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TACITE : Agricola - Germanie - Débat sur les orateurs (Accueil - Introduction - Page précédente)


PVBLII CORNELII TACITI DIALOGVS DE ORATORIBVS

Débat sur les orateurs de Publius Cornelius Tacitus dit Tacite

Traduction nouvelle avec notes par Danielle De Clercq (Mars 2008)


 

TRADUCTION (XL 2 -XLII)

 

5. CONCLUSION (XL2-XLI)

Grandeur oratoire et stabilité politique sont incompatibles

2. Maternus : ... non, nous ne parlons pas d'une activité sans implication et de tout repos, et qui se plairait à l'intégrité et la modération. Non, cette fameuse grande et remarquable éloquence est le nourrisson de l'anarchie, que les sots confondent avec la liberté, c'est la compagne des révoltes, l'aiguillon d'un peuple déchaîné, elle ne connaît ni respect ni rigueur, elle est opiniâtre, irréfléchie, arrogante. Elle ne naît pas dans des États bien organisés. 3. En effet, quel orateur connaissons-nous à Lacédémone ? En Crète ? De ces États, on retient leur discipline très sévère, leurs lois très sévères. Pas même chez les Macédoniens ni chez les Perses ou chez tout autre peuple qui fût maintenu sous une domination stable, nous ne connaissons d'orateurs. Si à Rhodes certains orateurs se sont fait connaître, ils étaient très nombreux à Athènes, où le peuple pouvait tout faire, les incompétents tout faire, bref, tout le monde pouvait tout faire.

4. Notre cité aussi, aussi longtemps qu'elle a fait fausse route, aussi longtemps qu'elle s'est épuisée dans des factions, des dissensions et des discordes, aussi longtemps qu'elle n'a connu aucune paix au forum, aucune entente au sénat, aucune modération dans les procès, aucun respect des supérieurs, aucune limite au pouvoir des magistrats a sans doute produit une éloquence plus vigoureuse, à l'image d'un champ qui, sans être assujeti à la culture, comporte certaines plantes assez vigoureuses. Mais l'éloquence des Gracques n'a pas valu à la république de supporter aussi leurs lois, et Cicéron avec une fin pareille n'a que trop payé sa gloire oratoire.

XLI. 1. Ainsi, même le forum qui survit aux anciens orateurs ne donne pas la preuve d'un État sans défauts ni organisé comme on le souhaiterait. 2. Qui d'autre en effet qu'un coupable ou un malheureux fait appel à nous? Quel municipe entre dans notre clientèle ? Celui qu'un peuple voisin ou des dissensions internes indisposent ! Quelle province défendons-nous ? Celle qui est dépouillée et mise à mal ! Or mieux aurait valu ne pas être à plaindre que devoir être défendu.

3. Si on découvrait un État où personne ne commettrait de fautes, l'orateur serait de trop parmi des gens sans reproches, comme un médecin parmi des gens en parfaite santé. Cela étant, de même que l'art du médecin ne s'avère que très peu utile et ne progresse que très peu au sein de peuples à la santé très solide et de constitution très saine, ainsi moindre est l'honneur de l'orateur et plus obscure sa gloire au sein de gens de bonne moralité et disposés à obéir à celui qui les dirige.

4. Pourquoi en effet aurait-on besoin d'exposer longuement au sénat des avis, puisque les meilleurs tombent vite d'accord ? Pourquoi de nombreuses harangues devant le peuple, puisqu'au sujet de la situation politique, ce ne sont pas des incompétents en foule qui prennent les décisions, mais le plus sage et lui seul ? Pourquoi se charger de porter des accusations, alors qu'on ne commet que rarement des fautes et avec peu de conséquence ? Pourquoi recourir à des moyens de défense odieux et qui dépassent les bornes, puisque la clémence du juge va à la rencontre des accusés ?

5. Croyez-moi, hommes d'élite et, dans la mesure où le besoin s'en fait sentir, très habiles à parler, si vous étiez nés au cours des siècles précédents ou si ceux d'autrefois que nous admirons étaient nés à notre époque, et, si un dieu avait tout à coup interchangé vos vies et vos époques, cette haute distinction de la gloire oratoire ne vous aurait pas fait défaut, de même qu'à vos prédécesseurs la mesure et l'équilibre. En fait, puisque personne ne peut en même temps atteindre une grande réputation et une grande tranquilité, que chacun profite des avantages de sa propre époque sans pour autant dénigrer l'autre.

 

6. EPILOGUE (XLII)

Tout a-t-il été dit ?

XLII. 1. L'exposé de Maternus était terminé.

Messalla : Il y avait des points que j'aurais contredits, il y en avait que j'aurais voulu entendre développer davantage, si la journée n'y était pas passée !

Maternus : Ce sera pour plus tard, comme il te plaira et, si des points t'ont paru obscurs dans mon exposé, nous en débattrons à nouveau. 2. (Se levant pour embrasser Aper) Nous te noircirons, moi auprès des poètes, et Messalla auprès des amateurs d'antiquités !

Aper : Oui, mais moi, je vous noircirai auprès des rhéteurs et des déclamateurs !

Sur leurs éclats de rire, nous avons pris congé.


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