- Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 1 - janvier-juin 2001
La Toile et les
Études classiques :
publication
électronique et ressources
bibliographiques
par
Jacques Poucet*
Inédit à l'époque de sa première publication dans les FEC en juin 2001. Depuis cette date, plusieurs mises à jour ont été publiées, dont une, sous le même titre, dans le tome V des Hommages à Carl Deroux (Collection Latomus), 2003, p. 514-528.
Le texte de cet article a fait l'objet d'une revision complète en mai 2007 et d'adaptations ponctuelles en février 2009.
Il n'a plus été revu depuis lors et n'offre plus qu'un intérêt historique. Tout change et tellement vite ! [addition de janvier 2022]
- Introduction
- La publication électronique
- Des millions de pages de toute nature et de toute valeur
- Les livres
- Les périodiques
- L'information bibliographique
- Les catalogues de bibliothèques
- Des informations bibliographiques présentes sur de nombreux sites
- Une revue électronique spécialisée dans les comptes rendus : la BMCR
- Une base de données spécialisée dans l'histoire de la médecine antique
- AnPhilNet ou L'Année Philologique en ligne
- Gnomon Online
- DRANT
- Un cas particulier : des bibliographies spécialisées dans les périodiques
- En conclusion : l'intérêt de la Toile
Introduction
Dans les études classiques aussi, les NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) jouent un grand rôle. Plusieurs travaux récents [1] et importants l'attestent à suffisance. Toutefois quelques collègues latinistes et hellénistes continuent d'éprouver des réticences. Ces dernières, à dire vrai, ne portent pas sur tous les aspects des NTIC. En effet des ordinateurs fleurissent dans nos bureaux ; le courriel est devenu une réalité quotidienne ; nos manuscrits sont souvent envoyés aux éditeurs sous forme électronique ; des CD-ROMs [2] ont aujourd'hui acquis le statut d'instruments de travail indispensables. C'est Internet surtout qui suscite encore la défiance. La Toile est parfois perçue comme un monstrueux vivier d'informations, où le pire côtoye le meilleur, où l'on se perd facilement en perdant beaucoup de temps et duquel, en fin de compte, le pêcheur courageux et persévérant ne ramène souvent que du menu fretin. Tout cela n'est pas entièrement faux, mais il ne faudrait pas en conclure que la Toile ne peut rien offrir de valable. C'est à l'intention de ceux qui partageraient cette position radicale que s'adressent les pages suivantes.
Les observations qu'elles contiennent nous ont été dictées par une fréquentation régulière de la Toile et par la gestion, avec Jean-Marie Hannick, un collègue historien, d'un site consacré à l'Antiquité gréco-romaine, la Bibliotheca Classica Selecta (BCS), qui est hébergé sur le serveur de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Louvain-la-Neuve. Notre expérience est vieille maintenant de quelque huit ans, presque une éternité dans le domaine éminemment volatil de ce qu'il est convenu d'appeler le Cyberespace.
Reste que le sujet à traiter est très vaste, trop vaste pour un bref exposé et qu'il nous faudra choisir. Nous exclurons du présent propos tout ce qui concerne directement l'enseignement secondaire, un secteur particulièrement riche et actif pourtant qui mériterait un développement particulier [3]. Nous ne prendrons pas non plus en compte ici ce qu'on appelle le grand public, un public - notre expérience de gestionnaire de site nous l'a montré - ouvert et intéressé par la culture classique. S'il n'a que peu d'occasions de pénétrer dans une bibliothèque universitaire, il est très heureux de pouvoir lire sur son écran, chez lui, des traductions françaises des oeuvres anciennes ou des articles de réflexion, sur l'histoire comparée par exemple ou sur l'héritage latin conçu comme une culture de l'universel.
C'est essentiellement à des lecteurs universitaires, étudiants ou collègues, que nous nous adresserons en tentant de répondre à une question qu'ils peuvent légitimement se poser s'ils ne sont pas encore des familiers de la Toile : que peut apporter cette dernière au chercheur ? Même aussi strictement balisé, le domaine à explorer reste très vaste ; et nous nous cantonnerons en fait à deux aspects particuliers, celui de la publication électronique et celui de l'information bibliographique.
Ces pages sont dédiées à notre éminent collègue, Carl Deroux. Le monde classique lui doit une revue dont la haute qualité est internationalement reconnue et qui a cédé, elle aussi, aux « sirènes » de la Toile. Latomus possède en effet un site propre.
[Plan]
Une des caractéristiques de la Toile - à la fois sa force et sa faiblesse - est l'extrême facilité qu'elle offre à la publication. À la limite et en théorie, n'importe qui peut y publier n'importe quoi et avoir accès à une audience mondiale. En outre, l'édition électronique elle-même ne coûte pas très cher et n'exige pas de connaissances techniques très spécialisées.
Des millions de pages de toute nature et de toute valeur
Cela explique la présence sur la Toile de millions et de millions d'informations de toute nature, rassemblées sur des « pages » (c'est le terme reçu) qui offrent tantôt du texte, tantôt du son, tantôt des images (fixes ou animées), tantôt un mélange de texte, de son et d'image. Dans le domaine des études classiques comme dans tous les autres, la variété de l'offre est extraordinaire. Les sites (c'est aussi le terme reçu) poussent sur la Toile comme des champignons.
Leur taille est très variable : quelques pages pour les uns, des milliers pour d'autres. On y trouve de tout, des données n'existant que sous forme électronique, ou des informations figurant aussi sous forme imprimée ; mais aussi des répertoires de liens, des listes d'adresses en quelque sorte, souvent très précieuses d'ailleurs, qui renvoient l'utilisateur vers tout ce qui, sur la Toile, concerne tel ou tel aspect de l'antiquité.
Étant donné la facilité même de la publication, ces sites sont parfois très volatils : ils apparaissent et disparaissent en l'espace de quelques mois ; leurs adresses changent. En outre - et c'est probablement le plus grave - la qualité de l'information véhiculée est très variable. L'excellent coexiste avec l'exécrable. C'est que les auteurs des pages peuvent être aussi bien des spécialistes compétents que des amateurs éclairés ou des fantaisistes farfelus.
En général l'hébergement sur un serveur universitaire est une garantie de qualité, mais comme les universités ne sont pas toujours très accueillantes, beaucoup de sites sérieux doivent trouver refuge chez des fournisseurs privés. C'est surtout dans les « pages personnelles » des non-professionnels que le meilleur côtoie le pire. L'utilisateur doit toujours avoir son esprit critique en éveil. Ajoutons qu'il doit aussi être capable d'évoluer dans un véritable déluge d'informations ; il sera en effet très vite noyé s'il n'est pas capable de se servir habilement des instruments heuristiques adéquats, ce qu'on appelle les moteurs de recherche [4] et les sites portails [5].
En réalité le chercheur spécialisé sera peut-être moins attiré par ces innombrables pages que par les livres et les revues disponibles sur la Toile.
[Plan]
Les livres
Commençons par les livres. On parle beaucoup aujourd'hui du livre électronique (e-book) ; des sociétés commerciales proposent aux utilisateurs potentiels du matériel, des programmes et des listes d'ouvrages disponibles ; depuis longtemps en fait la Toile offre des livres sous forme numérisée, dans des formats divers d'ailleurs (txt ; html ; pdf ; etc.).
Il existe en fait d'imposants programmes systématiques de digitalisation de livres, comme par exemple le projet Google Books, ou celui qu'on trouve sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France, mais ces réalisations institutionnelles ne sont pas prioritaitement orientées vers les études classiques. Dans ce dernier domaine, les initiatives émanent plutôt de centres universitaires ou d'individus isolés. Ces réalisations portent essentiellement sur les sources, les traductions et les instruments de consultation. Les travaux, surtout les travaux récents, sont beaucoup plus rares. Passons rapidement ces différents points en revue.
Les sources d'abord
De nombreux textes classiques originaux sont aujourd'hui accessibles en ligne librement et gratuitement : une page spéciale de la BCS recense les répertoires de sources, parmi lequels on épinglera des sites fort riches, comme The Latin Library, Mikros Apoplous, la Bibliotheca Augustana, et, en ce qui concerne la Belgique où les activités en la matière sont nombreuses, la collection de Philippe Remacle, celle des Itinera Electronica et celle des Hodoi Elektronikai.
Pendant longtemps il a essentiellement été question d'auteurs latins, mais, depuis que la diffusion des polices Unicode a résolu en grande partie les problèmes de transmission du grec sur la Toile, on rencontre aujourd'hui aussi bien des auteurs grecs que des auteurs latins.
Il faut cependant noter que la valeur de ces textes est variable. Ce sont généralement d'anciennes éditions, libres de droit, qui ont été utilisées pour la digitalisation ; les erreurs de saisie optique n'ont pas toujours été complètement éliminées, et de toute manière les apparats critiques ne sont pratiquement jamais conservés. Au registre des avantages, on inscrira la facilité d'accès et aussi les possibilités de recherches lexicographiques offertes. Il existe en effet en ligne des outils performants gratuits, qui permettent notamment une recherche instantanée sur les textes (possibilité par exemple de demander les contextes d'emploi d'un mot ou d'obtenir une liste de fréquence alphabétique ou encore d'étudier la longueur des phrases d'un long texte). On verra sur ce point les multiples possibilités de recherche offertes à Louvain par les Itinera Electronica et les Hodoi Elektronikai.
Les traductions
Des traductions aussi, en grand nombre, sont accessibles en ligne ; il fut un temps où il s'agissait principalement de traductions anglaises. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La Toile propose maintenant, en accès libre et gratuit, de très nombreuses traductions en français (anciennes et/ou originales) de textes grecs et latins classiques. Une page spéciale de la BCS en fournit une liste assez complète.
Parmi les sites francophones les plus riches en la matière, on citera, à Louvain, la Bibliotheca Classica Selecta (BCS), les Itinera Electronica et les Hodoi Elektronikai; en Belgique aussi, le site de Philippe Remacle; en France, le site Méditerranées d'Agnès Vinas et le Nimispauci de Ugo Bratelli.
Les instruments de travail
Quelques instruments de travail traditionnels sont également accessibles en ligne ; nous relèverons par exemple le Liddell-Scott, le Lewis-Short, The Princeton Encyclopedia of Classical Sites, ces trois derniers ouvrages s'intégrant dans une extraordinaire réalisation américaine (The Perseus Digital Library) qui mériterait une analyse particulière.
Le vieux « Daremberg et Saglio » (DAGR) par exemple est lui aussi disponible sur la Toile dans une belle réalisation issue d'un partenariat entre des enseignants d'Histoire de l'Université du Mirail (Toulouse) et la Mission Innovation Technologique et Multimedia qui assure son développement. Ce projet prévoit non seulement l'accès Internet au contenu de l'ouvrage mais encore la possibilité de commenter et d'enrichir les articles. Est également accessible sur le site de l'Université de Chicago le très classique A Topographical Dictionary of Ancient Rome (S.B. Platner - Th. Ashby, Oxford, 1929).
L'accès à ce qui vient d'être cité est libre et gratuit. Mais il existe aussi, en matière d'instruments de travail, des services payants sur lesquels nous ne nous étendrons pas ici. On songe par exemple à la possibilité de consulter en ligne le New Pauly Online, ou à l'existence d'une version sur CD-ROM de l'Oxford Classical Dictionary (1996).
Les travaux
Nombre de travaux sont également accessibles sur la Toile, mais il s'agit souvent d'ouvrages relativement anciens. En effet, en ce qui concerne les nouveautés, la publication électronique véritable reste relativement rare, la Toile étant surtout utilisée par les éditeurs ou les auteurs comme vitrine publicitaire. On annonce le livre, on saisit optiquement la page de couverture, on en donne la table des matières, on sélectionne quelques passages de l'avant-propos et de la conclusion, voire l'une ou l'autre page. Un exemple significatif à ce propos est celui de l'Oxford University Press Reading Room où il est possible au client potentiel (appelons-le ainsi) de lire quelques extraits d'un certain nombre d'ouvrages récemment publiés par les Presses universitaires d'Oxford. On pourra visiter par exemple la section classique.
Il existe toutefois des maisons d'éditions qui affichent, plus que d'autres, une certaine politique d'ouverture. Pour ne pas quitter le monde anglo-saxon, on évoquera par exemple les Presses de l'Université de Californie à Berkeley. En mai 2007, cette institution proposait en ligne le texte intégral de quelque 2000 livres qu'elles avaient édités. En réalité, seuls les membres de l'Université de Californie pouvaient accéder librement à l'ensemble de ce stock, mais il reste que plusieurs ouvrages étaient accessibles à tous sans frais. À cette date, la section « Classics », par exemple, offrait 121 titres, dont 34 totalement libres d'accès. Certains d'entre eux peuvent passer pour des manuels au sens large du terme, comme celui de J.D. Mikalson, Religion in Hellenistic Athens, Berkeley, 1998, 364 p. (Hellenistic Culture and Society, 29); mais d'autres sont plus spécialisés : ainsi M. Koortbojian, Myth, Meaning, and Memory on Roman Sarcophagi, Berkeley, 1995, 225 p.
L'édition francophone fait parfois démentir la réputation qui est la sienne d'être très « frileuse » en matière d'ouverture vers la publication électronique. On épinglera le cas - exemplaire - du Cefael (= Collections de l'École française d'Athènes en ligne), qui, depuis avril 2003, propose gratuitement les publications de l'École française d'Athènes. Les responsables offrent ainsi au public une véritable bibliothèque numérique regroupant l'intégralité des ouvrages publiés depuis 1877, ce qui en fait le premier portait de publications électroniques sur les études grecques : plus de 500 volumes, soit quelque 250.000 pages.
En France toujours, on note le développement récent, à l'ISTA (Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, Besançon, Université de Franche-Comté), d'un très intéressant projet visant à mettre gratuitement à la disposition du public, en version intégrale, des ouvrages relativement récents (de 1962 à 1996), parus également sous forme imprimée aux Presses Universitaires de Franche-Comté. Plus de trente titres étaient ainsi proposés en avril 2007, et ce nombre devrait augmenter régulièrement. Le catalogue est en ligne. Il s'agit ici d'ouvrages, pour lesquels coexistent la version imprimée et la version électronique ; le lecteur peut même, s'il le désire, passer commande de la version imprimée du livre qui l'intéresse.
Il ne s'agit donc pas d'une situation comparable à celle du livre de Jean-René Jannot, À la rencontre des Étrusques, Éditions Ouest-France, 1987, 285 p., disponible en version intégrale sur Rasenna, un des rares sites francophones sur les Étrusques. L'ouvrage était épuisé en librairie et ne pouvait pas être réédité. La publication électronique était en quelque sorte un « pis-aller », comme ce l'était aussi pour le livre de Wesley D. Smith, The Hippocratic Tradition, Cornell U. P., 1979, 264 p., réédité au format numérique en 2002 sur le site de la BIUM de Paris.
La présentation, rapide et limitée, qui précède n'a envisagé jusqu'ici que la question d'une identité complète entre la version imprimée et la version électronique d'un ouvrage. En fait, pour certains travaux, le rapport entre les deux supports peut être plus complexe.
Prenons l'exemple de la Bibliotheca Classica Selecta (BCS) louvaniste, partiellement liée à un ouvrage imprimé [6], et de la bibliographie de M.G.M. van der Poel, Beknopte bibliografie van de Latijnse taal- en letterkunde, Nimègue, 1996, elle aussi en ligne. Dans ces deux exemples, le matériel disponible sur la Toile est structuré d'une manière très différente de ce qu'on trouve dans le livre. C'est également le cas du site des Miroirs étrusques et prénestins auquel le regretté Roger Lambrechts a travaillé à Louvain et qui est une émanation du monumental Corpus Speculorum Etruscorum. Ce l'est aussi de l'imposante réalisation canadienne de J. Traill, Persons of Ancient Athens (PAA), en cours de publication depuis 1994. Cette prosopographie complète de l'Attique, du VIIe siècle avant au VIe siècle après Jésus-Christ et qui doit comprendre 20 volumes (le 15 est paru en septembre 2006), sera doublée à terme d'une version électronique, avec outil de recherche. Pour l'instant sont disponibles en ligne les lettres B, G, D (10.000 noms au total). Le site Website Attica permet des recherches sur cette base de données électronique tout en proposant des addenda et des corrigenda aux volumes imprimés (jusqu'au volume 7 en janvier 2005).
Ces exemples livrent une piste intéressante dans l'examen des rapports entre l'imprimé et l'électronique. Peut-être après tout, pour certains types de publications, faudrait-il envisager les choses moins en termes d'identité que de complémentarité.
Illustrons notre propos en prenant le cas de deux livres récents sur la religion antique : l'excellent guide bibliographique Mentor [7] de la religion grecque d'une part, la précieuse bibliographie analytique de G. Freyburger - L. Pernot sur la prière grecque et romaine d'autre part [8]. Tous deux sont devenus d'indispensables instruments de travail. Ils n'existent encore que sous forme imprimée. Et pourtant une version électronique permettrait à leurs nombreux utilisateurs de suivre, en direct presque, les enrichissements de la base de données, au lieu d'attendre, des années parfois, d'éventuelles mises à jour imprimées. Rien de tel que la formule électronique pour transformer une bibliographie rétrospective en une bibliographie courante, ouverte, évolutive. On se prend à rêver...
Pour en revenir à la question plus générale de la publication électronique, il est difficile de dire dans quel sens les choses vont évoluer. Les paragraphes précédents ont parlé tantôt d'identité, tantôt de complémentarité, mais l'édition électronique pourrait aussi, dans certains cas, se substituer purement et simplement à l'édition traditionnelle. Jusqu'à une date récente, et à quelques exceptions près, les éditeurs bien installés sur la place n'ont guère encouragé l'expérience numérique, manifestant à son égard des réactions de frilosité, voire d'hostilité. Il ne serait pourtant pas exclu qu'ils se voient sous peu obligés de revoir leurs positions trop figées. Certains auteurs pourraient souhaiter prendre les choses en mains et se libérer de leur tutelle, avec l'aide éventuelle de jeunes maisons d'édition dynamiques misant sur le numérique. Pour ne prendre qu'un exemple, en France, les Éditions de l'Arbre d'Or de Philippe et Patricia Camby offrent un large choix d'ouvrages très soignés, à télécharger au format PDF contre paiement. On trouve dans leur catalogue plusieurs traductions d'oeuvres grecques et latines (Aristophane, Catulle, Ésope et les Fables, Méléagre, Sappho) dues à Philippe Renault.
Il est de fait que, en théorie tout au moins, grâce à la Toile et aux moyens techniques actuels, les réseaux traditionnels sont devenus moins indispensables. Dans la pratique toutefois il ne sera certainement pas facile de mettre en place de nouveaux canaux d'édition et de diffusion, pas plus qu'il ne sera facile de changer les mentalités et de donner à la publication électronique scientifique ses lettres de noblesse. Elle doit en effet surmonter de lourds handicaps : elle ne se heurte pas seulement aux réticences des éditeurs institutionnels ; elle souffre également de la défiance des milieux universitaires eux-mêmes, qui ont encore tendance à la considérer avec beaucoup de réserves, voire avec condescendance. Mais ce sont là des problèmes complexes qu'il est impossible d'aborder ici.
[Plan]
Les périodiques
La situation des périodiques est assez proche de celle des livres. Ici aussi, et pour les mêmes raisons, on a l'impression que les éditeurs traditionnels pourraient être confrontés à une sorte de fronde. Des indices en tout cas existent d'un mouvement dans ce sens. On songera par exemple à ce qu'on appelle l'Initiative de Budapest pour le Libre Accès à la Recherche (BOAI - Budapest Open Access Initiative), lancée en 2001.
Mais ne faisons pas de prospective et contentons-nous d'un bref aperçu de la situation actuelle des revues du monde classique, en renvoyant ici encore à une page spéciale de la BCS, qui passe en revue plus de 120 titres.
Indiscutablement, les éditeurs sont attirés par la Toile. Ils sont de plus en plus nombreux en effet à y placer une partie limitée de leurs publications à des fins variables (expérimentales, informatives, voire publicitaires). Sans envisager pour autant d'adopter la formule électronique.
Il existe déjà, il est vrai, dans nos disciplines quelques revues entièrement numériques, c'est-à-dire sans version papier correspondante. Elles sont cependant beaucoup moins nombreuses que leurs soeurs plus classiques, et d'ailleurs moins bien cotées qu'elles. Certaines, comme Arachnion (Arachnion. A Journal of Ancient Literature and History on the Web), ou Histos (Histos. The Electronic Journal of Ancient Historiography at The University of Durham), n'ont fait qu'une rapide apparition sur la Toile avant de sombrer dans une léthargie voisine de la mort. D'autres existent depuis quelques années déjà, comme Pomerium (Pomoerium. Studia et commentaria ad orbem classicum spectantia) (depuis 1994), ou Didaskalia (Didaskalia: Ancient Theater Today) (depuis 1994), ou Forum Archaeologiae (Forum Archaeologiae. Zeitschrift für klassische Archäologie) (depuis 1996), ou Plekos (Periodicum Online zur Erforschung der Kommunikationsstrukturen in der Spätantike) (depuis 1998).
Parmi les créations postérieures à 2000, citons :
Pegasus, une revue allemande, éditée depuis décembre 2000 par le « Deutscher Altphilologenverband » et axée sur la didactique des langues anciennes ;
Interférences Ars Scribendi, créée en 2001, qui entend « restituer dans sa globalité le phénomène de l'écriture à Rome » et qui est dirigée par deux professeurs français (Marc Baratin et Bruno Bureau) ;
les Folia Electronica Classica, une revue d'intérêt général publiée en français à Louvain-la-Neuve, depuis 2001 et qui, en mai 2007, en était à son treizième numéro ;
Dictynna, une revue française consacrée à la poésie latine et lancée en 2004 par deux professeurs de l'Université de Lille (Alain Deremetz et Jacqueline Fabre-Serris).
Il faut saluer ces paris courageux sur l'avenir de la formule électronique, car la plupart des gestionnaires de périodiques traditionnels, tout en étant tentés par le numérique, ne s'y engagent qu'avec beaucoup de prudence. Ils ne proposent généralement en ligne qu'une infime partie de leurs articles. Quelques-uns offrent bien l'intégralité de leur production. Mais il est rare qu'ils le fassent sans restriction, et qu'ils imitent la générosité de Classics Ireland, de la Revue Internationale des Droits de l'Antiquité, ou des Dialogues d'Histoire ancienne, qui font coexister version électronique gratuite et version papier payante. De plus en plus apparaissent des formules visant à rendre payant l'accès à l'intégralité des fascicules, lesquels ne sont plus accessibles en ligne qu'aux seuls abonnés enregistrés. C'est par exemple le cas de Classical Antiquity, intégré dans Caliber (gérant tous les périodiques publiés par les Presses de l'Université de Californie) ; le cas aussi de périodiques comme American Journal of Philology ou Arethusa, tous deux intégrés dans le Project Muse lancé par les Presses de la Johns Hopkins University.
Aux antipodes de ces mesures restrictives, une voie particulièrement intéressante, pour l'utilisateur en tout cas, est celle que suivent depuis plusieurs années déjà les responsables de la Bryn Mawr Classical Review (BMCR), une revue dont nous reparlerons plus loin et dont l'intégralité est accessible en ligne gratuitement. Formule séduisante... Pourrait-elle faire école ? Serait-il possible un jour de concevoir et de réaliser, dans nos études, des revues numériques de haut niveau et ouvertes à tous ? L'avenir répondra à la question [9].
Cela dit, il ne faudrait pas croire que l'utilisateur ne trouve sur la Toile que de très rares articles sérieux et intéressants. En septembre 2002 un relevé louvaniste, qui ne visait pas l'exhaustivité et qui ne fut jamais publié, recensait plus de quelque 1750 titres librement accessibles. Tous les sujets antiques étaient concernés, mais dans leur très grande majorité ces articles disponibles en ligne existaient aussi en version imprimée.
[Plan]
La Toile permet un accès facile et rapide à l'information bibliographique. C'est une de ses grandes richesses, particulièrement précieuse pour le chercheur, qu'il soit débutant ou confirmé. Commençons par les catalogues de bibliothèques.
Les catalogues de bibliothèques
Beaucoup de bibliothèques, universitaires ou autres, disposent aujourd'hui d'un catalogue informatisé, qui est souvent accessible de l'extérieur. Bien sûr ces catalogues n'offrent pas tous les mêmes performances et les mêmes richesses. Du côté des performances, les programmes de consultation sont de qualité variable, ce qui influe beaucoup sur le temps nécessaire à l'obtention d'une information complète. Quant aux richesses, c'est un truisme de dire qu'elles varient énormément d'une bibliothèque à l'autre. Un seul exemple, qui date déjà : en novembre 2002, la Bibliothèque du Congrès de Washington proposait quelque 18 millions de notices et la Bibliothèque Nationale de France près de sept millions.
Au détour de la consultation, certaines bibliothèques offrent parfois d'agréables surprises. Ainsi le site de la Bibliothèque des Sciences de l'Antiquité de l'Université de Lille 3 n'offre pas seulement l'accès au catalogue, mais également à des bibliographies thématiques spécialisées établies à partir des ressources de la bibliothèque. Christophe Hugot s'est ainsi occupé de la guerre en Grèce (Polemos), de l'Égypte Lagide, de Pausanias, d'Hadrien. Jacques Boulogne propose des éléments de bibliographie sur le thème « Mythologies classiques et systèmes culturels ». On trouve également sur le site des bibliographies introductives, une sur la Scythie (Régis Robineau) et une autre sur l'Épire (Marie-Pierre Dausse). Tout récemment (2007) les responsables ont proposé la première partie d'un Atlas bibliographique de l'antiquité classique (ABAC). Mais revenons aux catalogues informatisés.
Il faut parfois s'en méfier. Leurs pages d'accueil ne contiennent pas toujours des informations chiffrées sur le pourcentage de leur fond qui a été informatisé. Cette zone d'ombre a des conséquences directes. À Louvain, par exemple, certains étudiants viennent parfois se plaindre de l'absence de tel ou tel livre ; en fait l'ouvrage qu'ils cherchent se trouve bien dans leur bibliothèque, mais comme il n'est pas encore enregistré dans le catalogue informatisé, il échappe aux requêtes adressées aux ordinateurs. Pour une recherche exhaustive, il faut souvent consulter aussi les anciens catalogues manuels.
Il reste que la Toile facilite d'une manière extraordinaire l'heuristique : il n'est pas exagéré de dire que l'utilisateur a aujourd'hui accès, de son clavier, sinon à toutes les bibliothèques du monde, en tout cas à bon nombre de leurs catalogues [10].
[Plan]
Des informations bibliographiques présentes sur de nombreux sites
En fait, l'information bibliographique est partout présente sur la Toile. Tout comme un livre imprimé, un site propose généralement une bibliographie propre au domaine qu'il aborde. Cela peut aller de quelques dizaines de titres à plusieurs milliers. Parfois ces bibliographies correspondent, en tout ou en partie, à des publications imprimées, mais ce n'est pas toujours le cas. Certaines sont de grande valeur.
Il peut s'agir de bibliographies plus ou moins spécialisées, portant sur des personnages historiques ou littéraires (Alexandre ; Apulée ; Hérodote ; Libanius ; Ovide [sur le site de U. Schmitzer] ; Platon ; Plotin ; Plutarque [sur le site Chaironeia de Kenneth Mayer], Virgile et bien d'autres encore) ; des genres littéraires (le roman antique ; la poésie hellénistique) ; des disciplines (la papyrologie ; l'épigraphie ; la littérature et la langue latines) ; des sujets particuliers, comme l'enfance ; la guerre en Grèce (sur le site Polemos de Christophe Hugot) ; la magie ; les origines de Rome (sur le site de la Lupa Capitolina Electronica de Alain Meurant). Il est impossible de les signaler toutes et d'y renvoyer.
Il peut s'agir aussi de bibliographies plus générales. Un exemple de bibliographie sélective et intégrée est la Bibliotheca Classica Selecta (BCS), qui, avec plus de 4000 titres, entend couvrir l'ensemble du secteur des études classiques, qu'il s'agisse des types particuliers de sources (archéologie, numismatique, papyrologie, épigraphie, textes littéraires) ; des grands instruments de travail (dictionnaires, bibliographies, revues) ; de domaines plus particuliers, comme par exemple la vie économique, la vie sociale, les sciences et les techniques, la religion, la mythologie, etc. Tenue à jour très régulièrement et parfois annotée, elle a comme originalité de rassembler une sélection à la fois de livres imprimés et de ressources électroniques ; elle aiguille même l'utilisateur vers les comptes rendus électroniques des ouvrages qu'elle signale.
[Plan]
Une revue électronique spécialisée dans les comptes rendus : la BMCR
Il a déjà été question plus haut de la Bryn Mawr Classical Review (BMCR), une revue électronique américaine spécialisée dans les comptes rendus. Elle en publie chaque année quelque 300 qui sont distribués aux abonnés par courrier électronique. Il suffit de s'inscrire sur un formulaire ad hoc, disponible sur la page d'accueil. Toutes les recensions sont archivées et rendues accessibles grâce à un outil de recherche performant. Un des avantages de ce recours à la formule électronique est la réduction du délai entre la publication du livre et la recension : on compte en trimestres là où les revues traditionnelles comptent en années. Quant aux frais financiers, ils sont sans commune mesure avec ceux des revues sur support papier. Par ailleurs, l'abonné à la BMCR, qui ne paye rien, ne consulte et ne conserve sur son disque dur que ce qui l'intéresse, en sachant d'ailleurs qu'il lui sera toujours possible de retrouver et de rapatrier un compte rendu qui lui aurait échappé dans un premier temps. Bref, une gestion de revue moderne, efficace et particulièrement économique.
Une base de données spécialisée dans l'histoire de la médecine antique
La Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine (BIUM, Paris) a lancé en mai 2001 une revue électronique : le Bulletin de Médecine Ancienne / Ancient Medicine Newsletter. Il s'agit à la fois d'une lettre d'information, publiant des annonces de congrès et des informations diverses, et d'une base de données bibliographiques dédiée à la médecine ancienne. Cette dernière recense les documents (articles de revues, actes de congrès, monographies, thèses) parus depuis 1998 sur l'histoire de la médecine (de la préhistoire à Byzance, avec une orientation majeure pour la médecine grecque et romaine). Il est prévu d'étendre le dépouillement jusqu'en 1994, et peut-être plus haut dans le temps. À terme, la BIUM possèdera tous les documents signalés dans la base et pourra les fournir (sur place ou par photocopie).
L'Année Philologique en ligne
Tous les habitués de L'Année Philologique connaissent l'existence de The Database of Classical Bibliography (DCB), un CD-ROM payant, publié en 1995 et en 1997 (plus de 600.000 enregistrements). Il est aujourd'hui épuisé et ne sera plus publié, les responsables s'étant tournés vers la Toile : c'est L'Année Philologique sur Internet, qui suit maintenant le développement de L'Année Philologique imprimée (le t. 75 de l'année 2004 est paru en 2006). En mai 2007, la bibliographie des années 1949 à 2004 (tomes 20 à 75) était ainsi accessible sur un site payant au prix de 45 EUR H.T. par an pour un utilisateur particulier, le tarif pour les institutions variant de 200 à 765 EUR H.T.
Gnomon Online
Les classiques connaissent aussi l'existence du CD-ROM (Gnomon Bibliographische Datenbank) qui représente la version informatisée de Gnomon. Kritische Zeitschrift für die gesamte klassische Altertumswissenschaft (Munich), un périodique allemand spécialisé dans les comptes rendus et la bibliographie. De ce disque vendu dans le commerce à un prix relativement élevé, il existe une sélection en ligne, gratuite, sur le site de Gnomon Online. Elle a été réalisée par Jürgen Malitz (Eichstätt) à partir du Gnomon CD-ROM (2007) avec une attention particulière pour les publications postérieures à 2005. Un autre avantage du Gnomon Online est d'intégrer de nombreux ouvrages présents à la bibliothèque universitaire d'Eichstätt et portant sur l'Antiquité. Le site propose encore un précieux Thesaurus et un outil de recherche performant.
DRANT (Droits Antiques)
Pendant de nombreuses années, le « Centre de Documentation des Droits de l'Antiquité » (CNRS français et Université de Paris II) a diffusé une documentation imprimée, sous forme d'abord de fiches bibliographiques, puis de fascicules semestriels. La banque de données DRANT (« Droits Antiques ») est maintenant accessible en ligne, et un CD-ROM a été publié en 2002, reprenant plus de 46.000 entrées.
Malgré son titre (Droits Antiques), DRANT couvre un domaine beaucoup plus large que le droit ; il accueille en effet beaucoup de données archéologiques, linguistiques et historiques. D'autre part, il ne se limite pas aux articles de périodiques, même si ceux-ci y ont une large place.
DRANT en ligne est conçu sur le même modèle que le BAHR (ci-dessous), avec un outil de recherche très élaboré et très efficace.
[Plan]
Un cas particulier : des bibliographies spécialisées dans l'indexation des périodiques
En ce qui concerne les articles de périodiques, la Toile offre, à côté de L'Année Philologique sur Internet, certaines ressources sous la forme de bases de données spécialisées et elles aussi interactives, c'est-à-dire pourvues d'outils de recherche performants. Nous en présenterons rapidement quatre.
a)Tocs-In
Réalisation nord-américaine lancée en 1992 par Robert Morstein-Marx (Santa Barbara), actuellement dirigée conjointement à Toronto par Philippa Matheson et à Louvain-la-Neuve par Jacques Poucet, Tocs-In est une base de données généraliste. Elle signale, avec leur titre et leur pagination, les articles parus dans quelque 160 revues traitant des sciences de l'antiquité (y compris le Proche-Orient). Les revues retenues sont dépouillées intégralement depuis 1992, mais certaines d'entre elles le sont depuis bien avant cette date, parfois même depuis leur premier numéro (1898 par exemple pour la JHS ; 1931 pour l'AC ; 1937 pour Latomus). Une page spéciale fournit la liste détaillée des revues dépouillées. Outre la gratuité de la consultation, un des avantages de Tocs-In est la rapidité d'insertion des données. Quelques chiffres : au 15 janvier 2006 étaient disponibles 78.550 titres rassemblés par 80 collaborateurs bénévoles de 16 pays différents : 26.543 concernaient des fascicules antérieurs à cette date; 52.007, des fascicules publiés à partir de 1992.
Depuis février 2000, Tocs-In dépouille aussi des volumes qui, sans être des périodiques au sens strict, proposent cependant des articles : il s'agit des Mélanges in honorem, des Recueils de travaux personnels, des Actes de Congrès. L'accent est mis sur les nouveautés. Si l'opération peut se prolonger (au 15 janvier 2006 avaient été introduits 9.270 titres d'articles, provenant de 544 volumes), il en résultera un complément très précieux pour la recherche bibliographique. On sait en effet combien ce type d'articles est difficile à repérer.
La base de données peut être interrogée en ligne, soit sur le site de Louvain-la-Neuve, soit sur le site canadien qui détaille le projet, les revues dépouillées, les collaborateurs et les diverses procédures d'accès. Certains articles (six pour cent pour la section postérieure à 1992) sont même disponibles en ligne, soit intégralement, soit en résumé.
Si la base louvaniste est conforme à celle de Toronto, elle s'en sépare toutefois sur deux points mineurs liés aux revues. Louvain est seul en effet à intégrer la RBN depuis 1970 (mais uniquement pour les articles relevant de l'antiquité) ; seul aussi à dépouiller des revues entièrement électroniques (six jusqu'ici : Dictynna, FEC, GFA, Histos, Pegasus et Pomoerium).
[Plan]
b)BAHR
Maintenu sur le serveur Misha de Strasbourg depuis le début de 2000, le BAHR représente la version informatisée du Bulletin Analytique d'Histoire Romaine. C'est une base de données bibliographiques, spécialisée dans les périodiques d'histoire romaine et qui comprend toutes les notices publiées depuis 1992. Elle est d'être dotée d'un outil de recherche qui permet de multiples interrogations (auteur ; titre ; revue ; année ; mots clés ; noms de peuples, de dieux, d'hommes, de lieux) ; elle suit également de près l'actualité bibliographique; ainsi sa dernière mise à jour date du 18 décembre 2008.
c)BIBP
La BIPB ou Base d'Information Bibliographique en Patristique est une réalisation de l'Université de Laval (Québec). Même si la littérature patristique est son principal objet, la BIBP couvre l'ensemble des disciplines étudiant le christianisme patristique. Elle retiendra notamment l'attention du spécialiste de l'antiquité à cause de ses sections d'épigraphie chrétienne et d'histoire de l'église des quatre premiers siècles. En février 2007, quelque 33.500 enregistrements provenant de 325 périodiques s'offraient à la consultation. Chacun d'eux localise l'article et en donne un résumé ainsi que la liste des mots-clés pertinents.
d)Hemeroteca
Hemeroteca (en espagnol « bibliothèque de périodiques ») est le nom d'un site, très riche et très soigné, de l'Université de Murcia (Espagne), créé en mai 2006. À la fin de l'année 2006, il dépouillait 338 revues (liste), donnait la table des matières de 5.214 numéros, totalisant 64754 articles. Le cas échéant, il donne directement accès aux sites des revues, aux résumés éventuels et, dans le cas de revues électroniques libres d'accès, au texte même des articles. Son moteur de recherche porte sur les auteurs, les titres et les résumés.
[Plan]
*** En ce qui concerne les périodiques en rapport avec le monde classique, Tocs-In, BAHR, BIBP et Hemeroteca sont des bases de données importantes. Gratuites toutes les quatre, elles couvrent des domaines différents, et dès lors ne se font pas vraiment concurrence. L'apparition récente de L'Année Philologique sur Internet n'a pas fait disparaître leur intérêt : Tocs-In et Hemeroteca, par exemple, sont souvent plus rapides que L'Année Philologique sur les nouveautés ; elle sont aussi les seules à dépouiller les revues purement électroniques et à donner un accès direct à leurs articles.
Mais il serait vain de vouloir dresser un bilan comparatif détaillé des diverses ressources bibliographiques disponibles sur la Toile. L'internaute exercé a ses habitudes ; il fait son marché en fonction de ce qu'il connaît et de ce qu'il cherche ; il explore tantôt tel site, tantôt tel autre ; souvent même il en parcourt plusieurs ; de quoi se rendre compte que chaque ressource a ses points forts et ses points faibles, et que, dans l'ensemble, elles se complètent fort bien.
[Plan]
Mais il est temps de conclure. Quel est l'intérêt de la Toile ? La réponse est fonction de l'utilisateur et de ses attentes.
Soyons clairs. Dans nos disciplines, le chercheur qualifié disposant des ressources d'une bibliothèque universitaire bien fournie, n'a pas [encore ?] besoin de la Toile, sauf peut-être pour obtenir des informations sur des publications récentes : l'imprimé ne peut pas - et ne pourra probablement jamais - rivaliser en rapidité avec l'électronique. Pour le reste, très rares sont sur la Toile les publications importantes qui n'existent pas également sous forme imprimée. On en rencontre pourtant : nous citerons par exemple l'édition critique - la première à ce jour - des Scholia D à l'Iliade par Helmut van Thiel, mais l'édition imprimée est en préparation.
En réalité, en ce qui concerne le monde grec et romain, les utilisateurs principaux de la Toile ne sont pas des chercheurs qualifiés ; ce sont des professeurs en fonction dans l'enseignement secondaire, des amateurs éclairés, des étudiants et élèves de tout âge ; bref un public assez large, intéressé et curieux, généralement éloigné d'une bibliothèque universitaire.
Toutes ces personnes peuvent trouver sur la Toile des réponses aux questions qu'elles se posent, voire acquérir un supplément de culture. Encore faut-il qu'elles soient capables de découvrir les « bons » sites, ceux qui proposent des informations sérieuses, des répertoires de textes latins et de traductions, pour ne pas parler des photothèques, des musées ou des villes. Car - nous ne l'avons pas dit encore - on peut aussi se promener virtuellement dans les collections du Louvre ou dans celles des Musées du Vatican. Un voyage dans les musées du monde entier est devenu possible : il suffit de se laisser guider par des listes spécialisées, comme celle des Museums around the World ou celle des Musées et Sites archéologiques de Musagora par exemple). Il est possible de visiter virtuellement certaines villes, ainsi Rome (en français à l'Université de Caen ; en allemand avec Sven Keller).
Il reste à dire un mot des prérequis techniques. Pour retirer le maximum de la Toile, l'internaute a besoin d'une connexion rapide. S'il ne dispose que d'un modem classique et d'une simple ligne téléphonique, il devra s'armer de patience : la liaison avec certains fournisseurs n'est pas toujours facile à obtenir, et la transmission, celle des images notamment, peut prendre beaucoup de temps. La Toile n'est intéressante que si l'on est bien équipé. Cela vaut pour le particulier qui travaille chez lui, mais ce confort a un prix ; cela vaut aussi pour le milieu universitaire, mais toutes les universités n'offrent pas encore à leur personnel un ordinateur puissant et une liaison à haut débit.
Que conclure ? Que la Toile, partie intégrante des NTIC, est un immense réservoir d'informations, un monde en constante évolution, qui n'en est encore qu'à ses débuts. En fait elle accepte et véhicule tout ce que les gestionnaires de sites y mettent. Elle sera donc ce que nous voudrons qu'elle soit. Il serait dommage que les universités et les universitaires boudent les énormes possibilités culturelles qu'elle offre, dommage qu'ils s'en désintéressent par mépris, par ignorance ou par peur. Une révolution culturelle est en marche. Nous devons y participer activement et lucidement, chacun à notre niveau et à notre manière. Soyons positifs. N'imitons pas ces réactionnaires et ces grincheux, qui, avec de prétendus bons arguments, s'opposèrent successivement à l'écrit, à l'imprimerie, au téléphone, à la radio, au cinéma, à la télévision, à l'ordinateur, maintenant au GSM. De toute manière, la Toile ne fera pas table rase du passé ; elle ne remplacera jamais le livre ; elle coexistera avec lui, l'emportant sur lui ou lui cédant le pas selon les questions, les besoins et les circonstances. Nous devons marcher avec notre temps.
[Plan]
Jacques Poucet
<jacques.poucet@skynet.be>
[Texte mis à jour le 13 mai 2007; dernières adaptations ponctuelles en février 2009]
Notes
[1] Pour nous limiter à quelques livres parus en Europe depuis 1998, nous citerons : D. Riaño Rufilanchas, Aplicaciones de Macintosh a la Filología clásica, Madrid, 1998, 180 p. ; P. Tiedemann, D. Kaufmann, Internet für Althistoriker und Altphilologen. Eine praxisorientierte Einführung, Darmstadt, 1999, 185 p. ; A. Cristofori, C. Salvaterra, U. Schmitzer [Éd.], La Rete di Arachne - Arachnes Netz. Beiträge zu Antike, EDV und Internet im Rahmen des Projekts Telemachos. Contributi su nuove tecnologie, Didattica ed Antichità Classica nell'ambito del progetto Telemaco, Stuttgart, 2000, 282 p. (Palingenesia, 71) ; G. Alvoni, Altertumswissenschaften digital. Datenbanken, Internet und e-Ressourcen in der altertumswissenschaftlichen Forschung, Hildesheim, 2000, 192 p. ; P. Donati Giacomini, Innovazione e tradizione. Le risorse telematiche e informatiche nello studio della storia antica, Bologne, 2002, 137 p. (Itinerari. Storia) [Retour]
[2] Pour n'envisager que quelques réalisations majeures, nous songeons aux répertoires de textes suivants qui sont présentés dans une page spéciale de la BCS : BTL (Bibliotheca Teubneriana Latina) ; CLCLT (Cetedoc Library of Christian Latin Texts) ; Patrologia Latina Database ; PHI 5 et 7 (Packard Humanities Institute) ; Poesis 2 (pour la poésie latine) ; TLG (Thesaurus Linguae Graecae). Parmi les instruments de travail de type bibliographique, nous songeons aux deux CD-ROMs évoqués dans l'exposé, The Database of Classical Bibliography (DCB) et le Gnomon Bibliographische Datenbank. [Retour]
[3] Dans le domaine francophone, il faudrait renvoyer aux nombreuses réalisations des Académies françaises <http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/Lettres/nouvla.htm>, ainsi qu'à des sites belges, comme Itinera Electronica <http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/itinera/>, AgoraClass <http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/> et Hodoi Elektonikai <http://hodoi.fltr.ucl.ac.be/>. [Retour]
[4] Correctement manipulés, ces moteurs sont capables de repérer sur la Toile les pages qui contiennent un mot (« Abonotique », ou « Arator »), ou une expression (« Lucien de Samosate », ou « Enlèvement des Sabines »). Google par exemple a aujourd'hui la cote : il peut même être programmé pour ne rechercher que des images. Certains moteurs de recherche sont plus spécialisés encore. Mais tous ont un gros défaut : comme ils sont automatiques, ils ramènent dans leurs filets tout ce qu'ils trouvent, le bon et le mauvais, l'utile et l'inutile. Par ailleurs, il faut une certaine habileté pour les utiliser ; poser les bonnes questions pour obtenir des réponses convenables est loin d'être simple. [Retour]
[5] Ce sont des sites qui ont déjà fait une sélection dans l'énorme quantité de ressources disponibles et qui en proposent un classement thématique. Leur nom de sites portails vient de leur fonction : ce sont en fait des points d'entrée sur le réseau, des « portes ». Il en existe de nombreux pour nos disciplines, en anglais, en italien, en français. Ils sont en général très utiles. On trouvera une liste de portails généraux dans <http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Gate.html> et une liste de portails plus spécialisés dans <http://bcs.fltr.ucl.ac.be/GateSp.html>. [Retour]
[6] J. Poucet, J.-M. Hannick, Aux sources de l'Antiquité gréco-romaine. Guide bibliographique, Namur, Artel, 6e édition, 2000, 351 p. [ISBN 2-87374-055-8]. [Retour]
[7] A. Motte, V. Pirenne-Delforge, P. Wathelet [Dir.], Mentor et Mentor 2. Guide bibliographique de la religion grecque. Bibliographical Survey of Greek Religion, 2 vol., Liège, 1992 et 1998, 781 et 583 p. (Kernos. Suppléments, 2 et 6). [Retour]
[8] G. Freyburger, L. Pernot [Dir.], Bibliographie analytique de la prière grecque et romaine (1898-1998), par les membres du C.A.R.R.A. (Centre d'Analyse des Rhétoriques Religieuses de l'Antiquité), Turnhout, 2000, 361 p. (Recherches sur les rhétoriques religieuses). [Retour]
[9] Parce qu'il ne concerne pas la Toile comme telle, nous n'envisageons pas ici le cas de revues qui existent en version imprimée et en version numérique sur CD-ROM. Ainsi le fascicule des Notizie degli Scavi di Antichità (Serie IX - Volume IX-X, 1998-1999, Rome, 2000) est livré avec un CD-ROM rassemblant la totalité du texte, les illustrations et les index. [Retour]
[10] Certaines ressources rassemblent les bibliothèques d'un pays. Ainsi, pour la France, SUDOC (Système universitaire de Documentation) <http://www.sudoc.abes.fr/> propose plus de 5 millions de références de monographies, thèses, périodiques et autres types de documents, chaque fois avec leurs localisations (2900 établissements sont concernés). Une autre source d'informations utile est constituée par des listes de catalogues de bibliothèques. Ainsi, un site de Berkeley (LibWeb) recense plus de 3000 catalogues, répartis dans plus de 100 pays <http://sunsite.Berkeley.EDU/Libweb/>. [Retour]
[Texte mis à jour le 13 mai 2007; dernières adaptations ponctuelles en février 2009]
- Folia Electronica Classica (Louvain-la-Neuve) - Numéro 1 - janvier-juin 2001