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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
XXVIII. De vives attaques sont dirigées contre lui à Rome
(1) Il ne montra pas
moins d'empressement à s'attacher
les
rois et les provinces
dans toute l'étendue de la terre, offrant
aux uns, en pur don, des milliers de captifs,
envoyant aux autres des troupes auxiliaires,
où et quand ils le voulaient, sans prendre
l'avis du sénat ni du peuple. Il orna de
magnifiques
monuments les
plus puissantes villes non seulement de l'Italie,
des Gaules et des Espagnes, mais aussi de la
Grèce et de l'Asie. (2) Enfin tout le
monde commençait à
démêler avec terreur le but de tant
d'entreprises, lorsque le consul Marcus
Claudius Marcellus,
après
avoir annoncé par un édit qu'il
allait prendre des mesures de salut public, fit un
rapport au sénat: il proposait de
donner
un successeur à César
avant
l'expiration de son commandement, puisque la guerre
était finie,
que la paix était assurée, et qu'il
fallait licencier une armée victorieuse. Il
demandait aussi
que, dans les prochains comices, on ne tînt
pas compte de César
absent,
puisque Pompée lui-même avait
abrogé le plébiscite
rendu en sa faveur. (3) Il était
en effet arrivé que, dans une
loi
portée par
Pompée
sur les droits des magistrats, et au chapitre
où il interdisait aux absents la demande des
honneurs, il avait oublié d'excepter
César; erreur qu'il n'avait corrigée
que lorsque la loi était déjà
gravée
sur l'airain
et déposée
dans le trésor. (4) Non content
d'enlever à César ses provinces et
son privilège, Marcellus
était encore d'avis de retirer à la
colonie fondée par lui à Novum Comum,
en vertu de la loi Vatinia, le droit de cité
romaine, alléguant que c'était
le
résultat de la brigue et de la violation des
lois. (1)
Nec minore studio reges atque prouincias per
terrarum orbem adliciebat, aliis captiuorum milia
dono offerens, aliis citra senatus populique
auctoritatem, quo uellent et quotiens uellent,
auxilia submittens, superque Italiae Galliarumque
et Hispaniarum, Asiae quoque et Graeciae
potentissimas urbes praecipuis operibus
exornans; (2)
donec, attonitis iam omnibus et quorsum illa
tenderent reputantibus, Marcus Claudius Marcellus
consul edicto praefatus, de summa se re publica
acturum, rettulit ad senatum, ut ei succederetur
ante tempus, quoniam bello confecto pax esset ac
dimitti deberet uictor exercitus; et ne absentis
ratio comitiis haberetur, quando et plebi scito
Pompeius postea obrogasset. (3)
Acciderat autem, ut is legem de iure magistratuum
ferens eo capite, quo petitione honorum absentis
submouebat, ne Caesarem quidem exciperet per
obliuionem,ac mox lege iam in aes incisa et in
aerarium condita corrigeret errorem. (4)
Nec contentus Marcellus prouincias Caesari et
priuilegium eripere, rettulit etiam, ut colonis,
quos rogatione Vatinia Nouum Comum deduxisset,
ciuitas adimeretur, quod per ambitionem et ultra
praescriptum data esset.
CommentaireRois et provinces : les sources antiques ne nous fournissent aucune information sur ces rois et ces provinces qui auraient reçu des esclaves ou des troupes auxiliaires.
Magnifiques monuments : ces monuments n'ont guère laissé de traces dans l'archéologie mais de nombreuses inscriptions remercient César pour ses bienfaits, p.ex. W. Dittenberger, S.I.G. 3e éd., n°759 (statue érigée par les Athéniens à César « sauveur et bienfaiteur ») ; n°760 (inscription émanant des villes et des peuples d'Asie en l'honneur de César « fils d'Arès et d'Aphrodite, dieu épiphane et sauveur du genre humain »).
M. Claudius Marcellus : consul en 51. Marcellus ne prend pas une part active à la guerre civile mais juge prudent de se retirer après la bataille de Pharsale. Alors qu'il est exilé à Mytilène, ses amis obtiennent pour lui le pardon de César (ce sera l'occasion pour Cicéron de prononcer son Pro Marcello). Décidé à rentrer à Rome, Marcellus meurt pendant son voyage de retour, en 45, à Athènes, poignardé par un de ses amis (Cicéron, ad. Fam., IV, 12).
Donner un successeur à César : nous sommes en 51 et, après la chute d'Alesia et la reddition de Vercingétorix, la guerre des Gaules pouvait être considérée comme terminée, mais le mandat de César s'étendait jusqu'en mars 50 (cf. H. Bengtson, Römische Geschichte, 2e éd., Munich, 1970, p.215 et n.2 ; Chr. Meier, César, Paris, 1989, p.320).
César absent : cf. ci-dessus, ch.26, 2.
Plébiscite rendu en sa faveur : la « loi des dix tribuns ». On parle de « plébiscite » et c'est le terme technique correct puisque la proposition de loi émanait des tribuns de la plèbe.
Loi portée par Pompée : peu après la « loi des dix tribuns », Pompée propose une lex de iure magistratuum dans laquelle il reprend un article d'une loi datant du consulat de Cicéron (63) et imposant aux candidats d'être présents à Rome pour proposer leur nom au suffrage des électeurs.
Gravée sur l'airain : procédé normal pour la publication des textes législatifs. Bon nombre de lois et de sénatus-consultes nous sont parvenus sous la forme de plaques de bronze gravées. Exemples : le sénatus-consulte des Bacchanales (H. Dessau, Inscriptiones latinae selectae, Berlin, 1892, n°18), la lex de imperio Vespasiani (Dessau, ILS, n° 244). Cf. C. Williamson, Monuments of Bronze : Roman Legal Documents on Bronze Tablets, dans Classical Antiquity, 6, 1987, p. 160-183.
Déposée dans le trésor : l'aerarium Saturni, à Rome, servait à la fois de trésor et de dépôt d'archives. Il faut bien comprendre le texte de Suétone : ce n'est pas l'inscription sur le bronze qui était déposée aux « archives » mais une copie « manuscrite ». Cf. Ph. Culham, Archives and Alternatives in Republican Rome, dans Classical Philology, 84, 1989, p.100-115.
Novum Comum : vieille bourgade de Gaule cisalpine devenue colonie de droit latin dans les années 89-87 en vertu d'une lex Pompeia (proposée par le consul Pompeius Strabo, le père du grand Pompée). Une trentaine d'années plus tard, César aurait renforcé la colonie qui aurait acquis la citoyenneté romaine et aurait pris le nom de Novum Comum. César avait-il le droit de créer à Côme une colonia civium Romanorum et, d'ailleurs, est-il certain qu'il l'ait fait ? La question est fort débattue : voir, à ce propos, H. Wolff, Caesar's Neugrundung von Comum und das sogenannte ius Latii maius, dans Chiron, 9, 1979, p.169-187. En tout cas, en 51, le consul Marcellus conteste énergiquement la légalité de la politique menée par César dans sa province : selon Plutarque (César, 29, 2), il fait battre de verges un magistrat de Côme pour lui prouver qu'il n'était pas citoyen romain.