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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

TACITE

Origine et territoire des Germains, dit La Germanie

(XX-XXIV)

 

 

Traduction nouvelle avec notes de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2003

 


 [I] [II] [III] [IV] [V] [VI] [VII] [VIII] [IX] [X] [XI] [XII] [XIII] [XIV] [XV] [XVI] [XVII] [XVIII]

[XIX] [XX] [XXI] [XXII] [XXIII] [XXIV] [XXV] [XXVI] [XXVII] [XXVIII] [XXIX] [XXX]

[XXXI] [XXXII] [XXXIII] [XXXIV] [XXXV] [XXXVI] [XXXVII]

[XXXVIII] [XXXIX] [XL] [XLI] [XLII] [XLIII] [XLIV] [XLV] [XLVI]

 

 

Plan

 

Introduction

Traduction et notes

Première partie:

Comment peut-on être Germain? (I-IV)

Vivre en Germanie (V-VIII) (IX-XV) (XVI-XIX) (XX-XXIV) (XXV-XXVII)

Deuxième partie:

Particularismes de peuples germaniques (XXVIII-XXXIII) (XXXIV-XXXVII) (XXXVIII-XLII) (XLIII-XLVI)

Cartes

Benario (1999)

Goelzer (1917)

Grane (2003)

Perret (1949)

Rives (1999)

 


Enfance et jeunesse

Éducation

(XX 1). Sous chaque toit, les enfants grandissent nus et crasseux, pour atteindre ces tailles, ces statures qui font notre admiration. Leur propre mère allaite chacun d'eux sans les confier à des servantes ou des nourrices. Aucun raffinement dans l'éducation ne différencie maître et esclave. Ils vivent auprès des mêmes bêtes, sur la même terre battue, jusqu'à ce que l'âge sépare ceux de naissance libre et que leur bravoure les distingue.

Sexualité

(XX 2). La vie sexuelle des jeunes hommes est tardive. Ainsi ils ne s'affaiblissent pas au cours du passage à l'état adulte. On ne se hâte pas non plus de marier les filles. Elles ont le même âge que leurs fiancés et leur taille est tout aussi haute. Elles égalent les hommes en robustesse quand elles sont données en mariage et leurs enfants reproduisent la vigueur du couple.

Liens et devoirs familiaux

(XX 3). Les enfants dont les mères sont des soeurs doivent le même respect à un oncle maternel qu'à leur père. Ce lien du sang est tenu par certains comme le plus sacré et le plus étroit, si bien que, lors d'une prise d'otages, ils exigent plutôt des neveux. Ainsi l'emprise se fait-elle plus ferme sur les coeurs, et plus large sur une famille. On ne considère cependant que ses propres enfants comme héritiers et successeurs, et personne ne fait de testament. Si le défunt n'a pas d'enfants, le droit à l'héritage passe dans l'ordre à ses frères, à ses oncles paternels, puis maternels.

Plus il y a de parents par le sang, plus il y en a par alliance, plus agréable est la vieillesse. Être privé de descendance ne présente aucun avantage.

Gestion des conflits privés

(XXI 1). Il faut prendre le parti de son père ou de ses proches aussi bien dans leurs inimitiés que dans leurs amitiés. Les conflits se règlent sans s'éterniser. En effet, même un homicide se rachète au prix d'une certaine quantité de bovidés et de petit bétail, et ce à la satisfaction générale de la famille. La communauté y trouve aussi son compte, du fait que des inimitiés sont plus dévastatrices dans un contexte où on vit à sa guise.

Hospitalité

(XXI 2). Aucun autre peuple n'est porté avec plus de générosité aux contacts et à l'hospitalité. On considère comme sacrilège de refuser à quiconque l'entrée de sa maison. Tout un chacun reçoit à sa table qu'il garnit en fonction de ses ressources. Lorsqu'elles viennent à lui manquer, il désigne à son hôte une autre famille et s'y rend avec lui. Ils se présentent à la maison suivante sans y avoir été invités. Mais cela n'a aucune importance. Ils sont reçus avec la même bienveillance. Tant qu'il s'agit du droit à l'hospitalité, personne ne s'arrête au fait qu'il accueille une connaissance ou un inconnu. Lorsque cet hôte s'en va, il est normal, s'il réclame une faveur, de la lui accorder. Il est tout aussi facile de lui réclamer la même faveur en retour. Ils ont plaisir à échanger des cadeaux, sans prendre en compte la valeur de ce qu'ils offrent ni se sentir redevables de ce qu'on leur a donné.

Banquets et ivrognerie

(XXII 1). Dès qu'ils s'éveillent, fréquemment tard dans la journée, ils se lavent, assez souvent à l'eau chaude, car chez eux l'hiver s'installe pour bien longtemps. Une fois lavés, ils déjeunent. Ils occupent des sièges individuels et séparés, et chacun dispose de sa propre table. Ensuite, ils se rendent armés là où leurs affaires les appellent et, encore plus souvent, à des banquets. Il n'y a aucun déshonneur à passer le jour et la nuit à boire. Les disputes sont nombreuses, comme on peut s'y attendre entre ivrognes. Elles se terminent rarement par des injures, plus souvent par des meurtres et des blessures.

(XXII 2). En revanche, c'est au cours de ces banquets que, la plupart du temps, ils négocient la réconciliation avec des ennemis, la conclusion de mariages, le choix de leurs chefs, ils y décident enfin de la paix et de la guerre, comme si à aucun autre moment, l'esprit ne s'ouvrait mieux à de simples considérations ou ne s'enflammait davantage pour de grands desseins. (XXII 3). Un peuple qui n'est ni fourbe ni roué ouvre le fond de son coeur dans l'ambiance permissive d'un lieu. Ainsi tous les esprits se livrent à nu. Le lendemain, on revoit ses positions et la raison d'être des deux phases de ces échanges est sauve: on ne discute que sans pouvoir feindre, on ne décide que sans pouvoir se fourvoyer.

(XXIII). Leur boisson est un breuvage tiré de l'orge ou du blé, et fermenté en quelque sorte comme le vin. Ceux qui vivent à proximité des fleuves achètent aussi du vin. Leur nourriture est simple: des fruits sauvages, du gibier frais ou du lait caillé. Ils calment la faim sans apprêts, sans condiments.

Ils ne réagissent pas avec la même tempérance à la soif. Si on assouvit leur ivresse en leur accordant tout ce qu'ils veulent ingurgiter, ils seront bien plus facilement vaincus par leurs vices que par les armes. 

Spectacles et jeux de hasard

(XXIV 1). Il ne connaissent qu'un seul genre de spectacle, toujours le même, lors de toute réunion. Des jeunes gens nus, pour lesquels c'est un divertissement, se lancent en sautant entre des glaives et des framées tournées contre eux. L'exercice les rend habiles, l'habileté embellit leurs gestes. Ils ne font pas cela pour en tirer profit ou recevoir un prix. Leur audace, si débridée soit-elle, n'est récompensée que par le seul plaisir des spectateurs.

(XXIV 2). Quant aux jeux de hasard, ils les pratiquent sans être ivres comme une activité sérieuse. Ils gagnent ou perdent avec une telle indifférence que, lorsqu'ils ont tout joué en vain, ils engagent dans un ultime, un tout dernier pari leur liberté individuelle. Le perdant endosse volontairement le statut d'esclave. Si jeune, si fort soit-il, il accepte d'être enchaîné et vendu. En fait, il s'agit d'une obstination perverse, mais eux appellent cela de la loyauté. On se débarrasse de cette catégorie d'esclaves lors de transactions commerciales, pour échapper soi-même à la honte de cette victoire. 


 

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