Bibliotheca Classica Selecta - Autres traductions françaises dans la BCS - Plan - Scène XXIII

MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


EURIPIDE

MÉDÉE

Traduction nouvelle commentée et annotée
Danielle De Clercq, Bruxelles, 2005

COMMENTAIRE ET NOTES


Scène XXIV (vv.
1317-1419)

Ultime confrontation de Médée et Jason, cette scène, à l'inverse de la SC.X, présente Jason pitoyable et vaincu face à l'atroce triomphe de Médée (1317-1322), que renforce encore sa position sur le char tiré par un dragon ailé qu'a envoyé par Hèlios. Une véritable "machina ex deo"! Ainsi Médée échappe à la vindicte suscitée par la mort de Créon pour être fidèle au rendez-vous qu' Égée ... et la suite de sa légende lui fixent à Athènes. Plus que sur ce procédé par trop théatral, cet épisode permet de méditer sur les desseins impénétrables des dieux, ce qui va dans le sens de la conclusion du coryphée (1415-1419).

Dans sa réponse pathétique (1323-1350), Jason clame sa détresse en mettant l'accent sur l'incompatibilité, qu'il n'avait pas perçue, entre le monde grec et la cruauté du monde barbare que reflète Médée, qu'il traite de lionne et compare à la monstrueuse Scylla la Tyrrhénienne (1342). Médée, que Jason présente comme exécrée des dieux, en dépit de la visible protection que lui accorde Hèlios, revendique à nouveau la justice de Zeus pour faire de sa vengeance comme un juste retour des choses (1351-1360; cf. 764). Au cours d'un échange dense et très vif, renforcé par une stichomythie serrée (1361-1377), les deux ex-époux vont mutuellement se rendre responsables du marasme qu'ils vivent, où l'un se pose en victime de l'autre. On retiendra surtout deux répliques de Médée qui justifie son infanticide par le mal qu'il fait à Jason (1362; 1370)

Dans une réplique plus longue (1378-1388), où le réalisme n'est pas le principal souci de l'auteur et qui sert en quelque sorte de postface, Médée justifie son refus de permettre à Jason d'enterrer lui-même ses fils. Ainsi s'expliquent des cérémonies expiatoires liées à la mort des enfants de Médée et qui furent célébrée à Corinthe jusqu'à l'époque romaine. En effet, selon une autre version, les enfants de Médée, abandonnés par leur mère en fuite sur l'autel d'Héra Akraia, auraient été mis à mort par la famille de Créon. Cf. Pausanias II 3, 6; Méridier p. 108. C'est aussi l'occasion pour Médée de parler de son avenir à Athènes auprès d'Egée et d'évoquer la mort malheureuse de Jason, qui selon la tradition se suicide ou est écrasé par la poupe de la nef Argo (1386 sv.).Cf. arguments 1.

Un nouvel échange s'amorce entre Jason et Médée, fait de répliques brèves dans une métrique chorale. Les sarcasmes de Médée accablent Jason. Elle lui refuse d'embrasser ses fils, pour lesquels il a des accents de tendresse qu'interrompe l'envol du char de Médée. Dans sa dernière réplique, Jason invoque à son tour Zeus et prend les dieux à témoins de sa détresse, montrant que Médée a atteint son but de l'anéantir.

Faut-il s'étonner que Médée, qu'on a vue plus complexe au cours de l'action, ne se laisse aller à aucune expression de remords et de chagrin alors qu'elle vient de commettre ce double infanticide? Le mauvais jeu de mots du v. 1398 choque. À moins qu'ainsi Euripide ait voulu insister sur le caractère destructeur de la passion amoureuse, comme il le fit à divers moments de la tragédie (Cf. 264; 627 sv; 1290-1292)? Mais l'oeuvre a-t-elle gagné en vérité humaine? L'origine barbare de Médée est-elle une explication vraiment suffisante?

Dans la conclusion (1415-1419) énoncée par le coryphée sur un mode plutôt minimaliste, Zeus apparaît comme le maître d'événements dont l'accomplissement crée la surprise. On ne peut qu'en déduire que leur sens échappe aux humains qui les subissent et sont déroutés par le bouleversement des valeurs, ou du moins leur relativisation, comme c'est le cas dans cette tragédie. Cette conclusion ne peut mener qu'au fatalisme ou du moins au scepticisme sur le plan religieux alors que dans cette tragédie l'autorité des dieux sur le plan moral est souvent invoquée.

père (1321). Aeétes.

Scylla la Tyrrhénienne (1342-1343) Cf. 1369. Scylla, comme Charybde, désigne un dangereux récif du détroit de Messine, vers lequel les navires, après avoir échappé au premier, sont irrésistiblement poussés. Ces deux rochers abritent chacun un monstre homonyme. Scylla, monstre dévoreur d'hommes, était une nymphe d'une grande beauté qui refusait les avances du dieu marin Glaucos. Pour obtenir ses faveurs, celui-ci s'adressa à Circé, elle-même amoureuse de lui. Pour se venger, Circé compose une mixture qui transforme la belle nymphe en un monstre hideux. Celle-ci se vengera en dévorant les compagnons d'Ulysse, amant de Circé. Cf. Homère, Odyssée XII 236 sv. D'autres métaphores maritimes ont été relevées. Cf. 258; 279; 769.

Plan - vv. 1317-1419 - Scène XXIII

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