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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
XIV. Sa préture. Son opinion dans le jugement des complices de Catilina
(1) César
était préteur
désigné
quand on découvrit la conjuration de
Catilina.
La mort des coupables avait été
résolue dans
le sénat,
d'une voix unanime: lui seul opina pour qu'ils
fussent détenus
séparément dans des villes
municipales, et que leurs biens fussent
vendus. (2) Bien plus; ceux
qui avaient proposé une peine plus
sévère, il les effraya tellement par
la menace réitérée des haines
populaires qui, un jour, se
déchaîneraient contre eux, que
Décimus
Silanus,
consul désigné, ne craignit pas
d'adoucir, par une interprétation, son avis,
dont il ne pouvait changer sans honte, et qu'on
avait compris, dit-il alors, dans un sens plus
rigoureux qu'il ne l'avait voulu. (3) César
allait l'emporter: déjà même un
grand nombre de sénateurs étaient
passés de son côté, entre
autres Cicéron,
le frère du consul; c'en était fait,
si le discours de M.
Caton
n'eût raffermi le sénat
intimidé. (4) César,
loin de renoncer à son opposition, y mit une
telle persistance, qu'une troupe de
chevaliers
romains, qui
gardait armée la salle du sénat,
menaça de lui donner la mort: des glaives
nus furent même dirigés contre lui, en
sorte que ses voisins se reculèrent;
quelques-uns seulement, le tenant dans leurs bras
et le couvrant de leurs toges, réussirent,
non sans peine, à le sauver. (5) Alors, saisi
d'effroi, il céda; et, de tout le
reste
de l'année,
il ne parut plus au sénat. (1)
Praetor creatus, detecta coniuratione Catilinae
senatuque uniuerso in socios facinoris ultimam
statuente poenam, solus municipatim diuidendos
custodiendosque publicatis bonis
censuit. (2)
Quin et tantum metum iniecit asperiora suadentibus,
identidem ostentans quanta eos in posterum a plebe
Romana maneret inuidia, ut Decimum Silanum consulem
designatum non piguerit sententiam suam, quia
mutare turpe erat, interpretatione lenire, uelut
grauius atque ipse sensisset exceptam. (3)
Obtinuisset adeo transductis iam ad se pluribus et
in his Cicerone consulis fratre, nisi labantem
ordinem confirmasset M. Catonis oratio. (4)
Ac ne sic quidem impedire rem destitit, quoad manus
equitum Romanorum, quae armata praesidii causa
circumstabat, inmoderatius perseueranti necem
comminata est, etiam strictos gladios usque eo
intentans, ut sedentem una proximi deseruerint, uix
pauci complexu togaque obiecta
protexerint. (5)
Tunc plane deterritus non modo cessit, sed et in
reliquum anni tempus curia abstinuit.
CommentairePréteur : en 63, quand est mise au jour la conjuration de Catilina, César a été élu à la préture, pour exercer la fonction en 62.
Lucius Sergius Catilina : d'origine patricienne mais rallié aux populares, Catilina accède à la préture en 68, puis va gouverner la province d'Afrique pendant deux ans. À son retour, accusé de concussion, il est empêché de se présenter aux élections consulaires pour les années 65 et 64. Il est candidat pour 63 mais c'est Cicéron qui l'emporte (avec pour collègue C. Antonius). Catilina décide alors de s'emparer du pouvoir par la force mais cette tentative de coup d'État échoue. Les chefs de la conjuration à Rome sont arrêtés, condamnés par le Sénat et exécutés (décembre 63). Catilina lui-même, stationné en Étrurie avec ses troupes (l'équivalent de deux légions, soit douze mille hommes, selon Salluste, Catilina, 56, 1) est tué au combat en janvier 62.
Sénat : on trouve le récit de cette séance du Sénat chez Salluste, Catilina, 50-53. Le long discours de César occupe tout le chapitre 51, suivi par celui de Caton (ch.52).
Détenus : s'agit-il, dans l'esprit de César, de détention préventive ou d'une peine de prison et, dans ce cas, de quelle durée ? Plutarque (César, 7, 9) parle de détention préventive, jusqu'à ce que Catilina lui-même soit définitivement vaincu : le Sénat pourra alors décider du sort des conjurés arrêtés à Rome. Mais Salluste (Catilina, 51, 43) fait dire à César tout autre chose : il faut arrêter les conjurés, confisquer leurs biens, les emprisonner dans les municipes les plus sûrs et ne plus jamais évoquer leur cas, ni au Sénat, ni devant le peuple.
Decimus Silanus : consul désigné (pour 62), il a été, à ce titre, le premier à exprimer son avis sur le sort à réserver aux conjurés et à proposer la peine de mort. César, comme on l'a vu, demanda qu'on se contente d'emprisonner les coupables. Il y eut d'autres interventions, notamment de Cicéron, consul en fonction - c'est la quatrième Catilinaire - et de son frère, Quintus, qui se rallia à l'avis de César. Salluste (Catilina, 50, 4) évoque une proposition de Ti. Nero tendant à postposer la décision, idée à laquelle Silanus, dans un second temps, aurait apporté son appui. Il semble, d'après Salluste (Catilina, 53,1), que Caton ait parlé en dernier lieu et ait convaincu les sénateurs de voter la peine de mort mais l'ordre des interventions lors de cette séance du sénat n'est pas clair.
Quintus Cicéron : frère puîné de l'orateur. Comme César, il est préteur désigné en 63. Il sera ensuite gouverneur de la province d'Asie de 61 à 58, légat de César en Gaule de 54 à 52, puis de son frère en Cilicie. Pendant la guerre civile, il prend le parti de Pompée mais reçoit le pardon de César après la bataille de Pharsale. Il meurt en 43, victime des proscriptions.
M. Porcius Caton : connu sous le nom de Caton d'Utique ou de Caton le Jeune, arrière-petit-fils de Caton l'Ancien (ou le Censeur). Questeur en 64, tribun de la plèbe en 62, préteur en 54, Caton, candidat au consulat pour 51, échoue aux élections. Il prend le parti de Pompée pendant la guerre civile. Après la bataille de Pharsale, il rejoint les Pompéiens en Afrique et y exerce le gouvernement du chef-lieu de la province, Utique. C'est là qu'il se suicide après avoir appris la victoire de César à Thapsus. Plutarque, qui lui a consacré une de ses Vies, trace aussi un portrait très flatteur de Caton dans la Vie de Phocion : « De même, les murs antiques de Caton, apparaissant dans une société corrompue et dépravée, lui valurent beaucoup de renommée et de gloire, mais elles n'étaient pas ajustées aux nécessités de la politique, à cause de l'austérité et de la grandeur de sa vertu, disproportionnées par rapport à l'époque où il vivait. »
Chevaliers romains : Plutarque (César, 8, 2) précise qu'il s'agit de jeunes gens qui servaient d'escorte à Cicéron et situe l'incident au moment où César quittait le Sénat.
Le reste de l'année : soit vingt-six jours, la séance du Sénat que Suétone vient de relater datant du 5 décembre. Plutarque (César, 8, 5) note d'ailleurs que César est revenu au Sénat quelques jours après la réunion du 5 pour se justifier des soupçons qui pesaient sur lui quant à son véritable rôle dans la conjuration de Catilina.