Tacite - Germanie - XVI à XIX - Notes

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ville (XVI 1). L'empire romain s'appuie sur des communautés urbaines, qui sont de "petites Romes" dont elles adoptent l'infrastructure et la gestion. Le monde germanique est très différent avec ses communautés restreintes et rarement durables. Le uicus représente l'unité de peuplement, sans la monumentalité des temples, portiques et murailles qui font les urbes. Ces considérations sur l'habitat, qui concordent avec les données archéologiques, s'intègrent à la représentation des Germains comme des Barbares, la vie urbaine étant pour les Grecs et les Romains un indice déterminant de civilisation. Quand il fait décrire les murailles par les Tenctères, comme des munimenta seruitii, Tacite donne un éclairage positif de ce refus de la vie urbaine. Cf. Hist. IV 64, 3. On trouve pourtant chez César (G. IV 19, 2; VI 10, 2) des allusions à des oppida en Germanie. En présentant ici le village comme l'habitat le plus courant, et non le nomadisme, Tacite situe les Germains entre barbarie et civilisation.

contiguës (XVI 1). Cf. Cicéron: domicilia coniuncta quas urbes dicimus (Sest. XLII 91). Le contraste est grand avec le modèle romain d'habitations groupées et mitoyennes et d'immeubles à appartements.

choix (XVI 1). À rapprocher de ce que César (G. VI 30, 3) dit des Gaulois: qui uitandi aestus causa plerumque siluarum ac fluminum petunt propinquitates.

villages (XVI 1). Les données archéologiques révèlent aussi bien des hameaux de trois ou quatre maisons (Fochteboo dans la province hollandaise de la Drenthe) que des villages de plusieurs dizaines d'habitants, comme Ezinge dans la province de Groningen.

incendie (XVI 1). Cette explication, tout comme la seconde, est conjecturale. Elle s'inspire des mesures urbanistiques prises après l'incendie de Rome en 64. Cf. Ann. XV 43; Suétone (Nér. XVI 1). L'autre s'inscrit toujours dans la présentation délibérée des Germains comme des Barbares.

bois (XVI 2). En fait les Germains ont construit plus tard en pierre par imitation des Romains. Divers vocables allemands du domaine de la construction sont d'ailleurs d'origine latine: Kalk (calx), Mörtel (mortarium), Ziegel (tegula), Pfeiler (pila). L' historien grec, Hérodien (VII 2, 4), un siècle après Tacite et à la différence de celui-ci, explique l'emploi du bois par le fait que celui-ci est beaucoup plus facile à trouver que la pierre et les briques. Il ne s'agit pas donc pas d'ignorance.

terre (XVI 3). L'archéologie a prouvé que les Germains utilisaient de la terre glaise pour colmater le clayonnage des murs et qu'ils appliquaient parfois une couche supérieure de chaux blanche comme hydrofuge. Cette chaux a pu être colorée à l'aide de pigments naturels. Tacite prend comme référence la coutume romaine de peindre les murs et établit un rapport avec les traits et encadrements qu'on retrouve notamment dans les maisons pompéiennes.

frimas (XVI 3). Cf. IV.

saie (XVII 1). Le sagum (mot d'origine gauloise) est une grande pièce d'étoffe rectangulaire, multicolore selon certaines descriptions, ce qui la rapprocherait du tartan écossais. Cf. XX 1. Il est souvent associé avec les braies comme tenue typique des Gaulois. Cf. Hist. II 20, 2.

agrafe (XVII 1). Ces fibulae étaient, à l'époque de Tacite, le plus souvent en bronze et les modèles très variés, comme le confirme l'archéologie, qui révèle aussi que moins de 25% des tombes en contenaient .

ajustés (XVII 1). Allusion aux manches et aux pantalons.

Sarmates (XVII 1). Cf. I 1.

Parthes (XVII 1). D'origine iranienne, les Parthes étaient établis au Sud-Ouest de la Mer Caspienne. Cf. XXXVII 3.

Océan (XVII 1). L'Océan Arctique qui représente la frontière du monde vivant. Cf. XLV 1.

femmes (XVII 2). Cette affirmation ne concorde pas vraiment avec les données archéologiques. Tacite est sans doute influencé par le fait que dans les temps anciens de Rome, la toge était portée par les hommes et les femmes. En jouant sur le contraste final, la description du vêtement féminin crée un effet assez facile et plutôt lourd, qui évoque la tenue de femmes de mauvaise vie dans le contexte romain. Cf. Properce II 22, 8; 15-16. Mais cela veut mettre encore mieux en évidence la solidité des mariages et le sérieux des femmes sur le plan conjugal en Germanie. Les chapitres XVIII à XX consacrés au rôle de la femme en tant qu'épouse et mère de famille représentent pour Tacite, fort attaché lui-même à la moralité féminine (Cf. Agr. IV 3, VI 1), un point incontournable de comparaison, qui tourne à la défaveur du monde romain ou du moins de la vie à Rome.

lin (XVII 2). L'usage du lin et de la laine est courant en Gaule et en Germanie à l'époque romaine. Cf. Pline (NH XIX 8).

pourpre (XVII 2). Comme il est fort peu probable qu'il s'agisse de la teinture tirée du murex, il faudrait plutôt penser à une teinture indigo réalisée à partir de l'Isatis tinctoria.

moeurs (XVIII 1). Cf. VIII 1. La pudeur des Germains est un lieu commun, à mettre en rapport avec la théorie des climats, selon laquelle un climat froid ne porte guère à une vie sexuelle débordante. Cf. Hippocrate (Aer. 20-22). Les Thraces faisaient toutefois exception. Cf. Hérodote (V 5); Euripide (Andr. 215-219).

quelques-uns (XVIII 1). Arioviste par exemple. Cf. César (G. I 53, 4).

dot (XVIII 2). Encore une coutume contraire à l'univers romain. Il s'agit vraisemblablement d'une forme d'achat de l'épouse, qui peut être mise en rapport avec la pratique du troc. Cf. V 3.

un glaive et une framée (XVIII 2). Concernant le glaive, on relève une certaine contradiction avec ce qui a été dit précédemment. Cf. VI 1.

guerres (XVIII 3). Cf. VII 2. Les épouses germaines sont appelées à partager plus de tâches et d'activités que leurs consoeurs romaines, même celles de l'époque archaïque. Mais rien ne permet de corroborer l'interprétation que Tacite donne de cette cérémonie. C'est une nouvelle occasion d'insister sur le caractère guerrier de la société germanique. Cf III 1

enfanter (XVIII 3). Deux leçons du texte se présentent : sic uiuendum sic pariendum ou pereundum. La première, adoptée par Perret et Stefanoni, et retenue par Rives me paraît plus cohérente avec le contexte immédiat (liberis)

rendre (XVIII 3). Il ne s'agit bien sûr pas de tous les cadeaux eux-mêmes, mais de ce qu'ils symbolisent.

lettres (XIX 1). Autre lieu commun que les effets dévastateurs des raffinements de la civilisation sur la morale. Cf. Agr. XXI 3. Les spectacles et banquets sont traditionnellement invoqués comme occasions de débauche pour les femmes. Cf. Properce (II 19, 9); Ovide (Ars Am. I 89-100), Juvénal (VI 61-81). Tacite fait certes allusion à la pratique bien implantée chez les Germains de banquets et de spectacles de jeux, mais il est implicite que les femmes n'y participent pas. Cf. XXII 1; XXIV 1. D'autre part, à la différence de la société romaine, la morale conjugale de la société germanique est protégée par l'illettrisme de ses représentants. Cf. Ovide (A. A. I 437- 458); Juvénal (VI 243-244; 277).

châtiment (XIX 1). Le droit romain n'autorisait plus, comme autrefois, un mari à exercer une justice expéditive en tuant son épouse adultère. Sans aller jusque là, (même si l'épouse publiquement réprouvée a peu de chances de survie), les Germains sauvegardent, dans l'optique de Tacite, des exigences morales abandonnées par les Romains. Le droit de châtier une épouse infidèle est accordé au mari dans des codes de lois tardifs, ce qui permet de défendre la vraisemblance de la description de Tacite. Dans un autre passage (XXXVIII 2), Tacite insiste sur le rapport entre statut social et chevelure chez les Suèves. Plus tard, les rois mérovingiens se distinguent par leur longue chevelure. Ils s'empressent aussi d'en délester leurs rivaux pour les humilier. Cf. Grégoire de Tours (Hist. II 9; II 41, 3; XVIII 6, 24). La découverte de quelques femmes à la tête partiellement ou totalement rasée, inhumées à l'époque du fer, est difficile à interpréter. Toutefois Tacite semble s'appuier sur des faits vraisemblables.

vierges (XIX 2). Rien ne permet d'affirmer qu'il en est ainsi dans des États germaniques au temps de Tacite. Il faut plutôt voir une réflexion d'ordre général face aux remariages multiples de certaines femmes à Rome, qui sont les cibles des moralistes et des auteurs satiriques. Cf. Sénèque (Ben. III 16, 2); Martial (VI 7), Juvénal (VI 224-230).

limiter (XIX2). Encore une affirmation faite pour attirer l'attention sur les pratiques romaines courantes, tout en étant très critiquées, de contraception, d'avortement et d'abandon de nouveaux-nés indésirables. Cf. Ovide (Am. II 14); Pline (NH. 10, 172); Juvénal (VI 595-597).

lois (XIX 2). Chez les Germains il n'y a pas de distinction entre lois et coutumes. L'opposition entre lois et moralité est un lieu commun (Cf. Horace ([Carm.III 23, 35 -36]), les lois étant considérées comme un rempart contre la corruption, apparue après l'Âge d'Or, au cours duquel les lois précisément n'existaient pas. Cf. Ann. III 26. On peut penser aussi à la présentation que Salluste fait (Cat. IX ) des anciens Romains. Par ailleurs, il semble que n'existaient pas de lois romaines sanctionnant l'avortement et l'abandon d'enfants.

 

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