Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 104b-138N

Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)

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LES RÈGNES DE CLODION (393-402), DE MÉROVÉE (402-412) ET DE CHILDÉRIC (Myreur, II, p. 104-138)

 

 

NOTES DE LECTURE DES FICHIERS COUVRANT LES PAGES II, 104-138 ET LES ANNÉES 393 à 438

 

à savoir

 

MORT DE THÉODOSE Ier- ARCADIUS ET HONORIUS - LA FRANCE DE CLODION,

 LA FLANDRE D'AGRICOLA ET LE BRABANT D'HECTOR - MÉROVÉE - TONGRES ET SES ÉVÊQUES - LES PAPES - VIE DE SAINT ALEXIS - ATTAQUES ET EXPANSION DES HUNS - VARIA

[Myreur, II, p. 104b-121a]

Ans 393-412 de l'Incarnation

 

 

L'ÉPOQUE DE CHILDÉRIC [ ET DE THÉODOSE II] : TONGRES, ROME, GOTHS, FRANCS, FLAMANDS, BRABANCONS, BURGONDES, VANDALES, HUNS, DANOIS, HONGROIS

[Myreur, II, p. 121b-138a]

Ans 412-438 de l'Incarnation

 


 

 

 

PLAN

 

A. Brève introduction historique sur les rois francs avant Clovis

B. Les opérations de Clodion, de Mérovée et de Childéric dans le Nord de la Gaule

C. Les Huns

D. La Bourgogne et les premiers rois burgondes historiques

E. Les débuts du règne de Childéric

F. Les Wisigoths et Alaric Ier

G. Les Wisigoths et les autres rois (dont Alaric II) [Tolbiac 496 contre les Alamans / Vouillé 507 contre les Wisigoths] À déplacer en partie : il s'agit de Clovis ?

H. Le sac de Rome par les Wisigoths du roi Géralant, fils d'Alaric

I. L'attaque de Rome par les Huns d'Attila dans la tradition et dans l'histoire

J. Danois et Hongrois

K. Les questions religieuses, dont les papes (d'Anastase Ier à Gélase Ier = de 399 à 446), les évêques de Tongres, les conciles, les saints et autres personnages

 

etc, etc, etc

 


 

A. BRÈve INTRODUCTION HISTORIQUE SUR les ROIS FRANCS prédécesseurs de Clovis

 

[Sur ces rois Francs, ne pas oublier d'utiliser quelque part les pages II, p. 143-144, qui constituent une sorte de retour en arrière sous forme de résumé de la biographie des rois francs, mais qui contiennent toutefois des éléments absents de ce qu'on pourrait appeler le récit principal et qui mériteraient peut-être un examen  détaillé.]

 

Généralités sur la situation historique des Francs et des Romains dans le Nord de la Gaule

Jusqu'ici, en ce qui concerne les Francs, on a beaucoup parlé de la légende de leurs origines troyennes [Do10], mais très peu de la réalité historique de leurs rapports avec les Romains.

En fait, si on envisage la situation du IIIe siècle de notre ère, il ne faut pas se représenter le monde franc comme un royaume unifié aux frontières de l'Empire, mais comme un ensemble plutôt hétéroclite de tribus installées sur la rive droite du Rhin inférieur et vivant « de piraterie maritime, de guerres et d'agriculture ». Ces tribus, indépendantes, avaient chacune leur gouvernement et leurs coutumes. La richesse de l'Empire romain voisin attirait leur convoitise et les raids qu'elles lançaient de l'autre côté du fleuve n'étaient pas rares. Mais plus tard, à partir de la seconde moitié du IVe siècle, si certaines tribus continuaient à vivre au-delà du Rhin, d'autres cherchèrent plus que le pillage. Elles tentèrent de passer le Rhin, de s'infiltrer dans les limites de l'Empire, en direction de l'Ouest et de s'y installer par la force.

Cette situation bien sûr n'était pas propre au monde franc ; sur un plan général, elle était celle des rapports existant entre l'Empire romain et les populations dites barbares qui l'entouraient.

Rome alors réagissait au cas par cas : des groupes étaient repoussés ou éliminés ; d'autres autorisés à rester, voire à occuper un territoire déterminé. Mais à certaines conditions. Avec ceux qu'elle décidait d'accepter, Rome concluait parfois un traité (foedus), d'où le nom de « fédérés » qui leur était alors donné. Ces Francs de l'Ouest qui se mêlèrent étroitement aux populations locales sont appelés Francs Saliens, pour les distinguer des Francs de l'Est, dits Ripuaires ou Rhénans, qui occupaient le territoire compris entre le Rhin, la Meuse et la Moselle.

Régulièrement, depuis le IVe siècle, souvent en échange de terres, les Francs Saliens, les fédérés, participaient au système de défense mis en place par les autorités romaines, avec lesquelles ils collaboraient. Au fond, ils défendaient l'Empire contre les autres barbares. « De nombreux généraux francs servaient dans l'armée romaine » (Rouche, Clovis, p. 82) et les chefs de certains groupes intégrés accédaient parfois à de très hautes dignités militaires et politiques. On cite souvent l'exemple d'Arbogast, d'origine franque, qui, dans les deux dernières décennies du IVe siècle, joua un très grand rôle dans l'entourage immédiat de Théodose Ier et de Valentinien II.

À la fin du Ve siècle, on trouve même des rois francs « dans des cités romaines : Childéric à Tournai, Ragnacaire à Cambrai, Ricomer au Mans, Sigebert le Boiteux à Cologne » (R. Le Jan, Mérovingiens, 2007, p. 9).

Comme l'écrit E. Bozoky (Attila, p. 47), « officiellement, la Gaule fait toujours partie de l’Empire romain », mais elle « montre déjà les signes d’une véritable déliquescence ». Et l'auteure de dresser un tableau global mais très parlant de la situation difficile dans laquelle se trouvent ceux qui se présentent encore comme les empereurs romains d'Occident, alors que des régions entières échappent parfois complètement à leur autorité, et que les véritables maîtres du pouvoir sont les généraux des armées impériales, les magistri militiae, ces « seigneurs de guerre de l'antiquité tardive » (Late Roman Warlords), comme les appelle P. MacGeorge dans le livre (Oxford, 2002, 364 p.) qu'il leur a consacré. Il y a le cas, très célèbre vu la brillante et longue carrière qui fut la sienne, de Flavius Aétius, généralissime de l'armée de l'empire romain d'Occident sous Valentinien III (empereur de 425 à 455 de notre ère) dont nous avons déjà parlé et que nous retrouverons à la tête de la coalition qui s’opposera à Attila. Cet Aétius fut pendant quelque vingt années le véritable chef de l'État. Un autre exemple de ces « seigneurs de guerre » du Ve siècle, quelques années après Aétius et que nous retrouverons plus loin, est Aegidius (Égidius), nommé par l'empereur Majorien (457-461) comes et magister utriusque militiae per Gallias, c’est-à-dire « commandant militaire en chef de toutes les Gaules ». Après avoir refusé de reconnaître le successeur de l’empereur Majorien, il dirigera en son propre nom jusqu'à sa mort en 464 un vaste territoire dans le Nord de la Gaule.

 

Les plus anciens prédécesseurs de Clovis : Pharamond, Clodion, Mérovée

Mais n'élargissons pas le débat et concentrons-nous sur les plus anciens prédécesseurs de Clovis, sans tenir compte ici des anciens chefs de tribus franques dont la littérature a conservé les noms, sans d'ailleurs se prononcer sur leur titre (ducs ?, rois ?). Grégoire de Tours notamment, s'appuyant sur des sources antérieures, fait ainsi état de dirigeants comme Genobaud, Marcomer et Sunno (Histoire des Francs, II, 9, p. 52, éd. B. Krusch, M.G.H.), ou comme Richimer et son fils Theudomer (ibidem, p. 57). Il s'agit probablement de personnages réels, qu'on retrouve d'ailleurs cités, avec des graphies variables, dans d'autres textes après lui. Malheureusement, nous n'avons pas sur eux d'informations précises valables.

On ne reviendra pas non plus sur le Pharamond, fils de Marcon, mentionné plus haut en II, p. 89, sous lequel la Gaule aurait quitté le statut de duché pour acquérir celui de royaume. Jean le voit comme « le premier roi des Francs » ou encore « le premier roi de France ». En II, p. 99-100, le chroniqueur liégeois lui attribue même d'importantes conquêtes en Allemagne.

Dans nos notes de lecture de II, p. 95-104, nous notions entre autres choses que, si ce Pharamond était encore considéré sous l'Ancien Régime comme le premier roi des Francs et l'ancêtre des Mérovingiens, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Certains, disions-nous, y voient un personnage purement légendaire, d'autres pensent qu'il pourrait avoir une existence historique, mais qu'il n'aurait été qu'une sorte de « chef (dux) de Francs », comme ceux dont parle Grégoire de Tours. Mais la question est pour nous relativement secondaire.

Le successeur de Pharamond, Clodion, dit « le Chevelu » est très présent dans le Myreur, mais ne l'est que d'une manière fugace dans la Geste de Liege (au vers 5139), sous la forme de Clodovins, en tant que père de Mérovée et fils de Pharamond. Quoi qu'il en soit, il pourrait être le premier roi des Francs ; il serait né vers 390 et serait mort vers 450.

Sidoine Apollinaire fait allusion au Franc Clodio dans le Panégyrique de l'Empereur Majorien (Carmina, V, vers 147-148). D'après les rares informations dont nous disposons (notamment Grégoire de Tours, II, 9, p. 98-99, trad. Latouche, et le Liber Historiae Francorum, 5, p. 13-15, trad. Lebecq), on pourrait le considérer comme le chef d'un groupe de Francs installés d'abord sur la rive droite du Rhin et qui aurait, dans la première moitié du Ve siècle, traversé le fleuve et pénétré dans l'Empire romain, pour finir par occuper le Tournaisis, le Cambrésis et l'Artois méridional, jusqu'à la Somme, sans rencontrer, semble-t-il, de véritable opposition romaine. Il faut dire que l'autorité de Rome sur le Nord de la Gaule s'était fort relâchée et était devenue plutôt théorique (cfr plus haut). Clodion aurait ainsi fondé dans cette zone, avec, à tout le moins, la bienveillance de Rome, une sorte de royaume  qu'il aurait dirigé jusqu'à sa mort et qui serait le point de départ des possessions territoriales qu'accumulera plus tard Clovis.

 Pour être honnête, on ajoutera qu'on ne sait toutefois pas grand chose de précis sur les réalisations exactes de Clodion, sur les limites territoriales précises de ce qui aurait pu être déjà « son domaine » ‒ oserait-on dire « son royaume » ? Mais, répétons-le, l'historicité du personnage et de l'existence d'un territoire sur lequel il aurait exercé son autorité ne semble pas pouvoir être discutée. Quoi il est soit, il est difficile de savoir quelle pouvait avoir été, dans la réalité du pouvoir, la nature exacte des rapports qui unissaient ce Franc fédéré aux autorités romaines centrales dont théoriquement il dépendait.

Il est frappant en tout cas ‒ on y reviendra ‒ de relever dans certaines sources la trace d'importantes difficultés rencontrées par Childéric pour conserver son territoire à la mort de son prédécesseur. Pour des raisons que donnent les sources et que nous examinerons plus loin, il est censé avoir dû abandonner un certain temps le pouvoir qui passa aux mains d'Aegidius,  généralissime des forces armées des Gaules qui avait été nommé dans toutes les Gaules par l'empereur Majorien (cfr plus haut). Cet Aegidius était l'homme des Romains. Rome aurait-elle voulu reprendre directement l'administration du « domaine » de Clodion ? Cette situation toutefois ne durera pas. Comme on le verra dans un instant, Childéric reprendra le pouvoir, en restant durant son règne très étroitement lié aux Romains.

Mais n'allons pas trop vite. Dans la tradition, le successeur direct de Clodion n'est pas Childéric. C'est Mérovée, un personnage en fait très mal connu. Présenté par les textes comme le fils de Clodion, ou comme un simple parent, il appartient peut-être entièrement à la légende. Il est en tout cas censé avoir été à la tête des Francs Saliens pendant les années qui séparent la mort de Clodion de l'avènement de Childéric (vers 457). En fait, son  principal titre de gloire est d'avoir donné son nom à la dynastie des Mérovingiens. Une légende en tout cas (qui n'est pas reprise par tous les textes anciens et à laquelle nous avons fait allusion plus haut) lui attribue même une naissance miraculeuse. Sa mère l'aurait conçu d'une divinité, motif très courant, comme on le sait,  dans la biographie de nombreux fondateurs (d'empires, de villes, de dynasties, de religions).

Selon cette légende absente chez Grégoire de Tours, mais rapportée par Frédégaire (III, 9, p. 95, éd. Krusch), l'épouse de Clodion, déjà enceinte, aurait été séduite par une « bête de Neptune [un monstre marin] semblable au Quinotaure [cinq fois taureau !] » alors qu’elle se baignait dans l’océan. Enceinte une deuxième fois, les deux sangs se seraient mêlés pour donner naissance à une nouvelle dynastie dont les membres étaient investis de grands pouvoirs et d’une aura de magie et de surnaturel, caractéristique des Mérovingiens (cfr le commentaire de Rouche, Clovis, p. 184).

 

Childéric

Quoi qu'il en soit, Childéric Ier, censé lui avoir succédé, est le premier roi des Francs Saliens sur lequel les historiens se sentent raisonnablement informés. Non seulement ce personnage bénéficie d'une existence « archéologique », car on a retrouvé à Tournai en 1653 sa tombe, particulièrement riche, mais les textes -- à la différence de ceux, très pauvres, de ses prédécesseurs -- livrent sur lui des informations qui permettent de retracer avec une certaine précision et une certaine assurance les grandes étapes de sa biographie.

Childéric « étonne par son origine païenne et germanique (le roi est enterré avec ses chevaux, portant au bras un bracelet d'argent) et par son aspect romain. Il portait un manteau de pourpre tenu par une fibule d'or, propre au général romain et un anneau au doigt servant à sceller les actes et portant l'inscription : Childericus rex (Childéric roi). Le manteau était orné d'abeilles d'or, symbole mérovingien que Napoléon Ier adopta par la suite pour rappeler les origines de la France. » (cfr <http://www.histoire-france.net/moyen/clovis-ier>).

Né vers 436, il serait monté sur le trône vers 457, après avoir rencontré au départ quelques difficultés importantes (que nous examinerons plus loin). Il aurait régné jusqu'à sa mort en 481. De nombreux éléments (iconographiques et textuels) permettent de penser qu'il était fort lié aux Romains. Dans son article sur Les deux faces du roi Childéric, Stéphane Lebecq  a bien mis en évidence la « tendance historiographique récente, qui consiste à reconnaître les deux faces du roi Childéric et l'ambivalence de son autorité : celle d'un authentique roi germanique et d'un non moins authentique officier supérieur de l'Empire romain. [...] Childéric ne fut pas seulement un roi barbare ni un général romain : il fut les deux à la fois ».

Pour ce qui est de l'aide apportée au pouvoir romain par Childéric et ses troupes de 460 à 480, les témoignages de Grégoire de Tours et d'autres chroniqueurs montrent que Childéric, de 460 à 480, à divers moments de son règne, a combattu aux côtés des Romains : « à Orléans contre les Wisigoths ; dans la haute vallée du Rhin et l'Italie du Nord contre les Alamans ; à Angers et jusque dans les îles de l'estuaire de la Loire contre Adovacrius et les Saxons ». Mais on sait aussi que Childéric n'apportait pas seulement aux Romains une aide militaire ponctuelle.

Sur l'ampleur de sa charge, une lettre de soutien que saint Remi, évêque de Reims, adressa au jeune Clovis à la mort de son père, livre sur ce dernier des informations particulièrement importantes. « Remi y rappelait que Childéric administrait la province romaine de Belgique seconde (administrationem Belgicae Secundae), commandant aux évêques et aux cités, qu'il était reconnu par un titre romain et que ses campagnes l'avaient conduit sur la Loire aussi bien que sur le Rhin » (R. Le Jean, Mérovingiens, p. 11). SI on voulait exprimer cette réalité en d'autres termes, on dira que Childéric, père de Clovis, à la fin de sa vie, était non seulement roi des Francs Saliens, mais aussi gouverneur de province, un haut fonctionnaire romain.

Son cas illustre bien ce que nous disions plus haut des rapports qui, dans la seconde moitié du Ve siècle, pouvaient être fort étroits entre les Romains, les Gallo-Romains et les Francs Saliens. En d'autres mots, le territoire (le Tournaisis, le Cambrésis et l'Artois méridional, jusqu'à la Somme) sur lequel son ancêtre Clodion s'était installé avec ‒ disions-nous plus haut ‒ la bienveillance des autorités romaines, Childéric l'avait développé en un royaume franc, non pas opposé mais étroitement lié au monde romain, auquel il portait à l'occasion aide et assistance, militairement parlant.

 

À utiliser :

* St. Lebecq, Les deux faces du roi Childéric : histoire, archéologie, historiographie, dans St. Lebecq, Hommes, mers et terres du Nord du début du Moyen-Âge, Volume I, Villeneuve-d'Ascq, 2011, p. 19-34.

É. Renard, Le sang de Mérovée. “Préhistoire” de la dynastie et du royaume mérovingiens, dans Revue belge de Philologie et d'Histoire, t. 92, 2014, p. 999-1039. A citer, mais dépasse de beaucoup la question de Mérovée. Il y est question aussi de Clodion. Il y a question d'histoire des événements, et non de l'évolution des motifs.

* Cfr aussi <https://fr.wikipedia.org/wiki/Childéric_Ier> et  <Le trésor de Childéric Ier | Gallica (bnf.fr)>

 

Mais la vision de Jean d'Outremeuse, on va le voir, est fort éloignée du bref aperçu historique que nous venons de donner, non seulement sur les règnes des prédécesseurs de Clovis, mais également sur l'ensemble de la période que le chroniqueur liégeois prend de compte. Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais nous n'aborderons que quelques aspects majeurs de la présentation de Jean. Nous avons notamment choisis deux aspects qui sont directement liés aux Francs : ils concernent d'une part les opérations dans le nord de la Gaule visant à fonder le domaine de Childéric, d'autre part les difficultés rencontrées par Childéric pour asseoir son pouvoir sur les Francs Saliens. Que peut-on dire des rapports du récit de Jean avec l'Histoire ?

 

 

Resteront à traiter ailleurs : les événements liés à l'expansion des Huns ;  la prise de Rome en 415 (II, p. 123) par les Goths du roi Géralant, fils d’Alaric (II, p. 415), et bien d'autres encore.

 


 

 

B. Les OPÉrations de CLODIOn, MÉROVÉE de CHILDÉric DANS LE NORD DE LA GAULE selon Jean d'OUTREMEUSE

(épisode partiellement en lien avec LA CONSTITUTION DU DOMAINE DE CLOVIS)

 

 

Pour le chroniqueur, qui ne doute pas de l'historicité du personnage, Pharamond meurt en l'an 394 de l'Incarnation et est remplacé par son fils Clodion, dont le règne dure huit ans. Clodion établit toute une législation en faveur de son propre peuple ainsi que des Germains que Pharamond avait déjà conquis. En Germanie en effet, Clodion aurait reçu l'hommage des populations soumises par son père et leur aurait accordé la même législation qu'à son propre peuple. Il est alors censé rentrer dans sa capitale, Lutèce, qui est très riche.

Mais Jean est davantage intéressé par les conquêtes de Clodion. Selon lui, le nouveau roi se lance très vite, en l'an 397 de l'Incarnation, dans d'importantes revendications territoriales et des guerres de conquêtes, un développement que rien n'avait annoncé. Dans le récit de Jean, 397 est l'année de la mort de Théodose Ier et celle de l'accession d'Arcadius en tant qu'empereur romain d'Orient, des personnages bien connus, mais c'est aussi, chez Jean, la date de la mort d'un personnage dont il n'avait jamais été question auparavant dans le Myreur et qui est totalement inconnu par ailleurs.  Il s'appelle Théodoric le Poilu et est censé posséder de vastes territoires, à savoir « Tournai, Cambrai, et plusieurs autres villes et places fortes jusqu’à la rivière de la Somme ». Le lecteur aura reconnu expressis verbis le territoire que donnent à Clodion Grégoire de Tours (II, 9) et l'auteur du Liber Historiae Francorum (5). Théodoric le Poilu n'a pas d'héritier. Ce qui va évidemment susciter les convoitises des voisins.

Celles de Clodion d'abord, le roi des Francs, qui règne à Lutèce, et qui voit là une importante possibilité d'expansion vers le Nord. Mais aussi celles du comte de Flandre, Agricola, qui veut s'étendre vers le Sud. Et la question ne se réglera que par la guerre, plus exactement par une série de guerres, se déroulant en plusieurs étapes, sur lesquelles Jean s'attardera avec complaisance. Elles coûteront cher (qui mult costat), dureront longtemps et auront de grandes conséquences géopolitiques. Jean va ainsi livrer à ses lecteurs un long récit d'opérations militaires menées dans le Nord de la Gaule. Elles reflètent en fait sa vision personnelle de l'expansion territoriale des rois francs de Lutèce, sous Clodion, Mérovée et Childéric.

 Chez Jean, il ne sera d'ailleurs pas seulement question des possessions personnelles de Théodoric le Poilu. Le chroniqueur liégois va également faire entrer dans le récit d'abord  la Flandre (avec le comte Agricola), puis ‒ quelques années plus tard ‒ le Brabant (avec le comte Hector de Louvain).

En fait, les opérations dans le Nord, telles que les rapporte Jean, dans le présent fichier (p. 104-121) et dans le fichier suivant (p. 121-138), couvriront trois règnes successifs. Lancées par Clodion et poursuivies par Mérovée, elles ne se termineront que sous Childéric et son prévôt Clarnus. Conformément aux impératifs de la présentation annalistique, elles seront bien évidemment entrecoupées par des événements contemporains, que nous ne retiendrons pas ici. [Il sera ainsi question non seulement de successions concernant notamment l'Empire (Théodose Ier mort en 397 et remplacé par ses deux fils, Arcadius et Honorius, qui régneront plus de 15 ans), la Papauté (le pape Sirice mort en 399 et remplacé par Anastase) et le royaume franc (l'installation de Childéric ne fut pas simple), mais aussi par d'autres récits de guerre, où interviennnent notamment les Huns, les Burgondes et les Romains.] Quoi qu'il en soit, lorsque les combats seront terminés, en plus de l'héritage de Théodoric le Poliu, le Brabant et la Flandre finiront par passer sous le contrôle des rois francs de Lutèce. Au total, ces opérations militaires dans le Nord, commencées en 397 de l'Incarnation (II, p. 105) ‒ pour Jean, l'année de la mort de Théodose Ier, mort en 395 de notre ère et terminées, toujours pour Jean en 425 de l'Incarnation (II, p. 130), auront duré quelque trente ans et occupé très largement trois rois francs.

*

Ces opérations se présentent sous la forme d'une série de récits compacts, structurés, souvent détaillés et comportant parfois des développements de type épique, dans la manière du chroniqueur. Ils n'apparaissent pas dans la Geste de Liège et sont absents de toute la tradition antérieure, qu'il s'agisse de Grégoire de Tours, de Frédégaire, du Liber Historiae Francorum, de la Geste des rois Francs d'Aimoin, ou encore de la Chronographia de Sigebert de Gembloux. Il est difficile de ne pas les considérer comme des créations personnelles de Jean d'Outremeuse. Avec les multiples détails qu'ils comportent, ils doivent être issus de l'imagination du chroniqueur liégeois dont on connaît le goût pour les longs développements fort soignés et parfois à caractère épique (cfr mon article des FEC). Ils relèvent fondamentalement du roman.

Un élément pourtant pourrait appartenir à l'Histoire. Jean semble s'être servi de la notice ancienne ‒ et probablement historique ‒ faisant du Tournaisis, du Cambrésis et des rives de la Somme un territoire passé aux mains de Clodion. Mais cette information a été détachée de son contexte original. Le territoire défini dans la notice est devenu chez le chroniqueur la propriété d'un prince disparu sans héritier, que vont se disputer, dans une longue guerre et avec un argumentaire fort discutable, le voisin du Sud, Clodion, roi de France, et celui du  Nord, Agricola, comte de Flandre, qui s'alliera à Hector, comte de Brabant. C'est sur ce « grain de sable historique » qu'est la notice définissant le domaine de Clodion, que Jean d'Outremeuse va bâtir un roman complet, qui nourrira une bonne part de la biographie qu'il consacrera à Clodion, à Mérovée et à Childéric.

*

À l'intention des lecteurs intéressés, on trouvera ci-dessous le résumé des événements, censés d'être déroulés sous les trois rois. On est dans les années de l'Incarnation.

a. Sous Clodion

Au cours des opérations de 398 et 399, Agricola et les Flamands sont vaincus et Clodion se rend maître des terres de Théodoric le Poilu. Mais ses ambitions ne s'arrêtent pas là. Il revendique aussi la Flandre, pénètre dans le pays et assiège Gand pendant huit mois, mais sans succès.

En fait, s'il doit lever le siège et rentrer d'urgence chez lui, c'est qu'il apprend que les Huns se sont emparés de sa capitale. Il affronte durement les envahisseurs, et le récit de Jean se déroule sur le mode épique. Il commence, en guise de hors-d'oeuvre, par une joute entre Attila et Clodion, qui tourne à l'avantage de Clodion. « Attila brisa sa lance, et Clodion le jeta à terre, écrasé sous son cheval, ce qui impressionna très fort les Huns ». Mais l'essentiel est la bataille qui suivit et qui opposa 140.000 Huns à 40.000 Francs. Violente et fort meurtrière, elle tourna pourtant, comme le laissait pressentir la joute initiale, à la défaite des Huns qui perdirent 27.000 hommes contre seulement 3.000 tués dans les rangs des Francs.  Les Huns furent chassés et perdirent tout le trésor qu'ils transportaient avec eux.

C'est la première intervention des Huns dans les opérations d'expansion territoriale des rois francs, mais Jean, probablement, pour animer davantage sa narration, aura encore plusieurs fois recours à eux.  On reviendra ailleurs plus en détail sur le rôle des Huns dans l'Histoire ; on dira ici tout simplement que la conquête de Lutèce par les Huns n'a rien d'historique. Par contre il y eut bien dans l'Histoire de violentes tensions territoriales entre la France et la Flandre mais des siècles après l'époque de Clodion. On est ici avec Jean dans l'anachronisme.

Quoi qu'il en soit, si la guerre entre Clodion et Agricola s'est arrêtée suite à l'attaque des Huns sur Lutèce, le conflit n'est pas terminé. En 402 de l'Incarnation, le comte de Flandre, qui veut sa revanche, s'allie au comte de Louvain, Hector. Ce dernier lance un défi à Clodion, qui le relève immédiatement. Il envahit et saccage le Brabant, puis s’empare de Louvain, avant qu’Hector, qui était à Bruxelles, et Agricola aient pu rassembler leurs troupes pour intervenir.

Clodion continue sur sa lancée et part assiéger Bruxelles. Mais en mai 402, il se heurte à l'armée réunie des Brabançons et des Flamands. Commencent alors de terribles combats où périssent plus de 40.000 hommes, en majorité Flamands et Brabançons, car c'est le roi Clodion qui est victorieux. Au faîte de l'exaltation, il poursuit ses ennemis en fuite, prenant d’énormes risques dans les combats. Il réalise d’extraordinaires prouesses dans lequelles il perd la vie. Ses adversaires renvoient son corps à Bruxelles, où se trouvaient ses hommes et son fils Mérovée. Les conseillers de ce dernier lui suggèrent de se retirer et de regagner Lutèce. Ce qu’ils font. On est toujours dans le roman.

b. Sous Mérovée

Les notices de II, p. 105-110, concernaient Clodion, qui meurt donc en 402.  Quelques années plus tard (en 406 ?), Mérovée reprend les opérations dans le Nord pour venger son père (II, p. 116-121). Il s'attaque d'abord au Brabant du duc Hector, dont il envahit le territoire en le mettant à feu et à flamme. Les Brabançons sont vaincus et leur duc tué. Le roi de France supprime alors la seigneurie de Brabant, rattachant le territoire à son pays. Il installe à Louvain un bailli à ses ordres, du nom de Domitien. Quelques années plus tard, en 412, il attaque la Flandre du comte Agricola. Lors d'une grande bataille qui se déroula en juin, les Flamands, vaincus, prennent la fuite. Mérovée est vainqueur. Il aurait conquis le comté tout entier, s'il avait pu les poursuivre. Mais gravement blessé au ventre, il est forcé de se retirer. Il meurt dans le mois en 412 et est enseveli à Lutèce. Du roman toujours.

La suite des événements, rapportée dans le fichier suivant (II, p. 126-138),  se déroule à l'époque de Childéric.

c. Sous Childéric et son prévôt Clarnus

Il appartiendra au successeur de Mérovée de reprendre la guerre laissée en suspens. Elle connaîtra sous Childéric d'importants développements, mais rien ne se passera sur le théâtre des opérations avant l'an 420 de l'Incarnation. Pour reprendre les guerres extérieures, il faudra en effet attendre que les affaires intérieures du royaume soient stabilisées, ce qui mettra un certain temps (cfr infra). Nous en discuterons ailleurs, ne retenant ici que les opérations militaires.

Mais, pour bien les comprendre, il faut enregistrer un important élément politique : le roi Childéric n'est pas seul à la manoeuvre. Il apparaît flanqué d'un prévôt, doté d'une grande autorité, du nom de Clarnus. Dans la vision de Jean d'Outremeuse, c'est une sorte de binôme, Childéric et Clarnus, qui dirige le pays. On rappellera aussi, pour comprendre le récit, que Mérovée avait supprimé la seigneurie de Brabant, rattaché le Brabant à son pays et installé à Louvain un bailli à ses ordres.

Or donc, en mai 420 de l'Incarnation, Childéric et son prévôt Clarnus reprennent la guerre que Clodion avait commencée contre Agricola plus de vingt ans auparavant et pénètrent en Flandre. La bataille qui se livre devant Gand voit la défaite des Flamands qui s’enfuient à Bruges. Les Francs font le siège de Gand, dont ils s’emparent en mai 421. Ils y laissent une garnison et partent assiéger Bruges. Agricola leur demande alors une trève de deux ans, que les Francs leur accordent. « Chacun regagna son pays mais Clarnus resta en possession de Gand. »

Malgré la trève, le comte de Flandre Agricola envahit le Brabant, gouverné alors, au nom du roi des Francs, par le bailli Domitien, lequel demande l’aide de Childéric et du prévôt Clarnus. Les renforts francs se mettent en route mais le bailli n'attend pas leur arrivée pour réagir. Il attaque les Flamands devant la ville d’Anvers (territoire brabançon), où ils s’étaient installés, mais le résultat est désastreux pour les Francs. Le bailli Domitien est tué dans la bataille, ses troupes sont anéanties et le vainqueur Agricola assiège Anvers.

La ville est assez fortifiée pour attendre les secours des Francs mais elle lui est livrée par un traître, le chevalier Henri. Le comte de Flandre massacre la population d'Anvers, y installe une garnison, puis se dirige vers Louvain. Mais en cours de route, il tombe sur le prévôt Clarnus qui l’attaque. Les Flamands, battus, se débandent ; leur comte s’enfuit avec une solide escorte à Anvers, où il s’enferme. Clarnus jure de ne pas rentrer en France avant d’avoir repris Anvers, capturé ou tué le comte et conquis toute la Flandre. Il le fait savoir à Childéric et assiège Anvers pendant plus de huit mois.

Finalement, à la Noël 423, Clarnus s’empare de la ville, mais sans réussir à mettre la main sur Agricola, qui se réfugie à Bruges. Clarnus installe à Anvers un gouverneur (sénéchal), après avoir torturé à mort le traître Henri, qui avait livré la ville. Puis, toujours à la poursuite d'Agricola, il part assiéger Bruges.

C'est alors qu'interviennent les Burgondes qui auront beaucoup d'importance plus tard dans l'Histoire. Agricola fait par écrit à Chilpéric, l’aîné des quatre rois burgondes, de mirobolantes promesses. Si Chilpéric s’alliait à lui pour détruire Clarnus, il deviendrait catholique comme les Burgondes, il épouserait Clotilde, la fille de Chilpéric, et ferait de ce dernier le roi des Francs. Chilpéric, séduit, accepte et part avec ses gens en Flandre. Mais, informés du projet de leur aîné, les trois frères cadets rassemblent eux aussi des hommes et partent en Flandre pour informer Clarnus de ce qui se tramait contre lui et, moyennant son appui pour la succession de la Bourgogne, se mettre de son côté et l’appuyer militairement.

La question est vite réglée. Le 19 juin 425, Clarnus inflige près de Bruges une lourde défaite aux Flamands et aux gens de Chilpéric, leur allié burgonde. Le comte Agricola est tué par Clarnus ; Chilpéric, lui, échappe à la mort mais sera plus tard tué par un de ses frères. Toute la terre de Flandre est rendue à Clarnus, qui reçoit les Flamands avec bienveillance et leur donne un bailli pour les gouverner au nom du roi des Francs. Il s’appelle Geoffroy d’Orléans ; il est vaillant et bon chevalier. Désormais, il n’y eut plus de comtes en Flandre, et Clarnus put rentrer à Lutèce. Le Brabant, on s'en souvient, était déjà soumis à la France depuis Mérovée.

On est en 425 ; Clarnus, le prévôt du roi Childéric, a donc mis fin au long conflit territorial entamé par Clodion et poursuivi par ses succeseurs pour s'emparer de l'héritage de Théodoric le Poilu d'abord, pour annexer le Brabant et la Flandre ensuite. Il restera aux frères burgondes à régler leurs comptes, ce qui ne sera pas une mince affaire.

 

 


 

 

C. LES HUNS (la fin du rÉcit se trouve dans le fichier II, 121-138)

 

Chez Jean, dans les fichiers qui nous occupent, les opérations militaires ne se limitent pas aux opérations des Francs visant à l'annexion des terres de Théodoric le Poilu et des territoires de la Flandre d'Agricola et du Brabant d'Hector. Les anciennes guerres continuent, mettant notamment en cause les Huns dont il avait déjà été question précédemment et à plusieurs reprises. En dernier lieu, II, p. 102-104, avec les notes.

En effet, Jean les fait intervenir dans la longue période de tension qui oppose les Francs d'une part, les Flamands et les Brabançons de l'autre. Ainsi, en 400 de l'Incarnation, Clodion est censé avoir dû interrompre le siège de Gand pour rentrer d'urgence en France, parce que les Huns d'Attila avaient envahi son pays et s'étaient emparés de sa capitale Lutèce (II, p. 107). L'affrontement entre Attila et Clodion tourne entièrement à l'avantage du roi Franc. Jean imagine même les deux chefs dans une joute à allure épique au cours de laquelle Attila est jeté à terre. Finalement Clodion chasse les Huns de son pays et s’empare même de tout le trésor qu'ils transportaient avec eux. Clodion rentre alors à Lutèce pour permettre à ses hommes, très éprouvés, de se reposer (ans 399-400).

Les Huns entrent à nouveau en scène sous la plume de Jean dans la section consacrée à Mérovée, le successeur de Clodion (II, p. 110ss). Attila (et de son fils Wandus), revenus dans l'Empire romain (en Rommenie) avec les rois Goths Alafis et Alaric, y causent de grands dommages, ce qui suscite de vives réactions. Finalement, sous Arcadius, [fils de Théodose Ier, qui est dans l’histoire le premier empereur romain d’Orient, 395-408], les Huns affrontent en Auvergne à Clermont une forte coalition de Romains (dirigés par Engésion, patrice de Rome) et de rois alliés (parmi lesquels les Francs de Mérovée).

La rencontre donne lieu à de violents combats que Jean rapporte sur le mode épique qu'il affectionne, en nommant avec soin plusieurs participants et en racontant dans le détail leurs exploits. Mérovée se distingue particulièrement : « il tuait les Huns avec une grande force » ; « il accomplit là des faits d’armes, en grand nombre, comme jamais n'en fit son père Clodion » ; « Attila aurait aimé jouter avec lui, mais il n’osait pas ». Le roi franc se distingua même dans la bataille au point que « quand le patrice Engésion le vit à l’oeuvre, il jura solennellement que le roi des Francs était digne d’être empereur. » Finalement, les Huns, vaincus à Clermont, s'enfuient par mer pour gagner la Frise et le Danemark, où ils continuent leurs dévastations (en 403 et en 404). Mais, toujours à l'époque de Mérovée, ils reviennent en force en Occident. Une grande partie du récit du chroniqueur est alors consacrée aux combats ‒ généralement victorieux ‒ des Huns, après leur retour de Frise dans les années 404-411 de l'Incarnation : Bavière, Trèves, Cologne, Aix-la-Chapelle, Metz, Tongres, Reims, Châlons, Troyes, Orléans.

Notre article de 2021, paru dans les FEC et intitulé Jean d'Outremeuse et les Huns a étudié en grand détail dans la Section V, intitulée Atttila, roi des Huns, tous les épisodes racontés aux p. II, 113-120 (passim) du Myreur. Y sont spécialement étudiées les questions de chronologie, montrant combien le système utilisé par Jean (les années de l'Incarnation) ne correspond pas aux années de l'ère commune. On y renverra le lecteur intéressé. L'article en question fait notamment apparaître  Mérovée (II, p. 110) dans les opérations contre les Huns, vers 411, lorsque les forces coalisées (par le patrice Engésion) viennent délivrer Orléans assiégée. Comme dans le récit de la bataille de Clermont, Jean met fortement en évidence l'intervention du roi des Francs  : « le roi de France, Mérovée, y accomplit tant de faits d’armes qu’on ne pourrait les raconter ». Chez Jean, Mérovée mourra un peu plus tard en 412 après sa victoire sur Agricola, comte de Flandre.

La défaite d'Orléans ne mettra pas fin aux attaques des Huns dans l'Empire. Dans le fichier suivant (II, p. 131-132), c'est l'Italie qui devient le théâtre des opérations. Selon le Myreur, les Huns, cette fois alliés aux Vandales et aux Goths, menacent d'abord la Lombardie, mais surtout Rome. À un point tel que l'empereur Théodose II se sent obligé de battre le rappel de tous ses alliés, rois, comtes et ducs, réconciliant au passage les Francs (Childéric et Clarnus) et les Burgondes (Gondebaud), qui étaient alors en froid.

Rome est en grand danger. Les forces romaines, dont la ville est assiégée et dont les troupes ont été sérieusement ébranlées dans une dure bataille, seront finalement sauvées par un miracle obtenu de Dieu par le pape Célestin. Attila sera foudroyé au milieu de son armée. Les Huns, qui se sont enfuis en bateaux et qui sont surpris par une tempête, mourront tous noyés (ans 426-428 de l'Incarnation).

On ne s'attardera pas davantage ici sur la vision que Jean d'Outremeuse se fait des Huns, après le volumineux fichier que nous avons consacré au sujet en 2021 dans les Folia Electronica Classica.

 


 

D. la bourgogne et les premiers rois burgondes HISTORIQUES

 

 

 

Burgondes — Wikipédia (wikipedia.org)

 

En présentant plus haut [supra en B] le récit de Jean, nous avons évoqué les opérations militaires menées par les Francs dans le Nord de la Gaule contre les Flamands et les Brabançons, d'abord sous Clodion, puis sous Mérovée et finalement sous Childéric et Clarnus. Toujours en suivant Jean, nous avions dit qu'à un certain moment le conflit s'était internationalisé avec l'intervention des rois burgondes. Et Jean de donner à cette occasion une esquisse de la situation de la Bourgogne, dirigée, à cette époque, par quatre rois, quatre frères, les fils du roi Gondioc, mort probablement en 473 de notre ère.  Agricola, en très mauvaise posture ‒ il est assiégé à Bruges par Clarnus, le prêvot de Childéric cherche l’alliance des Burgondes contre les Francs. Un des frères, Chilpéric II, l’aîné, se laisse tenter ; séduit par des promesses mirobolantes d’Agricola, il s’allie aux Flamands, tandis que ses trois frères cadets décident d'aider Clarnus et les Francs (cfr II, p. 129).

*

C'est le moment de dire quelques mots sur la Bourgogne, la Bourgogne historique et celle fantasmée par Jean.

 

Le chroniqueur liégeois fait état à plusieurs reprises de la Bourgogne dans le Myreur, très tôt même, puisque sa fondation en tant qu'état remonte selon lui à l'an 630 de Joseph, soit en 1137 avant Jésus-Christ. Cette année-là, écrit-il, « Borgons, le fils du duc de Gaule, pria son père de consentir à lui donner un territoire, pour y fonder des villes et des châteaux à habiter. Son père lui accorda un territoire long et large, bien délimité, où il fonda de nombreuses villes. Il en fut le seigneur et l'appela Bourgogne, d'après son nom » (I, p. 32). On peut suivre alors dans le Myreur l'histoire du pays au fil des siècles. « En l'an 348 de la Transmigration [241 a.C.n.], une grande bataille éclata entre le duc Ébroch de Bourgogne et le duc Cambéracion de Gaule. Elle dura depuis le matin, à la première heure, jusqu'au soir. Le duc Ébroch mourut et ses troupes furent défaites. Le duc de Gaule s'empara de toute la Bourgogne qu'il mit désormais sous sa sujétion » (I, p. 125). Le territoire deviendra dans la suite possession romaine dès l'an 507 de la Transmigration [82 a.C.n.] sous le roi Grégoire (I, p. 186). Il sera ainsi question dans le Myreur, à des titres divers, de la Bourgogne soumise aux Romains : sous Jules César en l’an 538 de la Transmigration [51 a.C.n.] (I, p. 220), sous Vespasien en l'an 76 de l'Incarnation (I, p. 481), sous Maximien Hercule en 293 de l'Incarnation (II, p. 41).

 

Cfr WIkipédia <Burgondes>

 

Ve siècle : le Rhin, puis la Gaule du Nord (d'après Wikipédia)

Tout ce qui précède appartient au fantasme, pour une raison très simple : la Bourgogne (que nous connaissons) doit son nom aux Burgondes (Burgundi) qui sont un ancien peuple germanique, originaire des rives de la Baltique, qui n'eurent que peu de contacts avec les Romains avant la fin du IVe et le début du Ve siècle. Parler de la Bourgogne et de ses habitants sous César, ou sous Vespsaien, ou sous Maximien Hercule, comme le fait Jean d'Outremeuse, est totalement anachronique. Les anachronismes n'ont jamais dérangé un auteur qui n'a (par exemple) pas hésité à décrire en détail (I, p. 15-17) l'aspect qu'avait la ville de Trèves dans les années 240 d'Abraham 240 [soit 1775 a.C.n.].Mais cela ne nous empêche pas de les relever.

Quoi qu'il en soit, et pour en revenir aux Burgondes, la véritable histoire de leur rapport avec Rome commence au moment où, vers 406-407 (à contrôler), ils traversèrent le Rhin gelé, avec plusieurs autres populations barbares (comme les Vandales, les Suèves et les Alains). Mais à la différence de ces derniers, les Burgondes ne descendent pas directement vers le Sud. Ils s'installent près du Rhin dans la province de Germanie supérieure (Germania Prima), dans la région près de Mayence et du confluent du Main et du Rhin (l'actuelle Rhénanie-Palatinat). Worms (nom latin) est la capitale de cette zone qu'ils occupent.

En 413, l'empereur romain Constance III, officialisant ainsi leur présence, leur accorde le statut de peuple fédéré c'est-à-dire qu'en échange de leur installation dans l'empire ils doivent défendre leur nouveau territoire contre d'éventuels envahisseurs. C'est que les Huns à cette époque tentent de pénétrer dans l'empire. En 428/429, le roi des Burgondes Gondicaire (cfr FEC), réussit même à les vaincre temporairement.

Mais en 435, changeant complètement d'attitude, les Burgondes, avec leur roi Gondicaire, quittent la zone rhénane qui leur avait été attribuée pour attaquer la province romaine de Belgique première (Belgica Prima) atteignant la région de Toul et de Metz, où leur expansion est stoppée par Aetius, le maître de la milice (magister militiaee) de l'empereur Valentinien III. Les anciens territoires rhénans des Burgondes étant alors soumis aux Huns, Aetius, vers 443, autorise les survivants fidèles à Rome à s'installer comme fédérés plus au sud dans la vallée du Rhône et du lac Léman (la Sapaudia), avec la charge de défendre ces parties exposées de l'empire. Leur population est alors estimée à moins de 50.000 personnes, soit une très petite minorité par rapport aux indigènes gallo-romains.

 

Ve siècle : les Burgondes s'imposent dans le centre-est de la Gaule (d'après Wikipédia)

AAu milieu du Ve siècle les Burgondes sont dirigés par deux rois simultanés, des frères, Gondioc (installé à Lyon, 456-470) et Chilpéric Ier (résidant à Genève, 456-472). Pour leur action dans cette partie de l'empire, ils reçoivent le titre de magister militum Galliarum (maître de la milice des Gaules). Ce titre leur donne autorité sur les citoyens romains des régions qu'ils contrôlent. En 457, les Burgondes soutenus alors par leur voisin, Théodoric Ier, le puissant roi des Wisigoths de 418-451, étendent leur domaine, conquérant les cités de Besançon, Chalon-sur-Saône, Langres, Autun, Grenoble et Lyon, le Valais, la Tarantaise. Et leur progression continue : entre 469 et 473, c'est Avignon, Valence, Die, Viviers, Gap, Embrun, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Vaison, Orange, Sisteron, Apt et Cavaillon. Ils monnaient même leur appui aux divers concurrents qui se disputent la tête de l'empire d'Occident (ainsi en 473, les Burgondes imposent Glycère comme empereur ; il régnera jusqu'en 480).

En 476, alors qu'à Ravenne capitale de l'empire d'Occident, le dernier empereur Romulus Augustule est déposé par un chef germanique, les Burgondes tentent de s'emparer d'Arles et de Marseille mais en sont empêchés par Euric (457-484) le roi wisigoth qui contrôle alors tout le sud de la Gaule.

On voit combien la disparition de l'empire d'Occident fait des rois des peuples germaniques installés en Gaule les maîtres de fait du pouvoir civil et militaire, mais également provoque leur concurrence pour la possession des territoires. Désormais les Burgondes ont pour voisins les Ostrogoths en Italie, les Alamans au Nord, les Wisigoths au sud et à l'ouest et le reliquat de l'empire romain qui subsiste entre la Loire et le nord de la Seine et qui sera conquis dès 486 par les Francs saliens du roi Clovis Ier.

 

Les luttes fratricides entre royaumes burgondes (d'après Wikipédia)

À la mort du roi Chilpéric Ier en 472, ses neveux Gondebaud (à Lyon) et Godegisèle [Godégisile] (à Genève) lui succèdent. Vers 500, Godegisèle obtient l'appui de Clovis pour attaquer son frère Gondebaud. Ce dernier est battu et doit se réfugier à Avignon, où ses adversaires l'assiègent. L'intervention du roi wisigoth de l'époque fait reculer les assiégeants. Mais en 501, Gondebaud vainc son frère à Vienne et le tue (ainsi que sa famille). Gondebaud reste le seul roi. Il gouverne la Bourgogne jusqu'à sa mort (516).

Au cours de la guerre entre les Francs et les Wisigoths (qui se termine par la victoire franque de Vouillé en 507), les Burgondes envoient des troupes pour aider les Francs. Les Francs s'emparent de la partie gauloise du royaume wisigoth, mais les Burgondes ne peuvent prendre Arles et Narbonne à la suite d'une intervention du roi ostrogoth Théodoric Ier.

 

Les fils de Gondioc (Grégoire de Tours, II,  28-29)

« Gondioc (456-470) avait été roi des Burgondes ; il appartenait à la famille d'Athanaric (Grégoire, I, 4, p. 85 Latouche), le roi persécuteur de qui nous avons parlé ci-dessus. Il avait eu quatre fils Gondebaud (472-516), Godégisile (mort en 501), Chilpéric II et Godomar II (tous les deux 472-474 asssassinés). Gondebaud égorgea Chilpéric son frère et noya la femme de ce dernier en lui attachant une pierre au cou. Il condamna à l'exil les deux filles [de Chilpéric] : l'aînée, qui prit l'habit, appelait Croma, la plus jeune Clotilde. Or, comme Clovis envoie souvent des ambassadeurs en Bourgogne, la jeune Clotilde est aperçue par ses ambassadeurs. Comme ils l'avaient trouvée élégante et sage et qu'ils avaient su qu'elle était de famille royale, ils l'annoncèrent au roi Clovis. Sans tarder, celui-ci envoie à Gondebaud une ambassade pour la demander pour lui en mariage. Ce dernier n'osant pas opposer un refus la remit aux ambassadeurs, et ceux-ci, emmenant la jeune fille, la présentent la plus vite au roi. Quand il l'eut vue, le roi fut rempli d'une grande joie et il se l'associa par le mariage alors qu'il avait déjà d'une concubine un fils, nommé Thierry. [II, 29] Puis la reine Clotilde lui donna un fils premier-né. »

 Suit chez Grégoire un long récit : la reine fait baptiser cet enfant nommé Ingomer qui meurt dans les vêtements blancs de son baptême - naissance d'un second enfant, Clodomir, qui, baptisé, tombe malade mais est guéri - après la guerre déclenchée par les Alamans en 496, conversion et baptême de Clovis, qui entraînent la conversion et le baptême de plus de 3000 hommes de son armée ainsi que de deux de ses soeurs, Alboflède, qui meurt  peu après, et Lantechilde « qui était tombée dans l'hérésie des Ariens, mais ayant confessé que le Fils est égal au Père et à l'Esprit-Saint, fut oite avec le chrême » (Grég., II, 31 in fine)

 

[Cfr le Liber Francorum, 11, 1ère partie, très proche de Grégoire de Tours depuis l'énumération des enfants de Gondioc (graphie de Lebecq) Gondebaud, Gondegisel, Hilpéric = Chilpéric et Godmar, ses fils ; Crona et Clotilde, ses filles) jusqu'à l'ambassade de Clovis chez les Burgondes qui attire l'attention du roi des Francs sur Clotilde ; après cela, dans la 2ème partie du 11, grandes différences, sur les épisodes très détaillés d'Aurélien et des contacts avec Clotilde,  et d'autres éléments - Chez Liber Francorum, 15 in fine, intéressantes remarques de St. Lebecq, p. 48-49, n. 90, sur les différences de traitement entre les deux soeurs ; disparition dans le Liber des nuances sémantiques fournies par Grégoire]

 

Conflit entre Gondebaud et Godegisèle - mort de ce dernier - Gondebaud est maître de la Bourgogne (Grégoire de Tours, II,  32-33)

« Gondebaud et Godégisile, qui étaient frères, détenaient alors un royaume autour du Rhône et de la Saône avec la province de Marseille. Ils étaient alors ainsi que leurs peuples adeptes de la secte arienne. Comme ils étaient en lutte l'un contre l'autre, Godégisile, ayant appris les victoires du roi Clovis, lui envoya secrètement une ambassade pour lui dire » en substance : « Si tu m'aides à chasser mon frère, je te paierai chaque année un tribut dont tu fixeras toi-même le montant ». Clovis est d'accord et au moment fixé mobilise une armée contre Gondebaud. Ce dernier, apprenant la chose et ignorant la trahison de son frère, lui demande son aide pour contrer la tentative de Clovis. Gondebaud lui promet une aide militaire. Trois armées arrivent ainsi près de Dijon. Celle de Godégisile fait sa jonction avec celle de Clovis et les deux écrasent les troupes de Gondebaud, qui s'enfuit et se réfugie à Avignon. « Quant à Godégisile, après avoir obtenu la victoire et promis à Clovis une part de son royaume, il s'en alla en paix et il entra à Vienne en triomphateur comme s'il possédait déjà tout le royaume. Clovis, qui avait encore renforcé ses troupes, partit à la poursuite de Gondebaud pour l'assassiner après l'avoir fait sortir de la cité d'Avignon ». Puis, après réflexion et pour éviter des pertes en hommes, il choisit une autre option. « Il envoie une ambassade à Gondebaud et lui ordonne de s'obliger à lui verser chaque année les tributs qui lui sont imposés ; celui-ci, de son côté, paie le tribut de l'année en cours et promet de payer à l'avenir ». Clovis retourne alors dans sa patrie. Quant à Gondebaud, il reconstitue ses forces, dédaigne de payer les tributs promis à Clovis, et mobilise une armée contre Godegisèle. Il l'assiège alors dans la cité de Vienne  où il était enfermé.

Mais la ville, affamée, est finalement prise par ruse et trahison. « Godégisile se réfugie à l'église des hérétiques et il y est tué avec l'évêque arien. Puis les Francs qui étaient avec Godégisile se réunissent dans une même tour ; Gondebaud ordonna alors qu'on ne fît pas le moindre mal à aucun d'entre eux, mais les ayant appréhendés, il les envoya à Toulouse en exil auprès du roi Alaric [chez les Goths donc]. Les sénateurs furent tués ainsi que les Burgondes qui s'étaient ralliées à Godégisile. Quant à lui, il rétablit sous sa domination toute la région qui est maintenant appelée la Bourgogne et il édicta pour les Burgondes des lois plus douces afin qu'ils n'opprimassent pas les Romains » (allusion à la Lex Burgundionum, appelée aussi Lex Gundodada qui a été compilée par le roi Gondebaud).

Sur le plan religieux, il aurait bien accepté le baptême catholique, mais en secret, craignant une révolte de la population s'il le faisait en public. Comme l'évêque Avit refusait cette formule, « le roi psersista jusqu'à la fin de sa vie dans cette insanité et ne voulut pas confesser en public l'égalité de la Trinité ». (II, 34)

 

 [certain nombre de différences avec le Liber Francorum, ch. 16, assez long intitulé "Où les Brugondes, vaincus par Clovis, se sont soumis à son autorité, et comment des hommes ont été dévorés par les bêtes". Stéphane Lebecq note que ce chapitre 16 "reprend les Histoires de Grégoire, II, 32 à 34, dans lesquelles l'auteur sélectionne les événements qui ont retenu son attention (la campagne de Clovis en terre burgonde, le rôle du conseiller Aredius, les malheurs qui se sont abattus sur Vienne et les rituels expiatoires de l'évêque Mamert), tout en en négligeant d'autres. Parmi les différences concernant la question des origines de la campagne de Clovis contre les Burgondes, pour le Liber Francorum, Gondebaud et Godegisel sont des alliés, tandis que Grégoire "évoque (à la suite de la Chronique de Marius d'Avenches, n° 500), la trahison de Godegisel, qui avait pris le parti de Clovis. Pour le reste, certains textes du Liber reprennent mot à mot Grégoire]

 

La disparition du royaume des Burgondes (à revoir)

En 516, Sigismond succède à son père Gondebaud. Il abandonne l'arianisme (très répandu chez les Burgondes, en particulier dans la noblesse et dans l'armée) et se convertit au catholicisme, il en fait de même pour ses enfants. Une sombre histoire de jalousie familiale lui fait assassiner son fils en 522. En 523, son cousin, le roi franc Clodomir Ier, ayant des liens familiaux avec le roi Godégisèle assassiné en 501, l'attaque, le vainc et le tue (ses enfants et sa femme sont également tués).

Godomar III, frère de Sigismond lui succède. En 524, les rois francs Clodomir Ier, Clotaire Ier et Childebert Ier l'attaquent, mais sans grand succès (Clodomir trouve la mort au cours de l'expédition) ; au même moment, leur allié, le roi ostrogoth s'empare de cités du sud (Gap, Apt, Cavaillon, Carpentras, Orange, Sisteron, Embrun). En 532 ou 533, les rois francs récidivent. Godomar assiégé dans Autun, doit s'enfuir (peut-être dans les Alpes, au Val Gaudemard). Ses vainqueurs se partagent le royaume burgonde.

 

La religion des Burgondes

À leur arrivée dans l'empire romain, les Burgondes étaient païens. Au contact des missionnaires et des populations chrétiennes de la Gaule et de la Germanie, ils se convertissent au christianisme. Cependant il semble que les Burgondes établis dans les parties nordiques de leurs territoires soient des chrétiens catholiques, fidèles aux idées du Concile de Nicée, alors que ceux qui sont dans la partie sud aient été tentés (comme nombre de Germains) par la doctrine arienne ; ces derniers le resteront jusqu'au début du VIe siècle.

 


 

Constitué en royaume par Gratien, II, 87 :  [L’empereur Gratien transforma en royaume le pays de Bourgogne] L’empereur Gratien, qui était un homme généreux, se trouvait dans le nouveau royaume de Bourgogne, car il avait fait de la Bourgogne un royaume.

 

 Suite des rivalités entre Francs et Flamands : le Franc Clarnus s’empare d’Anvers dont s’est échappé le comte de Flandre, y installe un gouverneur (sénéchal) et torture à mort le traître Henri, devenu gardien de la ville - Clarnus assiège Bruges où s'est réfugié Agricola - Celui-ci cherche l’alliance des Burgondes contre les Francs - Il y a quatre rois en Bourgogne - Chilpéric II, l’aîné, séduit par des promesses mirobolantes d’Agricola, s’allie aux Flamands, tandis que ses trois frères cadets décident d'aider Clarnus - Les deux groupes s’affrontent sur le champ de bataille - Grosse défaite des Flamands près de Bruges et mort du comte Agricola, tué par Clarnus - Les Francs sont désormais les maîtres de la Flandre - Clarnus donne aux Flamands un bailli, nommé Geoffroy d’Orléans, qui les gouverne au nom du roi des Francs (423-425)

 

La bataille des quatre frères pour la succession de la Bourgogne - Gondebaud reste seul comme roi des Burgondes - Il remet sa terre à l'empereur de Rome dont il devient alors le vassal et qui le protégera contre Clarnus - L'empereur rassemble ses troupes pour partir attaquer les Francs (II, p. 130-131) (426 de l'Incarnation)

 

Nous avons discuté plus haut des opérations militaires des Francs dans le Nord contre les Flamands et les Brabançons, sous Clodion, sous Mérovée et finalement sous Childéric et Clarnus. Nous en étions restés au moment où le conflit s'était internationalisé avec l'intervention des rois burgondes. Agricola a tenté de mettre de son côté le roi Chilpéric de Bourgogne, mais ses trois frères ont réussi à retourner la situation en leur faveur. La situation sera réglée en 425 de l'Incarnation dans une bataille près de Bruges où Clarnus inflige près de Bruges une lourde défaite aux Flamands et aux gens de Chilpéric, leur allié burgonde.

 

En fait Chilpéric de Bourgogne était sorti vivant de la bataille. Ses trois frères vont trouver Clarnus, désormais leur allié, pour lui demander de l'aide, mais Clarnus leur répond de régler l'affaire eux-mêmes, en ajoutant que « s'ils agissaient noblement, comme dans une vraie guerre, sans trahison ni meurtre », il les couvrirait. Et il leur donna une lettre scellée de son sceau. Les trois frères envoyèrent alors à leur aîné une lettre de défi dans laquelle le nom de Clarnus apparaissait en première position. Inquiet Chilpéric chevaucha jusqu’à Lutèce, pour s'expliquer avec Clarnus et se soumettre. Mais ses frères l’attaquèrent en cours de route et Gondebaud le tua d'un coup de poignard au ventre. De retour en Bourgogne, ils tuèrent l'épouse de Chilpéric, gardèrent précieusement sa fille Clotilde en otage et se partagèrent le royaume en trois. Mais il ne fallut pas un an avant que Gondebaud, le plus féroce, tua les deux frères qui lui restaient. Désormais seul roi de Bourgogne, il se fit couronner en juillet 426.

Quand ses chevaliers lui reprochèrent ces massacres, il répondit qu'il n'avait fait qu'agir aux ordres de Clarnus. Il le répéta si souvent que Clarnus l'apprit et lui lança un défi. Pris de peur, Gondebaud alla à Rome et donna sa terre à l’empereur d’une manière telle que celui-ci la lui rende pour qu’il puisse désormais la détenir comme un fief relevant de l’empereur et se protéger de l'attaque de Clarnus. Dans l'intention de marcher contre les Francs pour aider ce dernier, l’empereur convoqua ses troupes. Dans la chronologie de Jean, on était toujours en l'an 426 de l'Incarnation et, dans cette chronologie, l'empereur régnant était Théodose II qui avait pris le pouvoir en 423 de l'Incarnation (cfr II, p. 128).

Mais l'annonce d'une attaque des Huns vient modifier ses projets. Elle était particulièrement dangereuse parce que les Huns d'Attila étaient accompagnés non seulement des Vandales qui avaient précédemment dévasté l'Afrique mais également appuyés par des forces nombreuses du roi des Goths, Radogast. Tous les coalisés avaient juré de détruire Rome. Dans ces conditions, l'empereur devait non seulement rester en Italie mais aussi battre le rappel de toutes les forces de son empire susceptibles de l'aider. Et parmi les rois, comtes, ducs convoqués se trouvaient les Francs de Childéric et de Clarnus et les Burgondes de Gondebaud. L'empereur dut d'abord les réconcilier, ce qu'il n'eut guère de mal à faire.

Restait à attendre sur place les forces ennemies...

 

 

II, p. 128 Burgondes: Après les Flamands et les Brabançons, les Francs vont maintenant se tourner vers les Burgondes. Le décès du roi burgonde Chilpéric I, mort sans enfants, rendait la succession difficile. Elle devait aller aux fils de Gondioc, le frère du défunt, mais ceux-ci étaient quatre : outre Chilpéric II, l'aîné, il y avait Gondebaud, Godomar II et Godegisèle. L'aîné estimait que le royaume lui revenait de droit, mais les cadets n'acceptaient pas cette formule. Agricola, le comte de Flandre, fit à Chilpéric II des propositions très alléchantes, si le Burgonde acceptait de l'aider contre le roi des Francs et son prévôt. Chilpéric II fut séduit et partit en Flandre avec une armée.

Mais ses trois frères, voyaient là l'occasion de se débarrasser de lui, se rendirent avec des troupes en Flandre, auprès du prévôt Clarnus. Ils lui dirent que leur frère Chilpéric II arrivait avec un grand nombre d’hommes secourir le comte de Flandre, et que, eux, ils venaient aider les Francs. Ils espéraient qu’en cas de défaite des Flamands, le prévôt Clarnus les aiderait contre leur frère, à recevoir une part du royaume burgonde. La bataille qui se déroula autour de Bruges tourna au désastre pour les Flamands. Leur comte Agricola fut même tué par Clarnus. Ce fut la fin du comté de Flandre. Les Flamands reçurent un bailli Geoffroy d’Orléans qui les gouverna au nom du roi des Francs. Clarnus retourna à Lutèce.

 

II, p. 129: [Attention : chez Jean d'Outremeuse, Celdris désigne Chilpéric II, un des quatre rois de Bourgogne, et Childéric, roi des Francs]

 

II, p. 129-130: rivalités entre les rois burgondes

Mais le problème de la succession burgonde n'était en rien résolu, Chilpéric II étant toujours en vie. Ses trois frères allèrent trouver Clarnus, qui leur dit en substance de trouver une solution et que, s'ils le souhaitaient, il viendrait les aider. Ils lui répondirent qu'ils régleraient eux-mêmes la question, s'ils avaient son accord. Clarnus accepta d'assumer les choses, « si elles se passaient noblement, comme une vraie guerre, sans trahison ni meurtre ».

Les trois frères et Clarnus envoyèrent alors une lettre de défi à Chilpéric II. Celui-ci, inquiet, partit immédiatement à Lutèce pour se soumettre, mais ses frères l'attaquèrent sur la route et Gondebaud le poignarda. Ensuite, les trois frères noyèrent la reine Flore dans un lac, gardant avec soin Clotilde, « comme une fille de roi ». Puis ils partagèrent la terre de Bourgogne en trois. Mais avant la fin de la première année, le roi Gondebaud tua ses deux frères et demeura seul roi de Bourgogne.

Quand les chevaliers burgondes lui reprochèrent sa conduite, il répondit qu’il les avait tués sur ordre du prévôt de France. Outré, celui-ci, quand il apprit la chose, lui lança un défi. Mais Gondebaud alla à Rome remettre sa terre à l’empereur de manière à se protéger. L’empereur convoqua ses armées, pour marcher contre les Francs.

Situation précise de Clotilde ? Clotilde était une burgonde, fille du roi Chilpéric II et de la reine Flore (ou Carétène, selon Wikipédia, ou Crona dans la généalogie de Rouche, p. 575 ?). Elle était donc la nièce de Gondebaud. Elle avait été promise en mariage au comte de Flandre, Agricola, par son père Chilpéric II. Après la mort de celui-ci, elle sera maintenue prisonnière par les trois frères. Elle deviendra reine des Francs en épousant Clovis,

 

Intérêt de la Chronique (455-581) de Marius d'Avenches : notamment chez Remacle, mais il y a d'autres éditions. A creuser. En tout cas, beaucoup plus de détails dans cette courte chronique que chez Jean sur les luttes des quatre frères qui ont succédé au roi Chilpéric I. Importance des travaux récents de Justin Favrod sur les royaumes burgondes.

 

II, p. 131: [Le roi de Bourgogne remit sa terre à l’empereur sous condition] [Pour JOM (II, p. 128), l'empereur de Rome à cette époque était Théodose II, couronné en 423 -  Selon Robert : Théodose II 401-450 ]

 


 

E. LEs débuts du rÈgne de ChildÉric

 

(Myreur, II, p. 121-126 - ans 412-419 de l'Incarnation

 

 

Mais revenons à Childéric et plus précisément aux débuts de son règne, un sujet sur lequel Jean s'étend assez longuement.

 

La vision de Jean d'Outremeuse

Selon lui en effet, l'installation définitive de Childéric comme roi des Francs sera difficile. Le chroniqueur évoque en particulier ses excès sexuels et leurs conséquences. Il sera exilé et banni. Pourtant, il reviendra finalement sur le trône, avec toutefois des pouvoirs réduits. Il sera en effet encadré ou surveillé par un prévôt, anticipation probable du poste de maire du palais, qui n'apparaîtra que plus tard chez les Mérovingiens. Il sera aussi question chez Jean du successeur de Childéric, Clovis, et de la mère de celui-ci.

Mais voyons cela un peu plus en détails.

Childéric succède donc comme roi à son père Mérovée, mais les excès sexuels qu'il commet provoquent son bannissement. Il trouve refuge en Austrasie pendant deux ans chez le roi Basin. Son fils Clovis étant trop jeune pour régner, les Francs nomment à sa place un nouveau roi, un roi « intrus », dira Jean, du nom de Clarnus. Ils font également dresser un document stipulant que Childéric ne serait jamais roi des Francs. Mais un ami du roi fait disparaître cette pièce éminemment importante. Pendant l'exil de Childéric en Austrasie, le roi Basin meurt et Childéric épouse sa veuve, Basine.

Childéric, qui se présente alors comme assagi, demande à revenir et à récupérer son trône. On s'oppose d'abord à sa demande en faisant état du document qui l'en exclut définitivement, mais, comme on ne peut ni le produire ni même prouver qu'il existe, on finit par lui rendre son trône, en restreignant toutefois très fortement ses pouvoirs. Le roi sera désormais flanqué d'un prévôt, qui lui sera dans un certain sens supérieur : non seulement le prévôt est chargé de rendre la justice, mais sans l'accord de celui-ci le roi ne peut rien faire. Le prévôt en l'occurrence sera Clarnus. La suite du récit montrera que, dans les faits, l'entente entre le roi et son prévôt sera parfaite.

Jean conclut son exposé par quelques précisions sur la mère de Clovis. Clovis n'est pas le fils de la reine Basine, la veuve du roi Basin qui l'avait accueilli en Austrasie, mais de la première épouse de Childéric, qui s'appelait elle aussi Basine et que le roi avait épousée trois ans plus tôt. Cette première Basine était la fille de l'empereur Honorius. De sa seconde épouse, Childéric aurait eu un fils nommé Austris, dont Jean est le seul à parler.

 

L'originalité de Jean d'Outremeuse

Dans sa présentation des premières années de Childéric, Jean (très peu de chose dans Geste, 5830-5844) adopte les motifs qu'on trouve dans ses sources ‒ essentiellement Grégoire de Tours, II, 12, et le Liber Historiae Francorum, 6 et 7 ‒ de la conduite déréglée du roi, de son bannissement de plusieurs années chez le roi Basin, de son mariage avec la veuve de ce roi et de son retour sur le trône des Francs. Il se détache toutefois de ses sources sur plusieurs points, certains secondaires, d'autres plus importants.

Un détail secondaire par exemple concerne la localisation du royaume de Basin : Jean le situe en Austrasie, alors que les textes antérieurs parlent de la Thuringe, une région de la Germanie moyenne qui porte encore aujourd'hui ce nom. Mais il y a beaucoup plus important, et notamment le motif des adaptations qui seront apportées à la fonction royale lors du retour de Childéric. On songe ici essentiellement au personnage qui va dorénavant flanquer le roi et ‒ en principe en tout cas ‒ le surveiller.

Ce personnage aux pouvoirs fort étendus, que Jean appelle prévôt, présente en II, p. 124, comme intrus roy de Franche et définit en II, p. 126 comme ly prinche de palais roial, est totalement absent des prédécesseurs de Jean et n'a aucune réalité historique. Ad. Borgnet (ad locum, II, p. 125 n.) a tendance à croire que notre chroniqueur fait remonter à l'époque de Childéric l'origine de la fonction, beaucoup plus tardive, de « maire du palais » (magister palatii, maior palatii ou maior domus regiae). L'éditeur a très certainement raison. Les anticipations, même grossières, n'effraient pas notre notre chroniqueur. Pour ne prendre qu'un seul exemple, on se souviendra que certains évêques de Tongres étaient devenus sous sa plume de véritables « princes-évêques », et cela bien avant Notger.

 Celui qui fut choisi comme chef des Francs après le bannissement de Childéric porte chez Jean le nom de Clarnus. Il fut à ce moment-là nommé roi (cfr l'intrus roy de Franche cité plus haut) et ne portera le titre de prévôt qu'après le retour d'exil de Childéric. Le nom de Clarnus ne s'applique à aucun personnage historique connu, même si on le rencontre dans la littérature médiévale : un Clarnus de Trigan ou Clarins de Trigan joue en effet le rôle d'un espion du roi Marc dans Isaÿe le Triste, roman arthurien du moyen âge tardif.

Reste que pour assurer à Lutèce la vacance du trône pendant la longue absence de Childéric (8 années, disent certains chroniqueurs), il fallait de toute façon quelqu'un. Jean d'Outremeuse prend très souvent soin de nommer les personnages qu'il fait intervenir : quand il ne trouve pas ailleurs, il les invente. Plus soucieux de faire appel à des personnages historiques, Grégoire de Tours (Histoire des Francs, II, 12, p. 103 Latouche), l'anonyme du Liber (7, p. 19-21 Lebecq) et l'auteur des Grandes Chroniques de France (I, 8, sous le nom de Giles, ou Gilon, ou Gilons, p. 29-33) ont pour leur part placé comme « roi intrus » des Francs un authentique personnage romain Aegidius (Egidius).

Cet Aegidius était, comme le précise Grégoire, maître de la milice, dans les Gaules. Les Modernes savent qu'il y avait été envoyé en 457 de notre ère par Majorien pour défendre les intérêts de l'Empire, ce qu'il fera jusqu'à sa mort en 464 de notre ère. Il était ce qu'on pourrait appeler un généralissime de l'armée de l'empereur romain. Ces mêmes historiens modernes savent qu'il était lié avec Childéric (cfr supra), notamment qu'il avait combattu avec lui contre les Wisigoths. Il laissera un fils nommé Syagrius, dont on aura à reparler. Bref, les chroniqueurs médiévaux n'avaient peut-être pas tort de songer à Aegidius pour remplacer ‒ momentanément en tout cas ‒ Childéric.

Mais revenons à la manière dont ce bannissement est rapporté par les chroniqueurs. Selon Grégoire de Tours et l'anonyme du Liber, Childéric avait, dès le début, veillé à assurer son retour. En partant,  il avait confié à un homme à lui le soin de surveiller l'évolution des esprits chez les Francs, voire de manoeuvrer activement en faveur de son rappel, et de lui faire savoir quand il pourrait rentrer. Le système utilisé était simple. Le roi et son homme de main s'était partagé une pièce d'or ; Childéric en avait emporté une partie et son ami conservait l'autre. Il devait la renvoyer au roi lorsqu'il estimerait le retour de celui-ci possible. C'est ainsi qu'ils procédèrent et que Childéric apprit qu'il pouvait tenter son retour. Celui-ci se fit alors sans aucun problème.

Jean d'Outremeuse, qui a complètement gommé ce récit, fait revenir Childéric sans préparation particulière. Il met l'accent sur les problèmes posés par le retour du roi, les discussions qui s'ensuivirent et qui aboutirent à la modification du pouvoir royal et à la nomination d'un prévôt pour encadrer le roi. On peut donc y voir une innovation de Jean d'Outremeuse.

Mais que penser du bannissement lui-même ? M. Rouche (Clovis, p. 134-135) et St. Lebecq (Deux faces, 2011, p. 22) ne semblent pas le considérer comme invraisemblable. Reste qu'il est très difficile aux historiens modernes de savoir ce qui s'est réellement passé au début du règne de Childéric. Dans son étude fouillée sur ceux qu'il appelle les Seigneurs de la Guerre de l'antiquité tardive, P. MacGeorge (Late Roman Warlords, Oxford, 2002 [Oxford Classical Monographs] consacre ses p. 111 à 125 à Aegidius. En tout cas, tous les chroniqueurs l'enregistrent, et pour nous qui sommes à la recherche des innovations du chroniqueur liégeois, c'est une donnée importante.

Et les amours de Childéric et de Basine dans tout cela ? Quelle est vraiment la mère de Clovis ?

La réponse varie d'après les auteurs. Ici encore, Grégoire et l'auteur du Liber ne laissent aucune place au doute. Voyons le récit de ce dernier au moment où Childéric, toujours en Thuringe, vient de recevoir la moitié de la pièce d'or. « Il revint donc dans son royaume. Cependant, pendant qu'il était en Thuringe, le roi Childéric avait commis l'adultère avec la reine Basine, épouse du roi Bisin. Quand il fut revenu dans le royaume des Francs, ceux-ci chassèrent du royaume le prince romain Egidius. Et Basine, la reine du roi des Thuringiens Bisin, abandonna son mari et rejoignit Childéric [...] Rempli de joie, il la prit pour épouse. Et elle, enceinte de lui, mit au monde un fils et lui donna le nom de Clovis ». La formulation est très claire. Le même motif apparaît chez Aimoin (I, 8) et dans Les Grandes Chroniques (I, 10).

À la fin de son exposé, Jean va prendre ses distances vis-à-vis de cette thèse. Selon lui, Clovis n'est pas le fils de la reine Basine, la veuve du roi qui l'avait accueilli en Thuringe, mais de la première épouse de Childéric, qui s'appelait elle aussi Basine et que Childéric avait épousée trois ans plus tôt. Cette première Basine était la fille de l'empereur Honorius. Il faut dire que les sources romaines ne vont pas dans ce sens. Elles font bien état de deux mariages successifs d'Honorius, mais ne lui connaissent pas d'enfant. Est-ce une invention de Jean qui aurait trouvé plus noble pour Clovis d'être apparenté aux empereurs romains qu'aux rois thuringiens ? Jean pourrait également avoir inventé l'existence de ce fils Austris que Clovis est censé avoir eu avec sa seconde épouse, l'ancienne reine Basine de Thuringe.

*

Un détail pour clore cet épisode : on ne trouve aucune allusion chez Jean à la célèbre « vision de Basine », au lit avec Childéric, lors de la nuit où aurait été conçu Clovis. Le récit, absent chez Grégoire de Tours, est bien présent chez Frédégaire (III, 12, p. 97, éd. Krusch: De Basina regina et Chylderico) sous la forme que voici (Wikipédia : <La vision de Basine> ou <Basine de Thuringe> :

Lors de leur nuit de noces, Basine demanda à Childéric de regarder par la fenêtre et de dire ce qu'il voyait. Childéric dit : « Je vois un lion avec une licorne et des animaux sujets qui sont très heureux et qui respectent le lion ». Basine lui répondit : « Retourne à la fenêtre, que vois-tu ? »  Childéric dit : « Je vois un ours et un léopard et des chacals qui leur mordent les pattes et des sujets qui baissent la tête et ne font plus la fête. » Basine lui demande : « Que vois-tu maintenant ? » Childéric dit : « Je vois des chacals des chiens et des vautours qui se battent et des sujets malheureux ! » Au matin de la nuit de noces, Basine lui révéla la signification des visions qu'il avait eu : « Tu auras un fils, il s’appellera Clovis. Il sera puissant, il fera un grand royaume où il sera respecté, où les gens se respecteront et seront heureux. Puis viendront ses descendants qui essayeront de maintenir les règles mais de mauvaises gens chercheront à leur voler le pouvoir, puis des chiens, des chacals et des vautours cupides se battront pour avoir le pouvoir et les sujets seront malheureux. »

La vision n'est pas reprise dans le Liber, mais bien par Aimoin (I, 8, p. 32, éd. Bouquet-Delisle, X) et dans les Grandes Chroniques (I, 10). B. Brusch, L'éditeur de Frédégaire pense (p. 97, n. 1) que Frédégaire, pour l'écrire, se serait inspiré de la vision du prophète Daniel (Livre de Daniel, ch. VII, 1-8).

 


 

 

F. les WISIGOTHS et Alaric I

 

 

Vers 375, les déplacements des Huns font éclater le monde goth qui occupait la Scythie, propulsant dans deux directions différentes ceux qui deviendront les Ostrogoths et les Wisigoths. Les premiers partiront vers l’ouest et briseront les frontières de l’Empire romain au niveau de la Pannonie. Les seconds, en 376 de notre ère, demanderont asile dans l’Empire à l’empereur Valens qui les installera en Thrace.

*

"Les Wisigoths ou Visigoths ("Goths sages") ou Tervinges ( = Thervingues), branche des Goths qui apparaît au début du IVe siècle entre Dniepr et Danube. Certains furent convertis à l'arianisme par Ufila.

Premier peuple germanique à s'être établi dans l'Empire romain d'Orient en bénéficiant du statut de « fédérés », c'est-à-dire d'alliés militaires

Depuis un traité conclu avec Constantin en 332, ils occupent, avec le statut de fédérés (situation d'un peuple qui a signé un traité d'alliance avec Romes et qui a obtenu certains avantages en échange de certaines obligations militaires), le territoire de l'ancienne province de Dacie située au nord du Danube et que Rome a récemment abandonnée. Soumis à la pression des Huns, ils demanderont asile dans l'Empire en 376 de notre ère à l'empereur Valens qui les autorisera à  à s'installer en Thrace. À cette époque, Alaric, leur futur roi, né vers 370, n'avait guère plus que six ans.

En fait, les nouveaux intégrés ne se montrent pas fidèles. Ils se rebellent et lorsque les Romains veulent les mater, les Wisigoths, à Andrinople, le 9 août 378, battent l'armée impériale dans une bataille où meurt l'empereur Valens lui-même. Il est remplacé par Théodose Ier (379-395). Un nouveau traité de fédération, signé en 382, installe les Wisigoths en Mésie. En 394, Alaric devient le chef des Wisigoths fédérés.

C'est à ce titre qu'il participe, sous les ordres de Stilicon, magister militiae de Théodose, à la campagne contre l'usurpateur Eugène dans les parages de la rivière Frigidus. Lors de la bataille qui s'ensuit, les Goths n'ayant ni ravitaillement, ni soutien des Romains, ressentent l'attitude impériale comme une trahison. Ils abandonnent l'armée romaine, repartent vers l'Est et rejoignent la Mésie en pillant tout sur leur passage. En 395, Théodose meurt partageant son empire entre ses deux fils, Arcadius en Orient et Honorius en Occident.

À l'occasion de ce changement de règne, Alaric espère recevoir un grand commandement mais cela lui est refusé, et de plus les fœderati sont spoliés de leur part de butin. Ils acclament Alaric roi. Celui-ci envahit et pille la Thrace, la Macédoine et le Péloponnèse en 395-396, mettant à sac les prestigieuses cités grecques et vendant leurs habitants comme esclaves. Aux frontières de l'Élide et de l'Arcadie, ils se heurtent aux troupes de leur ancien commandant, Stilicon qui les force à évacuer le Péloponnèse. Sans doute dans l'espoir de neutraliser Alaric, Arcadius le nomme « Maître des Milices de l'Illyrie », importante province romaine. Il se trouve donc général de l'armée romaine à la tête d'une force de plus de 100 000 hommes, composée pour l'essentiel de Goths. Malgré la puissance évoquée par son titre et ses hommes, Alaric est sous l'autorité du Préfet du Prétoire et ne peut collecter directement les impôts alors que son titre le lui permet

Mécontent, Alaric s'allie avec un chef barbare, d'origine gothe, Radagaise, marche sur l'Italie et en dévaste toute la partie nord, avant d'être arrêté de nouveau par Stilicon, le 6 avril 402. Stilicon n'extermine pas les troupes d'Alaric, espérant peut-être en faire des mercenaires. Après une autre défaite à la bataille de Vérone, Alaric quitte l'Italie en 403 pour retourner en Illyrie.

En 408, Arcadius meurt. Alaric en profite pour demander à être payé pour cesser la guerre. Il réclame la somme de 2. 000 kg d'or, que Stilicon fait promettre au Sénat romain de payer. Alaric reçoit alors le titre de « Maître des Milices des Gaules ». Quelques mois plus tard, Honorius, jaloux du prestige et du pouvoir de son général et influencé par ses favoris, fait tuer Stilicon et ses proches. Dans la confusion qui s'ensuit, les troupes romaines massacrent les familles des fœderati, qui rejoignent alors en grand nombre les troupes d'Alaric.

En septembre 408, Alaric franchit de nouveau les Alpes et assiège Rome. Les habitants affamés finissent par accepter de payer plus de 2.500 kg d'or, 15.000 kg d'argent, 4.000 robes de soie, 3.000 peaux teintes en pourpre et 1.500 kg de poivre. Alaric établit un camp permanent en Toscane et organise son armée. Il est rejoint par Athaulf, son beau-frère qui lui succédera, et ses cavaliers.

Alaric réclame également un vaste territoire entre le Danube et la Vénétie, ainsi que le titre de commandant en chef de l'armée impériale. Retiré à Ravenne, Honorius refuse. En 409, Alaric met de nouveau le siège devant la « Ville éternelle ». Le Sénat romain s'accorde alors avec lui pour instituer comme empereur, un haut fonctionnaire romaine, le faible Priscus Attale. Ce dernier s'avère vite incompétent, et perd la riche province d'Afrique, grenier de l'Empire, tenue par les partisans d'Honorius. Alaric doit faire face à des émeutes frumentaires à Rome et à des légions envoyées par le neveu d'Honorius, Théodose II. Il chasse Priscus Attale et tente d'ouvrir de nouveau des négociations avec Honorius. Après leur échec, il fait une troisième fois le siège de Rome, en 410. En voyant les hautes murailles de la ville, qui semblent quasiment imprenables, il dit : « …plus l'herbe est drue, plus elle est facile à faucher… ». Il prend la ville sans grande difficulté, car on lui ouvre tout simplement l'une des portes, et c'est alors le célèbre sac de Rome d'août 410, le premier depuis la prise de la ville par des Celtes au IVe siècle av. J.-C.. Le pillage dure à peine trois jours ; les Goths épargnent tous ceux qui trouvent refuge dans les lieux saints, et rendront ensuite aux basiliques tout ce qui leur a été pris. Galla Placidia, fille du défunt Théodose et sœur de l'empereur Flavius Honorius, est retenue captive dans la ville par les Goths. Cette violation de l'ancienne capitale impériale, tombant aux mains des « Barbares », marque durablement les esprits dans les deux empires.

Universalis. Après l'échec de deux sièges, en 408 et en 409, Alaric, roi des Wisigoths, entreprend le blocus de Rome et parvient à pénétrer dans la ville sans combattre, le 24 août 410. Il semble que la reddition de Rome fut négociée. En tout cas, elle fut assortie d'un sac en règle limité à trois jours (jusqu'au 27 août), ce qu'Alaric parvint à faire respecter par ses troupes, de même que le droit d'asile dans la basilique Saint-Pierre et ses dépendances. Nombre de Romains furent néanmoins tués ou réduits en esclavage jusqu'au paiement d'une rançon. L'écho du sac de la Ville éternelle parvint dans tout le monde romain et chrétien et fut considéré comme un signe annonciateur de la fin des temps. Pourtant Rome devait connaître bien d'autres sacs, par Genséric et les Vandales, en 455, et par les Impériaux de Charles Quint, en 1527.

Voir Compilhistoire - Innocent Ier (pagesperso-orange.fr)

410. 24 au 26 août, pendant 3 jours, Alaric Ier, roi des Wisigoths, fou de rage contre Honorius qui lui refuse une place dans l’Empire (Alaric voulait que l’on puisse tenir les Romains et les Goths pour un seul peuple), pille Rome (inviolée depuis 8 siècles) d’où le pape Innocent vient de s’absenter (?), provoquant les pleurs de Jérôme de Stridon 2 et la douleur d'Augustin d'Hippone ; Alaric, en bon chrétien, a cependant fait placer tous les prêtres et les sénateurs sous sa protection personnelle, interdit le pillage des trésors de l’Eglise et fait respecter le droit d’asile dans la basilique Saint-Pierre ; Alaric étant entré dans Rome sans combattre, on peut raisonnablement avancer que la reddition de la ville a été négociée.

Extrait de : Pape Innocent Ier (401 - 417) (france-pittoresque.com) "En 409, Innocent Ier se rendit à Ravenne pour obtenir de l’empereur romain d’Occident Flavius Honorius (395-423) la confirmation de la capitulation conclue entre Alaric Ier, le roi des Wisigoths, et le sénat de la ville de Rome, assiégée par ce prince et saccagée par le même l’année suivante (24 août 410)."

Revenu à Rome après un voyage infructueux, le pape s’attacha à consoler, à encourager les Romains, à restaurer les églises en les ornant de nouveaux travaux et de précieux joyaux d’or et d’argent ; à publier des constitutions pour la discipline des ecclésiastiques, à détruire autant qu’il pourrait, dans leur principe, les hérésies de Pélage, moine anglais, et de son disciple Célestius, de patrie incertaine, et à condamner les erreurs renaissantes des donatistes. En quatre ordinations, Innocent créa cinquante-quatre évêques, trente prêtres et quinze diacres

Peu de temps avant sa mort, Alaric pille l'Italie du Sud, et tente d'envahir l'Afrique, mais ses navires sont détruits par une tempête. Lui-même meurt d'une fièvre, à la fin de l'année 410 en Calabre, dans l'actuelle province de Cosenza. Selon une légende citée déjà vers 550 par Jordanes, il serait enterré sous le lit de la rivière Busento, qui coule à Cosenza : la rivière est détournée, la tombe creusée, son corps est inhumé avec un important trésor, puis la rivière retrouvre son cours. Les esclaves ayant creusé la tombe sont mis à mort pour garder le secret. Son successeur est son beau-frère Athaulf, qui règne de 411 à 415.

 


 

Version de Martin, Chronique, p. 454, à l'époque d'Arcadius : Huius tempore Albaricus rex Gothorum ex Affrica veniens Ytaliam intravit, Romam cepit, igne ferroque vastavit, dato prius precepto illos, qui in sacris locis precipue in basilicis apostolorum Petri et Pauli se reciperent, securos esse. Deinde per Apuliam et Calabriam in Affricam properantes, Albericus subita morte apud Consentium defunctus est. Gothi vero Bascentum amnem dividentes Albericum in medio alvei cum multis opibus sepeliunt amnem post proprio meatui reddentes. Regem Attaulfum Alarici affinem constituentes Romam redeunt, si quid residuum fuit, more locustarum consumunt. Eo tempore clarissima Urbis loca fulminibus diruta sunt, que comburi ab hostibus nequiverunt. Fitque in tota Urbe blasphemia Christo clamancium, hoc ideo se perpeti, quia neglecta fuerant sacra deorum. Sed Gothi de Urbe recedentes Gallam Theodosii principis filiam, sororem Archadii et Honori, secum auferunt, quam sibi Attaulphus matrimonio copulavit ; que post rei publice multum utilis fuit.   Voir aussi Paul.

 


 

Les frères Alafis et Alaric s'allient aux Huns qui reviennent attaquer l'Empire romain  [vers 403 Inc] - Ils seront tués à Orléans, qui vit la défaite des Huns lesquels vont se réfugier chez les Ostrogoths avant de repartir en Italie [vers 411 Inc]

 

 

[II, p. 110] [Les Huens font grant mal en Rommenie] A cel temps recommancharent les Huens à ralleir ès parties de Rommenie, et fasoient grant persecution ; et avoient awec eaux le roy Alafis, qui estoit le fis Theodorich de Turinge et d'Estrogothie, et le roy Alarich de Gothelies, son frere, desqueiles ly roy Alarich jadis astoit [II, p. 111] oncles. Ches dois Alafis et Alarich astoient à grant gens awec les Huens, et por destruire les Romans.

[II, p. 110] [Les Huns causent de grands dommages dans l’empire romain] À cette époque [vers 403 Inc, époque du pape Anastase], les Huns se mirent à revenir dans des régions de l’empire romain, y faisant de grands dommages. Ils avaient avec eux le roi Alafis, fils de Théodoric, roi de Thuringe et des Ostrogoths (cfr II, p. 120), ainsi que le roi Alaric du royaume des Goths (cfr II, p. 120), son frère, qui avaient eu jadis pour oncle le roi Alaric [II, p. 111]. Ces deux Alafis et Alaric, à la tête de nombreuses troupes, s’étaient alliés aux Huns pour anéantir les Romains.

 

Alafis est roi de Thuringe (cfr II, p. 143 et 146 = Lorraine, Lotharingie) et des Ostrogoths = les Ostrogoths

Alaric est roi des Goths (cfr ly roy Alarich de Gothelies en Espangne, II, p. 103) = les Wisigoths

 

Ce sont les fils d'un certain Théodoric, mais il y en a beaucoup de Théodoric dans le Myreur. Et celui qui apparaît ici ne semble avoir d'autre fonction que d'être que le père d'Alafis et d'Alaric. L'index de Bormans ne l'a même pas recensé.

Et les neveux d'un certain roi Alaric, mais ici aussi il y a plusieurs Alaric dans le Myreur. Et celui qui apparaît ici et qui est d'une génération plus ancienne ne semble avoir d'autre fonction que d'être le frère de ce certain Théodoric et l'oncle d'Alafis et d'Alaric. On n'oserait pas le confondre ou l'identifier avec l'Alaric, "neveu de Béodas, roi d'Espagne et de Gothie, duc d'Aquitaine, qui vient secourir Rome contre les Danois et les Hongrois (II, p. 152), qui sera attaqué par Clovis (II, p. 161), et tué à  Vouillé (II, p. 162)". L'Alaric aindi décrit doit être celui qui est passé dans l'Histoire comme Alaric Ier.

[II, p. 120] [Terrible batalhe contre les Huens à Orlins où ilh furent desconfis] Là oit forte batalhe et ruste : là fist le roy Meroveux de Franche tant de fais d'armes que ons ne le poroit racompteir, et furent les Huens en la fin desconfis, et s'enfuirent tous esbahis. En cesti batalhe fut ochis ly roy Alafis de Thuringe et d'Estrogothie, et ly roy Alarich de Gontelhies et XLm Huens ; et fut ly roy Atilla navreis en sa destre espal mult laidement, car ilh en fut à tousjours afolleis.

[Terrible bataille à Orléans contre les Huns, qui furent vaincus] Là [vers 411 Inc ?] se déroula une bataille forte et violente, où le roi de France, Mérovée, accomplit tant de faits d’armes qu’on ne pourrait les raconter. Finalement, les Huns furent défaits et, effrayés, s’enfuirent. Au cours de cette bataille, le roi Alafis de Thuringe et des Ostrogoths (cfr II, p. 110) et le roi Alaric du royaume des Goths (cfr II, p. 110) furent tués, ainsi que quarante mille Huns ; le roi Attila fut très grièvement blessé à l’épaule droite et mutilé à tout jamais. [Là ot ruste batalhe, dont rins dire n'oreis, dans Geste, vers 5696]

 


 

G. les WISIGOTHS et les autres rois, dont Alaric II (roi de 484 à 507)

 

cfr <Chronologie des Wisigoths>  Chronologie des Wisigoths (e-chronologie.org)

 

Le successeur d'Alaric I (mort en 410) et deuxième roi des Wisogoths est son beau-frère Athaulf qui est assassiné en 415. Il avait conquis mené son peuple dans le sud de la Gaule et en Hispanie. Voici la liste des rois wisigoths de Toulouse [ou Narbonne ???], avec leur chronologie :

 

410-415 : Athaulf, assassiné

415-415 : Sigéric, assassiné après quelques jours de règne

415-418 : Wallia

418-451 : Théodoric Ier, un des fils d'Alaric Ier

451-453 : Thorismond, fils de Théodoric Ier, assassiné à l'instigation de ses frères Frédéric et Théodoric II

453-466 : Théodoric II, fils de Théodoric II et donc petit-fils d'Alaric Ier, assassiné à Toulouse à l'instigation de son frère Euric

466-484 : Euric, frère du précédent

484-507 : Alaric II, celui du "Bréviaire d'Alaric" - battu et tué par Clovis en 507 à Vouillé

 

 

"La bataille de Vouillé (près de Poitiers) s'est déroulée au printemps 507 opposant l'armée des Wisigoths et des Auvergnats au sud, face à celle des Francs au nord. Cette bataille vit la victoire des Francs, les Wisigoths perdant leur roi Alaric II au combat. Ils seront contraints d'abandonner à leurs vainqueurs un très vaste territoire entre la Loire et les Pyrénées, dans ce qui est aujourd'hui le midi de la France." (Wikipédia <bataille de Vouillé>, avec un récit assez détaillé et assez clair)

En Myreur, II, p. 161-163, Jean évoque Vouillé (en 463 Inc) et son contexte. Il ne donne pas une description précise (épique) de la bataille elle-même, mais fournit un certain nombre de détails qu'on appellerait extérieurs : oriflamme - fleurs de lys - promesse d'une Église en l'honneur de saint Pierre et de saint Paul - arrêt dans l'église Saint-Martin de Tours - Clovis offre un anneau à saint Martin - Miracle du cerf permettant le passage de la Vienne - Victoire de Vouillé, près de Poitiers, où Alaric est tué - Clovis conquiert le territoire de Poitiers, puis le comté d'Aquitaine - Prise de Toulouse, puis d'Angoulème (dont les murs s'écroulent miraculeusement à la prière de Clovis) - Fabuleux trésor d'Alaric partiellement redistribué - énumération de tous les territoires conquis ; cfr la  fin de II, p. 163 : "C'est ainsi que le roi Clovis, par sa bravoure personnelle, celle de ses quatre fils, Clodomir, Théodoric (Thierry), Clotaire et Childebert, et celle de ses autres barons, conquit tous les pays cités plus haut, à savoir : Aquitaine, Poitiers, Gothie, Gascogne, Provence, Auvergne, Limousin et toutes les nations situées entre le Rhône et la Loire, des Pyrénées jusqu’à l’Océan."

 


Amalaric

Le fils et successeur d'Alaric II (mort en 507) est Amalaric. Il est cité en II, p. 163 : "Après cela (ses victoires et ses conquêtes), le roi Clovis repartit vers la France en passant par l’Auvergne, qu’il reconquit en même temps que la Provence et la Gascogne. En Gascogne, il trouva Amalaric, le fils du roi Alaric II. Mais Amalaric s’enfuit en Espagne et s’y fit couronner, parce que son père était mort." Toujours selon Jean, Amalaric vient à Lutèce et épouse Clotilde, la fille de Clovis (II, p. 166). Cette dernière sera sévèrement maltraitée par son mari, parce qu'elle était chrétienne et que son père à elle (Clovis) avait tué son père à lui (Alaric II).  Elle se plaindra de son sort à ses frères dont deux, Clotaire et Childebert, viendront militairement à son aide (II, p. 173).  Les troupes d'Amalaric seront défaites et le méchant mari sera tué par Guiscard de Soissons (II, p. 175).

 


 

La (ou les) bataille(s) de Tolbiac (près de Cologne, vers 496)

 

Contexte
Les Francs étaient divisés en deux peuples voisins et alliés, les Francs saliens dont le roi était Clovis et les Francs rhénans (ou Francs ripuaires) dont la capitale était Cologne et qui avaient Sigebert le Boiteux pour roi. Sigebert avait pour voisins les Alamans, une confédération de peuples germaniques, dont la vaillance équivalait celle des Francs. Les Alamans et les Francs ripuaires avaient souvent des incidents de frontière et multipliaient les pillages et les raids punitifs, mais il semble qu'en l'année 496, ils subirent une vraie invasion et Sigebert appela Clovis à l'aide. Clovis répondit favorablement à son allié et leva une armée. Il est généralement admis que Sigebert défendit Tolbiac et que son armée subit de grosses pertes. Il y aurait donc eu deux batailles de Tolbiac.

Déroulement
On sait peu de choses sur la bataille, à part que les Francs ripuaires ne furent probablement d'aucune aide à la suite de la première bataille. Il est fort probable que les guerriers de Clovis étaient moins nombreux que les Alamans. En tout cas on dit de Clovis qu'il vit ses guerriers se faire massacrer et sentit la bataille lui échapper. Ému jusqu'aux larmes, il suivit le conseil d'Aurélien et invoqua alors le Dieu unique de sa femme Clotilde, ce Dieu qu'elle lui prêchait depuis leur mariage en 493, en demandant son secours.

Grégoire de Tours transmet sa prière complète dans le chapitre II de l'Histoire des Francs : « Ô Jésus-Christ, que Clotilde affirme Fils du Dieu Vivant, toi qui donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, je sollicite avec dévotion la gloire de ton assistance : si tu m’accordes la victoire sur ces ennemis, et si j'expérimente la vertu miraculeuse que le peuple voué à ton nom déclare avoir prouvé qu'elle venait de toi, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom. J'ai en effet invoqué mes dieux, et, comme j'en fais l'expérience, ils se sont abstenus de m'aider ; ce qui me fait croire qu’ils ne sont doués d'aucune puissance, eux qui ne viennent pas au secours de ceux qui les servent. C'est toi que j’invoque maintenant, je désire croire en toi ; pourvu que je sois arraché à mes adversaires ». À ces mots, les Alamans se mirent à fuir, à reculer car leur chef venait d'être tué d'une hache (francisque). Les Francs soumirent ou massacrèrent les Alamans.

Conséquences
Les Alamans abandonnèrent le cours supérieur du Rhin aux Francs ripuaires et cette absence de profit pour Clovis, qui a tout laissé à son allié, lui permit d'avoir l'aide de Sigebert lors de la conquête de la partie française du royaume wisigoth.

 


 

Les Wisigoths opérèrent pour le compte de l'Empire contre les Vandales et autres barbares qui sévissaient en Aquitaine et en Espagne. Installés comme fédérés dans le sud-ouest de la Gaule (v. 418), ils s'émancipèrent de la suzeraineté romaine, puis firent la conquête de la majeure partie de l'Espagne (476). Ariens, ils persécutèrent le clergé catholique, mais ils facilitèrent les rapports juridiques avec les Romains grâce à la promulgation du code appelé 'Bréviaire d'Alaric' (506).

"Chassés de la Gaule par Clovis (507), ils transférèrent leur capitale de Narbonne [Toulouse ???] à Barcelone, puis à Mérida, enfin à Tolède. Le roi Athanagild ([roi wisigoth d'Hispanie et de Septimanie de 555 à 567] 554-567), qui avait assuré son pouvoir grâce à l'aide des Byzantins, dut leur céder l'Andalousie. Son frère Léovigild (567/568-586) réussit à soumettre Basques et Suèves, réalisant ainsi la quasi-unification de l'Espagne. Il persécuta les catholiques, mais la conversion de Reccared Ier (586-601) entraîna celle de son peuple, en même temps que le ralliement du clergé à la monarchie."

"Peu nombreux, les Wisigoths fusionnèrent facilement avec les Hispano-Romains. Svinthila (621-633) expulsa définitivement les Byzantins de la Péninsule. L'épiscopat s'était assuré une très forte influence. Il imposa la monarchie élective (concile de Tolède, 633). Au début du VIIIe siècle, les musulmans commandés par Tariq (711) trouvèrent une aristocratie romanisée qui avait perdu le goût des armes et mirent finalement fin à la monarchie wisigothique. "(Pour l'art., v. Espagne)"


 

 

(II, p. 92, dans la vie de saint Servais, à propos d'Alaric, roi des Goths) « Ce roi avait entendu dire que les Huns dévasteraient l’empire romain et avait quitté son pays pour aider les Huns dans leur entreprise. [Athalaric rex Gothorum, chez Gilles, MGH, p. 22 ; cfr GL 4928ss] ». Le nom d'Alaric est manifestement porteur. Un Alaric est cité par Jean : « père d'Alafis, roi de Goths ; il aide les Huns contre les Romains (II, p. 110-111) ; tué à Orléans (II, p. 120) » (sur ce point, l'index Bormans mélange deux personnages diffférents)

 

Un dernier Alaric est encore cité dans l'index : « neveu de Beodas, roi d'Espagne et de Gothie, duc d'Aquitaine ; il secourt Rome contre les Danois et les Hongrois (II, p. 152) ; il conquiert l'Auvergne (II, p. 153) ; attaqué par Clovis (II, p. 161) ; tué à Vouglé (II, p. 161) ; étendue de son royaume (II, p. 163). » Cet Alaric-là est probablement Alaric II.

 


 

 

H. LE SAC de Rome par les WISIGoths du roi GÉraLant, fils d'ALaric

 

(Myreur, II, p. 123 - an 415 de l'Incarnation)

 

 

Les notes sur les Huns, supra en C, faisaient allusion au récit de Jean qui rapportait  en l'an 428 de l'Incarnation (II, p. 131) l'attaque menée contre Rome par les Huns d'Attila et le sauvetage miraculeux de la ville, à l'époque de Théodose II et du pape Célestin.

Il faut savoir que Jean avait fait état quelques pages auparavant (II, p. 123), pour l'an 415 de l'Incarnation, d'une autre attaque sur Rome, menée cette fois par les Goths du roi Géralant, fils d'Alaric, à l'époque de l'empereur Honorius. Ils étaient arrivés en pleine nuit sans que personne ne soit au courant de leur venue, épouvantant tous les Romains. Cette attaque aurait, comme l'autre, échoué. Selon le lemme, Quatre-vingt mille mécréants furent noyés à Rome, miraculeusement. En fait, après avoir saccagé une des rives du Tibre, ils attendaient de passer de l'autre côté du fleuve, massés sur 120 ponts de pierre qui s'écroulèrent tous en même temps, lorsque sortirent à leur rencontre « les armes de Dieu » menées par le pape Innocent et son clergé.

Ce récit pose des problèmes. D'abord à cause du nom du responsable de l'opération contre Rome. Géralant est un hapax dans le Myreur, inconnu du reste par ailleurs. Le seul fils d'Alaric qui occupe une place dans la littérature historique est Théodoric I (418-451) : celui qui, établissant sa capitale à Toulouse est le véritable fondateur de la monarchie wisigothique. Athaulf, le beau-frère d'Alaric, qui lui succédera d'ailleurs comme roi des Wisigoths, est un personnage historique connu. Mais il n'y a aucune trace dans l'histoire d'un fils d'Alaric, du nom de Géralant et qui aurait presque réussi à détruire Rome.

Ce récit de Jean d'Outremeuse interpelle d'autant plus qu'il existe dans l'histoire un indiscutable raid sur Rome des troupes d'Alaric Ier qui pillèrent la ville pendant trois jours du 24 au 26 août 410. Ce n'était pas la première fois que le roi des Wisigoths se livrait à des outrances de ce genre.  Il avait déjà pris et pillé Athènes en 396, et fait deux fois, mais sans succès le siège de Rome (en 408 et en 409). Le 24 août 410, il réussit à pénétrer dans la ville sans combattre ce qui implique une reddition qui fut apparemment négociée, avec le sénat de Rome.

La prise de la ville en tout cas donna lieu à un pillage limité à trois jours et assorti de conditions, qui furent relativement suivies. Alaric, en bon chrétien, avait fait placer tous les prêtres et les sénateurs sous sa protection personnelle, interdit le pillage des trésors de l’Eglise et fait respecter le droit d'asile dans la basilique Saint-Pierre et ses dépendances. Nombre de Romains furent néanmoins tués ou réduits en esclavage jusqu'au paiement d'une rançon. Quoi qu'il en soit, l'écho du sac de la Ville éternelle provoqua un véritable séisme dans le monde romain et chrétien (cfr les pleurs de saint Jérôme et la douleur de saint Augustin) ; certains y virent même un signe annonciateur de la fin des temps. (d'après Universalis) Il faut dire que Rome avait été inviolée depuis le raid gaulois de 390 avant Jésus-Christ. Pourtant elle devra subir dans l'Histoire d'autres sacs, par Genséric et les Vandales, en 455, et par les Impériaux de Charles Quint, en 1527. Quant à Honorius et à Innocent Ier, l'empereur et le pape du moment, ils étaient tous les deux absents de la Ville.

Le fait est que le Myreur de Jean n'a conservé aucune trace de ce pillage historique de Rome par les Goths d'Alaric en 410 qui eut pourtant, répétons-le, un retentissement universel. À sa place ‒ en tout cas pratiquement à la même époque (410 d'un côté, 415 de l'autre) ‒ et sous le même pape et le même empereur, le chroniqueur liégois nous livre le récit d'une attaque de Goths sur Rome, qui a tout l'air d'une invention personnelle.  Ce récit fantaisiste ne serait-il pas destiné à remplacer et à effacer l'effet désastreux du sac véritable ?

 


 

 

I.  L'ATTAQUE de ROME par les huns d'attila dans la tradition et dans l'histoire

 

 

Nous venons d'examiner le récit du Myreur (II, p. 123) rapportant l'attaque sur Rome lancée en 415 de l'Incarnation par les Wisigoths, commandés par Géralant, fils du roi Alaric Ier. Nous l'avons considérée comme imaginaire et nous l'avons mise en rapport avec le raid, historique celui-là et suivi d'un violent pillage, que le Wisigoth Alaric Ier avait mené sur la même ville, en l'an 410 de notre ère. Ce sac de Rome par Alaric avait secoué, pour ne pas dire traumatisé, le monde chrétien et nous nous sommes demandé si Jean d'Outremeuse n'avait pas consciemment tu cet épisode très douloureux pour le remplacer par quelque chose impliquant aussi les Goths, impliquant aussi Rome, mais tournant miraculeusement à l'avantage des chrétiens.

 Le moment semble propice pour présenter avec quelques détails la vision que se fait Jean d'Outremeuse d'une autre attaque de Rome, qui aurait eu lieu quelques années plus tard, en décembre 427 et janvier 428 et qui cette fois mettait en cause des Huns (II, p. 131-132). Nous n'y avons fait plus haut (supra en C) qu'une simple allusion dans notre synthèse sur les Huns, trop rapide parce qu'elle renvoyait simplement à notre gros article des FEC, alors que le sujet, vu son intérêt aurait peut-être mérité d'être repris ici.

Sur le plan géo-politique, l'attaque de Rome par les Huns s'intègre dans des perspectives assez amples que présente Jean au début de II, p. 131, et que nous pourrions résumer ainsi.

Nous sommes avec Jean en l'an 426 de l'Incarnation. Le roi de Bourgogne, Gondebaud, a donné sa terre en fief à l'empereur de Rome Théodose II, parce qu'il se sent menacé par les Francs de Childéric Ier et de son prévôt Clarnus. Lorsque ces derniers l'attaquent, Gondebaud demande l'aide de Théodose. Tenu par les usgaes de la féodalité d'entrer en guerre aux côtés des Burgondes, Théodose rassemblait ses troupes lorsqu'on annonce le retour en Italie des Huns d'Attila, accompagnés de puissants alliés : des Vandales revenus d'Afrique et des Goths du roi Radogast ou Radagaise. Tous avaient juré de détruire Rome, précise le chroniqueur liégeois. Dès lors l'empereur doit rester en Italie et faire appel lui aussi à ses alliés, que Jean énumère rois, comtes et ducs, parmi lesquels le roi des Francs Childéric et Clarnus le prévôt. Il obtiendra très facilement la réconciliation entre les Francs et les Burgondes.

Nous n'insisterons pas sur les dévastations commises par les Huns et leurs alliés sur les villes d'Italie, en particulier celles du Nord (Pavie, Pise, Milan). Nous nous concentrerons sur la ville qui nous intéresse directement ici, Rome, que, selon Jean d'Outremeuse, les envahisseurs atteignent en décembre 417 et assiègent avec violence. En fait, il semble bien que, dans l'Histoire, les Huns n'aient pas quitté le Nord de l'Italie et soient restés dans les environs de Padoue. Mais voyons de plus près comment les opérations sont vues dans la tradition historiographique et dans l'Histoire.

 

 a. Dans la tradition avant Jean d'Outremeuse

Grégoire de Tours (II, VII, p. 90, trad. R. Latouche) raconte qu’après la bataille des Champs Catalauniques, « Attila rentra avec peu de troupes et que peu après Aquilée fut prise par les Huns, incendiée et détruite, l’Italie envahie et pillée ». Sur cette campagne d’Italie, l’évêque de Tours ne fournit donc guère de détails et ne donne pas de date.

Dans le Liber Francorum (V, p. 17, trad. St. Lebecq), la bataille d’Orléans est bien évoquée. Les Huns et leur roi Attila sont repoussés et terrassés, mais rien n’est dit sur le retour d’Attila dans son pays et les événements d’Italie.

Jordanès heureusement est beaucoup plus loquace. Après s’être quelque peu attardé sur le siège d’Aquilée, long et riche en épisodes (XLII, 219-221), il signale l’avance destructrice d’Attila à travers les autres villes vénètes, notamment Milan et Pavie, et va jusqu’à évoquer la destruction de « presque toute l’Italie ». Sa formulation exacte (« Tout à leur rage, les Huns mettent en ruines les lieux environnants et détruisent presque toute l’Italie ») est manifestement exagérée.

Paul Diacre (Historia Romana, XIV, p. 387-388), au VIIIe siècle, ajoutera d’autres villes à la liste précédente : Concordia, Altino, Pavie près d’Aquilée ; Vicence, Vérone, Bergame et Brescia en Vénétie.

On trouve aussi quelques rares notices sur les opérations dans le Nord de l’Italie dans les M.G.H., Chronica minora saec. IV. V. VI. VII, Tome I, éd. Th. Mommsen, p. 302 (Aquileia et Mediolanum et nonnullae aliae urbes ab Attilane subversae) ; et Tome II, éd. Th. Mommsen, p. 26-27 [réimpression 1981].

Quoi qu'il en soit, parvenus à Padoue, les Parvenus à Padoue, les Huns semblent s’être arrêtés et y avoir installé leur campement.

Il reste que sur ces opérations menées dans le Nord de Italie, mis à part des noms de villes détruites, on dispose de peu d’informations fiables. Ce ne sont évidemment pas les légendes qui manquent. Un seul exemple  sur l’île de Torcello, dans la lagune de Venise, on montre encore aux touristes « il trono d’Attila », le trône de pierre sur lequel se serait assis le roi des Huns. Et ce n’est là qu’un minuscule détail pris dans une foule d’autres. Les récits légendaires sur la fondation et l’histoire primitive de Venise – de Padoue également – font une place importante à Attila. Ce dernier devient même le sujet d’œuvres indépendantes, comme cette épopée « franco-italienne » de plus de 37.000 vers, intitulée La Guerra d’Attila et écrite par Nicolò da Càsola, de 1358 à 1368 environ, du vivant donc de Jean d’Outremeuse. E. Bokozy (p. 109-145), dans son chapitre III intitulé Le Fléau de Dieu en Italie a attiré l'attention sur ces développements récents.

 *

La tradition a évoqué très tôt une ambassade envoyée de Rome à Attila. Dès le Ve siècle, Prosper d’Aquitaine en parle d’une manière assez détaillée. Il la voit présidée par le pape Léon entouré de deux autres hautes personnalités, dont il donne les noms (Avenius et Trygetius) :

Le roi (Attila) reçut dignement toute la délégation, et fut si flatté par la présence du pontife suprême qu’il ordonna à ses hommes de cesser les hostilités et, promettant la paix, s’en retourna au-delà du Danube (trad. de Bozoky, p. 55-56)

Jordanès (XLII, 222-223, trad. O. Devillers), s’appuyant sur Priscos, confirme et précise ces informations. Attila, écrit-il, « aurait eu l’intention d’aller jusqu’à Rome, mais les siens, d’après l’historien Priscus, l’en détournèrent ». Ce qui, selon lui, aurait amené le roi des Huns à changer d’avis aurait été une ambassade « menée par le pape Léon en personne qui vint le trouver dans l’ager Ambuleius des Vénètes, là où le Mincio est traversé par les marchands qui s’y rendent fréquemment ». Et « bientôt, conclut Jordanès, Attila, après avoir mis un terme à la fureur de son armée, retourna d’où il était venu et s’en alla de nouveau au-delà du Danube après avoir promis la paix ».

E. Bozoky (p. 56), qui doute de la réalité de cette ambassade, termine sa présentation de la manière suivante :

Les véritables raisons de ce changement ne sont pas connues. […] Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées : une épidémie qui sévit en Italie en été 452 (mentionnée seulement par la Chronique d’Hydace) ; peut-être des cadeaux et promesses de l’empereur Valentinien III (mais qui ne sont évoqués nulle part), et, plus probablement, l’attaque visant les territoires hunniques par les troupes de l’empereur Marcien qui passent le Danube (selon une notice assez confuse d’Hydace) [Hydace est un chroniqueur du Ve siècle. Cfr Chronica minora saec. IV. V. VI. VII, Tome II, éd. Th. Mommsen, M.G.H., p. 26-27.]

Sigebert de Gembloux (p. 310, éd. D.L.C. Bethmann, M.G.H.), à la date de 454, résume très brièvement l’attaque d’Attila en Italie, s’intéressant essentiellement à l’intervention pontificale, dont il explique la réussite par un miracle :

Attila, quand il attaqua l’Italie, détruisit, pilla ou incendia presque toutes ses cités. Mais lorsque vint le pape Léon, il obtint du roi non seulement qu’il lui laisse la vie sauve, mais aussi qu’il se retire. Et comme les siens demandaient à Attila pourquoi il s’était montré si favorable, le roi leur avait répondu que ce n’était pas du pape qu’il avait eu peur, mais d’un auguste vieillard, qui avait dégainé son glaive et qui le menaçait de mort s’il ne cédait pas entièrement à sa volonté.

Dans une conférence qui fut publiée sur le site de Clio. Voyages culturels, E. Bozoky détaillait quelque peu ce miracle :

Attila aurait renoncé à poursuivre sa marche sur Rome, car il a vu apparaître au-dessus du pape un homme brandissant une épée, qui n'était autre que saint Pierre, et qui le menaça de le faire périr avec tous les siens s'il n'obéissait pas à la demande du pape. La peinture de Raphaël dans les galeries du Vatican donne une dimension grandiose à cet événement.

Elle évoquait là une fresque monumentale, réalisée par Raphaël, de 1513 à 1514, pour la Chambre d'Héliodore (Musées du Vatican, Rome) et intitulée « La Rencontre entre Léon Ier le Grand et Attila ». On y voit l'apparition miraculeuse des saints Pierre et Paul, armés d'épées et menaçant Attila.

En fait, on ne dispose d’aucunes données sûres sur les raisons d’Attila, ni sur l’existence d’une ambassade, ni a fortiori sur une attaque de Rome par Attila. Dans la réalité de l'Histoire, les Huns sont restés dans le Nord de l'Italie.

 

 b. L'attaque de Rome, la mort d'Attila et la défaite des Huns dans Ly Myreur

Pourtant Jean ne tient aucun compte des sources anciennes, puisqu’il rapporte une attaque de Rome. Selon lui, il a fallu un certain temps pour que tous les assaillants venant du Nord se mettent en place. Le chroniqueur écrit que les Huns, les Vandales et les Goths arrivèrent devant Rome en décembre 427 de l’Incarnation et qu’ils assiégèrent la ville avec une grande violence (mult enforchiement). On relira son récit en II, p. 132.

Pour l'attaque et la défense de Rome, ville symbolique s’il en est, le lecteur se serait attendu de la part du chroniqueur à une bataille titanesque, décrite sur le mode épique et nourrie d’exploits divers, bref, une de ces batailles comme il sait si bien en écrire. Il avait devant lui une belle matière. Deux groupes de coalisés face à face : les Huns, les Vandales et les Goths affrontant les forces impériales de Rome, auxquelles s’étaient joints les Francs, les Burgondes et tous les autres « ducs, comtes et roi » mandés par l’empereur de Rome.

En fait le narrateur expédie rapidement les choses. Dans sa présentation des opérations militaires, il ne sera même question que des Huns et des Romains, pas un mot sur les Vandales et les Goths, pas un mot non plus sur les rois, comtes et ducs alliés des Romains. C’est comme si la coalition n’existait pas, ce qui montre bien qu’elle avait été artificiellement introduite dans le récit. Il ne sera d'ailleurs question que d’un seul et unique combat, long bien sûr et coûteux en vies humaines, après lequel les Romains, effrayés, pour ne pas dire épouvantés, allèrent se réfugier dans leur ville et attendirent plus de douze jours avant d'oser mettre le nez dehors, « car presque tous étaient blessés ». La solution apparemment ne pouvait pas être militaire.

L’empereur alla alors trouver le pape, qui n'est pas nommé mais qui, dans le système chronologique de Jean, devait être Célestin, monté sur le trône en août 423 de l’Incarnation (II, p. 127 ; pape de 422 à 432 de notre ère). Le souverain pontife fera appel à Dieu et ses prières seront exaucées. Le 4 janvier de l’an 428 de l’Incarnation, la foudre « tomba au milieu de l’armée des Huns et ne blessa personne d’autre que le roi Attila, qui fut réduit en cendres ». Pour évoquer ce foudroiement sélectif, on parlerait aujourd'hui d'une « frappe chirurgicale ». On appréciera que Dieu ait envoyé au pape un message expliquant pourquoi qu’il n’avait pas voulu foudroyer tous les Huns en même temps que leur chef : cela aurait répandu sur la ville de Rome une puanteur insupportable (« à cause de la puanteur qu’ils auraient répandue dans la ville Rome »). La mort du chef suffit. Ses troupes s'enfuirent par la mer ; mais une tempête s'abattit sur leurs bateaux et tous les Huns sans exception furent noyés. Leur sort était ainsi définitivement réglé.

Qu'en fut-il de leurs alliés ?

Jean d’Outremeuse éprouve in fine le besoin de dire un mot des Vandales, moins du roi lui-même que de son fils : Ce fils, qui n’est pas nommé, est censé « par la suite » avoir dévasté les églises de Tournai, de Cambrai et de Douai, et avoir détruit toutes les cités voisines. Notons en passant qu'on ne voit pas à quoi songe Jean. La suite du Myreur ne mentionne rien de ce genre. Quand il sera encore question de Vandales, et notamment de Genséric, ce sera à propos de l’Afrique et des violences contre l’église (II, p. 138, p. 174, p. 179 notamment). Quant aux armées convoquées par l'empereur, Jean signale sans plus que « tous les barons quittèrent Rome et que chacun rentra dans son pays ». Les Huns n'intéresseront plus Jean d'Outremeuse.

 

c. La véritable mort d'Attila et la fin de l'empire hunnique

Repassons maintenant à l'Histoire.

Nous savons comment Attila est mort dans l'histoire authentique. Les sources anciennes en ont tracé un tableau assez clair, qui n'a rien à voir avec le récit de Jean. Le roi est mort la nuit de ses noces avec une nouvelle épouse. Jordanès évoque « une mort qui fut aussi méprisable que sa vie avait été glorieuse » (XLVIII, 253), qu'il décrit avec précision (XLIV, 254), déclarant d'ailleurs se référer à Priscos, l'auteur byzantine qui avait - nous le savons par ailleurs- une certaine familiarité avec les Huns et avec Attila lui-même.

Attila, d’après l’historien Priscos, était, au moment de sa mort, occupé à s’unir par le mariage à une jeune fille très belle nommée Ildico, et ce alors que, conformément à l’usage de sa nation, il avait déjà pris d’innombrables épouses. Au cours de ses noces, il se laissa aller à une gaieté excessive et, abruti par le vin et le sommeil, il était couché avec la tête renversée en arrière. Son sang trop abondant, qui, d’habitude, s’écoulait par ses narines, ne put emprunter la voie habituelle et, prenant un chemin fatal, passa par sa gorge, ce qui le tua. Ainsi, à ce roi que les guerres avaient couvert de gloire, l’ivresse réserva un honteux trépas (Jordanès, XLIX, 254, trad. O. Devillers)

Cette mort ‒ il est important de le souligner ‒ est bien connue de la tradition historiographique depuis Jordanès. Il suffit de mentionner la notice de Sigebert de Gembloux (éd. D.L.C. Bethmann, M.G.H., Scriptores, t. VI, 1844, p. 310) : Attila in nuptiis suis crapulatus (« ivre, enivré »), erumpente per apoplexiam sanguine de naribus, in lecto est offocatus. Jean, qui pourtant utilise occasionnellement la Chronographia de Sigebert, n’en a tenu aucun compte. Pour la mort d’Attila aussi, on se rend donc compte que Jordanès notre source principale sur Attila n’a absolument pas été utilisé par Jean. Peut-être d’ailleurs ne la connaissait-il pas.

Quant à la disparition de son empire, elle n'a rien à voir, dans l'Histoire, avec le récit du Myreur d'une noyade générale en mer. Elle est due aux querelles dynastiques qui suivirent le décès d’Attila et qui amenèrent très vite le démembrement de son empire. Ici encore Jordanès (L, 259-266) constitue une source de premier ordre, riche en détails. Ici encore Sigebert (éd. D.L.C. Bethmann, M.G.H., Scriptores, t. VI, 1844, p. 310) a conservé l’essentiel de l’information lorsqu'il décrit la montée sur le trône d'Hernac, le fils du roi défunt (Hernac filius eius post eum regnat) et les luttes de succession qui l’opposent à ses frères et dont profitent les peuples soumis aux Huns pour se libérer (Filii Attilae dum contendunt de regno, subiectae Hunis gentes ab Hunorum se excutiunt iugo). Manifestement la mort d’Attila et la disparition de l’empire hunnique ne semblent pas avoir intéressé Jean d’Outremeuse.

La même indifférence s’observe chez d’autres auteurs. Aimoin de Fleury par exemple, qui écrivait vers l'an 1000, bien avant Jean d'Outremeuse donc, met en évidence, pour expliquer la défaite des Huns, le rôle de l'évêque Aignan d'Orléans : « Grâce à ses mérites et à ses prières, les prodigieuses phalanges des Huns furent écrasées par la toute-puissance du Christ à tel point que, jusqu’à aujourd’hui, on ignore où, après leur fuite, ces gens sont allés habiter » (de gestis Francorum, I, 4). Les Grandes Chroniques de France reprendront la version d'Aimoin : « car par ses oresons [celles d’Aignan] et par sa merite fu li orgueuz de ce pople si triblez [atteint] que il s’enfuirent et se perdirent en tel manière que l’en ne pout ainques puis savoir que il devinrent ne où il habiterent. » (Tome I, livre I, VI, éd. J. Viard, Paris, 1920, p. 27) Pour Jean, le sort des Huns était définitivement réglé.

Il ne reparlera plus d’eux dans la suite, sinon pour dire, en IV, 84, que le nom de Huns fut donné aux Normands (li Huens Normans).

 

d. L'originalité de Jean

La conclusion est simple et nette. Le récit fait par Jean de l'attaque des Huns sur Rome, de la mort d'Attila, de la disparition totale de son peuple ne relève pas de l'Histoire et est totalement fantaisiste. La question reste évidemment de savoir si Jean l'a inventé ou s’il a utilisé un récit préexistant. Comme nous n’avons trouvé aucun texte antérieur qui irait dans le même sens, nous ne pouvons apporter une réponse fondée. Mais notre impression est que sa vision des choses est le fruit de son imagination.

Cela n'implique évidemment pas que tous les détails soient totalement originaux. Un seul exemple, le motif de la mort par foudroiement. Ce n'est pas un hapax. Jean l'utilise ailleurs dans le Myreur : ainsi, en II, p. 33, « en l'an 276 de l'Incarnation, le dernier jour de février, la foudre tomba sur la table de l’empereur Aurélien, dans son palais, et il en mourut ». Ou encore, en II, p. 26, en l'an 263, le 27 février, la foudre tomba à Rome sur Dèce César ; il fut tué, car il avait fait arrêter le pape Sixte, ainsi que Félicien et Agapite ; il les avait fait décapiter et avait fait griller saint Laurent ». Faut-il préciser que, dans l'Histoire, ni Aurélien, ni Dèce ne moururent de cette manière ? Le premier est assassiné par son entourage ; le second meurt au combat. Ce sont là des « frappes chirurgicales ». Pour ce qui est du foudroiement de masse, on songera aux 17.000 Romains dont Jean décrit la mort en II, p. 37b, sous Dioclétien : « au moment où les Romains détruisaient une église de saint Jean l’Évangéliste, la foudre tomba sur eux et en tua bien dix-sept mille ».

 

 

Quid du foudroiement des fils d'Aaron ? pour une erreur dans les sacrifices ? Mort de Nadab et Abiou, les fils d'Aaron (Lévitique, X, 1-7) foudroyé pour une erreur de rituel dans un sacrifice à Yahweh (un "feu étranger").

 


 

 

 J. DANOIS ET HONGROIS

 

Myreur, II, p. 132-137 passim

 

GUERRES SE TERMINANT PAR LE MARIAGE D'OGIER, NEVEU DE JULIEN, ROI DE DANEMARK, AVEC ÉDÉA, FILLE DU ROI DE HONGRIE

 

(ans 428-436 de l'Incarnation)

 

  HISTOIRE DU DANEMARK - ORIGINES (MYTHIQUES) DES DANOIS

 

 

 

Pourquoi donc ce lien entre les Danois et les Hongrois ? Après des siècles où le territoire actuel de la Hongrie était habité par les Celtes, les Romains, les Huns, les Slaves, les Gépides et les Avars, la Hongrie fut fondée à la fin du IXe siècle par le prince et commandant militaire Árpád après la conquête du territoire (honfoglalás). Son arrière-petit-fils Étienne Ier de Hongrie, en l'an 1000, convertit le pays au catholicisme. En 1526, après la bataille de Mohács, la Hongrie perdit sa souveraineté au profit de l'Empire ottoman (1541–1699). Elle fut sous la tutelle des Habsbourg et, plus tard, elle fit partie de l'Empire austro-hongrois (1867–1918).

 

 

Introduction

 

Faire état d'Ogier le Danois et de son importance dans le Myreur pour expliquer l'intérêt manifesté par JOM pour le Danemark et les Danois.

Cfr Florence Close, Charlemagne à Liège. Légendes, histoire, perspectives nouvelles, dans Société Royale Le Vieux-Liège, 2009, p. 471-472 : "Dans le courant de la deuxième moitié du XIVe siècle, le chroniqueur Jean d’Outremeuse rédigea une histoire de Liège dont le héros civilisateur était un contemporain de Charlemagne, Ogier le Danois. En faisant remonter l’origine de Liège à l’époque carolingienne, il élevait Liège au même rang que d’autres grandes villes impériales, Aix et Cologne".

Dans le tome I, une notice très courte (I, p. 469) signale, en l'an 67 sous Néron, la mort du roi de Danemark Ogens et son remplacement par son fils Nabudas, qui régnera 40 ans, jusqu'en 107 donc. Le chroniqueur suit de près l'histoire des rois de Danemark, à cause vraisemblablement de l'extrême importance qu'il accordera dans son oeuvre à Ogier le Danois. C'est beaucoup plus loin bien sûr, essentiellement dans les Tomes III et IV de l'édition Borgnet du Myreur, que le héros joue un rôle éminent. Mais Jean d'Outremeuse a pris soin d'évoquer ce grand personnage très tôt dans son oeuvre. On songe notamment dans le Tome I aux prophéties de saint Pierre et de saint Paul sous Caligula (p. 440-441) et de saint Thomas sous Néron (p. 455-456), qui contiennent des allusions très explicites à Ogier le Danois. Le Danemark comme pays et les Danois comme peuple apparaissent régulièrement dans le Myreur.

Le Danemark dans l'Histoire

"Les ancêtres des Danois d'aujourd'hui seraient une tribu appelée Daner. Vraisemblablement originaires du sud de la Suède, en particulier de Scanie et du Halland, ils s'installent au Jutland et dans quelques îles de la Baltique occidentale aux alentours de l'an 500. Ils chassent alors du territoire les anciennes tribus germaniques qui s'y étaient installées. Dès lors, leur nom est appliqué à tout le Jutland par les Germains vivant au Sud."

"Pendant la première moitié du VIe siècle, l'existence et les faits guerriers des Danois sont mentionnés dans des sources gothiques, franques et byzantines. Parmi celles-ci figure notamment le récit fait par Procope des migrations des Hérules depuis la région du Danube vers le nord. L'un des peuples qu'ils approchent y est appelé les Danoi. Jordanès décrit dans son Histoire des Goths des conflits entre Danois et Hérules. Cet historien est d'avis que les Danois sont des descendants des Suédois. Grégoire de Tours qualifie le roi Chlochilaicus de « roi des Danois » ; c'est l'adaptation en latin du nom vieux norrois Hugleikr, en anglais ancien il se nommerait Hygelac. Le poète Venance Fortunat célèbre, dans ses louanges aux rois francs Clotaire Ier et Chilpéric Ier, leurs victoires sur les Danois."

"Comme le rappelle cette facile victoire franque et le VIIe siècle suivant, les peuples danois des détroits de la mer Baltique sont soumis aux flux humains et à l'influence culturelle incessante et durable des peuples de la Baltique, à commencer par les Wendes et les Slaves. Il ne constitue une menace que par leur instabilité chronique et leur division incessante."

"C'est au VIIIe siècle que se constituent les premières villes. La plus ancienne ville du Danemark est Ribe (sud du Jutland). Les premières traces d'urbanisation retrouvées à Aarhus et à Copenhague datent également de cette époque." La première union centralisée aurait lieu vers 705. On a dès lors une succession de rois danois de caractère plus ou moins légendaire : Harald Hildetand (Dent de Combat), de 705 à 735, crée le premier rassemblement régional de clans danois organisés en royaume ; Sigurd Ier Ring autour de 740, et Ragnar Ladbrogde autour de 770."

"Les rois suivants sont attestés par les sources franques, en particulier les Annales regni Francorum, du fait que les Danois ont alors plusieurs occasions d'entrer en relation avec l’État dirigé par Charlemagne. On trouve ainsi Siegfried Ier de Danemark, attesté comme roi de 777 à 798 : en 777, il offre l'asile à Widukind, chef saxon en rébellion contre Charlemagne. Son fils Godfried lui succède probablement ; en 808, il entame la construction d'une ligne de fortification sur sa frontière méridionale, afin de protéger le pays contre les incursions des Francs. En 810, Hemming lui succède : il signe dès 811 avec Charlemagne un traité qui garantit ses frontières, mais est tué dès 812, peut-être au cours d'une guerre civile."

Inutile d'aller plus loin. Ces informations proviennent de l'article de Wikipédia (<Histoire du Danemark>), auquel on pourra se référer pour la suite de l'histoire du pays. On voit qu'avant le VIIIe siècle il est difficile de parler du Danemark. On ne sait pas toujours avec précision d'ailleurs ce que les sources les plus anciennes désignaient par ce terme de Danemark qui ne semble s'imposer qu'au Xe siècle.

La christianisation, pour parler d'elle, est tardive. "Aux alentours de l'an 725, l’archevêque d’Utrecht d’origine anglo-saxonne Willibrord se rend au Danemark. Il y est reçu par le roi Ongendus (sans doute Angantyr). Malgré ses efforts, le roi refuse de se convertir. Aucune autre tentative d'évangélisation n'a lieu sous Charlemagne, celui-ci refusant que les missionnaires se rendent dans des territoires non soumis à son autorité ". Le travail de mission au-delà de la frontière nord de l'Empire carolingien ne reprendra que sous le règne de Louis le Pieux (cfr Wikipédia, pour la suite de l'histoire).

 

Les récits médiévaux sur l'histoire du Danemark

Les plus anciens récits sur l'histoire du Danemark sont édités dans le premier tome des Scriptores minores Historiae Danicae Medii Aevi, Copenhague, 1917, 510 p. On y trouve :

* d'abord (p. 14-33) le Chronicon Roskildense. Incerti auctoris historia Danorum ab a. 826 ad 1140, une chronique rédigée vers 1140-1157 par un moine ou clerc anonyme de la cathédrale de Roskilde. "Elle traite essentiellement d'informations présentées comme des faits historiques réels après une introduction sur le christianisme au Danemark" (Wikipédia) ;

*ensuite (p. 43-53) le Chronicon Lethrense. De antiquissimis Danie regibus, chronique écrite, pense-t-on, dans la seconde moitié du XIIe siècle, probablement autour de 1170. "C'est un recueil de folklore à propos des rois pré-chrétiens et des aventures qui leur sont associées" (Wikipédia) ;

* en troisième lieu (p. 94-141), la Brevis historia regum Dacie, écrite par Svendi Aagesen en 1186-1187. "C'est une brève histoire du Danemark qui commence au IVe siècle pour s'achever en 1185. Ce court récit aborde notamment les règnes des deux derniers souverains danois de cette époque, le roi Valdemar Ier de Danemark et son fils Knut VI de Danemark qui régnait lors de la rédaction du manuscrit" (Wikipédia).

Mais l'oeuvre la plus importante et la plus détaillée est la Gesta Danorum ("La Geste des Danois"), rédigée vers l'an 1200 par un érudit danois, Saxo grammaticus. C'est une chronique très fouillée, en 16 livres, depuis les origines mythiques jusqu'à la fin du XIIe siècle. Elle couvre "les deux grandes périodes de l'histoire du Danemark : les temps anciens, depuis Dan et Angul, auxquels, selon Saxo, les Danois faisaient remonter leurs origines, jusqu'à Gorn et son épouse la reine Thyre, derniers souverains païens du pays à l'époque des Vikings (livres I-IX), et les trois siècles proprement historiques, depuis l'adoption de la religion chrétienne jusqu'aux expéditions menées par Absalon contre les Vendes en 1185 (livres X-XVI)".

Les neuf premiers livres bénéficient d'une traduction française récente : La Geste des Danois par Saxo Grammaticus. Traduit du latin par J.-P. Troadec. Présenté par Fr.-X. Dillmann, Paris, 1995, 447 p. (L'aube des Peuples). Pour les livres suivants, on pourra utiliser le texte latin, la traduction anglaise et le commentaire d'Eric Christiansen, Danorum regum heroumque historia : books X-XVI. Saxo Grammaticus ; the text of the first edition with translation and commentary, 3 vol., Oxford, 1980-1981.

 

 

HIstoire du Danemark selon Jean d'Outremeuse

 

 

L'origine du Danemark jusqu'au premier amachour

Après le dernier épisode des Huns, leur annéantissement complet en mer après le foudroiment d'Attila au milieu de ses troupes à Rome, Jean change complètement le théâtre du récit. Il revient au Danemark, dont il avait déjà été question à plusieurs reprises dans le Myreur. Et assez tôt dans le récit d'ailleurs car l'histoire du pays remonte très loin dans le passé. Il s'agit bien évidemment de l'histoire du pays, tel que l'imagine Jean d'Outremeuse, car on nage avec lui dans la fantaisie.

Selon le chroniqueur liégeois (I, p. 105), l'origine du Danemark remonte à l'an 173 de la Transmigration (416 a.C.n.). C'est un roi de Grèce qui donne ce territoire du Nord, bien éloigné de la Grèce et qui n'a pas encore de nom, à son fils Marcus, âgé de vingt-trois ans, qui voulait des terres à lui. Le bénéficiaire du cadeau se rend dans la région et y fonde une cité où il meurt après quatre ans. Son fils et successeur, qui s'appelle Dan, fondera trois autres cités. Sur la dernière d'entre elles, qui était particulièrement grande, Jean fournit un détail assz piquant. Seul un quart en fut habité et c'est précisément pour cela que Dan l'appela Malgarnie. Voilà pour le nom de la capitale du pays.

Jean communique aussi sur l'étymologie du nouveau pays et du nouveau peuple : « Dam déclara qu'il porterait son propre nom et celui de son père, qui en avaient été les deux premiers fondateurs, ajoutant que le sien passerait d'abord. Les deux noms formèrent un seul mot : Danemark. Quant à ses sujets, il les appela Danois, d'après son nom à lui, qui était Dan » (II, p. 105-106). On est, selon Jean, en l'an 183 de la Transmigration, c'est-à-dire en 406 a.C.n.

Les années passent et le chroniqueur ne s'intéresse plus guère au Danemark, sinon pour signaler ‒ c'est une habitude chez lui ‒ la liste des dirigeants successifs ainsi que leur titre précis. C'est qu'au fil de l'histoire ces titres varieront. Il y eut d'abord celui de prinche (« prince »), qui était probablement au départ celui de Marcus, fils du roi grec ; puis plus tard celui, curieux à nos yeux, d'amachour, que nous conserverons sans en donner de traduction française.

[I, p. 106] [Le prince des Danois et leur premier amachour] En l'an 206 [383 a.C.n.], le prince de Danemark [Dan bien sûr] fut tué lors d'une bataille en Saxe. Son fils Égen lui succéda comme prince. En l'an 209 [380 a.C.n.] mourut Égen, prince de Danemark. Alors les barons de la région s'avisèrent que leur pays était bien assez puissant pour avoir un seigneur plus important qu'un prince. Ils désignèrent Ébroch, le fils d'Égen [I, p. 107] comme amachour.

En fait ce terme est une déformation de l'arabe An-Mansūr (« le Victorieux ») qui, en moyen-français, désigne un « dignitaire, un prince sarrasin » (DMF). Jean ne l'utilise évidemment pas ici pour désigner un chef sarrasin, mais simplement le chef d'un pays. Le terme a dû lui paraître plus élevé en dignité que celui de simple prince. Le Danemark fut donc dirigé successivement par les princes Marcus, Dan et Ében, avant de l'être par Ébroch, le premier amachour du pays.

 

La succession des dirigeants danois jusqu'à Hongrech, quatrième amachour : création de la Hollande, de la Zélande et de la Hongrie

Les successeurs de ce premier amachour sont cités en I, p. 108 et en I, p. 112. Voici leurs noms et les dates de règne, données simplement en années a.C.n.

Ébroch meurt en 333 a.C.n. et son fils Galien lui succède. Celui-ci disparaît en 315 a.C.n. pour céder le poste à son fils Galaffre, qui devient ainsi le troisième amachour du Danemark. Il meurt en 306 a.C.n. Un événement intéressant est lié à son règne :

[I, p. 112] [Au Danemark] Cette année-là [306 a.C.n.] mourut Galaffre, le troisième amachour de Danemark, après un règne de neuf ans. Il avait eu trois fils : l'aîné s'appelait Hongrech, le second Honlek et le troisième Zelek. L'aîné Hongrech devint normalement amachour ; les deux autres frères voulurent un territoire où habiter. Ils prièrent Hongrech de leur donner des gens : ils voulaient trouver un pays agréable, où construire cités et châteaux. L'aîné accéda à leur demande et leur fournit à chacun six mille hommes. Alors les deux frères s'en allèrent.

Ainsi Hongrech, l'aîné des trois fils de Galaffre, reste au Danemark comme quatrième amachour tandis que ses deux frères s'en vont, accompagnés chacun par six mille hommes, pour fonder deux nouveaux pays. Jean notera, toujours en I, p. 112, qu'Honlech appela son pays Hollande, que Zélech donna au sien le nom de Zélande et qu'ils portèrent tous les deux le titre d'amiral. Précisons qu'il faut voir dans ce mot un emprunt à l'arabe amir (« prince, gouverneur, commandeur ») et qu'il désigne donc ici, comme amachour, « un chef », sans référence évidemment à des Sarrasins. Jean ajoutera que leurs successeurs furent de brillants constructeurs.

*

Sur Hongrech, le quatrième amachour, notre chroniqueur livre quelques détails. Ainsi en I, p. 113, à la date de 292 a.C.n., Jean signale d'abord qu'il fut le constructeur notamment « d'un beau château qu'il nomma Monluisant, parce qu'on le voyait de loin et, en-dessous de ce château, d'une cité qu'il nomma Multbelle ». Les mots Monluisant et Multbelle font songer au terme Malgarnie que son ancêtre Dan avait donné à la capitale du Danemark. Jean a plutôt l'habitude d'inventer des noms « moins français » pour les villes que ses héros sont censés fonder dans des pays nouveaux : ainsi par exemple, selon lui, Marcus avait créé Apellopel et Dan avait fondé Serses er Hoples (I, p. 105).

Le chroniqueur mentionne ensuite que Hongrech fut à l'origine de la Hongrie, en ce sens qu'il donna à son fils Zélo une terre dont celui-ci fut désormais le prince et qui fut appelée Hongrie, ses habitants portant le nom de Hongrois. Un peu plus loin, en I, p. 117,  le chroniqueur liégeois ajoute qu'Hongrech mourut en 266 a.C.n. après un règne de quarante ans et qu'après sa mort, sous le règne de son fils et successeur, Gaffa, le Danemark devient un royaume :

[I, p. 117] [Le premier roi de Danemark]  À sa mort, les barons du pays réalisèrent que leur territoire s'était fort développé et peuplé, et qu'ils méritaient bien d'avoir un roi. D'un commun accord, ils désignèrent alors comme roi Gaffa, le fils de Hongrech, qui régna quatorze ans.

On soulignera la mention d'un lien originel ‒ quoique géographiquement curieux ‒ entre le Danemark et la Hongrie. Cette dernière est en effet une terre que Hongrech, amachour du Danemark, donna à son fils Zélo et qui porte le nom du généreux donateur. Le lien entre les deux pays est d'origine familiale et pourtant, dans la suite de leur histoire, ils se feront souvent la guerre. Jean veille aussi à établir des liens étroits entre le Danemark et deux autres « nouveaux » pays, en l'occurrence la Hollande et la Zélande. Ici encore il s'agit de rapports personnels et familiaux. Honlech (fondateur de la Hollande) et Zélech (fondateur de la Zélande) sont deux frères d'Hongrech (à l'origine, lui, de la Hongrie). En ce qui concerne l'étymologie, le chroniqueur accorde un rôle important, on le voit, à l'éponymat.

On aura aussi noté la raison pour laquelle le Danemark est devenu un royaume : apparemment Hongrech en quarante ans de règne avait beaucoup développé son pays au point qu'à sa mort, en 266 a.C.n., les barons estimèrent qu'il méritait largement de devenir un royaume. Le fils de Hongrech, Gaffa, sera donc, pendant ses quatorze années de règne, le premier roi du Danemark. Les titres des dirigeants du Danemark, chez Jean, auront donc varié au fil du temps en fonction apparemment du degré de développement du pays : prince, amachour et finalement roi. La gradation est manifeste.

Quoi qu'il en soit, pour en revenir au pays dont Jean nous retrace l'histoire depuis 416 a.C.n., le Danemark a des rois depuis 266 a.C.n. Le premier d'entre eux est donc Gaffa.

 

La succession des rois danois, du premier (Gaffa, qui accède au pouvoir en 266 a.C.n.) au neuvième (Audax, qui meurt en 50 a.C.n.)

La succession des rois danois peut être reconstituée assez facilement d'après les notices du Myreur, dispersées mais généralement très précises, chronologiquement parlant. La voici :

* Le premier, Gaffa, règne de 266 à 252 a.C.n.

* Le deuxième est son fils, Ogens, qui règne de 252 à 232 a.C.n.

* Le troisième, Ogens, qui porte donc le même nom que son père, règne de 232 à 197 a.C.n.

* Le quatrième, Négel, son fils, règne de 197 à 181 a.C.n.

* Le cinquième, Anténor, son fils, règne pendant 30 ans, de 181 à 151 a.C.n.

* Le sixième, Godosa, son fils, règne pendant 28 ans, de 151 à 123 a.C.n.

* Le septième est Nabuchodonosor, qui avait épousé Calix, la fille de Godosa ; il règne 40 ans, de 124 à 83 a.C.n.

* Le huitième est Énée, fils du précédent, qui règne pendant 25 ans, de 83 à 58 ou 68 a.C.n.

* Le neuvième est Audax, fils du précédent, qui règne pendant 18 ans, de 68 à 50 a.C.n.

 

et la suite des rois ? Quelle est-elle ? Cfr infra.

On ne la retrouve qu'avec Ogens, qui pourrait être le douzième roi (de 15 à 67 de l'Incarnation), ce qui impliquerait un trou de plus de 60 années. De la place pour deux rois ?

 

Le matériel des notices est souvent peu original

En ce qui concerne les Danois, la plupart des notices fournies par le chroniqueur sont généralement très brèves (des dates et/ou une durée de règne). Leur seul intérêt est de fixer la chronologie des successions royales, chose à laquelle le chroniqueur tient beaucoup. Ainsi par exemple en I, p. 156 : « En l'an 438 [151 a.C.n.], au mois d'août, mourut le cinquième roi de Danemark, qui se nommait Anténor. Son fils Godosa lui succéda et régna durant vingt-huit ans », ou en I, p. 166 : « En l'an 465 [124 a.C.n.] mourut Godosa, sixième roi du Danemark ; après lui régna son fils Nabuchodonosor, qui avait épousé Calix, la fille de Godosa. Ce Nabuchodonosor était le fils de Ptolémée d'Égypte ; il régna quarante ans et fut le septième roi des Danois », ou encore en I, p. 186 : « En 506 [83 a.C.n.] mourut Nabuchodonosor, roi du Danemark. Son fils Énée régna après lui, comme huitième roi du Danemark, durant vingt-cinq ans ».

 

Parfois le Danemark apparaît sans plus dans une énumération.

Ainsi en I, p. 192, des fêtes sont organisées en l’an 513 [76 a.C.n.] pour célébrer l'achèvement de Tongres. « Le premier mai fut célébré avec solennité et on annonça que le roi Tongris l’avait appelée Tongres d’après son nom. Pendant la fête, Tongris porta couronne. Prirent part à un tournoi tous les seigneurs présents : le roi Turnus, le roi hongrois Pollux, le roi de Danemark Énée, le comte de Flandre, le comte de Lorraine, nommée alors Germanie, le comte d’Altimont, et tant d’autres nobles barons qu'il est impossible d'énumérer ». Ainsi en I, 218, le Danemark figure, sans aucun détail, dans une liste de villes et de pays conquis par Jules César en Occident autour des années 54 a.C.n. : « Cologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Pannonie, la Frise, la Saxe, le Danemark, la Hollande, la Zélande, Trèves, Metz, Tongres ». Autre exemple : en I, 218, On rencontre le Danemark, sans autre précision, dans une liste de villes et de pays conquis par Jules César en Occident autour des années 54 a.C.n. : « Cologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Pannonie, la Frise, la Saxe, le Danemark, la Hollande, la Zélande, Trèves, Metz, Tongres », ce qui évidemment n'a rien d'historique.

 

Certaines notices toutefois sont un peu étoffées, essentiellement grâce à des récits de combats. Mais il ne faut pas y chercher trop d'originalité. Les éléments qu'on y trouve sont généralement des variations banales sur des thèmes très simples et archiconnus (invasions, attaques, victoires, défaites, chiffres des pertes). Ils constituent ce qu'on pourrait appeler du matériel de remplissage.

Un exemple très simple concerne Anténor, le cinquième roi danois, et des événements de l'an 492, soit 97 a.C.n. : « Cet Anténor fut très violent : une grande guerre l'opposa au septième roi de Danemark Nabuchodonosor, et il tua deux de ses fils. Ils s'affrontèrent dans plusieurs batailles. En 492 [97 a.C.n.], ils se livrèrent un combat important et terrible, où les Hongrois furent vaincus. Soixante mille Hongrois et quarante mille Danois périrent. Le roi hongrois eut la main droite coupée par Éneas, le fils du roi danois. Le roi hongrois resta désormais en son pays, sans faire la guerre aux Danois »

Le récit suivant (I, p. 145-146) est plus long et plus original. On est en  184 a.C.n., sous le règne de Négel. Les Danois sont en guerre avec les Hongrois du roi Ébronus. L'enjeu est la Bulgarie censée être possession hongroise et dont les Danois veulent se rendre maîtres. Un conflit entre Danois et Hongrois, on l'a dit, est assez classique, mais ici, avec l'intervention du comte de Flandre, Lidrionel, qui s'est emparé de la Hollande et de la Zélande (également de la Pannonie), il s'est internationalisé. Il durera d'ailleurs plusieurs années (de 184 à 181 a.C.n.) et est raconté avec assez bien de détails :

[I, p. 145] [Négel et Ébronus] En l'an 405 [184 a.C.n.], une grande bataille opposa les Hongrois et les Danois, parce que le roi Négel de Danemark voulait s'emparer du territoire de Bulgarie, détenu par le roi de Hongrie Ébronus. Cette bataille eut lieu en septembre, et Négel fut défait ; il perdit une grande partie de ses hommes. Cela renforça beaucoup l'hostilité entre les deux rois : ils jurèrent chacun qu'aussi longtemps qu'ils seraient en vie, l'autre ne serait pas en paix, et qu'ils se feraient la guerre. Quand Lidrionel, le premier [p. 146] comte de Flandre (p. 138), connut la vraie raison de la guerre entre Hongrois et Danois, il rassembla ses troupes et emmena son armée au Danemark, enleva au roi les terres de Hollande et de Zélande, y plaça de ses gens pour les garder, puis revint en son pays. C'était en 406 [183 a.C.n.].

Une fois le comte rentré en Flandre, le roi de Danemark apprit la vérité sur la façon dont on l'avait spolié de son pays. Il rassembla ses armées, reconquit entièrement la Hollande et la Zélande, et fit décapiter tous les Flamands qu'y avait installés le comte Lidrionel. Après avoir repris ses terres, le roi Négel lança une expédition à cheval contre le roi hongrois dont il incendia le pays. Quand Ébronus l'apprit, il marcha contre lui avec de nombreuses troupes. ils se rencontrèrent en Pannonie [une région de Hongrie], où Négel faisait mourir les gens dans de grandes souffrances. Quand ils furent proches l'un de l'autre, les deux rois firent chacun armer leurs gens et s'affrontèrent. Commença alors une très grande bataille. Mais les Hongrois avaient plus d'effectifs que les Danois et le roi Négel fut tué par Ébroch, le fils du roi hongrois, qui lui coupa la tête.

Devant pareil désastre, les Danois s'enfuirent vers leur pays et, une fois arrivés à Malgarnie, ils couronnèrent comme roi de Danemark le fils de Négel, Anténor. Celui-ci devint le cinquième roi de Danemark et régna durant trente ans. La bataille où fut tué le roi Négel eut lieu en mai de l'an 408 [181 a.C.n.].

On retrouve les combattants un peu plus loin en I, p. 147-148 :

[I, p. 147] En l'an 412 [177 a.C.n.] mourut Lidrionel, le premier comte de Flandre, après un règne de quatorze ans. À cette époque, les rois de Danemark et de Hongrie firent la paix aux conditions suivantes : le roi de Hongrie aurait la Bulgarie et donnerait des lettres au roi du Danemark reconnaissant que le roi de Hongrie, durant toute sa vie et celle de ses héritiers, tiendrait la Bulgarie du roi du Danemark [p. 148] que la Bulgarie serait soumise au tribut, qu'elle devrait fournir au roi du Danemark cent hommes chaque fois qu'il en aurait besoin et en outre lui payer chaque année cent besants d'or.

On rencontre dans ce texte nombre de variations banales sur des thèmes connus (invasions, attaques, victoires, défaites), encore que fassent ici défaut des informations chiffrées sur les pertes de chaque camp. Y figure toutefois une indication assez courante sur le sort des chefs : le fils du roi hongrois a coupé la tête du roi danois. On trouve aussi ‒ ce qui n'est pas rare chez Jean ‒ une atmosphère plus médiévale qu'antique, en particulier dans l'énoncé des conditions de paix où les rapports vassal-suzerain apparaissent très clairement : aussi longtemps qu'il vivra, le roi de Hongrie tiendra la Bulgarie du roi de Danemark ; il devra fournir au roi de Danemark les soldats dont il aura besoin et lui payer chaque année une somme d'argent. Pour Jean, le passé, c'est le monde féodal plus que le monde antique. Et puis surtout, tous ces récits sont pleins d'anachronismes. On ne peut pas parler au début du deuxième siècle avant le Christ du Danemark, de la Hongrie, de la Hollande, de la Zélande, de la Bulgarie et... du comté de Flandre.

On rencontre toutefois, à l'occasion, des notices rapportant des opérations militaires mais présentant davantage d'intérêt, à des titres divers. C'est ces dernières que nous allons maintenant passer en revue. La première rapporte une intervention militaire censée s'être déroulée sous Néron. Elle met en scène les Hongrois et les Danois, qui, dans le Myreur, apparaissent souvent liés, tantôt comme associés, tantôt comme adversaires. Ce n'est pas par hasard. On se souviendra du lien de parenté qui, selon Jean d'Outremeuse (I, p. 113, supra), relia un jour les deux peuples : c'est en effet Hongrech, quatrième amachour du Danemark, qui fut à l'origine de la Hongrie, en ce sens qu'il donna à son fils Zélo une terre dont celui-ci fut désormais le prince et qu'il appela Hongrie, du nom de son père.

 

Sous Néron (54-68 de notre ère), un mariage est censé mettre fin à une guerre : l'exemple d'Ogens de Danemark, d'Énéas de Hongrie et d'Édéa, la fille de ce dernier (I, p. 459-460)

Dans le cas qui nous retient, Jean introduit dans le récit guerrier des éléments sentimentaux, voire matrimoniaux. C'est, par exemple, par un mariage que se termina une guerre qui avait éclaté entre Hongrois et Danois sous Néron en 61 de notre ère  (I, p. 459-460). Voici, en traduction, l'intégralité du passage.

[p. 459] [An 61 - Guerre entre Hongrois et Danois] En cette même année 61 éclata une guerre importante qui opposa le roi Énéas de Hongrie au roi Ogens de Danemark, pour la raison suivante. Ogens voulait épouser Édéa, la fille du roi de Hongrie, et Énéas, le roi de Hongrie, ne voulait pas la lui donner. Il la réservait à un homme valeureux, nommé Sadora, comte de Pannonie et aimé de sa fille. Ogens et Énéas s'affrontèrent dans une bataille en juin de l'année en question. [p. 460] Le roi hongrois fut vaincu et capturé ; dix mille de ses hommes moururent. Dans ce combat mourut aussi Sadora, le prétendant de la demoiselle. Ogens le tua de sa propre main : il le fendit jusqu'à la poitrine. Pareil coup étonna grandement les chevaliers présents et tous ceux qui y assistèrent ; jamais auparavant ils n'avaient entendu parler d'un si grand exploit.

[Noblesse d'Édéa] Le roi hongrois fut mis en prison ; mais alors Édéa, la fille du roi de Hongrie, se rendit au Danemark et se présenta au roi Ogens en disant : « Gentil roi, je te demande en grâce de bien vouloir libérer mon père de prison, et le laisser rentrer dans son pays. Pour le libérer, je resterai ici avec toi et je serai entièrement à tes ordres. » Quand le roi entendit la demoiselle, il lui dit : « Ma belle, voulez-vous me prendre pour mari ? Je ferai alors de vous la reine de Danemark et je laisserai votre père retourner en Hongrie libre et lige. » La demoiselle répondit : « Je suis d'accord. » Alors le roi fut libéré de prison et amené au palais, où fut conclu un accord spécifiant que le roi Ogens épouserait la demoiselle. Suite à cela, une paix bienfaisante fut dorénavant établie entre eux et le roi de Hongrie rentra dans son pays quand il le voulut.

On pourrait gloser sur le chiffre des pertes hongroises ou sur la prouesse militaire d'Ogens, mais le récit ne nécessite pas de commentaire : il parle de lui-même. Nous le citons parce que nous retrouverons beaucoup plus tard, en l'an 428 de l'Incarnation, une histoire assez proche, un peu différente parce que beaucoup plus complexe, mais qui mettra également en scène un roi du Danemark, nommé Julien, et une fille d'un roi de Hongrie, appelée elle aussi Édéa, et qui se terminera lui aussi par un mariage.

Notons avec Jean que Ogens, qui avait pris le pouvoir en l'an 15 de l'Incarnation et avait régné cinquante-trois ans (I, p. 384), mourut en 67 de l'Incarnation. Il eut comme successeur son fils, Nabudas, qui régna pendant quelque quarante ans (I, p. 469, jusqu'en 108 de l'Incarnation, cfr I, p. 508).

 

Sous Domitien (81-96 de notre ère), une défaite romaine est censée libérer les Hongrois, les Danois (de Nabudas) et les Gaulois de l'obligation de payer un tribut à Rome (I, p. 485-489 passim)

En I, p. 485 et 487, dans les années 85-87 de l'Incarnation, sous Domitien, on retrouve le Danemark entraîné dans des opérations militaires qui mettent en jeu d'autres pays (l'Aquitaine, la Hongrie et la Gaule) et qui n'ont au départ rien à voir avec lui. Il s'agit d'ailleurs là de faits qui ne relèvent pas de l'Histoire, mais de l'imaginaire. Voici ce qu'il en est.

Domitien, qui est présenté comme un monstre par Jean d'Outremeuse, avait tué dans des conditions atroces son épouse Génoda, fille du duc Abron d'Aquitaine. Pour venger cette mort, Abron veut attaquer l'empereur romain. Il rassemble autour de lui une importante coalition, comprenant les Gaulois (du duc Hector), les Hongrois (du roi Gombas) et les Danois (de Nabudas, fils d'Ogens). Les coalisés décident d'attaquer sur plusieurs fronts.

Mais Domitien prend les devants. Il se porte d'abord du côté où arrivent les Hongrois et les Danois réunis. Il les affronte et remporte la victoire. Le roi hongrois perd deux fils et six mille hommes, le roi danois, un frère et quatre mille hommes. Les rescapés rentrent chez eux. Après cette première victoire, l'empereur marche contre les Aquitains, qu'il met en déroute. Le duc Abron et treize cents hommes périssent. Les Romains se tournent alors contre les Gaulois. Mais la victoire change complètement de camp : les Gaulois sont puissants et ils abattent les Romains « comme on abat des moutons ». Onze mille Romains sont tués et six mille faits prisonniers. Les rescapés s'enfuient à Rome. Les Gaulois décident alors d'entamer le siège de la ville, mais ils y renoncent au bout de quinze semaines, impressionnés par des rumeurs annonçant l'arrivée de forces venant au secours de la ville. Ils rentrent alors en Gaule. Comme on le voit, Danois et Hongrois sont unis.

Mais les hostilités ne sont pas closes pour autant. L'empereur de Rome veut se venger. L'an 90 de l'Incarnation, il décide de reprendre les hostilités contre les Aquitains, les Hongrois, les Danois et les Gaulois, à nouveau réunis. Les opérations se termineront en 93. Il sera maintenant question de tribut. Nous nous bornerons à résumer le récit de Jean qui est assez détaillé (cfr I, p. 488-489).

Les Aquitains, attaqués les premiers, doivent très rapidement se soumettre et payer le tribut aux Romains. Mais Domitien a moins de chance avec les Hongrois et les Danois. Dans un premier temps pourtant, les affaires tournent bien pour l'empereur, qui bat sans difficulté les Hongrois sur leur terrain, en Hongrie, et les soumet eux aussi au tribut. Cette victoire acquise, il part attaquer le Danemark et défait les Danois qui doivent se réfugier dans la cité de Paladas, que Domitien va assiéger pendant six mois, sans succès. C'est à ce moment-là que l'intervention vigoureuse des Gaulois va changer radicalement le cours de la guerre. Arrivé au secours des Danois assiégés, le duc Hector, avec deux fois moins d'hommes que l'empereur, non seulement défait les Romains mais capture Domitien, qui va se voir obligé, « en guise de rançon » en quelque sorte, d'exempter du tribut les Hongrois, les Danois et les Gaulois. Pour des raisons propres à la législation romaine et dans lesquelles nous n'entrerons pas ici, l'exemption sera définitive pour les deux premiers groupes, mais temporaire seulement pour le troisième. En effet les Gaulois ne seront libérés du tribut que durant la vie de Domitien. Cela fait, l'empereur, libéré, rentre à Rome.

Dans les premiers exemples, il n'était question que de conflits entre Danois et Hongrois, sans qu'il soit question des Romains. Les suivants présentent Danois et Hongrois unis affrontant - éventuellement avec d'autres - la puissance romaine. Les deux peuples apparaissent dans le récit comme des sujets de Rome, le tribut qu'ils lui doivent étant évidemment l'expression même de cette soumission. Jean n'a pas enregistré avec précision dans le Myreur les événements qui amenèrent les Danois et les Hongrois à dépendre ainsi de Rome. On en trouve toutefois la trace en I, 218, où une notice très rapide fait figurer le Danemark et la Hongrie, avec beaucoup d'autres peuples, dans une liste des conquêtes de Jules César autour des années 54 a.C.n. : « Cologne, la Hongrie, la Bulgarie, la Pannonie, la Frise, la Saxe, le Danemark, la Hollande, la Zélande, Trèves, Metz, Tongres ». Apparemment pour Jean, tous ces peuples cités ont été soumis à Rome par César.

 

Trajan (98-117 de notre ère), après avoir réclamé le tribut aux Danois de Nabudas, reconnaît et accepte le document de Domitien qui les en avait libérés (I, p. 506-507, ans 105-106)

Si Trajan fut historiquement un très grand conquérant, nombre d'opérations que Jean lui attribue dans le Myreur (II, p. 503-514) n'appartiennent pas à l'Histoire. C'est en particulier le cas de ses guerres en Espagne, en Afrique, au Danemark, où sont mis en scène des Carthaginois, des Espagnols, des Égyptiens, des Danois et même des Hongrois. Ces épisodes appartiennent à la légende épique médiévale, tout comme les détails  qui y figurent (chefs, villes, accords, épisodes, etc.).

On va voir ce qui concerne plus directement les Danois, lesquels, sous leur roi Nabudas, se voient à nouveau impliqués dans une série de guerres romaines qu'ils n'ont en rien provoquées et qui ne relèvent d'ailleurs pas de l'histoire (I, p. 506-507 ; ans 105-106). Résumons le récit de Jean.

Si on suit le chroniqueur liégeois, Trajan mène en Espagne des opérations d'abord heureuses puis malheureuses (I, p. 503). Puis il soumet Carthage (I, p. 504 et 506). Après cela, il s'embarque pour le Danemark (le Myreur ne précise pas pourquoi) où il s'attaque à un certain nombre de villes nommément citées : Paladas (correction de Baladas), Gadabas, Ligaine et Galastre. L'empereur romain est victorieux. Il réussit à assiéger et à s'emparer de trois d'entre elles, les soumettant au tribut. Seule Gadabas, où s'était réfugié le roi danois Nabudas, résiste au siège. Mais finalement Nabudas prend contact avec Trajan pour tenter de trouver un accord. Pour y arriver, il se réfère à la lettre d'exemption qu'il tenait de Domitien. Après examen de ce document, l'exigence de tribut est abandonnée par Trajan et la paix est conclue avec le Danemark « à la condition que Nabudas fasse hommage à l'empereur et s'engage à le servir dans les batailles en cas de besoin. » Avec l'hommage et le service guerrier, on est donc dans le monde de la féodalité. On verra d'ailleurs, plus loin dans le récit de Jean (I, p. 513 ; an 112), que les forces danoises (celles d'Ogens, qui a succédé à Nabudas en l'an 108 [I, p. 508]) ont été convoquées par Trajan pour l'épauler dans ses guerres ultérieures. C'est notamment avec leur aide que Trajan l'emporte sur les rois d'Espagne et d'Éypte. Les Danois seront aussi appelés à l'aide par Antonin le Pieux (I, p. 547).

 

Sous le règne d'Hadrien (117-138 de notre ère), changement de genre et de lieu - Les Tongrois, les Danois et les Frisons à l'époque de Materne, évêque de Tongres, d'Ogens et de son fils Mélion, rois de Danemark (I, p. 529-531, ans 124-125 de l'Incarnation) -- rôle joué par le christianisme

Le Danemark va aussi se trouver mêlé ‒ un peu curieusement ‒ à l'histoire de l'évêché de Tongres, à celle de la christianisation et plus particulièrement à la biographie de Materne (I, p. 529-531). Après avoir christianisé son diocèse, Materne ‒ on ne sait trop pourquoi ‒ part prêcher la loi de Jésus-Christ en Frise, une possession du roi de Danemark. Quel était son nom ? Dans la chronologie de Jean, Nabudas est mort en 108, et son fils, Ogens, lui succède pendant vingt et un ans, soit jusqu'en 129.

C'est donc, Ogens, roi du Danemark, qui se trouvait en Frise au jour et à l'heure où Materne prêchait le christianisme. Cela ne lui plaît pas et il fait jeter le saint en prison. Les Tongrois, avertis, envoient au Danemark une armée menée par Trémus, duc d'Ardennes, et Henri, duc de Lorraine, pour libérer leur évêque. Des batailles épiques opposent aux Tongrois le roi de Danemark Ogens et son fils Mélion. Les Tongrois, finalement vainqueurs, épargnent la vie des Danois prisonniers en échange d'une très importante rançon en argent, que Materne utilisera pour ses fondations et dotations (ans 124-125 de l'Incarnation).

Pour être complet, on terminera cet épisode nordique en notant que, pour l'an 127 de l'Incarnation (en I, p. 534), Jean signale que « le roi Mélion de Danemark livra cette année-là une grande bataille contre les Frisons, qui se rebellaient contre lui, que les Frisons furent vaincus et qu'ils étaient très nombreux ». Si l'on voulait être pédant, on ferait remarquer que, d'après Jean d'Outremeuse lui-même, Mélion, fe fils d'Ogens, n'est devenu roi qu'en 129 de l'Incarnation. Le chroniqueur aurait-il fait une erreur de deux années ?

Ce Mélion réapparaîtra encore dans la suite du récit. Il sera tué au combat par le duc Franco en I, p. 548, en l'an 143 de l'Incarnation sous Antonin le Pieux. Son fils règnera pendant 45 ans (I, p. 548), jusqu'en l'an 188 de l'Incarnation donc. On apprendra en I, 575, dans le récit des événements de l'an 188 qu'il s'appelait Andromas et qu'il était le seizième roi du Danemark.

 

Sous Antonin le Pieux (138-161 de notre ère), les Danois du roi Mélion jouent un rôle relativement discret dans les opérations romaines - toujours la question du tribut (I, p. 545-548 ; ans 141-143)

Tout comme il l'avait fait pour les prédécesseurs d'Antonin, qu'il s'agisse de Domitien ou de Trajan ou encore d'Hadrien, Jean accorde une assez grande importance dans son Myreur aux opérations militaires. Dans ces conflits, la question du tribut est régulièrement posée ; on a déjà relevé son importance plus haut ; il est perçu comme l'expression même de la dépendance. La Gaule est souvent impliquée et les lecteurs du Myreur pourraient avoir l'impression que les Gaulois refusent systématiquement de le payer et qu'ils finissent toujours par y échapper. Il peut même arriver qu'un empereur romain doive rentrer à Rome, humilé, dépité et bredouille. Ce fut le cas avec Domitien qui resta quelque temps prisonnier du duc de Gaule (cfr plus haut). Ce sera aussi le cas avec Antonin le Pieux.

Or donc, en l'an 141, le duc Franco de Gaule refuse de payer le tribut à Antonin. Il défie l’empereur et prépare ses troupes (I, p. 545). Rien d'étonnant que ce soit les Gaulois qu'Antonin attaque d'abord. Mais il est battu près de Clermont. Antonin est forcé de se retirer à Rome. Le duc Franco commence alors à dévaster l'empire : il progresse dans la conquête du Nord de l'Italie et très vite le conflit prend une dimension internationale, Antonin demandant l'aide de tous ses peuples sujets. Le roi du Danemark, Mélion, fait partie des rois convoqués, avec ceux d'Espagne, d'Égypte, de Hongrie, de Carthage et, précise Jean, d'autres rois encore (I, p. 546-547).

Des combats qui vont alors avoir lieu (I, p. 546-548 ; ans 142-143), nous ne retiendrons que ce qui concerne les Danois, lesquels combattent, aux côtés des Espagnols, contre les Gaulois du duc Franco.

[I, p. 547-548 passim] [Grande bataille] Alors les Gaulois aperçurent les rois d'Espagne et de Danemark avec trente mille hommes. [Suit le récit d'une bataille épique entre les Gaulois d'une part, les Danois et les Espagnols de l'autre]. Le duc Franco frappa de sa hache le roi Mélion de Danemark et le trancha en deux. Les Danois furent alors vaincus et se mirent à fuir. Quand les Espagnols virent leur débandade, ils s'enfuirent aussi, chacun dans leur pays, et aucun d'eux ne se tourna vers Rome. Le duc Franco retourna à Milan, où il séjourna durant quinze jours pour laisser ses hommes se reposer. Et quand les Danois rentrèrent dans leur pays, ils nommèrent roi le fils de Mélion, [c'est Andromas, cfr I, p. 575],  qui régna durant quarante-cinq ans.

[Franco, duc de Gaule, assiège Rome] Quand le duc Franco fut reposé, il quitta Milan et partit assiéger Rome. Alors on raconta à l'empereur que le roi d'Espagne et celui de Danemark étaient morts après avoir été vaincus et Antonin en fut très irrité.

Mais les opérations ne sont pas terminées avec cette défaite espagnole et danoise. Résumons simplement ce qui suit (I, p. 548-550).

Franco qui, assiège Rome, combat et défait les Égyptiens et les Carthaginois, venus aider les Romains, mais, blessé, il doit lever le siège et retourner en Gaule. Poussé par son allié, le roi de Hongrie, Antonin repart attaquer la Gaule, mais il est chassé de Lyon vers Orléans par Franco, remis de ses blessures (an 144). À Orléans, une bataille indécise oppose Romains et Gaulois. Contraints finalement de fuir, ces derniers se replient sur Lutèce, où ils appellent en renfort un nombre impressionnant de leurs vassaux. Les coalisés sont victorieux des Romains. Mais Franco renonce à poursuivre l'empereur Antonin, vaincu, qui retourne à Rome, se promettant de ne plus revenir en Gaule (an 145). Ici encore, comme dans le cas de Domitien, les empereurs romains sont mis en échec par les Gaulois, qui ne paieront pas le tribut.

 

La Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas (I, p. 566-586 et II, p. 1-7, passim ; ans 172-221 de l'Incarnation)

Le long récit que nous avons appelé la Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas et dont Jean a dispersé les épisodes sur quelque trente pages du Myreur (I, p. 566-586 et II, p. 1-7) fait intervenir beaucoup de personnages et de pays différents (cfr notre introduction au fichier I, 566-579). Il a cependant un lien avec le Danemark en ce sens qu'un des premiers protagonistes de cette Geste, est un Danois de souche royale. Il s'appelle Valentin et est le fils aîné du seizième roi de Danemark, Andromas (roi de 143 à 188). Devenu chrétien, ce Valentin avait abandonné la cour de Danemark, toujours païenne, pour gagner la Grande-Bretagne, un pays alors en guerre avec l'Écosse. Nous sommes dans les années 172-173 de l'Incarnation.

Pourquoi en guerre ? Parce que le roi du pays, Simon, avait refusé la main de sa fille, Hédéa, qui était chrétienne, au roi païen d'Écosse, Yrchois. Simon est tué au combat et les Bretons défaits se replient avec Hédéa dans Londres assiégée par les Écossais (an 172). C'est alors qu'arrive à Londres le chevalier Valentin, prince de Danemark. Informé de la situation, il propose son aide à Hédéa contre le roi d'Écosse et, comme il est chrétien, il l'épouse. Valentin bat les Écossais, dont il tue le roi, et devient roi de Grande-Bretagne.

Dans la description que Jean donne de lui, les traits épiques et merveilleux ne manquent pas. C'était une force de la nature « haut de quatorze pieds », écrit le chroniqueur (I, p. 567) qui ajoute : « les chroniques du Danemark disent que d'un seul coup il pourfendait jusqu'au cheval un homme en armes ». Mais un événement qui le concerne et qui est daté de 180 est plus frappant encore :

[p. 571] [Le roi Valentin de Bretagne] En l'an 180, au mois de mai, le roi Valentin de Grande-Bretagne commença à édifier un très beau château ; mais quand ce château fut sous toit, le roi se leva un matin et vit que le bâtiment s'était enfoncé dans la terre jusqu'au toit ; il en fut si effrayé qu'il fit entièrement remplir de pierres et de terre la fosse, qui était immense. Certains lui laissaient entendre que c'était l'entrée de l'enfer.

Quoi qu'il en soit ‒ revenons quelques années en arrière ‒, en l'an 175, note Jean (I, p. 569), le roi Valentin de Grande-Bretagne eut de sa femme Hédéa un fils, appelé André, qui devint plus tard un bon chevalier.

En fait, le problème est que cet André disparaît très vite du récit pour faire place à un certain Thomas. En I, p. 571 en effet, dans les événements de l'année 180, Jean fait état de la mort de Valentin alors que son fils est encore trop jeune pour régner. Mais ce fils, le chroniqueur l'appelle Thomas.

Cette année-là [en 180] mourut Valentin, roi de Bretagne. Lucius, roi d'Écosse, lui succéda durant dix ans, jusqu'à ce que soit en âge de régner Thomas, le fils du roi, qui était un jeune enfant. Finalement Thomas devint roi et régna trente ans. Il fut bon chevalier, très désireux d'étendre la loi chrétienne.

Ce Thomas sera doté, comme son père, de traits épiques et merveilleux. Mais pour l'instant il n'est encore qu'un bébé et reste sous tutuelle jusqu'à l'âge de dix ans. Devenu alors roi et bon chrétien, il souhaite épouser Aliénor, la fille du roi païen de Cornouailles, lequel le rejette à cause de sa foi. Ne voulant pas renier celle-ci, Thomas déclare la guerre au roi de Cornouailles et, en preux chevalier, triomphe de tous ses adversaires. Dans le récit, cet enfant de dix ans est présenté comme un véritable géant : « il est prodigieusement vigoureux, a plus de force que deux chevaliers et mesure plus de dix pieds de haut » (p. 572). Inutile de préciser qu'il tue le roi païen, épouse sa fille, devient roi de Cornouailles, construit des églises et impose le baptême à tous ses sujets, sous peine de mort en cas de refus. Il annexe aussi l'Irlande.

Mais il ne limite pas ses projets d'évangélisation à ce pays. La suite du récit est un rien confuse, mais l'intention claire de Thomas est d'aller convertir le Danemark.

[I, p. 576] Cette année-là, en juillet [an 189], le roi Thomas de Grande-Bretagne fit mouvement vers le Danemark, avec un grand nombre de gens, pour voir s'il pourrait soumettre le pays à la loi de Jésus-Christ et convertir son oncle.

Jean semble avoir oublié l'opération de christianisation tentée dans le Nord par Materne, évêque de Tongres, en 124-125 de l'Incarnation. Mais il est vrai que Jean s'était intéressé plus aux aspects militaires de l'événement qu'à la christianisation proprement dite. On peut penser que, pour lui, elle n'avait pas vraiment réussi. En tout cas, Jean lui prête le projet de christianiser le Danemark et rapporte que, pour le réaliser, le roi Thomas a demandé l'aide de différents chevaliers, de Bourgogne et d'ailleurs. Un chevalier gaulois particulièrement vaillant, nommé Clodas, une sorte de « chevalier errant », toujours en quête d'aventures s'y est intéressé et investi. Il n'est pas chrétien mais se fait baptiser. Avec cinq cents hommes d'armes, il rejoint Londres et le roi Thomas. Le récit ne dit rien d'explicite sur la réalisation de la conversion du Danemark, mais on peut penser que cette question fut vite réglée. De toute manière, les objectifs de Thomas, de Clodas et de leurs troupes s'élargissent : l'invasion de la Hongrie est désormais planifiée, sans que le narrateur précise si les raisons de l'opération restent religieuses.

Sur l'attaque de la Hongrie, Jean donnera beaucoup de détails qui sont secondaires pour nous. Nous nous contenterons de l'essentiel. Le roi Alexandre, assiégé pendant quinze mois dans sa ville de Targont, demande l'aide des Romains de Commode, qui vient à son secours. Une bataille terrible s'engage, qui voit la défaite des Romains et des Hongrois. Thomas tue l'empereur romain. Thomas, resté maître du terrain, jure de s'emparer de Targont, où le roi Alexandre est toujours réfugié. À Rome, Commode doit être remplacé, par Helvius Pertinax d'abord, par Septime Sévère ensuite.

Finalement,

[I, p. 579] Un accord [en 194] est conclu entre Thomas et Alexandre : le roi hongrois conserverait la religion qu'il avait toujours observée, car il préférait mourir que se faire baptiser, mais il tiendrait sa terre du roi Thomas et serait son tributaire. Alors le roi Thomas repartit et s'en alla vers le Danemark. Mais Dieu ne voulait pas que les Bretons s'y rendent, car ce n'était pas utile pour eux. Une tempête les emporta et les retint sur mer durant quatre mois, avant de les faire échouer sur le territoire de Rome.

La Geste de Valentin, de Thomas et de Clodas est très loin d'être terminée avec le débarquement des Bretons sur les terres de l'Empire. Elle ne prendra vraiment fin qu'en 195 de l'Incarnation (I, p. 580), mais le début seul, avec le personnage de Valentin, originaire du Danemark nous intéressait.

 

Suite des succesions royales (cfr supra)

* Ogens, qui avait pris le pouvoir en l'an 15 de l'Incarnation et règne cinquante-trois ans (I, p. 384), meurt en 67. Serait-il le douzième roi ?

* Il a comme successeur son fils, Nabudas, qui règne pendant quelque quarante ans (I, p. 469), jusqu'en 108 (cfr I, p. 508). Serait-il le treizième roi ?

* Son fils Ogens, lui succède pendant vingt et un ans, soit jusqu'en 129. Serait-il le quatorzième roir ?

* La question est de savoir qui règne entre 129 et 143 ?  Ne serait-ce pas précisément Mélion ?

* [I, p. 547-548 et p. 575] Dans les années 141-143, les Danois participèrent, du côté d'Antonin et de ses alliés, aux guerres qui opposèrent pour une question de tribut l'empereur romain au duc Franco de Gaule. En 143, ce  dernier avait tué d'un coup de hache le roi du Danemark qui était alors Mélion, le quinzième roi danois. Il fut alors remplacé par son fils Andromas qui régna quarante-cinq ans et mourut en décembre 188. Ce fut le seizième roi du Danemark. Son fils Jonadas lui succéda à cette date comme dix-septième roi. Il mourra en 219 [II, p. 7] Ce n'était pas son fils aîné (Valentin) qui était parti en Grande-Bretagne dont il était devenu le roi.

 Jonadas, roi en décembre 188, mourra en 219 [II, p. 7]. Il fut remplacé par son fils Valentin qui régna pendant vingt-deux, de 219 à 241 donc. Il aurait été le dix-huitième roi du Danemark.

 

Un important trou chez Jean dans l'histoire du Danemark

Après la notice (II, p. 7) sur le mort de Valentin, fils de Jonadas, en l'an 241 de l'Incarnation, le Danemark et les Danois ne vont vraiment réapparaître dans l'univers du Myreur qu'en II, p. 132. Il y sera question d'un roi nommé Julien, qui accède au pouvoir au Danemark en l'an 428 de l'Incarnation. Ce silence de plus de 180 ans ne sera brisé que par une très brève allusion en II, p. 53, signalant une victoire sur les Huns remportée par les rois de Hongrie et de Danemark.

[II, p. 53] [An 309 - Les Huns furent défaits par les Hongrois et les Danois] L’an 309, en mai, eut lieu une bataille entre les Huns d’une part, les rois de Hongrie et de Danemark de l’autre. Les Huns furent battus et s’enfuirent vers le royaume de Russie qu’ils avaient conquis.

On a suffisamment traité ailleurs des Huns pour qu'il ne soit plus nécessaire de redire ici que les notices que Jean a consacrées à leurs voyages et à leurs batailles relèvent pour l'essentiel de l'imagination du chroniqueur liégeois.

 

La geste du danois Julien, du hongrois Aristote, et du mariage d'Édéa de Hongrie avec Ogier le Danois, qui hérite du royaume de Hongrie (II, p. 132-137 - ans 428-436)

L'histoire des rois du Danemark ne reprend véritablement dans le Myreur qu'en II, p. 132, d'une manière très abrupte. On arrive dans le récit en juillet de l'an 428 de l'Incarnation. La notice de Jean fait état de la mort d'un roi Hector, dont il n'avait jamais parlé auparavant dans son oeuvre. Il a comme successseur son fils qui se nomme Julien et qui, note Jean, régna vingt-cinq ans. Le chroniqueur précise immédiatement que ce roi fut très cruel et qu'il avait une mentalité de conquérant. Il est censé avoir dit « qu’il conquerrait autant de terres que Jules César ».

Effectivement il prend la mer en mai 429, avec quarante mille hommes, et s'impose apparemment sans grand mal comme « suzerain » de régions (Bétique, Asturies, Escladie, Astronie, Mombrant) difficiles à situer avec précision. Mais leur localisation importe peu ici. L'élément important, c'est que ces guerres extérieures, fort longues, ont éloigné Julien de son pays et que le roi de Hongrie, nommé Aristote, profite de son absence pour attaquer le Danemark en 434. Heureusement Julien a un neveu prêt à défendre ses intérêts : il se rend avec une armée en Hongrie pour obliger Aristote à revenir dans son pays. Ce qui se produit. Dans les combats, le roi de Hongrie est grièvement blessé et ses quatre fils sont tués. Après avoir durement saccagé la Hongrie, Ogier retourne alors au Danemark, disant que pour en faire plus, il attendrait le retour de son oncle le roi Julien, lequel continue avec succès ses opérations extérieures (II, p. 133-134)

Finalement, en 436, Julien rentre au Danemark. Après avoir appris ce qui s'était passé, il entre dans une vive colère, jure par Jupiter de se venger et rassemble ses gens pour attaquer la Hongrie. « À cette nouvelle, le roi Aristote fut très contrarié. Il prit sa fille Édéa, qui était la demoiselle la plus belle du monde, âgée de dix-sept ans, et l’envoya avec quarante-quatre pucelles et cent chevaliers, à la rencontre du roi Julien pour régler elle-même l’affaire (II, p. 135).

La suite mérite d'être contée en détail, en suivant le texte de Jean d'Outremeuse, qui n'est guère prodigue en épisodes sentimentaux. En un mot, tout se terminera bien. Le jeune fille réussira à amadouer le roi Julien et à obtenir de lui l'autorisation que le litige soit discuté et réglé par elle et son neveu Ogier. Tout se terminera très bien. Les deux pays feront la paix et Édéa épousera Ogier, lequel héritera du royaume de Hongrie (II, p. 135-137).

[II, p. 135] [Grande noblesse de la fille du roi hongrois] La demoiselle partit, rencontra les troupes de Julien et s’avança au milieu de l’armée, devant le roi ; elle était le point de mire de tous les Danois et Julien se demandait qui elle pouvait être, car il ne la connaissait pas.

Mais Ogier, qui la connaissait bien, dit au roi son oncle : « Sire, voyez-vous la demoiselle qui marche là tout en avant ? C’est la fille [II, p. 136] du roi de Hongrie ». Quand le roi entendit cela, il se dirigea vers elle et la salua comme il convenait. Elle lui rendit son salut et lui demanda où il allait, ainsi équipé pour le combat. Le roi répondit : « Mademoiselle, je vais en Hongrie pour en chasser le roi votre père, si je le puis, car il l’a grandement mérité ».

Alors la demoiselle lui dit : « Sire, si vous vouliez faire ce que je vais vous dire, je vous en serais très reconnaissante. Vous le savez, vous êtes parti longtemps outre-mer et, à cette époque, le seigneur mon père doit avoir saccagé votre pays. Si du moins ce qu’on dit est vrai, mais je crois que vous ne savez rien d’autre que ce que vous avez entendu dire. Or, quand on répète des choses, on peut se tromper. Aussi je vous supplie, humblement, de tout coeur et aussi ardemment qu’on puisse le faire, de bien vouloir confier la discussion de ce problème à votre neveu Ogier, qui a toujours été présent au Danemark et qui connaît la vérité. Pour ma part, je persuaderai mon père de se fier entièrement à moi. Je crois qu’ainsi nous pourrons trouver un accord et rester en paix ».

[Paix rétablie par le mariage d’Ogier et de la dite demoiselle] Grande fut la joie du roi quand il entendit la demoiselle. Il lui répondit en riant : « Ma demoiselle, si votre père avait saccagé la moitié de mon royaume, je m’en voudrais de vous confier toute l’affaire ; j’aurais préféré être juge avec vous s’il vous avait plu de me choisir moi, plutôt que mon neveu Ogier. Mais puisque vous l’avez cité, lui, je vous l’accorde. Dites-moi maintenant si c’est pour cette raison que vous êtes venue jusqu’ici. « Sire, dit la demoiselle, oui, par ma foi, et il me semble que la raison est assez importante pour venir ici ».

Alors toutes les armées abandonnèrent le pied de guerre. Les soldats dînèrent au vert, abondamment servis de viandes et de poissons. Après le dîner, le roi [Julien] appela Ogier pour lui dire de prendre mille hommes avec lui et de reconduire la demoiselle dans son propre palais. Alors Ogier s’exécuta, remerciant très vivement le roi de l’honneur et de la courtoisie qu’il lui témoignait. Le roi [Julien] lui donna aussi un diamant serti dans un anneau d’or, qui valait au moins mille besants d’or. Après cela, il retourna dans son pays [le Danemark].

Ogier reconduisit la demoiselle jusqu’à son palais, où le roi [Aristote de Hongrie] lui fit grande fête. Ogier y resta jusqu’à ce que lui et la demoiselle se mirent si bien d’accord sur leur arbitrage que l’un proposa à l’autre de l’épouser. Cela se fit avec le consentement du roi qui offrit à Ogier, avec sa fille, le royaume de Hongrie.

Alors le roi [II, p. 137] Aristote et Ogier envoyèrent [dire] au roi Julien de rassembler ses gens pour une date précise. Le roi de Hongrie viendrait à ce moment-là avec les arbitres et les décisions prises seraient proclamées. Le jour fut fixé, les seigneurs se rassemblèrent et les arbitres proclamèrent qu’une bonne paix était instaurée entre les deux parties par le dit mariage. Ainsi s’installa la paix. Le mariage fut célébré très richement, selon leur coutume.

C'est donc, selon le chroniqueur liégeois, par une histoire d'amour datée de 436-438 que se clôture cet affrontement militaire entre Hongrois et Danois. Les notices qui précèdent nous ont présentés à  plusieurs reprises ces deux peuples, tantôt associés, tantôt opposés. On se rappellera leurs origines et le lien de parenté qui reliait leurs fondateurs respectifs Hongrie. On l'a dit plus haut, la Hongrie est une terre que Hongrech, quatrième amachour du Danemark, concédera à son fils Zélo, lequel donnera au nouveau pays  le nom du généreux donateur qu'avait été son père. Le lien entre les deux pays est d'origine familiale et pourtant, dans la suite de leur histoire légendaire, telle que la reconstitue Jean d'Outremeuse, ils se sont souvent fait la guerre.

 

Ogier, neveu du roi Julien de Danemark, règne sur la Hongrie:

[II, p. 147] "[An 447 – Le roi de Hongrie] En l’an 447 Inc, le roi Aristote de Hongrie mourut. Il fut remplacé par son gendre Ogier, dont j’ai fait mention plus haut. Ogier devint roi et régna trente-deux ans (cfr II, p.  134-135)." Un règne de 32 ans nous porterait en 479 Inc et Jean est très cohérent avec lui-même, cfr II, p. 471 "[Le roi de Hongrie] En cette année [479] mourut Ogier, le roi de Hongrie. Son fils Julien lui succéda et régna trente-trois ans, ce qui nous amène en 512 " Ainsi succession pour la Hongrie : Aristote - Ogier - Julien

 

Un exemple de décalage chronologique

Dans ce dernier récit, Jean introduit à plusieurs reprises des dates précises, dans le système évidemment qui est le sien, celui de l'Incarnation. Ainsi Julien prend le pouvoir en juillet 428. Il quitte son pays avec quarante mille hommes en mai 429. Aristote de Hongrie attaque le Danemark en 434, date à laquelle Ogier attaque la Hongrie. En 436, Julien rentre au Danemark après ses nombreuses campagnes victorieuses à l'étranger. C'est entre 436 et 438, de l'Incarnation toujours, que se terminera l'épisode qui aura donc occupé une dizaine d'années.

Toujours féru de chronologie, Jean avance quelques correspondances chronologiques avec l'histoire des papes et des rois. Elles sont intéressantes à relever et à examiner. En ce qui concerne la papauté, Jean situe les événements à la fin du règne du pape Célestin (qui a régné de 423 à 432 Inc) et au début de celui de Sixte III (qui a régné de 432 à 440 Inc) et, en ce qui concerne la succession des rois francs, à l'extrême fin du règne de Childéric, dont il place la mort en 438 Inc. Que valent ces corespondances ? Celle avec les papes tient la route : dans l'Histoire Célestin a régné de 422 à 432 de notre ère et Sixte III de 432 à 440. Mais rien ne va plus en ce qui concerne Childéric. Jean fait en effet mourir le roi franc en 438 Inc alors que, dans l'Histoire, il vivra jusqu'en 481 ou en 482 de notre ère, soit un décalage de plus de 40 ans. Décalage qui se répercutera évidemment pour Clovis dont Jean anticipe ainsi le couronnement de plus de 40 ans.

Ce n'est pas la première fois que nous rencontrons dans le Myreur ce type de décalage chronologique.

 

Clovis, les Danois et les Hongrois

Nous envisagerons maintenant le rôle que Jean fait jouer aux Danois à l'époque de Clovis, un rôle relativement important, d'autant plus qu'ils sont généralement associés aux Hongrois et qu'ils apparaissent à plusieurs reprises dans la présentation -- parfois un peu compliquée -- que fait notre chroniqueur des conquêtes territoriales de Clovis.

Dans les premières pages du récit centrées sur les Burgondes (II, p. 138-143 ; ans 441-443 de l'Incarnation), les Danois ne sont pas présents, pas plus que les Hongrois d'ailleurs. La situation est simple et facile à comprendre : par son mariage avec Clotilde, Clovis est devenu le suzerain de Godebaud, roi des Burgondes.

Ils ne sont pas davantage présents non plus dans la suite immédiate. Celle-ci rapporte l'annexion par Clovis (II, p. 144, an 445 Inc) de la région tenue par Syagrius et que Jean présente comme toute la terre que les Romans avoient par si longtemps tenue jusqu'à la riviere de Sayne, et altrepart jusqu'à la riviere de Loire. Jean cite les villes de Soissons et de Melun. Jean doit envisager ce qu'on appelle parfois le « domaine de Syagrius » ou le « royaume de Soissons », Grégoire de Tours qualifiant d'ailleurs Syagrius de « roi des Romains ». Les sourcs hésitent sur le père de ce personnage historique : , pour certaines, ce serait Égidius, le maître des milices pour la Gaule, qui s'était rendu indépendant du pouvoir impérial en Gaule du Nord et qui mourut en 464 ; pour d'autres, ce serait Aetius, le vainqueur des Huns aux Champs catalauniques en 451 de notre ère. Quoi qu'il en soit, ce Syagrius avait hérité d'une partie de la Gaule entre la Somme et la Loire, un territoire hors du contrôle du royaume wisigoth et des royaumes francs. Ce territoire, Jean le considère manifestement comme faisant partie intégrante de l'Empire romain, puisqu'il envisage pour contrer cette annexion une intervention militaire de l'empereur Théodose II censé d'ailleurs arriver en France en 447 de l'Incarnation (II, p. 147). Au cours de cette offensive, les Romains vont affronter Clovis et le prévôt Élinus. À leurs dépens d'ailleurs.

[II, p. 147] Les Francs remportent la victoire sur les Romains] Cette année-là [447 Inc], l’empereur Théodose arriva en France. Quand le roi Clovis et le prévôt Élinus l’apprirent, ils marchèrent contre lui avec une grande armée. Dans la bataille qui les opposa, les Romains furent vaincus : ils perdirent trente-deux mille d’entre eux et six mille Francs furent tués. Les Romains prirent la fuite. Le roi Clovis revint à Lutèce, jurant par tous ses dieux, que, s’il vivait encore un an, il prendrait aux Romains plus de terres que son royaume n’en contenait, ou qu’il mourrait à la tâche.

Jean ne dit pas ce qu'il advint de Théodose II. On peut supposer que l'empereur est retourné chez lui. En tout cas, dans la suite immédiate, Jean ne s'intéresse plus qu'à Clovis en présentant (II, p. 149 ; an 449 Inc), parfois avec quelques détails et parfois aussi d'une manière un peu désordonnée, une série de conquêtes : le roi franc enlève Orléans aux Romains, impose à ses cousins d’être leur suzerain pour Tongres, la Lorraine et la Thuringe, puis conquiert une foule impressionnante et invraisemblable de pays et de régions, parmi lesquels -- notons la chose sans insister -- le Danemark (ans 449 et suivants de l'Incarnation). Qu'on en juge par cette notice qui clôture l'énumération :

[II, p. 149] Puis Clovis partit pour le royaume de Frise, où il conquit la Hollande, la Zélande et toutes les villes du royaume. De l’autre côté, il alla jusqu’à Strasbourg, Francfort, Nurenberg, la Bavière et le Danemark [la Dacie, se demande Bo, à cause probablement de II, p. 151]. Tous se soumirent à lui, à l’amiable ou après des batailles dont il sortait toujours vainqueur. Il ne fut pas vaincu une seule fois, car la fortune lui était favorable.

Puis Jean abandonne Clovis pour revenir à l'empereur romain. Après avoir signalé la mort de Théodose en novembre 451 Inc, il s'intéresse de près à son successeur, le cinquantième empereur de Rome, qui s'appelle Marcien et qui, l'année même de son couronnement, part immédiatement en opérations. Il voulait attaquer Clovis qu'il croyait en Germanie, mais les aléas des voyages par mer modifièrent ses plans. C'est en Hongrie que Marcien arriva, la Hongrie où Ogier était précisément en rébellion contre Rome [on a l'impression d'une introduction artificielle dans le récit des Hongrois entraînant les Danois] :

[II, p. 150] L'empereur Marcien rassembla les Romains pour marcher contre Clovis en Germanie. Il prit la mer et navigua tant qu’il échoua en Hongrie, où il apprit qu’Ogier, le roi du pays, était en rebellion contre les Romains. L’empereur commença à incendier et à détruire le pays, mais quand le roi Ogier le sut, avec vingt mille hommes il attaqua vingt-six mille Romains. La bataille dura du matin jusqu’à la nuit, qui força les adversaires à se séparer. Le combat reprit le lendemain, le 9 juillet 452 : les Romains furent vilainement défaits et prirent la fuite. Ce jour-là, trois mille Hongrois et sept mille Romains furent tués ; le jour précédent, quatorze cents Hongrois et quatre mille Romains avaient péri. Parmi eux, quarante-trois furent fendus jusqu’à la poitrine, tués par Ogier le roi hongrois, qui était en effet capable d’asséner de pareils coups. C'était un chevalier très puissant et hardi. Les Romains s’enfuirent vers Rome.

Quant à Ogier, le vainqueur, il va se tourner vers le Danemark dont Julien, son oncle, est le roi. On connaît l'alliance étroite conclue entre les deux pays (II, p. 132-137 ; ans 428-436):

[II, p. 150] Alors le roi Ogier fit savoir au roi Julien son oncle comment les Romains avaient agi avec lui. De son côté, le roi Julien lui répondit qu’il avait toujours été favorable au roi Clovis, car on ne pouvait trouver prince plus doux, meilleur, courtois et aimable, et qui en plus n’exigeait aucun tribut. Julien fit encore [II, p. 151] dire à Ogier de se préparer, lui et ses gens, pour partir à Rome l'année suivante y détruire les Romains, ajoutant qu’il irait avec lui.

Le Danemark était-il déjà soumis à Clovis (comme on aurait pu le penser de ce qu'écrivait Jean en II, 149, cfr supra), c'est difficile à croire. Dans cette notice, Jean reproduit probablement une liste, qu'il a trouvée quelque part, sans trop songer au récit qu'il va lui-même imaginer. Faut-il voir une incohérence entre les deux passages, peut-être, mais peu importe au fond. En tout cas, dans le Myreur, le groupe constitué par les Danois et les Hongrois étroitement associés va désormais passer du côté de Clovis et s'opposer farouchement avec lui aux Romains. Ils joueront un rôle important dans la suite des opérations. En II, p. 151-152, dans les années 453-457 Inc, ils vont successivement entrer dans l'Empire, battre l'armée romaine devant Pérouse et assiéger Rome où se réfugie l'empereur Marcien (ce n'est pas dit ici explicitement par Jean, mais la suite autorise ce détail).

Ce dernier demande bien de l'aide, mais sans grand succès. Clovis, qui combat en Germanie, refuse catégoriquement. Les « Espagnols du roi Béodas » -- un roi inconnu -- acceptent bien de venir, mais ils sont défaits devant Rome et leur roi est tué. Béodas est un inconnu (une invention de Jean ?). Le terme « Espagnols » est évidemment à décoder. L'allusion à Alaric, que la phrase suivante met en rapport avec l'Espagne, les Goths et l'Aquitaine, peut nous mettre sur la voie, car il y est clairement question des Wisogoths et de leur royaume (Aquitaine et Espagne). Béodas et Alaric représenteraient en fait ce que nous appellerions les Wisigoths. Quoi qu'il en soit, ces premiers renforts « espagnols » venus au secours de Marcien sont battus par les Danois et les Hongrois, qui prolongent le siège de la ville.

Les seconds renforts « espagnols », dirigés cette fois par Alaric, n'auront pas plus de chance. Les Wisigoths seront battus, les Romains sortis de la ville le seront aussi :

 [II, p. 152] Une bataille horrible et meurtrière eut lieu le 11 novembre de l’an 455. On s'acharna des deux côtés. L’empereur même sortit de Rome avec de nombreuses troupes et attaqua les Danois, qui furent très effrayés ; mais cela ne fut pas un succès pour les Romains, car Danois et Hongrois l’emportèrent sur eux et sur les Espagnols. L’empereur retourna s’enfermer dans Rome et le roi Alaric s’enfuit avec beaucoup de ses gens vers l’Aquitaine. Dans la bataille, quarante-deux mille hommes, dont neuf mille Hongrois et Danois moururent ; [II, p. 153] tous les autres morts venaient d’Espagne et d’Aquitaine, à peu de choses près, car il n’y eut pas six mille tués parmi les Romains.

Le siège de Rome continuera, jusqu'en novembre 457, date à laquelle les Danois et les Hongrois s'emparèrent de la ville.

 [II, p. 154] Bien que païens, les vainqueurs ne voulurent nuire ni aux églises, ni à la cité, ni aux hommes, à moins qu'ils ne fussent nobles. Si c'était le cas, ils étaient tués, partout où on les trouvait. C'est alors que l’empereur (Marcien) fut capturé dans son palais et mis à mort. Cela fait, Hongrois et Danois s’en retournèrent dans leurs pays sans causer d’autre dommage à Rome. Ils disaient s’être vengés de ceux qui avaient saccagé la Hongrie.

Cette dernière remarque donne l'impression que l'attaque sur Rome est une sorte de vengeance personnelle des Danois et des Hongrois, que les Danois et les Hongrois veulent faire payer Marcien d'avoir dévasté leur pays (où ils étaient arrivés un peu par hasard d'ailleurs). On a l'impression que ces opérations danoises et hongroises n'ont pas grand chose à voir avec Clovis et ses conquêtes, que Clovis, ainsi que les Espagnols, la Bourgogne et l'Auvergne sont là pour meubler le récit et pour des raisons de chronologie, parce qu'on est dans la même période de temps ou parce que Jean les trouve cités dans ses sources.

Plusieurs choses en tout cas sont certaines. Ne relèvent de l'Histoire ni l'épisode de Marcien, parti combattre Clovis en Germanie, échouant dans une Hongrie qu'il veut saccager parce qu'elle est en rébellion contre Rome et finissant écrasé militairement par les Hongrois d'Ogier ; ni la décision des Hongrois d'Ogier et des Danois de Julien de s'unir étroitement pour aller se venger en détruisant Rome ; ni l'attaque de l'empire par les deux peuples réunis, ni leur victoire sur les Romains à Pérouse, ni et le siège de Rome qu'ils entreprennent alors ; ni leur double victoire autour de Rome sur les Wisigoths que Marcien avait appelés à l'aide ; ni la prise finale de Rome par les Danois et les Hongrois après trois années de siège ; ni la capture et la mort de Marcien dont ils se rendent coupable.

Un détail final : on ajoutera que dans l'Histoire Marcien n'est pas mort de cette manière, mais "apparemment d'une gangrène qui s'était déclarée aux pieds à la suite sans doute d'un long pèlerinage religieux" (Wikipédia).

Cette histoire des Danois et des Hongrois dont on suit bien le fil se mêle à d'autres histoires, vient interférer avec d'autres histoires (Clovis, la Bourgogne, l'Auvergne, le royaume des Wisiogths), sans rapports véritables avec elle.

 


 

II, p. 151-152 (ans 453-457 Inc)

 

Les Hongrois et les Danois attaquent l'empire, battent l'armée romaine devant Pérouse et vont assiéger Rome - Clovis, qui combat en Germanie, refuse catégoriquement d'aider l’empereur - Les Espagnols du roi Béodas (un inconnu), eux, acceptent de venir, mais sont défaits devant Rome et Béodas est tué - Le siège de Rome par les Danois et les Hongrois se prolonge durant trois ans - Clovis rentre en France après avoir conquis la Germanie jusqu'à Nurenberg (453-455)

 

* Alaric, après avoir été couronné roi d'Espagne et des Goths, part à l'aide de l'empereur romain assiégé dans Rome par les Danois et les Hongrois - Combats - Sortie des Romains - Victoire finale des assiégeants - L'empereur retourne s'enfermer dans Rome et Alaric regagne l'Aquitaine avec ses hommes (455)

 

* D'Aquitaine, Alaric demande à Gondebaud, roi de Bourgogne, de l'aider contre les Romains - Devant son refus, il pénètre en Bourgogne avec ses Aquitains, bat les Burgondes et tue Gondebaud - Mais le fils de ce dernier, Alardin, contre-attaque et repousse Alaric - Celui-ci va alors conquérir l'Auvergne, y place des hommes à lui, puis rentre en Aquitaine (456)

 

* Les Francs, soucieux de nouvelles conquêtes, songent à l'Allemagne - Le fils de Gondebaud, Alardin, vient se plaindre auprès de Clovis du sort que lui a réservé Alaric - Clovis lui donne en fief le royaume de Bourgogne, puis il part faire des conquêtes en Allemagne (456-457)

 

Les Danois et les Hongrois s'emparent de Rome - Mort de l’empereur Marcien - couronnement de l'empereur Léon I (457)

 

 

 

 

Présenter la situation géopolitique globale :

* L'empereur de Rome (mais sur quel territoire cet empereur de Rome règne-t-il exactement ?) : Marcien, empereur de Rome (de 451 Inc à 457 In), puis Léon Ier I (de 457 Inc à 473 In)

* Les Francs (à partir de 458 Inc, c'est Clovis et/ou son prévôt Élymus).

 

 

 

II, p. 148-151, en 449-452 Inc

* Les conquêtes de Clovis : Il enlève Orléans aux Romains - Il impose à ses cousins (Boident et ses frères Clovis et Thierry), d’être leur seigneur pour Tongres, la Lorraine et la Thuringe, promettant de les protéger contre l'empereur romain - Il conquiert la Hollande, la Zélande, la Frise et beaucoup d’autres régions (449ss)

* [Cinq frères évêques, dont saint Remi ]- Suite des conquêtes de Clovis : il conquiert la Bretagne et la Normandie grâce à son prévôt Élinus (an 455)

* Marcien cinquantième empereur de Rome - Les Romains battus en Hongrie par les Hongrois du roi Ogier - Hongrois et Danois s'allient à Clovis pour envahir Rome (451-452)

* Le pape Léon et le Concile de Chalcédoine - Prodiges - Sainte Geneviève de Lutèce (452)

 

 

II, p. 151-154, en 453-457 Inc

 * Les Hongrois et les Danois attaquent l'empire, battent l'armée romaine devant Pérouse et vont assiéger Rome - Clovis, qui combat en Germanie, refuse catégoriquement d'aider l’empereur - Les Espagnols du roi Béodas, eux, acceptent de venir, mais sont défaits devant Rome et Béodas est tué - Le siège de Rome par les Danois et les Hongrois se prolonge durant trois ans - Clovis rentre en France après avoir conquis la Germanie jusqu'à Nurenberg (453-455)

* Alaric, après avoir été couronné roi d'Espagne et des Goths, part à l'aide de l'empereur romain assiégé dans Rome par les Danois et les Hongrois - Combats - Sortie des Romains - Victoire finale des assiégeants - L'empereur retourne s'enfermer dans Rome et Alaric regagne l'Aquitaine avec ses hommes (455)

* D'Aquitaine, Alaric demande à Gondebaud, roi de Bourgogne, de l'aider contre les Romains - Devant son refus, il pénètre en Bourgogne avec ses Aquitains, bat les Burgondes et tue Gondebaud - Mais le fils de ce dernier, Alardin, contre-attaque et repousse Alaric - Celui-ci va alors conquérir l'Auvergne, y place des hommes à lui, puis rentre en Aquitaine (456)

* Les Francs, soucieux de nouvelles conquêtes, songent à l'Allemagne - Le fils de Gondebaud, Alardin, vient se plaindre auprès de Clovis du sort que lui a réservé Alaric - Clovis lui donne en fief le royaume de Bourgogne, puis il part faire des conquêtes en Allemagne (456-457)

* Les Danois et les Hongrois s'emparent de Rome - Mort de l’empereur Marcien - couronnement de l'empereur Léon (457)

 

 

II, p. 154-159, en 457-461

* Clovis conquiert les duchés de Bavière et de Souabe - Les ducs demandent des renforts de tous côtés, signalant la dangerosité de Clovis - Les seigneurs ainsi alertés décident de se rassembler en Saxe - Pendant ce temps, Clovis conquiert la Hollande et la Zélande, puis part pour la Saxe, où il trouve réunies des forces venues de diverses régions d'Allemagne et totalisant au moins 200.000 chevaliers - Jean d'Outremeuse donne à toutes ces forces alliées le nom d'Alamans

* Les combats, rapportés sur le mode épique, sont extrêmement difficiles - Ils durent toute la journée et les Francs semblent vaincus - Heureusement la nuit arrête les combats - Une partie des forces de Clovis déserte - Au matin, la bataille reprend mais les Francs sont en très mauvaise position (459)

* C'est alors qu'à l'instigation du prévôt Élinus, Clovis promet de se faire baptiser au Dieu de Clotilde - Un ange apporte au roi un écu aux trois fleurs de lys et un oriflamme - À la vue de ces objets, c’est la débandade générale des ennemis de Clovis (459)

* Leurs chefs, faits prisonniers, ne sont libérés qu'après avoir consenti à remettre leurs terres à Clovis et à les tenir désormais de lui - Clovis rentre victorieux dans son palais de Lutèce le 11 mai 460 - Avec cette dernière victoire, il avait ajouté à ses terres huit royaumes et trois duchés - Remarques finales sur les mobiles de Clovis (457-460)

* Le baptême de Clovis à Reims : Clotilde apprend la conversion du roi et remercie Dieu - Elle explique à son époux ce à quoi il s’engage - Clovis est alors baptisé à Reims par saint Remi - Une colombe apporte le saint chrême oublié - Clovis ne change pas de nom (460)

* Conséquences et suite du baptême de Clovis : les rois de France seront désormais sacrés à Reims, décision que confirme le pape Léon Ier - Clovis est bien accepté par l’empereur romain d’Orient - On célèbre à Lutèce ses nouvelles noces - Clovis se montre généreux envers l'église de Reims (460-461)

 

 

Une autre mention se trouve en II, p. 157, dans une notice rapportant les événements de 459. Elle concerne également, sans beaucoup de détails, une série de victoires :

[II, p. 157] [Le roi franc remporta la victoire contre ses ennemis] Alors il rangea ses hommes et courut sus à ses ennemis. Et là, Dieu se manifesta par un miracle ; car, dès que les Alamans virent l’oriflamme et l’écu, ils ne purent ni se défendre ni se porter secours, tandis que les Francs les abattaient comme des bêtes. Effrayés, tous les ennemis se mirent alors à fuir. Le roi Ogier de Hongrie, le roi Julien de Danemark, son oncle, le roi Hirtans de Saxe, le roi Hébron de Pannonie, le roi Gontran de Bulgarie, le roi Hector de Brandebourg et onze cents chevaliers furent faits prisonniers. Au moins quatre-vingt-mille hommes périrent. Les autres s’enfuirent, tellement effrayés qu’ils croyaient que tous les hommes du monde entier étaient avec les Francs. Ainsi cette défaite voulue par Dieu, se passa en juin de l’an 459.

Leurs chefs, faits prisonniers,  ne seront libérés qu'après avoir consenti à remettre leurs terres à Clovis et à les tenir désormais de lui. Dans cette liste, on retrouve avec un certain plaisir le roi Ogier de Hongrie et le roi Julien de Danemark.

 

 


 

 

1. Les empereurs + les patrices de Rome (Engésion)

 

Dans l'histoire, Arcadius (377-408), fils de Théodose Ier, est le premier empereur d’Orient

 

ÉVÉNEMENTS EXTRAORDINAIRES

 

1. Des siamois en Judée (396)

2. La foudre tombe à Rome, abîmant notamment des statues faites par Virgile ainsi que sa balance) (393)

3. En 410, une période de grande gelée dura de la fête de saint André [30 novembre] jusqu’au 12 février suivant.

4. En 411, une grande tempête frappa la cité de Constantinople et abattit une grande partie du palais impérial ; c’est là que mourut l’impératrice [Eudoxie], épouse d’Arcadius, empereur à la fois de Rome et de Constantinople. C’est sur l’ordre de cet empereur que saint Jean Chrysostome avait été exilé. (cfr II, p. 105 et II, p. 144)

 

QUID DE LA MAUVAISE RÉPUTATION DES GENS DE MAASTRICHT (p. 119, après les événements de Tongres et la prise de la ville)

 


 

LES QUESTIONS RELIGIEUSES

 

1. Les papes et leurs réalisations (notamment les ordonnances), d'Anastase Ier [399 à 401 de notre ère] à Gélase [492-496 de notre ère]

 

Saint Sirice, pape de 384 à 399 de notre ère (cfr fichier précédent) (Mommen, XL, p. 85-86)

* II, p. 95 :  en 384 Inc, mort du pape Damase qui fut enseveli dans l’église Saint-Pierre - remplacé par Sirice.

* II, p. 95 : L’an 387 Inc, l’empereur Théodose, avec l’accord du pape Sirice, rassembla un concile de 150 évêques à Constantinople. C’est là que fut condamné Macédonius (cfr II, p. 88), qui refusait de croire que le Saint-Esprit était Dieu. Ce concile ordonna et confirma que dorénavant l’évêque de Constantinople serait le souverain du monde chrétien, après le pape de Rome.

* II, p. 95 et 96 :  Cette année-là (387 Inc suite de la notice précédente) , le pape ordonna que tous les gens qui avaient été [II, p. 96] séduits par une hérésie et voulaient retourner à la vraie foi catholique ne se heurtent pas à un refus, mais soient reçus dans la Sainte Église, sans nouveau baptême, s’ils étaient vraiment repentants (Cfr Martin, Chronique, p. 417, l. 16-19).

* II, p. 102 : Épisode de Thessalonique et de Théodose (390 Inc) "[Le concile de Rome et la pénitence de l’empereur pour son crime] L’empereur Théodose revint ensuite à Rome. Mais quand le pape (qui pour JOM devait être Sirice) apprit ce qui s’était passé, il réunit en concile à Rome tous les évêques et prélats de l’empire, en expliquant aux participants pourquoi l’empereur avait ainsi persécuté les chrétiens."

* II, p. 107 : Mort du pape Sirice remplacé par le pape Anastase (399 Inc) (II, p. 107)

 

Saint Anastase Ier (pape de 399 à 401 de notre ère) (Mommsen, XLI, p. 87)

* Mort du pape Sirice remplacé par le pape Anastase (399 Inc) (II, p. 107)

* Ordonnance du pape Anastase (401 Inc) (II, p. 108) : intégrité physique nécessaire pour tout futur clerc

* Ordonnances du pape Anastase (403 Inc) (II, p. 110) : on reste debout à la lecture de l'Évangile - quelqu'un venant d'outre-mer ne peut être reçu comme clerc et ordonné que s'il présente des lettres scellées émanant de l’évêque de son diocèse d’origine

* Quid du Concile d'Alexandrie condamnant Origène défendu par saint Jérôme (404 Inc) (II, p. 113)

* Eglise et couvent à Rome qui portent le nom du pape Saint Anastase Ier (I, p. 79 et 85)

* Mort de saint Anastase en 405 Inc

 

Saint Innocent Ier (pape de 401 à 417 de notre ère) (Mommsen, XLII, p. 88-90)

* Mort du pape Anastase à qui succède saint Innocent I (405)

* Décision : baiser de paix à la messe, sauf lors d’une messe de requiem (407 Inc) (II, p. 116)

* Décision : réunion d'un concile en Bretagne, condamnant Pélage et ses complices Célestius et Julien (407 Inc) (II, p. 116)

* Décision : imposition du jeûne le samedi (408 Inc) (II, p. 116))

* Décision : l'huile servant à l'onction des malades doit être consacrée par un évêque (409 Inc) (II, p. 117)

* Avec l'empereur Honorius, il arrête les Goths du roi Géralant, fils d’Alaric, qui attaquent Rome (415 Inc) (II, p. 123)

* sa mort et son ensevelissement dans le cimetière de Saint-Calixte - remplacé par saint Zosime (416 Inc) (II, p. 124)

 

Saint Zosime (pape de 417 à 418 de notre ère) (Mommsen, XLIII, p. 91)

* élection de Zosime pour remplacer saint Innocent (416 Inc) (II, p. 124)24)

* décrets de Zosime (419 Inc) (II, p. 126) (a) aucun serf ou suspecté de servage ne peut être clerc ; (b) aucun clerc ne peut vendre du vin ou des boissons ; (c) la veille de Pâques, un cierge de cire doit être consacré dans les églises

* mort de Zosime et consécration de saint Boniface Ier comme pape (419 Inc) (II, p. 126)

 

Saint Boniface Ier (pape de 418 à 422 de notre ère) (Mommsen, XLIV, p. 92-93) --  Quid d'Eulalius, une sorte de concurrent. Eulalius vero ordinatur in basilica Constantiniana, Bonifacius autem in basilica Iulia : Liber Pontificalis, Mommsen, p. 92-93 ? Intervention concertée de Placidia Augusta avec son fils Valentinien à Ravenne et Honorius à Milan (tjs pour Mommsen) -- un synode de 52 évêques dépose Eulalius, installe Boniface à Rome et envoie Eulalius comme évêque en Campanie (tjs pour Mommsen) -- Rien de cet incident chez JOM, semble-t-il. R En tout cas, pas d'Eulalius dans l'index Bormans ?

* consécration de saint Boniface Ier comme pape pour remplacer Zosime (419 Inc) (II, p. 126)126)

* décrets de Boniface (422 inc)  (II, p. 126) : aucune femme, même religieuse, ne peut toucher les objets sacrés de l’autel, ni faire le service de l’encens.

* mort de Boniface, remplacé par saint Célestin Ier (423 Inc) (II, p. 127)

 

Saint Célestin Ier (pape de 422 à 432 de notre ère (Mommsen, XLV, p. 94-95)

* consécration de Célestin Ier comme pape pour remplacer Boniface (419 Inc) (II, p. 126)

* ordonnance de Célestin (423 Inc) (II, p. 128) : ordonnance portant sur la composition de la messe (introït, verset de psaume, graduel, alléluia, offrandes et postcommunions). [assez différent de Martin, s.v° Celestinus]

* les Huns défaits par son intercession (427 Inc) (II, p. 132) : le pape (non nommé, mais c'est Célestin pour JOM) intercède pour que Dieu sauve Rome assiégée par les Huns d'Attila

* Incendie de Rome éteint par son intercession (431 Inc) (II, p. 133) : un incendie dévastait une grande partie de Rome. "Le pape Célestin organisa une belle procession, chanta très dévotement les litanies et le feu s’éteignit."

* Célestin envoie saint Patrice en Ecosse comme archevêque (432 Inc) (II, p. 134)

* sa mort et son ensevelissement dans le cimetière de Saint-Calixte, remplacé par Sixte III (432 Inc) (II, p. 134)

 

Saint Sixte III (pape de 432-440) (Mommen, XLVI, p. 96-100 - conflit avec un certain Bassus !!! dans lequel interviennent l'empereur Valentinien et sa mère Placidia) (Sixte III - Saint du Jour) Sixte après un an et demi de pontificat est accusé par Bassus d'avoir violé une vierge consacrée Crysogenis; il est blanchi par un synode et Bassus excommunié. Sixte s'occupera beaucoup de Bassus sur son lit de mort. Bassus est appuyé par Marinianus qui a aussi des problèmes de communion - Bassus et Marianus ne sont pas repris dans l'index Bormans )

 

* élu comme pape (432 Inc) en remplacement de Célestin (432 Inc) (II, p. 134)

* décret touchant les clercs (436 Inc) (II, p. 135) : aucun clerc ne doit être promu aux ordres dans un autre diocèse que le sien

* il envoie un certain Léon convertir la Perse (personnage non identifié : l'empereur Léon dixit Bormans), mais sans grand succès (438 Inc) (II, p. 137-138)

* mort de Sixte III enseveli dans l'Eglise de St-Marie-Majeure, qu'il avait édifiée (440 Inc) - remplacé par Léon Ier (II, p. 139)

* son corps déposé dans l'Eglise Saint-Pierre (849 Inc) (III, p. 318) : "à l'entrée de l'Eglise Saint-Pierre, à la porte d'airain, le pape Pascal (Ier ?, mais pape en 817-824 de notre ère) fonda un autel devant lequel il mit le corps de saint Sixte".

 

Saint Léon ler Grand (pape de 440 à 461 de notre ère  / de 440 Inc à 462 Inc) (à l'époque de l'empereur Marcien ?)

* choisi comme pape pour remplacer Sixte III  (440 Inc) (II, p. 139)

* en 441 Inc, expliqua longuement la Sainte Écriture et ajouta beaucoup de textes au saint canon de la messe (II, p. 139)

* il envoie en Bretagne, pour mettre fin aux hérésies, saint Germain, évêque d'Auxerre, et saint Loup, évêque de Troie (447 Inc) (II, p. 145)

* il convoque le concile de Chalcédoine pour condamner plusieurs hérésies nouvelles (Eutychès, abbé de Constantinople, et Dioscure, évêque d’Alexandrie (452 Inc) (II, p. 151)

* le pape Léon confirme volontiers à Rome l'ordonnance de Clovis selon laquelle les rois et reines de France seraient dorénavant sacrés par l’archevêque de Reims (460 Inc lors du baptême de Clovis) (II, p. 159)

* Mort de Léon Ier, enseveli dans le cimetière de Saint-Calixte (462 Inc) et remplacé par Hilaire  (II, p. 160)

* son corps transporté à Wincheberch Ostenfranc par le pape Serge [pape 687-701 de notre ère] (680 Inc) (II, p. 376-377)

* ciboire exécuté par lui (IV, p. 339)

* son autel dans l'église Saint-Pierre à Rome (I, p. 74)

*Jean VIII envoie un de ses bras à Soissons (IV, p. 90)

 

saint Hilaire (pape de 461 à 468 de notre ère)

* Hilaire remplace comme pape Léon Ier le Grand (462 Inc) (II, p. 160) [Il est censé (dit le lemme : fist mult di ordinanches) avoir fait beaucoup d'ordonnances, mais JOM n'en donne guère].

* en son temps, il ajout au saint canon (de la messe) immaculatam hostiam sanctum sacrificium (II, p. 160)

* il se coupe la main pour se punir d'une tentation charnelle - miracle de Notre-Dame qui lui rend sa main (II, p. 160)

* À son époque le quatrième synode ou concile de Chalcédoine réunit six cent trente évêques. Lors de ce concile furent condamnés Eutychès, abbé de Constantinople, et Dioscore, évêque d’Alexandrie. Nestorius aussi fut une nouvelle fois condamné pour ses erreurs - lors de ce concile, à la demande même du pape, saint Pierre corrigea une épître qu'Hilaire avait écrite contre les hérésies (II, p. 160-161)

* Ordonnance (464 Inc) (II, p. 164) : un évêque ne pourra plus désigner lui-même son successeur à la tête de son évêché

* Il meurt en 467 Inc  - il est enseveli à l’église Saint-Laurent, où il avait édifié des bains et un monastère - Il est remplacé la même année par le pape saint Simplice [pape de 468 à 483 de notre ère] (II, p. 165)

 

Saint Simplice (pape de 468 à 483 de notre ère)

* Simplice remplace Hilaire comme pape en 467 Inc (II, p. 165)

* Il bâtit à Rome l'église Saint-Étienne en 474 Inc (II, p. 170)

* Les institutions qu'il installe en 475 Inc (II, p. 170) : il décide que chaque semaine sept prêtres seront présents dans l’église Saint-Pierre et Saint-Paul, pour confesser et baptiser les pénitents. Il crée aussi cinq régions qui se partagent les prêtres de la cité.

* Ordonnance papale (II, p. 172) : En 481 Inc, le pape défend à tout clerc d’accepter investitures ou autres bénéfices de personnalités laïques ou de patrons séculiers.

* Sa mort (II, p. 172) Il meurt en 482 Inc et est enseveli dans l’église Saint-Pierre, près de la tombe de Pierre. Il est remplacé par le pape Félix III (pape de 483 à 492 de notre ère)

 

Saint Félix III (pape de 483 à 492 de notre ère)

* Félix III remplace le pape Simplice  (482 Inc) (II, p. 172)

* En 483, le pape Félix condamna Pierre, l’évêque d’Alexandrie, pour ses nombreuses hérésies (II, p. 174)

* En 484, le pape Félix  fit construire et consacra l'église Saint-Agapit à Rome (II, p. 174)

* En l’an 486, le pape Félix ordonna que toutes les églises que l’on construirait dorénavant soient consacrées par l’évêque du diocèse dans lequel elles seraient fondées (II, p. 174)

* Ordonnance :  Félix avait aussi ordonné (pas de date) qu’un homme, cité ou accusé devant n’importe quel juge ecclésiastique, devait bénéficier d’un délai pour qu’il puisse personnellement se préparer à répondre à ce dont on l’accusera. Il fallait aussi que l’accusateur et le juge ne soient pas suspects. (II, p. 179)

* Mort et ensevelissement : En 491 Inc, Félix III meurt et est enseveli dans l’église Saint-Paul à Rome. Il est remplacé par le pape Gélase Ier (II, p. 179)

 

Saint Gélase Ier (pape de 492 à 496 de notre ère)

* ancien évêque de Carthage, nommé pape en 491 Inc pour remplacer Félix III (II, 179)

* ses décrets/ordonnances (II p. 181-182) : En 494 Inc, il "ordonna que l’on dise à la messe les collectes, les oraisons et le tractus ; [II, p. 182] il composa aussi quantité d’oraisons, de tractus et d'hymnes magnifiques, comme le fit saint Ambroise (Martin, Chronique, Gélase). Il prescrivit également d'ajouter à la préface de la messe : Vere dignum et justum est (Martin, Chronique, Gélase).

* Il meurt en 499 Inc et est remplacé par Anastase II (II, p. 186)

 


* II, p. 186: Du vivant de saint Gélase, on découvrit la crypte du mont Saint-Michel sur laquelle on construira la grande église = Vincent Beauvais, XXI, 102, citations de

Hugo floriacensis (Hugues de Fleury, mort vers 1130), "Eo tempore cathedre *romane ecclesie *Gelasio papa presidente facta est inventio sancti *Michaelis archangeli, in *Gargano monte, sub *Zenone imperatore, anno incarnationis dominice quadrigentesimo LXXIo."  (471 Inc)

et de Ex hystoria eiusdem memoria (Michael archangelus)

Est enim locus in *Campanie finibus, ubi inter sinum *adriaticum et montem *Garganum, civitas *Sepontus sita est, in qua fuit predives quidam nomine Garganus, qui ex eventu suo monti vocabulum indidit. Huius peccora dum per devexi montis latera pascerentur, contigit taurum gregis spernentem consortia, singularem incedere solitum, et ad extremum redeunte pecore domum non esse regressum, quem cum dominus cum servis per devia queque requireret, invenit tandem in vertice montis foribus spelunce cuiusdam assistere, itaque permotus eo quod solivagus incederet, correpto arcu appetit illum sagitta toxicata, que velut venti flamine retorta eum, a quo missa est, percussit. Turbati cives et stupefacti, nec audentes propius accedere, consuluerunt episcopum quid facto opus esset. Qui indicto triduano ieiunio a deo monuit esse querendum. Quo peracto sanctus *Michael archangelus domini apparuit episcopo per visionem dicens: Ego sum *Michael, qui in conspectu domini semper assisto, locumque hunc in terris incolo, et hoc volui probare indicio videlicet hominis suo telo percussi, me omnium que ibi geruntur, ipsius quoque loci inspectorem esse atque custodem. Hac revelatione comperta consuetudinem fecerunt hic dominum precibus et sanctum *Michaelem deposcere. Nec tamen ultra criptam preruptam intrare audebant, sed pro foribus cotidie orationi vacabant. Est igitur in loco illo ecclesia, ipsius archangeli et opere condita et nomine consecrata. Hanc enim ad promerendam mortalibus ibi supernorum civium societatem propria manu condere dignatus est, vertice siquidem montis excelsi posita, de corpore eiusdem saxi instar spelunce precavata ostenditur. Ibi cum *Neapolite paganis adhuc ritibus oberrantes, se *pontinos temptarent bello lacessere, illi antistitis sui monitis edocti, triduo petunt inducias, ut triduano ieiunio liceret sancti *Michaelis implorare presidium. Ecce iam nocte qui belli diem precedebat, adest in visione sanctus *Michael, antistiti preces dicit exauditas, victoriam affuturam spondet, et quarta hora diei hostibus occurrendum premonet. Quod cum fieret in primo belli paratu *Garganus immenso tenore concutitur, fulgura crebra volant, et caligo totum montis cacumen obducit, impleta prophetia que dicit: Qui facit angelos suos spiritus, etcetera. Fugiunt pagani partim ferro hostium, partim igniferis impulsi sagittis, *Neapolim usque cedentibus adversariis. Menia tandem urbis sue moribundi subintrant.

 

Très curieux lemme: L’invention sainte crois del cripte Sains-Michiel]


À Chypre, près de Salamnine, le corps de saint Barnabé caché dans une crypte, qui avait avec lui l’évangile de saint Matthieu écrit en hébreu de la propre main de saint Mathieu (II, p. 186) (Martin, Chronique, Gélase).

Vincent de Beauvais, citation XXI, 103 de Sigebert de Gembloux

DE INVENTIONE SANCTI *BARNABE ET VIRIS ILLIUS TEMPORIS ILLUSTRIBUS CIII.

Sygibertus ---

EEo tempore *Barnabas apostolus qui apud *Salaminam *Cypri a *Barien mago, et a *Iudeis, pro *Christo igne crematus est, corpus suum, quod a *Iohanne *Marcho consobrino suo in cripta occultatum adhuc latebat, revelatione sua inveniri fecit. Cum quo etiam ewangelium *Mathei, ipsius *Mathei manibus *hebrayce scriptum, quod erat simul reconditum invenitur. Quod ewangelium ipse *Barnabas ex doctrina apostolorum secum semper ferre solebat, et ubicumque inveniebat infirmos, ponebat illud super illos, et tam fide *Barnabe, quam merito *Mathei omnes sanabantur.

 

 Hoc quoque tempore floruerunt in *Gallia sanctus *Remigius *remensis episcopus, et etiam sanctus *Principius frater sancti *Remigii *suessionensis episcopus, et sanctus *Avitus *viennensis episcopus, qui *Gallias ab *arriana herese defendit. Hic metrice de conditione mundi libros composuit. Sanctus quoque *Sollempnis *carnotensis episcopus claruit, qui in predicando *Francis *Christum non segniter institit. In *Affrica *Fulgentius episcopus *ruspensis, in *ytalia *Germanus *capuanus et *Epiphanius *ticinensis.

 


 

* "Ledit pape Gélase donna principalement à l’église le canon ordonné (de la messe") Lydit pape Gelasius donnat principalment al engliese le canon ordineit (II, p. 186). Qu'est-ce que cela veut dire ?

 


 

2.. Les évêques de Tongres : Agricola et Ursin Les évêques de Tongres

À Tongres, mort de l’évêque Agricola (onzième évêque) et élection d’Ursin (douzième évêque) (401)

 


 

3. Les conciles

 

 

A propos du pape (Sirice, II, p. 95, p. 102 et p. 107 - pape de 384 à 399 de notre ère) et de l'affaire de Thessalonique où était impliqué Théodose Ier - Concile et synode

La désignation de Sirice en II, p. 95 pour remplacer le pape Damase (l'index Bormans parle aussi, à propos de II, 95, d'une réunion d'un concile à Constantinople, et de statuts, mais ce doit être une erreur). -- Second renvoi à II, p. 102, avec la mention de Bormans : "il réunit un concile à Rome." Ce qui fait allusion au texte de JOM : " Quand le pape apprit le massacre ordonné par Théodose I [en 390 de notre ère), il réunit en concile à Rome tous les évêques et prélats de l’empire, en expliquant aux participants pourquoi l’empereur avait ainsi persécuté les chrétiens (II, p. 102). -- Dernière mention chez Bormans : il meurt II, p. 107.

Il doit y avoir une erreur à propos de ce concile qui aurait été réuni à Rome par le pape sur l'épisode de Thessalonique (qui est Sirice dans le récit par Jean de l'épisode de Thessalonique) (II, p. 101). Il semble en effet que ce soit Ambroise de Milan qui ait joué le grand rôle dans cette affaire et non pas le pape Sirice. Ce dernier, par ailleurs, durant son pontificat, a réuni plusieurs conciles importants. Wikipédia en signale deux à Rome (386 et 392), et un à Capoue (392). Ils n'ont rien à voir avec l'épisode de Thessolonique. Ceux de Rome concernaient, le premier, la nécessité d'une enquête préalable sur les candidats aux ordres, le second, condamnait le moine Jovinien, qui niait la virginité de Marie, et récusait la vie de célibat et de chasteté. Par ailleurs, la condamnation de Théodose n'a (je crois) pas été décidée dans un quelconque concile.

A voir sur le pape Sirice la notice de Martin, Chronique, p. 417, l. 15-33, Weiland. Elle fait bien mention d'un important synode (315 évêques !!!) que Sirice aurait réuni, mais c'était à Constantinople (!!!). Par ailleurs cette notice parle de saint Jérôme et de ses traductions, de Rufin d'Aquilée, de la matrone Paula et de sa fille à Jérusalem, du moine Arsène de Rome: ex senatore factus monachus et qui per 40 annos in heremo vixit, et d'un enfant à eux à deux poitrines et deux têtes, et enfin de Jean Chrystostome. Une addition traite d'Orose, d'une ordonnance pontificale et de sa sépulture.

 

Concile d’Alexandrie : Origène, défendu par saint Jérôme ? (404)

 - II, p. 113  Origène + CONCILE d'Alexandrie[en fait, c’est au concile de Constantinople en 553 qu’ont été condamnées certaines idées tirées de ses écrits, sous le nom d’origénisme (Larousse)]

 

Concile de Bretagne condamnant l’hérésie de Pélage (407) Voir art. Pélagianisme Wikipédia (apparemment erreur de parler d'une concile de Bretagne)

 


 

4. Les saints et personnages religieux importants

Théodose I est mort en 395 de notre ère. Il a régné de 379 à 395

II, p. 105 : Canonisation de Jean Chrysostome, archevêque d'Antioche (en 394 Inc). Voir la suite II, p. 119 et II, p. 144, ainsi que les notes de  II, p. 138b-160aN

II, p. 106 : "Le 5 mai de cette année-là [397], l’empereur Théodose Ier mourut dans la cité de Milan. Il fut transféré la même année à Constantinople. Au temps de Théodose jouissait d’une grande autorité  à Rome Arsène, qui fut fait moine alors qu'il était sénateur. Saint Jérôme traduisit l’Ancien Testament et toute la Bible de l’hébreu en latin."

Cfr Martin, Chronique, p. 453 (à propos de Théodose I) : Sub isto transtulit Iheronimus novum et vetus testamentum. Ambrosius post Hylarium hymnos composuit. Arsenius Rome claret factus ex senatore monachus. Augustinus cum esset Manicheus ad fidem convertitur.[...] Cuius corpus eodem anno in Constantinopolim translatum est.  Apparaissent dans les notices de Jean  la mention de saint Jérôme traducteur, du moine Arsène, ancien sénateur et du transport à Constantinople du corps de Théodose (mais Martin ne parle pas à cet endroit de sa mort à Milan)

II, p. 106 : Prestige à Rome du moine Arsène (en 397 Inc), appelé Arsenius le Romain, ou Arsène de Scété [Arsène de Scété — Wikipédia (wikipedia.org)]. Né dans une famille sénatoriale de Rome, Arsène fut probablement ordonné diacre par le pape Damase Ier (366-384). Sur la recommandation du souverain pontife, il est appelé vers 383 à la cour de l'empereur Théodose Ier le Grand (379-395), à Constantinople, pour y devenir le précepteur de ses fils, Arcadius et Honorius. Onze ans plus tard, Arsène se retire pour mener une vie d'anachorète sur le mont Scété dans le désert de Libye.

 

cfr aussi  <ARSÈNE - Encyclopædia Universalis>, dont voici le texte :

 

Moine d'Égypte né vers 354 à Rome et mort vers 455 à Toura dans le désert de Scété, saint Arsène aussi appelé Arsenius le Romain, est réputé pour son ascétisme parmi les ermites chrétiens du désert de Libye. Ainsi compté au nombre des fameux Pères du désert, il servit de modèle au développement de la vie monastique et contemplative dans la chrétienté d'Orient comme d'Occident. Saint Arsène est honoré par l'Église orthodoxe grecque et l'Église syro-maronite (une des Églises catholiques d'Orient). Il est fêté le 19 juillet.

Né dans une famille sénatoriale de Rome, Arsène est probablement ordonné diacre par le pape Damase Ier (366-384). Sur la recommandation du souverain pontife, il est appelé vers 383 à la cour de l'empereur Théodose Ier le Grand (379-395), à Constantinople, pour y devenir le précepteur de ses fils, Arcadius et Honorius. Onze ans plus tard, Arsène se retire pour mener une vie d'anachorète sur le mont Scété dans le désert de Libye. Peu de temps après, il est forcé de fuir à Toura, près de l'ancienne Memphis en Égypte, pour échapper aux incursions dévastatrices de tribus libyennes barbares [...].  Après une odyssée d'une quinzaine d'années à travers les étendues sauvages de l'Égypte, il finit sa vie dans le désert de Scété. On dit que celle-ci dura plus de cent ans. Sa silhouette haute et émaciée, décrite par son biographe et disciple, Daniel, conforte sa réputation d'ascète. Les historiens byzantins et les écrits monastiques lui attribuent plusieurs maximes et sentences, dont une bonne partie se trouve consignée dans l'anthologie du Ve siècle des apophtegmes des Pères du désert (Apophthegmata patrum). Parmi ses œuvres principales, se trouve le Didaskalia kai parainesis (« Enseignement et sermon »), un guide à l'intention des moines qui atteste, selon les historiens spécialistes du VIe siècle, de sa condition d'abbé ou de chef spirituel d'une communauté religieuse. Ses commentaires de l'Évangile selon saint Luc, Eis ton peirasten nomikon (« De la tentation de la loi »), constituent de fait un traité sur l'ascétisme et la vie contemplative. Ces textes sont rassemblés dans la collection patristique Patrologia Graeca, vol. 65-66 (1857-1866), éditée par l'abbé Migne.

 

II, p. 106 : à l'époque de Théodose I (397 In) vivait saint Jérôme  "qui traduisit l’Ancien Testament et toute la Bible de l’hébreu en latin".

Docteur de l'Église, né à Sridon en Dalmatie vers 347 et mort à Bethléem en 420. Établi à Bethléem en 385, il s'y consacra à l'érudition jusqu'à sa mort. Sa traduction latine de l'Ancien Testament est devenue la Vulgate (Larousse).

JOM en parle  à de nombreuses reprises dans le Myreur : I, p. 3, 309, 344, 361, 445, 473. Il juge les livres d'Origène (II, p. 11, 14-15). Il fait régler la façon de lire les Psaumes (II, p. 83). Il continue la chronologie des papes de saint Eusèbe (II, p. 86). Il traduit la Bible en latin (II, p. 87 et II, p. 106). Il corrige les écrits d'Origène (II, p. 113). Allusion à ses oeuvres (II, p. 114 et 127). Il meurt à Bethléem (II, p. 126) et est enseveli à la place où fut la crèche de l'enfant Jésus (I, p. 344) [Index Bormans].

Développements assez importants sur son attitude à l'égard d'Origène (II, p. 113) qu'il défend au Concile d'Alexandrie où celui-ci fut  condamné ; sur sa mort à Bethléem en II, p. 126 qu'il mentionne à la date de 422 ; il fait état à cette occasion de l'importance et de la durée (56 ans) de ses travaux d'érudition ainsi que du respect qu'avait saint Augustin pour son oeuvre.

[II, p. 114] À la date de 405 Inc, Jean note la mort du pape Anastase "deux jours avant mai" et il en profite pour signaler "qu'à l’époque de ce dernier, saint Jérôme composa à Bethléem son livre sur les hommes illustres, c’est-à-dire les hommes célèbres". En fait ce De viris illustribus fut publié en 393 alors que Jérôme est établi à Bethléem. Il y  recense tous les écrivains chrétiens de l'apôtre Pierre jusqu'à lui-même, proposant 135 notices de longueur inégale sur 102 écrivains grecs et 33 latins.

Rassembler les notices les plus significatives sur saint Jérôme ?

 

II, p. 110 : Mort de saint Martin de Tours (402 Incarnation) [évêque de Tours de 316 à 397 de notre ère]

Saint Martin, évoque de Tours, II, 53-54 ; né en Pannonie, 62 ; chevalier ; il devient disciple de saint Hilaire, 77 ; il donne la moitié de son manteau ; moine à Milan ; consacré évêque ; ses miracles, 85 ; sa réputation, 87 ; il meurt, 110 ; sa vie écrite par Sulpice Sévère, 119 ; plaisanterie de Clovis à son sujet, 165 ; dévotion de Clotilde pour ce saint, 174, 176 ; sa vie écrite par Venance, 260 ; son corps transporté à Orléans, puis à Auxerre, IV, 84 ; ses miracles attribués à Saint Germain, 96 ; il apparaît, avec saint Brice, à l'évêque de Liège Éracle et le guérit, IV, 125 ; Éracle lui dédie une église à Liège, 126 ; on lui dédie une église à Paris, 251 ; église Saint-Martin à Rome, I, 64-81 [Éracle fut évêque de Liège de 959 à 971 et abbé de Lobbes de 959 à 960 ; il est le prédécesseur de Notger]e prédécesseur de Notger]

 

II, p. 110 : Saint Brice, son successeur, rencontre des problèmes : il est accusé d'adultère, on lui attribue un enfant. Dans la chronologie commune, Brice qui succède à Martin en 397 meurt en 444. "Calomnié, chassé, puis réintégré, II, p. 110". Il apparaît, avec saint Martin, à l'évêque de Liège, Éracle, IV, p. 125.

Sur saint Martin et saint Brice : cfr Grégoire de Tours, (Latouche), tome I, p. 74-76 = livre II, ch.1 ; tome II, p. 317-318 = livre X, ch. 31]

 

II, p. 110 : saint Sévère, archevêque de Cologne. "Disciple de saint Martin, dont il écrit la vie (II, 93, 110, 119)" (index Bormans)

 

II, p. 116 : saint Basile

[Les saints Basile et Alexis] À cette époque [448 Inc] vivait à Rome un saint homme, à la vie exemplaire, nommé Basile, qui était évêque de Césarée en Cappadoce. Cette année-là aussi quitta Rome un saint homme, du nom d’Alexis. Il était fils d’Euphémien, un sénateur de Rome.

[Basile de Césarée, dit Basile le Grand (329-379 de notre ère), considéré avec son frère Grégoire de Nysse et avec Grégoire de Nazianze comme l'un des trois « Pères cappadociens »]

 

II, p. 116-117 : saint Alexis VIE DE SAINT ALEXIS

"À cette époque aussi [448 Inc] quitta Rome un saint homme, du nom d’Alexis. Il était fils d’Euphémien, un sénateur de Rome."

Martin, Chronique, p. 417, l. 45-46, dans la noticesur Innocent Ier introduit une petite note sur le personnage : Floret Alexius Rome, nobilissimi Romani Eufemiani nomine filius, qui primus in palacio imperatoris fuit. Rien de plus.

Sur la Vie de saint Alexis, voir par exemple <https://viechretienne.catholique.org/saints/2752-saint-alexis> ou Dictionnaire des œuvres, VI, Vie de saint Alexis). Jean d'Outremeuse signale une église qui lui est dédiée à Rome (en I, p. 83) et une montagne qui porte son nom à Rome (I, p. 60):

"[p. 60] [Les monts de Rome] Les plus hauts monts de Rome sont les suivants : le mont Aventin, appelé Sainte-Sabine ; le mont de Cavals, dit de Saint-Alexis ; le mont Saint-Étienne ; le mont du Capitole ; le mont du Grand Palais ; le mont de Sainte-Marie Majeure ; le mont Rivelais, où Virgile fut hissé dans la corbeille."

 

II, p. 119 : En 410 Inc,  naissance de saint Remi, le futur archevêque de Reims, un personnage qui aura beaucoup d'importance (baptême de Clovis).

Jean avait déjà évoqué, en I, p. 200, son évangélisation de Reims. Il signale ici sa naissance en l'an 410 de l'Incarnation (il est né à Laon vers 437 de notre ère), en II, 147 (son sacre d'archevêque de Reims) et en II, p. 149 son titre.

II, p. 147 : "[Saint Remy de Reims] En l’an 448 Inc, saint Remi fut sacré archevêque de Reims ; il était âgé exactement de trente-huit ans". On notera la précision. En fait, dans l'Histoire, il est devenu évêque de Reims en 459 de notre ère.

II, p. 149 : évocation de son titre.

Jean parle encore de lui en II, p. 159 (baptême de Clovis), en II, p. 165 (il fonde un évêché à Laon) et en II, p. 224 (il meurt âgé de 125 ans).

"II, p. 224 : [Le trépas de saint Remi] Cette année-là (522 Inc) trépassa de ce siècle saint Remi, archevêque de Reims, qui baptisa le roi des Francs Clovis ; il était âgé de cent vingt-cinq ans, et avait très saintement occupé le siège de Reims pendant soixante-seize ans."

(Remi de Reims v. 437 de notre ère - v. 530 de notre ère, en gros donc 97 ans, contre 125 ans pour Jean d'Outremeuse)

(Inexactitude chez Jean pour la durée de son règne : de 448 Inc à 522 Inc, il faut compter 74 et non 76 ans)

 

II, p. 119 :

En 410 aussi fut rédigée la vie du glorieux confesseur saint Martin de Tours, par un de ses disciples, nommé [Sulpice] Sévère. "Un temps égaré par les hérésies de Pélage, il revint à la foi de la sainte Église. Pour se punir de son erreur il fit pénitence et, depuis ce moment, plus aucune parole jamais ne sortit de sa bouche ; en gardant le silence, il répara le mal qu’il avait fait en parlant inconsidérément."

Sévère, hérétique repenti, écrit la biographie de saint Martin de Tours. Le cas de Sévère rappelle mutatis mutandis celui de Secundus, le philosophe curieux et devenu muet.

[Vita Martini, la « Vie de Saint Martin » écrite par Sulpice Sévère du vivant même de l'évêque de Tours, c'est-à-dire avant le mois de novembre de l'an 397 - Vie détaillée sur  <http://www.orthodoxa.org /FR/orthodoxie/synaxaire/StMartindeTours.htm>] [Sulpice Sévère était-il pélagien ? Non. Écho d’une discussion oiseuse, je crois. Cfr <Sulpice_Pelagien.JPG>], qui fait mention d’un silence de cinq années.

 

6. Myreur et Geste de Liège

Liste des correspondances plus ou moins nettes / développées / absentes

Agricola [Geste, 5103-5109, mort en mai 513 !] et Ursin [Geste, 5110-5115, quatre ans de règne] [sa mort et ses miracles en II, p. 121 = Geste, 5775-5782, qui n'envisage pas de miracles] [variantes entre les récits]

Mérovée : [Simple mention de son élection de Mérovée dans Geste, 5138-5139 avec sa généalogie]

 

 

Quid de la composante Goths (Ostrogoths et Wisigoths) dans chacune des armées

 

Du côté des Huns : "Les Huns avaient avec eux le roi Alafis, fils de Théodoric, roi de Thuringe et des Ostrogoths (cfr II, p. 120), ainsi que le roi Alaric du royaume des Goths (cfr II, p. 120), son frère, qui tous deux avaient eu pour oncle le roi Alaric [II, p. 111]. Les frères Alafis et Alaric, à la tête de nombreuses troupes, s’étaient alliés aux Huns pour anéantir les Romains."

Du côté d'Engésion : "Alors le patrice fit savoir par lettres au roi franc Mérovée et au roi Théodonel de Jochie, à son fils Trésodane, roi d’Aquitaine, et à Saugiban, roi des Alains, ainsi qu’au roi Gercans de Saxe et à plusieurs autres, de venir chacun avec des troupes nombreuses."

Thodonel cacherait-il le nom (mal compris, mal interprété, mal lu) du Théodoric historique, roi des Goths aussi, mais cette fois des Wisigoths ? Il sera tué dans la bataille historique. Quant au nom de son fils Trésodane, roi d'Aquitaine, cacherait-il celui (également mal compris, mal interprété, mal lu) de Thorismond, fils du Théodoric historique ?

 

 Cfr ce que j'ai écrit dans les notes de II, p. 95-104, à propos des protagonistes:

 

"L'armée d'Attila était composite : des Huns bien sûr (en fait un rassemblement d'une série de tribus qui s'étaient placées sous sa bannière), mais aussi des peuples alliés, comme les Gépides du roi Ardaric ou les Ostrogoths, conduits par trois frères (Valamir, Theudimir et Vidimir), sans compter les autres groupes de barbares qui s'étaient ajoutés à cette troupe au hasard de ses déplacements. Quant au patrice Aetius, il était également à la tête d'une puissante coalition bariolée : des Romains bien sûr, mais aussi des Francs de Mérovée, des Burgondes et aussi des Wisigoths de Théodoric, tous ces groupes se sentant menacés par les gens d'Attila."

 

 

 

p. 110ss : Engésion est probablement un nom inventé, le patrice sous Arcadius étant Stilichon. La plupart des noms des intervenants aussi sont inventés, tout comme l'essentiel du récit d'ailleurs. En fait, Jean d'Outremeuse a réutilisé son récit de la G.L., intitulé Bataille de Hons as Romains, qui s'étend sur près de 250 vers (5130-5384). mais dans G.L., c'est Mérovée, et non le patrice de Rome, qui convoque les membres de la coalition. Je crois qu’on recommence ici l’épisode des Champs Catalauniques.]

 

[II, p. 111 : Pour les noms de personnages, cfr G.L., v. 3138-3146, avec quelques différences dans les graphies. la G.L. ne mentionne pas Arles (plaine des Alyscans/Aliscans ? influence de la chanson de geste du même nom ?]

 [Arles « autrefois capitale provinciale de la Rome antique », mais pourquoi Blanche ? ]

 

II, p. 111-112 : Méliadas [G.L., 5243] / Cymbal [G.L., 5281, 5290], un juif boiteux,un Juif / Damolin, qu'elle tua (G.L., 5284-5287, Amelait pour Damolin) / Hannibal, David, Salomon, Godelans, Jonel (G.L., 5307-5308, Jubale pour Jonel)  / patrice Engésion le vit, il jura solennellement que le roi des Francs était digne d’être empereur (G.L., 5310-5312) / (tant de noms de Juifs, ancêtres des Huns ?)

Jonas, fils d’Attila (G.L., 5317, 5336, capable de pourfendre un homme juqu’au torse, les tua tous, mais il fut tué dans une joute par le roi Mérovée (G.L., 5358-5365; Attila avait donc perdu ses deux fils, (G.L., 5380). Alors la bataille fut perdue, et les Huns s’enfuirent toute la nuit. Les Francs firent surveiller leurs armées par Erchebaut de Pouille (G.L., 5391) ; et le roi franc lui adjoignit son maréchal Tybaut (G.L., 5387), avec dix mille hommes.

 

Les Huns vainqueurs en Frise et au Danemark (403-404)

[Pour la Frise et le Danemark, le rapport est moins net entre ces quelques notices du Myreur et la Geste de Liege (vers 5412-5444).  Aucun des noms propres du Myreur ne se retrouve en tout cas dans la Geste] [Quoi qu'il en soit, ces notices suivent directement le récit précédent]

II, p. 112 fin : les Huns détruisirent quatre cités : Archada, Pollux, Frisonel et Gapmada [4 x hapax dans le Myreur]

 

II, p. 113-114; Destructions en Bavière et à Trèves:

 (note de Bo sur la fin du 1er volume, des 3 volumes répartis en 6, etc.)

([simple reprise de G.L., 5444-5445 ; mais Edina, Attila, p. 108, ne reprend pas ce pays dans sa liste des destructions hunniques].

[Mention aussi de Trèves, après celle de la Bavière, dans G.L., 5446-5448, mais sans aucune précision de date et de durée. L'auteur passe tout de suite, à la destruction de Cologne, d'Aix (sans détails) et de Metz (avec réserve de Saint-Étienne) (5449-5460)]

 

II, p. 114 ss

[cfr Geste, 5449-5460, pour Cologne, Aix et Metz, seulement, sans mention des nombreuses autres villes/pays et avec quelques précisions - mais pour Cologne aucune mention dans la Geste de la traîtrise et du supplice d'Abafis, alors que le Myreur s'y attarde]

 

[Sur Tongres, cfr G.L., 5461-5669 : quelque 200 vers]

 

Reims détruite par les Huns (G.L., 5672-5675)

 

Les Huns attaquent Châlons [absent dans G.L.], Troyes (saint Lou et miracle) [G.L., 5676-5681] et Orléans (saint Aignan) [G.L., 5685-5700, beaucoup moins de détails qu'ici] - Ils sont défaits et se replient vers l’Italie [G.L., 5700-5704, avec moins de détails qu'ici] [in fine, G.L., 5711-5722, parle du retrait de la mer à Tongres]  (411)

 


[Texte précédent II, p. 95-104]  [Plan des présentes notes de lectures sur II, p. 104-138] [Texte suivant II, p. 121-138]