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MOTEUR DE RECHERCHE DANS LA BCS


 

TACITE

Origine et territoire des Germains, dit La Germanie

(XXXVIII-XLII)

 

 

Traduction nouvelle avec notes de Danielle De Clercq, Bruxelles, 2003

 


 [I] [II] [III] [IV] [V] [VI] [VII] [VIII] [IX] [X] [XI] [XII] [XIII] [XIV] [XV] [XVI] [XVII] [XVIII]

[XIX] [XX] [XXI] [XXII] [XXIII] [XXIV] [XXV] [XXVI] [XXVII] [XXVIII] [XXIX] [XXX]

[XXXI] [XXXII] [XXXIII] [XXXIV] [XXXV] [XXXVI] [XXXVII]

[XXXVIII] [XXXIX] [XL] [XLI] [XLII] [XLIII] [XLIV] [XLV] [XLVI]

 

 

Plan

 

Introduction

Traduction et notes

Première partie:

Comment peut-on être Germain? (I-IV)

Vivre en Germanie (V-VIII) (IX-XV) (XVI-XIX) (XX-XXIV) (XXV-XXVII)

Deuxième partie:

Particularismes de peuples germaniques (XXVIII-XXXIII) (XXXIV-XXXVII) (XXXVIII-XLII) (XLIII-XLVI)

Cartes

Benario (1999)

Goelzer (1917)

Grane (2003)

Perret (1949)

Rives (1999)

 


 

Le peuple diversifié des Suèves

Généralités

(XXXVIII 1). Le moment est venu de parler des Suèves. Sans former un peuple unitaire, comme les Chattes et les Tenctères, ils occupent le territoire le plus étendu de la Germanie. Ces tribus distinctes, dont chacune garde encore toujours sa spécificité et son nom, portent néanmoins l'appellation générale de Suèves.

(XXXVIII 2). Leur particularité est de ramener leurs cheveux d'un côté en les nouant pour les fixer. C'est ainsi que les Suèves se démarquent de tous les autres Germains et, de la même façon, les Suèves nés libres se distinguent de leurs esclaves. Auprès d'autres peuples, cette pratique est rare, que ce soit par parenté avec les Suèves, ou, ce qui est courant, par imitation, et se limite d'ailleurs aux jeunes gens. Mais le Suève, c'est jusqu'à ce qu'elle blanchisse, qu'il rassemble sa chevelure hirsute pour l'attacher, souvent au sommet même du crâne. Les chefs se coiffent avec plus de recherche avec quel souci bien innocent de leur apparence! Ils ne le font pas parce qu'ils sont amoureux ou pour inspirer l'amour! Ils ne cherchent en somme qu'à se rendre plus imposants et plus effrayants. C'est pour les yeux des ennemis qu'ils partent en guerre si soigneusement parés.

Semnons et Langobards

(XXXIX 1). Les Semnons se prétendent les plus antiques et les plus nobles parmi les Suèves. La vraisemblance de leur ancienneté est confirmée par une pratique religieuse. À date fixe, toutes les tribus de même sang rassemblent leurs émissaires dans une forêt consacrée par les auspices de leurs ancêtres. On y éprouve une peur qui vient des premiers âges. Sous les yeux de l'assistance, un sacrifice humain est l'effroyable prélude d'un rituel barbare.

(XXXIX 2). Voici une autre marque encore de respect envers le bois sacré: nul n'y pénètre qu'entravé de liens, reconnaissant ainsi son infériorité devant la puissance de la divinité. Si, par hasard, on tombe, il n'est question ni de se faire relever ni de se remettre debout. Ceux à qui cela arrive se roulent sur le sol. Toute cette contrainte superstitieuse vise à démontrer que c'est de là que le peuple tire son origine, que c'est là que se trouve le dieu qui règne sur tous les êtres, et que tout ce qui existe en dehors du dieu lui doit soumission et obéissance.

(XXXIX 3). La bonne fortune des Semnons renforce leur prestige. Ils occupent cent villages et leur pullulement les fait se considérer comme les premiers des Suèves. (LX 1). Par contre, leur petit nombre ennoblit les Langobards, qui vivent encerclés par des peuples aussi nombreux que puissants. Ce n'est pas en se montrant complaisants envers ceux-ci, mais en les combattant jusqu'à les mettre en danger qu'ils préservent leur sécurité. 

Ethnies pratiquant le culte de Nerthus

(XL 2). Puis viennent les Reudignes et les Avions et les Angles et les Varins et les Eudoses et les Suardones et autres Nuitons, qui sont protégés par des cours d'eau et des forêts. Il n'y a rien de bien particulier à signaler pour chacun d'eux, excepté le culte qu'ils rendent en commun à Nerthus, autrement dit à la Terre Mère. Ils croient qu'elle intervient dans les affaires humaines et qu'elle se fait conduire auprès de leurs peuples.

(XL 3). Dans une île de l'Océan s'étend une forêt sainte. Elle abrite un char consacré, que dissimule un voile. Un seul prêtre est autorisé à le toucher. Il prend conscience de la présence de la déesse dans le sanctuaire, fait atteler le char par des génisses et le suit avec grande vénération. Viennent alors des jours de liesse. C'est la fête dans les endroits que la déesse juge dignes de l'accueillir et de l'héberger. On n'entame pas de guerres, on ne prend pas les armes. Tout fer est enfermé. Ce n'est qu'alors qu'on connaît le calme de la paix, ce n'est qu'alors qu'on l'apprécie. Il en est ainsi jusqu'à ce que le même prêtre rende à son temple la déesse comblée par son séjour chez les mortels.

(XL 4). Ensuite le char et le drap et, si on le trouve crédible, la divinité elle-même sont immergés dans un lac à l'abri des regards. Ce rite est accompli par des esclaves que ce même lac immédiatement engloutit. De là, la peur du mystère et l'inviolable ignorance de ce que seuls voient des êtres qui vont mourir.

Région danuvienne

(XLI 1). La région de la Germanie occupée par des Suèves dont je vais vous parler maintenant est la plus reculée. Le peuple le plus proche,- je ne suis plus le cours du Rhin, comme tout à l'heure, mais celui du Danube,- est celui des Hermundures, qui sont fidèles aux Romains. C'est pourquoi ils sont les seuls parmi les Germains à faire du commerce non pas sur les rives, mais bien au-delà et jusque dans la brillante colonie de la province de Rétie. Ils traversent le fleuve un peu partout et sans contrôle. Alors que nous ne montrons aux autres peuples que nos camps et nos armes, à ceux-ci nous ouvrons nos maisons et nos domaines sans éveiller leur envie. (XLI 2). C'est dans le territoire des Hermundures que l'Elbe naît, fleuve à la pointe de l'actualité... autrefois. Aujourd'hui, c'est à peine si on en parle encore.

(XLII 1). À côté des Hermundures, vivent les Naristes et, à leur suite, les Marcomans et les Quades. La gloire et la puissance des Marcomans font leur supériorité, tout comme leur territoire qu'ils ont acquis par leur bravoure en expulsant autrefois les Boiens. Les Naristes et les Quades les valent bien. Ils forment en quelque sorte le front de la Germanie de bout en bout sur toute la rive du Danube. 

(XLII 2). Jusqu'à notre époque, Marcomans et Quades eurent pour rois issus de leur propre peuple les nobles descendants de Maroboduus et de Tuder. Maintenant, ils en accueillent qui viennent de l'extérieur. Or ces rois se voient octroyer force et pouvoir par l'autorité romaine. Ils ne se font que rarement soutenir par nos armes, plus souvent par notre argent, ce qui n'est pas plus mal.

 


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