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Plutarque : Vie de Périclès (chapitres 1-16)

Traduction nouvelle annotée par Marie-Paule Loicq-Berger
Chef de travaux honoraire de l’Université de Liège
Adresse : avenue Nandrin, 24 ‒ B 4130 Esneux
loicq-berger@skynet.be


[Présentation] [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17-39 ]


N.B. La présente traduction a suivi le texte grec établi par R. Flacelière et E. Chambry pour la collection des Universités de France (Paris, « Les Belles Lettres », 1964). L'annotation est redevable, entre autres, à Ph. A. Stadter, A Commentary on Plutarch's Pericles, Univ. of North Carolina Press, 1989. En guise de synthèse, on lit toujours avec agrément et profit l'excellent Périclès de Marie Delcourt (8e éd. Paris, 1939).

 

Introduction (1-2)

1.

1. César, à Rome, voyait de riches étrangers circuler en tenant embrassés et en cajolant des chiots et de jeunes singes ; et de leur demander, paraît-il, si chez eux les femmes ne donnaient pas d'enfants... Réprimande d'une autorité souveraine à l'endroit des gens qui dépensent sur des bêtes l'amour et la tendresse que met en nous la nature, et qui sont dus aux hommes.

2. Eh ! bien, donc, puisque notre âme possède tout naturellement un goût d'apprendre et de contempler, n'a-t-on pas raison de blâmer ceux qui abusent de ce penchant pour écouter et contempler des choses indignes d'attention, tout en laissant de côté les choses belles et utiles ? Grâce à la perception, qui se saisit de tout ce qui nous frappe, sans doute sommes-nous contraints de contempler n'importe quel phénomène, utile ou inutile ; mais c'est grâce à son intelligence que chacun peut, s'il le veut, se tourner sans relâche et se retourner très aisément vers ce qui lui semble bon : il faut dès lors poursuivre le meilleur, en sorte de ne pas seulement le contempler, mais de se nourrir de cette contemplation.

3. Bénéfique pour l'œil est la couleur dont la brillance et le charme stimulent et nourrissent la vue : de même doit-on conduire la réflexion vers des spectacles qui, tout en lui faisant plaisir, la rappellent vers le bien qui lui est approprié.

4. Ces spectacles, on les trouve dans les actes émanant de la vertu, lesquels produisent chez les gens qui les étudient une sorte de zèle et d'empressement à les imiter. Pour le reste, ce n'est pas parce qu'on a admiré tel acte que s'ensuit aussitôt un élan à agir : souvent, au contraire, tout en jouissant de l'œuvre, nous méprisons l'artisan ; ainsi sommes-nous bien contents de la production des parfums et des étoffes de pourpre, mais nous regardons teinturiers et parfumeurs comme gens serviles et ouvriers.

5. Voilà bien pourquoi Antisthène, pour avoir entendu dire qu'Isménias était un joueur de flûte distingué, a répondu : « Oui, mais c'est un minable, sans quoi il ne serait pas si bon flûtiste ! »

6. Et Philippe de dire à son fils qui, lors d'un banquet arrosé, avait joué de la cithare avec charme et adresse :« N'es-tu pas honteux de jouer ainsi ? » C'est qu'il est bien suffisant qu'un roi trouve loisir d'écouter des citharistes, et il concède beaucoup aux Muses en suivant en spectateur les joutes d'autres exécutants en pareils domaines...

2.

1. Exécuter soi-même d'humbles travaux, c'est témoigner par l'effort consacré à des choses inutiles son indifférence pour les valeurs réellement belles. Point de jeune homme bien né qui, pour avoir contemplé le Zeus de Pise eût désiré être Phidias, ou être Polyclète pour avoir vu l'Héra d'Argos, ni être Anacréon, Philémon ou Archiloque pour avoir goûté leurs poèmes. Que telle œuvre nous plaise par sa grâce ne rend pas nécessairement l'ouvrier digne de considération.

2. Inutile, dès lors, de contempler les réalisations de ce genre, au regard desquelles ne naît aucune envie d'imitation, aucun grand désir qui provoque un élan empressé pour les égaler. Tandis que la vertu, mise en actes, nous dispose immédiatement à admirer ses œuvres et à rivaliser avec leurs auteurs.

3. Les biens dispensés par la fortune, nous en aimons l'acquisition et la jouissance, tandis que ceux qui viennent de la vertu, nous aimons les mettre en œuvre ; les premiers, nous entendons les tenir d'autrui, les seconds, nous préférons qu'autrui les tienne de nous.

4. Car la beauté morale attire activement à elle et provoque immédiatement un élan actif ; ce n'est pas par l'imitation qu'elle forme le caractère de quiconque la contemple, mais elle détermine notre choix par l'examen du réel.

5. Il nous a donc paru bon de nous engager encore dans la rédaction de ces Vies ; ce livre-ci, le dixième que nous avons composé, contient les vies de Périclès et de Fabius Maximus, l'adversaire d'Hannibal, deux hommes semblables par leurs vertus en général, mais qui, tout particulièrement, ont été des plus utiles à leurs patries grâce à leur douceur, leur équité et leur capacité à supporter l'irréflexion de leurs peuples et de leurs collègues. On aura à juger d'après nos écrits si nous visons correctement notre cible.

 

L'homme privé (3-6)

Origine familiale, apparence physique (3)

3.

1. Périclès était de la tribu Acamantis, du dème de Cholarges, d'une maison et d'une lignée de premier ordre, des deux côtés de son ascendance.

2. Car Xanthippos, qui avait vaincu à Mycale les généraux du Roi, avait épousé Agaristè, petite-fille de ce Clisthène qui avait chassé les Pisistratides, noblement abattu la tyrannie, fait des lois et établi une constitution excellemment dosée en vue de la concorde et du salut public.

3. Agaristè, dans ses rêves, crut accoucher d'un lion et, quelques jours plus tard, elle accoucha de Périclès qui, d'apparence sans défaut pour l'ensemble du corps, avait néanmoins la tête oblongue et disproportionnée.

4. Voilà pourquoi presque tous ses portraits le ceignent d'un casque, les artistes se refusant, semble-t-il, à lui faire outrage... Quant aux poètes attiques, ils l'appelaient « tête d'oignon » (schinocéphale, car on appelle parfois l'oignon marin schinos).

5. Parmi les comiques, Cratinos dit dans ses Chirons :

Discorde et le vieux Cronos, emmêlés,
engendrent un immense tyran que les dieux appellent
« assembleur de têtes »,

et encore dans sa Némésis :

Viens, Zeus hospitalier et... têtu.

6. Et Téléclidès de dire :

Tantôt, embarrassé par les affaires, la tête lourde, il siège à l'acropole, tantôt il fait jaillir à lui tout seul un grand vacarme de sa tête à onze lits... 

7. Quand Eupolis, dans ses Dèmes, s'informe à propos de chacun des chefs populaires qui sont remontés de l'Hadès, on apprend que Périclès est nommé le dernier :

C'est qu'il est le chef de tous ceux que d'en bas tu as ramenés...

 

Formation musicale et philosophique (4-6)

4.

1. La plupart des gens disent que son maître de musique fut Damon ‒ dont on doit, affirment-ils, rapporter le nom en abrégeant la première syllabe. Aristote assure, quant à lui, que c'est chez Pythoclidès que le grand homme s'appliqua à la musique.

2. Ce Damon, d'un savoir aiguisé, se couvrait, paraît-il, du nom de musicien pour dissimuler sa compétence à la foule, mais en réalité, il assistait Périclès, lutteur politique, comme l'eût fait un masseur et un instructeur de gymnase.

3. Damon ne put dissimuler, à vrai dire, qu'il se servait de sa lyre comme d'une couverture : pris pour un ambitieux entreprenant et un partisan de la tyrannie, il fut ostracisé et fournit un passe-temps à la verve des comiques.

4. Platon, en tout cas, le fait interroger de la manière que voici :

Tout d'abord, explique-moi, je t'en supplie : car c'est bien toi,
à ce qu'on prétend, le Chiron qui a éduqué Périclès.

5. Périclès fut aussi l'auditeur de Zénon d'Élée. Celui-ci s'occupait de la nature, comme Parménide, mais il maîtrisait une faculté de réfutation qui, grâce à des antinomies, enfermait les gens dans une embarrassante difficulté ; ainsi Timon de Phlyous a-t-il dit :

Grande et sans faille est la vigueur de Zénon à la double langue,
censeur de tout le monde...

6. Mais celui qui fut de loin le plus proche de Périclès, qui lui inculqua au plus haut point une majesté et une grandeur d'âme un peu graves dans un rôle de chef populaire, celui qui, d'une manière générale, exalta et éleva la dignité de son caractère, c'est Anaxagore de Clazomènes : l'homme que les gens d'alors dénommaient « l'Esprit », soit parce qu'ils admiraient sa grande intelligence, remarquablement révélée dans l'étude de la nature, soit parce que, le premier, il posa comme principe de l'organisation du monde non le hasard ou la nécessité, mais un esprit pur et sans mélange qui, au sein de tous les ensembles mélangés, met à part les éléments formés de parties semblables.

5.

1. Éperdu d'admiration pour ce grand homme, Périclès s'était rempli la tête de « météorologie » et d'« échanges dans les nuages » ; il avait non seulement, paraît-il, une intelligence impressionnante et un discours élevé, dénué de bouffonnerie populaire et coquine, mais il se composait un visage inaccessible au rire, une démarche calme, un port de vêtement que ne dérangeait nul mouvement oratoire, un timbre de voix imperturbable ‒ et quantité de manières de ce genre qui frappaient tout le monde d'étonnement.

2. Une fois, injurié et décrié à l'agora par un infâme énergumène, tout le jour il l'endura en silence, tout en s'occupant des affaires urgentes ; le soir, comme il s'en retournait calmement chez lui, l'autre le poursuit, avec toute sorte de méchants propos à son endroit. Au moment de rentrer, comme il faisait déjà noir, Périclès enjoignit à l'un de ses domestiques de prendre une torche pour escorter et ramener chez lui cet individu !

3. Le poète Ion prétend que Périclès, en compagnie, était insolent, assez prétentieux et qu'à ses grands airs se mêlait beaucoup de hauteur et de mépris pour les autres ; en revanche, le poète loue le juste ton, la souplesse et la civilité que mettait Cimon dans ses relations. Mais laissons de côté Ion, qui exige que la vertu, telle une représentation tragique, comporte de toute façon quelque morceau satyrique. Zénon, en revanche, conseillait aux gens qui appelaient « soif d'honneurs » le sérieux et la fierté de Périclès, d'éprouver eux-mêmes ce genre de soif : c'est qu'à son avis, affecter une noble conduite, c'est en prendre tout doucement, sans même s'en apercevoir, le désir et l'habitude.

6.

1. Ce n'est pas seulement en ces domaines que Périclès bénéficia de la compagnie d'Anaxagore ; il semble aussi s'être élevé grâce à lui au-dessus de la superstition, que nourrit l'effroi éprouvé à l'endroit des phénomènes célestes par des gens qui en ignorent les causes et se trouvent, du fait de leur inexpérience, bouleversés et troublés face aux signes religieux. Repoussant cette ignorance, la science de la nature met à la place de la superstition, craintive et fébrile, une piété ferme accompagnée de bonnes espérances.

2. Un jour, de sa propriété de campagne, on apporta, dit-on, à Périclès, une tête de bélier à une seule corne. Le devin Lampon, lorsqu'il vit cette corne qui avait poussé, robuste et puissante, au milieu du front, déclara : des deux puissances qui coexistent dans la cité, Thucydide et Périclès, la force se concentrera aux mains d'un seul homme, celui-là chez qui s'est produit le prodige. Anaxagore, en revanche, démontra, une fois le crâne découpé, que la cervelle n'occupait pas entièrement son siège mais que, pointue comme un œuf, elle avait glissé de l'ensemble de la boîte crânienne, vers l'endroit d'où venait la racine de la corne.

3. Les assistants, alors, d'admirer Anaxagore ; mais peu après, d'admirer aussi Lampon, une fois Thucydide renversé et toutes les affaires du peuple soumises sans exception à Périclès.

4. Rien n'empêchait, je crois, l'homme de science et le devin de tomber juste tous deux, le premier appréhendant bien la cause et le second, la fin ; à celui-là il revenait d'établir l'origine et la modalité du fait, à celui-ci, d'en prédire le but et la signification.

5. Les gens qui disent que découvrir la cause d'un prodige, c'est détruire celui-ci ne réfléchissent pas que, dans le domaine des signes, en repoussant les signes surnaturels, ils repoussent aussi les signes fabriqués par l'homme, tels les sons des disques, les lumières des flambeaux, les projections d'ombre sur les cadrans solaires : c'est que chacune de ces choses existe en fonction d'une cause, mais aussi d'une disposition à exister comme signe. ‒ Mais voilà qui relève peut-être d'une entreprise différente de celle-ci.

 

Le personnage politique : son style, ses choix (7-11)

7.

1. Jeune, Périclès se montrait extrêmement circonspect vis-à-vis du peuple. D'apparence, il ressemblait au tyran Pisistrate, et les grands vieillards étaient frappés de cette ressemblance, que rappelaient aussi sa voix douce et sa langue bien pendue et vive dans la conversation.

2. Riche et de brillante lignée, avec des amis très puissants, il ne s'occupait pas de politique, de crainte d'être ostracisé, mais il était valeureux et bravait même le danger lors des expéditions militaires.

3. Une fois Aristide mort, Thémistocle exilé, et comme les campagnes de Cimon tenaient le plus souvent celui-ci hors de Grèce, Périclès embrassa la cause du peuple. Au lieu de rester du côté des riches et des oligarques, il choisit le parti des masses pauvres, contrariant ainsi sa propre nature, qui n'était nullement de tendance démocratique.

4. Il craignait, semble-t-il, qu'on le soupçonne de visées tyranniques ; dès lors, voyant Cimon tourné vers l'aristocratie et fort aimé des gens bien, il courtisa pour sa part les masses, assurant ainsi sa propre sécurité et sa puissance face à l'autre.

5. Aussitôt il organisa différemment son style de vie : en ville, on ne le voyait cheminer que dans une seule rue, celle de l'agora et du Conseil ; il déclinait les invitations à dîner et toutes les réunions amicales de ce genre ‒ c'est ainsi que dans les temps (et ils furent longs) où il s'occupa de politique, jamais il n'alla dîner chez un ami, sauf chez Euryptolème, son cousin, qui se mariait, et encore n'y resta-t-il que jusqu'aux libations, pour se retirer tout de suite après.

6. C'est que les réunions amicales favorisent terriblement les excès et l'on conserve difficilement en compagnie sa respectabilité vis-à-vis de l'opinion. Et pourtant, ce qu'il y a de plus beau dans la vertu véritable, c'est surtout ce qui s'en manifeste, et chez les gens de bien, rien n'est aussi admirable aux yeux de l'observateur extérieur que leur comportement quotidien avec leurs familiers.

7. Périclès, quant à lui, se soustrayant au dédain que suscitent des relations continuelles avec le peuple, n'approchait celui-ci que par intervalles, évitant de s'exprimer sur toutes choses et de se présenter constamment devant l'assemblée. Comme la trière « Salaminienne », il se consacrait, dit Critolaos, aux grandes questions, mais pour le reste, il faisait intervenir comme porte-parole amis et compagnons.

8. L'un d'eux fut, dit-on, Éphialte, qui abattit la puissance du Conseil de l'Aréopage en faisant couler à flots sur les citoyens, selon Platon, une immense liberté sans mélange ; dès lors le peuple, tel un cheval emballé, comme disent les Comiques,

de ne plus supporter d'obéir,
mais de mordre l'Eubée et de bondir sur les îles.

8.

1. Comme instrument, il se forgea un discours accordé à l'organisation de sa vie et l'étendue de son génie ; un peu partout, il faisait résonner Anaxagore, répandant comme teinture sur sa rhétorique la science de la nature.

2. Il possédait, comme dit le divin Platon, « en plus de son talent inné, cette élévation et cette totale faculté d'accomplissement » empruntées à la science de la nature et c'est « en tirant de celle-ci ce qui se rapporte à l'art du discours » qu'il se distingua éminemment de tous.

3. Voilà comment lui vint, dit-on, son surnom. Cependant, certains croient qu'il fut appelé Olympien grâce aux monuments dont il orna la cité ; d'autres, grâce à sa puissance politique et militaire. Mais il est vraisemblable que concoururent à sa réputation nombre de qualités propres à cet homme.

4. Néanmoins les comédies des auteurs de l'époque, qui ont lancé contre lui quantité de mots tour à tour sérieux et drôles, montrent que c'est principalement son discours qui lui valut son surnom : quand il parlait au peuple, disent-ils, « il grondait, lançait des éclairs, portait sur sa langue un terrible foudre ».

5. On mentionne aussi un propos plaisant tenu par Thucydide, fils de Mélèsias, sur l'éloquence redoutable de Périclès. Ce Thucydide appartenait aux milieux distingués et s'était très longtemps opposé à la politique de Périclès. Archidamos, roi des Lacédémoniens, lui demande si c'est lui ou bien Périclès qui l'emporte à la lutte : « Quand c'est moi », dit-il, « qui le renverse à la lutte, lui proteste qu'il n'est pas tombé... et il gagne, car il convainc les spectateurs ! ».

6. Périclès, il est vrai, était si prudent dans son discours que, lorsqu'il montait à la tribune, toujours il priait les dieux de ne pas lui laisser dire par inadvertance le moindre mot mal adapté à la question présente.

7. À l'exception de ses décrets, il n'a laissé aucun écrit, et l'on cite très peu de choses telles, par exemple : « Je vous conseille de délester le Pirée d'Égine, comme d'une chassie » et « Déjà, j'aperçois la guerre qui s'amène du Péloponnèse ».

8. Sophocle, un jour qu'il naviguait avec Périclès comme stratège adjoint, vantait la beauté d'un garçon : « Ce n'est pas seulement les mains, Sophocle, qu'un stratège doit garder pures, mais aussi les regards... ».

9. D'après Stésimbrote, alors que Périclès faisait à la tribune l'éloge des guerriers morts à Samos, il assura qu'ils étaient devenus immortels comme les dieux : « Aussi bien ces derniers, ne les voyons-nous pas non plus, mais nous conjecturons leur immortalité d'après les honneurs dont ils jouissent et les biens qu'ils procurent ‒ les caractéristiques mêmes des citoyens morts pour la patrie ».

9.

1. Thucydide décrit le gouvernement de Périclès comme une sorte d'aristocratie, « nominalement, une démocratie, mais effectivement, un pouvoir aux mains du premier citoyen ». Nombre d'autres affirment que c'est à son instigation que le peuple fut entraîné aux distributions de clérouchies, de jetons pour les spectacles et d'indemnités ; que, sous l'effet des pratiques politiques de son temps, il prit de mauvaises habitudes, devint dépensier et excessif, au lieu de rester raisonnable et travailleur. C'est au travers des faits eux-mêmes qu'il faut examiner la cause de ce changement.

2. Au début, comme on l'a dit, Périclès, confronté à la gloire de Cimon, cherchait à circonvenir le peuple, bien qu'il fût inférieur à son rival en richesse et en moyens ‒ grâce à quoi celui-ci accueillait les indigents, en offrant chaque jour un dîner à tout Athénien nécessiteux, en habillant les vieux, en supprimant les clôtures de ses terres afin que viennent y récolter ceux qui le voulaient. Désavantagé par ces mesures populaires, Périclès se tourne vers la distribution aux dépens des deniers publics, sur le conseil de Damonidès d'Oiè, comme l'a établi Aristote.

3. Bien vite, grâce à des jetons alloués pour le spectacles, pour les tribunaux et grâce à d'autres indemnités et subventions, il corrompit les foules et s'en servit contre l'Aréopage ‒ Conseil auquel il ne participait pas car le sort ne l'avait jamais désigné comme archonte, thesmothète, roi ni polémarque.

4. Ces fonctions, en effet, étaient depuis longtemps tirées au sort et c'est grâce à elles que ceux dont les comptes avaient été approuvés montaient à l'Aréopage.

5. Renforcé par le parti populaire, Périclès domina ce Conseil en s'y opposant de plus en plus, au point que lui furent ôtées par l'entremise d'Éphialte le plus grand nombre de ses juridictions, que Cimon fut ostracisé sous prétexte d'être ami des Laconiens et hostile au peuple ‒ Cimon, un homme qui ne le cédait à personne en richesse et en naissance, qui avait remporté les plus magnifiques victoires sur les barbares et qui avait rempli la cité de quantité de biens et de dépouilles (ainsi qu'on l'a écrit dans sa Vie). Telle était l'autorité de Périclès sur le peuple.

 

10.

1. L'ostracisme éloignait les citoyens bannis pendant une période légale de dix ans. Or, au milieu de cette période, les Lacédémoniens envahirent avec une grande armée le territoire de Tanagra et les Athéniens firent immédiatement mouvement contre eux. Cimon, rentré d'exil, prit les armes avec une compagnie de soldats de sa tribu : il cherchait à dissiper par des actes sa réputation de laconisme, en partageant le danger de ses concitoyens. Mais les amis de Périclès se rassemblèrent et l'expulsèrent comme banni.

2. Voilà bien pourquoi, semble-t-il, Périclès lutta de toutes ses forces dans ce combat et brilla plus que tous, sans ménager sa personne.

3. Les amis de Cimon, que Périclès accusait également de laconisme, tombèrent tous sans exception. Un terrible repentir saisit alors les Athéniens, qui regrettèrent Cimon : défaits aux frontières de l'Attique, ils s'attendaient à une lourde guerre l'année suivante.

4. S'en étant rendu compte, Périclès n'hésita pas à se montrer complaisant aux masses en rédigeant lui-même le décret de rappel de Cimon, lequel, à son retour, rétablit la paix entre les deux cités ‒ c'est que les Lacédémoniens avaient autant d'affinités avec lui que de haine pour Périclès et pour les autres chefs populaires.

5. Certains prétendent que le retour de Cimon ne fut pas décrété par Périclès avant qu'on eût passé, par l'intermédiaire de la sœur de Cimon, Elpinice, un accord secret : Cimon appareillerait avec deux cents navires, prendrait le commandement extérieur et dévasterait le pays du Grand Roi, cependant que le pouvoir en ville appartiendrait à Périclès.

6. Antérieurement déjà, Elpinice avait adouci Périclès, semble-t-il, à l'égard de Cimon, lequel figurait comme accusé dans un procès capital ‒ c'est que Périclès était l'un des accusateurs mandatés par le peuple. Elpinice s'étant rendue chez lui en solliciteuse, Périclès lui dit en souriant : « Tu es une vieille femme, Elpinice, bien vieille pour t'occuper de pareilles affaires... ». Néanmoins, il ne se leva qu'une seule fois pour plaider, expédia l'accusation par acquit de conscience et se retira : parmi les accusateurs, c'est lui qui avait le moins accablé Cimon.

7. Comment donc pourrait-on se fier à Idoménée qui accuse Périclès d'avoir traîtreusement occis le chef populaire Éphialte, son ami, qui partageait son choix politique, parce qu'il le jalousait et enviait sa réputation ? Voilà les traits qu'Idoménée a rassemblés, je ne sais comment, pour les lancer comme un jet de bile contre un homme qui n'était peut-être pas tout à fait irréprochable, mais qui avait un esprit noble et une âme généreuse, à quoi ne s'accorde nullement une disposition aussi grossière et sauvage.

8. En fait, Éphialte était redouté des oligarques et se montrait intraitable dans le cadre des redditions de comptes et des poursuites intentées aux gens qui avaient fait tort au peuple ; aussi ses ennemis conjurés le firent-ils secrètement supprimer par Aristodicos de Tanagra, comme dit Aristote. Cimon, pour sa part, mourut à Chypre durant son commandement militaire.

11.

1. Les aristocrates, voyant depuis longtemps déjà que Périclès était devenu le plus considérable des citoyens, voulaient cependant lui opposer quelqu'un qui, dans la cité, émousserait sa puissance en sorte qu'elle ne soit pas complètement le gouvernement d'un seul. Ils firent surgir pour l'opposer à lui Thucydide d'Alopèce, un homme raisonnable et apparenté par alliance à Cimon. Thucydide était inférieur à Cimon comme homme de guerre, mais il lui était supérieur comme orateur et homme politique ; résidant en ville et confronté avec Périclès à la tribune, il rétablit rapidement la situation politique à égalité.

2. Il ne laissa pas les gens « bien » se disperser et se mêler au peuple comme auparavant, leur valeur étant alors appauvrie par le nombre ; il les mit à part et, concentrant en un seul corps la puissance de tous, il lui donna du poids et rajusta en quelque sorte l'oscillation du fléau de la balance.

3. Au départ, il y avait une sorte de paille cachée, comme dans le fer, qui marquait la différence entre parti démocratique et parti aristocratique ; mais la rivalité et l'ambition de ces deux hommes provoquèrent dans la cité une coupure très profonde qui fit dénommer un parti « le peuple » et l'autre, « la minorité ».

4. C'est ainsi qu'à ce moment Périclès lâcha tout à fait la bride au peuple ; il s'appliquait à faire une politique destinée à lui plaire, combinant sans cesse quelque spectacle pour grand public, quelque festin ou procession en ville et faisant l'éducation de la cité grâce à des plaisirs culturels . D'autre part, il faisait partir chaque année soixante trières à bord desquelles nombre de citoyens naviguaient durant huit mois, nantis d'une solde, tout en acquérant par l'exercice et par l'étude l'expérience de la navigation.

5. De surcroît il envoya en Chersonèse mille colons, à Naxos, cinq cents et à Andros, deux cent cinquante ; en Thrace, il en dépêcha mille pour cohabiter avec les Bisaltes, et d'autres en Italie pour y refonder Sybaris qu'ils appelèrent Thourioi.

6. Ce faisant, il allégeait la cité d'une masse oisive que le loisir rendait remuante, il remédiait au dénuement du peuple et, en installant des garnisons chez les alliés, leur faisait craindre de se risquer à quelque innovation séditieuse.

 

L'homme d'État aux affaires intérieures :

le bâtisseur (12-14)

12.

1. Ce qui apporta le plus de plaisir et d'embellissement à Athènes, ce qui, chez les autres, provoqua le plus grand choc, cela seul qui témoigne que la puissance fameuse et l'antique félicité de la Grèce ne sont pas des mensonges, c'est l'aménagement des édifices. Dans l'activité administrative de Périclès, c'est là ce que ses ennemis dénigraient et calomniaient le plus au sein des assemblées, hurlant que le peuple avait perdu renom et estime en transférant de Délos chez lui le trésor commun des Grecs. Le plus valable des prétextes allégué à l'encontre des accusateurs, c'est qu'on avait enlevé de là et mis à l'abri ce trésor par crainte des barbares : eh ! bien, ce prétexte, disait-on, Périclès l'a fait disparaître !

2. La Grèce estime être l'objet d'une terrible violence et d'une évidente tyrannie lorsqu'elle voit qu'avec les tributs qui lui sont imposés en vue de la guerre, nous autres, nous dorons et parons notre ville comme une femme vaniteuse, en l'ornant de pierres précieuses, de statues et de sanctuaires à mille talents !

3. Périclès enseignait donc au peuple qu'il n'avait pas à rendre compte de l'argent à ses alliés puisque c'est pour eux qu'il faisait la guerre et refoulait les barbares, alors qu'eux ne fournissaient pas un cheval, pas un vaisseau, pas un hoplite, mais uniquement de l'argent : or l'argent n'est plus à ceux qui le donnent, mais à ceux qui le reçoivent, pour autant qu'ils fournissent ce pourquoi on les paie...

4. Et puisque la ville est suffisamment équipée pour les nécessités de la guerre, elle doit affecter ses ressources à des travaux qui, une fois réalisés, lui vaudront une gloire éternelle et, en cours de réalisation, une prospérité certaine ; car ces travaux susciteront un artisanat diversifié et des besoins variés qui, en donnant l'éveil à tous les arts et en mettant à l'œuvre toutes les mains, apporteront un salaire quasiment à la cité entière, celle-ci tirant d'elle-même tout à la fois sa parure et sa subsistance.

5. Les expéditions militaires fournissaient à ceux qui en avaient l'âge et la force des ressources assurées par le Trésor public ; quant à la masse non enrôlée des ouvriers, Périclès ne voulait pas qu'elle fût exclue des distributions ni non plus qu'elle y eût part en demeurant inactive et oisive. Il présenta donc au peuple de grands projets de constructions et des plans à long terme, intéressant nombre d'emplois : ainsi les gens restés en ville n'auraient-ils pas moins que les soldats en mer, en garnison et en campagne de motif d'être assistés et d'avoir part aux deniers publics.

6. Là où l'on avait, comme matériaux, de la pierre, du cuivre, de l'ivoire, de l'or, de l'ébène, du cyprès, il y avait les métiers pour les exploiter et les travailler : charpentiers, sculpteurs, forgerons, tailleurs de pierre, doreurs, ivoiriers, peintres, brodeurs, graveurs ; pour le convoi et l'acheminement des matériaux : sur mer, marchands, matelots et pilotes ; sur terre, charrons, voituriers, cochers et cordiers, tisserands et ouvriers du cuir, cantonniers et mineurs. De même qu'un général a sa propre armée, chaque métier avait en propre sa masse fixe d'ouvriers, telle un instrument et un corps à son service : ainsi les besoins partageaient-ils et dispersaient-ils les ressources sur tous les âges et sur toutes les conditions, pour ainsi dire.

13.

1. Les ouvrages s'érigeaient, extraordinaires de grandeur, inimitables en beauté et en grâce ; alors que les artisans rivalisaient pour se surpasser par la qualité technique, le plus étonnant était la rapidité de la production.

2. Chacun de ces travaux allait, croyait-on, s'étaler sur plusieurs générations pour s'achever à grand peine : or tous s'achevèrent à l'apogée d'une seule carrière politique.

3. Zeuxis, cependant, dit un jour au peintre Agatharchos qui se vantait, prétend-on, d'exécuter ses figures rapidement et facilement : « Eh ! bien, moi, il me faut beaucoup de temps... ».

4. C'est que l'habileté et la vitesse d'exécution ne confèrent à une œuvre ni plénitude durable ni beauté parfaite : c'est le temps, péniblement investi dans la création, qui donne de la force à l'œuvre et assure sa conservation. Aussi admire-t-on d'autant plus les travaux de Périclès qu'ils ont été réalisés en peu de temps pour une longue durée.

5. Chacun d'eux, à l'époque, offrait immédiatement la beauté d'un antique et a, dans sa maturité, conservé jusqu'à aujourd'hui sa jeunesse et sa nouveauté, tant y fleurit toujours une sorte de fraîcheur qui en a préservé l'aspect de l'atteinte du temps : c'est comme si ces œuvres possédaient un souffle de jeunesse et une âme qui ne vieillit pas.

6. Phidias choisissait tout et surveillait tout pour Périclès, alors que les ouvrages avaient pourtant de grands architectes et de grands artistes.

7. Callicratès réalisa avec Ictinos le Parthénon de cent pieds ; à Éleusis, Coroibos commença à aménager la salle des initiations : il éleva les colonnes portantes et les relia par des architraves ; à sa mort, Métagénès de Xypétè posa la frise et les colonnes supérieures, tandis que Xénoclès de Cholarges couronnait l'ouverture du sommet du temple. Le Long Mur, à propos duquel Socrate dit qu'il entendit lui-même Périclès donner son avis, c'est Callicratès qui le réalisa.

8. Cratinos raille cet ouvrage sous prétexte qu'il s'acheva lentement :

ça fait longtemps qu'en paroles Périclès le pousse, mais en fait il ne bouge pas !

9. L'Odéon, par sa disposition intérieure, offre nombre de sièges et de colonnes et son toit arrondi et en pente part d'un faîte unique : c'est, dit-on, l'image et l'imitation de la tente du Grand Roi, et c'est également Périclès qui le fit exécuter.

10. Raison pourquoi Cratinos, derechef, s'en gausse dans ses Femmes de Thrace :

Ce Zeus à tête d'oignon
s'avance, portant sur son crâne l'Odéon,
dès lors qu'il a esquivé l'ostracisme...

11. Avide d'honneurs, Périclès décréta alors qu'un premier concours de musique se tiendrait aux Panathénées ; choisi lui-même comme président de ce concours, il fixa la manière dont les concurrents devaient chanter, jouer de la flûte ou de la cithare. C'est à l'Odéon que dès cette époque et par la suite les gens venaient assister aux concours musicaux.

12. Les Propylées de l'Acropole furent achevés en cinq ans par l'architecte Mnésiclès ; un accident étonnant, survenu durant la construction, révéla que la déesse n'était pas loin mais mettait aussi la main à l'édifice et participait à son achèvement.

13. Le plus actif et le plus empressé des ouvriers avait glissé, était tombé du haut du bâtiment et gisait lamentablement, abandonné par les médecins. Alors que Périclès perdait courage, la déesse lui apparut en songe et ordonna un remède grâce auquel Périclès guérit rapidement et aisément cet homme. C'est à ce moment, dit-on, qu'il fit ériger sur l'Acropole la statue de bronze d'Athéna Hygie, près de l'autel qui s'y trouvait déjà.

14. Phidias avait d'autre part exécuté la statue d'or de la déesse ‒ sur la stèle, il est mentionné comme son auteur. Tout dépendait quasiment de lui et, comme on l'a déjà dit, fort de l'amitié de Périclès, il commandait à tous les artisans.

15. Ceci amenait à l'un jalousie, à l'autre, calomnie ‒ Phidias aurait reçu pour Périclès des femmes libres qui avaient des rapports avec celui-ci. Les Comiques, accueillant ce propos, répandirent sur Périclès quantité d'impudences ; ils le calomnièrent à propos de la femme de Ménippe, son ami et stratège en second, et à propos de l'élevage d'oiseaux que faisait Pyrilampe, compagnon de Périclès ‒ on accusa Pyrilampe d'expédier discrètement des paons aux femmes que fréquentait Périclès.

16. Qui, au reste, pourrait s'étonner de ce que des gens habitués à la satire offrent en toute occasion à la foule, comme à un mauvais démon, leurs calomnies à l'encontre des puissants, alors Stésimbrote de Thasos a même osé accuser Périclès d'un acte impie, terrible et exécrable, commis sur la femme de son fils ? Ainsi apparaît-il que, de toute façon, la vérité en histoire est chose difficile à traquer : les historiens postérieurs aux faits ont devant eux le voile du temps qui leur en masque la connaissance, tandis que l'historien contemporain des faits et des vies détruit et détourne la vérité, tantôt par envie et malveillance, tantôt par complaisance et flatterie.

14.

1. Thucydide et les orateurs de son clan invectivaient Périclès, l'accusant de gaspiller les fonds publics et de faire disparaître les revenus. Alors lui, à l'assemblée, de demander au peuple s'il avait l'air d'avoir fait beaucoup de dépenses ; on lui dit : « Énormément ! ». ‒ « Soit, dit-il, que les dépenses m'incombent à moi, non à vous autres, mais c'est mon propre nom que je ferai inscrire sur les monuments ».

2. À ces mots, les gens se récrièrent (admiraient-ils la grandeur d'âme de Périclès, ou bien ambitionnaient-ils à leur tour la gloire de ses réalisations ?) et l'invitèrent à solder ces dépenses sur les fonds publics et à y pourvoir sans rien épargner.

3. Finalement, entré en conflit, non sans péril, avec Thucydide à propos de l'ostracisme, il fit exiler celui-ci et dissoudre le parti qui, à lui-même, faisait opposition .

 

L'homme d'État aux affaires intérieures :

éloges et critiques (15-16)

15.

1. Toutes les divisions étant abolies, la cité quasiment parvenue à la concorde et à une parfaite union, Périclès prit sur lui Athènes et les affaires dépendant des Athéniens : les tributs et les armées, les îles et la mer, la grande puissance et l'hégémonie acquise tant sur les Grecs que sur les barbares, garantie par les peuples sujets, par l'amitié des rois et l'alliance de dynastes. Périclès ne fut alors plus le même, plus aussi docile au peuple ni prompt à céder et à se plier au souffle des désirs des masses : de cette démagogie relâchée et quelquefois amollie comme un accord musical tendre et fleuri, il fit un régime tendu, aristocratique et royal, qu'il utilisa de manière droite et inflexible en vue du plus grand bien. Par la persuasion et l'instruction, il dirigeait le peuple, souvent consentant. Mais quand venait le moment où celui-ci récriminait, Périclès tendait les rênes et le reprenait en mains en le poussant dans le sens de son intérêt : c'était là imiter tout simplement le médecin qui, lors d'une maladie changeante et prolongée, apporte en temps voulu, tour à tour, des agréments inoffensifs et des remèdes mordants mais salvateurs.

2. Au sein d'une foule maîtresse d'un empire d'une pareille étendue, naissaient naturellement des passions de toute sorte. Périclès seul avait le don de les manipuler efficacement l'une après l'autre : comme gouvernails, il combinait surtout espoirs et craintes, laissant passer les audaces et le découragement, puis sachant apaiser. Il montra que l'art oratoire est bien une « conduite des âmes » (psychagogie, selon Platon) et que son rôle principal, c'est l'étude des caractères et des passions ‒ lesquels sont en quelque sorte comme les tons et les sons de l'âme, requérant un toucher et un jeu parfaits.

3. La réputation de Périclès ne tenait pas simplement à la puissance de son discours mais, comme l'a dit Thucydide, à l'estime qu'inspirait sa vie et à la confiance qu'inspirait l'homme, un homme notoirement incorruptible et au-dessus des richesses. La ville, qui était grande, il l'avait rendue immense, très riche, et lui-même surpassait en puissance nombre de rois et de tyrans, dont certains laissèrent le pouvoir à leurs fils. Or cet homme-là n'accrut pas d'une seule drachme la fortune que son père lui avait laissée.

16.

1. Thucydide a beau expliquer clairement la puissance de Périclès, les Comiques, eux, nous la font voir avec malveillance, traitant ses partisans de nouveaux Pisistratides, lui enjoignant, à lui, de jurer qu'il ne va pas exercer de tyrannie, comme si son éminente autorité était trop lourde et incompatible avec une démocratie.

2. Téléclide dit que les Athéniens lui ont abandonné

tributs des cités, cités mêmes, qu'il lie et délie à son gré,
remparts de pierre, qu'il aménage pour les abandonner derechef,
et de plus, traités, puissance, domination, paix, richesse et bonheur.

3. Tout cela ne fut pas un simple moment, l'apogée et la grâce d'une politique qui fleurit le temps d'une saison : c'est pendant quarante années qu'il joua le premier rôle parmi les Éphialte, les Léocratès, les Myronidès, les Cimon, les Tolmidès et les Thucydide. Après l'éviction et l'ostracisme de Thucydide, Périclès exerça durant pas moins de quinze années consécutives la charge de stratège ‒ charge pourtant annuelle ‒, la seule qu'il conserva, avec le pouvoir afférent. Il se garda incorruptible vis-à-vis des richesses, non qu'il y fût tout à fait indifférent mais, pour éviter de perdre par négligence son patrimoine légitime, comme de s'impliquer, sans en avoir le loisir, dans beaucoup d'affaires et d'occupations, il pratiqua l'économie domestique qu'il jugeait la plus facile et la plus exacte.

4. Il faisait vendre d'un coup toutes ses récoltes annuelles, et ensuite acheter au marché chaque denrée nécessaire. Ainsi réglait-il sa vie et ses habitudes.

5. Il faisait dès lors figure d'administrateur déplaisant aux yeux de ses fils adultes, chiche aux yeux de leurs femmes, et tous lui reprochaient cette dépense au jour le jour, ramenée au strict minimum ‒ chez lui, nul superflu comme dans une grande maison aux ressources abondantes : toute dépense, toute rentrée était chiffrée et mesurée.

6. L'unique responsable d'une pareille rigueur était un serviteur du nom d'Évangélos, soit qu'il fût doué comme nul autre pour l'économie domestique, soit qu'il y eût été formé par Périclès.

7. Tout cela était en désaccord avec la sagesse d'Anaxagore, s'il est vrai que ce dernier avait abandonné sa maison et laissé sa terre improductive, en pâture aux moutons, sous l'effet d'une inspiration divine et par grandeur d'âme. Mais la vie d'un philosophe contemplatif et celle d'un homme d'État ne sont point, je crois, même chose. Le premier oriente vers le Beau sa réflexion dépourvue d'instrument et indépendante de la matière extérieure ; pour le second, qui applique sa compétence aux besoins humains, il y a des cas où la richesse ne fait pas seulement partie des choses nécessaires, mais compte au nombre des choses belles : ainsi en était-il pour Périclès, qui secourait quantité de pauvres.

8. Anaxagore lui-même, déjà vieux et s'estimant négligé, dit-on, par Périclès qui était très occupé, se coucha et se voila la tête, tout à fait prostré. L'affaire vient aux oreilles de Périclès ; et celui-ci, sous le choc, de courir aussitôt chez Anaxagore et de lui adresser force prières, pleurant non pas sur son ami, mais sur lui-même si jamais il doit perdre un tel conseiller politique.

9. Anaxagore, alors, se dévoilant, lui dit :« Périclès, les gens qui ont besoin de la lampe y versent de l'huile... ».

[suite]


Notes

César (1, 1) : Il s'agit probablement de l'empereur Auguste (27 a.C. - 14 p.C.), restaurateur de la société romaine, soucieux de la moralité publique et promoteur d'une législation sociale encourageant le mariage et la natalité.

Antisthène (1, 5) : Ce philosophe, fondateur de l'école Cynique, critiquait à la fois le jeu de la flûte, instrument favori des Thébains mais dédaigné à Athènes parce que jugé inesthétique (cf. Plutarque, Alcibiade, 2, 5-7) et le professionnalisme de l'exécutant, le Thébain Isménias (Plutarque, Démétrios, 1, 6), réputé indigne d'un homme distingué. Dans la Grèce classique, les « arts mécaniques » sont « justement décriés », selon un préjugé dont Xénophon (Économique, IV, 2) explique l'origine : les métiers manuels constituent une entrave à la vie politique et sociale.

Philippe (1, 6) : Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre le Grand, reproche à son fils de s'abaisser à une compétition de « professionnel ».

Zeus de PiseHéra d'Argos (2, 1) : La statue chryséléphantine de Zeus à l'Olympieion d'Olympie (près de Pise) était l'un des chefs-d'œuvre de Phidias, aussi fameux que la statue chryséléphantine exécutée par Polyclète pour l'Héraion d'Argos.

AnacréonPhilémon Archiloque (2, 1) : Plutarque cite ici, sans souci de la chronologie, trois poètes que les anecdotes des traditions biographiques ne pouvaient guère recommander au moraliste. ‒ Anacréon (fin VIe s.), illustre représentant de la lyrique de cour, hôte des tyrans éclairés Polycrate de Samos et Hipparque d'Athènes, avait composé des chansons (odes) dont le charme et le renom inspireront bien des siècles plus tard des imitations rassemblées dans le recueil des Anacréontiques. ‒ Philémon, poète comique athénien du IVe s., fut le rival de Ménandre. ‒ Archiloque (première moitié du VIIe s.), poète lyrique très prisé dans l'Antiquité, avait pratiqué le genre iambique avec une efficacité naturelle au service d'une verve caustique que le petit nombre de fragments subsistant permettent d'apprécier.

Fabius Maximus (2, 5) : Grande figure de la deuxième Guerre Punique, il sut habilement user Hannibal d'abord victorieux en lui opposant une tactique purement défensive (d'où son surnom de Cunctator, « le Temporisateur ») ; la biographie que lui a consacrée Plutarque figure effectivement en regard de celle de Périclès.

Xanthippos ‒ Clisthène (3, 2) : Xanthippos, père de Périclès, commandait la flotte grecque qui, en 479, après la victoire terrestre de Platées, détruisit à Mycale (face à Samos) les restes de la flotte perse. ‒ La mère de Périclès, Agaristè, une Alcméonide, était d'après Hérodote (VI, 131) la nièce, non la petite-fille, de Clisthène, le grand Athénien qui, après l'éviction des tyrans Pisistratides, avait doté Athènes d'une constitution démocratique (508).

Cratinos (3, 5) : Ce représentant athénien de la Comédie Ancienne, prédécesseur d'Aristophane, était l'auteur, entre autres, d'une pièce dont le chœur se composait de Centaures, compagnons de Chiron (d'où son titre, Les Chirons). La présente citation, très mordante à l'endroit de Périclès, donne une idée des critiques de ses opposants : sur le ton de parodies homériques, c'est une allusion à une disgrâce physique du grand homme et à sa famille politiquement suspecte (d'aristocratie). D'une autre pièce de Cratinos, Némésis, Plutarque a retenu un vers iambique, d'ailleurs incomplet et de texte incertain, qui semble viser les amitiés peu « patriotiques » de Périclès (Anaxagore de Clazomènes et Aspasie de Milet).

Téléclidès (3, 6) : De ce poète comique intermédiaire entre Cratinos et Aristophane ne nous sont parvenus que quelques titres de pièces et de maigres fragments. La présente allusion vise, une fois encore, la « grosse tête » de Périclès, dont la dimension est indiquée par une mesure narquoise (à onze lits) comme il s'en appliquait ... aux salles à manger (« salle à deux lits, à trois, quatre lits ») ! Le grand vacarme qui sort de sa tête (telle Athéna casquée sortant de la tête de Zeus !) est sans doute celui de la guerre du Péloponnèse.

Eupolis (3, 7) : Ce concurrent d'Aristophane était l'auteur, entre autres, d'une comédie, Les Dèmes, qui faisait plaisamment remonter des Enfers de grands hommes tels Solon, Miltiade, Aristide ‒ et Périclès ‒, porteurs de leçons politiques destinées au peuple d'Athènes. Autre référence au texte des Dèmes  un peu plus loin (infra, 24, 10). -- Pour rappel, le terme dème désigne une subdivision territoriale en même temps qu’une association civique,  regroupant les citoyens en une sorte de commune jouissant d’une relative indépendance au sein de l’État. Depuis Clisthène qui, à la fin du VIe siècle, avait donné à Athènes sa constitution démocratique, le territoire de l’Attique était réparti en 139 dèmes, dans lesquels les jeunes gens s’inscrivaient obligatoirement dès leur majorité légale, à dix-huit ans, et auxquels l’appartenance était héréditaire.

Damon (4, 1) : Ce musicologue admiré de Platon (cf. République, III, 400 b-c et IV, 424 c ; Lachès, 180 d ; Alcibiade, 118 c) ne fut pas véritablement, aux yeux de Plutarque, le maître de musique de Périclès ; il est ici évoqué comme un conseiller politique, personnage assez ambigu au reste.

Aristote (4, 1) : Cette mention paraît trahir un défaut de mémoire de Plutarque ; c'est Platon, en effet (Protagoras, 316 e ; Alcibiade, 118 c), qui signale ce Pythoclidès, sophiste originaire de Céos.

Platon (4, 4) : Il s'agit de Platon le Comique (contemporain d'Aristophane) qui, mettant en scène le musicien-conseiller Damon, le faisait qualifier de Chiron, c'est-à-dire d'éducateur de Périclès.

Chiron (4, 4) : Fils de Cronos, donc appartenant à la première génération divine, Chiron se distingue des autres Centaures, êtres mi-humains, mi-chevalins, sauvages et brutaux. Dans un mythe à diverses facettes, il apparaît sage et bienveillant, à la fois médecin-chirurgien et éducateur de renom -- il fut, entre autres, celui d'Achille et même d'Asclépios. Blessé accidentellement et irrémédiablement par Héraclès, il obtint d'échanger sa condition d'immortel contre celle du mortel Prométhée.

Zénon (4, 5) : Ce grand représentant de l'école philosophique d'Élée (cité grecque de Lucanie) accompagna à Athènes, au début du Ve siècle, son maître et ami Parménide, qui inspirera à Platon le dialogue de ce nom. Zénon était considéré comme l'inventeur de la dialectique.

Timon (4, 5) : Timon de Phlionte (N.-E. du Péloponnèse), dit le Sillographe, est, au IIIe s. a. C., la source de notre connaissance du Scepticisme professé par Pyrrhon, son maître. Timon ridiculisait dans ses poèmes satiriques les Silles, les débats verbeux des philosophes ; Plutarque en cite à l'occasion des hexamètres (cf. Vie de Numa, 8, 9).

Anaxagore (4, 6) : Originaire de Clazomènes en Lydie, ce célèbre philosophe ionien (500-428), mathématicien et astronome, expliquait le mouvement ordonnateur du monde par l'intervention d'une intelligence indépendante (Νοῦς). ‒ La noble amitié du philosophe et de l'homme politique a inspiré en 1796 un beau tableau au peintre Augustin Louis Belle, Anaxagore et Périclès (Paris, Louvre).

Ion (5, 3) : Poète et prosateur du Ve siècle, Ion de Chios, rival malheureux d'Euripide, était néanmoins compté au nombre des grands Tragiques. Des titres et de maigres fragments subsistants font entrevoir son œuvre lyrique et évoquent les souvenirs de ses rencontres avec d'illustres contemporains

Cimon (5, 3) : Fils de Miltiade et frère d'Elpinice, valeureux défenseur d'Athènes contre l'agression perse et grand seigneur généreux, Cimon vit son influence politique croître après la mort d'Aristide et l'exil de Thémistocle, pour diminuer ensuite au fur et à mesure que s'élevait Périclès. Après avoir triomphé des Perses sur la côte asiatique à l'O. de la Cilicie (bataille de l'Eurymédon, c. 466), il fut à son tour ostracisé (461). Rentré au service d'Athènes, il remporta encore une autre victoire sur l'ennemi perse à Salamine de Chypre, où il trouva la mort c. 450. Plutarque a rédigé sa biographie et, forcément, fait fréquemment allusion à lui dans les Vies de Thémistocle et de Périclès (ainsi infra, 7, 3-4  ; 9, 2 ; 9, 5 ; 10).

satyrique (5, 3) : Le poète Ion de Chios avait naturellement pratiqué le drame satyrique, pièce mi-sérieuse, mi-bouffonne, animée par des acteurs déguisés en satyres (33, 8) ; c'est le complément attendu après la tension des tragédies. De même la vertu doit-elle consentir à assouplir quelquefois sa gravité.

Lampon (6, 2) : Ce devin athénien, tantôt brocardé par les Comiques, tantôt estimé des gouvernants, avait été adjoint par Périclès à l'importante expédition coloniale chargée de la fondation de Thourioi (443) ; il est au nombre de ceux qui, pour les Athéniens, « ont juré et fait les libations » lors de la paix de Nicias signée en 421 entre Athènes et Lacédémone (Thucydide, V, 19, 2 ; 24, 1).

Thucydide (6, 2) : Aristocrate opposé à Périclès, ce Thucydide, fils de Mélèsias, était entré par alliance dans la famille de Cimon (cf. infra, 11, 1) et sera ostracisé en 443. Il entretenait, semble-t-il, de bonnes relations avec Sparte (cf. infra, 8, 5). Personnage à distinguer de l'historien du même nom, largement utilisé par Plutarque et mentionné par exemple infra, 9, 1; 15, 3; 16, 1; 28, 8.

 racine de la corne (6, 2) : L'opération réalisée par Anaxagore ne constitue pas a priori un anachronisme, car au Ve siècle la dissection était pratiquée dans l'école hippocratique et, peut-être, par Alcméon de Crotone. Mais l'analyse du phénomène, telle que la répercute Plutarque, est évidemment erronée : la « racine de la corne » ne se trouve pas à l'intérieur de la boîte crânienne, dans le cerveau, puisqu'il s'agit, comme le savait déjà Aristote (Histoire des animaux, III, 9, 517 a), d'une formation épidermique qui se soude par après à l'os frontal; et d'ailleurs, un animal présentant une telle malformation n'eût pas été suffisamment viable pour développer une « corne robuste et puissante ».

sons des disques (6, 5) : Il ne s'agit pas des disques dont le lancer par un discobole constitue l'une des cinq épreuves sportives du pentathle (cf. infra, note à 36, 5), mais bien des timbres métalliques suspendus ou gongs faisant office de cloche et servant à donner un signal ou annoncer, par exemple, la fin d'une lecture. L'usage de ce type de disques dans la société gréco-romaine est attesté par des témoignages littéraires et archéologiques.

Pisistrate (7, 1) : Succédant au législateur Solon et fidèle à la politique de ce dernier, Pisistrate gouverna à trois reprises Athènes (561-527) en tyran éclairé, bâtisseur et ami des lettres, soucieux des équilibres socio-économiques, commerciaux, religieux et culturels ; grâce à lui, la cité connaît alors une sorte d'âge d'or. Cette image contraste avec celle que laisseront ses fils et successeurs Hippias et Hipparque, les Pisistratides (cf. infra, 16, 1) ; après l'assassinat d'Hipparque (514), la tyrannie soupçonneuse d'Hippias souleva un mécontentement qui aboutit à son expulsion (510).

Aristide (7, 3) : Contemporain de Thémistocle mais son aîné, Aristide « le Juste » (c. 540 - c. 468) apparaît personnellement et politiquement comme l'antithèse de celui-là. Aristide est d'origine et de tendances aristocratiques, loyal, intègre, désintéressé, en désaccord sur tous les points avec son rival Thémistocle, roturier arriviste, peu scrupuleux, très soucieux de sa gloire et de son enrichissement personnel. Dans les biographies qu'il a consacrées à l'un et à l'autre personnage, Plutarque souligne cette opposition fondamentale de leurs tempéraments. Moins contrastée que celle de son rival, la carrière d'Aristide est, aux yeux du moraliste, exemplaire à bien des égards. Combattant à Marathon, à Salamine, à Platées, Aristide participe activement à la vie politique d'Athènes, y exerce l'archontat, se soumet (483) à un ostracisme inspiré par Thémistocle. D'autre part, c'est lui qui fixera au départ le montant du tribut imposé aux membres de la Ligue de Délos (Thucydide, V, 19 ; Plutarque, Aristide, 24, 1). 

Thémistocle (7, 3) : Plutarque a consacré à ce grand homme une biographie dont j'ai présenté la traduction et l'annotation dans la BCS.

libations (7, 5) : L'acte rituel des libations aux dieux suivait le repas et précédait le moment où l'on commençait à boire (symposion).

Critolaos (7, 7) : Originaire de Phasélis (côte orientale de la Lycie), Critolaos, chef de file de l'école péripatéticienne, fit partie de l'ambassade déléguée à Rome par les Athéniens en 156/5 pour solliciter la remise d'une amende. Les fragments conservés de son œuvre révèlent son attachement à Aristote et son opposition à la psychologie des Stoïciens ; son mot relatif à la Salaminienne est volontiers cité par Plutarque (la Salaminienne est le nom du navire d'État chargé d'acheminer les dépêches importantes d'Athènes).

Éphialte (7, 8) : D'après Aristote (Constitution d'Athènes, 25), ce chef du parti démocratique, citoyen intègre et incorruptible, avait rogné (462/1) les prérogatives du Conseil de l'Aréopage, très puissant après les guerres médiques ; il allait périr dans un guet-apens ourdi par les oligarques. Plutarque revient un peu plus loin sur le rôle d'Éphialte et ses rapports avec Périclès (cf. infra, 9, 5 et 10, 7-8). La « liberté sans mélange » versée aux citoyens d'une démocratie est une réminiscence de Platon (République, VIII, 562 c-d).

Comiques (7, 8) : Citation d'un Comique anonyme, relative à l'expédition d'Eubée dont Plutarque parle un peu plus loin (infra, 23, 3-4).

divin Platon (8, 2) : Libre citation de Phèdre, 270 a.

auteurs de l'époque (8, 4) : Par exemple Aristophane, dont Plutarque reproduit littéralement ici des termes utilisés dans Acharniens, 530.

Thucydide, fils de Mélèsias (8, 5) : Sur ce personnage, cf. 6, 2.

Archidamos (8, 5) : Roi de Sparte, Archidamos II (469-427), d'abord opposé à la guerre contre Athènes, était néanmoins à la tête des forces péloponnésiennes qui envahirent l'Attique à trois reprises. Archidamos entretenait avec Périclès une relation d'hospitalité, dite xenia (ξενία), ainsi que le signale Thucydide (II, 13) suivi par Plutarque (cf. infra, 33, 3-4). La xenia est un lien particulier et héréditaire établi entre personnes ou entre Etats et garanti par un engagement religieux. L'hôte est reçu, hébergé, voire rapatrié par son contractant, avec qui il échange des présents ; les deux parties se partagent en outre un symbole (σύμβολον), objet que l'on brise et qui, reconstitué, pourra le cas échéant fournir un signe de reconnaissance. On ignore, en l'occurrence, l'origine de ce lien particulier entre Périclès et le Spartiate.

aucun écrit (8, 7) : Les décrets de Périclès, originellement gravés sur marbre, étaient conservés aux Archives d'État (Metrôon) sur l'agora d'Athènes. Plutarque y fait plusieurs fois référence (cf. par exemple infra, 10, 4 ; 17, 1 ; 20, 2); à défaut d'une consultation directe, du moins le biographe disposait-il du Recueil de décrets (Ψηφισμάτων συναγωγή) constitué au début du IIIe siècle a.C. par Cratéros. Ce dernier, dans le courant de recherches documentaires suscité par les Péripatéticiens, avait en effet rassemblé et classé chronologiquement des inscriptions mémorables, et cette compilation se trouvait manifestement aux mains de Plutarque (cf. Vie d'Aristide, 26, 4 ; Vie de Cimon, 13, 5). -- Les « mots » prêtés ici à Périclès font allusion à l'actualité contemporaine : Égine, puissance maritime un instant rivale victorieuse d'Athènes (Plutarque, Vie de Thémistocle, 4, 1), allait être effectivement abattue par Périclès (infra, 33, 2), et la guerre du Péloponnèse était en vue.

Sophocle (8, 8) : Plusieurs témoignages historiques crédibles affirment la présence du poète tragique aux côtés de Périclès, en tant que commandant adjoint, lors de l'expédition de Samos (infra, 25-28). Il en fut temporairement détaché pour chercher des renforts à Chios et à Lesbos, et c'est dans le cadre de cette mission que le Tragique rencontra, au cours d'une escale, le poète Ion de Chios [lien avec note supra, 5, 3]. Ce dernier conte la stratégie amoureuse qu'avec beaucoup d'esprit déploie Sophocle pour séduire un beau garçon ; cette anecdote, transmise par Athénée, était de nature à asseoir la réputation de pédérastie de Sophocle (Athénée, XIII, 603 e - 604 d; traduction française dans J. Jouanna, Sophocle, Paris, 2007, p. 11-12).

Stésimbrote (8, 9) : Stésimbrote de Thasos, biographe de la fin du Ve s., était l'auteur d'un ouvrage riche en anecdotes sur Thémistocle, Thucydide et Périclès, qui le révèle favorable à Cimon, donc hostile à Périclès. Ce prosateur fut assurément l'une des sources fréquemment utilisées par Plutarque pour la présente Vie (cf. 13, 16  ; 26, 1  ; 36, 6, etc.), ainsi que pour son Thémistocle (cf. 2, 5).

Samos (8, 9) : Il a été question de cette ville dans la présentation générale, à propos des événement liés à la stratégie de Périclès.

Thucydide décrit (9, 1) : Il s'agit ici, bien entendu, de l'historien ; cf. Thucydide, II, 65, 9

d'autres (9, 1) : Cette critique des innovations introduites par Périclès est une réminiscence de Platon, Gorgias, 515 e.

clérouchies (9, 1) : Tel est le nom des nombreux établissements coloniaux fondés par Athènes, à la suite d'un décret de l'Assemblée, dans les îles de l'Égée, en Thrace, en Eubée, à des fins économiques et militaires. Le territoire colonial, obtenu par négociation ou par conquête, était distribué à des tenanciers (clérouques) qui étaient des citoyens pauvres, assurés de conserver leurs lois, droits et état-civil d'origine, tout en étant exemptés de gros impôts dans la mère-patrie.

de jetons pour les spectacles et d'indemnités (9, 1) : On admet généralement qu'au IVe siècle un jeton de deux oboles était accordé aux citoyens assistant à un spectacle de théâtre ; malgré l'assurance de Plutarque (cf. encore infra, 9, 3), il est toutefois douteux que cette pratique remonte à l'époque de Périclès. En revanche Aristote attribue à ce dernier l'allocation d'un jeton de présence aux juges des tribunaux (Constitution d'Athènes, 27, 3-4), tandis que, durant la guerre du Péloponnèse, les soldats recevaient une indemnité de campagne (ibidem, 27, 4).

comme on l'a dit (9, 2) : Cf. supra, 7, 3. -- La rivalité qui opposait Périclès à Cimon, s'agissant de capter les faveurs populaires, est déjà signalée par Aristote (Constitution d'Athènes, 27, 3-4), que Plutarque répercute également dans Vie de Cimon, 10, 1-2.

Damonidès (9, 2) : Ce Damonidès d'Oiè est effectivement mentionné par Aristote, Constitution d'Athènes, 27, 3-4 ; on peut douter qu'il s'agisse du même personnage que le Damon cité un peu plus haut (4, 1).

Aréopage (9, 3) : L'un des organes judiciaires d'Athènes, dont les sessions se tiennent sur la colline d'Arès (Ἄρειος πάγος) ; cette assemblée regroupe tous les citoyens ayant exercé l'archontat et ayant fait approuver leurs comptes. La juridiction de ce tribunal a varié selon les époques, son influence a été ruinée par les réformes démocratiques d'Éphialte [lien avec supra, 7, 8] , mais son prestige moral est resté considérable.

thesmothète (9, 3) : ces « gardiens des lois » (θεσμοθέται), originellement au nombre de six, étaient chargés de consigner par écrit les lois nouvelles et d'en vérifier la compatibilité avec la législation antérieure. Investis d'une juridiction très étendue, les thesmothètes constituent, avec l'archonte éponyme, l'archonte roi et l'archonte polémarque un collège de neuf « gouvernants » (οἱ ἐννέα ἄρχοντες) tirés au sort chaque année et qui, à leur sortie de charge, deviennent membres de l'Aréopage. Au Ve ou au IVe siècle, un secrétaire fut adjoint aux thesmothètes, ce qui porta à dix l'effectif de l'archontat.

entremise d'Éphialte (9, 5) : Cfr supra, 7, 8.

Vie (9, 5) : Plutarque, Vie de Cimon, 17, 3. Sur ce personnage, cf. supra, 5, 3.

Tanagra (10, 1) : Cette ville de Béotie, célèbre par ses charmantes figurines de terre cuite, fut le théâtre en 457 de la sanglante défaite infligée aux Athéniens par les forces lacédémoniennes (Thucydide, I, 108, 1).

soldats de sa tribu (10, 1) : Le corps des hoplites (armée de terre athénienne) est recruté dans les dix tribus (φυλαί) qui fournissent chacune un bataillon d'infanterie (τάξις), chacun de ceux-ci se subdivisant à son tour en compagnies (λόχοι). Plutarque précise ailleurs (Vie de Cimon, 17, 4) que Cimon appartient à la tribu Oïnéis, d'où provient donc la compagnie ici en cause.

Elpinice (10, 5) : Sœur de Cimon, cette Athénienne au beau nom (il évoque une « espérance de victoire ») mais à la vertu contestée par la mauvaise langue de Stésimbrote (Plutarque, Cimon, 4, 6), a le courage de se présenter en solliciteuse chez Périclès, qui lui réserve un accueil goguenard tout en satisfaisant à sa requête (infra, 10, 6 ; Cimon, 14, 5). Plus tard, à son retour du siège de Samos, Périclès devra encore affronter Elpinice, dont il tourne les reproches en dérision (infra, 28, 4).

Idoménée (10, 7) : Idoménée de Lampsaque (c. 325 - c. 270), ami d'Épicure mais personnellement tourné vers l'École péripatéticienne, avait écrit un ouvrage de saveur anecdotique et malveillante Sur les chefs populaires (Περὶ δημαγωγῶν) d'Athènes ; Plutarque l'a utilisé (cf. aussi infra, 35, 5) sans l'estimer.

Aristodicos (10, 8) : Cet Aristodicos de Tanagra est effectivement mentionné par Aristote, Constitution d'Athènes, 25, 4.

Thucydide d'Alopèce (11, 1) : Il s'agit de Thucydide, du dème attique d'Alôpèkè, fils de Mélèsias et adversaire de Périclès, mentionné supra, 6, 2 et 8, 5.

plaisirs culturels (11, 4) : Littéralement « plaisirs auxquels les Muses ne sont pas étrangères ». Plutarque reprend ici l'expression de Platon, Phèdre, 240 B. -- Dans le discours qu'il prête à Périclès faisant l'oraison funèbre des combattants athéniens morts à la guerre, Thucydide (II, 38, 1) relève également la fierté qu'affiche le grand homme d'avoir « ménagé à l'esprit » de ses compatriotes « des délassements sans nombre ».

huit mois (11, 4) : Les mois d'hiver étant exclus, huit mois représentent la période normalement ouverte à la navigation. Mais, s'agissant de solder les équipages de soixante trières, le coût d'un service aussi long paraît exorbitant; en effet, la solde mensuelle de soixante trières se monte en 415 à 60 talents (Thucydide, VI, 8, 1), chiffre qui, en l'occurrence, serait à multiplier par huit ! Sans doute faut-il admettre que la rémunération des équipages était beaucoup moindre en 440 -- ou que leur activité ne s'étendait pas sur une durée de huit mois.

Chersonèse (11, 5) : Il a été question de cette région dans la présentation générale.

Bisaltes (11, 5) : Il s'agit d'un peuple d'origine thrace, installé en Macédoine orientale, aux environs du fleuve Strymon, dans une région fertile et métallifère où Hagnon (pour ce personnage, cf. infra, 32, 4) fonda en 437/6 la colonie athénienne d'Amphipolis.

Thourioi (11, 5) : Grâce à une initiative panhellénique suscitée par Athènes, l'antique et prospère cité de Sybaris, fondée c. 720 et détruite en 510, fut refondée en 444/3 sous le nom de Thourioi. Hérodote et Lysias comptaient au nombre des nouveaux colons et le dispositif urbanistique de la cité nouvelle fut l'œuvre du célèbre architecte Hippodamos de Milet.

Délos (12, 1) : Au lendemain des guerres médiques, en un temps d'union éphémère, les Grecs avaient organisé contre la Perse une Ligue de défense dont le centre religieux et le trésor de guerre se trouvaient à Délos ; aussitôt Athènes mit la « Ligue de Délos » sous sa protection. Les contributions consenties par les alliés et administrées par des intendants (hellénotames) athéniens (Thucydide, I, 96, 2) ne tardèrent pas à être perçues comme des tributs payés à Athènes, laquelle accentua la crise en mettant la main sur l'administration du sanctuaire d'Apollon délien et en transférant au Parthénon le trésor fédéral (c. 454). Ce transfert, opéré l'année même où Athènes essuyait de lourdes pertes lors de sa désastreuse intervention en Égypte (cf. infra, 20, 3), n'était donc pas directement en rapport avec les grands travaux projetés par Périclès, mais l'opposition s'était emparée de l'affaire pour nourrir une critique dont Plutarque répercute ici l'écho.

Zeuxis ‒ Agatharchos (13, 3) : Zeuxis, peintre fameux d'origine lucanienne, travaillait à Athènes à l'époque de Périclès ; quelquefois amateur de sujets insolites, il travaillait le dégradé des volumes et des couleurs et excellait dans un réalisme saisissant. ‒ Agatharchos de Samos est le premier peintre qui ait utilisé la perspective sur de grandes surfaces, entre autres sur la scène des théâtres. Alcibiade lui commanda, originalité singulière, des peintures pour sa maison ; cf. Vie d'Alcibiade, 16, 5.

Parthénon de cent pieds (13, 7) : Le Parthénon d'époque péricléenne remplaçait un ancien Hécatompédon (« temple de cent pieds ») détruit par les Perses en 480. Le nouveau bâtiment était en fait plus grand que l'ancien, mais ses architectes Callicratès et Ictinos l'avaient divisé en deux parties : le temple proprement dit, abritant la statue chryséléphantine d'Athéna, chef-d'œuvre de Phidias, et un arrière-corps (opisthodome) appelé Parthénon (« Salle des vierges ») où était conservé le trésor de la déesse.

salle des initiations (13, 7) : Le plus important des édifices sacrés d'Éleusis, la « salle des initiations » (Τελεστήριον) était réservée aux cérémonies secrètes de l'initiation (τελετή) aux mystères des déesses Déméter et Coré. Le silence rigoureux imposé aux « mystes » a été respecté, ce qui nous laisse ignorer les détails d'un rituel dont le sens général, en revanche, apparaît assez clairement : le cérémonial éleusinien visait à retracer la « passion » de Déméter après le rapt de sa fille Coré par le dieu des Enfers, puis la réapparition de celle-ci ; cette évocation symbolique du deuil de la nature après la mort de la végétation, qui renaît périodiquement pour une vie renouvelée, conduisait à une méditation sur le sens de la destinée humaine et à une promesse de survie bienheureuse. L'initiation pratiquée dans la grande salle du Telestèrion n'intervenait qu'à la fin des fêtes annuelles des Grandes Éleusinies, organisées au départ d'Athènes, en automne, et qui attiraient un grand nombre de fidèles venus de tout le monde grec. Un édifice très ancien avait été agrandi et réaménagé à plusieurs reprises, aux VIIe et VIe siècles puis au début du Ve, avant que Périclès en confiât le réaménagement et la décoration à ses architectes, comme l'indique ici Plutarque. Le Telestèrion péricléen, partiellement agrandi au IVe siècle a. C., fut rénové par l'empereur Hadrien, avant d'être détruit en 170 p. C., puis reconstruit à l'époque de Marc Aurèle.

Long Mur (13, 7) : Thémistocle avait fait relier par des remparts Athènes à ses deux ports, le Pirée et Phalère (cf. Vie de Thémistocle, 19, 2). Afin de renforcer ce dispositif, un mur médian y fut ajouté sur une initiative de Périclès dont se souvenait Socrate (cf. Platon, Gorgias, 455 e).

Cratinos (13, 8) : Cf. supra, 3, 5 avec la note.

Odéon (13, 9) : Construit par Périclès vers 445 à l'E. du théâtre de Dionysos et considéré comme la plus belle salle de concert du monde grec, cet édifice demeura intact jusqu'à son incendie en 86 a.C. ; il fut alors reconstruit et existait encore au temps de Pausanias. Le présent texte le décrit comme imité de la tente de Xerxès, avec un toit conique, dispositif qui existait antérieurement en Grèce : ainsi la Skiàs (littéralement « ombrelle », terme qu'utilise Plutarque, Thémistocle, 16, 3, pour désigner le dais d'or qui abrite Xerxès observant la bataille de Salamine) de Sparte  construite au VIIe siècle par l'architecte Théodore de Samos (Pausanias, III, 12, 10).

tête d'oignon (13, 10) : Plutarque a expliqué ce terme supra, 3, 4.

Panathénées (13, 11) : Ces grandes fêtes annuelles en l'honneur d'Athéna protectrice d'Athènes revêtent, outre leur caractère religieux et civique, des aspects sportifs, culturels et militaires. Étalées sur plusieurs jours, en été, et célébrées tous les quatre ans avec un éclat particulier, les Panathénées débutaient par des compétitions athlétiques auxquelles Périclès ajouta, précise Plutarque, un concours musical ; les prix décernés aux athlètes vainqueurs étaient des amphores dites « panathénaïques » qui portaient l'image d'Athéna et contenaient de l'huile provenant de ses oliviers sacrés. Le temps fort de ces fêtes était la fameuse procession que Phidias a immortalisée sur les 160 mètres de développement des frises du Parthénon. Après avoir parcouru la ville, jeunes filles chargées de corbeilles d'offrandes, vieillards porteurs de branches d'olivier, prêtres et animaux parés pour le sacrifice, brillante escorte des jeunes cavaliers d'Athènes, tous montaient à l'Acropole, où ils pénétraient par les Propylées ; le cortège solennel venait déposer sur le grand autel de la déesse le manteau (péplos) nouvellement brodé à son intention, en remplacement du vêtement de l'année précédente.

Mnésiclès (13, 12) : Architecte chargé, dans le cadre du vaste chantier ouvert à l'initiative de Périclès, de revoir le dispositif d'entrée à l'Acropole, précédemment aménagé entre 490 et 480. Après les destructions imputables à l'invasion perse, la restructuration des Propylées (τὰ Προπύλαια, « édifice devant les portes ») fut réalisée par Mnésiclès entre 437 (achèvement du Parthénon) et 432, pour un montant total de plus de 2000 talents ; cet édifice monumental demeura toutefois inachevé.

en songe (13, 13) : Athéna, déesse de la santé (Hygie), avait un petit sanctuaire sur l'acropole, au sud-est des Propylées, depuis la fin du VIe ou le début du Ve siècle. On a retrouvé à cet endroit la base semi-circulaire d'une statue portant une inscription dédicatoire des « Athéniens à Athéna Hygieia » ; il pourrait s'agir d'un ex-voto attribuable non à Périclès, à vrai dire, mais à la communauté athénienne, à l'occasion de la « peste » de 429. L'anecdote rapportée par Plutarque trouve néanmoins un écho chez Pline, Hist. natur., XXII, 44, lequel mentionne le nom de la plante médicinale prescrite en songe par Athéna à Périclès en guise de remède efficace pour son ouvrier blessé.

Hygie (13, 13) : Fille et associée d'Asclépios, dieu de la médecine, Hygie apparaît liée à Athéna dès la fin du VIe s., et c'est sous son épiclèse de déesse de la santé que cette dernière, spécialiste des plantes curatives, est invoquée ici. La base ronde de la statue, avec son inscription dédicatoire et la signature du sculpteur Pyrrhos l'Athénien, a effectivement été retrouvée aux Propylées de l'Acropole.

stèle (13, 14) : Il est difficile de savoir exactement ce qu'était cette stèle dont Plutarque avait vu l'inscription. Il pourrait s'agir de la dédicace de l'Athéna chryséléphantine érigée en 438/7, ou encore des comptes établis par Phidias pour cette oeuvre, comptes dont on a retrouvé quelques fragments.

Ménippe (13, 15) : Plutarque fait encore allusion ailleurs à cet ami de Périclès (Moralia, 812 C), mais on ne sait rien du personnage ; s'agirait-il du Ménippe surnommé l'Hirondelle que cite Aristophane (Oiseaux, 1293) ?

 Pyrilampe (13, 15) : Beau-père de Platon (Charmide, 158 a) et compagnon d'armes de Socrate, ce personnage de grande prestance avait été un ambassadeur bien en cour en Perse, d'où il rapporta des paons ; c'est lui que vise sans doute l'allusion ironique d'Aristophane aux « ambassadeurs, avec leurs paons et leurs charlataneries » (Acharniens, 62-63).

rois et dynastes (15, 1) : Plutarque cite plus loin un exemple de cette « amitié des rois » : un souverain d'Égypte avait fait présent d'une grosse livraison de blé au peuple d'Athènes (cf. infra, 37, 4). ‒ L'empire maritime d'Athènes, au milieu du Ve s., regroupe hors Grèce cinq districts assujettis à un tribut (φόρος), dont la Carie, administrée par des princes locaux (dynastes).

psychagogie (15, 2) : Tel est en effet le terme de Platon, Phèdre, 271 c.

dit Thucydide (15, 3) : L'historien, évidemment (II, 65).

Thucydide a beau (16, 1) : Ici encore, l'historien.

Pisistratides (16, 1) : Sur Hippias et Hipparque (527-510), les fils et successeurs de Pisistrate, cf. supra, 7, 1.

Téléclidès (16, 2) : Cf. supra, 3, 6.

Léocratès, Myronidès, Tolmidès (16, 3) : Léocratès fut le commandant des forces athéniennes lors de la guerre navale et terrestre contre les Éginètes en 456 (Thucydide, I, 105, 2). ‒ Myronidès conduisit les troupes athéniennes en Mégaride (Thucydide, I, 105, 4) et en Béotie où, après la défaite de Tanagra (supra, 10, 1 ), il remporta en 456 la victoire d'Oinophyta (Thucydide, I, 108, 2-3). ‒ Le personnage de Tolmidès est évoqué infra, 18, 2-3.

stratège (16, 3) : L'Assemblée du peuple d'Athènes élit chaque année dix stratèges (littéralement « chefs d'armée, généraux »), indéfiniment rééligibles et dotés d'attributions très importantes, non seulement militaires mais aussi politiques. Les stratèges commandent les armées et la flotte, négocient armistices et traités, dirigent la diplomatie, convoquent d'urgence l'Assemblée et le Conseil. En temps ordinaire, ils ont chacun même compétence et se partagent les attributions -- mais l'un d'eux peut cependant être seul en charge d'une expédition. Réélu stratège sans interruption durant une quinzaine d'années (443-429), donc singulièrement averti du suivi des affaires, Périclès exerça, malgré une collégialité théorique, un pouvoir personnel qui, aux yeux de ses opposants, représentait la négation même des principes démocratiques.


[Autres traductions françaises: sur la BCS / sur la Toile]


[Déposé sur la Toile le22 octobre 2008]

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