Jean d'Outremeuse, Myreur des histors, II, p. 121b-138a

Édition : A. Borgnet (1869) ‒ Présentation nouvelle, traduction et notes de A.-M. Boxus et de J. Poucet (2021)

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L'ÉPOQUE DE CHILDÉRIC, [D'HONORIUS ET DE THÉODOSE II] : TONGRES, ROME, GOTHS, FRANCS, FLAMANDS, BRABANCONS, BURGONDES, VANDALES, HUNS, DANOIS, HONGROIS

 

Ans 412-438 de l'Incarnation

 

Texte et traduction

 


Ce fichier, qui couvre les années 412 à 438 de l'Incarnation et correspond aux p. II, 121-138 du Myreur, a été divisé en quatre  sections :

* A. Ans 412-419 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 121-126) : Divers varia. Il est surtout question des modalités de l'accession au pouvoir de Childéric, le troisième roi. Le successeur de Mérovée est d'abord banni du royaume pour sa conduite envers les femmes. On nomme pour le remplacer Clarnus, « le roi intrus ». Exilé en Austrasie chez le roi Basin, Childéric s'assagit et épouse Basine, la femme du roi. Revenu chez les Francs, il reprend le pouvoir mais est placé sous le contrôle de Clarnus, qui devient prévôt. Ces pages traitent aussi des empereurs romains Arcadius, Honorius et Théodose II, des papes Innocent Ier, Zosime et Boniface Ier, des évêques de Tongres-Maastricht, Ursin et Désignat, de considérations sur la punition que représente la destruction de Tongres, ainsi que de la prise de Rome par les Goths. [Sommaire et texte]

* B. Ans 419-428 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 128-132) : Nombreuses guerres impliquant à des titres divers, dans des contextes différents et avec des alliances variables : Francs, Flamands, Brabançons, Burgondes, Vandales, Goths, Huns, Romains. On retrouvera en particulier la suite et la fin du conflit opposant le roi de France (ici Childéric et son prévôt Clarnus) aux Flamands et aux Brabançons. Les événements de Bourgogne, aux mains de quatre frères rivaux, occupent aussi une place importante (Chilpéric II est tué par ses trois frères cadets ; puis Gondebaud supprime les deux autres. Il règne seul sur la Bourgogne. Pour mieux se protéger des Francs, il cède son pays à l'empereur de Rome dont il devient ainsi le vassal). Il est aussi question de la descente sur l'Italie d'une coalition d'envahisseurs (les Huns, les Vandales revenus d'Afrique, les Goths du roi Radagaise). Rome notamment est attaquée par les Huns et sauvée par un miracle. Attila meurt foudroyé au milieu de son armée et les Huns, qui s'enfuient en bateaux, meurent tous noyés. ‒ Ces pages traitent aussi des empereurs romains (Honorius et Théodose II) et des papes (Boniface Ier, Célestin). [Sommaire et texte]

* C. Ans 428-436 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 132-137) : Deux parties consacrées essentiellement à des opérations militaires. Dans la première, le décès du roi Hector de Danemark amène au pouvoir son fils Julien, qui a une mentalité de conquérant. Les Danois envahissent et s’imposent sans difficulté comme ‘suzerains’ de divers peuples difficiles à situer et dont on ne reparlera pratiquement plus dans la suite (Bétique, Asturies, Escladie, Astronie, Mombrant). La seconde donne le récit, tout à fait imaginaire, de guerres entre Danois et Hongrois qui se terminent par le mariage d’Ogier, neveu de Julien, roi de Danemark, avec Édéa, fille du roi de Hongrie. Il est aussi question des papes Célestin et Sixte III ainsi que de saint Patrice, archevêque d'Irlande et d'Écosse. [Sommaire et texte]

* D. Ans 436-438 de l'Incarnation (Myreur, II, p. 137-138) : Varia : Mort de Clarnus (et de Childéric) - Désignat et Résignat, évêques de Tongres/Maastricht - Pape Sixte. [Sommaire et texte]

 

[Notes de lecture]

 


 

 

A. DIVERS VARIA, NOTAMMENT L'ACCESSION AU POUVOIR DE CHILDÉRIC, LA PUNITION DE TONGRES ET LA PRISE DE ROME PAR LES GOTHS

(ans 412-419 de l'Incarnation)

 

 

Sommaire

Le successeur de Mérovée est Childéric, qui se révèle un grand séducteur (412)

À Rome, l'empereur Arcadius meurt, son frère Honorius règne avec Théodose II - À Maastricht, Désignat succède à Ursin comme treizième évêque de Tongres (412-413)

Considérations sur la destruction de Tongres et le caractère des Tongrois (413)

La mauvaise conduite de Childéric - Désignat, évêque de Tongres à Maastricht, ressuscite trois morts - L'un d'entre eux offre une terre au siège épiscopal de Tongres (414)

Les Goths du roi Géralant, fils d’Alaric, s’emparent de Rome - Ils sont repoussés par l’empereur Honorius et le pape Innocent Ier - Beaucoup de païens meurent noyés dans le Tibre, suite à l’effondrement miraculeux des ponts (415)

Childéric, banni du royaume par ses barons, se réfugie en Austrasie chez le roi Basin - Clovis étant trop jeune pour régner, Clarnus l’intrus est nommé roi pendant deux ans - Il est stipulé par écrit que Childéric ne sera plus jamais roi des Francs, mais un bourgeois soudoie un clerc pour faire disparaître le document (416)

* Mort du pape Innocent Ier et consécration du pape Zosime - Invention du corps de saint Étienne - Le roi Basin d’Autrasie meurt et son fils lui succède (416-418)

Réhabilitation et retour de Childéric, roi des Francs, assagi après avoir épousé Basine, la veuve de Basin d'Austrasie - Limitations des pouvoirs du roi et réforme institutionnelle : un prévôt sera au-dessus du roi jusqu’à Charles Martel - Clarnus sera le premier prévôt - Clovis, qui succédera à Childéric, est le fils de ce dernier et de sa première épouse, appelée aussi Basine (418-419)

Ordonnances de Zosime - Sa mort et la consécration comme pape de Boniface Ier (419)

 

 

Le successeur de Mérovée est Childéric, qui se révèle un grand séducteur (412 de l'Incarnation)

[II, p. 121b] [Celdris, le IIIIe roy de Franche, qui fut pres honis por femmes] Apres la mort Meroveux fut fais roy son fis, qui oit nom Celderis, jasoiche que aucunne hystoirs le noment Hildris. Chis Celdris fut ly quars roy de Franche, et regnat XXVI ans. Ilh fut mult bons chevalier, mains ilh estoit tant convoiteux de dammes et de dammoiselles qu'ilh en fuit pres honis, et si en oit mult à souffrir, car ilh tolloit les femmes de ses chevaliers et de ses borghois et leurs filhes ; portant fut-ilh pres honis, enssi com vos oreis chi apres.

[II, p. 121b] [Childéric, quatrième roi des Francs qui fut presque détrôné à cause des femmes] Après la mort de Mérovée, son fils est nommé roi. Il s'appelait Childéric, bien que certains écrits le nomment Hildris. Ce fut le quatrième roi des Francs, et il régna vingt-six ans. Ce fut un excellent chevalier. Il était très attiré par les dames et les demoiselles, au point qu’il fut presque détrôné et eut beaucoup à souffrir, car il s’en prenait aux femmes et aux filles de ses chevaliers et de ses bourgeois. C'est ce que vous allez entendre ci-après. [Suite II, p. 122]

 

Successions : à Rome, Arcadius meurt, son frère Honorius règne avec Théodose II - à Maastricht, Désignat succède à Ursin comme évêque (412-413 de l'Incarnation)

[II, p. 121] [De Honorius, le XLIXe emperere de Romme, et Theodosien] En cel an en mois de jule, morut à Romme l'emperere Archadius ; si regnat Honorius son frere, avant emperere, XII ans et XVI jours, et regnat Theodosien, le fis Archadius, awec ly.

[II, p. 121] [Honorius, quarante-neuvième empereur de Rome avec Théodose] Cette année-là, en juillet [412], l’empereur Arcadius mourut à Rome ; son frère Honorius, précédemment empereur, régna douze ans et seize jours ; et Théodose II, le fils d’Arcadius, régna avec lui.

Dans l'histoire, à la mort de Théodose I, en 395 de notre ère, ses deux fils, se partagèrent l'Empire, Honorius régna sur l'Occident de 395 à 423 de notre ère et Arcadius sur l'Orient de 395 à 408 de notre ère. Le successeur d'Honorius fut Valentinien III (qui régna de 423 à 455 de notre ère) et le successeur d'Arcadius fut Théodose II (qui régna de 408 à 450 de notre ère).

[Designans, le XIIe evesque de Tongre] Item, l'an IIIIc et XIII le IXe jour de marche, morut à Treit Ursins, ly XIIe evesque de Tongre, por cuy Dieu fist mult de myracles apres sa mort ; sy est nommeis sains Ursins, et fut mult noblement ensevelis asseis pres de la tumbe sains Servais. Apres la mort sains Ursins vacat Ii siege III mois, car droit le XIIe jour de junne envoiat ly pape Innocens unc valhans et sains hons, qui oit nom Designans, et regnat XXIIII ans. Chis evesque Designans fut gentilhhomme, car chu fut ly fis le duc d'Athennes, de la filhe le roy de Scoche ; et fut mult bons clers et ferme catholique, et si prechat mult et anonchat grandement la foid par Allemangne. Et fist tant que les gens par Allemangne refaisoient reedifiier leurs citeis et englieses que les Huens avoient destrutes.

[Désignat, treizième (corr.) évêque de Tongres] En 413, le 9 mars, mourut à Maastricht Ursin, le douzième évêque de Tongres. Après sa mort, Dieu fit par lui beaucoup de miracles et il fut appelé saint Ursin. Il fut enseveli très honorablement tout près de la tombe de saint Servais. Après sa mort, le siège resta vacant trois mois, car le 12 juin exactement, le pape Innocent Ier envoya un homme saint et vaillant, nommé Désignat, qui régna durant vingt-quatre ans. L’évêque Désignat était un gentilhomme, fils du duc d’Athènes et de la fille du roi d’Écosse. Il fut bon clerc et fervent catholique ; il prêcha beaucoup et annonça la foi en Allemagne avec beaucoup de zèle. Il fit tant et si bien que les gens en Allemagne firent reconstruire leurs cités et leurs églises, détruites par les Huns. [Suite II, p. 123]

 

Considérations sur la destruction de Tongres et le caractère des Tongrois (413 de l'Incarnation)

[II, p. 121] [Porquoy la mere ne vient plus à Tongre] En cel an s'avisarent les FIammens, sy ont faite des fortes dighes entre eaux et la citeit de Tongre jadit ; et tant ont faite qu'ilh ont retraite et rastrainte la mere qu'ilh ne vienet plus à Tongre, et l'eurent toute. Et oussi truet-ons des hystoires qui dient que Tongre fut par son pechiet destrute et la mer tollue de part Dieu, et qu'ilh [II, p. 122] retrahit tot seul ; mains, comment chu fust, ilh ne vient plus à Tongre.

[II, p. 121] [Pourquoi la rivière ne vient plus à Tongres] Cette année-là (413), les Flamands eurent l’idée de construire de solides digues entre eux et la cité de Tongres. Ils réussirent ainsi à faire reculer et à rendre plus étroite la rivière, qui n’arriva plus à Tongres et qu’ils l'eurent toute (pour eux). Mais on trouve aussi des récits qui racontent que Tongres fut détruite à cause de son péché, que l’eau lui fut enlevée par Dieu et qu’elle [II, p. 122] se retira toute seule. Quoi qu’il en soit, l’eau n'arrive plus à Tongres.

[Tongre fut destruit por obstination de cuer et inobédienche contre sains Servais et contre sainte Engliese] Ilh est voire que nos creons legirement que Tongre et la mere fut perdue par pechiet, et par especial de inobedienche qui, sour tous les visches de monde c'est ly piour, car tous biens : honneur, bonteit, bealteit, valour, cortosie, pris, hardileche et tout vertut ne dobtent qui est en pechiet morteil ; ains le met tout à nient le pechiet. Et ly piour pechiet de monde c'est de pechier en Saint-Espir et en l'Engliese, car qui ne porte honneur et reverenche à l'Engliese, chu est gran preux quant ilh ly avient grant méchief.

[Tongres fut détruite à cause de l’opiniâtreté de coeur et du manque d’obéissance de ses habitants envers saint Servais et la Sainte Église] Il est vrai que nous croyons aisément que Tongres et la rivière furent perdues à cause d’un péché, et spécialement celui de désobéissance, le pire de tous les péchés du monde. Car aucune des qualités que sont l'honneur, la bonté, la beauté, la valeur, la courtoisie, l'estime, la hardiesse et la puissance ne sert à celui qui est en état de péché mortel. Le péché réduit tout à rien. Et le pire péché du monde est le péché contre le Saint-Esprit et l’Église. À celui qui n’honore et ne respecte pas l’Église, c’est une bonne chose, quand un grand malheur lui arrive.

[Queiles estoient les Tongrois - Le palais de Dieu et sa mère, saincte Englise] Et les Tongrois furent feles, userier, sodomite et inobediens encontre sainte Engliese, si qu'ilh en sovient Dieu et sovenrat de tous cheaux qui à sainte Engliese mefferont par quelconques manere que chu soit, ilh serat meris griefement de mechief del corps ; car ly Engliese est fondée sour le sanc Jhesu-crist promierement, et sus la benoite Virge Marie, sa glorieux mere : c'est leur propre palais où ilh habitent en terre.

[Comment étaient les Tongrois - Le palais de Dieu et sa mère, la Sainte Église] Les Tongrois étaient fourbes, usuriers, sodomites et peu obéissants aux règles de la Sainte Église. Dieu s’en souvient, comme il se souviendra que tous ceux qui fauteront en quoi que ce soit contre la Sainte Église : ils souffriront lourdement dans leur corps. C'est que l’Église est avant tout fondée sur le sang de Jésus-Christ, et sur la bienheureuse vierge Marie, sa glorieuse mère. L’Église est leur propre palais, l’endroit où ils habitent sur terre.

Et cheaux qui ayment sainte Engliese, Dieu les aymet et les honneur, sicom la mere à ses enfans. Et qui heit sainte Engliese, sainte Engliese le hait, si qu'ilh n'apartient à Dieu ne à sa mere ; et qui est haiis de Dieu et de sa mere, ilh est haiis de toute le monde ; se covient que sa mere sainte Engliese le laisse afameir : car se tu es haiis de ta mere, qui toy norist et alieve, qui toy sourterat apres ? Tu, qui fais enssi, prens repentanche et prie merchi ta mere et amende ton meffait, si seras bin venus.

Ceux qui aiment la Sainte Église, Dieu les aime et les honore, comme le fait une mère pour ses enfants. Et celui qui hait la Sainte Église, la Sainte Église le hait, il n’appartient plus ni à Dieu ni à sa mère. Et celui qui est haï par Dieu et sa mère est haï par tout le monde ; sa mère, la Sainte Église, doit le laisser souffrir. En effet, si ta mère, qui te nourrit et t’élève, te hait, qui alors te soutiendra ? Toi qui agis ainsi, repens-toi, et demande pardon à ta mère, répare ta faute, ce sera bien pour toi.

[Porquoy Tongre fut destruite] Soiiés certains que por ches pechiés fut Tongre destruite ; se ilh soy fussent amendeis de temps anchois que Dieu rendist sa sentenche, ilh fussent salveis et gardeis del destruction ; qui estoit la plus belle et la plus jolie, forte et grant de tout le monde. Mains qu'en volt tant ly parleir? Elle est perdue et est destruite sens merchi.

[Pourquoi Tongres fut détruite] Tongres fut certainement détruite à cause de ses péchés. Si elle s’était amendée à temps, avant que Dieu n’ait rendu sa sentence, elle aurait été sauvée et préservée de la destruction, elle qui était la plus belle, la plus agréable, la plus puissante et la plus grande ville du monde. Mais à quoi bon vouloir tant en parler ? Elle est perdue et détruite sans pitié.

 

La mauvaise conduite de Childéric - Désignat, évêque de Tongres à Maastricht, ressuscite trois morts - L'un d'entre eux offre une terre au siège épiscopal de Tongres (414 de l'Incarnation)

[II, p. 122] [L’an IIIIc et XIIII - Ly roy Celdris violat LXIIII femmes] Item, en cel année IIIIc et XIIII, mandat ly roy Celdris de Franche, en son palais à Lutesse, jusqu'à le somme de LXIIII femmes, qui toutes astoient femmes, filhes et cusines aux prinches, à chevaliers, esquewiers et borgois de son rengne, et furent toutes violeez depart luy. De quoy furent trop corochiés cheaux auxqueis apartinoient ; mains ilh ly fut pardonneit à cest fois, portant qu'ilh promist [II, p. 123] que dedont en avant ne ly avenroit jamais plus. Mains onques por chu ne soy relaissat ; anchois devenoit cascon (jour) piour que devant.

[II, p. 122] [L’an 414 - Le roi Childéric viola 64 femmes] En cette année 414, le roi Childéric de France (cfr II, p. 121) fit venir dans son palais de Lutèce plus de soixante-quatre femmes, qui étaient toutes des femmes mariées, filles et cousines de princes, de chevaliers, d’écuyers et de bourgeois de son royaume. Il les viola toutes. Cela mit très en colère les hommes à qui elles appartenaient. Cette fois-là pourtant, on lui pardonna parce qu’il promit [II, p. 123] que cela ne lui arriverait plus jamais. Mais il ne renonça pas à cette habitude ; au contraire, il devenait chaque jour pire qu’avant. [Suite II, p. 123]

[Designans resuscitat III mors, porquoy grant bien vint à l’Engliese] En cest an fist ly evesque de Tongre Designans, par myracle de Dieu, resusciteir III chevaliers qui estoient mors en la riviere de Mouse, qui adont coroit et encor court à Treit. Entre ches trois chevaliers avoit uns qui estoit nommeis Adam de Julanris, chevalier baneresse, qui donnat à siege episcopaile de Tongre une siene terre qu'ilh avoit à dois liwes pres de là, qui tenoit plus de cent et LXXIX bonnires de terres.

[Désignat ressuscita trois morts, ce qui fit grand bien à l’Église] Cette année-là, Désignat (cfr II, p. 121), l’évêque de Tongres [à Maastricht], ressuscita, par l’intervention miraculeuse de Dieu, trois chevaliers morts dans la Meuse, fleuve qui alors arrosait et arrose encore Maastricht. De ces trois chevaliers, l’un se nommait Adam de Julanris, chevalier banneret, qui offrit au siège épiscopal de Tongres une terre qu’il possédait à deux lieues de là et qui s’étendait sur plus de cent soixante-dix neuf bonniers. [Suite II, p. 137]

 

Les Goths du roi Géralant, fils d’Alaric, s’emparent de Rome - Ils sont repoussés par l’empereur Honorius et le pape Innocent Ier - Beaucoup de païens meurent noyés dans le Tibre, suite à l’effondrement miraculeux des ponts (415 de l'Incarnation)

[II, p. 123] [Ly roy Geralant gangnat Romme] Item, l'an IIIIc et XV en mois de may, vient ly roy Geralant fis à roy Alarich de Gothelies, à grant gens à Romme, et entrat dedens, se le conquestat que onques ne ly fut defendut, car nuls ne savoit sa venue : si estoit venus tout par nuit, sy furent les Romans tous espawenteis. Mais quant l'emperere Honorius le soit, qui estoit en son palais, ilh fist armeir ses gens, et sy mandat le pape Innocens que ilh ly plaisist, luy et sa clergerie, venir awec ly tous revestis des armes de Dieu contre les paiiens, et aportassent leurs reliques. Et ilh avoit si grant fianche en Dieu que mervelhe, que ilh auroit victoir ; enssi fut-ilh fais.

[II, p. 123] [Le roi Géralant gagna Rome] Au mois de mai de l’an 415, le roi Géralant, fils du roi Alaric du royaume des Goths, arriva à Rome avec de nombreuses troupes. Il entra dans la ville et s’en empara sans que lui fut opposée la moindre défense, car personne n’était au courant de sa venue. Les Goths étaient arrivés en pleine nuit et les Romains furent tous épouvantés. À cette nouvelle, l’empereur Honorius, qui était dans son palais, fit armer ses gens et demanda au pape Innocent (cfr II, p. 114, p. 116, p. 117 et p. 124) d'accepter, lui et ses clercs, de l'accompagner, tous revêtus des armes de Dieu contre les païens, et d'apporter leurs reliques. Chose merveilleuse, il avait une telle confiance en Dieu qu’il était sûr de remporter la victoire. Et c’est ce qui se passa.

[IIIIxx M mescreans furent par myracle noiez à Romme] Mains tout enssi com ly pape et la clergerie venoient passant par-dechà le Tybre, sy astoient jà monteis les mescreans sour le pont por passeir oultre, car ilh avoient l'autre partie tout gastée, et astoient bien XXXXxx milh hommes ; adont chaïrent tous les pons, et là furent-ilhs tous noiez sens cops ferir. Là chaiirent VIxx pons de pire. Et vos dis que adont ilh avoit bien IXc pons sour chesti rivier del Tybre grans et poissans. Enssi fut Romme reconquestée, par la grant foid et fianche que ly emperere Honorius avoit en Dieu.

[Quatre-vingt mille mécréants furent noyés à Rome, par miracle] Au moment où le pape et le clergé arrivaient de l’autre côté du Tibre, les mécréants étaient déjà sur les ponts pour traverser le fleuve, après avoir saccagé l’autre rive. Ils étaient bien quatre-vingt mille. C’est alors que tous les ponts s’écroulèrent et qu’ils furent tous noyés, sans qu’un coup ne soit porté. Cent et vingt ponts de pierre s’écroulèrent alors. Je vous signale qu’à l’époque, il y avait bien neuf cent ponts qui enjambaient le Tibre, un fleuve large et impétueux. Ainsi Rome fut reconquise, grâce à la foi et à la confiance en Dieu de l’empereur Honorius.

 

Childéric, banni du royaume par ses barons, se réfugie en Austrasie chez le roi Basin - Clovis étant trop jeune pour régner, Clarnus est nommé roi pendant deux ans (« le roi intrus ») - Il est stipulé par écrit que Childéric ne sera plus jamais roi des Francs, mais un bourgeois soudoie un clerc pour faire disparaître le document (416 de l'Incarnation)

 [II, p. 123] [Discorde entre le roy de Franche et ses barons] Item, l'an IIIIc et XVI en may, s'asemblont à Lutesse tous les hals barons de Franche. Et là fut ly roy Celderis present ; et ly fut dit que, portant qu’ilh avoit par pluseurs fois violeit tant de dammmes et de pucelles de son paiis que ons ne les savoit nombreir, et ons ly avoit quitteit par plusoirs fois et onques por chu ilh n'en estoit de riens abstenus, ains faisoit tous les jours pies, ly peuple astoit à chu commonement acordeis que ilh seroit banis de Franche et priveis de son royalteit à tousjours.

[II, p. 123] [Discorde entre le roi des Francs et ses barons] En mai de l’an 416, tous les hauts barons francs s’assemblèrent à Lutèce. Le roi Childéric était présent. On lui dit qu’étant donné qu’il avait violé un nombre incalculable de dames et de jeunes filles de son pays, qu’on le lui avait pardonné maintes fois et que malgré cela il ne s’était jamais corrigé mais devenait pire chaque jour, le peuple avait décidé d’un commun accord de le bannir du pays et de le priver pour toujours de son royaume.

[Ly roy Celdris de Franche fut par ses barons banis de son pays por fornication] Quant ly roy Celderis entendit chu, si fut corochiés, et respondit à ses hommes que ly royalme de Franche ly venoit par le droit succession de ses ancisseurs, [II, p. 124] sy que ilh feroit sa volenteit de ly et de ses gens, ne jà por eaux ne s'en relairoit, se chu n'estoit de sa propre volenteit. Et quant ilh oit chu dit, ilh s'en alat tout corochiet. Et ses hommes, qui encor plus fort furent corochiés, nonobstant son coroche, ilhs le banirent là meismes fours de Franche, et fisent entre eaux seriment solonc leur loy que, se ilh estoit troveis apres dois jours, que ilh seroit ochis.

[Le roi des Francs Childéric fut banni de son pays par ses barons pour fornication] Quand le roi Childéric entendit cela, il fut très irrité et répondit à ses barons que le royaume franc lui venait par droit de succession de ses prédécesseurs. [II, p. 124] Il agirait selon sa volonté et celle de ses gens, et jamais ne renoncerait au trône, sinon de son propre gré. Sur ce, il se retira très en colère. Alors ses hommes, plus fâchés que lui encore, le bannirent hors du pays malgré sa colère. Ils firent entre eux le serment, selon leur loi, de tuer le roi si on le trouvait encore là deux jours plus tard.

Quant ly roy entendit par une sien camberlain que ilh seroit ochis, sy fut molt esmaiiés, car ilh n'avoit nuls amis, ains avoit des annemis asseis, se ne soy savoit à cuy deplaindre, car ilh avoit à cascon fait vilonie de sa femme ou de sa filhe. Et, quant la nuit fut venue, ilh soy partit coiement de son palais, et s'en allat droit en Loyheraine à roy Bassin, qui le rechuit mult noblement ; et demorat awec luy dois ans.

Quand le roi entendit un de ses chambellans dire qu’il serait tué, il fut très inquiet, car il n’avait pas d’amis, mais de nombreux ennemis. Il ne savait à qui se plaindre, car il avait fait tort à chacun, en violant leur femme ou leur fille. Quand la nuit fut tombée, il quitta discrètement son palais et se rendit directement en Lorraine, auprès du roi Basin, qui le reçut très dignement. Il demeura deux ans chez lui.

[Austrie fut nommée Loheraine apres Lohier] Et deveis savoir que Loheraine estoit adont nommée Austrie, mains apres chu fut-el nommée Loheraine por Lohier, qui enssi l'apellat apres son nom.

[L’Austrasie fut nommée Lorraine d’après Lohier] Vous devez savoir que la Lorraine était alors appelée Austrasie. Par la suite, elle fut appelée Lorraine, à cause de Lohier, qui lui donna son nom.

[Clarnus ly intrus roy de Franche] Adont fisent les Franchois unc noveal roy jusqu'à tant que Cloveis, ly fis Celdris, seroit en eaige qui encors estoit jovenes. Et fut chis novele roy nommeis Clarnus, unc valhant prinche qui bien les governat. Adont fut escript, dedens les libres des loys et des franquises, que Celdris ne seroit jamais roy de Franche. Mains ilh avient que uns borgois de Lutesse, qui amoit mult le roy Celdris, soy trahit vers le clerc qui estoit garde de libre, et ly donnat cent deniers d'or. Et parmy chu fut perdus et anichileit ly banissement, qui mult fut bons par le roy, sycom vos oreis chi apres.

[Clarnus, le roi franc intrus] Alors les Francs nommèrent un nouveau roi, en attendant que Clovis, le fils de Childéric, qui était encore jeune, soit en âge de régner. Ce nouveau roi, nommé Clarnus, était un prince vaillant, qui fut un bon gouvernant. Alors dans les livres des lois et des franchises, il fut écrit que Childéric ne serait jamais roi des Francs. Mais un bourgeois de Lutèce, qui aimait beaucoup le roi Childéric, se rendit auprès du clerc chargé de la garde de ce livre et il lui donna cent deniers d’or. Grâce à cela, le [document sur le] bannissement fut perdu et détruit, ce qui fut très bon pour le roi, comme vous l’apprendrez. (Suite II, p. 125)

 

Mort du pape Innocent Ier et consécration du pape Zosime - Invention du corps de saint Étienne - Le roi Basin d’Austrasie meurt et son fils lui succède (417-418 de l'Incarnation)

[II, p. 124] [Zozimas ly XLIIIIe pape de Romme] Item, en cel an le XXVIIIe jour de jule, morut Innocens, ly pape de Romme, si fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. Apres sa mort vacat Ii siege XI jours ; puis fuit eslus et consacreis unc cardinal qui fut nommeis Zozimas, qui estoit de la nation de Greche, et tient le siege III ans VIII mois et XXV jours : chis fut proidhons et loial.

[II, p. 124] [Zosime, quarante-quatrième pape de Rome] Cette même année (417), le 28 juillet, le pape de Rome Innocent Ier (cfr II, p. 114, p. 116, p. 117 et p. 123) mourut et fut enseveli dans le cimetière de Saint-Calixte. Après sa mort, le siège pontifical resta vacant durant onze jours. Ensuite fut élu et consacré un cardinal, nommé Zosime, originaire de Grèce. Il occupa le siège trois ans, huit mois et vingt-cinq jours. Il fut sage et loyal.

Dans l'histoire, la mort du pape Innocent Ier et la consécration de Zosime eurent lieu en 417. On oberve généralement que la chronologie suivie par Jean pour la succession des papes est fort proche de  la nôtre.

[L’invention de corps sains Estiene] Item, l'anIIIIc et XVIII, fut par le revelation de Dieu troveis le corps de glorieux martyr sains Estiene.

[L’invention du corps de saint Étienne] En l’an 418, suite à une révélation divine, on retrouva le corps du glorieux martyr saint Étienne.

[De roy de Loheraine] Item, l'an IIIIc et XVIII,morut ly roy Basin d'Austrie ; si fut apres luy roy son fis, qui oit nom Guymort.

[Le roi de Lorraine] En l’an 418, le roi Basin d’Austrasie mourut. Son fils, nommé Guymort, devint roi après lui.

 

Réhabilitation et retour de Childéric, roi des Francs, assagi après avoir épousé Basine, la veuve de Basin d'Austrasie - Limitations des pouvoirs du roi et réforme institutionnelle : un prévôt sera au-dessus du roi jusqu’à Charles Martel - Clarnus sera le premier prévôt - Clovis, qui succédera à Childéric, est le fils de ce dernier et de sa première épouse, appelée aussi Basine (418-419 de l'Incarnation)

[II, p. 125] [Ly roi Celdris de France fut remis en son rengne] Adont esposat ly roy Celdris la royne Basine, le femme le roy Basin, puis enviat en Franche à ses hommes que ilh avoit une femme esposée, et que ilh ly vosissent rendre son rengne et ilh les seroit bons et loials, et lairoit les altres femmes, car ilh avoit esposeit une ; car quant son aultre femme, qui oussi avoit à nom Basine, visquoit, ilh ne forfesoit point aux femmes de ses hommes.

[II, p. 125] [Childéric, le roi des Francs, fut remis sur son trône] Alors le roi Childéric épousa la reine Basine, la veuve du roi Basin, puis envoya dire à ses gens, qu’il s’était marié, qu’ils veuillent bien lui rendre son trône, qu’il serait bon et loyal envers eux et laisserait de côté les autres femmes, puisque maintenant il avait une épouse. En effet, du temps où son autre femme, appelée aussi Basine, était en vie, il ne fautait pas avec les femmes de ses sujets.

Adont respondirent les Franchois que chu ne poioit eistre, car il estoit en escript chu que fait en estoit, et chu qui est en escript ons ne le puet rapelleir solonc leur loy. Adont dest ly clers de la loy que onques n'avoit esteit escript, et là fut-ilh sy bien aidiés que ly roy Celdris fut remandeis et remis en son siege sicom roy ; mains chu ne fut mie teilement com ilh estoit devant, car al reprendre le roy ilh fut ordineit et escript, affin que ons ne posist jamais avoir ocquison del banir leur roy, que dedont en avant ly roy Celdris, et ses successeurs roys de Franche, ne seroient jamais si puissans sour les gens que ilh avoient esteit, et ne seroient aultre chouses que menant leurs gueres et portant coronnes enssi, com ilh devoit.

Alors les Francs répondirent que c’était impossible, car ce qui s’était passé avait été enregistré par écrit et que, selon leur loi, on ne peut revenir sur ce qui est écrit. Alors le clerc chargé de la loi déclara que cela n’avait jamais été écrit, et il reçut tant de soutien que le roi Childéric fut rappelé et remis sur le trône, en tant que roi. Toutefois les règles ne furent plus vraiment comme avant, car, lors de la réinstallation du roi, pour qu'on ne puisse jamais avoir l’occasion de bannir leur roi, il fut ordonné et consigné par écrit que dorénavant le roi Childéric et ses successeurs, rois des Francs, n’auraient plus autant de pouvoir que par le passé. Ils ne feraient plus que mener la guerre et porter la couronne, comme il se devait.

[Ly promier prevoste qui seroit deseur le roy de Franche en justice] Et avoient unc prevoste deseur eaux qui feroit les justiches de tous les Franchois, sique les Franchois ne obeiroient de riens aux commandemens que ly roy les fesist, fours que aux prevoste que ons nommeroit le prevoste de Franche ou prinche de palais royals ; lyqueis prevoste seroit eslus par les Franchois perpetuelment.

[Le premier prévôt qui serait au-dessus du roi franc en matière de justice] Les rois avaient au-dessus d’eux un prévôt, qui serait chargé de rendre la justice pour tous les Francs. Dès lors ces derniers n’obéiraient pas aux ordres donnés par le roi, mais seulement à ceux du prévôt, qu’on appellerait prévôt des Francs ou prince du palais royal ; ce prévôt serait toujours élu par les Francs.

[Ly roy fut mult aservis, et li prevoste affranquis] Et ne poroit ly roy riens faire sens le prevoste, mains ly prevoste poioit corregier les negligenches del royalme, sens le roy. Enssi fut la chouse ordinée qui durat mult longtemps, de chi al temps Karle Marteal qui le brisat, qui puisedit fut prevoste et roy de Franche.

[Le roi devint fort dépendant et le prévôt fort libre] Le roi ne pourrait rien faire sans le prévôt, tandis que le prévôt pouvait corriger, sans le roi, ce qui n’allait pas dans le royaume. Dorénavant, les choses fonctionnèrent ainsi très longtemps, jusqu’au moment où Charles Martel [vers 688-741] y mit fin et devint prévôt et roi des Francs.

[Clarnus, ly promier prevoste, qui avoit esteit II ans roy] Adont fut ly promirs prevoste Clarnus, qui avoit esteit II ans roy de Franche, qui governat le rengne XIX ans, et fut proidhons et loials et bon justichirs.

[Clarnus, qui avait été roi pendant deux ans, fut le premier prévôt] Le premier prévôt fut alors Clarnus, qui avait été roi des Francs durent deux ans. Il gouverna le royaume dix-neuf ans, en justicier sage, loyal et bon.

Item, l'an IIIIc et XIX, oit ly roy Celdris unc fis de sa femme Basine qui fut nommeis Austris. Ons truve des hystoires qui dient que cesti royne fut mere à roy Cloveis ; mains chu ne fut mie cest Basine chi, ains fut la promier femme Celderis, qui fut filhe à l'empere Honoriens, qui fut nommée Basine enssi bien com ceste ; et quant ilh l'esposat, avoit jà Cloveis III ans d'eage. Et fut roy de Franche apres son pere, mains chu [II, p. 126] fut ly promier roy cristiens en Franche, enssi com vos oreis chi apres.

En l’an 419, le roi Childéric eut de sa [seconde] épouse Basine, un fils nommé Austris. On trouve des récits disant que cette reine fut la mère du roi Clovis ; mais il ne s’agit pas de cette Basine-ci, mais de la première femme de Childéric, fille de l’empereur Honorius, et qui s’appelait aussi Basine, comme la seconde, qu’il épousa quand Clovis avait déjà trois ans. Ce Clovis fut roi des Francs après son père, et il [II, p. 126] fut le premier roi chrétien, en France, comme vous l’entendrez ci-après.

 

II, p. 125 Clarnus, premier prévôt, sous Childeric. Cfr L. Michel, Légendes épiques carolingiennes dans l'oeuvres de Jean d'Outremeuse, Bruxelles, 1935, p. 152, n. 1 : « Il faut savoir que la prévôté (institution des maires du palais) remonte, d'après le récit légendaire de Jean d'Outremeuse, à l'époque du roi Childéric, père de Clovis. Childéric, ayant violé 64 femmes [...], avait été destitué. Dans la suite, il était parvenu à rentrer en possession de son trône, moyennant la promesse formelle [qu'il laisserait les autres femmes, parce qu'il avait épousé Basine]. La déchéance n'avait cependant pas été rapportée complètement ; on avait adjoint un prévôt à Childéric. À partir de ce moment, les rois francs n'avaient plus eu le droit de gouverner sans l'assentiment de leur prévôt. Charles Martel met fin à cette situation (Myreur, II, p. 122-125).

Concernant Childéric, Jean d'Outremueuse a utilisé et modifié à sa façon des légendes antérieures (cfr G. KURTH, Histoire poétique des Mérovingiens, Paris, 1893, p. 161ss, 179ss). »

Dans la suite, Jean d'Outremeuse fera très régulièrement état de prévôts. Ainsi, le fils de ce Clarnus, nommé Élinus (autres graphies : Etynon, Elynom), sera le prévôt de Clovis ou son maire du palais. Le chroniqueur liégeois le fera intervenir à plusieurs reprises dans son récit (II, p. 137, 139, 144, 145, 147, 150, 155, 156, 157, 158, 159, 166, 168 [sa mort]). À sa mort, il sera remplacé dans sa fonction par son fils Agaza, sous le règne de Clotaire. A l'époque où nous nous trouvons, ce sont des personnages imaginaires.

 


 

Ordonnances de Zosime - Sa mort et la consécration comme pape de Boniface I (419)

[II, p. 126] [Status papales - Nuls serf soit ordineis] En cel an ordinat ly pape Zosimas que dedont en avant ne fust ordineit à clerc, ne awist tonsure, ne aultre previlege de clergerie en manere nulle, nuls hons qui fuste serf ne de servaige accuseis.

[II, p. 126] [Ordonnances papales - Aucun serf ne peut être ordonné] Cette année-là (419), le pape Zosime décréta que dorénavant aucun homme, qu’il soit serf ou suspecté de servage, ne serait ordonné clerc, ne porterait la tonsure et ne jouirait d’aucun privilège lié à la clergie.

[Ne vendit vin - De chirge de Pasque] Et ordinat encors que nuls clers, queile qu'ilh fust, ne vendist publement vin ou altre bevraige ; et ordinat encors que, tous les ans, le vigiel de la Pasque, fut consacreis en l'engliese le chirge de chire.

[Vente du vin - Le cierge pascal] Il défendit aussi à un clerc, quel qu’il soit, de vendre publiquement du vin ou d’autres breuvages. Il ordonna encore que tous les ans, la veille de Pâques, le cierge de cire soit consacré dans les églises.

[Bonifache le XLV pape romans] Item, en cel an le IIIe jour d'octembre, morut ly pape Zozimas ; et vacat li siege XI jours, et apres le XVe jour d'octembre fut consacreis à pape Boniface, qui fut ly promier de cel nom, et fut de la nation de Romme, le fis de unc prestre qui oit nom Jocom ; chis tient le siege III ans VIII mois et Il jours.

[Boniface, le quarante-cinquième pape romain] Cette même année [419], le 3 octobre, le pape Zosime mourut, et le siège resta vacant onze jours. Ensuite, le 15 octobre, Boniface, le premier de ce nom, fut consacré pape ; il était originaire de Rome, et le fils d’un prêtre nommé Jocom. Il occupa le siège durant trois ans, huit mois et deux jours.

 


 

B. Nombreuses guerres impliquant à des titres divers, dans des contextes différents et avec des alliances variables : Francs, Flamands, Brabançons, Burgondes, Vandales, GOTHS, Huns, Romains

 

 (ans 419-428 de l'Incarnation)

 

 

Sommaire

Childéric et son prévôt Clarnus reprennent les hostilités dans le Nord, où le Brabant est soumis aux Francs depuis Mérovée mais où la Flandre ne l’est toujours pas - Les Francs pénètrent en Flandre, défont les Flamands, assiègent et conquièrent Gand - Le comte de Louvain, Agricola, demande une trève de deux ans qui est accordée (420-421)

Ordonnances du pape Boniface Ier - Mort de saint Jérôme - Mort de Franco, roi de Hongrie, auquel succède son fils Aristote - Le pape Célestin succède à Boniface (422-423)

Violant la trève, les Flamands et le comte Agricola envahissent le Brabant, battent les Brabançons, tuent le bailli Domitien qui les gouvernait et s'emparent d'Anvers qui leur est livrée par la trahison du chevalier Henri - Les Francs de Clarnus viennent au secours des Brabançons - Les Flamands partis attaquer Louvain sont défaits par les Francs et se retirent à Anvers - Clarnus décide de reconquérir toute la Flandre et fait le siège d’Anvers durant huit mois (423)

Ordonnance du pape Célestin - Mort d'Honorius et couronnement de l’empereur Théodose II (423)

* Suite des rivalités entre Francs et Flamands : le Franc Clarnus s’empare d’Anvers, d'où s’est échappé le comte de Flandre, y installe un gouverneur (sénéchal) et torture à mort le traître Henri, devenu gardien de la ville - Clarnus assiège Bruges où s'est réfugié Agricola - Celui-ci cherche l’alliance des Burgondes contre les Francs - Il y a quatre rois en Bourgogne - Chilpéric II, l’aîné, séduit par des promesses mirobolantes d’Agricola, s’allie aux Flamands, tandis que ses trois frères cadets décident d'aider Clarnus - Les deux groupes s’affrontent sur le champ de bataille - Grosse défaite des Flamands près de Bruges et mort du comte Agricola, tué par Clarnus - Les Francs sont désormais les maîtres de la Flandre - Clarnus donne aux Flamands un bailli, nommé Geoffroy d’Orléans, qui les gouverne au nom du roi des Francs (423-425)

Rivalités entre les frères burgondes : Chilpéric II est tué par ses trois frères cadets - Le cruel Gondebaud supprime ses deux autres frères et règne seul sur la Bourgogne - Menacé d'une attaque des Francs et espérant par cette manoeuvre être mieux protégé, il cède son pays à l'empereur (Théodose) dont il devient ainsi le vassal (426)

La Lombardie et surtout Rome est menacée par une coalition d'envahisseurs (les Huns, les Vandales revenus d'Afrique, les Goths du roi Radagaise) - Ce danger conduit l'empereur de Rome à battre le rappel de tous ses alliés, rois, comtes et ducs - Il réconcilie les Francs et les Burgondes - Les forces romaines, dont la ville est assiégée et dont les troupes ont été sérieusement ébranlées dans une dure bataille, sont finalement sauvées par un miracle obtenu de Dieu par le pape - Attila meurt foudroyé au milieu de son armée et les Huns, qui se sont enfuis en bateaux, meurent tous noyés - Les barons alliés rentrent dans leurs pays (426-428)

 

 

Childéric et son prévôt Clarnus défont les Flamands, assiègent et conquièrent Gand - Trève de deux ans (420-421)

[II, p. 126] [Franchois desconfirent les Flamens] Item, l'an IIIIc et XX en mois de may, assemblat ly prinche de palais roial awec le roy Celderis grant gens ; si entrat en la terre de Flandre, se la degasterent mult, en recommenchant la gerre que ly bons roy Clodius de Franche avoit à son temps commenchiet, de laqueile ilh morut, sicom dit est par-desus. Quant ly conte Agricolay de Flandre entendit que ly roy de Franche et Clarnus, son prevoste, astoient entreis en sa terre, si assemblat ses gens et soy combattit aux Franchois devant la vilhe de Gant ; mains les Flamens furent desconfis, si s'enfuirent à Bruge, et les Franchois assegarent la ville de Gant et y seirent longtemps.

[II, p. 126] [Les Francs défirent les Flamands] L’an 420, au mois de mai, le prince du palais royal (Clarnus), avec le roi Childéric, rassembla de nombreuses troupes. Ils pénétrèrent en terre de Flandre, qui fut fort dévastée. Ils reprenaient ainsi la guerre commencée en son temps par le bon roi Clodion de France et où ce dernier avait trouvé la mort, comme on l’a dit plus haut (II, p. 108-110). Quand le comte de Flandre, Agricola, apprit l’invasion de son pays par le roi des Francs et son prévôt Clarnus, il rassembla ses gens et affronta les Francs devant la ville de Gand. Les Flamands furent défaits et s’enfuirent à Bruges ; les Francs assiégèrent la ville de Gand où ils restèrent longtemps.

[Gant fut gangnié - Triwes entre Flamens et Franchois] Item, l'an IIIIc et XXI le IIIIe jour de may, fut prise la vilhe de Gant par les Franchois. Si fut ly peuple mis al espée, et se mist dedens ly roy Celderis et le prevoste Clarnus gran planteit de Franchois por gardeir la vilhe, et puis alarent à Bruge et l'asegarent ; mains anchois qu'ilh awist là esteit I mois, si envoiat à ly le conte Agricolay, et ly priat à avoir triwe et respit por l'espause de II ans, et dedens chu ilh s'acorderoit à luy et ferait amende souffisante de chu qu'il avoit meffaite. Quant Clarnus entendit chu, si otriat les triwes, par le conselhe de roy Celderis et des hals barons de Franche ; puis retournat cascon en sa terre, mains Clarnus demorat en la possession de Gant et le gardat.

[Gand fut conquise - Trève entre Flamands et Francs] En l’an 421, le 4 mai, Gand fut prise par les Francs et le peuple passé au fil de l’épée. Le roi Childéric et le prévôt Clarnus laissèrent dans la ville un grand nombre de Francs pour la garder, puis partirent assiéger Bruges. Mais, dans le mois qui suivit, le comte Agricola leur envoya (un message) leur demandant une trève de deux ans, durant laquelle il serait en paix avec eux et payerait une amende suffisante pour les méfaits commis. Quand il entendit cela, Clarnus consentit à la trève, sur les conseils du roi Childéric et des hauts barons des Francs. Chacun regagna son pays mais Clarnus resta en possession de Gand et la garda.

 

Ordonnances du pape Boniface - Mort de saint Jérôme - Mort de Franco, roi de Hongrie, auquel succède son fils Aristote - Le pape Célestin succède à Boniface (422-423)

[II, p. 126] [Status papales] Sour l'an IIIIc et XXII, ordinat ly pape Bonifache que nulles femmes d'ordes, ne aultres femmes, n'atochassent les choises sacrées del alteit, et se n'y aministrassent enchens à sainte Engliese.

[II, p. 126] [Ordonnances papales] En l’an 422, le pape Boniface décréta qu’une femme, qu’elle appartienne ou non à un ordre religieux, ne pouvait toucher les objets sacrés de l’autel, ni faire le service de l’encens dans la sainte Église.

[Sains Jerome trespassat] En cel an trespassat li glorieux docteur sains Jerome, qui, par l'espause de LVI ans, laborat si [II, p. 127] diligemment al Escripture de sainte Engliese à translateir en latin. Chis docteur fist mult de beais libres et de epistles profitaulbles et plaines de bonnes doctrines, et à luy envoiat sains Augustin pluseurs epistles, por savoir l'entendement de alcuns questions de la Sainte Escripture, et ly portat grant rewerenche en ses epistles. Chis benois confès menat mult longtemps une sainte vie en I heremitaige, et puis fut-ilh prestre et demorat en Bethleem, et là ilh morut l'an de son eage XCI, et fut là meismes ensevelis.

[Mort de saint Jérôme] En cette année mourut le glorieux docteur saint Jérôme qui, durant cinquante-six ans travailla avec tant [II, p. 127] de zèle à traduire en latin les Écritures de la Sainte Église (cfr II, p. 106 et II, p. 114) Ce docteur composa quantité de beaux livres et d’épîtres très utiles et riches de saines doctrines. Saint Augustin lui envoya plusieurs missives pour savoir comment il comprenait certaines questions concernant la Sainte Écriture et, dans ses lettres, il lui témoigna beaucoup de respect. Ce bienheureux confesseur vécut longtemps dans un ermitage, d’une manière sainte, puis devint prêtre et demeura à Bethléem, où il mourut âgé de quatre-vingt-onze ans et où il fut enseveli.

[De Hongrie] En cel an morut Franco, ly roy de Hongrie, si fut apres roy son fis Aristot, qui regnat XXV ans.

[Hongrie] Cette année mourut Franco, roi de Hongrie. Son fils Aristote lui succéda vingt-cinq ans (cfr II, p. 134).

[Celestin le XLVIe pape de Romme] Item, l'an IIIIc et XXIII le XVIIe jour de jule, morut ly pape Bonifache ; si vacat apres ly siege XVII jours. Et apres, le IIIIe jour d'awost, fut consacreis à pape de Romme le XLVIe Celestin, unc cardinals qui fut de la nation de Romme, fis d'on chevalier qui oit nom Priscus ; et tient le siege IX ans et IIII jours, et selonc Martiniain VIII ans et IX jours.

[Célestin, quarante-sixième pape de Rome] En 423, le 17 juillet, le pape Boniface mourut. Le siège resta vacant dix-sept jours. Ensuite, le 4 août, le quarante-sixième pape, Célestin, fut consacré à Rome. C’était un cardinal, originaire de Rome, fils d’un chevalier nommé Priscus. Il occupa le siège neuf ans et quatre jours ; selon Martin, c’était huit ans et neuf jours.

 

Violant la trève, les Flamands et le comte Agricola envahissent le Brabant, battent les Brabançons, tuent le bailli Domitien qui les gouvernait et s'emparent d'Anvers qui leur est livrée par la trahison du chevalier Henri - Les Francs de Clarnus viennent  au secours des Brabançons - Les Flamands partis attaquer Louvain sont défaits par les Francs et se retirent à Anvers - Clarnus décide de reconquérir toute la Flandre et fait le siège d’Anvers durant huit mois (423)

[II, p. 127] [Guerre entre les Flamens et Brabant et Franchois] En cel an, assemblat ly conte de Flandre Agricolay tous ses oust à piés et à chevals, et sy entrat en la terre de Brabant, qui adont astoit appendant à roy de Franche, si le commenchat à destruire. De cel pays de Brabant estoit adont senescal Domitiain, unc chevalier de Franche, qui tantost envoiat lettres à roy de Franche Celderis et à prevoste Clarnus, et les mandat le fait, et comment ly conte de Flandre avoit mentit sa foid et son creant, car ilh ly avoit enconvent del accordeir à luy dedens II ans, et ilh ly ardoit son paiis.

[II, p. 127] [Guerre entre Flamands, Brabançons et Francs] Cette année-là [423], le comte de Flandre Agricola rassembla toute son armée, infanterie et cavalerie, envahit le territoire du Brabant, qui à ce moment-là dépendait du roi des Francs, et commença à le dévaster. Le Brabant était alors gouverné par le sénéchal Domitien, un chevalier franc (cfr II, p. 116). Celui-ci envoya aussitôt une lettre au roi des Francs Childéric et au prévôt Clarnus pour les informer sur les faits et la manière dont le comte de Flandre avait trahi sa foi et son engagement. En effet, malgré la trève de deux ans convenue entre eux, Agricola incendiait son pays.

[Les Flamens ont desconfis les Brabechons et ont pris Anwerps] Quant le prevoste entendit chu, sy fut mult mervelheux, et assemblat ses hommes, et vient vers les Flamens por cachier hours de son paiis ; mains, anchois que ilh y fust, Ies corut sus Domitiain de Lovay devant la vilhe d'Anwerps, où les Flamens astoient logiés. Là oit grant batalbe et orible, mains ly balhiers Domitiain fut ochis, et ses gens desconfis et ochis.

[Les Flamands battent les Brabançons et prennent Anvers] En apprenant cela, le prévôt fut très étonné. Il rassembla ses troupes et marcha contre les Flamands, pour les chasser de son pays ; mais avant qu'il n'arrive, le bailli Domitien de Louvain avait attaqué les Flamands devant la ville d’Anvers, où ils s’étaient installés. Il y eut une grande bataille, horrible. Le bailli Domitien fut tué ; ses troupes, battues, furent anéanties.

Atont fist ly conte de Flandre assalhir la vilhe, et cheaux qui estoient dedens le rendirent malvaisement, car elle estoit asseis fort por ratendre le sourcour de Franche. Enssi fut la vilhe conquestée et rendue par trahison, et par l'enortement de Henris, li aide chevalier qui estoit neis de Flandre, qui les gens de la vilhe conselhat à rendre par sa grant trahison.

Le comte de Flandre fit alors assiéger la ville. Mais ceux qui se trouvaient à l’intérieur la cédèrent lâchement, alors qu’elle était assez fortifiée pour attendre les secours de France. Ainsi la ville fut conquise, en fait livrée par trahison. Il y eut en effet l’intervention d'un traître, le chevalier auxiliaire Henri, qui, né en Flandre, avait conseillé aux habitants de se rendre.

[Ly prevoste de France at desconfit les Flamens] Flamens entrarent en la vilhe et ochisent toutes les gens. Et ly conte y mist de ses gens une grant partie, et le livrat à Henri l'aide por estre gardens de la vilhe, puis s'en partit et s'en alat vers Lovay. Mains ilh encontrat sour le chemyn le prevoste Clarnus, qui, tantost qu'ilh les veit, les [II, p. 128] corut sus. Et là oit grant batalhe, mains les Flamens furent desconfis, et s'enfuirent de chà et de là ; et ly conte s'enfuit à grant gens droit en Anwerps, et là ilh s'enserat.

[Le prévôt des Francs défait les Flamands] Les Flamands, entrés dans la ville, tuèrent tout le monde. Le comte y installa une grande partie de ses troupes, confia à Henri, le chevalier auxiliaire, la charge de garder la ville, puis se dirigea vers Louvain. Mais sur sa route, il rencontra le prévôt Clarnus, qui [II, p. 128] l’attaqua dès qu’il le vit. Se déroula alors une grande bataille : les Flamands, défaits, se débandèrent dans toutes les directions ; le comte s’enfuit sous forte escorte, droit à Anvers, où il s’enferma.

Adont fut racompteit à Clarnus le prevoste comment ly conte de Flandre estoit en Anwerps awec ses gens, et comment ly faux chevalier Henris ly avoit rendue, si estoit maintenant garde de la vilhe. Quant Clarnus entendit chu, ilh fist grant seriment que jamais ne rentroit en Franche, s'auroit conquesteit Anwerps et le trahitre ochis, et le conte pris ou tueis, et tout son paiis de Flandre conquis, ou ilh y moroit.

On annonça alors au prévôt Clarnus que le comte de Flandre occupait Anvers avec ses troupes, que le fourbe chevalier Henri la lui avait livrée et qu’il en était maintenant le gardien. Quand il entendit cela, Clarnus fit le grand serment de ne jamais rentrer en France avant d’avoir repris Anvers, tué le traître, capturé ou tué le comte et conquis toute la Flandre, son pays, sinon qu’il y mourrait.

Quant Clarnus oit jureit, se n'y oit nulle rapel, car ilh ne mentist nient por estre escorchiés. Si at pris une messagier et l'at envoiet à roy Celderis, en disant que ilh metist paine à governeir son paiis loialment, sy qu'ilh n'en fust repris, car ilh ne poioit si toist retourneir. Atant s'envat devant Anwerps et l'assegat mult fortement, et durat Ii siege plus de VIII mois.

Clarnus ne revint sur aucun point de ce serment ; il ne l’aurait pas fait, même menacé (d'être écorché). Il envoya un messager au roi Childéric, lui disant qu’il aurait du mal à gouverner son pays loyalement et qu’il ne faudrait pas le lui reprocher, car il ne pourrait revenir tout de suite. Alors il partit pour Anvers qu’il assiégea avec force. Ce siège dura plus de huit mois.

 

Ordonnance du pape Célestin - Mort d'Honorius et couronnement de l’empereur Théodose II (423)

[II, p. 128] [Status papales del introït del messe, gradal, alleluia, offrandes et postcommunion] Item, l'an IIIIc et XXIII le derain jour de marche, ordinat ly pape Celeslin que ons desist à la messe une introïte et I vers d'onne psalme, et que ons desist le greel, le alleluya, les offrandes et les postcommunions.

[II, p. 128] [Ordonnance papale sur l’introït de la messe, le graduel, l'alléluia, les offrandes et la postcommunion] En l’an 423, le dernier jour de mars, le pape Célestin ordonna que l’on dise à la messe un introït, un verset de psaume, le graduel, l’alléluia, les offrandes et les postcommunions.

[Theodosius le Le empere, le IIe de chi nom] En cel an le penultime jour de mois de jule, morut à Romme l'emperere Honorius, et, apres sa mort, fut coroneis à emperere de Romme le Le, unc bons chevalier qui fut nommeis Theodosius, le secon de chi nom, et fut ly fis l'emperere Archaide ; si en estoit l'emperere Honorius oncles. Et fut emperere portant que Honorius n'avoit nuls heures fours que une filhe, qui fut nommée Esmerée : celle estoit femme à roy Theodosien d'Egypte. Chis emperere Theodosius regnat tou seul XXVII ans III mois et VI jours.

[Théodose le cinquantième empereur, deuxième du nom] En cette année, l’avant-dernier jour de juillet, l’empereur Honorius mourut à Rome. Après sa mort le cinquantième empereur de Rome, dénommé Théodose, deuxième du nom, fut couronné. Il était le fils de l’empereur Arcadius et l’empereur Honorius était son oncle. Théodose devint empereur parce qu’Honorius n’avait d'autre héritier qu'une fille, nommée Esmérée qui avait épousé le roi Théodose d’Égypte. L'empereur Théodose régna seul durant vingt-sept ans, trois mois et six jours.

 

Suite des rivalités entre Francs et Flamands : le Franc Clarnus s’empare d’Anvers d'où s’est échappé le comte de Flandre, y installe un gouverneur et torture à mort le traître Henri, devenu gardien de la ville - Clarnus assiège Bruges où s'est réfugié Agricola - Celui-ci cherche l’alliance des Burgondes contre les Francs - Il y a quatre rois en Bourgogne -  Chilpéric II, l’aîné, séduit par des promesses mirobolantes d’Agricola, s’allie aux Flamands, tandis que ses trois frères cadets décident d'aider Clarnus - Les deux groupes s'affrontent sur le champ de bataille - Grosse défaite des Flamands près de Bruges et mort d'Agricola, tué par Clarnus - Les Francs sont désormais les maîtres de la Flandre - Clarnus donne aux Flamands un bailli, nommé Geoffroy d’Orléans, qui les gouverne au nom du roi des Francs (423-425)

[II, p. 128] [Anwerps fut prise par les Franchois - De senescaus d’Anwers] En cel an fut prise Anwerps par les Franchois, la nuit del Nativiteit Jhesu-Crist ; mains ly conte de Flandre escappat par unc vies postiche, et n'arestat se vient à Bruge. De chu fut mult dolens Clarnus li prevoste, quant ilh ne trovat le conte en la vilhe ; mains y ly trovat le faux chevalier Henri, se le fist escorchier et saleir, et morir de maul mort ; et fist ochire tous les Flamens qui furent troveis dedens la vilhe, et remist ses gens en la vilhe, et leur donnat unc senescaus qui oit [II, p. 129] nom Sydebers, ly meneurs fis al roy de Bretangne. Atant soy partit Clarnus le prevoste, et n'arestat se vint à Bruge, et l'assegat.

[II, p. 128] [Anvers fut prise par les Francs - Le gouverneur d’Anvers] Cette année-là [423], la ville d’Anvers fut prise par les Francs, la nuit de la Nativité de Jésus-Christ, mais le comte de Flandre s’échappa, déguisé en vieillard, et ne s'arrêta qu'arrivé à Bruges. Le prévôt Clarnus regretta beaucoup de ne pas trouver le comte dans la ville, mais il mit la main sur Henri, le fourbe chevalier. Il le fit écorcher, saler et mourir d’une mort atroce. Il fit aussi exécuter tous les Flamands trouvés dans Anvers et y remit ses gens à lui, en leur donnant un sénéchal, nommé Sidebert [II, p. 129], fils cadet du roi de Bretagne. Ensuite Clarnus s’en alla et, sans faire aucune halte, arriva à Bruges et l'assiégea.

écorcher : Pour d'autres exemples de ce supplice, cfr I, p. 217-218 (César et le roi Hanigos) ; II, p. 79 (Shapur et Julien l'Apostat) ; II, p. 114 (Attila et le traître Abafis) ;  II, p. 223 (Frédégonde et son amant Landeric)

dAdont envoiat ly conte Agricolay lettre al roy Celdris de Borgongne, le frere le roy Godebuef de Borgongne - car ilh avoit IIII roy regnant en Borgongne à cel temps, - en depriant à ly que ilh le vosist sorcorir contre les Franchois, par teile condicion que, s'ilh avoit victoir, ilh prenderoit baptemme et si creroit en Dieu, sycom faisoient les Borgengnons, et fermement, et prenderoit à femme Clotilde, sa filhe, et seroient bons amis ; et encors feroit-ilh plus, car se les Franchois estoient desconfis, ilh feroit tant que ly roy Celdris de Borgongne seroit roy de Franche, et Celdris, ly roy de Franche, seroit ochis. Ly roy Celdris de Borgongne veit les lettres et les entendit bien ; si assemblat grant gens et vient en Flandre.

Alors Agricola, [le comte de Flandre], envoya une lettre au roi Chilpéric de Bourgogne, frère de Gondebaud, roi de Bourgogne - en ce temps-là, il y avait quatre rois en Bourgogne. Agricola priait Chilpéric d’accepter de le secourir contre les Francs, en stipulant que, s’il était victorieux, il recevrait le baptême et croirait en Dieu comme le faisaient les Burgondes, fermement, et aussi qu’il épouserait Clotilde, sa fille, et qu’ils seraient bons amis. Il ferait plus encore : si les Francs étaient vaincus, il ferait en sorte que le roi Chilpéric de Bourgogne devienne roi des Francs et que Childéric, le roi des Francs, soit mis à mort. Chilpéric de Bourgogne vit ces lettres et accepta la proposition ; il rassembla ses gens et se rendit en Flandre.

[Les Flamens sont desconfis de prevost de Franche] Enssi com nous avons dit deseur, ilh avoit IIII roys en Borgongne, qui tous astoient freres, et furent les enfans de roy Godebruel, qui novellement estoit mors : si estoit Celdris ly anneis, les aultres estoient nommeis Godebuef, ly tiers Godemars et Ii quars Godesilles. Ors astoient les III jovenes aloiés ensemble encontre leur anneit frere, et le voloient encachier fours de paiis et de la terre, qui devoit estre siene par droit succession.

[Les Flamands sont défaits par le prévôt de France] Comme nous venons de le dire, il y avait quatre rois en Bourgogne, qui étaient tous frères. Ils étaient les fils du roi Gondioc, mort récemment : Chilpéric était l’aîné, le second avait pour nom Gondebaud, le troisième Godomar et le quatrième Godegisèle. À ce moment-là, les trois cadets s’étaient alliés contre leur frère aîné et voulaient le chasser du pays et du territoire, qui devait lui revenir par droit de succession.

Adont assemblarent les trois freres chu de gens qu'ilh porent avoir por argent, et s'en vinrent en Flandre droit à prevost Clarnus, et ly desent comment son frere venoit à grant gens por sorcorir le conte de Flandre, et eaux astoient venus por aidier les Franchois, par condition teile, se les Flamens estoient desconfis, que li prevoste les aideroit contre leur frere à avoir part à la royalme de leur pere. Quant Clarnus entendit chu, se leurs dest qu'ilh les tenoit por ses amis, et leur promist del accomplir leur requeste.

Alors les trois frères rassemblèrent les gens qu’ils purent avoir avec de l’argent et se rendirent en Flandre, directement auprès du prévôt Clarnus. Ils lui dirent que leur frère Chilpéric venait avec un grand nombre d’hommes secourir le comte de Flandre, et que, eux, ils arrivaient pour aider les Francs, en demandant qu’en cas de défaite des Flamands, le prévôt les aide contre leur frère, pour qu'ils aient part au royaume de leur père. Quand Clarnus entendit cela, il dit qu’il les considérait comme ses amis et promit d'exaucer leur requête.

Atant demandat Clarnus aux III freres dont venoit sy grant amisteit aux Flamens depart leur frere. Gondebuef respondit que ly conte de Flandre devoit avoir à femme Clotilde, filhe [II, p. 130] à roy leur frere, qui encor n'avoit que VI ans d'eage, portant que ilh voloit estre plus enforchiet.

Clarnus demanda aux trois frères pourquoi leur aîné avait une telle amitié pour les Flamands. Gondebaud répondit que le comte de Flandre devait épouser Clotilde, la fille de Chilpéric [II, p. 130], alors âgée seulement de six ans. Il voulait ainsi accroître sa puissance.

[L’an IIIIc et XXV] Enssi demorat la chouse III jours, et al quars issirent de Bruges tous armeis ly roy Celdris et ly conte de Flandre et leurs gens, et vinrent contre les Franchois, qui astoient armeis et rengiés, car ilhs les veirent issir de Bruge. Et se sont sus corus : là oit grant batalhe et orible, le XIXe jour de junne al matinée ; mains ilh ne durat mie longement, car ly prevost Clarnus encontrat en la batalhe le conte Agricolay, sy l'assenat teilement qu'ilh le fendit jusques en dens : enssi fut-ilh mors sour l'an IIIIc et XXV. A celle batalhe furent les Flamens desconfis, et si en fut ochis plus de XIIm.

[L’an 425] Les choses en restèrent là durant trois jours. Le quatrième jour, le roi Chilpéric, le comte de Flandre et leurs troupes sortirent tout armés de Bruges et attaquèrent les Francs qui étaient armés et rangés, car ils les avaient vus sortir de Bruges : là se déroula une grande et horrible bataille, le 19 juin dans la matinée. Mais elle ne dura pas longtemps. Le prévôt Clarnus rencontra dans la bataille le comte Agricola et le frappa si fort qu’il le fendit jusqu’aux dents. Ainsi mourut le comte Agricola en l’an 425. Les Flamands perdirent cette bataille et eurent plus de douze mille tués.

[De balhier de Flandre et cessarent les contes] Adont soy rendit tout la terre de Flandre à Clarnus, et ilh les rechuit à merchis, et leurs donnat unc balhier qui les governat desous le roy de Franche, qui oit nom Gaufrois d'Orlins, qui fut valhans hons et bon chevalier. Enssi cessarent les contes au regneir en Flandre, et Clarnus revient à Lutesse.

[Le bailli de Flandre et la fin des comtes de Flandre] Alors toute la terre de Flandre fut rendue à Clarnus, qui reçut les Flamands avec bienveillance et leur donna un bailli qui les gouverna au nom du roi des Francs. Il s’appelait Geoffroy d’Orléans, était vaillant et bon chevalier. Ainsi, les comtes cessèrent de régner en Flandre, et Clarnus revint à Lutèce.

 

Rivalités entre les frères burgondes : Chilpéric II est tué par ses trois frères cadets - Le cruel Gondebaud supprime ses deux autres frères et règne seul sur la Bourgogne - Menacé d'une attaque des Francs et espérant par cette manoeuvre être mieux protégé, il cède son pays à l'empereur (Théodose) de Rome dont il devient ainsi le vassal (426)

[II, p. 130] [Grant crualteit des IIII enfans de Borgongne] Mains les trois freres al roy de Borgongne ly dessent que leur frere estoit escappeis de la batalhe, et qu'ilh leur vosist tenir leur convent, car ilh ly avoient aidiet à leur poioir loialment. Quant Clarnus l'entendit, se leur demandat : « Saingnours, regardeis comment vos voleis faire ? Se vos voleis, je yray awec vous et destruray vostre frere. »

[II, p. 130] [Grande cruauté des quatre enfants de Bourgogne] Mais les trois frères du roi de Bourgogne dirent (à Clarnus) que leur frère n’avait pas été tué dans la bataille et que Clarnus devait respecter leurs conventions, car ils l’avaient loyalement aidé, comme ils le pouvaient. Alors Clarnus leur demanda : « Seigneurs, réfléchissez à ce que vous voulez faire. Si vous le souhaitez, j’irai avec vous et détruirai votre frère. »

Ilhs respondirent : « Sires, vos sieriés trop travelhiés ; mains nos venrons bien à chief sens vos à travelhier, se chu est de vostre congiet, et que vos teneis le fais à vos. » Respondit Clarnus : « Mains que ly fais soit genlis et de vroie guerre, sens trahison ne mourdre, je le tien à moy. » Et de chu leur donnat lettre sailée de son propre seal.

Ils répondirent : « Sire, vous seriez trop préoccupé par cette affaire ; nous pourrons la régler sans vous importuner, si vous marquez votre accord et si vous nous la confiez. Clarnus répondit : « Pourvu que cela se passe noblement, comme une vraie guerre, sans trahison ni meurtre, je le prends sur moi. » Alors il leur donna une lettre scellée de son sceau.

Adont fisent lettres de defianche, sy les envoiarent à leur frere le roy Celdris de Borgongne, et en la diffianche astoit promier parlant le prevoste Clarnus, de quoy ly roy Celdris fut esmaiet ; si soy partit à XXX chevaliers et chevalchat à Lutesse por chaioir en le merchi Clarnus. Mains enssi qu'ilh venoit, ilh fut recontreis de ses freres et assalhis, et tous ses chevaliers ochis, et luy-meismes fut ochis deport son frere Gondebuef, car ilh ly butat unc cuteal en ventre.

Alors ils écrivirent des lettres de défi qu’ils envoyèrent au roi Chilpéric de Bourgogne, leur frère. Dans la lettre, le premier nom à apparaître était celui du prévôt Clarnus, ce qui inquiéta le roi Chilpéric. Avec trente chevaliers il chevaucha jusqu’à Lutèce, pour se soumettre à Clarnus. Mais sur la route, ses frères le rencontrèrent et l’attaquèrent. Tous ses chevaliers périrent et lui-même fut tué par Gondebaud, qui lui enfonça un poignard dans le ventre.

Apres s'en alerent les trois freres en Borgongne, et noiarent la royne Flour en une aighe, une pire à son coul loiiet ; et prisent Clotilde, la noble filhe, et le gardarent bien, sicom filhe de roy. Puis partirent les trois freres en trois parchons la terre de Borgongne ; mains anchois qu'ilh fust passeit le promier an, ochist ly roy Gondebuef ses dois freres ; si demorat tout seul roy de Borgongne, et fut roy coroneis de tout [II, p. 131] la terre, sour l'an IIIIc et XXVI en julle.

Ensuite, les trois frères se rendirent en Bourgogne et noyèrent la reine Flore dans un lac, en liant une pierre à son cou. Ils prirent Clotilde, sa noble fille, et la gardèrent avec soin, comme une fille de roi. Puis ils se partagèrent en trois la terre de Bourgogne. Mais avant la fin de la première année, le roi Gondebaud tua ses deux frères. Il demeura tout seul roi de Bourgogne et reçut la couronne de toute [II, p. 131] la Bourgogne, en juillet de l’an 426.

[Ly roi de Borgongne portat sus sa terre à l’emperere par condicion] Et quant les chevaliers de paiis ly disoient qu'ilh avoit laidement ochis ses freres sens cause, ilh les ochioit, et disoit que ly prevoste de Franche ly avoit faite faire. Et tant le dest, que Clarnus le soit, se l'envoiat deffier de chu que ilh ly mettoit sus teile murdre ; mains oussitoist que Gondebuef oit la deffianche, sy en alat à Romme et se reportat sa terre en la main de l'emperere, par teile manere que ly emperere ly rendit en fies de ly ; et le devoit tenseir contre Clarnus qui l'avoit deffiet. Adont mandat l'emperere ses oust, pour aleir sour les Franchois.

[Le roi de Bourgogne remit sa terre à l’empereur sous condition] Quand les chevaliers burgondes dirent à Gondebaud qu’il avait tué ses frères de façon ignoble et sans raison, il répondit qu’il les avait tués sur ordre du prévôt de France. Il le répéta tellement que Clarnus l’apprit et lui lança un défi parce qu’il le rendait responsable d’un tel meurtre. Mais dès que Gondebaud reçut le défi, il alla à Rome et remit sa terre à l’empereur en lui proposant de la lui rendre et de pouvoir ainsi désormais la détenir comme un fief relevant de l’empereur ; ainsi il serait protégé contre Clarnus qui l'avait défié. L’empereur convoqua ses armées, pour marcher contre les Francs.

 

La Lombardie et surtout Rome est menacée par les invasions (les Huns, les Vandales revenus d'Afrique, les Goths du roi Radagaise) - Ce danger conduit l'empereur de Rome à battre le rappel de tous ses alliés, rois, comtes et ducs - Il réconcilie les Francs et les Burgondes - Les forces romaines, dont la ville est assiégée et dont les troupes ont été sérieusement ébranlées dans une dure bataille, sont finalement sauvées par un miracle obtenu de Dieu par le pape - Attila meurt foudroyé au milieu de son armée et les Huns, qui se sont enfuis en bateaux, meurent tous noyés - Les barons alliés rentrent dans leurs pays (426-428)

[II, p. 131] [Les Huens revinrent al empire de Rome] Mains enssi qu'ilh assembloit ses gens, ly vinrent novelles que les Huens, awec leur roy Atilla, astoient revenus dechà, awec eaux une grant manere de gens qui astoient nomeis Wandaliens. Et estoit awec eaux ly roy de Gothie Randegam à grant gens, qui tous avoient jureit de mettre Romme en exilhe. Et chu fist l'emperere sorjourneir à Romme awec tous ses oust.

[II, p. 131] [Les Huns revinrent dans l’empire de Rome] Or tandis que l’empereur rassemblait ses troupes, il apprit que les Huns étaient revenus de ce côté-ci avec leur roi Attila, accompagnés de gens nommés Vandales [cfr II, p. 63 ; II, p. 138-139, p. 174 et p. 179]. Le roi des Goths, Radagaise, les accompagnait avec des forces nombreuses. Tous avaient juré de détruire Rome. Dès lors, l’empereur dut rester à Rome avec toutes ses armées.

Adont s'avisat l'emperere et envoiat lettres par les paiis, en mandant roys, contes et dus, entres lesqueiles ilh mandat le roy Celdris de Franche et Clarnus le prevoste, en depriant qu'ilhs les venist aidier contre le roy Atilla et le roy de Gothie et les Huens. Quant Clarnus oit le mendement, ilh assemblat ses gens et s'en alat vers Romme ; car ilh ne savoit riens de chu que ly emperere ly avoit volut faire.

Alors l’empereur décida d’envoyer des lettres dans ses terres, appelant rois, comtes et ducs,   parmi lesquels le roi des Francs Childéric et Clarnus le prévôt ; il les priait de venir l’aider contre le roi Attila, le roi des Goths et contre les Huns. Clarnus, dès qu'il reçut le message, rassembla ses gens et partit pour Rome. Il ignorait totalement ce que l’empereur voulait lui faire.

[L’emperere fist paix entre le prevoste de Franche et le conte de Flandre] Quant l'emperere Theodosius veit le prevoste Clarnus, sy vient vers luy et ly fist mult grant fieste, et ly priat qu'ilh ly vosist otriier unc don qu'ilh voloit avoir, s'ilh ly plaisoit. Quant Clarnus l'entendit, sy ly otriat, mains que chu ne fust en enpirement del regne qu'ilh avoit à governeir. Et l'emperere ly dest que nom, car chu n'estoit aultre chouse qu'ilh pardonnast son yreur al roy de Borgongne, et ilh jureroit que jamais ilh ne Ii mefferoit riens. Et Clarnus ly otriat, qui fut asseis debonnars. Enssi sorjournarent les oust à Romme longement, car les Huens ne vinrent mie sy toist.

[L’empereur rétablit la paix entre le prévôt des Francs et le roi de Bourgogne (corr.)] Quand l’empereur Théodose II vit le prévôt Clarnus, il vint vers lui, lui fit grande fête et le pria de bien vouloir lui accorder un cadeau qu’il désirait avoir, s’il était d’accord. Quand Clarnus l’entendit, il accepta, pourvu que ce ne fût pas au détriment du royaume qu’il avait à gouverner. L’empereur dit que non, que ce n’était rien d’autre que de pardonner sa colère au roi de Bourgogne, lequel jurerait de ne jamais lui faire aucun mal. Clarnus, très débonnaire, consentit. Les armées restèrent longtemps à Rome, car les Huns n’arrivèrent pas de sitôt.

[Les Wandalins detrurent tout la terre d’Affrique - Les Huens destruent tot Lombardie - Les Huens assegont Rome] Ceste compangnie astoient les Huens et les Wandalins et cheaz de Gothie, qui tous astoient mals gens ; et astoient ches Wandalins departis de la compangnie des Huens XXIII ans devant, et astoient aleis destruire tout la terre de Affrique, et astoient revenus dechà, et astoient arriveis en paiis de Lombardie et le destruoient toute ; [II, p. 132] si destrurent Pavie, Pise, Melant et toutes les citeis de Lombardie ; puis vinrent à Romme en mois de decembre l'an IIIIc et XXVII, et assegarent Romme mult enforchiement.

[Les Vandales avaient saccagé toute l’Afrique - Les Huns détruisent toute la Lombardie - Les Huns assiègent Rome] Ce groupe armé était constitué de Huns, de Vandales et de Goths, qui tous étaient des êtres malfaisants. Les Vandales s’étaient séparés des Huns vingt-trois ans auparavant. Ils étaient allés dévaster toute la terre d’Afrique, puis, de là, ils étaient revenus dans la région de Lombardie qu’ils ravagèrent complètement. [II, p. 132] Ils détruisirent Pavie, Pise, Milan et toutes les autres cités. Puis en décembre 427, ils arrivèrent à Rome qu’ils assiégèrent avec violence.

[Batalhe entre Romans et les Huens] Adont orent les Romans teile conselhe qu'ilhs isteroient fours, enssi qu'ilh fisent, anchois que ilhs fussent logiés ; mains les Huens astoient gens dures en fais d'armes, et ne furent point troveis desarmeis, et astoient bien cent milh et plus ; sy soy deffendirent mult fort. Cheste batalhe durat jusqu'à la nuit que ilh covient les Romans retraire, car ilhs ne veioient gottes ; et les Huens soy retrahirent à leurs treis. Adont regardarent les Romans qu'ilh avoient perdut plus de XXm hommes, sens les navreis dont ilh en estoit sens nombre ; si enfurent tous enbahis, car les Huens avoient grant gens ; et Atilla, ly vilhars affolleis, n'avoit nulle merchit de mal faire. Si fut enssi lassiet plus de XII jours que les Romans n'oisarent issir fours, portant qu'ilh astoient presque tous navreis.

[Bataille entre Romains et Huns] Les Romains décidèrent de sortir de la ville, ce qu’ils firent, avant que les Huns se soient installés. Mais les Huns étaient de rudes guerriers, et les Romains ne les trouvèrent pas désarmés. Ils étaient bien cent mille, plus même, et ils se défendirent très énergiquement. La bataille dura jusqu’à la nuit. Les Romains durent alors se retirer, car ils ne voyaient plus rien et les Huns gagnèrent leurs tentes. Les Romains avaient perdu plus de vingt mille hommes, sans compter les innombrables blessés. Tous furent stupéfaits de voir les Huns si nombreux et Attila, ce vieillard fou, accomplir ses méfaits sans aucune pitié. Les Romains mirent plus de douze jours avant d'oser sortir de la ville, car presque tous étaient blessés.

Dedens chi temps vint l'emperere al pape, et ly priat que ilh vosist priier à Dieu que ilhs awissent victoir. Atant assemblat ly pape son college et clergerie en consistoire, en depriant à Dieu que ilh vosist monstreir myracle por son peuple sy manifestement que les paiiens y presissent garde, et que ses gens gardast de male et de perilh et leur donnast voictoir.

Pendant ce temps, l’empereur alla demander au pape [Célestin Ier pour Jean] de prier Dieu pour qu’il leur accorde la victoire. Le pape réunit en consistoire son collège et sa clergie, priant Dieu d'accomplir pour son peuple un miracle si évident que les païens en tiendraient compte, et de protéger aussi ses hommes de tout malheur et tout danger en leur donnant la victoire.

[Le roy Atilla fut ochis de I effoudre, et ses gens s’enfuirent] Adont fist Dieu myracle le IIIIe jour de jenvier l'an IIIIc et XXVIII, car une effoudre chaiit tout emmy l'oust des Huens, et ne grevat onques fours que le roy Atilla, et fut tout arse en pousier. Atant soy misent ses gens al fuyr, et montarent sour mere ; mains uns orage les priste, qui les noiat tous que nuls n'en escappat. Atant vient une vois à pape qui ly dest que la compangnie des Huens astoit tout noiiés sour mere, et que Dieu ne les avoit mie volut prendre del effoudre awec Atilla, por la grant poweur qu'ilhs awissent jetteit.

[Le roi Attila fut tué par la foudre, et ses gens s’enfuirent] Alors le 4 janvier de l’an 428, Dieu accomplit un miracle, car la foudre tomba au milieu de l’armée des Huns et ne blessa personne sauf le roi Attila qui fut réduit en cendres. Alors, ses troupes se mirent à fuir et prirent la mer ; mais un orage les surprit et les noya tous, sans que personne n’en réchappe. Alors le pape entendit une voix lui disant que toute la troupe des Huns avait complètement péri en mer et que Dieu n’avait pas voulu les foudroyer en même temps qu’Attila, à cause de la puanteur qu’ils auraient répandue.

Là furent les Huens tous destruis ; mains ly roy des Wandalins oit unc fis, qui puis fist despit et grant contraire als englieses de Tournay et Chambray et Duay, et destruit toutes les citeis vosines à eaz pertinant.

Là les Huns furent complètement anéantis. Cependant le roi des Vandales eut un fils qui, par la suite, fit beaucoup de mal aux églises de Tournai (I, p. 57), de Cambrai (I, p. 117) et de Douai (I, p. 117), et détruisit toutes les cités voisines, qui y étaient rattachées

Atant soy partirent de Romme tous les barons, et l'alat cascon en son paiis.

Alors tous les barons quittèrent Rome et chacun rentra dans son pays.

 


 

 

C. OPÉRATIONS MILITAIRES DANS DIVERSES RÉGIONS - ELLES IMPLIQUENT JULIEN LE DANOIS

 

L'INSISTANCE EST MISE SUR L'AFFRONTEMENT ENTRE DANOIS ET HONGROIS QUI SE TERMINE PAR LE MARIAGE D'OGIER, NEVEU DE JULIEN, ROI DE DANEMARK, AVEC ÉDÉA, FILLE DU ROI DE HONGRIE

 

(ans 428-436 de l'Incarnation)

 

 

Sommaire

Au Danemark, le décès du roi Hector amène au pouvoir son fils Julien, qui a une mentalité de conquérant - Les Danois envahissent et s’imposent sans difficulté comme ‘suzerains’ de divers peuples difficiles à situer et dont on ne reparlera pratiquement plus dans la suite (Bétique, Asturies, Escladie, Astronie, Mombrant) - Le récit est interrompu par des notices rapides sur un tremblement de terre en Grèce et un incendie à Rome éteint par une procession organisée par le pape Célestin (428-432)

Le pape Célestin envoie saint Patrice comme archevêque d'Irlande et d'Écosse - Mort du pape Célestin - Consécration du pape Sixte III (432)

 

Profitant de l'absence de Julien le Danois qui fait la guerre en Astronie et en Sclavonie, les Hongrois d'Aristote attaquent le Danemark mais Ogier, neveu de Julien le Danois, se rend avec une armée en Hongrie pour faire revenir Aristote dans son pays - C'est ce qui se produit - Le roi de Hongrie est tué, avec ses quatre fils - Ogier retourne au Danemark, tandis que Julien continue avec succès ses opérations extérieures (433-434)

Finalement Julien retourne au Danemark - Tout se termine bien - La rivalité avec les Hongrois est heureusement apaisée par le mariage de la fille du roi de Hongrie, Édéa, avec le neveu de Julien, Ogier, qui hérite du royaume de Hongrie (436 ?)

 

Première partie

 

Au Danemark, le décès du roi Hector amène au pouvoir son fils Julien, qui a une mentalité de conquérant  - Les Danois envahissent et s’imposent sans difficulté comme ‘suzerains’ de divers peuples difficiles à situer et dont on ne reparlera pratiquement plus dans la suite (Escladie, Astronie, Mombrant, Sclavonie). Généralement les noms cités (de pays, de villes, de rois) semblent impossibles à identifier avec précision. Les notes de Borgnet ad locum évoquent l'Espagne, mais on a peine à le suivre. Le récit des opérations militaires de Julien dans ces régions est interrompu par un certain nombre de brèves notices traitant d'autres sujets (tremblement de terre en Grèce ; incendie à Rome éteint par une procession organisée par le pape Célestin ; envoi de saint Patrice comme archevêque d'Irlande et d'Écosse ; mort du pape Célestin ; consécration du pape Sixte III

 

 

 

Les opérations militaires de Julien, roi du Danemark (Scladie, Astronie, Mombrant)

[II, p. 132] [Le roy dannois] En cel an morut, en jule, le roy Ector de Dannemarche ; si regnat apres luy son fis Julin XXV ans. Chis roy Julin fut mult fel, et disoit qu'ilh conquerroit ortant de terre com avait fait Julin-Cesaire ; si assemblat [II, p. 133] ses gens et montat sor mere, l'an IIIIc et XXIX en mois de may, à XLm hommes. Si avient qu'ilh arivat el royalme de Scladie et assegat la citeit de Gadda. Mains quant ly roy Madiob le soit, si envoiat à ly del savoir qu'ilh demandoit. Julin ly respondit qui voloit qu'ilh tenist son regne de luy, car anchienement ilh avoit esteit en la subjection des Dannois.

[II, p. 132b] [Le roi danois] En cette année [428], en juillet, le roi Hector de Danemark mourut. Son fils Julien lui succéda et régna vingt-cinq ans. Ce fut un roi très cruel. Il disait qu’il conquerrait autant de terres que Jules César. Il rassembla [II, p. 133] ses troupes et prit la mer en mai 429, avec quarante mille hommes. Il arriva au royaume de Scladie et assiégea la ville de Gadda. Toutefois, quand le roi Madiob apprit son arrivée, il fit demander à Julien ce qu’il voulait. Julien répondit qu’il voulait que Madiob tienne de lui son royaume, lequel anciennement avait été soumis aux Danois.

[Ly roy danois conquestit Escladie] Et ly roy d'Escladie dest que chu ne feroit-ilh mie, et assemblat ses hommes, se le corot sus en mois de decembre ; mains les Esclaidiens furent desconfis, et fut ochis leur roy e awec [ly] XIIm hommes. Et fut la citeit gangnie, et tout ly paiis après conquis ; si en coronat roy son frere, qui oit nom Gribauz li Danois, qui le prist en fiese de son frere Julin.

[Le roi danois conquit la Scladie] Le roi de Scladie répondit qu’il n’en ferait rien, rassembla ses hommes et attaqua Julien en décembre. Mais les Scladiens furent vaincus, leur roi tué, ainsi que douze mille hommes. La cité et, par après, tout le pays furent conquis. Julien couronna son frère, dénommé Gribauz le Danois, qui reçut ce pays comme un fief de Julien.

[Ly roy danois desconfist les Astroniens] Apres sont partis d'Escladie les dois roys à grant gens, et entrarent el rengne d'Astronie l'an IIIIc et XXX en june, si commencharent à destruire le paiis. Et mandat ly roy Julin à roy Brahadas d'Astronie que s'ilh voloit tenir son rengne de ly que ilh ne demandoit aultre chouse. De quoy Brahadas fut mult corochiés. Si assemblat ses hommes et les corut sus ; mains ilh fut desconfis, et s'enfuirent en la citeit de Cosdrada qui tant estoit forte que les Danois y sisent bien II ans ; et al derain ilh le prisent par famine. Et, dedens chi terme durant, issirent fours cheaux de la citeit pluseurs fois, et fisent aux Danois mult grant damaige et encombriers.

[Le roi danois défit les Astroniens] Ensuite, les deux rois partirent de Scladie avec de nombreuses troupes, pénétrèrent dans le royaume d’Astronie (cfr II, p. 237) en juin 430 et se mirent à ravager le pays. Le roi Julien fit savoir au roi Brahadas d’Astronie qu’il lui demandait seulement d’accepter de tenir son royaume de lui, Julien. Cela irrita grandement Brahadas qui rassembla ses hommes et passa à l’attaque, mais il fut défait. Tous s’enfuirent dans la ville de Cosdrada, qui était très fortifiée. Après un siège d’au moins deux ans, les Danois la prirent finalement par la famine. Et durant ce temps, les habitants de la cité firent plusieurs sorties, causant beaucoup de dommages et de difficultés aux Danois.

[Muet de terre] En cel an oit grant muet de terre en Greche.

[Tremblement de terre] Cette année-là [430], un grand tremblement de terre se produisit en Grèce.

[Romme ardit] Item, l'an IIIIc et XXXI, ardit une grant partie de la citeit de Romme de son feu meisme. Adont fist faire ly pape Celestin une belle procession, en chantant la letanie mult devoltement ; si estindit ly feu.

[Rome brûla] En l’an 431, une grande partie de la ville de Rome brûla spontanément. Le pape Célestin organisa une belle procession, chanta très dévotement les litanies et le feu s’éteignit.

À cel temps meisme envoiat ly roy Brahadas d'Astronie lettres par son paiis à ses hommes, qu'ilh soy metisssent ensemble et ly venissenet aidier contres les Danois qui l'avoient assegiet en la citeit de Cosdrada ; et avoit jà dureit ly siege VI mois.

À cette époque, le roi Brahadas d'Astronie envoya  à ses hommes dans son pays des lettres leur demandant de se rassembler et de venir l'aider contre les Danois qui l'assiégaient dans la ville de Cosdrada, depuis déjà six mois.

[Les Danois ont victoire] Quant les hommes de paiis l'ont entendut, si se sont assembleis, et furent bien XXIIIIm hommes, et vinrent à Cosdrada. Là oit grant batalhe az Danois, et cheaux de la vilhe issirent fours ; mains chu ne valut riens, car ilh furent tous desconfis, et en fut ochis IXm.

[Les Danois ont la victoire] Quand les gens du pays l’apprirent, ils se rassemblèrent et se rendirent à Cosdrada. Une grande bataille contre les Danois s’y déroula, tandis que les habitants de la ville en étaient sortis ; mais cela ne servit à rien, car tous furent défaits, et neuf mille hommes furent tués.

 

Les opérations militaires de Julien, roi du Danemark (Salatris de Mombrant et Gorgile de Slavonie)

Item, [II, p. 134] l’an IIIIc et XXXII vint la novelle al roy Salatre de Mombrant que Julin, ly Danois, avoit conquis Escladie, et se conqueroit Astronie. Si s'apensat qu'ilh s'en yroit à ly et ly presenteroit XL somiers de vitalhe, et metteroit son rengne en son merchi, si qu'ilh n'entreroit mie en son paiis, car son rengne marchissoit à Astronie. Enssi le fist ly roy Salatreit, com nos disons. Se le tient Julin à grant greit, et ly dest qu'ilh voloit estre ses amis ; mains nonporquant s'ilh voloit tenir son rengne de ly en fize, ilh le defenderoit contre tous hommes, et, s'ilh ne voloit, ilh le quittoit et ne ly voloit riens forfaire. Adont oit ly roy Salatreit teile conselhe qu'ilh relevat sa terre, et devient hons et tient sa terre de roy Julin.

[II, p. 134] En l’an 432, le roi Salatris de Mombrant apprit que Julien le Danois avait conquis la Slavonie et était en train de conquérir l’Astronie. Il décida alors d’aller lui présenter quarante bêtes de somme chargées de vivres et de mettre son royaume à sa merci, s’il n’entrait pas dans son pays, voisin de l’Astronie. Ainsi fit le roi Salatris, comme nous le disons. Julien lui en sut gré et dit vouloir être de ses amis : si Salatris voulait faire de son royaume un fief dépendant de lui, lui, Julien le défendrait contre tous ; sinon, il le considérerait quitte, ne voulant lui faire aucun tort. Alors Salatris décida de reprendre sa terre, de devenir le vassal de Julien et de tenir sa terre de lui.

Puis ly dest que ly roy Gorgile de Sclavoine le guerioit et ly avoit faite grant damaige en son paiis par forche, car il tenoit plus grant terre de ly, et voloit que chu fust ses homme. Adont dest Julin que jamais ne rentroit en son paiis, s'y auroit chis fais mis en aultre pointe ; et dest al roy Salatreit : « Je vous donne le royalme de Sclavoine à tenir de moy, car je le vos conqueray par forche. » Et le roy de Mombrant l'en remerchiat mult.

Salatris dit ensuite à Julien que le roi Gorgile de Slavonie lui faisait la guerre et avait, en usant de la force, causé grand tort dans son pays : Gorgile avait un royaume plus grand que le sien et voulait faire de lui son vassal. Alors Julien dit qu’il ne rentrerait jamais dans son pays sans avoir réglé cette affaire par une autre attaque. Il dit au roi Salatris : « Je vous donne le royaume de Slavonie, que vous tiendrez de moi, car j’en ferai la conquête par la force. » Et le roi de Mombrant le remercia vivement.

 

Le pape Célestin envoie saint Patrice comme archevêque d'Irlande et d'Écosse - Mort du pape Célestin - Consécration du pape Sixte III (432)

[II, p. 134] [Ly promier archevesque d’Escoche qui convertit Yrlande] En cel an envoiat ly pape Celestin en Escoche Patriciien, le fis Conche soreur au glorieu confes sains Martin, sicom archevesque. Chis fut ly promier archevesque de Scoche et d'Ybernie : ilh convertit toutes les ysle de Yrlande à la foid Jhesu-Crist.

[II, p. 134] [Le premier archevêque d’Écosse qui convertit l’Irlande] Cette année-là [432], le pape Célestin envoya Patrice en Écosse en qualité d’archevêque. Fils de Conche, sœur de saint Martin, le glorieux confesseur, Patrice fut le premier archevêque d’Écosse et d’Irlande. Il convertit à la foi en Jésus-Christ toutes les terres d’Irlande [cfr II, p. 141 où Patrice est censé avoir convoqué le Concile d'Éphèse en 442 de l'Incarnation]. [mort en 461 de notre ère]

[Sixte pape le IIIe de chi nom et XLVII] En cel an, le XVIIe jour de mois de jule, morut li pape Celestin, si fut ensevelis en la cymitere Sains-Calixte. Apres la mort le pape Celestin vacat le siege XXII jours ; puis fut consacreis à pape de Romme, le Xe jour d'awost, unc proidhons qui fut nomeis Sixte, le thiers de chi nom, et fut de la nation de Romme le fis de senateur Prische, et tient le siege VIII ans et IX jours.

[Sixte, troisième pape de ce nom et quarante-sixième pape] Cette année-là [432], le 17 juillet, le pape Célestin mourut et fut enseveli dans le cimetère Saint-Calixte. Après sa mort, le siège resta vacant vingt-deux jours. Puis, le 10 août, à Rome, fut consacré pape, un homme de bien, qui fut nommé Sixte, le troisième de ce nom. Originaire de Rome et fils du sénateur Priscus, Sixte occupa le siège durant huit ans et neuf jours.

 

Retour aux opérations militaires de Julien (433)

En l'an IIIIc et XXXIII en novembre, fut prise la citeit de Cosdrada que les Danois avoient assegiet ; et fut ly roy Brohadas gens ochis. Et puis donnat ly roy Julin le royalme d'Astronie à Jonadas, qui astoit maris de sa soreur. Et, chu fait, les IIII roys s'en allont en Esclavonie et assegont la citeit de Baladas, qui astoit mult forte, et astoit dedens ly roy.

En novembre de l’an 433, la cité de Cosdrada, qu’avaient assiégée les Danois, fut prise. Le roi Brohadas et ses gens furent tués. Ensuite, le roi Julien donna le royaume d’Astronie à Jonadas, le mari de sa sœur. Cela fait, les quatre rois allèrent en Sclavonie et assiégèrent la cité de Baladas, qui était très fortifiée et dans laquelle se trouvait le roi.

 


 

Deuxième partie

 

 

Profitant de l'absence de Julien le Danois qui fait la guerre en Astronie et en Sclavonie, les Hongrois d'Aristote attaquent le Danemark, mais Ogier, neveu de Julien le Danois, se rend avec une armée en Hongrie pour faire revenir Aristote dans son pays - C'est ce qui se produit - Les Hongrois sont battus ; les quatre fils du roi sont tués - Ogier retourne au Danemark, tandis que Julien continue avec succès ses opérations extérieures (434-436)

[II, p. 134] [Gerre entre Danois et Hongrois qui furent desconfis] Item, l'an IIIIc et XXXIIII en mois de may, entrat ly roy Aristolt de Hongrie en la terre de Dannemarche, et le commenchat à conqueire, portant que ly roy Julin astoit oultre [II, p. 135] mere. Mains Ogier, ly fis de la soreur Julin, qui mult astoit bon chevalier, assemblat ses hommes et vient en Hongrie, et commenchat à ardre, portant que ilh voloit faire le roy retourneir, sicom ilh fist ; car oussitoist qu'ilh soit que ons ardoit en son paiis, se le vint defendre. Mains Ogier ly vient al devant et le corut sus, en mois d'octembre l'an deseurdit. Et furent les Hongrois desconfis, et là furent mors les IIII fis le roy de Hongrie, qui astoient nommeis Ypocrata, Jouel, Herbers et Leonas ; et ly roy s'enfuit grandemeut navreit. Adont destruit grandement le paiis de Hongrie Ogiers, puis retournat atant, et dest que de plus faire ilh attenderoit le roy Julien son oncle, se dont ons ne le rasalhoit novellement.

[II, p. 134] [Guerre entre Danois et Hongrois, lesquels furent défaits] En l’an 434, au mois de mai, le roi Aristote de Hongrie (cfr II, p. 127) pénétra dans la terre de Danemark et en commença la conquête, profitant de la présence outre-mer du roi Julien. [II, p. 135] Mais Ogier, fils de la sœur de Julien et très bon chevalier, rassembla ses hommes et se rendit en Hongrie, qu’il commença à incendier, parce qu’il voulait faire revenir le roi de Hongrie dans son pays, ce qui se produisit. En effet, dès qu’il sut que l’on mettait le feu à son pays, Aristote revint le défendre. Mais Ogier vint à sa rencontre et l’attaqua, en octobre de cette année-là. Les Hongrois furent vaincus et les quatre fils de leur roi périrent. Ils s’appelaient Hippocrate, Joël, Herbert et Léonas. Aristote s’enfuit, grièvement blessé. Ogier, après avoir durement saccagé la Hongrie, s’en retourna, disant que pour en faire davantage, il attendrait son oncle le roi Julien, si on ne l’attaquait pas à nouveau.

[De grant gerre fut paix faicte] Item, l'an IIIIc et XXXV en mois de june, fut prise la citeit de Baladas en Sclavoie (sic : note Bo) par les Danois, et fut ly roys pris. Et ly fut demandeit lequeile ilh amoit mies : ou qu'ilh fust ochis, ou qu'ilh fesist homaige de son regne al roy Salatreit de Mombrant, alqueile ly roy Julin l'avoit donneit en fize de ly ? Atant respondit ly roy Gorgiel qu'ilh amoit mies à tenir sa terre del roy Salatreit que morir ; siqu'ilhs furent d'acorde.

[Après une grande guerre, on fit la paix] En juin 435, la cité de Baladas, en Sclavonie, fut prise par les Danois et le roi fut fait prisonnier. On lui demanda ce qu’il préférait : être tué ou faire hommage de son royaume au roi Salatris de Mombrant, à qui le roi Julien l’avait donné comme fief. Alors le roi Gorgile répondit qu’il aimait mieux tenir sa terre du roi Salatris que mourir, ce sur quoi ils s’accordèrent.

[Ly roy danois revint vers son pays] Adont vinrent novelles à Julin que ly roy de Hongrie ly avoit pres son paiis conquesteit ; si jurat Julin son dieu Jupiter que ilh soy vengeroit. Et puis soy retournat vers son paiis ; si commandat à Dieu les IIII roys et leur dest, se nuls leur forfesoit riens, que ilhs le mandassent, que ilh les sorcouroit. Adont soy partit.

[Le roi danois revint vers son pays] Alors Julien apprit que le roi de Hongrie avait presque fait la conquête de son pays. Il jura par son dieu Jupiter de se venger, et retourna vers son pays. Il recommanda à Dieu les quatre rois et leur dit de lui faire savoir si on leur faisait quelque tort : il viendrait alors leur porter secours. Puis il partit.

les quatre rois : ses quatre fils qui avaient été tués ? La passage n'est pas très clair.

[L’an IIIIc et XXXVI] Sor l'an IIIIc et XXXVI en mois de junne, ordinat ly pape Sixte que nuls clers ne soit promus aux ordines en altre dyoceise que en la siene.

[An 436] Durant l’an 436, au mois de juin, le pape Sixte ordonna qu’aucun clerc ne soit promu aux ordres dans un autre diocèse que le sien.

 

Finalement Julien retourne au Danemark - Tout se termine bien - La rivalité avec les Hongrois est heureusement apaisée par le mariage de la fille du roi de Hongrie, Édéa, avec le neveu de Julien, Ogier, qui hérite du royaume de Hongrie (436)

[II, p. 135] En cel an rentrat ly roy Julin de Dannemarche en son paiis, se s'enfourmat de fais de roy de Hongrie ; si assemblat ses gens por entreir en Hongrie. Mains quant ly roy Ristolt le soit, sy en fut corochiés, car ilh dobtoit Julin et sa chevalerie ; se prist Edea, sa filhe, qui estoit la plus belle damoisel de monde, de XVII ans d'eage, et l'envoiat awec XLIIII damoiselles pucelles et à cent chevaliers à l'encontre le roy Julin, por prendre le debat sour lée.

[II, p. 135] Cette année-là [436], le roi Julien de Danemark rentra dans son pays et s’informa des faits et gestes du roi de Hongrie. Il rassembla ses gens pour attaquer la Hongrie. Mais quand le roi Aristote le sut, il en fut très contrarié. Il prit sa fille Édéa, qui était la demoiselle la plus belle du monde, âgée de dix-sept ans, et l’envoya avec quarante-quatre pucelles et cent chevaliers, à la rencontre du roi Julien pour régler elle-même l’affaire.

[Grant nobleche delle filhe le roy hongrois] Et celle s'en alat, se contrat le roy Julin, et elle vint tout emmy l'oust devant le roy Julin ; se fut grandement regardeit de tous les Danois, et le roy meismes soy mervelhat que chu poioit estre, car ilh ne le cognissoit mie.

[Grande noblesse de la fille du roi hongrois] La demoiselle partit, rencontra les troupes de Julien et s’avança au milieu de l’armée, devant le roi ; elle était le point de mire de tous les Danois et Julien se demandait qui elle pouvait être, car il ne la connaissait pas.

Mains Ogiers, son cusin, le cognissoit bin, se le dest al roy son oncle : « Sires, veiés-vos la dammoiselle qui vient promier ? celle est la filhe [II, p. 136] al roy de Hongrie. » Quant ly roy l'entendit, sy broche vers la damoiselle, si le salwat sicom ilh afferoit. Et la damoiselle ly rendit son salut, en demandant où ilh en aloit enssyment apparelhiet del combattre. Atant respondit ly roy : « Ma damoiselle, j'en vay en Hongrie por exilhier le roy vostre peire, se je puy, car ilh l'at grandement deservit. »

Mais Ogier, qui la connaissait bien, dit au roi son oncle : « Sire, voyez-vous la demoiselle qui marche là tout en avant ? C’est la fille [II, p. 136] du roi de Hongrie ». Quand le roi entendit cela, il se dirigea vers elle et la salua comme il convenait. Elle lui rendit son salut et lui demanda où il allait, ainsi équipé pour le combat. Le roi répondit : « Mademoiselle, je vais en Hongrie pour en chasser le roi votre père, si je le puis, car il l’a grandement mérité ».

Atant ly dest la damoiselle : « Sire, s’ilh vos plaisoit por moy faire chu que vos diroy, je vos en saroy mult grans greis. Vos saveis que vos aveis esteit oultre mere longtemps, et dedens cel terme mon sangnour mon peire vos doit avoir exilhier vostre paiis, se chu est veriteit chu que ons dist ; mains je croy que vos n'en saveis riens fours que por oiir dire : en reprendant pluseurs chouses puet-ons mesprendre. Se vos supplie humblement et de cuer, al plus affectueusement que onques puis, que tout cel debat metteis de vostre part sor Ogier vostre cusin, qui tous jours at esteit present en paiis de Dannemarche et qui seit comment la veriteit en est. Et, d'altre part, je feray tant à mon peire que de sa part ilh soy metterat del tout sor moy ; et je croy que enssi nos serons bien d'acorde et demorons en paix. »

Alors la demoiselle lui dit : « Sire, si vous vouliez faire ce que je vais vous dire, je vous en serais très reconnaissante. Vous le savez, vous êtes parti longtemps outre-mer et, à cette époque, le seigneur mon père doit avoir saccagé votre pays. Si du moins ce qu’on dit est vrai, mais je crois que vous ne savez rien d’autre que ce que vous avez entendu dire. Or, quand on répète des choses, on peut se tromper. Aussi je vous supplie, humblement, de tout coeur et aussi ardemment qu’on puisse le faire, de bien vouloir confier la discussion de ce problème à votre cousin Ogier, qui a toujours été présent au Danemark et qui connaît la vérité. Pour ma part, je persuaderai mon père de se fier entièrement à moi. Je crois qu’ainsi nous pourrons trouver un accord et rester en paix. »

[Paix fut parmi le mariage Ogier et delle dit damoiselle] Grande joie oit ly roy quant ilh entendit la damoiselle, se li respondit en riant : « Ma damoiselle, se ly roy vostre peire avoit exilhiet le motié de mon rengne, se m'en voroy del tout mettre sour vous ; mains je amasse miés estre jugeur awec vos, s'ilh vos plaisist que moy eusiés esluit, que Ogier mon neveur. Mains puisque vos l'aveis nommeit, je le vos otroie ; et moy dites se por ceste ocquison esteis venus jusques chi. » - « Sire, dest la damoiselle, oilh, par ma foid, et ilh moy semble que ly ocquison soit asseis grant por chi venir. »

[Paix rétablie par le mariage d’Ogier et de la dite demoiselle] Grande fut la joie du roi quand il entendit la demoiselle. Il lui répondit en riant : « Ma demoiselle, si votre père avait saccagé la moitié de mon royaume, je m’en voudrais de vous confier toute l’affaire ; j’aurais préféré être juge avec vous s’il vous avait plu de me choisir moi, plutôt que mon neveu Ogier. Mais puisque vous l’avez cité, lui, je vous l’accorde. Dites-moi maintenant si c’est pour cette raison que vous êtes venue jusqu’ici. « Sire, dit la demoiselle, oui, par ma foi, et il me semble que la raison est assez importante pour venir ici. »

Adont sont tous les oust desquendus, sy ont dysneit al vert, et furent noblement servis de chair et de poissons. Et, apres le dysneir, ly roy apellat Ogier, et ly dest que ilh presist awec luy milhe hommes, sy conduisist la damoiselle jusques en son propre palais. Atant l'at fait, et remerchiat mult le roy del honeur et del cortoisie qu'ilh ly avoit faite. Et ly donnat ly roy unc dyamant en une aneal d'or qui valoit bien milhe besans d'or ; puis retournat ly roy en son paiis.

Alors toutes les armées abandonnèrent le pied de guerre. Les soldats dînèrent au vert, abondamment servis de viandes et de poissons. Après le dîner, le roi [Julien] appela Ogier pour lui dire de prendre mille hommes avec lui et de reconduire la demoiselle dans son propre palais. Alors Ogier s’exécuta, remerciant très vivement le roi de l’honneur et de la courtoisie qu’il lui témoignait. Le roi [Julien] lui donna aussi un diamant serti dans un anneau d’or, qui valait au moins mille besants d’or. Après cela, il retourna dans son pays [le Danemark].

Et Ogier reconduisit la damoisselle jusqu'en son palais, où ly roy le festiat mult ; et demorat tant là Ogiers que ly et la damoiselle furent si bien d'acorde de leur arbitraige, que ly uns creantat l'autre del prendre en mariage, et par le consentement de roy de Hongrie qui donnat à Ogier awec sa filhe le royalme de Hongrie.

Ogier reconduisit la demoiselle jusqu’à son palais, où le roi [Aristote de Hongrie] lui fit grande fête. Ogier y resta jusqu’à ce que lui et la demoiselle se mirent si bien d’accord sur leur arbitrage que l’un proposa à l’autre de l’épouser. Cela se fit avec le consentement du roi qui offrit à Ogier, avec sa fille, le royaume de Hongrie.

Adont envoiat ly roy [II, p. 137] Aristolt et Ogier al roy Julin qu'ilh assemblast ses hommes à unc jour certain, alqueile ly roy de Hongrie venroit awec les arbites por leur sentenche à pronunchier entres eaux. La journée fut mise et les saingnours assembleis, et pronunchiet par les arbites que bonne paix soit entres les dois parties parmy ledit mariage. Et enssi fut-ilh paix, et fut ly mariage fais mult richement, solonc leur loy.

Alors le roi [II, p. 137] Aristote et Ogier envoyèrent [dire] au roi Julien de rassembler ses gens pour une date précise. Le roi de Hongrie viendrait à ce moment-là avec les arbitres et les décisions prises seraient proclamées. Le jour fut fixé, les seigneurs se rassemblèrent et les arbitres proclamèrent qu’une bonne paix était instaurée entre les deux parties par le dit mariage. Ainsi s’installa la paix. Le mariage fut célébré très richement, selon leur coutume.

 

 


 

D. VARIA (436-438)

 

 

Sommaire

Chez les Francs, mort du prévôt Clarnus, remplacé par son fils Élinus, pendant 32 ans (436)

* À Tongres/Maastricht, l’évêque Désignat convertit et baptise en masse (436)

Grâce à la résurrection miraculeuse de trois chevaliers en 413, Désignat hérite de terres pour l’Église

Résignat, son successeur (437), est un sage évêque

À Rome, le pape Sixte envoie Léon convertir les Perses : succès provisoire (438)

 

[II, p. 137] [Le second prevoste de Franche] En cel an meismes morut Clarnus, li prevoste de Franche ; si fut plains et regreteis del roy et de ses hommes. Apres sa mort fut ly secon prevoste ly fis Clarnus, qui fut nommeis Elinus, lyqueis regnat XXXII ans.

[II, p. 137b] [Le second prévôt des Francs] En cette même année [436 ?] mourut Clarnus, le prévôt des Francs ; il fut pleuré et regretté par le roi et ses hommes. Après sa mort, le second prévôt fut le fils de Clarnus, nommé Élinus, qui régna trente-deux ans.

[Designans de Tongre baptisat XLm hommes] En cel an convertit ly evesque de Tongre, Designans, le duc de Suaire et sa femme Lucanoir et Aganon, son fis, et Elinoir, sa filhe, et Adilon, son altre filhe, et bien XLm hommes qui sont tous batisiés, et puis revient à Treit.

[Désignat de Tongres baptisa quarante mille hommes] Cette année-là [436 ?], l’évêque de Tongres Désignat (cfr II, p. 121 ; II, p. 123) convertit le duc de Souabe, sa femme Lucanor, son fils Aganon, sa fille Éléonore et son autre fille Adilon, ainsi qu’au moins quarante mille hommes, qui furent tous baptisés. Après quoi, il revint à Maastricht.

A cel temps de chi Designans, assavoir l'an IIIIc et XIII qu'ilh n'avoit nient esteit unc evesque à Treit, se vient à luy unc dammoiseais en disant : « Sains hons, trois chevaliers sont noiiés qui astoient trois freres, dont ly uns estoit mon peire et les altres mes oncles ; se vos les rescusciteis, vos areis toutes leurs terres et serat toute à vostre engliese. »

À l'époque de ce Désignat, c’est-à-dire en 413, alors qu’il n’y avait pas d’évêque à Maastricht, un damoiseau vint lui dire : « Saint homme, trois chevaliers, trois frères, se sont noyés ; l’un était mon père et les autres mes oncles. Si vous les ressuscitez, vous aurez toutes leurs terres, qui appartiendront entièrement à votre église. »

[L’evesque de Treit resuscitat III chevaliers qui donnont leur terre à l’englise] Et Dieu, à la proiier de l'evesque, les resuscitat. Et lesdis chevaliers ly ont donneit Wonch, Embemme et Hutain, Milhemort, Votemme, Rokelenge, Hakeure, Lihe et Nyvelle toutes hiretaublement à l'engliese por Dieu, que ly evesque tient longtemps luy et ses successeurs apres luy ; puis les donnarent aux englieses qu'ilh fondarent.

[L’évêque de Maastricht ressuscita trois chevaliers qui donnèrent leurs terres à l’église] Dieu, à la prière de l’évêque, les ressuscita. Et ces chevaliers léguèrent à titre héréditaire à l’église, en remerciement à Dieu, Wonch, Embemme (Eyben-Eymael), Houtain, Milmort, Vottem, Roclenge, Hakeure, Lixhe et Noville. Toutes ces terres, l’évêque les eut longtemps en sa possession, lui et ses successeurs. Ensuite, ils les donnèrent aux églises qu’ils fondèrent.

[Resignans le XIIIIe evesque de Tongre] Item, l'an IIIIc et XXXVII, morut ly evesque Designans, si fut ensevelis en l'engliese Sains-Pire à Treit. Apres l'evesque Designans fut consacreis evesque de Tongre, le XIIIIe, uns proidhons qui fut de la citeit de Colongne, fis d'unc chevalier senateur de Colongne qui fut nommeis Resignans ; et ly evesque fut enssi appelleis apres son peire Resignans, et la mere de l'evesque oit nom Aielis fis de unc chevalier qui astoit de Confluenche. Et regnat lidis evesque XXVIII ans, en faisant tousjours le serviche de Dieu mult humblement, en demonstrant à ses gens la vraie foid de Dieu.

[Résignat, quatorzième évêque de Tongres] En l’an 437, l’évêque Désignat mourut et fut enseveli en l’église Saint-Pierre à Maastricht. Après l’évêque Désignat fut consacré le quatorzième évêque de Tongres. C’était un homme de bien, originaire de Cologne, fils d’un chevalier sénateur cette ville, nommé Résignat. L’évêque fut appelé du nom de son père. Sa mère s’appelait Alix, fille d’un chevalier de Coblence. Cet évêque régna durant vingt-huit ans, en accomplissant toujours très humblement le service de Dieu et en expliquant à son peuple la vraie foi de Dieu. [cfr II, p. 164]

[Lyon convertit les Persiens] Item, l'an IIIIc et XXXVIII, envoiat ly pape Sixte el [II, p. 138] royalme de Persie unc sains proidhons qui fut nommeis Lyon, qui fist tant, par le vertut de Dieu et par ses predications, qu'ilh convertit à la foid catholique les Persiens et les fist prendre baptemme ; mains puis soy retournarent à la foid sarasine.

[Léon convertit les Perses] En l’an 438, le pape Sixte envoya [II, p. 138] au royaume de Perse, un saint homme, qui se nommait Léon [personnage non identifié], qui réussit, par la puissance de Dieu et par ses prédications, à convertir les Perses à la foi catholique et leur fit recevoir le baptême. Mais par la suite, les Perses retournèrent à la foi païenne.

 


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