Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, I, p. 335b-341a

Édition : A. Borgnet (1864) ‒ Présentation nouvelle, traduction et introductions de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2017)

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Considérations chronologiques - Annonciation - Virginité de MariE - Épousailles de Joseph et de Marie

Visitation - Naissance de Jean-Baptiste [Myreur, p. 335b-341a]

An I de l'Incarnation

Introduction [sommaire] [texte]

La matière traitée dans ce présent fichier sera relativement familière à beaucoup de lecteurs. Elle s'inspire en effet des textes évangéliques, tout en empruntant, largement parfois, du matériel à d'autres sources. Nous avons publié dans plusieurs articles récents des Folia Electronica Classica, des commentaires assez détaillés concernant ces récits. Nous renvoyons ci-dessous à ces articles.

Le texte s'ouvre sur un passage consacré à Zacharie, à Élisabeth ainsi qu'à la conception de Jean Baptiste, commenté dans un de nos articles des FEC (38, 2014) consacré à la parenté de la vierge Marie.

Le passage suivant est particulièrement intéressant parce qu'il est le seul, dans l'ensemble du Myreur, à donner un aperçu du comput suivi par Jean d'Outremeuse et de la durée exacte de chacun des âges du monde. Il n'y mentionne toutefois pas des systèmes qu'il a occasionnellement suivis, comme l'ère d'Abraham (par exemple p. 13b-23a) et l'ère de Joseph (par exemple p. 26b-35a, p. 138b-143a), ces exemples suggérant probablement des changements de source. Jean manifeste un intérêt profond pour la chronologie et il suit en général son comput avec grand soin. Ici, toutefois, pour que le total donné des 5.199 années soit correct et pour intégrer la dernière indication chronologique de la p. 91, nous avons ajouté six ans à la durée de l'ère du couronnement de David (soit IIIIc IIIIxx et VI au lieu du IIIc et IIIIxx de l'édition). Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter aux considérations chronologiques développées dans le commentaire des FEC 28 (2014). Lors de la rédaction de cet article, nous n'avions pas repéré cette erreur de six années dans l'ère du couronnement de David. On y trouvera en tout cas une discussion sur l'importance - totalement abusive - attribuée ici par Jean d'Outremeuse à la date du 25 mars, ainsi que sur la notion, importante à ses yeux, d'année parfaite et d'année imparfaite. Jean revient sur ces questions aux p. 347-349, dans ses considérations chronologiques sur la naissance de Jésus.

En ce qui concerne l'Annonciation et la virginité de Marie, on se reportera à la partie ad hoc de notre commentaire des FEC.

Ce commentaire a également traité des « Épousailles de Joseph », un épisode totalement absent des évangiles canoniques et auquel Jean a donné un grand développement. Nous avons montré que Ly Myreur adoptait dans ses grandes lignes le schéma suivi par les premiers apocryphes, mais surtout que, pour le détail du récit, Jean suivait de très près le Romanz de saint Fanuel, une oeuvre qu'on peut considérer sans la moindre hésitation comme la source directe de ce passage du Myreur.

Les épisodes de la Visitation et de la naissance de Jean-Baptiste ont aussi fait l'objet d'un commentaire ad hoc dans les FEC. L'influence du Romanz de saint Fanuel notamment est apparue évidente dans le récit du Myreur concernant la Visitation.

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Sommaire

* Annonce à Zacharie et à Élisabeth de la conception de Jean-Baptiste

Considérations chronologiques : Les six âges du monde - Années parfaites (complètes) et imparfaites (incomplètes) - Importance du 25 mars dans l'histoire du monde

L'Annonciation et la virginité de Marie : L'ange Gabriel fait son annonce à Marie - Miracle de la virginité de Marie

Les épousailles de Marie et de Joseph : Les autorités du Temple désignent un époux pour Marie - Le choix de Joseph - Union très chaste de Joseph et de Marie

La Visitation et la naissance de Jean-Baptiste : Marie accueillie par sa cousine Élisabeth - Naissance et vie austère du jeune Jean-Baptiste

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Annonce à Zacharie et à Élisabeth de la conception de Jean-Baptiste

 

[p. 335] [De Zacharie et Elisabeth] Item, l'an del transmigration de Babylone Vc IIIIxx et IX, le XXIIII jour de mois de septembre, al XXIe an del coronation le roy Herode, astoit I hons religieux, qui astoit priestre et faisoit à cel jour oblation en temple de Jherusalem : si astoit nommeis Zacharie, et sa femme astoit nommée Elizabeth ; et astoient mult vies, car cascons avoit bien cent ans d'eaige, si n'avoient oncques oyut enfans, car Elizabeth astoit brehangne, se ne poioit fructifiier. Et ne plaisoit mie à Dieu que ilh awist enfant, jusqu'à tant que temps sieroit por ly.

[p. 335] [Zacharie et Élisabeth] L’an 589 de l’exil de Babylone, le 24 septembre, la vingt et unième année après le couronnement du roi Hérode, un homme très religieux, un prêtre, faisait ce jour-là une offrande dans le Temple de Jérusalem. Il avait pour nom Zacharie et sa femme s’appelait Élisabeth. Ils étaient très vieux, comptant chacun au moins cent ans. Ils n’avaient pas eu d’enfant parce qu’Élisabeth, étant stérile, ne pouvait pas porter de fruit. En fait, Dieu ne voulait pas qu’il ait un enfant, avant que le temps ne soit venu pour lui.

[Zacharie en temple fist sacrifiche] [L’angle annunchat la conception saint Jehan-Baptiste] Si avient enssy que Zacharie ly priestre astoit en temple et faisoit oblation de incense, et veschi sains Gabriel l'angele vient et s'aparuit à ly devant l'ateit, et dest en teile manere : « O tu, Zacharias, entens à moy. Dieu tu mande que quant tu as fineit son serviche, se toy retrais arrie en ton hosteit et toy cuche awec ta femme ; et Dieu toy donrat I teile fruit, qui de luy serat tant ameis que ilh vorat prendre baptemme de ly en fluis Jordan, et se le nomme par son nom Johans ».

[Zacharie fait un sacrifice au Temple] [L’ange annonce la conception de saint Jean-Baptiste] Un jour où le prêtre Zacharie se trouvait dans le Temple en train d'offrir l’encens, voici que l’ange saint Gabriel lui apparut devant l’autel et lui dit : « O toi, Zacharie, écoute-moi. Dieu ordonne qu'après ton service, tu te retires dans ta maison et couches avec ta femme. Dieu te donnera alors un enfant, qu’il aimera beaucoup, au point qu'il voudra lui-même se faire baptiser par lui dans le Jourdain : ce fils se nommera Jean. »

Quant Zacharie l'oït, se dest à Gabriel : « Comment porat chu eistre que tu m'as dit ? Nos summes si vilhes ambdois et si floibles, que je ne moy puy sourtenir, et s'ilh est enssi que j'aroy en chist eaige enfant, chu ne poroy-je croire. »

Quand Zacharie entendit cela, il dit à Gabriel : « Comment ce que tu m’as dit pourra-t-il se faire ? Nous sommes si vieux tous les deux et si faibles que je ne puis plus me soutenir. Aussi, je ne pourrais pas croire avoir un enfant à mon âge. »

[Zacharie devient mueis Adont dest li angle à Zacharie : Et tu en auras teile gueridon por te non creanche que tu ne parleras, ains seras-tu mueis jusqu'à tant que li enfes serat neis, et portant que tu ne vues croire que Dieu ait bien poioir de toy faire avoir enfant ; et quant ly enfes serat circonchis et nommeis Johans, adont parleras-tu com devant. »

[Zacharie devient muet] Alors l’ange dit à Zacharie : « Pour te punir de ton manque de foi, tu ne parleras plus. Tu resteras muet jusqu’à la naissance de l’enfant, et cela parce que tu ne veux pas croire que Dieu a le pouvoir de te rendre père. Et quand l’enfant sera circoncis et appelé Jean, tu retrouveras la parole comme avant. »

Atant est ly angele departis, et Zacharie fist le serviche de Dieu, puis issi de temple ; mains oussitoist que ilh issit de temple, par le volenteit de Dieu [p. 336] ilh fut mueis et laisat le parleir, de quoy ly peuple en oit grant mervelhe ; et puis soy cuchat awec sa femme. Et adont fut engenreis sains Johans, et ne nasquit oncques plus grans de femme fours que Jhesu-Crist.

L’ange s’en alla, Zacharie accomplit le service divin, puis sortit. Mais dès qu’il fut hors du Temple, par la volonté de Dieu [p. 336] il devint muet et cessa de parler, au grand étonnement du peuple. Puis il alla ensuite coucher avec sa femme. Alors saint Jean fut engendré, et jamais femme ne mit au monde un homme plus grand, à l’exception de Jésus-Christ.

 

Considérations chronologiques : Les six âges du monde - Années parfaites (complètes) et imparfaites (incomplètes) - Importance du 25 mars dans l'histoire du monde

 

[p. 336] [Chi fine li Ve eaige de monde] Item, chi fine ly Ve eaige de monde, qui contient del transmigration de Babylone jusques al incarnation Jhesu-Crist.

[p. 336] [Ici finit le cinquième âge du monde] Ici finit le cinquième âge du monde, qui va de l’exil de Babylone à l’Incarnation de Jésus-Christ.

[Des eaiges du monde] Et deveis savoir que ly promier eaige de monde, chu est de la formation Adam, nostre promier pere, jusqu'à le delueve Noé, qui contient IIm lIc et XLII ans. Item, ly secon eaige de monde est de la delueve Noé jusqu'à la nativiteit Abraham le patriarche, qui contient IXe et XLII ans. Item, ly IIIe eaige est de la nativiteit Abraham jusqu'à la coronation le roy David, qui contient IXc et XL ans. Item, le IIIIe eaige est de la coronation le roy David jusques al transmigration de Babylone, qui contient IIIIc et IIIIxx [et VI] ans. Item, le Ve eaige est del transmigration jusques al incarnation Nostre-Salveur Jhesu-Crist, quant l'angele Gabriel annunchat à la virgue Marie le salut del Ave Maria ; lyqueis quinte eaige est chis que nos avons chi-desus pris nos dautes derainement, qui contient Vc IIIIxx et IX ans.

[Les âges du monde] Vous devez savoir que le premier âge du monde, depuis la création d’Adam, notre premier père, jusqu'au déluge de Noé, compte deux mille deux cent quarante-deux ans. Le second âge du monde, du déluge de Noé à la naissance d’Abraham le patriarche, compte neuf cent quarante-deux ans. Le troisième âge va de la naissance d’Abraham au couronnement du roi David, et compte neuf cent quarante ans. Le quatrième âge va du couronnement du roi David à l’exil de Babylone et compte quatre cent quatre-vingt-[six] ans. Le cinquième âge va de l’exil à l’incarnation de notre Sauveur Jésus-Christ, quand l’ange Gabriel annonça à la vierge Marie la salutation de l’Ave Maria ; ce cinquième âge est le dernier où nous avons pris nos dates ci-dessus : il compte cinq cent quatre-vingt-neuf ans.

Lesqueis V eaiges montent ensemble à la somme de Vm et IIc ans I moins, assavoir V milh cent nonante et nuef, que li monde avoit esteit origineis et Adam fourmeis, enssi com dit est par-desus.

Ces cinq âges totalisent cinq mille deux cents ans moins un, c’est-à-dire cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf années (5.199), depuis l’origine du monde et la création d’Adam, comme cela a été dit ci-dessus.

[De VIe eaige de monde] Ors est raison que nos parlons de la benoite incarnation Nostre-Saingnour Jhesu-Crist, par lequeile tous le monde fut rachateis et osteis des grandes poins d'infier. Chi-apres s'ensiet ly VIe eaige, qui dure jusqu'à la fin de chu monde. Chi commenche ly an del tres-sainte incarnation Jhesu-Crist.

[Le sixième âge du monde] Maintenant nous devons parler de la bienheureuse Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui racheta et délivra le monde entier des peines de l’enfer. Ce qui suit concerne le sixième âge, qui durera jusqu’à la fin de ce monde. Il commence en l’an de la très sainte Incarnation de Jésus-Christ.

A la gloire et loienge de la sainte Triniteit, de Pere, Fis et Saint-Esperit, vorons commenchier et deviseir le VIe eaige de monde, et le derains solonc l'Escripture, car ilh durerat jusqu'al fin de monde; et vos vorons declareir les dautes comment ilh commenchoient chi-devant, et par queile raison.

À la gloire et à la louange de la sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, nous voulons commencer à parler du sixième âge du monde, et le dernier selon l’Écriture, car il durera jusqu’à la fin du monde. Nous voulons vous montrer comment les dates évoquées ci-dessus ont commencé et pour quelle raison.

Vos saveis que toutes les dautes des V eaiges deseurdis commenchent en mois de marche le XXVe jour, portant que marche astoit ly promirs mois de l'an, et portant enssi que Adam fut fais et fourmeis le XXVe jour de marche ; et oussi ilh morut à cheli jour, sour l'an del origination de monde IXc et XXX ; et fut à chis propre jour Abel ochis par Caym; et si ouffrit [p. 337] Melchisedech pain et vin, et Ysaac fut mis sour l'auteit por coupeir son chief en nom de sacrifiche ; et que sains Johans-Baptiste fut decolleis, et sains Pire l'apostle fut mis fours del prison, et sains Jaque fut martyrisiiés, et li passion Nostre-Sires Jhesu-Crist que ilh souffrit mort en la crois por tout humaine lignie, et la victoire sains Mychiel contre le dyable, et que les enfans d'Ysrael passont mere tout à seche. Tout chu fut fait à cheli meismes jour XXVe de marche, en diverses années.

Vous savez que les cinq âges mentionnés plus haut ont tous commencé en mars, le 25, parce que mars était le premier mois de l’année, et aussi parce que Adam fut créé et façonné le 25 mars. Il mourut aussi ce jour-là, en l’an 930 de l’origine du monde. Un 25 mars aussi, Abel fut tué par Caïn, Melchisédech [p. 337] offrit le pain et le vin, Isaac fut placé sur l’autel destiné à avoir la tête coupée et à être offert en sacrifice, saint Jean-Baptiste fut décapité, saint Pierre sortit de prison et saint Jacques fut martyrisé. Le 25 mars encore, se déroula la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui souffrit la mort sur la croix pour tout le genre humain, ainsi que la victoire de saint Michel contre le diable et le passage de la mer à pied sec par les enfants d’Israël. Tous ces événements eurent lieu à cette même date, le 25 mars, à des années différentes.

Mains encor y fut fais ly plus grans, ly plus precieux, ly plus benigne et ly plus glorieux fais qui oncques fut fais à monde, car à cel propre jour, le XXVe jour de marche, vient Gabriel ly archangle aporteir à la virgue Marie le salut del Ave Maria, sicom vos oreis chi-apres, sour l'an del creation de monde Vm IIc, I moins, parfais, et Vm IIc imparfais.

Mais le 25 mars encore se produisit l’événement le plus grand, le plus précieux, le plus sacré et le plus glorieux de ceux qui eurent jamais lieu au monde, car ce jour-là, le 25 mars, l’archange Gabriel apporta à la vierge Marie le salut de l’Ave Maria, comme vous l’entendrez ci-après, en l’an 5199 « parfait » et 5200 « imparfait » de la création du monde

[Des ans parfais et imparfais] Si voray faire entendre aux ignorans briefment la differenche entre parfait et imparfait. Nos vos avons desus dit que toutes les dautes anchienement prendoient leurs commenchement à leur fin en mois de marche le XXVe jour ; et coroit cascon daute I an, sy finoit au XXlllle jour, et tout l'an qu'ilh coroit astoit an imparfait, et quant ilh venoit al dierain jour, ilh astoit acomplit et parfait. Et enssi vos dis-je que ly an Vm et IIc, I moins, finat le XXIIIIe jour de marche, et fut parfais ; et lendemain, le XXVe jour de marche, quant Gabriel vient, commenchat l'an imparfait Vm IIc, qui corit l'année tout ensuivant. Et chis fut ly promier an del incarnation. Et chu fait-ilh bon savoir et entendre por les debas des années parfaites et imparfaites, car ons auroit tantost mescompteit une an qui n'y penseroit.

[Années parfaites et imparfaites] Je voudrais expliquer brièvement à ceux qui l'ignorent la différence entre « parfait » et « imparfait ». Nous avons dit plus haut que, dans les temps anciens, chaque année commençait fin mars, le 25, qu'elle durait un an et se terminait le 24. Une année en cours représentait une année « imparfaite » ; quand elle arrivait au dernier jour seulement, elle était terminée et « parfaite ». Ainsi je vous dis que l’an 5199 se termina le 24 mars et fut alors « parfait » ; et le lendemain, le 25 mars, à l’arrivée de Gabriel, commença l’année « imparfaite » 5200 qui courait sur toute l’année suivante. Ce fut l’an 1 de l’Incarnation. Il est bon de savoir et de comprendre cela pour suivre les discussions sur les années « parfaites » et « imparfaites », car on aurait vite fait une erreur d’un an, si on n’y pensait pas.

 

L'Annonciation et la virginité de Marie : L'ange Gabriel fait son annonce à Marie - Miracle de la virginité de Marie

 

[p. 337] [L’anunciation à Nostre-Damme] En revenant à nostre matere, le promier an del incarnation Nostre-Saingnour Jhesu-Crist imparfait, et le promier jour del an, assavoir le XXVe jour de mois de marche, al heure de messe solonc alcuns, desquendit Gabriel, à commandement de Dieu, faire l'anunciation à la benoite et glorieuse virge Marie, qui astoit entrée dedens son orateur, en la citeit de Nazareth, et tenoit I psaltier en sa main, et avoit de eaige XIIII ans et VII mois, VIII jours moins, que el avoit esteit née.

[p. 337] [L’annonciation à Notre-Dame] En revenant à notre matière, la première année de l'Incarnation de Jésus-Christ (an imparfait) et le premier jour de l’an, c’est-à-dire le vingt-cinquième jour de mars, à l’heure de la messe selon certains, l’ange Gabriel descendit, sur l’ordre de Dieu, faire une annonce à la benoîte et glorieuse vierge Marie. Celle-ci était dans son oratoire, dans la ville de Nazareth, tenant un psautier dans sa main. Elle était âgée de quatorze ans, sept mois moins huit jours.

Et là elle commenchat mult parfaitement à oreir Dieu et deproiier. Et ly vray Dieu, qui l'avoit fait et fourmeit à sa volenteit et edifiié en son cuer, deis al commenchement de monde, com [p. 338] celle de cuy ilh voloit faire sa mere et sa filhe, fist à cel propre heure el chiel ovrir. Si envoiat sains Gabriel dedens le temple, qui jettat mult grant clarteit, et vient devant Marie, sicom dit est. Si l'apellat mult douchement et dest : « Dieu toy sault, Marie plaine de grasce, Dieu est awec toy. »

Et là, très pieusement, elle se mit à invoquer et à prier Dieu. Et le vrai Dieu, qui l’avait faite et formée selon sa volonté et conçue en son cœur dès le commencement du monde comme [p. 338] étant la personne dont il voulait faire et sa mère et sa fille, fit s’ouvrir le ciel, à cette heure précise. Il envoya dans le Temple saint Gabriel qui, en répandant une très grande lumière, se présenta à Marie, comme cela est dit. Il l’appela très doucement et dit : « Dieu te salue, Marie, pleine de grâces, Dieu est avec toi. »

[De sainte Marie ce qu’elle quidoit de l’angle] Adont oit la benoite virge Marie grant paiour, car elle quidat, sicom alcuns escriptures dient, que chu fuist I enchanteur qui adont regnoit en paiis, qui astoit nommeis Turquins, qui, toutes les fois qu'ilh ly plaisoit, se faisoit sembleir uns angele, et s'aloit sovens cuchier awec les pucelles. Se quidat Marie del angele que chu fuist cheli Turquins qui le vosist dechivoir, si demandat en conjurant de Dieu que s'ilh astoit Turquins que ilh ly desist ; mains Gabriel li respondit qu'ilh astoit vray et certains messagier de Dieu.

[Ce que sainte Marie croyait à propos de l’ange] Alors la douce vierge Marie eut très peur, parce qu'elle croyait, comme le disent certains textes, que l'ange était l’enchanteur qui régnait alors dans le pays et se nommait Turquin. Celui-ci, toutes les fois qu’il le souhaitait, prenait l’apparence d’un ange et allait souvent coucher avec les pucelles. Marie pensa que l’ange était ce Turquin qui voulait lui faire du mal, et elle lui demanda de lui dire, en jurant devant Dieu, s'il était était Turquin. Mais Gabriel lui répondit qu’il était le messager de Dieu véritable et assuré.

[L’angle parolle à Nostre-Damme] Quant Marie oiit chu, se fut plus assegurée, car ly angele ly dest : « Ne t'enmaies nient, Marie, car Dieu est en toy desquendut, et se toy mande que tu as conchut unc fis toute virge ; et al enfanteir demoras virgue, et enssi apres l'enfantement, et sainte virge tousjours demoras, et ton fis sierat roy de paradis ; et ne mescrois mie chu que je dis, ains regarde Elizabeth, ta cusin, qui est brehangne et vielhe de cent ans, et at conchut de son saingnour unc mult noble enfant. »

[L’ange parle à Notre-Dame] Quand Marie entendit cela, elle fut plus rassurée car l’ange lui dit : « Ne t’effraie pas, Marie, car Dieu est descendu en toi et te fait savoir que, bien que vierge, tu as conçu un fils ; en enfantant, tu demeureras vierge ; après l'enfantement aussi, tu resteras vierge sainte et ton fils deviendra le roi du paradis. Ne refuse pas de croire ce que je dis, et regarde plutôt Élisabeth, ta cousine, qui, bien que stérile et âgée de cent ans, a pourtant conçu de son époux un très noble enfant ».

Adont respondit sainte Marie : « Comment poroit chu eistre ? Je n'oie oncques cognisanche d'homme, et ay à Dieu voweit casteit, sique je moy mervelhe comment virge poroit enfant avoir sens atouchier à homme, ne sens fauseir virginiteit ne faindre. »

Alors Marie répondit : « Comment cela pourrait-il se faire ? Je n’ai jamais connu d’homme, et j’ai voué à Dieu ma chasteté. C'est pourquoi je me demande comment une vierge pourrait avoir un enfant sans toucher un homme, sans trahir sa virginité et sans feindre ».

Adont ly dest ly angele Gabriel : « Dame, Dieu at bien poioir de tot faire et defaire ; ilh veult de toy faire sa mere, si qu'ilh serat ton fis, et serat oussi ton pere, et enssi ne perderas riens de chu que tu as voweit ; ilh garderat mult bien ta casteit. » Et quant Marie oiit chu, se dest : « Ancelle je suy à ly, si fache de moy son plaisier. »

Alors l’ange Gabriel lui dit : « Dame, Dieu a le pouvoir de tout faire et défaire ; il veut faire de toi sa mère, il sera ton fils, et sera aussi ton père, cela sans aucunement enfreindre ton vœu : il sauvegardera très bien ta chasteté ». Et entendant cela, Marie dit : « Je suis sa servante ; qu’il fasse de moi selon son plaisir ».

[p. 338] [Mervelhe de Nostre-Damme - Del virginiteit Nostre-Damme - Dieu entrat en corps Marie par l’orehle] Atant s'en est ly angele aleis, et Marie demorat conchuit et engrossie de Dieu, qui en ses flans s'aombrit en celle heure ; et entrat Dieu en Marie par l'orelhe, car par l'orelhe entendit l'angele, et enssi que li sons de la vois entrat en l'orelhe, enssi entrat awec la sainte Triniteit de Pere, Fis et Saint-Esprit, car de chi fait ne soit riens ly membre natureit de la virge Marie, ne sa fleur virginal.

[p. 338] [Miracle de Notre-Dame - Sa virginité - Dieu entre dans le corps de Marie par l’oreille] Alors l’ange s’en alla et Marie resta enceinte et grosse de Dieu, qui s’abrita à ce moment-là en ses flancs. Dieu entra en Marie par l’oreille, car c’est par l’oreille qu’elle entendit l’ange, et de même que le son de la voix pénétra dans son oreille, en même temps entra en elle la sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Et de ce fait le membre naturel de la vierge et sa fleur virginale n’en surent rien.

[p. 339] Cascons doit savoir que enssi que ly soleal trespasse la voiriere qui est saine et entier, et resplendist sa clarteit oultre, et puis soy retrait sens le voire emperier ne rompir à passeir ; enssy soy mist Dieu en corps de Marie par l'orelhe où elle conchuit la parolle, et resplendist dedens li et espandit sa vertut et clarteit de la sainte Triniteit, sens violenche faire à virginiteit. Et ilh soy retrahist cest al enfanteir ; ilh issit fours par l'orelhe où ilh astoit dedens entreis, virginiteit demorant sens rumpre ne casseir en nulles des parties.

[p. 339] Chacun doit savoir que, de même que le soleil traverse une vitre propre et intacte en la faisant resplendir de sa clarté, puis se retire sans abîmer le verre ni le rompre à son passage, ainsi Dieu prit place dans le corps de Marie par son oreille, par où elle conçut la parole. Dieu y resplendit, répandant sa vertu et la lumière de la Sainte Trinité, sans faire violence à sa virginité. Il s’en retira à l’enfantement ; il sortit par l’oreille, par où il était entré, la virginité subsistant sans être rompue ni brisée en aucune de ses parties.

 

Les épousailles de Marie et de Joseph : Les autorités du Temple désignent un époux pour Marie - Le choix de Joseph - Union très chaste de Joseph et de Marie

 

[p. 339] [Ce que Dieu mandat par l’angle] Item, à cel temps astoit la loy teile que, se une femme fust grosse d'enfant et elle n'awist marit, elle fust lapidée ou arse, et jà n'en posist escappeir, ne pour avoir ne por grandeur. Si avient que tous les barons de paiis et ly evesque de la loy astoient I jour aleis au temple por oreir ; adont vient une vois qui leurs dest en hault : « Sangnours, Dieu vos mande que vos donneis Marie I marit de la lignie dont elle est née, » et atant soy partit la vois.

[p. 339] [Ce que Dieu fait savoir par l’ange] À cette époque, la loi voulait qu'une femme qui était enceinte sans être mariée soit lapidée ou brûlée. Et ni la fortune ni une naissance noble ne pouvaient lui éviter d'échapper à ce sort. Un jour, alors que tous les barons du pays et le grand-prêtre s'étaient rendus au Temple pour prier, une voix venue d’en haut leur dit : « Seigneurs, Dieu vous ordonne de donner à Marie un mari de la lignée dont elle est issue ». Ensuite la voix disparut.

[Coment Nostre-Damme fut mariée] Et li evesque at mandeit tous les barons de la terre, par le conselh de I juys qui astoit mult saige. Atant vinrent vies et jovenes, grant et petis, et mult en y vient qui n'avoient cure del marier ; mains quant ilhs veirent la pucelle, se n'y avoit si gran saingnour qui ne le vosiste avoir esposeit, tant astoit belle et plaine de la grant grasce de Dieu.

[Comment Notre-Dame se marie] Sur le conseil d’un Juif très sage, le grand-prêtre convoqua tous les barons du pays. Arrivèrent alors des hommes, des vieux et des jeunes, des grands et des petits ; beaucoup ne se souciaient pas de mariage. Mais quand ils virent la pucelle, tous les seigneurs, si grands soient-ils, voulaient l’épouser, tant elle était belle et toute pleine de la grâce de Dieu.

[p. 339] [De marit Nostre-Damme, qui oit bien IIc ans] En cel conrois est venus I dammoseais qui fut nommeis Joseph, qui astoit venus por veioir le mariage et nient por la pucelle à avoir, car ilh astoit trop vies, ilh avoit bien IIc ans ou plus ; chis Joseph soy mist deleis I pileir, portant qu'ilh se doubtoit que les gens menues ne l'abatissent à terre al presse. Mult fut Joseph escarnis et degabbeis des enfans et oussi des bachelleirs et des dameseais ; mains ilh n'y acontoit riens.

[p. 339] [Le mari de Notre-Dame a bien 200 ans] Un gentilhomme appelé Joseph était présent dans la foule. Il était venu pour voir le mariage et non pour obtenir la pucelle, car il était trop vieux : il avait au moins deux cents ans. Ce Joseph se plaça près d’un pilier, parce qu’il craignait que la foule ne le presse et ne le fasse tomber sur le sol. Des enfants et aussi des bacheliers et des damoiseaux se moquèrent beaucoup de lui et le ridiculisèrent, mais il n’en tenait pas compte.

Quant tous les barons furent enssi assembleis, se dest li evesque : « Saingnours, je vos ay chi mandeit par le commandement de Dieu ; si veulhiés proier à ly que ilh nos veulhe donneir à cognoistre qui digne est de la pucelle Marie esposeir et avoir. »

Quand tous les barons furent rassemblés, le grand-prêtre prit la parole et leur dit : « Seigneurs, je vous ai fait venir ici sur l’ordre de Dieu ; aussi veuillez le prier qu’il consente à nous faire connaître l'homme digne d’obtenir et d’épouser Marie la pucelle ».

[Li angle parolle à peuple de Marie la virge] Atant ont fait leur orison, et enssi qu'ilh astoient là, si leur dest I angele : « Barons, Dieu vos mande par moy que cascon de vous prende une verge en sa main, et chis en cuy main la verge florisseroit, chis aurat la pucelle sens contredit. » Et tantoist ont pris verges en leur mains, puis se sont recuchiés en orisons ; et puis fist li evesque unc sermon, et fait cascon [p. 340] sa main leveir en hault awec la verge ; et Joseph, qui tenoit son bordon de quoy ilh s'apoioit, si le levat en hault.

[L’ange parle de la vierge Marie au peuple] Alors ils firent leurs oraisons, et tandis qu’ils étaient là, un ange leur dit : « Barons, par mon intermédiaire, Dieu ordonne à chacun de prendre en sa main une baguette : celui dont la baguette fleurira aura la pucelle, sans discussion. » Aussitôt ils prirent des baguettes dans leurs mains, puis se remirent en prières. Alors le grand-prêtre fit un sermon et demanda à chacun [p. 340] de lever bien haut la main tenant la baguette. Joseph, qui tenait le bâton sur lequel il s’appuyait, le leva bien haut.

[Ly bordon Joseph commenchat à florir et fruit porteir] Là oit I garchon qui degaboit Joseph, et tant que Joseph en voult aleir sa voie ; mains tout enssi com ilh soy turnoit, commenchat son bordon à florir et fruit porteir, et s'asseit par-desus I blan colon, qui signifioit Jhesu-Crist, et la verge signifioit Marie. Mains quant les Juys veirent chu, si allont apres luy et le firent retourneir, se li dessent que ilh auroit la pucelle, car Dieu le volloit. Adont ont pris la verge atout la flour, qui jettoit si grant odour que ilh sembloit à cascon que ilh fust en paradis. Cette verge fut presentée al evesque ; mains enssi com ly evesque le monstroit à peuple, la verge salhit fours de ses mains et se entrat ens ès mains Marie, la benoite virge.

[Le bâton de Joseph se met à fleurir et à porter un fruit] Il y avait là un garçon qui se moquait tellement de Joseph que celui-ci voulut s’en aller. Mais tandis qu’il se tournait pour le faire, son bâton commença à fleurir et à porter du fruit tandis qu'une colombe blanche, symbolisant Jésus-Christ, se posa sur bâton qui symbolisait Marie. Les Juifs voyant cela allèrent vers lui, le firent revenir et lui dirent qu’il aurait la pucelle, car telle était la volonté de Dieu. Ils prirent ensuite la baguette fleurie, qui répandait une odeur si forte que chacun croyait être au paradis. On présenta cette baguette au grand-prêtre ; mais tandis que celui-ci la montrait au peuple, elle s’échappa de ses mains et alla se placer dans celles de Marie, la vierge bénie.

[p. 340] [La vierge Marie fut esposée à Joseph] Adont desquendit li evesque, si at esposeit là meismes Marie et Joseph. Chis Joseph n'astoit mie riche hons, si aloit aide quiere à ses amis por faire ses noches ; si demorat pres de trois mois. Et quant ilh fut revenus, si s'aperchut que sa femme astoit enchainte ; si en fut mult corochiet, se li blamat mult durement, car ilh n'avoit oncques jut awec lée, puis s'en alat altre part cuchier por dormir.

[p. 340] [La vierge Marie devient l’épouse de Joseph] Le grand-prêtre descendit alors et, sur place, unit Marie et Joseph par le mariage. Ce Joseph, qui n’était pas riche, alla demander de l’aide à ses amis pour célébrer ses noces. Son absence dura près de trois mois. Mais quand il revint, il s’aperçut que sa femme était enceinte. Il en fut très irrité, et la blâma durement, car il ne s’était jamais uni à elle. Puis il alla dormir ailleurs.

[Li angle parlat à Joseph] Cette nuit vient I angele à Joseph et ly dest : « Joseph, ne t'esmaie nient de chu que ta femme est enchainte, car chu est del Saint-Esperit, et elle porte Dieu en ses flans ; si serat li enfe qu'elle porte le fis de Dieu, si sierat nommeis Jhesus, et serat sires de tout le monde. Et portant Dieu toy mande que tu garde la pucelle castement, car elle est et serat toudis virge parfaite. »

[L’ange parle à Joseph] Durant la nuit un ange lui apparut, disant : « Joseph, ne t’effraie pas du fait que ta femme soit enceinte, car elle l'est par le Saint-Esprit, et c'est Dieu qu'elle porte dans ses flancs. Son enfant sera fils de Dieu ; il sera nommé Jésus, et régnera sur le monde entier. Dieu te demande de garder chastement la pucelle, car elle est et sera toujours parfaitement vierge ».

Grant joie en oit Joseph, quant ilh entendit chu ; si vient à lit Marie, et li priat merchis de chu qu'ilh li avoit dit. Et la damme ly pardonnat volentiers, et li priat que ilh le vosist myneir veioir sa cusin Elizabeth, le femme Zacharias, qui ne poioit parleir, laqueile astoit enchainte d'enfant ; et Joseph l'y mynat.

Joseph éprouva une grande joie, quand il entendit cela. Il vint au lit de Marie et lui demanda pardon de ce qu’il lui avait dit. Elle lui pardonna volontiers et lui demanda de bien vouloir la mener voir sa cousine Élisabeth, enceinte d’un enfant. C'était l’épouse de Zacharie qui ne pouvait plus parler. Joseph l’y conduisit.

 

La Visitation et la naissance de Jean-Baptiste : Marie accueillie par sa cousine Élisabeth - Naissance et vie austère du jeune Jean-Baptiste

 

[p. 340] [Marie visentat Elisabeth] Et quant Marie devoit entrer en la maison Zacharie, se li vint Elizabeth al entrée al encontre de lée, et se l'acolat et ly fist grant fieste en disant : « Hée Dieu! que m'est-ilh avenus grant joie et grant honneur, quant la mere Dieu, le roy de chi monde et de chiel, me vient veioir. »

[p. 340] [Marie visite Élisabeth] Marie allait entrer en la maison de Zacharie lorsque Élisabeth vint sur le seuil à sa rencontre, l’embrassa, lui fit grande fête et lui dit : « Eh Dieu ! Quelle grande joie et quel grand honneur pour moi, quand la mère de Dieu, roi de ce monde et du ciel, vient me rendre visite ».

[De sains Johans qui parlat en ventre sa mère] Sains Johans, qui encor astoit en ventre sa mere, cognuit son Saingnour, si soy drechat sour ses dois piés, et puis [p. 341] s'engenulhat et jondit ses dois mains vers son Sangnour, et li priat merchi et dest : « Sires, bien vengniés tu qui m'as tant de vertus donneit que je me puy drecher chaens ; or sai-ge bien que tu es venus por tes gens salver. »

[Saint Jean parle dans le ventre de sa mère] Saint Jean qui était encore dans le ventre de sa mère reconnut son Seigneur, se dressa sur ses deux pieds, [p. 341] s’agenouilla et joignit ses deux mains vers son Seigneur, lui rendant grâce en disant : « Seigneur, béni sois-tu qui m’as donné assez de forces pour pouvoir me dresser ici ; maintenant je sais bien que tu es venu pour sauver ton peuple ».

[Del Magnificat] Et commenchat sains Johans à dire le Magnificat anima mea Dominum ; et si hault disoit tout chu que la vois en venoit fours de la bouche Elisabeth sa mere. Chu fut en la citeit Juda, en la maison Zacharie, le promier an del incarnation Jhesu-Crist, le XXIIIIe jour de mois de junne.

[Le Magnificat] Saint Jean commença alors à dire le Magnificat anima mea Dominum ; et il le disait si haut que sa voix sortait par la bouche de sa mère Élisabeth. Cela se passa en la cité de Juda, dans la maison de Zacharie, la première année de l’Incarnation de Jésus-Christ, le 24 juin.

[p. 341] [Zacharie reparlat] En cel propre jour fut saint Johans neis, et les parens alerent à temple por nunchier à Zacharie que son fis astoit neis, et li demandont comment ilh ly plaisoit que ilh fust nommeis. Et Zacharie, qui ne poioit parleir, escript en une tauble de chire que ilhs le nommassent Johans. Adont fut-ilh baptiziet solonc leur loy, et fut nommeis Johans ; et oussitoist qu'ilh fut circonchis, son pere Zacharias reparla.

[p. 341] [Zacharie reparle] Ce jour-là saint Jean naquit et ses proches se rendirent au Temple pour annoncer à Zacharie que son fils était né et pour lui demander comment il voulait l’appeler. Zacharie, qui ne pouvait parler, écrivit sur une tablette de cire qu'ils devaient le nommer Jean. Il fut alors baptisé selon leur loi et nommé Jean ; et immédiatement après la circoncision de l'enfant, son père Zacharie retrouva l'usage de la parole.

[Del sainte vie Johan-Baptiste] Chis sains Johans fut mult proidhons, et puis baptizat apres. Et quant sains Johans oit XV ans d'eaige, ilh entrat en I hermitaige por servir Dieu ; et ne vestoit aultre vestiment que de foins mariens et de poilhe de chamos, et se ne mangnat oncques de pain ne altres viandes, fours que rachines qu'ilh prendoit por les boscaiges.

[La sainte vie de Jean-Baptiste] Ce saint Jean fut un homme très bon ; plus tard il baptisa. Quand il eut quinze ans, il entra dans un ermitage pour servir Dieu ; il ne portait rien d’autre qu’un vêtement fait d’herbes sèches et de poils de chameau et ne mangeait jamais de pain ni de nourriture autre que des racines trouvées dans les bois.

Quant saint Johans fut neis, si soy partit Nostre-Damme del maison Zacharie et revient en Nazareth et demorat illuc.

Après la naissance de saint Jean, Notre-Dame quitta la maison de Zacharie, pour revenir à Nazareth où elle demeura.

 

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