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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
XXX. Il vient à Ravenne, préparé à tous les événements
(1) Mais le
sénat n'eut aucun égard à ses
demandes,
et ses ennemis refusèrent à conclure
un marché à propos du salut de la
république. Alors il passa dans la Gaule
Citérieure, et, après avoir tenu les
assemblées
provinciales,
il s'arrêta à Ravenne,
prêt à venger par la force des armes
les tribuns
qui avaient embrassé sa cause, dans le cas
où le sénat prendrait contre eux
quelque parti violent. (2) Tel fut, en
effet, le prétexte
de la guerre civile; mais on pense qu'elle eut
d'autres causes. (3) Gnaeus
Pompée
disait souvent que, ne pouvant achever les travaux
qu'il avait commencés, ni répondre,
par ses ressources
personnelles, aux
espérances que le peuple avait
fondées sur son retour, César avait
voulu tout troubler, tout bouleverser. (4) Selon d'autres,
il craignait qu'on ne l'obligeât à
rendre compte de ce qu'il avait fait contre les
lois, les auspices et les
oppositions
des magistrats,
dans son premier
consulat. En
effet, M.
Caton
déclara plus
d'une fois, avec
serment, qu'il le citerait en justice, dès
qu'il aurait licencié son armée; et
l'on disait généralement que, s'il
revenait en tant que simple citoyen, il serait
forcé, comme Milon,
de se défendre devant des juges
entourés de soldats armés. (5) Ce qui rend cette
dernière opinion probable, c'est ce que
rapporte Asinius
Pollion,
qu'à la bataille de Pharsale, César,
jetant les yeux sur ses adversaires vaincus et en
déroute, prononça ces propres mots:
"Voilà ce qu'ils ont voulu: après
tant de victoires, j'aurais été, moi
Gaius César, condamné par eux, si je
n'avais réclamé le secours d'une
armée." (6)
Certains
auteurs pensent qu'il était dominé
par l'habitude du commandement, et qu'ayant
pesé les forces de ses ennemis et les
siennes, il avait cru devoir saisir l'occasion de
s'emparer du pouvoir suprême, objet de tous
ses voeux depuis sa première
jeunesse. (7) Telle
paraît avoir été aussi
l'opinion de Cicéron, qui nous apprend, dans
le troisième livre du Traité
des Devoirs,
que César avait sans cesse à la
bouche ces vers d'Euripide, dont il nous a
donné la traduction: (1)
Verum neque senatu interueniente et aduersariis
negantibus ullam se de re publica facturos
pactionem, transiit in citeriorem Galliam,
conuentibusque peractis Rauennae substitit, bello
uindicaturus si quid de tribunis plebis
intercedentibus pro se grauius a senatu constitutum
esset. (2)
Et praetextum quidem illi ciuilium armorum hoc
fuit; causas autem alias fuisse
opinantur. (3)
Gnaeus Pompeius ita dictitabat, quod neque opera
consummare, quae instituerat, neque populi
expectationem, quam de aduentu suo fecerat,
priuatis opibus explere posset, turbare omnia ac
permiscere uoluisse. (4)
Alii timuisse dicunt, ne eorum, quae primo
consulatu aduersus auspicia legesque et
intercessiones gessisset, rationem reddere
cogeretur; cum M. Cato identidem nec sine iure
iurando denuntiaret delaturum se nomen eius, simul
ac primum exercitum dimisisset; cumque uulgo fore
praedicarent, ut si priuatus redisset, Milonis
exemplo circumpositis armatis causam apud iudices
diceret. (5)
Quod probabilius facit Asinius Pollio, Pharsalica
acie caesos profligatosque aduersarios
prospicientem haec eum ad uerbum dixisse referens:
"hoc uoluerunt; tantis rebus gestis Gaius Caesar
condemnatus essem, nisi ab exercitu auxilium
petissem." (6)
Quidam putant captum imperii consuetudine
pensitatisque suis et inimicorum uiribus usum
occasione rapiendae dominationis, quam aetate prima
concupisset. (7)
Quod existimasse uidebatur et Cicero scribens de
Officiis tertio libro semper Caesarem in ore
habuisse Euripidis uersus, quos sic ipse conuertit:
nam si uiolandum est ius, regnandi gratia uiolandum
est: aliis rebus pietatem colas.
Pratiquez
la vertu; mais, s'il vous faut
régner,
Vertu, justice et lois, sachez tout
dédaigner.
CommentaireRavenne : César y arrive en décembre 50.
Tribuns : en janvier 49, le Sénat vote le senatus consultum ultimum, donnant les pleins pouvoir aux magistrats pour veiller au salut de la République ; deux tribuns favorables à César, se sentant menacés, M. Antoine (le futur triumvir) et Q. Cassius Longinus se réfugient à Ravenne.
Prétexte - cause : Suétone fait ici la distinction classique entre les prétextes et la cause réelle du conflit, distinction qu'on trouvait déjà chez Thucydide à propos de la guerre du Péloponnèse.
Pompée : Suétone est le seul auteur à rapporter ces propos de Pompée.
Premier consulat : sur les réalisations du premier consulat de César, ch. 20.
Caton : sur ce personnage, ch. 14, 3.
Milon : attaqué en justice en 52 pour le meurtre de Clodius (ch. 6). Suétone s'exprime ici de façon ambiguë. Milon ne s'est pas présenté au tribunal avec des soldats à sa solde ; c'est Pompée, en tant que consul, qui a fait protéger le tribunal par l'armée.
Asinius Pollion : 76 a.C - 4 p.C.n. Homme de lettres qui fait aussi une brillante carrière politique. Pollion est aux côtés de César lors du passage du Rubicon et à la bataille de Pharsale (48). Préteur en 45, il accède au consulat en 40. C'est lui qui fait construire la première bibliothèque publique à Rome. Ami d'Horace et de Virgile, il avait composé, entre autres, une histoire de la guerre civile aujourd'hui perdue.
Traité des devoirs : en latin, De officiis. L'ouvrage date de 44 et est dédié au fils de l'orateur, Marcus. C'est au § 82 du Traité que Cicéron cite les vers 524-525 des Phéniciennes d'Euripide.