Bibliotheca Classica Selecta - Énéide - Chant I (Plan) - Hypertexte louvaniste - Page précédente - Page suivante


ÉNÉIDE, LIVRE I

ARRIVÉE D'ÉNÉE À CARTHAGE

Énée découvre Carthage (1, 418-578)

 

Carthage ville naissante (1, 418-449)

Énée et Achate, parvenus sur une colline proche de la ville, invisibles dans leur nuage, voient s'édifier une ville moderne et imposante, en proie à une activité fébrile, comparable à celle d'une ruche (1, 418-436).

Ne pouvant s'empêcher de comparer sa situation à celle de ces heureux Tyriens, Énée, sans être vu, se mêle à la foule (1, 437-449).

Corripuere uiam interea, qua semita monstrat.

Iamque ascendebant collem, qui plurimus urbi

Cependant, Énée et Achate prirent la route indiquée par un sentier.

Déjà ils escaladaient la colline qui surplombe la ville

imminet, aduersasque adspectat desuper arces.

Miratur molem Aeneas, magalia quondam,

miratur portas strepitumque et strata uiarum.

Instant ardentes Tyrii pars ducere muros,

molirique arcem et manibus subuoluere saxa,

et regarde de toute sa hauteur la citadelle qui lui fait face.

Énée admire l'oeuvre imposante, naguère un village de nomades ;

il admire les portes, l'animation des rues, leurs dalles pavées.

Les Tyriens s'activent, pleins d'ardeur : les uns élèvent des murs,

bâtissent la citadelle, roulant et hissant de leurs mains des blocs de pierres ;

1, 420

 pars optare locum tecto et concludere sulco.

Iura magistratusque legunt sanctumque senatum ;

hic portus alii effodiunt ; hic alta theatris

fundamenta locant alii, immanisque columnas

rupibus excidunt, scaenis decora alta futuris.

d'autres choisissent l'endroit pour leur maison et l'entourent d'un sillon.

Ils instaurent des lois, des magistrats et un sénat vénérable.

Ici, des hommes creusent un port ; là, d'autres creusent

les profondes fondations d'un théâtre et taillent dans le roc

d'immenses colonnes, fiers décors pour les spectacles futurs.

1, 425

Qualis apes aestate noua per florea rura

exercet sub sole labor, cum gentis adultos

educunt fetus, aut cum liquentia mella

stipant et dulci distendunt nectare cellas,

aut onera accipiunt uenientum, aut agmine facto

On dirait des abeilles qui, à la naissance de l'été, s'activent à la tâche

dans les champs en fleurs, en plein soleil, lorsqu'elles font sortir

leurs petits devenus adultes, ou entassent le miel liquoreux

dans les alvéoles qui se gonflent de ce doux nectar,

lorsqu'elles recueillent la récolte des ouvrières qui rentrent,

1, 430

ignauom fucos pecus a praesepibus arcent :

feruet opus, redolentque thymo fragrantia mella.

 

« O fortunati, quorum iam moenia surgunt ! »

Aeneas ait, et fastigia suspicit urbis.

Infert se saeptus nebula, mirabile dictu,

ou lorsque leur colonne écarte des ruches les paresseux frelons.

La tâche est ardente, et le miel fleure bon le thym.

 

« Qu'ils sont heureux, ceux dont les murs déjà s'élèvent ! »

dit Énée en portant ses regards vers les toits de la ville.

Entouré d'un nuage, miracle indicible, il s'avance

1, 435

per medios, miscetque uiris, neque cernitur ulli.

 

Lucus in urbe fuit media, laetissimus umbra,

quo primum iactati undis et turbine Poeni

effodere loco signum, quod regia Iuno

monstrarat, caput acris equi ; sic nam fore bello

parmi la foule, se mêle aux gens, sans qu'on le voie.

 

Au centre de la ville, se trouvait un bois sacré, délicieusement ombragé,

à l'endroit où les Puniques, malmenés par les flots et la tempête,

avaient mis au jour, en premier lieu, le signe que la reine Junon 

leur avait montré : la tête d'un cheval fougueux ; ainsi donc leur nation

1, 440

egregiam et facilem uictu per saecula gentem.

Hic templum Iunoni ingens Sidonia Dido

condebat, donis opulentum et numine diuae,

aerea cui gradibus surgebant limina, nexaeque

aere trabes, foribus cardo stridebat aenis.

serait incomparable à la guerre et vivrait prospère des siècles durant.

Là, la sidonienne Didon fondait un immense temple dédié à Junon,

opulent grâce aux offrandes et à la puissance de la déesse ;

en haut des degrés, un portail de bronze se dressait, du bronze

attachait les poutres, les gonds des portes d'airain grinçaient.

 .

1, 445

 

Le temple de Junon et les souvenirs de Troie (1, 450-493)

Tout en attendant la reine au pied du temple, Énée en examine diverses représentations, qui figurent des scènes de la guerre de Troie. Ce spectacle, témoignant de l'admiration et de la compassion à l'égard des héros troyens, ranime son courage (1, 450-463).

Sont évoqués les combats devant Troie, mais surtout les déboires troyens : massacre au camp de Rhésus et mort de Troïlus, un fils de Priam, vaine démarche des suppliantes troyennes auprès de Pallas, et enfin démarche de Priam auprès d'Achille, obtenant la restitution du  cadavre d'Hector (1, 464-487).

Quelques scènes évoquent ensuite l'action d'Énée à Troie, les armées venues de l'Orient et les Amazones (préfiguration de Didon ?), servant en quelque sorte de transition à la suite du récit (1, 488-493).

Hoc primum in luco noua res oblata timorem

leniit, hic primum Aeneas sperare salutem

ausus, et adflictis melius confidere rebus.

Namque sub ingenti lustrat dum singula templo,

reginam opperiens, dum, quae fortuna sit urbi,

Dans ce bois, pour la première fois, une vision inattendue atténua

les craintes d'Énée ; ici, pour la première fois, il osa espérer le salut

et, malgré ses malheurs, reprendre confiance en un avenir meilleur.

Au pied du temple gigantesque, en attendant la reine,

il examine chaque détail, plein d'admiration pour la fortune de la ville,

1, 450

artificumque manus inter se operumque laborem

miratur, uidet Iliacas ex ordine pugnas,

bellaque iam fama totum uolgata per orbem,

Atridas, Priamumque, et saeuum ambobus Achillem.

Constitit, et lacrimans, « Quis iam locus » inquit «Achate,

l'habileté des artisans, l'harmonie et la difficulté de leur travail,

il voit se dérouler dans l'ordre les batailles de Troie et les guerres,

dont le renom déjà s'est répandu à travers le monde entier,

l' Atride et Priam, et Achille qui  fut si cruel pour chacun d'eux.

Énée s'arrête et dit, les yeux en larmes : « Achate, est-t-il désormais,

1, 455

quae regio in terris nostri non plena laboris ?

En Priamus ! Sunt hic etiam sua praemia laudi ;

sunt lacrimae rerum et mentem mortalia tangunt.

Solue metus ; feret haec aliquam tibi fama salutem. »

 

Sic ait, atque animum pictura pascit inani,

un endroit de la terre qui ne soit empli du bruit de notre malheur ?

Voici Priam ! Même ici, la valeur est célébrée ;

les malheurs humains suscitent des larmes  et  touchent les coeurs.

Arrête de craindre ! Ce renom nous vaudra peut-être le salut. »

 

Il parle ainsi, et il se repaît l'esprit de ces vaines images,

1, 460

multa gemens, largoque umectat flumine uoltum.

Namque uidebat, uti bellantes Pergama circum

hac fugerent Graii, premeret Troiana iuuentus,

hac Phryges, instaret curru cristatus Achilles.

Nec procul hinc Rhesi niueis tentoria uelis

poussant force gémissements, le visage inondé de larmes.

En effet, il voyait les héros en guerre autour de Pergame :

ici les Grecs fuyaient, pressés par l'armée troyenne ;

là, le char d'Achille au beau panache talonnait les Phrygiens.

Non loin de là, Énée en pleurs reconnaît les tentes de Rhésus,

1, 465

adgnoscit lacrimans, primo quae prodita somno

Tydides multa uastabat caede cruentus,

ardentisque auertit equos in castra, prius quam

pabula gustassent Troiae Xanthumque bibissent.

Parte alia fugiens amissis Troilus armis,

aux toiles neigeuses, trahies dans leur premier sommeil,

 par le fils de Tydée  couvert de sang, qui y mena grand carnage,

puis en détourna les fougueux chevaux vers son propre camp,

avant qu'ils aient  goûté aux pâtures de Troie et bu l'eau du Xanthe.

En un autre endroit, c'est Troïlus qui fuit, sans ses armes,

1, 470

infelix puer atque impar congressus Achilli,

fertur equis, curruque haeret resupinus inani,

lora tenens tamen ; huic ceruixque comaeque trahuntur

per terram, et uersa puluis inscribitur hasta.

Interea ad templum non aequae Palladis ibant

malheureux enfant engagé dans un combat inégal avec Achille :

emporté par ses chevaux, renversé, il reste accroché à son char vide,

mais tient encore les rênes ; sa tête, sa chevelure traînent sur le sol,

et sa lance retournée laisse des marques dans la poussière.

En même temps, les filles d'Ilion, cheveux dénoués,

1, 475

crinibus Iliades passis peplumque ferebant,

suppliciter tristes et tunsae pectora palmis ;

diua solo fixos oculos auersa tenebat.

Ter circum Iliacos raptauerat Hectora muros,

exanimumque auro corpus uendebat Achilles.

 portant le péplum, montaient au temple de Pallas l'inéquitable ;

tristes suppliantes, elles se frappaient la poitrine de la main,

la déesse se détournait et gardait les yeux rivés au sol.

Hector par trois fois avait été traîné autour des murs d'Ilion

et, à prix d'or, Achille marchandait son cadavre sans vie.

1, 480

Tum uero ingentem gemitum dat pectore ab imo,

ut spolia, ut currus, utque ipsum corpus amici,

tendentemque manus Priamum conspexit inermis.

Se quoque principibus permixtum adgnouit Achiuis,

Eoasque acies et nigri Memnonis arma.

Alors, Énée émet un gémissement du fond de sa poitrine,

en apercevant les dépouilles, le char, le corps même de son ami,

et surtout Priam tendant vers lui ses mains désarmées.

Il s'est reconnu lui aussi, mêlé aux princes achéens,

puis voici les armées de l'Aurore, et les armes du noir Memnon.

1, 485

Ducit Amazonidum lunatis agmina peltis

Penthesilea furens, mediisque in milibus ardet,

aurea subnectens exsertae cingula mammae,

bellatrix, audetque uiris concurrere uirgo.

Les bataillons des Amazones, à l'écu en forme de lune,

ont à leur tête la fougeuse Penthésilée, parmi ses mille compagnes ;

pleine d'ardeur, elle porte fixé  sous son sein nu un baudrier d'or

la guerrière, la vierge qui ose se mesurer aux hommes.

1, 490

 

Didon accueille les compagnons d'Énée (1, 494-578)

Énée, toujours invisible, aperçoit Didon venant s'installer sur un trône devant le temple, et découvre une reine puissante, respectée, résolue, équitable et efficace. Soudain, heureux autant qu'effrayés, Énée et Achate reconnaissent quelques-uns de leurs compagnons rescapés en train de s'avancer en suppliants vers la reine, au milieu des protestations de la foule (1, 494-519).

Le vieil Ilionée, leur porte-parole, implore la bienveillance d'une reine protégée de Jupiter et éprise de justice. Lui demandant sa protection, il l'informe sur leur aventure et la rassure sur leurs intentions. Surpris de l'hostilité rencontrée, il finit par évoquer la possibilité d'un châtiment divin, et surtout le retour possible de leur chef, le juste, le pieux, le vaillant Énée. Il demande comme seule faveur de pouvoir réparer les navires, afin de gagner l'Italie avec Énée, ou sinon, la Sicile, où ils sont assurés d'un bon accueil (1, 520-560).

Didon alors les rassure, justifiant l'accueil hostile des Libyens par la jeunesse de son royaume. Elle promet aux Troyens de faciliter leur départ pour l'Italie ou la Sicile, mais leur propose plutôt de partager le pouvoir avec elle, souhaitant comme eux le retour d'Énée vivant (1, 561-578).

Haec dum Dardanio Aeneae miranda uidentur, Tandis que ces tableaux admirables s'offrent à la vue d'Énée,

 

dum stupet, obtutuque haeret defixus in uno,

regina ad templum, forma pulcherrima Dido,

incessit magna iuuenum stipante caterua.

Qualis in Eurotae ripis aut per iuga Cynthi

exercet Diana choros, quam mille secutae

abasourdi, cloué sur place, tout à sa contemplation,

la reine Didon, éblouissante, s'avance vers le temple,

accompagnée d'une importante escorte de jeunes gardes.

Ainsi sur les bords de l'Eurotas ou sur les cimes du Cynthe,

Diane mène des chœurs ; mille Oréades de partout

1, 495

hinc atque hinc glomerantur oreades ; illa pharetram

fert umero, gradiensque deas supereminet omnis :

Latonae tacitum pertemptant gaudia pectus :

talis erat Dido, talem se laeta ferebat

per medios, instans operi regnisque futuris.

se sont assemblées à sa suite ; le carquois sur l'épaule,

elle marche etsurpasse de la tête toutes les déesses

tandis qu'une joie secrète envahit le cœur de Latone :

ainsi se déplaçait Didon, triomphante parmi les siens,

pour activer les travaux et l'avenir de son royaume.

1, 500

Tum foribus diuae, media testudine templi,

saepta armis, solioque alte subnixa resedit.

 

Iura dabat legesque uiris, operumque laborem

partibus aequabat iustis, aut sorte trahebat :

cum subito Aeneas concursu accedere magno

Une fois sous les portes de la déesse, sous la voûte du temple,

elle s'installe sur un trône élevé, entourée de ses gardes armés.

 

Tandis que Didon donnait à son peuple des droits et des lois,

répartissant les tâches en parts égales ou par tirage au sort,

soudain Énée voit s'approcher, parmi une foule de gens,

1, 505

Anthea Sergestumque uidet fortemque Cloanthum,

Teucrorumque alios, ater quos aequore turbo

dispulerat penitusque alias auexerat oras.

Obstipuit simul ipse simul perculsus Achates

laetitiaque metuque ; auidi coniungere dextras

Anthée, Sergeste et le courageux Cloanthe,

puis d'autres Teucères qui avaient été dispersés sur la mer

par  la noire tourmente et entraînés bien loin vers d'autres rivages.

Énée resta stupéfait, et en même temps qu'Achate, fut frappé

de joie et de crainte ; ils brûlaient du désir de leur serrer la main,

1, 510

ardebant ; sed res animos incognita turbat.

Dissimulant, et nube caua speculantur amicti,

quae fortuna uiris, classem quo litore linquant,

quid ueniant ; cunctis nam lecti nauibus ibant,

orantes ueniam, et templum clamore petebant.

 

mais cet événement inconnu, trouble leur esprit.

Ils ne laissent rien paraître et, au creux de leur nuage, s'interrogent

sur le sort de ces hommes, sur l'endroit où mouille leur flotte,

la raison de leur venue ? En fait, messagers désignés de tous les navires,

 ils venaient demandant grâce et montaient au temple parmi les cris.

1, 515

Postquam introgressi et coram data copia fandi,

maximus Ilioneus placido sic pectore coepit :

« O Regina, nouam cui condere Iuppiter urbem

iustitiaque dedit gentis frenare superbas,

Troes te miseri, uentis maria omnia uecti,

Après qu'ils furent entrés et  autorisés à parler devant la reine,

le plus âgé, Ilionée, très calmement, prit la parole :

« Ô reine, à qui Jupiter accorda de fonder une ville nouvelle

et d'imposer à des peuples orgueilleux les freins de la justice,

nous, malheureux Troyens, transportés par les vents sur les mers,

1, 520

oramus, prohibe infandos a nauibus ignis,

parce pio generi, et propius res aspice nostras.

Non nos aut ferro Libycos populare Penatis

uenimus, aut raptas ad litora uertere praedas ;

non ea uis animo, nec tanta superbia uictis.

nous t'implorons : protège nos navires d'un incendie criminel,

épargne un peuple pieux, et considère avec bonté notre situation.

Non, nous ne sommes pas venus armés pour dévaster

les maisons des Libyens, ni pour emporter du butin vers le rivage ;

nos coeurs n'ont pas cette violence, des vaincus n'ont pas cette superbe !

1, 525

Est locus, Hesperiam Grai cognomine dicunt,

terra antiqua, potens armis atque ubere glaebae ;

Oenotri coluere uiri ; nunc fama minores

Italiam dixisse ducis de nomine gentem.

Hic cursus fuit,

Il existe un lieu que les Grecs nomment Hespérie,

terre ancienne, puissante par ses armes et son sol fécond ;

des Oenotriens l'ont habitée ; maintenant, selon la tradition,

leurs descendants l'ont appelée Italie, du nom de leur chef.

Tel était notre but,

1, 530

cum subito adsurgens fluctu nimbosus Orion

in uada caeca tulit, penitusque procacibus austris

perque undas, superante salo, perque inuia saxa

dispulit ; huc pauci uestris adnauimus oris.

Quod genus hoc hominum ? Quaeue hunc tam barbara morem

lorsque soudain, surgissant des flots, le pluvieux Orion nous jeta

sur des écueils cachés, et avec les Austers déchaînés, nous dispersa,

dominés par les vagues, au milieu des ondes et des récifs déserts ;

nous sommes ici quelques rescapés, qui avons nagé jusqu'à votre rivage.

Qui sont donc ces gens ? Quelle patrie est assez barbare

1, 535

 permittit patria ? Hospitio prohibemur harenae ;

bella cient, primaque uetant consistere terra.

Si genus humanum et mortalia temnitis arma

at sperate deos memores fandi atque nefandi.

Rex erat Aeneas nobis, quo iustior alter,

pour permettre de telles moeurs ? On nous refuse l'accueil d'une plage ;

on veut la guerre ; on nous interdit de mettre pied à terre.

Si vous méprisez le genre humain et les armes des mortels,

sachez toutefois que les dieux prennent en compte le bien et le mal.

Nous avions un roi, Énée, personne jamais ne le surpassa en équité

1, 540

nec pietate fuit, nec bello maior et armis.

Quem si fata uirum seruant, si uescitur aura

aetheria, neque adhuc crudelibus occubat umbris,

non metus ; officio nec te certasse priorem

poeniteat. Sunt et Siculis regionibus urbes

ni en piété, nul ne fut plus grand guerrier, meilleur combattant.

Si les destins gardent en vie ce héros, s'il respire l'air du jour

et s'il ne repose pas déjà chez les ombres cruelles,

il n'y a rien à craindre ; tu ne devrais pas regretter d'être la première

à rivaliser de générosité. Au pays des Sicules, des villes et des armes

1, 545

 armaque, Troianoque a sanguine clarus Acestes.

Quassatam uentis liceat subducere classem,

et siluis aptare trabes et stringere remos :

si datur Italiam, sociis et rege recepto,

tendere, ut Italiam laeti Latiumque petamus !

nous attendent, ainsi que l'illustre Aceste, de sang troyen.

Permets-nous de tirer au sec notre flotte détruite par la tempête,

de tailler des poutres de tes forêts et d'en façonner des rames :

s'il nous est donné de gagner l'Italie, une fois retrouvés notre roi et nos amis,

quelle joie ce serait pour nous de gagner l'Italie et le Latium !

1, 550

Sin absumpta salus, et te, pater optume Teucrum,

pontus habet Lybiae, nec spes iam restat Iuli,

at freta Sicaniae saltem sedesque paratas,

unde huc aduecti, regemque petamus Acesten. »

Talibus Ilioneus ; cuncti simul ore fremebant

Mais, si le salut nous est refusé, si, ô excellent père des Troyens,

la mer de Libye te retient et s'il ne nous reste plus à espérer en Iule,

regagnons alors la mer de Sicanie, les demeures toutes prêtes

d'où nous avons été emportés jusqu'ici ; retournons chez le roi Aceste. »

Ainsi parla Ilionée ; et tous les Dardaniens, d'une même voix

1, 555

 Dardanidae.

 

Tum breuiter Dido, uoltum demissa, profatur :

'Soluite corde metum, Teucri, secludite curas.

Res dura et regni nouitas me talia cogunt

moliri, et late finis custode tueri.

approuvaient.

 

Alors Didon, inclinant son visage, répondit en peu de mots :

« Chassez la crainte de vos coeurs, Troyens, rejetez toute inquiétude.

Une situation difficile et mon royaume neuf exigent de telles mesures

et l'installation de gardes sur toute l'étendue de mes frontières.

1, 560

Quis genus Aeneadum, quis Troiae nesciat urbem,

uirtutesque uirosque, aut tanti incendia belli ?

Non obtusa adeo gestamus pectora Poeni,

nec tam auersus equos Tyria Sol iungit ab urbe.

Seu uos Hesperiam magnam Saturniaque arua,

Qui pourrait ignorer la race des Énéades, la ville de Troie,

la valeur de ses héros ou les embrasements d'une si grande guerre ?

Nous, Phéniciens, nous n'avons pas le cœur si fermé,

et le Soleil n'attelle pas ses chevaux si loin de la ville tyrienne !

Que votre but soit la grande Hespérie et les champs de Saturne,

1, 565

siue Erycis finis regemque optatis Acesten,

auxilio tutos dimittam, opibusque iuuabo.

Voltis et his mecum pariter considere regnis ;

urbem quam statuo uestra est, subducite nauis ;

Tros Tyriusque mihi nullo discrimine agetur.

ou que vous souhaitiez gagner le pays d'Éryx et du roi Aceste,

je vous assurerai un départ tranquille et vous aiderai de mes ressources.

Voulez-vous même siéger avec moi dans ce royaume, à droits égaux ?

La ville que je construis est la vôtre ; tirez au sec vos bateaux ;

Troyens et Tyriens seront traités par moi sans aucune différence.

1, 570

Atque utinam rex ipse Noto compulsus eodem

adforet Aeneas ! Equidem per litora certos

dimittam et Libyae lustrare extrema iubebo,

si quibus eiectus siluis aut urbibus errat. »

Ah ! si votre roi en personne, poussé par le même Notus,

si Énée pouvait être là ! Assurément je vais envoyer le long des côtes

des hommes sûrs, avec l'ordre de parcourir les confins de la Libye

au cas où, rejeté, il errerait, dans une de nos cités ou de nos forêts ».

1, 575

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Notes (1, 418-578) 

On dirait des abeilles... (1, 430-435). Virgile a tiré cette comparaison de la description qu'il a faite de la vie des abeilles dans les Géorgiques, 4, 163-169, en particulier.

à l'endroit où les Puniques (1, 441-445). Cfr le texte de Macrobe (Saturnales, 5, 17, 5-6) donné plus haut (1, 340-369n) :  « Sur le premier emplacement choisi, en creusant, on trouva une tête de boeuf, ce qui parut de mauvais augure. On changea donc d'établissement, et, en fouillant, on trouva une tête de cheval, ce qui parut un excellent signe de la valeur guerrière de la ville future. » Des monnaies carthaginoises avaient en effigie une tête de cheval.

immense temple dédié à Junon (1, 446). Junon étant, dans l'Énéide, la grande protectrice de Carthage, il est normal que, parmi les premiers bâtiments de la ville, on trouve un temple impressionnant en son honneur. Cette construction, avec le détail des portes historiées, est une création de l'imagination virgilienne. Il ne faut pas y voir de l'histoire. On n'oubliera pas ce qui a été dit plus haut (1, 15n) des rapports entre Junon et Carthage.

Énée osa espérer le salut (1, 451). Peut-être parce qu'il constate que les hauts faits des Troyens sont célébrés, et surtout pris en pitié. Énée est sûr « des sentiments d'humanité du peuple chez lequel il arrive. [...] Virgile a songé à la situation du voyageur qui, débarquant en pays inconnu, s'inquiète de ce qu'il va y rencontrer ; en pareille circonstance, Platon, selon une anecdote célèbre (Cicéron, République, 1, 29 [...]), avait repris courage en reconnaissant sur le sable des figures géométriques ; Virgile reconnaît des hommes au témoignage des larmes versées. » (J. Perret, Virgile. Énéide, I, Paris, 1981, p. 148)

batailles de Troie... (1, 455-493). Comme le note J. Perret (ibidem), Énée, contemplant à Carthage les scènes de la guerre de Troie, fait penser à Ulysse écoutant l'aède Démodocos au banquet des Phéaciens (Homère, Odyssée, 8, 72-92, 485-531).

Atride (1, 458). Les Atrides, fils d'Atrée, sont en l'occurrence les Grecs Agamemnon et Ménélas. La colère d'Achille s'est exercée surtout contre Agamemnon, à cause de la captive Briséis, ce qui constitue en fait le début de l'Iliade (chant 1). Les manuscrits de Virgile retiennent la leçon Atridas (acc. pl.), alors qu'un singulier, Atriden, est attesté dans une citation de Sénèque (Ep., 104, 31. De toute manière, c'est ici Agamemnon qui est spécifiquement visé, comme le traduit d'ailleurs P. Veyne, Virgile. L'Énéide, Paris, 2012, p. 42.

Priam... Achille (1, 458). Priam est le roi des Troyens. Achille, le plus vaillant des Grecs devant Troie s'est montré particulièrement cruel à son égard, car il a massacré beaucoup de ses fils, et surtout son aîné, Hector. L'Iliade s'achève pourtant (chant 24) sur une scène qui montre Achille apitoyé par Priam venu lui demander la restitution du cadavre d'Hector.

Pergame (1, 466). Au sens strict, Pergame est le nom de la citadelle de Troie, mais le mot est souvent utilisé pour désigner la ville de Troie tout entière.

Phrygiens (1, 468). Les habitants de la Phrygie, c'est-à-dire les Troyens (cfr 1, 381).

Rhésus (1, 469-473). Rhésus était un roi de Thrace, allié des Troyens. Au chant 10 de l'Iliade (433-441 et 469-525), Homère raconte comment Ulysse et Diomède, le fils de Tydée (cfr 1, 96-98), informés par Dolon, un espion troyen qu'ils avaient capturé, de l'arrivée de Rhésus à Troie, avaient attaqué son camp par surprise, l'avaient tué avec plusieurs de ses hommes et avaient emmené ses chevaux magnifiques. Homère ne le dit pas, mais on sait par ailleurs qu'un oracle avait garanti le salut de Troie si les chevaux de Rhésus pouvaient paître les pâturages de Troade et s'abreuver dans le Xanthe (appelé aussi Scamandre), une des rivières de la Troade.

Troïlus (1, 474-478). Fils de Priam et d'Hécube, Troïlus n'est mentionné qu'incidemment chez Homère (Iliade, 24, 257) par Priam lors de son entrevue avec Achille. Le vieux roi se plaint que tous ses fils – et il cite notamment Troïlus – aient été tués. Pour Homère, Troïlus est un guerrier adulte. C'est plus tard, dans les Chants Cypriens seulement, qu'il sera présenté comme un enfant, tué traîtreusement par Achille au début de la guerre de Troie. Une pièce célèbre de Shakespeare (Troïlus and Cressida) met en scène ses amours avec Cressida (= Chryséis), fille de Calchas, coquette et changeante. Le motif n'a rien à voir avec l'antiquité et repose sur une fiction médiévale.

Pallas l'inéquitable... (1, 479-482). La scène est visiblement inspirée d'Homère : dans l'Iliade (6, 286-311) en effet, la reine Hécube et les femmes de Troie se rendent en procession au temple d'Athéna pour offrir un voile (peplos en grec) à la déesse et implorer sa protection pour leur cité. Pallas Athéna était vénérée par les Grecs comme par les Troyens. Elle est ici qualifiée de non aequa (en latin « non égale, non équitable »), parce qu'elle se montra insensible aux supplications des Troyennes et favorisa les Grecs. Dans l'Iliade (10, 310), le passage correspondant se termine par le vers : « C'est ce que demanda Hécube ; mais à sa prière Pallas Athéna fait non ». En lisant ces textes, on songe au rituel athénien des grandes Panathénées, où tous les quatre ans on allait offrir en procession à Athéna son nouveau péplos, un vêtement de grande valeur, tissé par des jeunes athéniennes de bonne famille et décoré d'une broderie représentant le combat de la déesse contre les Géants.

Hector... le corps même de son ami... Priam... (1, 483-487). Dans ce tableau aussi, l'influence homérique est nette. L'Iliade raconte en effet (24, 1-18) qu'après avoir tué Hector, ami d'Énée, Achille outragea son cadavre en l'attachant à son char et en le traînant trois fois autour de la tombe de Patrocle. Cette scène atroce, qui se reproduisait chaque matin, amena (Iliade, 24, 478-506) le vieux Priam à venir en suppliant trouver Achille pour tenter de racheter le cadavre de son fils, ce qui inspira une scène homérique particulièrement émouvante (cfr 1, 458n). En imaginant le cadavre traîné autour des murs de la ville, Virgile rend la situation plus tragique encore, tout comme il insiste sur l'attitude de suppliant du vieux Priam.

Il s'est reconnu... (1, 488). Dans l'Iliade, Énée intervient notamment au chant 5, contre Diomède, et au chant 17, contre Achille, deux épisodes qui ne tournent pas à sa gloire : il n'échappe en effet à la mort que parce que les dieux se portent activement à son secours.

Aurore... Memnon (1, 489). Memnon, roi mythique d'Éthiopie, était le fils de l'Aurore (Éos) et de Tithon. Il était venu à Troie avec une imposante armée pour aider Priam, son oncle. Protégé par une armure forgée par Héphaistos, il avait tué beaucoup de Grecs. Lorsqu'il dut finalement affronter Achille, leurs mères respectives, Éos et Thétis, vinrent plaider auprès de Zeus la cause de leurs fils. C'est Memnon qui fut tué. Le nom de Memnon toutefois n'apparaît pas dans l'Iliade.

Penthésilée... Amazones... (1, 490-493). Les Amazones étaient un peuple mythique de femmes guerrières d'Asie Mineure, qui tenaient leur origine première du dieu de la guerre Arès et de la Nymphe Harmonie. D'après la légende, elles vivaient sans hommes, se bornant à rencontrer à chaque printemps des Gargaréens, un peuple voisin, afin de perpétuer leur race. Elles ne se souciaient pas des rejetons mâles nés de ces brèves rencontres, lesquels étaient supprimés ou renvoyés aux Gargaréens ; mais elles conservaient les filles auxquelles on enlevait un sein, pour qu'elles puissent manier plus facilement l'arc et la lance. Ce détail étiologique, censé justifier leur nom (a-mazôn : « qui n'a pas de sein »), explique aussi que dans les représentations iconographiques, elles apparaissaient souvent avec un sein découvert (cfr la célèbre Amazone du Vatican). Cfr 11, 648-649n ; 11, 659-663n, où les Amazones sont mises en rapport avec la geste de Camille. Penthésilée était une reine des Amazones, fille d'Arès, le dieu de la guerre. Après la mort d'Hector, elle était venue avec une armée aider Priam et les Troyens et, après divers exploits, elle fut tuée par Achille. Le héros admira sa beauté et pleura sa mort. On raconte même qu'il tua Thersite qui se moquait de ses sentiments. La mort de Penthésilée sous les coups d'Achille est le sujet de plusieurs oeuvres d'art. Un carquois d'Amazone figure parmi les prix de la course à pied dans le livre des jeux (5, 311).

Diane (1, 498-502). Ce rapprochement entre Didon et Diane, fille de Latone, soeur d'Apollon et déesse de la chasse, est visiblement inspiré d'Homère (Odyssée, 6, 101-108), qui compare Nausicaa à Artémis, le pendant grec de Diane.

Eurotas... Cynthe... (1, 498). L'Eurotas est un fleuve de Laconie, arrosant Sparte ; le Cynthe est une montagne de Délos (cfr 4, 147), l'île où naquirent Artémis-Diane et son frère Apollon (cfr 3, 75-76). Ce sont des endroits qu'affectionne la déesse.

Oréades (1, 498-502). Les Oréades sont des Nymphes (1, 71) des montagnes, qui accompagnent Diane (oros = montagne, en grec).

Latone (1, 498-502). Latone (ou Léto), mère d'Artémis, est fière de sa fille. Aimée de Zeus et poursuivie par la jalousie d'Héra, elle mit au monde ses deux enfants (Apollon et Artémis) dans l'île de Délos, surgie des flots pour la circonstance. Latone est célèbre pour son amour maternel ; ainsi elle fit mourir les enfants de Niobé qui s'était vantée d'avoir une plus belle famille qu'elle.

Anthée... Sergeste ... Cloanthe (1, 510). Ce sont les Troyens qu'Énée pensait perdus en mer et dont sa mère Vénus lui avait annoncé l'arrivée imminente (cfr 1, 390-400). Pour Anthée, voir 1, 181-183n ; pour Cloanthe, 1, 222n. Sergeste, l'éponyme de la gens Sergia, réapparaîtra en 4, 288, parmi les hommes chargés d'équiper la flotte d'Énée lorsqu'elle quitte Carthage ; en 5, 121 et passim, dans le livre des jeux, comme capitaine de la galère Centaure, et enfin, en 12, 561, où il est un des trois chefs qu'Énée charge d'opérations militaires.

Ilionée (1, 521). Voir 1, 120-124n.

incendie criminel (1, 525). Les Carthaginois menaçaient donc d'incendier les bateaux des nouveaux arrivants. On aura plus de précisions dans la suite sur cet accueil hostile (1, 539-543).

Hespérie... Oenotriens... Italie (1, 530-534). Hespérie, Oenotrie et Italie sont en fait des synonymes en poésie. Hespérie est la traduction française d'un mot grec (Hesperia), désignant « le Couchant » et donné par les Grecs aux régions occidentales (par rapport à eux). En poésie, le mot est également utilisé pour désigner l'Espagne, toujours « le Couchant », mais par rapport à l'Italie. Au sens strict, l'Oenotrie (cfr aussi en 7, 85) est une contrée située entre Paestum et Tarente, mais le terme est utilisé pour désigner l'Italie. Les Oenotriens, descendants d'Oenotrus, fils de Lycaon, roi d'Arcadie, seraient venus en Italie plusieurs siècles avant la guerre de Troie, et auraient occupé la Lucanie et le Bruttium, au sud de l'Italie, mais auraient finalement donné leur nom à l'ensemble de la péninsule. Quant à l'Italie, elle doit probablement son nom à une forme grécisée d'un mot italique Vitelia (= pays des veaux). Quoiqu'il en soit, il ne désignait à l'origine que l'extrémité sud du pays, puis s'étendit progressivement vers le nord. Pour expliquer le mot, certains Anciens lui trouvèrent un éponyme en la personne d'un certain Italus, dont on fit notamment un roi oenotrien, fils de Télégon et de Pénélope, et qui aurait ensuite donné son nom au pays. Ces quatre vers ont été repris intégralement en 3, 163-166, dans le discours que les Pénates adressent à Énée fourvoyé en Crète suite à une mauvaise interprétation de l'oracle d'Apollon à Délos. Les Pénates remettent alors les Troyens sur le bon chemin.

Orion (1, 535). Nom d'une constellation, dont le coucher (en hiver) était marqué par des tempêtes. Il en est question à plusieurs reprises dans l'Énéide (cfr 3, 517 ; 4, 52 ; 7, 719). Dans la mythologie, Orion était un chasseur béotien d'une taille gigantesque (cfr 10, 763-765) et d'une grande beauté. Après sa mort, Diane le transforma en constellation en même temps que son chien Sirius. Deux rangs d'étoiles forment son baudrier et son épée.

Austers (1, 537). Les vents du sud, appelés aussi Notus. Voir 1, 84-86n.

Qui sont ces gens... (1, 539-543). Virgile avait déjà évoqué plus haut un accueil hostile (1, 525-526). Cela ne devait pas sembler étrange aux lecteurs romains, car les Carthaginois étaient leurs ennemis héréditaires (on songe aux guerres puniques) et avaient une réputation de cruauté et de mauvaise foi. Les vers 1, 297-304 déjà semblaient montrer que la bienveillance n'était pas naturelle aux Carthaginois et que des précautions s'imposaient.

Sicules (1, 549). Chez Virgile, les habitants de la Sicile sont appelés tantôt Sicules (Siculi), tantôt Sicanes (Sicani, cfr en 5, 293). En réalité chez les Anciens, le sens de ces mots est assez complexe. Thucydide par exemple (6, 2) distinguait en Sicile trois peuples différents : les Sicanes au centre, les Sikèles à l'est et les Élymes à l'ouest. D'autres auteurs (par exemple Varron, Langue Latine, 5, 101) voyaient dans les Sicules un peuple primitif de l'Italie, qui aurait même occupé le site de Rome. Il ne peut être question d'entrer ici dans ces problèmes de terminologie.

Aceste (1, 550). Voir 1, 195n.

Sicanie (1, 557). Autre nom utilisé par Virgile pour désigner la Sicile. Mais tout comme les Sicules (cfr 1, 549n), les Sicanes passaient parfois aux yeux des Anciens comme une population primitive du Latium. Virgile suivra aussi cette vision des choses. Ainsi, en 7, 795, des Sicanes figureront parmi les troupes de Turnus (cfr aussi 8, 328).

Énéades (1, 565). Les compagnons ou les descendants d'Énée. Voir note 1, 157n.

Phéniciens (1, 567-568). Les habitants de Carthage étaient venus de Tyr, en Phénicie (cfr 1, 12-14n).

le Soleil ... (1, 568). L'idée n'est pas très claire. Peut-être Didon veut-elle dire : Tyr, la ville d'où nous venons, est située à l'est et n'est pas tellement éloignée de Troie ; il est donc normal que nous ayons été informés de ce qui s'était passé à Troie. Le commentaire de M. Rat va dans un tout autre sens. La ville « tyrienne » pour lui désignerait Carthage, et le vers concernerait donc les Carthaginois : « le soleil, par sa lumière bienfaisante, embellit les corps et les âmes, qu'il rend généreuses et miséricordieuses ». Dans cette perpective, Didon voudrait dire que les Carthaginois ne sont pas des sauvages. P. Veyne, Virgile. L'Énéide, 2012, traduit (p.46) : "et l'attelage du Soleil ne tourne pas le dos à notre ville".

les champs de Saturne (1, 569). Il s'agit de l'Italie (= l'Hespérie) et du Latium. Saturne était considéré comme un des rois mythiques du Latium (7, 49n). Une tradition raconte en effet qu'après avoir été détrôné par son fils Jupiter, Saturne serait venu se réfugier dans la région pour s'y cacher (en latin latere), lui donnant son nom (Latium) (cfr 8, 319-325).

pays d'Éryx et du roi Aceste (1, 570). Il a été question plus haut d'Aceste (1, 195). On retrouvera le nom du héros Éryx au chant 5 (5, 24 ; 5, 392 ; 5, 402, etc.). Considéré comme un fils d'Aphrodite, Éryx aurait donné son nom à la montagne au nord-ouest de la Sicile, non loin de Drépane (3, 707), sur laquelle s'élevait un célèbre temple d'Aphrodite (5, 759 ; 10, 36). Lors des guerres puniques, cette déesse du mont Éryx sembla apporter une aide efficace aux Romains, qui, pour témoigner leur reconnaissance, l'introduisirent à Rome sous le nom de Vénus Érycine.

Notus (1, 575). Voir 1, 85 et 1, 537n.


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