reine Audovère et du roi, qu'elle avait fait tuer le roi Sigebert, le roi Chilpéric et tous leurs enfants, ainsi que beaucoup d'autres choses. Mais, parce que son fils était roi de Francie, elle fut étranglée, puis ensevelie dans l'église Saint-Vincent. Landeric fut pendu. Ensuite le roi Childebert s'en retourna dans son pays. |
Frédégonde : D'après le Liber Historiae Francorum, § 37, p. 131, éd. Lebecq, Frédégonde est morte de mort naturelle en l'an 597 de notre ère et fut enterrée dans l'Église Saint-Vincent, où son époux Chilpéric Ier l'avait été. Clotaire II, son fils, désormais gouvernera seul. |
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[Ly trepas saint Remy] En cel an trepassat de chi siecle sains Remy, archevesque de Rains, qui baptizat le roy Cloveis de Franche, et avoit d'eaige C et XXV ans, et avoit tenuit le siege de Rains mult saintement LXXVI ans. |
[Le trépas de saint Remi] Cette année-là [522] trépassa saint Remi, archevêque de Reims, qui baptisa le roi des Francs Clovis. Il était âgé de cent vingt-cinq ans et avait très saintement occupé le siège de Reims pendant soixante-seize ans. |
Saint Remi : Dans l'histoire, Remi de Reims est né à Laon vers 437 de notre ère et mourut à Reims vers 533 de notre ère, ce qui ne correspond guère aux 125 ans que lui accorde ici Jean d'Outremeuse, un chiffre en contradicton aussi d'ailleurs avec la date où Jean l'avait fait naître plus haut (en II, p. 119), à savoir l'an 410 de l'Incarnation. Dans le Myreur, le chroniqueur liégeois avait envisagé non seulement sa naissance, mais aussi ses fonctions d'archevêque (II, p. 147 et 149), le baptême qu'il donna à Clovis (II, p. 159) et sa fondation d'un évêché à Laon (II, p. 165). |
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D. Ans 522-525 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 224b-225a Sur les conseils de sa mère, la reine Brunehaut, veuve de Sigebert II, Childebert II attaque la Neustrie mais il est vaincu par les Francs dirigés par le prévôt Lothaire et tué - Les deux fils de Childebert II sont rois, Théodebert II en Austrasie et Thierry II en Bourgogne - Brunehaut la magicienne et les chaussées - Divers : Mort du pape Jean Ier remplacé par Félix IV - Théodoric le Grand et l'empereur Justinien |
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Childebert II d'Austrasie, sur le conseil de sa mère Brunehaut, envisage d'attaquer la Neustrie |
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[II, p. 224b] En cel an assemblat ly roy Hildebert d'Austrie, par l'ennortement de la royne Brucilde sa mere, ses oust por aleir en Franche, et estoit chu en mois de novembre ; si fist ses gens logier et demoreir en son paiis jusques al mois de marche apres ensuivant, et puis apres soy partit de son paiis en la fin de mois de marche : si fist tres-grant folie, car ilh despendit tout son tresour. |
[II, p. 224b] Cette année-là [522], le roi Childebert d'Austrasie, sur le conseil de sa mère Brunehaut, rassembla ses armées pour gagner la Francie. C'était en novembre. Ses troupes campèrent et demeurèrent dans son propre pays jusqu'en mars de l'année suivante. Ensuite il le quitta à la fin du mois. Ce fut une grande folie, car il dépensa tout son trésor. |
Le pape Jean Ier meurt victime du roi Théodoric le Grand |
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[Ly pape Johan fut martyrisiet] Item, l'an Vc et XXIIII, le XXVI jour de mois de jenvier, morut ly pape Johans en la chartre le roy Thiry de Ytaile de fain, où ilh l'avoit mis par envie le XXe jour de jenvier ; si viscat VI jours, et morut le VIIe jour de jenvier. |
[Le pape Jean fut martyrisé] En l'an 524, le 26 janvier, le pape Jean mourut de faim dans la prison du roi Théodoric d'Italie, qui l'y avait enfermé par haine, le vingtième jour de janvier. Il y vécut six jours et y mourut le 26 janvier. |
Pape Jean : « Jean Ier avait été envoyé par Théodoric, le roi des Ostrogoths d'Italie, à Constantinople, pour obtenir de l'empereur Justin Ier la révocation des mesures de persécution contre les Ariens. L'histoire dit seulement qu'à son retour, comme il avait échoué dans sa mission, Théodoric le fit jeter en prison, où il mourut, au bout de quelques jours, des suites des privations auxquelles il fut exposé. » (Note de Bo ad locum) |
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[La venganche del mort le pape Johans] Chis roy Thyris estoit arriens, plains de mailes heresies contre la foid ; mains ly emperere Justiniain assembtat ses gens, si entrat en son paiis et le destruit, et prist le roy Thyri en son palais à Pavie, et le fist escorchier et apres ardre en unc feu de spine. Apres veit-ilh unc sains hons en une vision, que ly pape Johan tresbuchoit en ynfeir l'arme del roy Thyri. Et fut chis pape Johans ensevelis en l'engliese Sains-Pire à Romme. |
[La vengeance de la mort du pape Jean] Ce roi Théodoric était arien, tout imprégné d'hérésies malsaines opposées à la foi. Mais l'empereur Justinien rassembla ses hommes, pénétra dans le pays de Théodoric et le ravagea. Il captura le roi dans son palais de Pavie, le fit écorcher, puis brûler sur un feu de branches épineuses. Ensuite, il vit en songe un saint homme, le pape Jean, précipitant en enfer l'âme du roi Théodoric. Ce pape Jean fut enseveli en l'église Saint-Pierre de Rome. |
Données historiques : Jean ne respecte pas les données historiques. Selon Wikipédia, « Théodoric meurt de dysenterie en 526 de notre ère. Il laisse derrière lui le souvenir de trente ans de paix pour l'Italie, événement heureux qui ne se répétera pas avant des siècles. Il est enterré à Ravenne, où son tombeau constitue l’un des plus intéressants monuments de la ville ». Outre cela, les interventions de Justinien en Italie sont postérieures à la mort de Théodoric (526 de notre ère). C'est en mai 540 de notre ère que Bélisaire s'empare de Ravenne, lors des opérations de Justinien pour reconquérir l'Italie. Écorcher : ici encore, on écorche. Pour d'autres exemples de ce type de torture, cfr la liste donnée en I, p. 217. Jean semble avoir un faible pour les descriptions de tortures ! Il vit en songe : cfr en II, p. 402, une autre utilisation du motif de la vision par un tiers (Eucher) de l'âme d'un défunt (Charles Martel) en enfer. |
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Le pape Jean Ier est remplacé par le pape Félix IV (qui règne de 526 à 530 de notre ère) |
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[Felix pape LVIIe] Apres la mort le pape Johans, vacat li siege unc mois XV jours, puis fut consacreis à pape li cardinal Felix, ly IIIIe de chi nom, qui fut frere aldit pape Johan depart son pere, mains sa mere Felixia fut de la nation de Savoie, et tient le siege II ans, III mois et XIII jours. |
[Félix, 57e pape] Après la mort du pape Jean, le siège resta vacant un mois et quinze jours. Ensuite le cardinal Félix, quatrième de ce nom, fut consacré pape. Par son père, il était le frère du pape Jean, mais sa mère Félicie venait de Savoie. Il occupa le siège deux ans, trois mois et treize jours. |
Les troupes de Childebert II d'Austrasie sont écrasées par les Francs du prévôt Lothaire - Parmi les tués, on trouve Childebert II ainsi que deux ducs |
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[Ly prevoste de Franche at desconfis le roy Hildebert d’Austrie, et deux altres dus et leur gens] En cel an Vc et XXV, en mois de marche le XXVIIIe jour, vient ly roy Hildebert, en Franche, si en conquestat unc pou. [II, p. 225] Mains ly prevoste Lotaire li vient al encontre à grant gens, car ilh estoit proveus, portant que ons ly avoit dit que les oust de roy Hildebert estoient assembleis dès en yvier. Et là oit grant batalhe, où il morut mult de gens des II parties ; mains li prevoste Lotaire, qui fut bons chevalier, fist mult de fais d'armes, car ilh ochist de sa main le roy Hildebert et le duc Gondebuef et le duc Witrions. Et furent cheaux d'Austrie desconfis, et puis revinrent les Franchois en leur paiis. |
[Le prévôt de Francie défit le roi Childebert d'Austrasie ainsi que deux autres ducs et leurs gens] Le vingt-huit mars 525, le roi Childebert pénétra en Francie et se mit à y faire quelques conquêtes. [II, p. 225] Mais le prévôt Lothaire marcha contre lui avec des forces nombreuses ; il avait en effet été prévenu que les troupes du roi Childebert s'étaient rassemblées dès l'hiver. Alors se déroula une grande bataille, qui fit de nombreux morts dans les deux camps. Le prévôt Lothaire, qui était un bon chevalier, accomplit maints exploits : il tua de sa main le roi Childebert, le duc Gondebaud (Gundoald, cfr II, p. 218 et p. 222) et le duc Wintrion. Les Austrasiens furent défaits, après quoi les Francs revinrent dans leur pays. |
Sur la mort de Childebert II (en 595 de notre ère) : Si l'on en croit Paul Diacre (Histoire des Lombards, IV, 11), Aimoin (De gestis Francorum, III, 83) et les Grandes Chroniques (T. II, Livre IV, ch. 10), le roi n'aurait pas été tué dans cette baTaille ; il serait mort empoisonné. |
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Les deux fils de Childebert II sont rois, Théodebert II/Thibert II en Austrasie, et Thierry II/Théodoric II en Bourgogne - Brunehaut la magicienne et les chaussées |
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Chis roy Hildebert avoit II fis, Theodebers et Theoderich, mains Theodebers li anneis estoit bastars, et encordont ilh fut coroneis roy d'Austrie ; et ly altre fut coroneis roy de Borgongne et d'Aquitaine. Chis roy Theodoric fut mult bons chevalier, valhans et corageux et de chaude tieste ; mains ilh creioit si legirement qu'à mervelhe, et quidoit que tout chu que ons li disoit fust voire |
Ce roi Childebert II avait deux fils, Théodebert/Thibert II et Théodoric/Thierry II. Théodebert, l'aîné, était bâtard ; cependant il fut couronné roi d'Austrasie. L'autre fut couronné roi de Bourgogne et d'Aquitaine. Ce roi Théodoric/Thierry fut un excellent chevalier, vaillant et courageux, et de tempérament ardent. Mais il était étonnamment crédule : il croyait que tout ce qu'on lui disait était vrai (cfr suite II, p. 227). |
La puissance de Brunehaut : Ce que Jean ne dit pas ici, c'est qu'à la mort de Childebert II, son fils, pendant le règne duquel elle avait déjà exercé un très grand pouvoir, Brunehaut assura la régence pour ses deux petits fils, Thibert d'Austrasie et Thierry de Bourgogne. Son influence politique fut très longue et très grande. Elle ne prendra fin qu'en 613 de notre ère, lorsqu'elle sera torturée et tuée sous Clothaire II. |
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[Brucilde fist les cachies par pluseurs paiis] Item, l'an Vc et XXVI commenchat à faire la royne Brucilde mult de mervelhe par nygromanche, et fist une cachie tout pavée de pires de la royalme d'Austrie jusques en la royalme de Franche, et de Neustrie jusques en Acquitaine et en Borgungne. Et d'altre costeit elle les faisoit venir parmy la terre que ons nommoit Brabant, et d'aultre part vers le paiis où la grant Tongre avoit esteit destruit. |
[Brunehaut réalisa des chaussées dans plusieurs pays] En 526, la reine Brunehaut se mit à réaliser une foule de choses étonnantes grâce à la magie. Elle fit une chaussée de pierres toute pavée, allant du royaume d'Austrasie jusqu'au royaume de Francie et de la Neustrie jusqu'en Aquitaine et en Bourgogne. D'un côté, elle les faisait traverser la terre nommée Brabant, et de l'autre, arriver au pays de la grande Tongres qui avait été détruite. |
[Des cahies] Et tant de voies et de cachies elle fist que chu estoit grant mervelhe ; et briefement par tout l'isle de Europe estoient lesdit cachies, et estoient faites par teile manere qu'ilh ne jondoient mie tout ensemble, mains duroit cascon cachie II liwes, ou III, ou IIII, ou V, ou VI, et alcunne fois plus ou moins en une pieche ; et puis faloit chis pavement, jusques à tant qu'il retrovoit une altre pieche del cachie. Et fut tout chu faite en une seul nuit, et les fist faire par les males espirs, enssi com Virgile faisoit à son temps. Et chu faisoit-elle por accomplir sa male pensée que el avoit del faire male : si voloit aleir plus legierement del unc paiis à l'autre, pour nuit et por jour. Cest cachie est encor et sera à tous jours, et le nom-ons la cachie Brunehote, car Brucildis en latin c'est Brunehote en franchois. |
[Des chaussées] Elle fit tant de routes et de chaussées que c'était grande merveille. Pour faire bref, dans toute l'Europe on trouvait les chaussées, construites sans être reliées toutes ensemble. Chacune d'elles, d'une seule pièce, s'étendait sur deux, trois, quatre, cinq ou six lieues, et quelquefois plus ou moins. Puis il n'y avait plus de pavement jusqu'à la section suivante. Tout cela fut réalisé en une seule nuit, et Brunehaut fit exécuter ces travaux par de mauvais esprits, comme Virgile le faisait en son temps. Elle agissait ainsi car elle était poussée par sa mauvaise tendance à faire le mal : elle voulait passer plus rapidement d'un pays à l'autre, de nuit comme de jour. Cette chaussée existe encore et existera toujours ; on l'appelle la chaussée Brunehaut, car Brucildis en latin se dit Brunehaut en français. |
Virgile, Brunehaut et la magie : Comme exemples de réalisations magiques de Virgile, cfr, entre autres textes, Myreur, I, p. 215-264. Pour une vision plus large sur la reine Brunehaut, cfr J. Vannérus, La Reine Brunehaut dans la toponymie et dans la légende, dans Bulletin de la classe des lettres de l'Académie royale de Belgique, t. XXIV, 1938, p. 301-420. |
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E. Ans 526-527 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 225b-228a
Matière de Bretagne : Paris et ses conquêtes en Afrique (Vandales - Nubiens Sarrasins) - Évêché de Tongres : mort de Falcon, remplacé par Eucher - Papauté : mort de Félix IV (pape de 526 à 530 de notre ère), remplacé par Boniface II (pape de 530 à 532 de notre ère) - Empire romain d'Orient : mort de l'empereur Justin Ier (518-527 de notre ère), remplacé par Justinien Ier le Grand, qui régna 33 ans (527-565 de notre ère)
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Retour à la matière de Bretagne : Paris et ses conquêtes en Afrique |
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[II, p. 225b] [Paris conquestat mult oultre mere] En cel an prist ly roy Paris congier al roy Artus, si s'en alat à XIIIIm hommes droit vers Affrique, car ilh avoit entendut que les Wandaliens estoient rassembleis, et destruoient la terre et le paiis. Et oussi voloit ly roy Paris aleir sour les Sarasiens. |
[II, p. 225b] [Paris fit beaucoup de conquêtes outre-mer] Cette année-là [526], Paris prit congé du roi Arthur et, avec quatorze mille hommes, partit directement vers l'Afrique, car il avait appris que les Vandales s'étaient rassemblés et faisaient des ravages dans les terres du pays. De plus, le roi Paris voulait marcher contre les Sarrasins. |
Vandales : Un article entier dans les FEC, t. 48, 2024, a été consacré à la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Vandales dans le Myreur des Histors. |
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Et quant ilh [II, p. 226] vient en Affrique, si soy combattit aux Wandaliens et les desconfist, sy en fist grant occision. Et fist refaire les englieses qui y estoient destruites, et y fondat une monasteir de noires moynes, laqueile ilh nommat l'engliese Paris fondée en l'honeur des XII apostles, et acquist grandes rentes et leur donnat. |
Une fois [II, p. 226] en Afrique, il combattit les Vandales, les défit et les massacra en masse. Il fit reconstruire les églises qui avaient été détruites et fonda un monastère de moines noirs, dont il appela Paris l'église qu'il avait fondée en l'honneur des douze Apôtres ; il donna aux moines les grands revenus qu'il avait acquis. |
[Paris conquist la terre de Nubie] Et lassat ovriers qui l'engliese parfisent, et gens qui pensoient al ovraige, puis soy partit de Cartage, sy entrat en la terre de Nubie ardant le paiis. Et oit ly roy Paris mult de batalhes aux Nubiens Sarasiens, dont je ne fay nulle mention, mais todis estoient les Sarasiens desconfis. En cest terre de Nubie fundat Paris une citeit que ilh nommat Paris, et convertit le paiis, et ochist le roy Brandimont sour l'an Vc et XXVII en mois de may ; puist mist Paris unc roy en ladit terre, qui oit nom Gadris et estoit baptiziet novellement, mains bientoist apres chu ilh soy remist à la loy sarasine. |
[Paris conquit la terre de Nubie] Alors Paris quitta les ouvriers qui achevèrent l'église et ceux qui veillaient aux travaux. Il sortit de Carthage et pénétra en Nubie, en mettant le feu au pays. Il mena contre les Sarrasins de Nubie de nombreuses batailles, dont je ne fais pas mention ici, mais dont les Sarrasins sortaient toujours vaincus. Dans cette terre de Nubie, Paris fonda une cité qu'il nomma Paris, convertit le pays et tua le roi Brandimont, en mai de l'an 527. Puis il installa sur cette terre un roi, dénommé Gadris, qui avait été récemment baptisé, mais qui peu de temps après en revint à la loi sarrasine. |
L'évêché de Tongres (consécration d'Eucher) et la Papauté (Félix IV remplacé par Boniface II) |
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[Euchaires, li XIXe evesque de Tongre] En cel an, le XIIII jour de may, morut à Treit li evesque Falco ; sy fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire, puis fut consacreis à evesque XIXe unc preistre canon de Sains-Pire, qui estoit uns sains hons qui oit nom Euchaires, Iyqueis regnat III ans. |
[Eucher, dix-neuvième évêque de Tongres] Cette année-là [527], le quatorze mai, mourut à Maastricht l'évêque Falcon (cfr II, p. 223) ; il fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Puis un prêtre chanoine de Saint-Pierre, un saint homme nommé Eucher, fut consacré comme dix-neuvième évêque, et régna pendant trois ans. |
[Status papale del derain unction] En cel an, le Xe jour de junne, morut li pape de Romme Felix, qui avoit condampneit Anastaus le patriacle de Constantinoble, qui estoit plains des heresies. Chis pape ordinat que ons enundist les malades del sainte oyle por le derain sacrament. |
[Décision papale concernant l'extrême-onction] Cette année-là, le dix juin, mourut le pape de Rome, Félix IV (cfr II, p. 224), qui avait condamné le patriarche Anastase de Constantinople, lequel était sous l'influence des hérésies. C'est ce pape qui ordonna d'oindre les malades avec l'huile sainte, lors de l'administration du dernier sacrement. |
[Bonifache le pape LVIIIe] Apres la mort Ie pape Felix vacat li siege VI jours, et al VIIe, assavoir le XVIIe jour de junne, fut consacreis unc moyne qui fut nommeis Bonifache, li secon de cel nom, liqueis tient le siege III ans IIII mois et IX jours. Et solonc Martiniain ilh le tient II ans et XXVI jours. Et fut de la nation de Romme, le fis d'on chevalier qui oit nom Sigismonde. |
[Boniface, le 58e pape] Après la mort du pape Félix, le siège resta vacant six jours, et le septième jour, le dix-sept juin, un moine, nommé Boniface, le second de ce nom, fut consacré pape. Il occupa le siège trois ans, quatre mois et neuf jours. Selon Martin, il l'occupa deux ans et vingt-six jours. Il était originaire de Rome, fils d'un chevalier nommé Sigismond. |
Empire romain d'Orient : Justin Ier remplacé par Justinien Ier le Grand |
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[Justiniens l’emperere LVIIIe] En cel an morut à Romme l'emperere Justiniain (= Justin), le XXVIIIe jour de junne ; si fut ensevelis dedens l'engliese Sains-Pire, et chantat la messe de son serviche li pape Bonifache. Apres fut coroneis à emperere de Romme Justiniains, le fis Policairs qui estoit senateur noble de Romme, de Juliene le soreur l'emperere Justiniens, Iyqueis regnat XXXVIII ans et XII jours. |
[Justinien, cinquante-huitième empereur] Cette année-là [527], le vingt-huit juin, mourut à Rome l'empereur Justin ; il fut enseveli dans l'église Saint-Pierre. Le pape Boniface chanta la messe de son service [funèbre]. Après lui, Justinien fut couronné empereur de Rome. Il était le fils de Policarius, noble sénateur de Rome, et de Julienne, soeur de l'empereur Justin. Justinien régna trente-huit ans et douze jours. |
Rappelons que dans l'Histoire, l'empereur Justin Ier, monté sur le trône en 518, est mort en 527. Il fut remplacé à cette date par Justinien Ier le Grand, qui régna 33 ans, jusqu'à sa mort en 565 de notre ère. Ce Justinien était d'origine modeste : une famille de paysans vivant en Thrace, a-t-on dit. On notera que pour l'accession au trône de Justinien, Jean d'Outremeuse donne la même date que les historiens modernes : 527. Sur ce point sa chronologie est conforme à la nôtre. Qu'en est-il pour sa mort ? |
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F. Ans 528-530 de l'Incarnation = Myreur, II, p. 226b-228b
En Orient, Paris conquiert la Chaldée et de nombreux autres pays - Luttes féroces entre Théodoric/Thierry II de Bourgogne et les Fra ncs de Neustrie du prévôt Lothaire qui ont pénétré en Bourgogne - Lothaire est tué par Thierry et les Francs s'enfuient - Le prévôt Lothaire remplacé par le prévôt Wambolus - Danemark - Priscien - Saint Antoine - Décision du pape Boniface II
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Suite des conquêtes de Paris en Orient |
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[II, p. 226b] [Paris conquit tout Caldée] Item, l'an Vc et XXVIII conquist li roy Paris tout la royalme de CaIdée et les fist baptizier, et y mist unc roy qui oit nom Sagenon, qui estoit fis al roy de cheli paiis, et fondat là une citeit qu'ilh nommoit Paris. |
[II, p. 226b] [Paris conquit toute la Chaldée] En l'an 528 le roi Paris conquit tout le royaume de Chaldée. Il en fit baptiser la population, y installa un roi du nom de Sagenon, lequel était le fils d'un roi de ce pays, et y fonda une ville qu'il appela Paris. |
[II, p. 227] [Paris conquestat chi mult de paiis] En ceI an oit Paris batalhe contre le roy de Chelidoine, unc Sarasin, qui le vint assegier en sa citeit de Paris qu'ilh avoit fondeit, et encor n'estoit mie parfaite ; mains les Sarasins furent desconfis, si en fut ochis XLllm. De quoy la novelle aIat par tous les paiis là altour, sy furent tous enbahis, et puis conquist Paris tout la royalme, et les fist baptizier, et le donnat à Carthago qui estoit uns grans agoians de XII pies de ha (haut ?) ; et oussi estoit Paris gran de XII pies, si l'avoit Paris conquis en uns estours. Enssi conquestat Paris de pluseurs costeis, tant vers medis com vers orient, et, en cascon regne qu'ilh conquestoit, ilh edifioit une citeit que ilh nommoit Paris. |
[II, p. 227] [Paris conquit alors de nombreux pays] Cette même année [528], Paris mena une bataille contre le roi de Chélidoine, un Sarrasin venu l'assiéger dans Paris, la cité qu'il avait fondée et qui n'était pas encore achevée. Les Sarrasins furent vaincus et comptèrent quarante-deux mille tués. Cette nouvelle se répandit dans tous les pays alentour ; tous furent stupéfaits, et par la suite Paris conquit tout le royaume, en fit baptiser les gens et donna le pays à Carthago, un grand géant de douze pieds de haut. Paris, qui avait aussi une taille de douze pieds, l'avait vaincu lors d'un combat. Ainsi Paris fit des conquêtes de nombreux côtés, tant vers le Midi que vers l'Orient, et dans chaque royaume conquis, il édifiait une cité qu'il appelait Paris. |
Monde mérovingien : défaite du roi Théodoric/Thierry II sous les coups de Lothaire, prévôt de Francie |
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[Li prevoste de Franche desconfist Theoderich] En cel an conselhat la royne Brucilde le roy Theoderic d'Aquitaine, le fis Hildebert son fis, et ly dest que ilh estoit mult poisans, si estoit gran deshoneur por li quant ilh ne vengoit la mort son peire que Lotaire, li prevoste de Franche, ly avoit ochis. Quant ly roy l'entendit, sy mandat ses hommes et vint en Francbe en destruant le paiis, et assegat Soison ; mains cheaux qui estoient dedens soy detinrent mult bien, tant que li prevoste Lotaire y vient à grant gens, si soy combatit aux Borgengnons et aux Acquitanois, et les desconfist et en ochist XIm VIc et XVI hommes sens les navreis. Et ensi revint li prevost à Paris, et jurat que anchois une an ilh entroit en la terre le roy Theoderich. Por chest guere s'en alarent mult de gens demoreir et habiteir en altre terre, portant que ons n'y avoit onques pais, et n'y savoient tant edifiier de mansons qu'ilhs ne fuissent destruites. |
[Le prévôt de Francie défit Théodoric] Cette même année [528], la reine Brunehaut conseilla à Théodoric/Thierry d'Aquitaine, fils de son fils Childebert II, en lui disant qu'il était très puissant et que le fait de ne pas venger son père, tué par Lothaire, le prévôt de Francie, était très déshonorant pour lui. Quand il entendit cela, le roi convoqua ses hommes et pénétra en Francie. Il ravagea le pays et assiégea Soissons ; mais les assiégés résistèrent très bien jusqu'à l'arrivée du prévôt Lothaire accompagné de forces très nombreuses. Lothaire se battit contre les Bourguignons et les Aquitains, les vainquit et tua onze mille cinq cent seize hommes, sans compter les blessés. Alors le prévôt revint à Paris et jura qu'avant un an, il envahirait le pays du roi Théodoric/Thierry. Cette guerre en poussa beaucoup à s'intaller à demeure dans un autre pays, vu qu'il n'y avait jamais la paix et qu'ils ne pouvaient construire de maisons, sans qu'elles ne soient détruites. |
Divers : Danemark, Priscien, saint Antoine, pape Boniface IV |
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[De Dannemarche] Item, l'an Vc et XXIX en mois de may, morut ly roy Ector de Dannemarche qui estoit affoleis si laidement. Apres fut roy son fis Priant qui regnat XL ans. |
[Au Danemark] En mai de l'an 529, le roi Hector de Danemark (cfr II, p. 216), très grièvement blessé, mourut. Après lui, son fils Priam devint roi et régna quarante ans (cfr II, p. 231). |
[De Presciain ly gramarain] A cel temps regnoit Presciain, qui de gramaires fut li plus soverains qui onques fust, et qui plus profitaublement en tratiat. |
[Priscien, le grammairien] À cette époque vivait Priscien, le plus grand maître à avoir jamais existé, en matière de grammaire, et qui en traita le plus utilement (cfr II, p. 179). |
[De sains Anthone] En cel an fut troveis li corps sains Anthone par le revelation de Dieu, si fut porteis en la citeit de Alixandre en Egipte. |
[Saint Antoine] Cette année-là [529], Dieu permit de retrouver le corps de saint Antoine, qui fut transporté à Alexandrie en Égypte. |
[Status papale] En cel an ordinat li pape Bonifache que les clers et les laies fussent divideis en le celebration de la messe en dois parties et en dois liez, et que les cIers fussent assis en chour del engliese al plus pres del alteit, sicom gens de sainte Engliese, et les lais fussent desjons et mis al defours de chour. |
[Décision papale] Cette même année, le pape Boniface ordonna que, lors de la célébration de la messe, les clercs et les laïcs soient séparés en deux groupes et placés en deux endroits différents, les clercs assis dans le choeur de l'église, le plus près de l'autel, en tant que membres de la sainte Église, et les laïcs installés en dehors du choeur. |
Monde mérovingien (suite) : défaite de Lothaire, prévôt de Francie, remplacé par Wambolus |
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[Li roy Theoderic at desconfis les Franchois] Item, l'an del Incarnation, qui commenchoit toudis en temps chi devant le XXVe jour de marche, Vc et XXX assemblat li prevoste de Franche Lotaire ses oust, et entrat en [II, p. 228] Borgongne, et commenchat la terre à destrure ; mains ly roy Theoderich li vient à l'encontre, qui le corut sus en mois d'avrilhe : là oit batalhe qui fut mult horrible, car des dois parties y oit tant de mors que cascons quidoit estre desconfis. Et nonporquant ilh n'en fuist jà escapeis des Borgengnons se pou nom, quant li prevoste fut ochis, qui tant avoit fait de fais d'armes que nuls ne le poroit dire, et estoit si avant chevalchiet en la batalhe, que ilh fut ochis par derier de part le roy Theoderich. Adont s'enfuirent les Franchois, et les Borgengnons soy retrahirent, car ilhs estoient si desconfis et avoient perdut tant de gens, qu'ilh n'avoient cure d'aleir apres les Franchois. |
[Le roi Théodoric/Thierry II défit les Francs] En l'an 530 de l'Incarnation, qui commençait toujours à cette époque-là le 25 mars, le prévôt de Francie, Lothaire, rassembla ses troupes, pénétra en [II, p. 228] en Bourgogne, et commença à ravager le pays. Le roi Théodoric/Thierry marcha contre lui et l'attaqua au mois d'avril : se déroula alors une bataille qui fut horrible, car dans les deux camps, les morts furent si nombreux que chaque partie se croyait vaincue. Très peu de Bourguignons auraient échappé au massacre, si le prévôt Lothaire, auteur de faits d'armes si nombreux que personne ne pourrait les compter, n'avait pas été tué. Il s'était tellement avancé dans le champ de bataille qu'il fut tué par derrière par le roi Théodoric/Thierry. Alors les Francs s'enfuirent et les Bourguignons se retirèrent. Ils étaient si découragés et avaient perdu tant d'hommes qu'ils ne se souciaient pas de poursuivre les Francs. [Pour la suite des événements, cfr II, p. 231-233, dans les années 535-536 de l'Incarnation.] |
Et les Franchois reslurent unc bons chevalier à prevoste de Franche, qui oit nom Wanbolus, et fut le fis le roy Synagon de la petit Bretangne, et regnat XX ans. |
Les Francs élurent comme prévôt de Francie un bon chevalier, qui avait pour nom Wambolus. C'était le fils du roi Synagon (cfr II, p. 230) de Petite-Bretagne et il régna vingt ans. |
Jean reparlera plus tard de ce Wambolus, « prévôt de France ou maire du palais d'Austrasie » (dixit index Bormans), censé gouverner pendant 20 ans (II, p. 234, p. 240, p. 245 et 246, p. 248). D'après l'index Bormans, il correspondrait à un Warnarius ou un Garnier. Il a pu aussi être inventé par Jean d'Outremeuse. |
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G. Ans 530-531 = Myreur, II, p. 228 Évêché de Tongres : mort d'Eucher remplacé par Domitien - Papauté : mort de Boniface II (532 de notre ère) remplacé par Jean II (533-535 de notre ère) - Afrique: persécution des Vandales et châtiment divin
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Évêché de Tongres : Domitien remplace Eucher |
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[II, p. 228] [Domitiain li XXe evesque de Tongre] En cel an en mois de septembre, morut à Treit Euchaires l'evesque de Tongre, si fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire. Puis fut fais evesque de Tongre li XXe unc sains proidhons qui oit nom Domitiain, et fut mult grans clers, et fut fis à conte de Colongne qui estoit fis al roy de Beawier et la mere l'evesque fut filhe al duc d'Ardenne, Iyqueis regnat IX ans. |
[II, p. 228b] [Domitien, 20e évêque de Tongres] Cette année-là [530], en septembre, Eucher, l'évêque de Tongres, mourut à Maastricht et fut enseveli en l'église Saint-Pierre. Après lui, un saint homme, nommé Domitien, fut nommé évêque de Tongres. Très grand clerc, il était le fils du comte de Cologne, petit-fils du roi de Bavière, et sa mère était la fille du duc d'Ardenne. Domitien régna neuf ans. |
Papauté : Jean II remplace Boniface II |
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[Johans li LIXe pape] En cel an le XXVIe jour d'octembre morut li pape Bonifache et fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire à Romme ; et apres sa mort vacat li siege VII jours, puis fut consacreis à pape de Romme Johans li secon de chi nom, et fut de la nation de Romme li fis Provectiens, unc chevalier de Chelimonte et tient le siege III ans IIII mois et VI jours, et solonc Martiniain II ans IIII mois et VI jours. |
[Jean, 59e pape] Le vingt-sixième jour d'octobre de cette année-là, le pape Boniface mourut et fut enseveli dans l'église Saint-Pierre de Rome. Après sa mort le siège resta vacant durant sept jours. Ensuite Jean, le second de ce nom, fut consacré pape de Rome. Il était originaire de Rome, et fils de Proiectus, un chevalier du mont Caelius. Il occupa le siège durant trois ans, trois mois et six jours. |
Les Vandales persécutent les chrétiens en Afrique et sont foudroyés - Les évêques à la langue coupée |
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[Des Wandaliens qui mult de mal fisent à pluseurs evesques en Affrique, et les ochist l’effoudre - Dieu rendit parolle aux evesques qui la langue avaient coupeit] Item, l'an Vc et XXI estoient les Wandaliens remis ensemble ; si fisent I concielhe en Affrique en Cartaige, et dessent qu'ilh ne voloient jamais greveir sainte Engliese. |
[Des Vandales firent beaucoup de mal à plusieurs évêques en Afrique, et la foudre les tua - Dieu rendit la parole aux évêques qui avaient eu la langue coupée] En l'an 531 (corr.), les Vandales s'étaient réunis ; ils tinrent un concile à Carthage, en Afrique, et dirent qu'ils ne voulaient à aucun moment nuire à la Sainte-Église. |
Adont y vinrent pluseurs evesques, mains les Wandaliens leur couparent trestous leurs langues si parfont que ilh porent avenir, et Dieu fist là myracle, car une effoudre chaiit sour eaux qui tous les confondit, sique onques nuls n'en escapat ; et donnat Dieu teile vertut aux evesques, que onques por chu nuls d'eaux ne lassat le parleir, fours unc seuls qui, par vaine gloire, soy glorifiat de chu que Dieu ly avoit rendut sa parolle : chis ne parlat onques depuis. |
Alors plusieurs évêques vinrent y assister, mais les Vandales leur coupèrent à tous la langue le plus profondément possible. Dieu réalisa alors un miracle, car un coup de foudre tomba sur les Vandales et les anéantit ; aucun n'en réchappa. Dieu donna aux évêques un pouvoir tel que, malgré tout, aucun d'eux ne perdit la parole, à l'exception d'un seul, qui par gloriole se vanta du fait que Dieu lui avait rendu la parole ; depuis lors, cet évêque ne parla plus jamais. |
Vandales : Un article entier dans les FEC, t. 48, 2024, a été consacré à la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Vandales dans le Myreur des Histors. |
[Texte précédent II, p. 203a-218a] [Texte suivant II, p. 229-241a]