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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

TACITE

Origine et territoire des Germains, dit La Germanie

(XVI-XIX)

 

 

Traduction nouvelle avec notes de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2003

 


 [I] [II] [III] [IV] [V] [VI] [VII] [VIII] [IX] [X] [XI] [XII] [XIII] [XIV] [XV] [XVI] [XVII] [XVIII]

[XIX] [XX] [XXI] [XXII] [XXIII] [XXIV] [XXV] [XXVI] [XXVII] [XXVIII] [XXIX] [XXX]

[XXXI] [XXXII] [XXXIII] [XXXIV] [XXXV] [XXXVI] [XXXVII]

[XXXVIII] [XXXIX] [XL] [XLI] [XLII] [XLIII] [XLIV] [XLV] [XLVI]

 

 

Plan

 

Introduction

Traduction et notes

Première partie:

Comment peut-on être Germain? (I-IV)

Vivre en Germanie (V-VIII) (IX-XV) (XVI-XIX) (XX-XXIV) (XXV-XXVII)

Deuxième partie:

Particularismes de peuples germaniques (XXVIII-XXXIII) (XXXIV-XXXVII) (XXXVIII-XLII) (XLIII-XLVI)

Cartes

Benario (1999)

Goelzer (1917)

Grane (2003)

Perret (1949)

Rives (1999)

 


Vie privée et contacts sociaux

Habitat

Dispersion

(XVI 1). Aucun habitat de Germanie ne ressemble, on le sait bien, à une ville. Refusant même d'occuper des demeures contiguës, les familles vivent à l'écart les unes des autres et chacune à sa manière. Une source, une étendue ou un bocage détermine le choix d'un emplacement. Les villages ne présentent pas, comme chez nous, des constructions groupées et mitoyennes. Tout un chacun se réserve de l'espace autour de sa maison. Est-ce pour pallier les conséquences d'un incendie, à moins que ce ne soit par ignorance des techniques de construction ?

Construction et aménagement

(XVI 2). Les Germains n'utilisent ni moellons ni tuiles, rien que du bois grossièrement équarri, et ne s'embarrassent guère de donner un aspect avenant à une construction. Ils s'ingénient davantage à enduire certaines de ses parties d'une couche de terre si pure et si brillante qu'on dirait de la peinture et des rehauts de couleur. (XVI 3). En général, ils creusent sous terre des caves qu'ils recouvrent d'un énorme tas de fumier. Ces resserres, qui atténuent la rigueur des frimas, servent d'abri pour l'hiver et de dépôt pour les récoltes. Si jamais des ennemis surviennent, ils ne razzient que ce qui est à découvert. Ce qui est caché sous terre reste ignoré ou leur échappe du fait même qu'il faudrait le chercher.

 

Vêtement

(XVII 1). Ils se couvrent tous d'une saie qu'ils attachent avec une agrafe ou, à défaut, une épine. Le reste du corps à découvert, ils passent des jours entiers près du feu de l'âtre. Les plus riches se singularisent par des habits qui ne sont pas flottants, comme ceux des Sarmates et des Parthes, mais sont ajustés et moulent toutes les formes.

On porte aussi des fourrures d'animaux sauvages. Les peuples qui vivent tout près des fleuves le font sans recherche. Par contre, ceux de l'intérieur y mettent plus de coquetterie, car aucun autre raffinement ne leur vient d'échanges commerciaux. Ils sélectionnent des bêtes, les dépiautent, puis parsèment et rehaussent ces dépouilles de peaux d'animaux qu'engendrent l'Océan extérieur et une mer que nous ne connaissons pas.

(XVII 2). La tenue des femmes n'est guère différente de celle des hommes. Toutefois, elles se couvrent assez souvent d'un vêtement de dessus en lin bigarré de pourpre. Elles n'en prolongent pas le haut par des manches et leurs bras sont nus jusqu'aux épaules. Or le haut aussi de leur poitrine apparaît.

 

Mariage

Monogamie

(XVIII 1). Quoi qu'il en soit, les mariages là-bas sont pris au sérieux. Aucun autre aspect des moeurs des Germains n'est plus digne d'éloges. Seuls quasiment parmi les Barbares, ils se contentent d'une seule épouse, sauf quelques-uns à peine qui, sans être débauchés, reçoivent en raison de leur haut rang, de très nombreuses propositions de mariages.

Cadeaux symboliques

(XVIII 2). Quant à la dot, ce n'est pas l'épouse qui l'offre au mari, mais le mari à l'épouse, et ce en présence des parents et des proches, qui soumettent ces cadeaux à leur appréciation.

Ces cadeaux ne sont pas choisis pour plaire à des dames ni destinés à parer une jeune mariée. Que non! Ce sont des boeufs, un cheval harnaché et un bouclier ainsi qu'un glaive et une framée. L'épouse est accordée en échange de ces présents. Elle-même offre en retour quelques armes à son mari. Voilà ce qui est considèré comme le lien le plus étroit, comme le sens caché du sacré, comme les dieux du mariage.

Association de l'épouse aux activités guerrières

(XVIII 3). L'épouse ne doit pas se sentir tenue à l'écart des desseins de bravoure ni des aléas des guerres, car elle est avertie par les auspices mêmes préludant au mariage qu'elle vient partager peines et périls, qu'elle doit être tout aussi endurante et entreprenante dans la paix que dans la guerre. Voilà ce que symbolisent l'attelage de boeufs, le cheval tout équipé, les armes. C'est dans cette perspective que la femme doit vivre, qu'elle doit enfanter aussi: elle reçoit ce qui est à rendre intact et digne à ses enfants, pour qu'à leur tour, ses belles-filles puissent le recevoir et le transmettre à ses petits-enfants.

Respect des valeurs conjugales

(XIX 1). Aussi vivent-elle protégées dans leur pudeur, sans être corrompues par aucune séduction de spectacles, aucune incitation au cours de festins. Les hommes, tout autant que les femmes, ignorent les échanges secrets de lettres. Au sein d'une population si nombreuse, l'adultère est rarissime. Le châtiment de l'épouse est immédiat et infligé par le mari: il lui coupe les cheveux à ras et, sous les yeux des proches, la jette toute nue hors de la maison et la chasse à coup de fouet à travers tout le village. Ni sa beauté ni son âge ni sa richesse ne permettront à cette femme de retrouver un mari. Pour celle qui s'est prostituée, pas de pardon! Les vices là-bas ne font rire personne, et corrompre et être corrompu ne sont pas à la mode!

(XIX 2). Il va sans dire que cela se passe mieux encore dans les États où seules des filles vierges se marient et où on ne répond qu'une seule fois à leur espoir et à leur désir de se marier. Ainsi ne reçoivent-elles qu'un seul époux comme elles n'ont reçu qu'un seul corps et qu'une seule vie. On ne veut pas laisser aller plus loin leur imagination, ni faire traîner en longueur leur passion amoureuse ni les voir aimer plus leur mari que leur mariage.

Limiter le nombre d'enfants ou tuer un agnat relève de l'infamie.

Là-bas une bonne moralité est plus efficiente qu'ailleurs de bonnes lois

 


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