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Suétone (généralités)
Vie de César (généralités) - (latin 85 K) - (traduction 200 K)
XXVI. Ses menées à Rome, pendant la guerre des Gaules
(1) C'est dans
ce
même temps
qu'il perdit d'abord sa mère,
puis sa fille,
et peu après son petit-fils. (2)
Cependant le meurtre de Publius
Clodius avait
mis le trouble dans Rome, et le sénat, qui
était d'avis de ne créer
qu'un
consul,
désignait nommément Gnaeus
Pompée. Les tribuns
de la plèbe
lui destinaient César comme collègue;
mais ne voulant pas revenir, pour cette
candidature, avant d'avoir terminé la
guerre, il s'entendit avec eux pour qu'ils lui
fissent plutôt obtenir du peuple la
permission de briguer, absent, un
second consulat,
lorsque le temps de son commandement serait
près d'expirer. (3) On lui accorda ce
privilège; et concevant déjà
de plus grands projets et rempli
d'espérance,
il ne négligea rien pour se faire des
partisans, à force de bons offices et de
largesses publiques et particulières. Avec
le
produit du butin,
il commença la construction d'un
forum,
dont le terrain seul coûta plus de cent
millions
de sesterces. Il promit au peuple, en
mémoire de sa fille, un combat de
gladiateurs et un festin, ce qui
était sans exemple. Pour
donner à ces réjouissances le plus
d'attrait possible, il ne s'en rapporta pas
seulement aux traiteurs choisis pour cet objet: ses
esclaves aussi y furent employés. (4) Il avait à
Rome des agents qui enlevaient de force, pour les
lui garder, les gladiateurs les plus fameux,
lorsqu'ils
combattaient devant des spectateurs
malveillants.
Quant aux élèves
gladiateurs,
ce n'était
ni dans l'enceinte d'une école ni par des
professeurs d'escrime qu'il les faisait instruire,
mais dans les maisons des particuliers, par des
chevaliers romains, ou même par des
sénateurs habiles à manier les armes,
et qu'il suppliait (ses lettres en font foi)
d'entreprendre l'instruction de chacun de ces
gladiateurs, et de présider eux-mêmes,
comme des maîtres, à leurs
exercices. (5) César
doubla pour toujours la solde
des légions. Dans les années
d'abondance, il distribuait le blé sans
règle ni mesure, et on le vit parfois donner
à chaque homme un esclave
pris sur le butin. (1)
Eodem temporis spatio matrem primo, deinde filiam,
nec multo post nepotem amisit. (2)
Inter quae, consternata Publi Clodi caede re
publica, cum senatus unum consulem nominatimque
Gnaeum Pompeium fieri censuisset, egit cum tribunis
plebis collegam se Pompeio destinantibus, id potius
ad populum ferrent, ut absenti sibi, quandoque
imperii tempus expleri coepisset, petitio secundi
consulatus daretur, ne ea causa maturius et
inperfecto adhuc bello decederet. (2)
Quod ut adeptus est, altiora iam meditans et spei
plenus nullum largitionis aut officiorum in
quemquam genus publice priuatimque omisit. Forum de
manubiis incohauit, cuius area super sestertium
milies constitit. Munus populo epulumque
pronuntiauit in filiae memoriam, quod ante eum
nemo. Quorum ut quam maxima expectatio esset, ea
quae ad epulum pertinerent, quamuis macellaris
ablocata, etiam domesticatim apparabat. (3)
Gladiatores notos, sicubi infestis spectatoribus
dimicarent, ui rapiendos reseruandosque mandabat.
Tirones neque in ludo neque per lanistas, sed in
domibus per equites Romanos atque etiam per
senatores armorum peritos erudiebat, precibus
enitens, quod epistulis eius ostenditur, ut
disciplinam singulorum susciperent ipsique dictata
exercentibus darent. (5)
Legionibus stipendium in perpetuum duplicauit.
Frumentum, quotiens copia esset, etiam sine modo
mensuraque praebuit ac singula interdum mancipia e
praeda uiritim dedit.
CommentaireMême temps : pendant le guerre des Gaules.
Petit fils : l'enfant de Julie et de Pompée. Un fils pour Suétone, comme pour Velleius Paterculus (II, 47, 2) ; une fille selon la plupart des auteurs anciens, notamment Plutarque, Pompée, 53, 4.
Un consul : l'année 53 est tellement troublée à Rome qu'il est impossible d'organiser les élections pour 52. Lorsque Clodius est assassiné, il n'y a donc pas d'autorité susceptible d'entamer les poursuites contre les coupables et, de façon générale, de rétablir l'ordre à Rome. Le Sénat vote le senatus consultum ultimum, autorise Pompée à lever des troupes et propose au peuple de le nommer consul unique, au mépris du principe de collégialité régissant cette magistrature et de la loi de Sylla exigeant un délai de dix ans entre deux consulats (Pompée avait été consul pour la seconde fois en 55). Proposition acceptée par le peuple : en 52, Pompée est consul pour la troisième fois.
Tribuns de la plèbe : ils sont dix à l'époque ; parmi eux, le futur historien Salluste.
Collègue : Pompée ne reste consul unique que quelques mois. Certains auraient voulu lui adjoindre César, lequel ne le souhaitait pas, plus préoccupé par les événements en Gaule (la révolte de Vercingétorix). En août 52, c'est le nouveau beau-père de Pompée, Q. Metellus Scipion, qui accède au consulat.
Second consulat : ce que César souhaite, c'est de pouvoir accéder au consulat directement après l'expiration de son commandement en Gaule. Il lui faut donc pouvoir poser sa candidature sans être présent à Rome, ce qui lui est accordé par ce qu'on a appelé la « loi des dix tribuns ».
Forum de César : au nord du Forum romain. Vaste espace rectangulaire bordé de portiques avec, au centre, la statue équestre de César et, à l'extrémité ouest, le temple de Vénus Génitrix. Dans une lettre à Atticus (IV, 16, 8) datée de 54, Cicéron signale que lui et d'autres amis de César ont acheté le terrain nécessaire pour le nouveau forum. Les travaux ont duré longtemps : le forum et le temple ne sont inaugurés qu'en 46 et n'étaient pas totalement achevés.
Spectateurs malveillants : qui risquaient de réclamer la mort du gladiateur vaincu. Autre interprétation chez G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Rome, 1981, p.277: "malgré l'hostilité du public".
Élèves gladiateurs : on ne voit pas pourquoi César voulait qu'ils soient entraînés par des sénateurs et des chevaliers plutôt que par des maîtres d'armes ordinaires.
Solde : Suétone ne dit pas à quelle époque César a pris cette mesure en faveur des légionnaires.
Esclave : après sa victoire à Alésia et la reddition de Vercingétorix, César distribue à ses hommes les Gaulois prisonniers, sauf les Eduens et les Arvernes (Guerre des Gaules, VII, 89, 5).